Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a déposé une plainte contre son agent négociateur, l’Association canadienne des agents financiers (l’« ACAF »), et quatre représentants de l’ACAF en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique – le plaignant a allégué que l’ACAF avait manqué à son devoir de représentation équitable concernant la suppression de son poste, en refusant de conclure une entente intersyndicale ainsi qu’en refusant de lui fournir une représentation concernant sa suspension – les défendeurs ont déposé une requête de non-lieu au motif qu’il n’y avait aucune possibilité raisonnable que le plaignant ait gain de cause – la formation de la Commission a jugé qu’il s’agissait d’une situation appropriée pour l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’examiner la requête en non-lieu – le plaignant n’a pas réussi à établir une preuve prima facie du bien-fondé de sa plainte – aucun élément de preuve crédible ni convaincant n’a été présenté pour soutenir une allégation de conduite arbitraire, de mauvaise foi ou discriminatoire de la part des défendeurs.Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-04-04
  • Dossier:  561-02-677
  • Référence:  2016 CRTEFP 28

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

STÉPHANE GARIÉPY

plaignant

et

ASSOCIATION CANADIENNE DES AGENTS FINANCIERS,
MILT ISAACS, DANIELLE VIEL, SCOTT CHAMBERLAIN ET NICOLAS BRUNETTE-D’SOUZA

Défendeurs

Répertorié
Gariépy c. Association canadienne des agents financiers


Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique


Devant:
Stephan J. Bertrand, une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique
Pour le plaignant:
Lui-même
Pour les défendeurs:
Phillip Hunt et Jennifer M. Duff, avocats
Affaire entendue à Montréal (Québec),
les 20 et 21 janvier 2015, le 30 mars 2015 et le 1er avril 2015.
(Arguments écrits déposés le 27 avril 2015, 19 mai 2015 et le 25 mai 2015.)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Plainte devant la Commission

1        Le 24 mars 2014, Stéphane Gariépy (le « plaignant ») a déposé une plainte contre l’Association canadienne des agents financiers (l’« ACAF »), Milt Isaacs, président de l’ACAF, Danielle Viel, conseillère en relations de travail de l’ACAF, Scott Chamberlain, directeur des relations de travail et avocat général de l’ACAF, et Nicolas Brunette-D’Souza, conseiller en relations de travail de l’ACAF (ci-après les « défendeurs »). La plainte est datée du 19 mars 2014, mais elle a été reçue et estampillée par la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») le 24 mars 2014. Le 2 avril 2014, le plaignant a déposé un formulaire de renseignements additionnels afin d’apporter des précisions au sujet de sa plainte. Bien qu’il soit difficile de cerner précisément la nature de la plainte à partir de ces documents, le plaignant semble alléguer que les défendeurs ont manqué à leur devoir de représentation équitable de trois façons. Tout d’abord, en lui fournissant une représentation superficielle relativement à la suppression de son poste en septembre 2013, et en lien avec deux griefs portant sur la Directive sur le réaménagement des effectifs (la « DRE ») du Conseil national mixte. Deuxièmement, en refusant de conclure une entente intersyndicale en décembre 2013 et en mars 2014. Troisièmement, en refusant de lui fournir une représentation concernant sa suspension de février 2014.

2        La plainte a été déposée en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), qui se lit comme suit :

190 (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

3        L’article 185 de la Loi définit une pratique déloyale de travail comme étant tout ce qui est interdit par le paragraphe 186(1) ou (2), l’article 187 ou 188, ou le paragraphe 189(1) de la Loi. La disposition de la Loi visée par l’article 185 qui s’applique à la présente plainte est l’article 187, qui se lit comme suit :

187 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

4        L’article 187 a été essentiellement adopté afin d’astreindre les organisations syndicales et leurs représentants à un devoir de représentation équitable. Selon le plaignant, en raison des motifs énoncés ci-dessus, les défendeurs ont manqué à leur devoir de représentation équitable à son égard.

5        En début d’audience, j’ai rappelé aux parties que conformément au paragraphe 190(2) de la Loi, les plaintes doivent être déposées à l’intérieur d’un délai auquel on ne peut déroger.

6        Selon le paragraphe 190(2) de la Loi, une plainte ne peut être déposée au-delà d’un délai de 90 jours suivant la date à laquelle le plaignant a eu, ou aurait dû avoir, connaissance des mesures ou des circonstances y donnant lieu. Par conséquent, l’élément déclencheur d’une violation alléguée par un plaignant doit avoir eu lieu dans les 90 jours précédant le dépôt de la plainte. En l’espèce, la date butoir serait le 24 décembre 2013. Quoi qu’il en soit, j’ai tout de même indiqué aux parties que j’étais disposé à considérer des éléments de preuve relativement à des mesures ou des circonstances qui ont eu lieu en dehors de la période de 90 jours afin d'obtenirune appréciationglobale et contextuelle de l'ensemble de la preuve, dans la mesure où ces éléments de preuve sont pertinents.

7        À la suite de la présentation de la preuve du plaignant, les défendeurs ont présenté une requête de non-lieu au motif que le plaignant n’avait pas réussi à établir une preuve prima facie du bien-fondé de sa plainte, soit que les défendeurs avaient agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi, contrairement à l’article 187 de la Loi. Pour les motifs qui suivent, j’accueille la requête des défendeurs.

8        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la «Commission»), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l'article 393 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013.

I. Résumé de la preuve

9        Le plaignant a indiqué qu’il occupait un poste d’analyste principal des comptes débiteurs, au ministère de la Défense nationale (le « Ministère » ou l’« employeur »), depuis novembre 2008. Il était classifié au groupe et niveau FI-02. En février 2011, il a été muté à la division du Ministère connu sous le nom de Secteur du Québec de la Force Terrestre (la « SQFT »).

10        À partir de novembre 2011, le plaignant a remarqué qu’on lui attribuait de moins en moins de responsabilités et qu’il n’avait souvent rien à faire. En janvier 2012, après certaines démarches de sa part, il a été muté à une autre division.

11        En janvier 2013, le plaignant a débuté un long congé de maladie, dont la cause n’était pas liée à son travail. En avril 2013, alors qu’il était toujours en congé de maladie, il a été avisé que plusieurs postes de la SQFT avaient été supprimés, dont le sien. Compte tenu de son état de santé, le plaignant n’a pas donné suite à cet avis à l’époque en question.

12        Le plaignant a effectué un retour au travail en septembre 2013. Il a alors été informé qu’il faisait l’objet d’un préavis de 16 mois, à l’intérieur duquel il devait tenter de se trouver un nouveau poste dans un autre ministère. Selon le plaignant, son nom a alors été inscrit sur une liste de priorité en vertu de la DRE, c’est-à-dire qu’il est devenu bénéficiaire d’un droit de priorité de nomination dans le cadre des processus de nomination dans la fonction publique et, par conséquent, il était en droit de recevoir une offre d’emploi raisonnable du Ministère.

13        Durant les mois qui ont suivi, le plaignant a tenté de faire reconnaitre son statut prioritaire auprès du Ministère à l’égard de deux processus de nomination, sans succès. Selon lui, les critères d’évaluation utilisés par le Ministère contrevenaient à la DRE et le Ministère refusait de l’admettre. Bien que le plaignant ait consulté l’ACAF à plusieurs reprises à cette époque, celle-ci n’était pas disposée à le représenter, tel qu’en témoigne un courriel du 4 novembre 2013, de Danielle Lafleur de l’ACAF (pièce P-7), et la réponse du plaignant, en date du 9 décembre 2013 (pièce P-8). Il appert de la preuve que le plaignant et les conseillers en relations de travail de l’ACAF ne s’entendaient pas sur l’interprétation à donner aux différentes dispositions de la DRE qui s’appliquait en l’espèce, et que le plaignant cherchait à se faire représenter par un autre agent négociateur par le biais d’une entente intersyndicale.

14        Le plaignant a indiqué qu’il avait contacté M. Isaacs, le 13 décembre 2013, et que ce dernier avait convenu de conclure une entente intersyndicale avec l’Union des employés de la Défense nationale (l’« UEDN »). Le plaignant a ajouté qu’il avait réitéré les termes de cette entente dans une lettre du 16 décembre 2013, adressée à l’UEDN (pièce P-5). J’ai noté que la lettre en question n’était pas signée, qu’elle ne contenait pas l’adresse postale de l’UEDN et qu’elle n’était pas adressée à l’attention d’un officier particulier de l’UEDN. De plus, aucune preuve de la livraison ou de la réception de cette correspondance n’a été présentée, et ni M. Isaacs ni l’ACAF n’ont été copiés sur cette correspondance.

15        Dans un courriel du 17 décembre 2013, envoyé au président de l’UEDN, John MacLennan, le plaignant a demandé à être représenté par l’UEDN, moyennant certaines modifications aux modalités figurant dans sa lettre du 16 décembre 2013. M. MacLennan a répondu le 18 décembre 2013. Il a dit au plaignant que l’UEDN ne le représenterait pas et qu’il était sûr que l’ACAF était en mesure de lui fournir une représentation adéquate dans les circonstances (pièce P-6).

16        Le 20 décembre 2013, le plaignant a déposé un grief concernant un processus de nomination auquel il avait participé, alléguant que les dispositions de la DRE le concernant n’avaient pas été respectées. Le plaignant s’est représenté lui-même dans le cadre de ce grief puisque, selon lui, l’ACAF ne partageait pas sa position quant à la nature et la portée des avantages ou des bénéfices accordés en vertu de la DRE.

17        Le 23 janvier 2014, le plaignant a déposé un second grief concernant un autre processus de nomination auquel il avait participé, alléguant que les dispositions de la DRE le concernant n’avaient pas été respectées. Il a ajouté que de fausses allégations de harcèlement avaient été faites à son égard dans le but d’assurer le rejet de sa candidature dans ce processus et que l’intervention de la police militaire avait été nécessaire. Le plaignant s’est également représenté lui-même dans le cadre de ce grief.

18        Le 24 janvier 2014, le plaignant a reçu un long courriel de M. Brunette-D’Souza dans lequel ce dernier a fourni des explications détaillées sur les positions de l’ACAF quant aux dispositions pertinentes de la DRE. Dans son courriel, M. Brunette-D’Souza a également demandé au plaignant d’effectuer certains suivis, et il lui a fourni des recommandations relativement aux processus de nomination en cours. Enfin, M. Brunette-D’Souza a exprimé la volonté de continuer de représenter le plaignant (la pièce P-9).

19        Selon un échange de courriel du 27 janvier 2013, entre le plaignant et M. Brunette-D’Souza, le plaignant a continué de refuser la représentation de l’ACAF, n’était pas d’accord avec les conseils juridiques de M. Brunette-D’Souza et n’a pas fourni les documents demandés par M. Brunette-D’Souza. Il ressort également de cet échange de courriels que l’ACAF a continué de fournir au plaignant des explications détaillées et la possibilité de bénéficier de son soutien et de sa représentation. Selon le plaignant, l’ACAF et lui-même avaient des positions divergentes et il n’était tout simplement pas disposé à considérer les positions erronées de M. Brunette-D’Souza(pièce P-10).

20        Cette situation précaire a éventuellement mal tourné. Dans un courriel du 15 janvier 2014, adressé à M. Isaacs, le plaignant a présenté bon nombre de doléances concernant des allégations d’inconduite de la part des défendeurs et il a menacé ces derniers de les « traduire devant le Conseil Canadien des Relations Industriel [sic] » à défaut de lui accorder certaines mesures correctives (pièce P-12). M. Isaacs a laissé aux avocats de l’ACAF le soin de répondre au courriel (pièce P-14). Ces derniers ont fourni au plaignant un long récit reprenant les nombreux efforts déployés par les défendeurs jusqu’à ce moment, ainsi que les normes rationnelles et objectives qu’ils avaient appliquées dans leurs tentatives d’assister le plaignant. Nonobstant les déclarations du plaignant dans son courriel du 15 janvier 2013, l’ACAF a continué de lui offrir ses services (pièces P-9 et P-10). Le plaignant a toutefois continué de refuser de se prévaloir de leurs services.

21        Le 13 février 2014, le plaignant a une fois de plus reçu une lettre des avocats de l’ACAF au sujet d’un courriel anonyme prétendument diffamatoire, dont on le croyait être l’auteur. Ceux-ci ont exigé une rétractation et des excuses de la part du plaignant; ils n’en ont jamais reçu. Le 26 février, les défendeurs ont déposé une poursuite en diffamation contre le plaignant. Le même jour, le plaignant a fait l’objet d’un arrêt de travail forcé par le Ministère parce qu’il aurait proféré des propos menaçants à l’égard d’une représentante de la compagnie d’assurance Sun Life qui ont éventuellement engendré des procédures pénales. Une évaluation de l’aptitude au travail du plaignant a alors été demandée par le Ministère.

22        Le 3 mars 2014, le plaignant a reçu un courriel de Mme Viel l’informant que malgré le conflit entre les parties, l’ACAF était toujours disposé à lui offrir une représentation à l’égard de la suspension imposée par le Ministère le 26 février 2014, moyennant les conditions suivantes :

1. que vous avez lu la déclaration ci-jointe et que vous avez eu l’occasion de solliciter un avis juridique indépendant (à vos propres frais) à l’égard de notre représentation dans ces circonstances;

2. que vous reconnaissez qu’il existe un conflit d’intérêts entre vous et l’ACAF;

3. que, n’eût été ce qui précède, vous demander d’être représenté par l’ACAF quant à votre renvoi du travail par l’employeur le 26 février 2014;

4. que vous allez respecter les conditions de représentation qui vous ont été communiquées par lettres d’avocat, la plus récente étant en date du 22 janvier 2014;

5. et que vous nous donnez permission de communiquer avec l’employeur dans le cadre de ce dossier.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

23        Le plaignant a répondu à Mme Viel le 5 mars 2014. Dans son courriel, il n’a pas adressé les cinq conditions de façon claire et précise. Il a plutôt choisi d’imposer ses propres conditions, notamment qu’on communique avec lui par téléphone et non par courriel (pièce P-19). À cette époque, le plaignant tentait toujours de convaincre l’ACAF de conclure une entente intersyndicale avec l’UEDN afin de permettre ledit syndicat de le représenter.

24        Le 6 mars 2014, Mme Viel a rappelé au plaignant que l’ACAF n’entamerait aucune démarche dans son dossier jusqu’à ce qu’il confirme qu’il souhaite être représenté par l’ACAF. Elle a ajouté que leurs échanges se feraient par écrit afin d’éviter tout malentendu. Le même jour, M. Isaacs a avisé M. MacLennan que l’ACAF ne conclurait pas d’entente intersyndicale avec l’UEDN et qu’elle adresserait les besoins du plaignant.

25        Dans un courriel du 18 mars 2014, le plaignant a exprimé son opposition à communiquer par courriel et a demandé à Mme Viel de reconsidérer sa position. Le 19 mars 2014, Mme Viel a tenté de rassurer le plaignant en lui indiquant qu’elle traitait fréquemment des dossiers semblables au sien, qu’elle procédait presque exclusivement par courriel avec tous ses membres et que le dossier du plaignant pouvait être adressé efficacement à distance. Le plaignant n’a pas répondu à ce courriel du 19 mars 2014. Il a rédigé et signé sa plainte ce même jour. Tel qu’il est indiqué au premier paragraphe, la plainte a été reçue par la Commission le 24 mars 2014.

26        En contre-interrogatoire, le plaignant a confirmé les faits suivants :

(i)       qu’il a connu des problèmes de représentation similaires en novembre 2011, et qu’il a été averti le 7 décembre 2011, par écrit, que sa conduite (par exemple accuser les conseillers en relations de travail de l’ACAF d’agir de mauvaise foi, de façon négligente et par vengeance, refuser de suivre leurs conseils, avoir des exigences de rappel déraisonnables, proférer des menaces, accuser un conseiller en relations de travail d’avoir menti à l’employeur dans l’exercice de ses fonctions, etc.) était inacceptable et que bien que l’ACAF s’engageait à continuer de lui offrir une représentation, la tolérance zéro serait appliquée à partir de ce moment (pièce D-4);

(ii)      qu’il n’a pas répondu à la lettre de l’ACAF du 7 décembre 2011;

(iii)     que le 27 mai 2013, le Ministère l’a informé que ses services ne seraient peut-être plus requis et qu’on lui accordait le statut d’employé touché;

(iv)     que le 3 octobre 2013, le Ministère l’a informé que ses services n’étaient plus requis et qu’il devait, en vertu de la DRE, effectuer un choix entre trois options (pièce D-5);

(v)      qu’il a consulté Mme Viel peu de temps après et que celle-ci lui a fourni des renseignements et des conseils dès le 17 octobre 2013 (pièce D-6);

(vi)      qu’il était d’avis que les positions avancées par le Ministère, Mme Viel ou l’ACAF concernant ses droits quant à certains processus de dotation étaient erronées;

(vii)     qu’il a indiqué à Mme Viel qu’il ne lui permettait pas de communiquer avec le Ministère sans son autorisation préalable, et qu’il ne voulait pas que l’ACAF le représente dans ce dossier; il préférait qu’un autre agent négociateur le représente;

(viii)      que Mme Viel, dans son courriel du 3 décembre 2013, lui a offert de le rencontrer le lendemain, soit le 4 décembre 2013, afin de discuter de son dossier et qu’il ne l’a pas contacté afin de fixer un rendez-vous; il lui a plutôt répondu par courriel le 9 décembre 2013;

(ix)     que dans son courriel du 15 janvier 2014, il a une fois de plus fait certaines accusations sérieuses à l’endroit de Mme Viel, de M. Chamberlain et de M. Isaacs (par exemple, il les a accusé de négligence grave dans la défense de ses intérêts, d’agir de façon arbitraire et discriminatoire, de faire preuve d’une attitude superficielle, de tout faire pour nuire à son dossier, d’agir de mauvaise foi, d’adopter un comportement trompeur, de mentir et de faire preuve de malhonnêteté) et qu’il a insisté pour être représenté par un autre agent négociateur;

(x)    que nonobstant le contenu de son courriel du 15 janvier 2014, l’ACAF a continué d’être disposé à lui offrir une représentation, moyennant certaines conditions, comme la transmission de certains documents clés (pièce P-14);

(xi)   que le 24 janvier 2014, il a discuté à deux reprises avec M. Brunette-D’Souza et que ce dernier lui a envoyé un long courriel, le même jour, dans lequel il lui a demandé certains documents, fourni des renseignements et des conseils, et donné la position de l’ACAF quant aux griefs sur la DRE (pièce P-9);

(xii)     que les transcriptions de deux messages téléphoniques qu’il a laissés à M. Brunette-D’Souza, le 24 janvier 2014, reflètent fidèlement les messages en question (pièces D-9 et D-11);

(xiii)      que le 30 janvier 2014, M. Brunette-D’Souza a continué de lui demander des documents afin d’être en mesure de réévaluer la position de l’ACAF;

27        Le plaignant a fait témoigner Philippe Turcq, vice-président, région du Québec, de l’UEDN. Son témoignage a été très succinct. Essentiellement, M. Turcq a indiqué qu’il avait discuté d’une entente intersyndicale avec le plaignant à quelques reprises entre les mois de novembre 2013 et février 2014. Il a dit qu’il était favorable à une telle entente et qu’il en avait discuté avec M. MacLennan, mais que ce dernier avait refusé de conclure une telle entente en décembre 2013 craignant des poursuites judiciaires de la part du plaignant advenant un résultat défavorable. M. Turcq a également dit que la deuxième tentative de conclure une telle entente avait échoué à cause du refus de M. Isaacs, en mars 2014. M. Turcq a précisé qu’il n’avait jamais pris part aux discussions entre M. MacLennan et M. Isaacs et qu’il n’avait jamais eu le mandat ou l’autorité de rédiger ou de conclure une telle entente. Les défendeurs n’ont pas contre-interrogé M. Turcq.

28        Tel qu’il est indiqué ci-dessus, les défendeurs ont présenté une requête de non-lieu à la suite de la fermeture de la preuve du plaignant. Cette requête se fonde sur le fait que le plaignant n’a pas réussi à établir une preuve prima facie (à première vue) du bien-fondé de sa plainte, soit que les défendeurs ont agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi, contrairement à l’article 187 de la Loi. Le plaignant n’était pas disposé à répondre à cette requête à l’audience. Par souci d’équité, j’ai demandé aux parties de déposer des représentations écrites concernant la requête de non-lieu.

29        Il est à noter qu’avant de suspendre l’audience, j’ai invité le plaignant à réfléchir à la possibilité de produire une preuve supplémentaire susceptible d’étayer sa cause. Je lui ai également mentionné que s’il avait l’intention de produire une telle preuve, il serait tenu de le faire avant le dépôt des représentations écrites des défendeurs sur la requête de non-lieu. J’ai également rappelé au plaignant que si la requête de non-lieu était accueillie, cela mettrait fin à l’audience et que, par conséquent, il n’aurait plus l’occasion de produire des éléments de preuve supplémentaires à une date ultérieure.

I. Résumé de l’argumentation

A. Pour les défendeurs

30        Les défendeurs ont fait valoir que le plaignant, après avoir eu une opportunité équitable de se faire entendre et de présenter sa preuve, n’a pas établi une preuve prima facie du bien-fondé de sa plainte. Selon eux, la preuve est insatisfaisante ou peu fiable et le plaignant ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait. Selon eux, il n’existe aucune possibilité raisonnable que le plaignant obtienne gain de cause.

31        Quant à la procédure applicable et à la justification d’une demande de non-lieu, les défendeurs m’ont renvoyé à Martel c. Labourers’ International Union of North America, Local 493, [1996] O.L.R.D. No 1119, Saskatchewan Government and General Employees’ Union v. Mitchell’s Gourmet Foods Inc., [1999] Sask. L.R.B.R. 577, et White v. Canadian Union of Shingles & Allied Workers, 1996 CanLII 11216 (ON LRB). Au paragraphe 21 de White, la Commission des relations de travail de l’Ontario a statué :

                    [Traduction]

La démarche de la Commission à cet égard n’est pas incompatible avec l’équité ou la justice naturelle. Une demande ou une plainte qui semble n’aller nulle part devrait être abandonnée, à moins qu’on ne puisse persuader la Commission que, nonobstant les apparences, il existe une possibilité réelle que le requérant/plaignant obtienne gain de cause, particulièrement en période de rareté des ressources et dans les cas où la Commission n’a pas le pouvoir d’imposer des frais et dépens qui permettraient de dédommager en conséquence une partie intimée dans une cause stérile […] Le fait que la Commission instruise ou invite une requête de type non-lieu sans choix ne signifie pas qu’elle a déjà tranché le litige, mais bien qu’elle craint qu’une partie à qui le fardeau de la preuve incombe pour une question concluante pour la demande ou la plainte dont la Commission est saisie, et qui a terminé sa preuve, n’ait pas établi de cause prima facie à cet effet et que la Commission veut entendre les plaidoyers des parties à cet égard. De fait, une partie qui se trouve en position de répliquer à une telle requête doit « justifier » pourquoi la procédure devrait se poursuivre ou, plus précisément, pourquoi la cause ne devrait pas être rejetée. À cet égard, je fais remarquer que la Commission instruira ou invitera une telle requête uniquement dans le cas où la partie à qui le fardeau de la preuve incombe dans l’affaire dont la Commission est saisie (ou une question concluante pour cette affaire) a eu une possibilité de produire une preuve. Il n’y a rien d’étonnant à ce que la Commission se livre à une évaluation constante de la preuve dans l’affaire dont elle est saisie au fur et à mesure que la procédure progresse. À vrai dire, c’est là quelque chose que la Commission doit faire pour pouvoir tenir des audiences adéquatement. Après avoir procédé à une telle évaluation et y avoir appliqué son expertise en matière de relations de travail, la Commission est en mesure d’instruire ou d’inviter une requête de type non-lieu lorsqu’une partie à qui le fardeau de la preuve incombe a terminé sa preuve. […]

32        Les défendeurs m’ont rappelé que la preuve du plaignant avait clairement établi que celui-ci ne voulait pas être représenté par l’ACAF et qu’il avait souligné à maintes reprises que l’ACAF ne devait pas communiquer avec l’employeur en son nom. Les défendeurs m’ont plus particulièrement renvoyé au courriel du plaignant à M. Isaacs, en date du 27 janvier 2014.

33        Les défendeurs ont ajouté que le refus constant du plaignant d’accepter la représentation de l’ACAF contrastait fortement avec la volonté de celle-ci de le représenter. Cette volonté de continuer de représenter le plaignant est, selon les défendeurs, omniprésente dans une grande partie de la correspondance, incluant le courriel de l’ACAF au plaignant en date du 5 mars 2014.

34        Les défendeurs ont également fait valoir qu’une affirmation selon laquelle la représentation était superficielle n’est pas suffisante pour fonder une allégation qu’il y a eu violation de l’article 187 de la Loi. La preuve du plaignant n’a aucunement démontré de la négligence grave ou de la mauvaise foi de la part des défendeurs. Au contraire, il a été démontré que des conseils clairs et conséquents avaient été donnés au plaignant concernant les griefs sur la DRE.

35        Les défendeurs ont fait valoir que les allégations du plaignant, selon lesquelles les conseillers en relations de travail de l’ACAF connaissaient et comprenaient moins bien que lui le processus de placement des employés visés par la DRE, ne pouvaient constituer un fondement permettant de conclure qu’il y avait eu violation de la Loi en l’espèce. Selon les défendeurs, la jurisprudence applicablestipule clairement que le fait que les parties n’adoptent pas les mêmes positions dans un litige ne constitue pas un défaut de représentation ou une violation de la Loi. À l’appui de cet argument, ils m’ont renvoyé à Cousineau c. Walker et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2013 CRTFP 68.

36        Les défendeurs ont également fait valoir que le plaignant avait été incapable d’établir un droit légal ou autre en ce qui concerne l’entente intersyndicale. Selon les défendeurs, cela découle en partie du pouvoir exclusif et de la responsabilité correspondante des agents négociateurs d’offrir une représentation à leurs propres membres et non pas, par définition ou exclusion, aux personnes représentées par d’autres agents négociateurs.

37        Les défendeurs m’ont rappelé que le plaignant avait réitéré, même à la suite de la suspension du 26 février 2014, qu’il n’était pas disposé à autoriser l’ACAF à contacter son employeur de quelque façon que ce soit et qu’il refusait de permettre à l’ACAF de le représenter. Selon eux, le plaignant ne peut donc pas déclarer que l’ACAF s’est rendue coupable d’un défaut de représentation équitable ou qu’elle a contrevenu à la Loi.

38        Les défendeurs ont fait valoir que le devoir de représentation équitable des agents négociateurs s’appliquait aux litiges portant sur des questions disciplinaires et sur l’application de la convention collective pertinente, mais qu’il ne s’appliquait pas à la représentation de leurs membres dans des procédures pénales (propos menaçants).

39        Finalement, les défendeurs m’ont rappelé que la Commission avait reçu la plainte le 24 mars 2014, et qu’aucun événement survenu au-delà de 90 jours avant cette date, c’est-à-dire avant le 24 décembre 2013, ne pouvait servir de fondement pour conclure qu’il y avait eu violation des dispositions de la Loi. Ils ont ajouté qu’il s’agissait là d’une question théorique puisque le plaignant n’avait produit aucune preuve établissant une violation de la Loi, que l’on tienne compte ou non du délai de 90 jours. Selon les défendeurs, le plaignant n’a pas établi de preuve prima facie du bien-fondé de la réparation demandée, peu importe que l’on se fonde sur la période antérieure ou postérieure au 24 décembre 2013. Les défendeurs ont demandé que j’exerce mon pouvoir d’accueillir la requête de non-lieu.

B. Pour le plaignant

40        A priori, je dois souligner qu’il m’a été difficile, voire presque impossible, de résumer les arguments du plaignant. Bien qu’il soit motivé à exprimer son mécontentement à l’égard de son agent négociateur, la plupart des arguments du plaignant, particulièrement ceux figurant aux pages 1, 2 et 7 à 16 de sa réponse écrite, ne sont pas pertinents puisqu’ils ne traitent aucunement de la requête de non-lieu.

41        Dans les passages de sa plaidoirie qui semblent aborder la question en litige, le plaignant a essentiellement tenté de faire valoir qu’il avait clairement établi, durant son témoignage et par l’entremise des pièces justificatives qu’il a déposées, que les défendeurs avaient agi de façon arbitraire, superficielle, discriminatoire et de mauvaise foi, que ce soit dans le cadre de ses griefs portant sur les postes vacants auxquels il pensait être admissible en vertu de la DRE, de sa suspension du 26 février 2014 ou de l’entente intersyndicale qu’il espérait conclure.

42        Concernant les postes à l’égard desquels il avait certains droits en vertu de la DRE, le plaignant a soutenu que l’imposition systématique de solutions vide de sens par l’ACAF et le refus de cette dernière de préconiser l’approche plus ingénieuse du plaignant équivalaient à une conduite arbitraire et superficielle.

43        Concernant la suspension du 26 février 2014, le plaignant a soutenu que le fait que l’ACAF accepte sans questionnement la position de l’employeur à ce sujet et qu’elle persiste à communiquer avec lui uniquement par courriel équivalait à de la mauvaise foi.

44        Concernant l’allégation de conduite discriminatoire de la part des défendeurs, le plaignant s’est contenté d’indiquer qu’il ne disposait pas de preuve flagrante pouvant établir que M. Chamberlain « n’aime pas les employés francophones du Québec ainsi que les employés du gouvernement fédéral qui proviennent du secteur privé. »

C. Réplique des défendeurs

45        Les défendeurs ont soutenu que, selon la jurisprudence de cette Commission, il est clairement établi que les agents négociateurs ont un pouvoir discrétionnaire considérable afin de déterminer si, et comment, fournir une représentation à leurs membres. De plus, dans la mesure où il effectue une enquête approfondie d’un grief ou d'une autre question et qu’il étudie sérieusement les questions soulevées, l’agent négociateur a rempli son devoir de représentation équitable en vertu de la Loi. Au soutien de cette position, ils m’ont renvoyé à Cox c. Vezina, 2007 CRTFP 100 et Mangat c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 52.

46        Les défendeurs m’ont également rappelé que le devoir de représentation équitable n’exigeait pas qu’un agent négociateur se conforme aux exigences des membres à titre individuel pour décider s'il devait soutenir un grief ou quelle serait son approche, et que le droit à la représentation équitable par un agent négociateur n’était pas illimité. Selon les défendeurs, tant que l’agent négociateur exerce son jugement de manière équitable et qu’il ne manifeste aucun comportement discriminatoire ou arbitraire, ce dernier est en droit de décider comment déployer ses ressources et n’est pas tenu de partager le même point de vue que ses membres. Ils m’ont renvoyé à Bahniuk c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 13, Gabris c. D'Souza et Burt, 2013 CRTFP 47 et Cousineau.

47        Les défendeurs ont fait valoir que contrairement à l’allégation du plaignant voulant qu’une communication qui se limite à des échanges de courriels entre l’agent négociateur et son membre constitue un geste de mauvaise foi, le devoir de représentation équitable ne dicte pas le mode de communication qui doit prévaloir entre un agent négociateur et un membre. Ils ont ajouté qu’il n’est pas anormal de communiquer avec un membre par courriel et ils m’ont renvoyé à plusieurs communications de l’ACAF où ses représentants demandent des informations supplémentaires au plaignant, sollicitent son consentement pour communiquer avec l'employeur et l’informent des positions de l'ACAF.

48        Finalement, les défendeurs ont soutenu que le plaignant n'avait pas réussi à établir une preuve prima facie d’un comportement discriminatoire de la part de M. Chamberlain ou de l’ACAF, étant donné la concession faite à la p. 4 de sa réponse.

IV. Motifs

49        Tel qu’il a déjà été confirmé par cette Commission, le pouvoir d’entendre une requête de non-lieu est discrétionnaire et est rattaché aux pouvoirs qu’une formation de la Commission possède pour établir ses pratiques et ses procédures. Même si ce genre de requête n’est pas souvent ou facilement accueillie, rien n’empêche une partie de recourir à cette procédure afin de soutenir que l’affaire dont est saisie la Commission n’est pas défendable et que la partie à qui incombe le fardeau de la preuve n’a pas démontré une preuve prima facie : voir Hall et Association canadienne des agents financiers c. Conseil du Trésor, 2015 CRTEFP 56 at para. 57.

50        Les défendeurs ont cité des décisions provenant de diverses commissions de relations de travail provinciales quant au test applicable à ce genre de requête, soit Martel, Saskatchewan Government and General Employees’ Union, et White. Ces décisions reprennent ce que plusieurs autres tribunaux ont maintes fois confirmé, c’est-à-dire que lors d’une requête de non-lieu, la question est de savoir s’il existe une preuve qui, en lui accordant le maximum de poids, établit une inférence raisonnable dans l’intérêt du plaignant ou y donne lieu. Dans le cas où un plaignant ne parvient pas à produire une preuve suffisante pour étayer ses allégations, il est alors juste et équitable de mettre un terme à la plainte sans obliger la partie défenderesse à engager des frais inutiles pour monter une défense à l’encontre d’une plainte non fondée. De fait, la requête de non-lieu n’est rien de plus qu’une requête d’abandon de procédure pour absence de preuve.

51        Selon moi il s’agit en l’espèce d’une situation appropriée pour l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’examiner la requête en non-lieu des défendeurs étant donné que plusieurs jours d’audiences supplémentaires sont prévus, ce qui entraineraient des dépenses importantes pour les parties. Le test approprié dans les circonstances est le suivant : s’il n’existe pas de possibilité raisonnable que la partie intimée dans la requête, c’est-à-dire le plaignant, ait gain de cause une fois la présentation de sa preuve terminée et qu’il a eu une juste opportunité de le faire, il y a lieu de mettre fin à la procédure. Une plainte qui semble n’aller nulle part doit être abandonnée voir White aux paras 25 et 33.

52        Dans sa réponse à la requête de non-lieu, le plaignant n’a présenté aucun élément de preuve convaincant, aucun fait pertinent et aucune question de droit qui justifierait la poursuite de cette procédure. Ses arguments sont constitués de maintes reproches à l’égard de Me Hunt, qui sont à la fois faux et sans fondement, ainsi qu’à mon égard, et de déclarations selon lesquelles les positions avancées par l’ACAF étaient erronées et que l’ACAF refusait de le représenter ou de le « libérer », quoi que cela puisse signifier en l’espèce.

53        Selon le plaignant, on ne pouvait lui imposer une position avec laquelle il n’était pas d’accord. Il s’agissait, selon lui, d’un flagrant défaut de représentation. Cette perception du plaignant n’est toutefois pas appuyée par la jurisprudence à cet égard. Cette Commission a confirmé à maintes reprises qu’un agent négociateur n’a pas l’obligation de faire progresser le grief d’un de ses membres jusqu’à ce que celui-ci obtienne la réponse qui lui est satisfaisante (voir Gabris c. D’Souza et Burt, 2013 CRTFP 47, au paragraphe 27 et Mangat c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 13, au paragraphe 44). Ni la Loi, ni les décisions de cette Commission n’imposent une telle obligation à un agent négociateur.

54        Je suis incapable de souscrire à l’argument du plaignant voulant que l’ACAF lui imposait systématiquement des solutions vides de sens quant à la portée ou à la signification à donner aux dispositions de la DRE. Ce n’est pas ce que la preuve a établi. La preuve documentaire a clairement démontré que les défendeurs, plus particulièrement M. Brunette-D’Souza et Mme Viel, ont mené les enquêtes nécessaires, considéré les questions soulevées, posé les bonnes questions et fourni des renseignements et des conseils raisonnables. Même en accordant le maximum de poids à la preuve du plaignant, il n’existe tout simplement aucun fondement qui étaye une conclusion voulant que l’article 187 de la Loi ait été violé au motif que le plaignant et l’ACAF avaient des opinions divergentes sur l'application ou la portée de la DRE. Les défendeurs ont rencontré leur devoir de représentation équitable dès qu’ils ont enquêté sur la question et qu’ils ont communiqué leurs conseils au plaignant. Ni la Loi ni la jurisprudence à cet égard n’appuient l’argument du plaignant selon lequel une différence d'opinions au sujet de cette question équivaut à une conduite arbitraire ou superficielle ou nécessite que l’ACAF « libère » le plaignant.

55        D’autre part, la preuve du plaignant, plus particulièrement les pièces justificatives qui ont été déposées lors de son témoignage, a clairement établi qu’il n’avait pas l’intention d’accepter la représentation que lui offrait l’ACAF. Son refus de laisser l’ACAF communiquer avec son employeur, qu’il a réitéré à maintes reprises, et de fournir les renseignements ou documents que lui demandait l’ACAF, ainsi que le fait qu’il croyait qu’il pouvait mené son grief individuel et se représenter lui-même nonobstant que, selon le paragraphe 208(4) de la Loi,un fonctionnaire ne peut présenter un grief individuel portant sur l’interprétation ou l’application d’une convention collective qu’à condition d’avoir obtenu l’approbation de l’agent négociateur et d’être représenté par cet agent, parle haut et fort de son refus d’accepter la représentation de l’ACAF. J’ai également noté que, nonobstant ces refus du plaignant et le conflit qui a surgi entre les parties en février 2014, l’ACAF a continué d’exprimer une volonté de lui offrir une représentation, moyennant certaines conditions raisonnables. Le plaignant aurait pu confirmer sa volonté de se conformer à ces conditions et d’accepter la représentation de l’ACAF, ce qu’il n’a pas fait. À la place, il a choisi de déposer cette plainte.

56        Comme l’ont laissé entendre les défendeurs, la portée du devoir de représentation équitable n’a jamais été élargie au point d’y inclure l’obligation d’un agent négociateur de conclure une entente intersyndicale afin d’autoriser un autre syndicat à représenter son membre tout en acceptant de payer les frais associés à cette représentation, lorsqu’un membre n’est pas satisfait de la représentation fournie ou qu’il refuse cette représentation. Le plaignant a été incapable de démontrer un fondement légal ou autre établissant une telle obligation ou un tel droit. La question de savoir si un agent négociateur doit ou non conclure une telle entente relève du pouvoir exclusif de l’agent négociateur.

57        Quant aux arguments du plaignant au sujet de sa suspension du 26 février 2014, j’ai conclu que celui-ci n’avait présenté aucune preuve crédible ou convaincante selon laquelle son employeur avait fabriqué de fausses accusations criminelles afin de procéder à son licenciement ou que l’ACAF avait accepté sans questionnement la position de l’employeur quant aux motifs appuyant cette suspension ou qu’elle avait refusé de le représenter dans ce dossier. Sur ce point, il convient de mentionner que je ne suis saisie d’aucun autre dossier impliquant le plaignant et que le grief contestant son licenciement a été assigné à un autre arbitre de grief de cette Commission.

58        En accordant le maximum de poids à la preuve du plaignant, il n’existe tout simplement aucun fondement permettant de conclure que l’article 187 de la Loi a été enfreint par les défendeurs, que ce soit en lien avec ses griefs portant sur la DRE, sa suspension du 26 février 2014 ou le refus de l’ACAF de conclure une entente intersyndicale en mars 2014. Le plaignant n’a présenté aucune preuve crédible ou convaincante pouvant soutenir une allégation de conduite arbitraire, empreinte de mauvaise foi ou discriminatoire de la part d’un ou de plusieurs des défendeurs, tant pendant la période pertinente ou qu’à un autre moment.

59        En prenant la preuve du plaignant au pied de la lettre, je ne peux que conclure qu’une cause prima facie n’a pas été établie en l’espèce. La preuve présentée par le plaignant est insatisfaisante et dans certains cas peu crédible. Il ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait. Puisqu’il n’existe pas de possibilité raisonnable que le plaignant ait gain de cause, je suis donc d’avis qu’il est juste et équitable de mettre un terme à cette plainte sans obliger les défendeurs à engager des frais inutiles pour monter une défense à l’encontre d’une plainte non fondée. Bref, il y a lieu de mettre fin à cette plainte qui semble n’aller nulle part.

60        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

61        La plainte est rejetée. J’ordonne la fermeture du dossier 561-02-677.

Le 4 avril 2016.

Stephan J. Bertrand,
une formation de la Commission des relations de travail
et de l'emploi dans la fonction publique

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