Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté sa suspension sans traitement en attendant la conclusion d’une enquête, ainsi que son licenciement pour des motifs disciplinaires – il était un agent correctionnel et détenait la désignation d’agent de la paix – il entretenait une relation avec une employée du Service correctionnel du Canada qui travaillait au même établissement que lui ainsi qu’à un hôpital local – sa petite amie a signalé à la police qu’il était entré de force dans sa maison, qu’il l’avait immobilisée contre le plancher et le lit, l’avait violenté verbalement, avait repris des effets personnels qu’il lui avait offert en cadeau, lui avait donné des coups de poing au bras, avait pris et utilisé son téléphone mobile, et par la suite, il l’avait suivie jusqu’à son lieu de travail à l’hôpital – quelques jours plus tard, le fonctionnaire s’estimant lésé s’est rendu à l’établissement pour y prendre son uniforme, mais il n’a pas respecté la procédure d’inscription appropriée – le lendemain, il a obtenu une note médicale et a pris un congé de maladie – plus tard dans la journée, des accusations criminelles ont été portées contre lui et il a ensuite plaidé coupable aux accusations d’entrée par effraction et de voies de fait – lorsqu’il a appris à propos de l’incident, l’employeur a suspendu sans traitement le fonctionnaire s’estimant lésé en attendant les résultats d’une enquête disciplinaire – par conséquent, à la suite des conclusions de l’enquête, l’employeur a confirmé son licenciement, lequel prenait rétroactivement effet au premier jour de sa suspension – il a soulevé une objection préliminaire à l’égard du grief lié à la suspension sans traitement, soutenant son caractère théorique et que la Commission n’avait pas compétence pour entendre l’affaire puisqu’il s’agissait d’une suspension de nature administrative – l’objection a été accueillie, et il a été conclu que le grief était théorique puisqu’il n’y avait aucune question tangible à trancher – la formation de la Commission a conclu que le récit des événements du fonctionnaire s’estimant lésé à l’égard de plusieurs questions ne satisfaisait pas au critère de la crédibilité établi dans la décision Faryna c. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 – de plus, certains éléments de preuve du fonctionnaire s’estimant lésé ont enfreint la règle établie dans Browne v. Dunn, (1893) 6 R. 67 (H.L.) – la formation de la Commission a rejeté la tentative du fonctionnaire s’estimant lésé de contester les faits liés à son plaidoyer de culpabilité, estimant qu’il s’agissait d’une contestation indirecte prohibée et un abus de procédure – son comportement a démontré qu’il éprouvait des difficultés à contrôler ses émotions, à faire preuve de bon jugement et à prendre des décisions appropriées – iI n’a pas respecté « le Code de discipline » ni « l’Énoncé des valeurs » de l’employeur, et ses actions étaient susceptibles de jeter le discrédit sur l’employeur, bien qu’il ne soit pas nécessaire de démontrer le véritable discrédit – il était coupable d’une inconduite grave – la formation de la Commission a conclu qu’il n’avait pas respecté les procédures d’inscription de l’établissement, mais la preuve a révélé qu’il s’agissait d’un manquement mineur, et le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas été licencié pour ce motif – la formation de la Commission a également conclu qu’en obtenant un congé de maladie, le plaignant avait tenté de tromper l’employeur relativement à son arrestation – il n’a jamais exprimé de remords à l’égard de ses actions. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les
Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-04-29
  • Dossier:  566-02-10050 et 10916
  • Référence:  2016 CRTEFP 36

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

Tyler Stene

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
Stene c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)


Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage


Devant:
John G. Jaworski,
une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction
publique
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Amélie Charlebois, Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (UCCO-SACC-CSN)
Pour le défendeur:
Zorica Guzina, avocate
Affaire entendue à Saskatoon (Saskatchewan),
Les 29 et 30 septembre et les 1er et 2 octobre 2015.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1        Tyler Stene, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») occupait un poste d’agent correctionnel (« CX »), au pénitencier de la Saskatchewan (l’« établissement »), à Prince Albert, en Saskatchewan. L’établissement fait partie de Service correctionnel du Canada (« SCC » ou le « défendeur ») de la région des Prairies. Le fonctionnaire était classifié CX-01.

2        Le 8 mai 2014, le fonctionnaire a été suspendu sans traitement par le défendeur, à compter du 29 mai 2014, en attendant une enquête disciplinaire. Le 12 juin 2014, le fonctionnaire a contesté la décision du défendeur de le suspendre sans traitement, au motif que la mesure était disciplinaire, excessive et injustifiée. À titre de réparation, il a demandé que la suspension soit annulée et qu’il soit remboursé les sommes perdues, y compris les primes de poste, toute possibilité d’heures supplémentaires manquée, les congés de maladie et les congés annuels accumulés, le congé pour obligations familiales et toutes les cotisations au régime de pension. Il a également demandé à être réintégré au travail à un poste quelconque ou que sa suspension soit modifiée à une suspension avec traitement.

3        Le 9 décembre 2014, le fonctionnaire a été licencié de son emploi au sein du SCC, à compter du 29 mai 2014. Le 14 janvier 2015, il a contesté la décision du défendeur de le licencier, au motif que la mesure disciplinaire n’était pas fondée, ni en fait ni en droit, qu’elle était excessive et non justifiée. À titre de réparation, il a demandé que le licenciement soit annulé, qu’il soit réintégré dans ses fonctions et qu’il soit remboursé les sommes perdues, y compris les rajustements des pensions, le Régime de pensions du Canada et toutes les prestations perdues en raison du licenciement. Subsidiairement, il a demandé que la mesure disciplinaire soit réduite. Il a invoqué tout autre droit qu’il pourrait avoir en vertu des dispositions législatives ou de la convention collective, ainsi que des dommages.

4        Le défendeur s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief d’entendre le grief déposé à l’encontre de la suspension sans traitement, aux motifs que le grief n’est pas visé par l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « LRTFP »).

5        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission »), qui remplace l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). Conformément à l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique avant le 1er novembre 2014, se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

II. Résumé de la preuve

6        Le fonctionnaire a commencé à travailler au sein de SCC en décembre 2007. Avant les incidents énoncés dans la présente décision, son dossier était exempt de mesure disciplinaire. À titre de CX, il détenait la désignation d’agent de la paix.

7        L’établissement est un pénitencier à niveaux multiples situé dans la ville de Prince Albert, en Saskatchewan. Il héberge environ 1 000 détenus à différents niveaux de sécurité et comprend environ 730 employés, dont environ 300 sont des CX. Entre 30 et 40 membres du personnel sont des femmes.

8        Depuis 2006, en plus d’être employé à titre d’agent correctionnel, le fonctionnaire était un gendarme du corps auxiliaire de la Gendarmerie royale du Canada (la « GRC »). Un gendarme auxiliaire est un policier non payé du corps de police. Il détient la désignation d’agent de la paix et, lorsqu’il est supervisé par un agent à temps plein de la GRC, il détient les mêmes pouvoirs qu’un gendarme régulier de la GRC, y compris le pouvoir d’effectuer des contrôles routiers, de donner des contraventions et d’arrêter des individus.

9        En octobre 2013 ou vers cette date, le fonctionnaire a commencé une relation avec une employée de SCC (la « petite amie »). La petite amie travaillait à l’établissement et à un hôpital local. Le licenciement du fonctionnaire découle, en grande partie, d’un incident survenu le 1er mai 2014, qui concernait la petite amie. Au moment de l’incident, lui et la petite amie étaient séparés de leurs conjoints respectifs et avaient des résidences distinctes.

10        Le témoignage oral de la petite amie et du fonctionnaire, lesquels différaient en ce qui concerne les faits saillants, à l’exception de quelques points limités, constituaient la preuve directe de ce qui s’est produit le 1er mai 2014.

11        À la demande du fonctionnaire, j’ai rendu une ordonnance d’exclusion des témoins. L’ordonnance ne s’appliquait pas au fonctionnaire, mais à tous les témoins du défendeur. Puisqu’il s’agit d’une affaire de licenciement, le défendeur a présenté ses éléments de preuve en premier et la petite amie a témoigné avant le fonctionnaire. Par conséquent, elle n’a pas entendu les témoignages précédents. Lorsqu’il a témoigné, le fonctionnaire avait entendu le témoignage de tous les témoins du défendeur, y compris celui de la petite amie. Tous les témoins du défendeur ont été interrogés par la représentante du fonctionnaire avant le témoignage de ce dernier.

12        Au moment de l’audience, Nancy Shore était la directrice adjointe des opérations de l’établissement Bowden, situé à Innisfail, en Alberta, en plus d’être la sous-directrice intérimaire du même établissement. Elle a indiqué que le 13 mai 2014, le directeur intérimaire de l’établissement, Ray Tooley, lui a demandé de mener une enquête sur la conduite du fonctionnaire, avec l’aide de Debra Tooley, une gestionnaire correctionnelle au pénitencier de Prince Albert. Elles ont achevé leur enquête et ont remis le rapport d’enquête le 25 juin 2014 (le « rapport d’enquête »).

13        Mme Shore a témoigné; M. Tooley n’a pas témoigné.

A. Événements du 30 avril et du 1er mai 2014

14        Le fonctionnaire et la petite amie ont échangé des messages texte (pièce G-1) à compter du 29 avril 2014, à 14 h 33, et ont continué d’en échanger jusqu’au matin du 30 avril 2014. En ce qui concerne les messages suivants, ceux affichés à gauche ont été envoyés par la petite amie, tandis que ceux affichés à droite ont été envoyés par le fonctionnaire.

[Traduction]

                                      Le 29 avril 2014, 14 h 33

Je t’aime et tu me manques beaucoup!!!!

                                      Le 29 avril 2014, 10 h 40

                                                          Je t’aime!!!!!

Je t’aime aussi!

                                                Tu es ma beauté!!!!

                                      Le 30 avril 2014, 9 h 38

[Photo d’une plaque à pâtisserie avec de la pâte à biscuits]

Haha je fais des biscuits.

Je me rends ensuite au gymnase.                                     

15        Tant le fonctionnaire que la petite amie ont fait valoir qu’après le message texte du 30 avril 2014, à 9 h 38, au sujet de la préparation de biscuits et du gymnase, le fonctionnaire a envoyé à la petite amie plusieurs messages texte et messages vocaux. Elle a affirmé qu’après cela, elle n’a répondu ni à ses messages texte ni à ses messages vocaux.

16        La petite amie a indiqué que le 30 avril 2014, elle a visité une amie qui travaille également à l’établissement. La durée et l’heure exactes de cette visite ne m’ont pas été communiquées. Selon la petite amie, pendant cette visite, elle a confié à son amie qu’elle estimait que le fonctionnaire était trop dominant et qu’elle devait rompre la relation. Elle a affirmé qu’elle avait décidé de couper tous les liens avec lui. Elle a aussi déclaré qu’elle avait tenté de rompre la relation à deux autres occasions et qu’elle avait peur de lui. Elle a déclaré que la première fois qu’elle a tenté de rompre la relation, en mars 2014, il avait bloqué son véhicule et il avait manifesté de la colère. Elle a indiqué qu’en avril 2014, elle avait tenté de rompre la relation une deuxième fois, par téléphone.

17        Selon la description de la petite amie, le comportement dominant du fonctionnaire faisait obstacle à sa relation avec son ex-conjoint. Elle a affirmé que le fonctionnaire se mettait en colère contre elle si elle allait chercher ses enfants et qu’elle voyait son ex-conjoint, ou si elle discutait avec ce dernier au sujet des enfants.

18        La petite amie a indiqué qu’à un moment donné, soit le 30 avril 2014 ou au cours des premières heures du 1er mai 2014 (l’heure exacte n’est pas claire), elle a quitté la maison de son amie et s’est rendue à la maison d’un ami. La petite amie a affirmé que la relation avec cet ami était une relation intime. Elle n’a pas expliqué le moment auquel la relation est devenue intime; il suffit de dire qu’elle était intime en date du 1er mai 2014.

19        Elle a indiqué que le fonctionnaire n’avait pas de clef pour sa maison, alors que le fonctionnaire a dit qu’il en avait une.

20        Selon la petite amie, elle est retournée à sa maison vers environ 3 h 45, le 1er mai 2014. Lorsqu’elle est arrivée, le fonctionnaire était dehors, assis incliné sur le siège avant de son camion. Elle a déclaré avoir couru dans sa maison, verrouillé la porte et pris une douche. Elle a dit que pendant qu’elle se douchait, elle entendait des coups; après sa douche, elle a entendu des coups provenant de sa cuisine. Après avoir quitté la salle de bain en direction du couloir, elle a rencontré le fonctionnaire. Elle a dit que le fonctionnaire avait tenté de lui donner une caresse et qu’elle l’avait repoussé. Elle lui a alors demandé s’il était entré chez elle par effraction et il lui a répondu par l’affirmative, soit par la fenêtre dans la cuisine.

21        La petite amie a indiqué qu’une discussion a eu lieu et que le fonctionnaire l’avait interrogé au sujet de ses allées et venues le soir du 30 avril et tôt le matin du 1er mai. Elle a déclaré avoir tout d’abord dit au fonctionnaire qu’elle était avec une amie. Elle a affirmé que le fonctionnaire lui avait dit qu’il était passé plusieurs fois en voiture devant la maison de son amie et que son véhicule n’y était pas. La petite amie a déclaré que lorsqu’elle a questionné le fonctionnaire à savoir comment il connaissait la maison de son amie, il lui a répondu qu’il avait demandé à un collègue à la GRC de vérifier l’adresse.

22        Elle a indiqué qu’au cours de la discussion, elle a finalement dit au fonctionnaire qu’elle avait passé une partie de la soirée et de la nuit précédente avec son amie et ensuite avec son ami. Il s’agissait de la première fois qu’elle informait le fonctionnaire de sa relation avec son ami.

23        La petite amie a ensuite raconté qu’au cours des prochaines heures, pendant la période après son retour à la maison à environ 3 h 45 et le moment qu’elle est allée au travail, soit un peu après 6 h, le fonctionnaire l’avait détenu dans sa maison. Elle a déclaré que, pendant cette période, le fonctionnaire a effectué ce qui suit :

i. il l’a immobilisée à maintes reprises contre le plancher et le lit et s’est mis à califourchon sur elle alors qu’il l’immobilisait;

ii. il a crié et hurlé et il l’a violenté verbalement en la traitant de divers noms injurieux et en utilisant des termes offensants;

iii. il lui a dit qu’elle n’irait pas travailler ce jour-là, malgré le fait qu’elle lui avait dit qu’elle devait se préparer pour le travail puisqu’elle devait travailler un quart à l’hôpital local à 7 h;

iv. il a pris de son bureau un collier et une montre qu’il lui avait donnés en cadeaux;

v. il lui a donné des coups de poing au bras avec suffisamment de force pour que sa montre lui coupe le bras et saigne sur ses vêtements;

vi. il a pris son téléphone mobile et a commencé à communiquer son ami lorsque ce dernier a envoyé un message texte à la petite amie;

vii. il a répondu au téléphone mobile de la petite amie et il a discuté avec son ami;

viii. il a conservé le téléphone mobile de la petite amie pendant tout le temps qu’il était dans sa maison et il l’a apporté lorsqu’il est parti;

ix. il a examiné les données et les photos du téléphone mobile de la petite amie;

x. il l’a acculé au pied du mur dans sa chambre à coucher et, dans son propre espace personnel, l’a assujetti à des gestes et des comportements obscènes à l’aide de différentes parties de son corps;

xi. il a pris des fleurs mortes de la poubelle et les a répandus partout dans sa chambre à coucher.

24        Au cours de son interrogatoire principal, la petite amie a été questionnée à savoir si, pendant cette rencontre, elle avait demandé au fonctionnaire de rester dans sa maison, ce à quoi elle a répondu « non ».

25        La petite amie a indiqué qu’elle a réussi à s’habiller pour aller travailler. Elle et le fonctionnaire ont quitté la maison en même temps. À l’extérieur de sa maison, lorsqu’elle a tenté d’entrer dans sa voiture, le fonctionnaire a tenté à maintes reprises de l’empêcher de fermer sa porte et de partir, et il a continué de crier et de lui hurler des injures. Une fois qu’elle est partie, il l’a suivi à son lieu de travail et il a brûlé un feu rouge pour pouvoir continuer de la suivre. Selon la petite amie, le fonctionnaire l’a suivi dans le parc de stationnement de l’hôpital. Lorsqu’elle est sortie de son automobile et pour se diriger vers son lieu de travail, il a continué de crier et de la traiter de noms offensants.

26        La petite amie a indiqué avoir téléphoné au fonctionnaire à partir de son lieu de travail et lui avoir laissé un message lui demandant de lui retourner son téléphone mobile puisqu’il s’agissait de son seul téléphone et de son seul moyen de communication.

27        Elle a affirmé qu’au cours de la matinée et jusqu’à l’après-midi du 1er mai 2014, le fonctionnaire est retourné au parc de stationnement à son lieu de travail pour l’accoster; il a continué d’être abusif à son égard. À un moment donné pendant l’après-midi du 1er mai 2014, le fonctionnaire est retourné au parc de stationnement de l’hôpital, il a déverrouillé le véhicule de la petite amie et il a retourné certains de ses articles. Un des articles retournés était son téléphone mobile, duquel il avait supprimé les photos et les données. Un autre article était un ours en peluche qu’il lui avait donné en cadeau et il l’avait coupé et déchiré.

28        Tout au long de son témoignage, la petite amie éprouvait de la difficulté à parler et, parfois, à respirer. Elle semblait trembler de manière incontrôlable.

29        En contre-interrogatoire, elle a été interrogée au sujet des messages texte des 29 et 30 avril 2014, et elle a admis les avoir reçus et les avoir envoyés au fonctionnaire. Elle a confirmé qu’à ce moment-là, elle n’avait pas cessé de communiquer avec lui.

30        En contre-interrogatoire, elle a également été interrogée quant à la raison pour laquelle elle a couru dans la maison lorsqu’elle est arrivée chez elle le matin du 1er mai 2014, et elle a répondu qu’elle avait eu peur. À la question de savoir si le fonctionnaire avait fait preuve de violence envers elle, elle a répondu qu’il l’avait bousculée dans le passé.

31        Toujours en contre-interrogatoire, à la question de savoir pourquoi elle n’a pas téléphoné pour demander de l’aide lorsqu’elle a trouvé le fonctionnaire dans sa maison, elle a indiqué qu’elle n’avait qu’un téléphone mobile et qu’elle l’avait laissé dans sa chambre à coucher au moment de prendre sa douche. Une fois qu’elle est entrée dans sa chambre à coucher, le fonctionnaire était avec elle et avait pris son téléphone.

32        Le fonctionnaire a indiqué que le 30 avril 2014, il avait travaillé le quart du soir qui s’est terminé à 23 h, et qu’il avait convenu au préalable avec la petite amie de la rencontrer chez elle à la fin de son quart. Aucune question relative à cette rencontre prévue au préalable n’a été posée à la petite amie pendant son contre-interrogatoire.

33        Le fonctionnaire a indiqué qu’après son quart, vers 23 h 30 ou minuit, il est arrivé à la maison de sa petite amie. Il a indiqué qu’il semblait n’y avoir personne à la maison. Il a déclaré avoir envoyé un message texte à sa petite amie et n’avoir reçu aucune réponse. Il a déclaré qu’au cours de la soirée ou de la nuit du 30 avril et tôt le matin du 1er mai, il avait envoyé au moins 10 messages textes à sa petite amie. Il a également déclaré qu’il l’avait appelé plusieurs fois. Sans être mesure de dire exactement combien de fois il l’avait appelé, il estime qu’il a dû le faire environ 5 fois et que, dans tous les cas, il a été renvoyé à sa boîte vocale.

34        Dans le cadre de son témoignage, la petite amie a confirmé avoir reçu plusieurs messages textes et vocaux du fonctionnaire. Elle a ajouté qu’elle n’avait pas répondu à ses messages textes et qu’elle ne l’avait pas rappelé non plus.

35        Aucune copie de ces présumés messages texte ne m’a été présentée. Aucune copie ni aucune transcription des présumés messages vocaux ne m’ont été présentées.

36        Selon le fonctionnaire, à un moment donné, après être arrivé à la maison de la petite amie à la suite de son quart du 30 avril 2014, et avant que la petite amie arrive à la maison le 1er mai, il est allé chez lui, a pris une douche et est retourné chez elle. Le fonctionnaire a affirmé avoir dit qu’il savait que la petite amie était allée chez son amie pour prendre quelques verres et qu’il était donc inquiet, mais il a déclaré ce qui suit : [traduction] « Je ne voulais pas partir parce que si je partais et qu’elle revenait alors que je n’étais pas là, elle aurait été bouleversée ».

37        Lorsque la représentante du fonctionnaire lui a demandé à quelle heure la petite amie était retournée chez elle, il a répondu qu’il n’était pas certain, mais qu’il était tard. Il a dit ce qui suit : [traduction] « J’ai supposé qu’elle était allée au bar ». Il a ensuite indiqué qu’il devait être environ 3 h ou 3 h 15. Il a indiqué ensuite que lorsque la petite amie est arrivée chez elle, ils sont tous les deux sortis de leur véhicule respectif et ils ont amorcé une discussion. Selon son témoignage, [traduction] « [la petite amie] trébuchait parce qu’elle était saoule. » Il a indiqué ensuite qu’ils sont entrés ensemble dans la maison. Lorsque sa représentante l’a interrogé quant au sujet de la discussion entre lui et la petite amie à ce moment-là, il a déclaré qu’il [traduction] « […] lui avait demandé pourquoi elle avait conduit dans cet état » et il a répété qu’elle trébuchait. Il a ensuite indiqué qu’il lui avait demandé où elle était allée.

38        La représentante du fonctionnaire l’a ensuite interrogé au sujet de son état d’esprit à ce moment-là et il a indiqué : [traduction] « J’étais inquiet, je crois, étant donné que son téléphone n’était pas allumé ou que sa pile était déchargée ». Il a dit qu’il était inquiet parce [traduction] qu’« [il] savait qu’elle était sortie pour prendre un verre et qu’[il] ne voulait pas qu’elle conduise ».

39        En contre-interrogatoire, la petite amie n’a pas été interrogée au sujet des allégations voulant qu’elle ait été saoule ou en état d’ébriété, qu’elle trébuchait lorsqu’elle est arrivée à la maison ou qu’elle a eu une discussion avec le fonctionnaire sur la raison pour laquelle elle conduisait alors qu’elle était intoxiquée.

40        La représentante du fonctionnaire a indiqué à celui-ci que la petite amie avait dit qu’elle avait tenté de rompre leur relation à deux reprises et il a répondu qu’il [traduction] « ne croyait pas que c’était arrivé ».

41        La représentante du fonctionnaire lui a demandé quand il avait commencé à douter du comportement de la petite amie et il a répondu [traduction] « immédiatement » en indiquant qu’elle [traduction] « était nerveuse et qu’elle ne [le] regardait pas dans les yeux, ce qui n’était pas conforme à son comportement habituel ».

42        La représentante du fonctionnaire a dit au fonctionnaire que, dans son témoignage, la petite amie avait déclaré qu’il lui avait dit qu’il était passé en voiture devant la maison de son amie. Il a affirmé qu’il lui avait menti à ce sujet parce qu’il savait qu’elle lui mentait.

43        Le fonctionnaire a indiqué qu’au cours de leur discussion, la petite amie a changé sa version trois ou quatre fois avant de finalement admettre qu’elle avait visité son ami. Lorsque sa représentante lui a demandé comment il avait réagi à ces renseignements, le fonctionnaire a déclaré : [traduction] « J’ai fait un petit sourire suffisant et ricané, parce que j’aurais dû me méfier; d’une part, j’étais surpris, mais d’autre part, je m’y attendais. »

44        Lorsque sa représentante lui a demandé ce qu’il souhaitait faire relativement à sa relation avec la petite amie, il a indiqué qu’il souhaitait y mettre fin. Il a indiqué que [traduction] « ses vieilles habitudes se sont présentées de nouveau et il s’agissait d’une grande déception. » Sa représentante lui a demandé d’expliquer comment la petite amie avait réagi lorsque le fonctionnaire avait rompu leur relation, et il a répondu qu’elle l’avait supplié de ne pas la laisser et qu’elle était en colère lorsqu’il lui disait qu’ils ne seraient plus un couple. Il a affirmé que la petite amie ne voulait pas qu’il la laisse parce qu’elle n’avait pas les moyens de subvenir à ses propres besoins. Il a indiqué qu’elle se mettait en colère et qu’elle était ensuite désespérée. Il a dit qu’elle lui avait déclaré ce qui suit : [traduction] « J’ai bousillé ma vie pour toi […] je vais bousiller la tienne pour toi. » En contre-interrogatoire, la petite amie n’a pas été interrogée à ce sujet.

45        Lorsque la représentante du fonctionnaire lui a demandé s’il y avait eu un contact physique entre lui et la petite amie, il a indiqué qu’elle avait tenté, à maintes reprises, de lui donner des caresses et qu’elle s’appuyait contre lui pour pleurer sur son épaule. Il a affirmé que lorsqu’elle tentait d’initier un contact, il se retirait puisqu’il était dégoûté par son comportement. Il a indiqué qu’à un moment donné, alors qu’il était couché sur son lit en fixant le plafond, elle est montée sur lui et s’est placée à califourchon, et elle a tenté de lui donner une caresse. Il s’est levé, tout comme elle, et elle a saisi ses poignets. Il a eu recours à une technique de formation, soit une diversion des coups, pour détourner ses mains des siennes, moment auquel sa montre a brisé et lui a coupé la main.

46        La représentante du fonctionnaire lui a dit que, selon le témoignage de la petite amie, il lui avait donné un coup de poing, ce à quoi le fonctionnaire a répondu qu’elle avait saisi ses poignets et qu’il avait eu recours à la diversion des coups.

47        La représentante du fonctionnaire l’a informé que, selon le témoignage de la petite amie, il l’avait traité de nom, ce à quoi il a répondu : [traduction] « Je crois que j’ai agi de manière piètre, mais étant donné qu’elle avait pris un engagement à mon endroit et qu’elle faisait maintenant preuve de promiscuité, » et étant donné qu’il était [traduction] « dégoûté de son comportement », il a affirmé qu’il lui avait [traduction] « demandé si son père serait fier de ce qu’elle avait fait » et il a dit [traduction] « Je l’ai peut-être traité de putain – Je ne sais pas. »

48        Aucune de ces allégations concernant le comportement moral douteux ou la promiscuité de la petite amie n’a été soulevée en contre-interrogatoire.

49        Lorsque la représentante du fonctionnaire lui a dit que la petite amie avait indiqué, dans son témoignage, qu’il avait pris une montre et un collier, il a affirmé qu’il avait acheté ces cadeaux dispendieux pour elle, qu’ils étaient sur sa commode et qu’elle ne les portait pas. Il les a donc pris et les a mis dans sa poche.

50        À la question de savoir comment il s’est retrouvé en possession du téléphone mobile de la petite amie, le fonctionnaire a indiqué qu’il l’avait pris et que le téléphone [traduction] « était sur le lit ou la commode, [il] ne sait pas ». Il a déclaré que deux ou trois semaines plus tôt, ils étaient allés dans le Sud et qu’il y avait des photos provocantes qu’il souhaitait supprimer. Il a ajouté en outre qu’il souhaitait supprimer ses coordonnées.

51        Le fonctionnaire a indiqué qu’à un moment donné, alors qu’il était en possession du téléphone mobile de la petite amie, l’ami de la petite amie a envoyé un message texte à la petite amie. Le fonctionnaire a admis avoir répondu aux messages texte de l’ami en lui envoyant le mot [traduction] « Pris ».

52        Une série de messages texte échangés entre la petite amie et son ami à l’aide de son téléphone mobile figure à l’annexe 21 du rapport d’enquête. Les messages ont été échangés le matin du 1er mai 2014, à compter de 5 h 31. Les messages suivants affichés à gauche ont été envoyés au moyen du téléphone mobile de la petite amie et ceux affichés à droite ont été envoyés par l’ami de la petite amie :

[Traduction]

C’est fini, mon ami, il est trop tard

C’est fini, trop tard

Trop tard, je me suis fait prendre

Quoi?

Je me suis fait prendre

À quel sujet?

Je me suis fait prendre

Prendre

De quoi parles-tu? Tu t’es fait prendre? Sérieusement

Prendre

Ok

Prendre

Aucune idée de ce que tu parles

Sérieusement, que dis-tu?

Laisse-la tranquille

Tu dois nous laisser tranquilles!!

Nous nous sommes fait prendre. Tu dois nous laisser tranquilles.

Tu ne vaux pas la perte.

K

Qui me parle à l’instant

Laisse-moi tranquille

Laisse-moi tranquille

Laisse-nous tranquilles

Laisse-nous tranquilles

Nous nous sommes fait prendre. Laisse-nous tranquilles!

Je… Qu’est-ce qui se passe? C’est encore le même gars qui m’envoie des messages n’est-ce pas?

C’est son petit ami niaiseux. Tu dois dégager!!

Perds ce numéro, fais-moi confiance! Nous te

verrons plus tard. Nous deux.

                                  Hey, je lui ai demandé si elle fréquentait quelqu’un, parce que je ne voulais pas qu’une autre personne soit concernée et elle a dit que non, que votre relation était rompue.

Ouin, ouin, belle histoire. Bien, tu t’es fait

prendre. Tu dois perdre ce numéro!!!!!

 Je ne blague pas.

                                  Ce n’est pas une histoire, demande-lui toi-même. Je ne veux aucun problème et elle a dit que tu la traquais comme un fou, peu importe, je n’ai pas besoin de cette merde, je ne vous dérangerai pas au revoir wow

Bonne idée. Nous sommes un couple, il n’y a

aucune traque!! Perds le numéro! Pour vrai

[Sic pour l’ensemble de la citation]

53        Dans son témoignage, le fonctionnaire a admis avoir échangé des messages texte avec l’ami de la petite amie pendant que le téléphone de la petite amie était en sa possession. Toutefois, il n’a pas admis avoir saisi et envoyé les messages texte précis reproduits à l’annexe 21 du rapport d’enquête, qui ont été indiqués avoir été envoyés du téléphone mobile de la petite amie. Selon les notes d’entrevue des enquêteurs de SCC figurant aux annexes 22 et 23 du rapport d’enquête, le fonctionnaire a admis pendant son entrevue avoir envoyé des messages texte à l’ami de la petite amie et l’avoir appelé. La petite amie a indiqué que le fonctionnaire était en possession de son téléphone mobile pendant cette période. Mme Shore a indiqué que les enquêteurs de SCC avaient obtenu les messages texte du téléphone mobile de la petite amie.

54        À la question de savoir pourquoi il est resté à la maison de la petite amie aussi longtemps, le fonctionnaire a déclaré : [traduction] « Nous discutions. » Lorsque sa représentante lui a demandé combien de fois la petite amie lui avait demandé de partir, le fonctionnaire a répondu ce qui suit : [traduction] « Je ne sais pas […] c’était le contraire, elle ne voulait pas que je parte. »

55        À la question de savoir ce qui s’est passé lorsque lui et la petite amie ont quitté sa maison, il a indiqué qu’il était allé à son camion et qu’elle s’était dirigée vers son automobile, elle est ensuite allée travailler et il avait l’intention de rentrer chez lui. La représentante du fonctionnaire lui a demandé si la petite amie est allée travailler intoxiquée et il a répondu [traduction] « il serait juste de dire ça ». Il a de plus déclaré qu’il n’avait pas indiqué aux enquêteurs de SCC qu’elle était intoxiquée ni qu’elle était allée au travail dans cet état. À la question de savoir pourquoi il ne leur a pas dit, il a répondu qu’ils ne lui avaient pas posé la question. Il a déclaré qu’il s’était retrouvé derrière elle par accident. Il a ensuite affirmé qu’ils s’étaient trouvés dans des voies adjacentes et qu’ils se parlaient par leurs fenêtres pendant qu’ils conduisaient. Elle lui a alors dit qu’ils [traduction] « pouvaient arranger ça » et [traduction] « Je t’appellerai plus tard ».

56        Selon le témoignage du fonctionnaire, il ne croyait pas qu’il avait suivi la petite amie au parc de stationnement de l’hôpital. Par la suite, il a vu les photos de son camion dans le rapport d’enquête et il a déclaré : [traduction] « Je suis entrée dans le parc de stationnement et nous [lui et la petite amie] devions discuter, mais elle était rentrée dans l’hôpital. »

57        Le fonctionnaire a indiqué avoir ensuite parlé à la petite amie un peu avant midi, le 1er mai 2014, puisqu’elle voulait qu’ils se rencontrent pour le déjeuner. Il a affirmé qu’il s’était rendu à l’hôpital pour la rencontrer et lui parler. Il a déclaré qu’il s’était stationné presque en face de l’endroit où elle était stationnée, qu’elle était sortie, qu’ils avaient commencé à discuter et qu’elle lui avait dit qu’elle souhaitait rectifier la situation. Il a indiqué que la conversation n’avait pas duré longtemps, environ 5 à 10 minutes, que la petite amie était choquée et contrariée, et qu’elle avait dit qu’elle ne pouvait pas faire [traduction] « cela » devant son patron (qui était apparemment aussi dans le parc de stationnement). Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait encore le téléphone mobile de la petite amie et qu’il souhaitait le lui retourner, mais qu’elle était entrée dans l’hôpital trop rapidement. Il a affirmé être entré dans l’hôpital pour le lui donner, mais qu’elle était en discussion avec ses collègues et qu’il ne voulait pas l’interrompre.

58        Selon le fonctionnaire, après leur rencontre à l’heure du déjeuner, il est retourné chez lui, a ramassé tous les articles que la petite amie avait laissés et qu’à un moment donné avant la fin de son quart, il a retourné des vêtements et des articles de toilette dans l’automobile de la petite amie. Il a indiqué que son véhicule était muni d’un code d’entrée sans clef qu’il avait écrit sur un papier et que, par conséquent, il pouvait accéder à son véhicule, ce qu’il a fait. Il a affirmé y avoir placé les articles. Il a admis qu’en outre, il avait laissé l’ourson en peluche appartenant à la petite amie, qu’il avait coupée et déchirée.

59        Ni l’amie de la petite amie ni son ami n’ont témoigné.

B. Événements survenus après le 1er mai 2014 : Enquête criminelle, accusations et déclaration de culpabilité

60        La petite amie a indiqué que le 2 mai 2014, elle s’est confiée à son amie et à son ex-conjoint au sujet des événements qui sont survenus entre elle et le fonctionnaire le 1er mai 2014. Elle a affirmé qu’à leur insistance, elle a communiqué avec le service de police de Prince Albert (le « service de police ») et leur a donné une déclaration écrite (identifiée comme étant la pièce E-1). Toutefois, elle a affirmé ne pas l’avoir réellement rédigée; son amie et son ex-conjoint l’ont fait.

61        Le gendarme Ryan Banadyga, du service de police, a indiqué que, le 2 mai 2014, il a rencontré et discuté avec la petite amie. Il a indiqué que la petite amie l’avait alors informé que le fonctionnaire l’avait agressé. Il a ajouté qu’elle lui avait remis une déclaration écrite, soit la pièce E-1. Il a affirmé qu’il l’avait invité à venir aux bureaux du service de police le lendemain afin de donner une « déclaration K.G.B. ». Ce type de déclaration est fait sous serment et est enregistré sur bandes audio et vidéo. Des accusations criminelles peuvent être portées contre une personne qui donne sciemment une fausse déclaration K.G.B.

62        Le gendarme Banadyga a affirmé que la petite amie s’était présentée le 3 mai 2014, et qu’elle avait fait, en sa présence, une déclaration K.G.B. relativement aux événements survenus le 1er mai 2014. Il a en outre souligné avoir rédigé un [traduction] « rapport d’accident », en date du 4 mai 2014, à 1 h 6 (pièce E-2, onglet 4) en se basant sur les réunions avec la petite amie, et la déclaration écrite (pièce D-1) et la déclaration K.G.B. de cette dernière.

63        Aucune copie de la déclaration K.G.B. ne m’a été présentée.

64        Le gendarme Banadyga a affirmé avoir visité la résidence de la petite amie et avoir inspecté le moustiquaire et la fenêtre de la cuisine par où, selon les allégations de la petite amie, le fonctionnaire est entré. Il a indiqué qu’il a pris des photos du dommage. Il a déclaré s’être rendu chez elle à un moment donné après le 1er mai 2014, et qu’il avait plu entre-temps et que, par conséquent, s’il y avait eu des traces de pas, elles auraient été effacées par la pluie. Aucune empreinte digitale n’a été prise près de la fenêtre. Il a affirmé que les photos étaient dans le dossier du service de police et que leur divulgation n’avait pas été autorisée. Il a confirmé que sa décision de porter des accusations d’introduction par effraction contre le fonctionnaire était fondée sur la déclaration de la petite amie et le dommage fait à la fenêtre de la cuisine. En contre-interrogatoire, la petite amie a déclaré que la fenêtre de la cuisine était située à environ six pieds au-dessus du sol.

65        Le gendarme Banadyga a déclaré que, selon les renseignements qui lui ont été fournis, il était convaincu qu’un mandat d’arrêt délivré par la cour devrait être émis pour arrêter le fonctionnaire.

66        Le fonctionnaire a déclaré qu’au cours de la fin de semaine des 3 et 4 mai 2014, il n’était pas à Prince Albert, mais à l’extérieur de la ville, et qu’il était de retour le dimanche soir.

67        Selon le fonctionnaire, le lundi 5 mai 2014, il est allé à l’établissement pour ramasser son uniforme. Il a affirmé qu’habituellement il travaillait le quart de nuit le jeudi. Toutefois, en raison des événements du 1er mai 2014, il n’était pas allé au travail et n’avait pas ramassé son uniforme, qu’il nettoyait habituellement la fin de semaine. Il a admis ne pas s’être inscrit à la réception. Il a déclaré qu’il ne savait pas qu’il devait le faire. Il a affirmé que même s’il connaissait la politique sur l’inscription à la réception, il ne s’agissait pas d’une pratique habituelle et il arrivait souvent que les membres du personnel ne s’inscrivent pas. Le fonctionnaire a indiqué qu’il devait passer par six points de contrôle avant d’arriver à l’unité où il travaillait afin de ramasser son uniforme.

68        L’annexe 30 du rapport d’enquête constitue une copie de l’ordre permanent 566-1, intitulé « Contrôle des entrées et sorties des établissements ». La clause 8 est ainsi rédigée :

                   [Traduction]

8. Après les heures normales de travail :

          a. les membres du personnel qui retournent à l’établissement doivent en préciser la raison;

          b. les membres du personnel qui retournent à l’établissement doivent remplir le Journal de visiteurs officiels (CSC/SCC 541) à leur arrivée et à leur départ;

          c. l’agent responsable doit approuver l’accès des membres du personnel;

          d. les membres du personnel qui restent dans l’établissement doivent en informer le responsable.

69        À l’annexe 14 du rapport d’enquête figure le « Journal de visiteurs officiels » de l’établissement du 5 mai 2014, à compter de 7 h, jusqu’à 12 h 45. Il y a 44 inscriptions. Des 44 inscriptions, 36 indiquent que les visiteurs proviennent du SCC, 2 proviennent de CORCAN (une entité liée à SCC) et dans la colonne [traduction] « numéro du laissez-passer », la référence de tous les 38 membres du personnel de SCC et de CORCAN est « ID ». Le nom du fonctionnaire n’y figure pas.

70        Le fonctionnaire a indiqué que le matin du mardi 6 mai 2014, il est allé consulter son médecin parce qu’il était malade. Il a indiqué que lorsque la relation entre lui et la petite amie est devenue publique au travail, ils ont été harcelés en raison du nombre important d’enfants qu’ils avaient entre eux. Il a ajouté que puisque leur relation avait été rompue en raison du [traduction] « comportement typique de [la petite amie] », il ne croyait pas qu’il était en mesure d’exercer ses fonctions à 100 %. Il a indiqué qu’il avait honte et qu’il ne voulait pas affronter la situation au travail. Il a obtenu une note de son médecin (pièce G-2), en date du 6 mai 2014, sur laquelle il y avait une mention qu’elle avait été générée par un ordinateur à 10 h 55 HNC. À la question de savoir quand il a communiqué avec l’établissement ce jour-là pour dire qu’il ne serait pas au travail pour son quart, le fonctionnaire a répondu l’avoir fait dès qu’il a quitté le bureau de son médecin, pendant qu’il était dans son camion.

71        La partie IV du rapport d’enquête est intitulée [traduction] « Exposé des faits » et comprend un tableau des renseignements classés par ordre chronologique qui compte un peu plus de deux pages et qui comprend 35 paragraphes encadrés distincts au sujet des événements du 1er mai 2014, à 3 h 45, et se terminant par une inscription du 8 mai 2014. Dans la case intitulée « 15 h », le « 6 mai 2014 », il y a une note selon laquelle le service de police a communiqué avec le bureau de l’agent de renseignements de sécurité de l’établissement pour l’informer que le fonctionnaire s’était livré lui-même à la police. Une copie des notes dactylographiées de l’entrevue de Derek Dutchak, l’agent de renseignements de sécurité qui a répondu à l’appel du service de police, figure à l’annexe 25 du rapport d’enquête, et mentionnent que [traduction] « Plus tard le même jour, vers 15 h, j’ai répondu à un appel de la police pour m’informer qu’il s’était livré lui-même à la police »,.

72        À la case intitulée « 15 h 18 » le « 6 mai 2014 » du rapport d’enquête, à la [traduction] « Partie IV – Exposé des faits » figure une inscription qui indique : [traduction] « L’agent correctionnel Stene appelle l’établissement pour prendre un congé de maladie pour ses prochains quarts, totalisant 52,5 heures. Il a informé la gestionnaire correctionnelle Hutton-Brown que le congé sera attesté par un médecin. » La gestionnaire correctionnelle Hutton-Brown a été interrogée par les enquêteurs de SCC et, selon le rapport d’enquête, elle a déclaré qu’elle était responsable de l’établissement le 6 mai 2014 et qu’elle se souvenait que le fonctionnaire avait appelé pour prendre un congé de maladie et qu’elle lui avait parlé. L’exposé des faits indique en outre qu’elle a déclaré qu’elle se souvenait avoir saisi le congé dans le « Système des horaires de travail et du déploiement » (le « SHTD ») immédiatement au moment de l’appel.

73        Une copie de l’inscription du congé de maladie du fonctionnaire dans le SHTD figure à l’annexe 12 du rapport d’enquête. Son nom et le type de congé (congé de maladie sans attestation du médecin), ainsi que la date et l’heure de la transaction, soit « 2014-05-06 15:18:26.0 » et le nom de [traduction] l’« utilisateur de transactions » soit « Hutton-Brown » figuraient sur la copie de l’inscription du congé de maladie. Les renseignements suivants : [traduction] « ce congé sera attesté », figurent à la section intitulée « commentaires ».

74        La partie V du rapport d’enquête est intitulée [traduction] « Analyse ». Le paragraphe suivant figure à la page 16 de cette partie :

[Traduction]

CX STENE offre une version des événements survenus le 6 mai 2014 qui est incompatible à celle d’autres personnes et d’autres dossiers. CX STENE affirme qu’il a consulté son médecin le matin du 6 mai 2014 et que celui-ci a attesté qu’il n’était pas en mesure de travailler ses prochains quarts. Lors de son interrogation, CX STENE a indiqué au comité qu’il avait appelé au travail après avoir consulté son médecin, donnant ainsi l’impression qu’il avait appelé avant d’avoir été informé que le service de police de Prince Albert le cherchait. Dans le ROD rédigé par l’ARS, il est indiqué que le service de police de Prince Albert s’est présenté sur les lieux à 11 h, en vue de trouver le CX STENE et, à 15 h, il a communiqué avec l’agent de renseignement de sécurité pour signaler que M. STENE avait été placé sous la garde du service de police de Prince Albert. Les dossiers du Système des horaires de travail et du déploiement, ainsi que la déclaration de la gestionnaire correctionnelle Hutton-Brown qui a répondu à l’appel du CX STENE, indiquent tous les deux que le CX STENE a téléphoné à l’établissement, quelques minutes avant 15 h 18. À 15 h 18, le CX STENE savait qu’il serait arrêté et détenu. Le CX STENE a indiqué au comité qu’au moment de l’entrevue, il avait une note de son médecin et qu’il fournirait cette note au directeur adjoint des opérations de l’établissement Hemsworth. À ce moment-là, le comité avait été informé par le directeur adjoint des opérations de l’établissement Hemsworth que M. STENE n’avait pas fourni la note d’attestation du médecin pour son congé de maladie au moment de la présentation de ce rapport.

75        La gestionnaire correctionnelle Hutton-Brown n’a pas témoigné.

76        M. Hemsworth, le directeur adjoint des opérations de l’établissement, n’a pas témoigné.

77        Aucun élément de preuve ne m’a été présenté selon lequel le fonctionnaire a fourni à M. Hemsworth, ou à quiconque chez l’employeur, la note médicale en date du 6 mai 2014 (pièce G-2).

78        La [traduction] « Déclaration 37399324, incident 1411035 » (pièce E-2, onglet 1) comprend une allégation selon laquelle le fonctionnaire aurait fait ce qui suit :

(1) Le 1er mai 2014 ou vers cette date, à Prince Albert, en Saskatchewan, ou près de cet endroit, le fonctionnaire s’est livré à des voies de fait contre la petite amie, en contravention de l’article 266 du Code criminel;

(2) Le 1er mai 2014 ou vers cette date, à Prince Albert, en Saskatchewan, ou près de cet endroit, le fonctionnaire a, sans autorisation légitime, détenu la petite amie, en contravention du paragraphe 279(2) du Code criminel;

(3) Le 1er mai 2014 ou vers cette date, à Prince Albert, en Saskatchewan, ou près de cet endroit, le fonctionnaire s’est introduit par effraction en un endroit, à savoir une maison d’habitation […] et a commis un acte criminel, en l’occurrence des voies de fait et de séquestration, en contravention de l’alinéa 348(1)b) du Code criminel.

79        Le fonctionnaire a indiqué avoir pris connaissance qu’un mandat d’arrestation avait été délivré contre lui vers 13 h, le 6 mai 2014. Il a déclaré qu’à un moment donné entre 12 h 30 et 13 h, il a reçu un appel de la GRC pour l’informer qu’il devait rendre son uniforme et son équipement de policier auxiliaire, ainsi que pour l’informer du mandat et de lui donner le nom et le numéro de la personne ressource au service de police. Il a affirmé qu’il lui avait fallu du temps pour prendre les dispositions nécessaires à l’égard de ses enfants et qu’il s’était ensuite présenté au bureau du service de police de Prince Albert et qu’il s’était livré lui-même.

80        Les accusations, telles qu’elles sont décrites dans la Déclaration 37399324, Incident 1411035, ont été portées contre le fonctionnaire et il a été détenu d’environ 16 h 30 à 17 h, le jeudi 8 mai 2014. À la question de savoir pourquoi il n’a pas appelé l’établissement à ce moment-là pour l’informer de son arrestation, il a répondu qu’il ne l’avait pas fait parce qu’il avait déjà prévu un congé de maladie et qu’aucune personne importante n’y était à ce moment-là. Il a déclaré avoir appelé l’établissement le lendemain matin, soit le vendredi, pour signaler son arrestation.

81        Dans son témoignage, le fonctionnaire a confirmé qu’il avait comparu devant la Cour provinciale de Saskatchewan, devant l’honorable juge Baniak, le 27 novembre 2014, où les accusations suivantes lui ont été lues et auxquelles il a plaidé coupable :

[Traduction]

i. Le 1er mai 2014 ou vers cette date, à Prince Albert, en Saskatchewan, ou près de cet endroit, a pris de possession par la force l’immeuble de […], en contravention du paragraphe 72(1) du Code criminel;

ii. Le 1er mai 2014 ou vers cette date, à Prince Albert, en Saskatchewan, ou près de cet endroit, s’est livré à des voies de fait contre la petite amie, en contravention de l’article 266 du Code criminel;

82        Le fonctionnaire a indiqué avoir accepté un plaidoyer du procureur de la Couronne suivant les conseils de son avocat. Il a dit qu’il l’a accepté afin d’éviter de payer des honoraires juridiques et qu’il avait été informé qu’il n’aurait aucun casier judiciaire.

83        Les déclarations de culpabilités ont été rendues contre le fonctionnaire pour les deux accusations pour lesquelles il a plaidé coupable relativement à l’incident survenu le 1er mai 2014, à l’égard de la petite amie. Des copies certifiées des déclarations de culpabilité, en date du 17 septembre 2015, figurent à la pièce E-2, onglet 1.

84        En raison des déclarations de culpabilité, le fonctionnaire a été accordé une absolution conditionnelle et il a été assujetti à 15 mois de probation assortie des conditions établies dans l’ordonnance de probation. Il a dû en outre payer des frais supplémentaires de 100 $ relativement à chacune des déclarations de culpabilité.

85        L’ordonnance de probation délivrée relativement à la déclaration de culpabilité du fonctionnaire, figurant à la pièce G-3, l’assujettissait aux conditions suivantes pendant une période de 15 mois :

[Traduction]

1. de ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite;

2. de répondre aux convocations du tribunal;

3. de prévenir le tribunal ou l’agent de probation de ses changements d’adresse ou de nom et de les aviser rapidement de tout changement d’emploi ou d’occupation;

4. de se présenter à l’agent de probation dans les deux jours suivant l’ordonnance et, par la suite, selon les modalités fixées par l’agent de probation;

5. de résider à son adresse domiciliaire ou à une autre adresse approuvée par l’agent de probation et de ne pas changer de résidence sans l’autorisation écrite de l’agent de probation, ou son délégué, ou du tribunal;

6. de ne pas se présenter à la résidence, au lieu de travail ou au lieu de formation de la petite amie, sauf à des fins médicales ou selon l’autorisation de l’agent de probation;

7. de participer aux évaluations de programmes et de suivre les programmes relatifs à la gestion de la colère, à la violence familiale, ou de counseling personnel, conformément aux modalités établies par son agent de probation.

86        L’accusé de réception signé par le fonctionnaire le 27 novembre 2014 est joint à la pièce G-3 et le fonctionnaire y reconnait, entre autres, que les éléments suivants lui ont été expliqués :

[Traduction]

EFFETS D’UNE ABSOLUTION SOUS CONDITIONS

Vous avez été accordé une absolution sous conditions pendant la durée de cette ordonnance de probation. Aucune déclaration de culpabilité n’est prononcée à l’instant. Si vous terminez votre période de probation imposée par la présente ordonnance de probation sans qu’aucune autre accusation ne soit portée contre vous, l’absolution deviendra absolue et vous pourrez dire que vous n’avez pas un casier judiciaire. Toutefois, si vous êtes reconnu coupable d’une infraction, y compris l’infraction du non-respect d’une condition de la présente ordonnance de probation, pendant que celle-ci est en vigueur, l’ordonnance de probation peut être révoquée, une déclaration de culpabilité peut être prononcée et vous pourrez être passible de la peine qui aurait pu être imposée à l’origine. Cela est en sus de toute peine qui pourrait vous être imposée pour les nouvelles infractions.

EFFET D’UN SURSIS AU PRONONCÉ DE LA PEINE

La peine n’a pas été prononcée, mais un sursis a été accordé pour la période indiquée dans la présente ordonnance de probation. Si vous êtes reconnu coupable d’une infraction, y compris l’infraction du non-respect d’une condition de la présente ordonnance de probation, pendant que celle-ci est en vigueur, l’ordonnance de probation peut être révoquée et vous pourrez être passible de la peine qui aurait pu être imposée à l’origine. Cela est en sus de toute peine qui pourrait vous être imposée pour les nouvelles infractions.

87        La pièce G-4 est une lettre en date du 25 septembre 2015, de Nancy Elder, une agente de probation dans le cadre du programme sur la violence familiale des services de garde, de supervision et de réadaptation du ministère de la Justice du gouvernement de la Saskatchewan. La lettre confirme que le fonctionnaire respectait l’ordonnance de probation de 15 mois, laquelle venait à échéance le 26 février 2016; qu’il se présentait à l’agente conformément aux modalités imposées sans aucun problème, et ce, à la date de la lettre; et qu’il respectait toutes les conditions imposées par la cour et les modalités qui lui ont été imposées.

88        Le fonctionnaire a déclaré avoir suivi avec succès le programme de gestion de la colère. Il a indiqué qu’il s’agissait d’un livre intégral et qu’il n’avait pas encore reçu son certificat. Aucun détail relatif au programme ne m’a été fourni.

C. Enquête du SCC, suspension pour une période indéterminée et licenciement

89        Wanita Koczka est la sous-directrice de l’établissement. Pendant une partie du mois de mai 2014, elle était la directrice intérimaire pendant l’absence du directeur. Mme Koczka a indiqué qu’elle avait été informée par le directeur adjoint des opérations de l’établissement, M. Hemsworth, des allégations de conduite inappropriée dont aurait fait preuve le fonctionnaire. Mme Koczka a déterminé qu’une enquête relative aux allégations serait menée et que le fonctionnaire serait suspendu sans traitement en attendant la conclusion de cette enquête. L’annexe 9 (pièce E-2, onglet 2) est une copie d’une lettre en date du 28 mai 2014, rédigée par Mme Koczka à l’intention du fonctionnaire, qui indique ce qui suit :

[Traduction]

                   […]

J’ai reçu des renseignements selon lesquels le 1er mai 2014 ou vers cette date, vous avez supposément fait preuve d’un comportement inapproprié relativement à un incident à l’égard duquel des accusations ont été portées contre vous le 7 mai 2014, ou vers cette date, en vertu du Code criminel du Canada, soit l’introduction par effraction, voies de fait et séquestration. Par conséquent, j’ai demandé qu’une enquête disciplinaire soit menée relativement aux circonstances de l’affaire.

                   […]

Étant donné la gravité manifeste de cette affaire, je crois que votre présence continue au lieu de travail demeure inappropriée pour l’instant. Par conséquent, la présente lettre a pour but de vous informer que vous êtes suspendu sans traitement pendant l’enquête de cette affaire. Cette suspension prend effet immédiatement, le 29 mai 2014. Veuillez noter que je réviserai ma décision périodiquement en ce qui concerne la suspension sans traitement afin de déterminer si elle est toujours nécessaire.

                   […]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

90        Mme Koczka a indiqué qu’elle avait conclu que la suspension du fonctionnaire était appropriée, puisque les accusations portées contre lui étaient graves, comportaient des allégations de violence et concernaient une autre employée de l’établissement. Selon Mme Koczka, étant donné le travail exécuté par le fonctionnaire à l’établissement à titre d’agent correctionnel et de la paix, notamment le contact avec les détenus, il était inapproprié qu’il ait accès à l’établissement. Mme Koczka a également indiqué que la situation posait un risque à la réputation du SCC, étant donné que Prince Albert est une petite ville et que SCC y est un employeur important.

91        En ce qui concerne d’autres postes possibles, autre que les postes d’agent correctionnel, Mme Koczka a indiqué qu’il n’y avait aucun autre poste que le fonctionnaire pouvait occuper qui ne comportait aucun contact avec les détenus.

92        Mme Koczka a indiqué qu’au moment où elle a décidé de suspendre le fonctionnaire, elle n’avait pas songé à une mesure disciplinaire puisqu’elle avait simplement ordonné l’enquête. En contre-interrogatoire, elle a confirmé que lorsqu’elle a décidé de suspendre le fonctionnaire, elle n’était pas au courant qu’il avait été impliqué dans des incidents, à l’établissement, où il y avait eu voies de fait ou recours à la force, ou qu’il avait fait l’objet de mesures disciplinaires. Elle a également confirmé qu’au moment de suspendre le fonctionnaire, elle connaissait très peu les faits liés aux accusations; à sa connaissance, aucun détenu n’était au courant des accusations et aucun membre du personnel avait dit qu’il ou elle refuserait de travailler avec le fonctionnaire.

93        À la question de savoir si elle savait si l’incident ou les accusations portées contre le fonctionnaire faisaient parti du domaine public et si on y avait accès au moyen des sources médiatiques, Mme Koczka a dit qu’elle croyait avoir lu au sujet de l’incident dans un service médiatique en ligne local intitulé « Prince Albert Now », mais elle n’en était pas certaine. Elle a indiqué qu’elle n’était au courant d’aucun autre agent correctionnel visé par des accusations au criminel; elle n’était pas non plus au courant d’autres agents correctionnels ayant été affectés à d’autres tâches. En contre-interrogatoire, à la question de savoir si elle n’avait tenu compte que des accusations au criminel lorsqu’elle a décidé de suspendre le fonctionnaire, elle a affirmé avoir tenu compte des critères établis dans Larson c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel),2002 CRTFP 9 (les « critères Larson »).

94        Mme Shore a indiqué que la méthode utilisée pour mener l’enquête consistait à tenir neuf entrevues, y compris avec le fonctionnaire, la petite amie et l’ami de la petite amie, et à obtenir des documents pertinents à l’incident auprès du SCC, du service de police de Prince Albert, du procureur de la Couronne, de l’ami de la petite amie et de l’hôpital local où travaillait la petite amie. Les enquêteurs ont préparé des questions aux fins des entrevues et ont pris des notes d’entrevue rédigées à la main qui ont ensuite été dactylographiées. Les questions et réponses de l’entrevue du fonctionnaire, ainsi que les déclarations de la petite amie et de son ami figuraient au rapport d’enquête. Mme Shore a déclaré qu’en plus de prendre des notes rédigées à la main des entrevues du fonctionnaire et de la petite amie, les entrevues ont également été enregistrées sur bande audio.

95        Aucun enregistrement audio des entrevues ne m’a été ni joué ni présenté.

96        Au moyen d’une lettre en date du 25 août 2014, le fonctionnaire a été invité à fournir des commentaires sur le rapport d’enquête. Le 19 septembre 2014, il a présenté une réfutation de deux pages (la « réfutation ») (pièce E-3). Voici les parties de la réfutation qui sont pertinentes aux questions dont je suis saisi :

 [Traduction]

                   […]

[La petite amie] était complètement intoxiquée le jour pertinent et j’étais à jeun.

                   […]

partie 1 […] obtient frauduleusement une note médicale? ELLE EST LÉGITIME. Je n’avais aucune connaissance des accusations lorsque j’ai obtenu la note médicale.

partie 2 […] Je suis entré dans l’établissement par cinq points de contrôle et je suis sortie par cinq points de contrôle. L’agent qui travaillait au point d’entrée contrôlé m’a laissé entrer et sortir sans me demander de m’inscrire. Il n’est pas habituel de s’inscrire à cet établissement. On ne m’a jamais demandé de m’inscrire, à l’entrée ou à la sortie.

partie 2 […] omet de remplir le Registre de contrôle? Je ne sais pas si les uniformes ont déjà été inscrits. Je ne savais pas que l’on devait signer le registre afin de sortir les uniformes de l’établissement. Un autre point de contrôle. (Deux portes) On ne m’a jamais demandé de signer le registre en ce qui concerne les uniformes.

                   […]

Hutton Brown indique que j’ai appelé à 15 h 18. Inexact, j’étais détenu bien avant cette heure. Votre enquête indique que Dutchak a reçu un appel à 15 h pour indiquer que j’étais détenu. Comment ai-je appelé l’établissement d’une cellule municipale? L’appel pour fixer mon congé a été fait le matin.

Conclusion

Certaines des constatations étaient inexactes et fondées sur les dires de l’un et de l’autre. Le comité a formé une opinion sur des allégations. Sa décision est fondée sur la prépondérance des probabilités? Le tribunal est encore saisi de cette question.

Mes antécédents professionnels concernant le professionnalisme dont j’ai fait preuve et les rapports d’évaluation personnelle devraient être pris en considération en ce qui concerne la prépondérance des probabilités.

Ils indiquent ce qui suit :

Ils indiquent clairement que je suis un bon membre du personnel.

Je suis considéré comme un modèle pour le personnel subalterne.

J’ai de bonnes relations de travail.

J’ai toujours été fier de mon uniforme, depuis la première journée, et je me suis toujours assuré qu’il soit propre et présentable. J’ai dû entrer de nouveau parce que je ne savais pas lorsque je suis parti que je serais absent de l’établissement. Il a fallu que j’entre de nouveau pour ramasser mes uniformes sales.

97        Le fonctionnaire a indiqué qu’il se souvenait avoir assisté à une réunion le 3 octobre 2014, après avoir présenté sa réfutation, et qu’il comprenait qu’il s’agissait de sa chance de répondre verbalement à l’enquête. En contre-interrogatoire, à la question de savoir ce qu’il avait dit ou n’avait pas dit, il a mentionné le fait qu’une enquête criminelle était encore en cours. En ré-interrogatoire, lorsque sa représentante lui a demandé pourquoi il n’avait pas communiqué les renseignements aux enquêteurs du SCC, il a déclaré qu’une affaire au criminel était en cours et qu’il suivait les conseils de son avocat.

98        Une série de photos obtenues de la caméra de sécurité du parc de stationnement de l’hôpital local où travaillait la petite amie, figure à l’annexe 19 du rapport d’enquête. Toutes les photos sont datées du 1er mai 2014. Les quatre premières photos sont horodatées entre 6 h 19 min 20 s et 6 h 21 min 14 s et elles montrent une camionnette rouge qui avance vers la caméra et qui s’en éloigne et qui est ensuite arrêtée par une personne qui lui est adjacente. Mme Smith et le fonctionnaire ont indiqué qu’il s’agissait de la camionnette rouge du fonctionnaire. Les quatre prochaines photos montrent ce qui semble être la même camionnette rouge et elles sont horodatées entre 11 h 52 min 4 s et 12 h 6 min. La première photo montre ce qui semble être la même camionnette stationnée, avec le capot vers l’extérieur, dans le parc de stationnement de l’hôpital. La quatrième photo, horodatée de 12 h 6 min, montre la camionnette qui quitte le parc de stationnement. Les six dernières photos montrent ce qui semble être la même camionnette rouge et elles sont horodatées entre 17 h 48 min 41 s et 17 h 51 min 20 s. La première photo montre le parc de stationnement de l’hôpital et il n’y a aucune camionnette rouge. Les quatre prochaines photos, de 17 h 48 min 49 s à 17 h 50 min 9 s, montrent ce qui semble être la même camionnette stationnée, capot vers l’extérieur, dans le parc de stationnement de l’hôpital, et une autre montre une personne qui est debout près de la porte arrière ouverte de la camionnette. La dernière photo montre la camionnette qui quitte le parc de stationnement.

99        Selon le rapport d’enquête, le fonctionnaire a indiqué aux enquêteurs que sa relation avec la petite amie avait commencé en janvier ou en février 2014. Pendant l’audience, il a admis que la relation avait réellement commencé en octobre 2013, mais qu’il avait indiqué qu’elle avait commencé en janvier ou février 2014 parce que la petite amie était encore avec son conjoint en octobre 2013.

100        Selon le rapport d’enquête, le fonctionnaire a déclaré que même si, à un moment donné, il avait une clef de la maison de la petite amie, il n’en avait pas le 1er mai 2014.

101        Paul See est un employé CX-01 du SCC à l’établissement. Il est au service du SCC depuis janvier 2011. Il a indiqué qu’il était un collègue du fonctionnaire et qu’il avait travaillé avec lui plus de cent fois. Il a déclaré qu’il n’aurait ni préoccupation ni problème à travailler avec le fonctionnaire si ce dernier était réintégré dans ses fonctions à titre d’agent correctionnel à l’établissement. Selon lui, le fonctionnaire était professionnel, ne causait jamais des problèmes et ne semait jamais de troubles auprès des détenus.

102        À la question de savoir l’étendue de ses connaissances de la relation entre le fonctionnaire et la petite amie, il a répondu qu’il croyait qu’ils se fréquentaient. À la question de savoir s’il était au courant des événements du 1er mai 2014 concernant le fonctionnaire et la petite amie, il a indiqué qu’il en avait très peu. Il n’a pas précisé ce qu’il savait. Il a indiqué n’avoir rien vu dans les journaux à ce sujet.

103        M. See a été interrogé au sujet des procédures d’inscription à l’établissement. Il a dit qu’il ne pouvait que répondre en son nom et qu’il signait rarement le journal à l’entrée ou à la sortie de l’établissement au moyen de [traduction] l’« ancien système ».

104        Adrian Orynick est un employé CX-01 du SCC à l’établissement. Il travaille au sein du SCC depuis avril 2012. Il a indiqué qu’il était un collègue du fonctionnaire et qu’il avait travaillé avec lui probablement cent fois. À la question de savoir s’il savait à quelles accusations le fonctionnaire avait plaidé coupable, M. Orynik a déclaré les accusations de voies de fait simples et de prise de possession par la force. À la question de savoir dans quel type de milieu ces accusations étaient survenues, il a déclaré qu’il savait qu’elles étaient survenues à l’extérieur du lieu de travail, mais qu’il n’était pas certain de l’endroit. Il n’a pas expliqué davantage ce qu’il savait ou ne savait pas au sujet des événements du 1er mai 2014 concernant le fonctionnaire et la petite amie. Il a déclaré qu’à sa connaissance, il n’a rien vu dans les médias, mais qu’il en avait entendu parler au travail. M. Orynik a déclaré qu’il n’éprouverait aucun problème ni préoccupation en matière de sécurité s’il travaillait avec le fonctionnaire. Il a ajouté qu’il était convaincu que le fonctionnaire effectuerait son travail.

105        Bradley Rock est un employé CX-01 du SCC à l’établissement. Il travaille au sein du SCC depuis environ neuf ans. Il occupe actuellement le poste intérimaire d’agent des programmes sociaux. Il a indiqué qu’il était un collègue du fonctionnaire et qu’il avait travaillé beaucoup avec lui puisqu’ils étaient membres de la même équipe. À la question de savoir s’il éprouverait des difficultés à travailler avec le fonctionnaire s’il était réintégré, M. Rock a déclaré qu’il n’y aurait aucun problème puisqu’il estimait que le fonctionnaire était un excellent agent correctionnel et un modèle, qui se présentait au travail et qui faisait son travail. À la question de savoir si le retour au travail du fonctionnaire poserait un risque, M. Rock a affirmé qu’il ne pouvait prévoir aucun risque tant que le fonctionnaire effectuait son travail.

106        La représentante du fonctionnaire a demandé à M. Rock d’indiquer la mesure dans laquelle les événements survenus entre le fonctionnaire et la petite amie ont été rendus publics et il a répondu qu’il n’avait rien entendu à ce sujet, sauf que le fonctionnaire lui avait dit que des accusations avaient été portées contre lui. Il a ensuite indiqué que si le fonctionnaire ne lui avait pas dit que des accusations avaient été portées contre lui, il n’en aurait pas eu connaissance.

107        À la question de savoir si l’exigence de s’inscrire à l’établissement était appliquée de manière stricte en mai 2014, M. Rock a déclaré que lorsqu’il a commencé à travailler à l’établissement, une telle exigence n’existait pas. Toutefois, depuis environ les six derniers mois, les cartes d’identité comprenaient une puce intégrée et elles devaient être balayées pour entrer et sortir de l’établissement. Seuls les visiteurs sont tenus de signer le journal à l’entrée et à la sortie.

108        Ni M. Orynik ni M. Rock n’ont témoigné au sujet de leurs connaissances, le cas échéant, des événements du 1er mai 2014.

109        Ils ont tous deux affirmé qu’ils n’avaient aucun pouvoir délégué d’imposer une mesure disciplinaire et qu’ils n’avaient aucun pouvoir de supervision à l’égard des CX.

110        Jason Hope est le directeur de l’établissement et occupe ce poste depuis 2008. Il travaille au sein de la fonction publique, au SCC, depuis 1994. À compter de 2004, avant d’être nommé directeur, il était le sous-directeur de l’établissement. Il relève directement de l’Administration régionale, à Saskatoon, en Saskatchewan et, parfois, directement de l’Administration centrale, à Ottawa, en Ontario. L’une des fonctions et des responsabilités principales du directeur est le fonctionnement général de l’établissement.

111        M. Hope a déclaré qu’il avait examiné le rapport d’enquête, ainsi que la réfutation. Il a déclaré avoir mené une audience disciplinaire avec le fonctionnaire le 3 octobre 2014. En plus de M. Hope et du fonctionnaire, Laura McAdam, agente des relations de travail, et Joseph Gobeil, le représentant de l’agent négociateur, ont assisté à l’audience. M. Hope a affirmé qu’à l’audience, il a demandé au fonctionnaire s’il avait des renseignements supplémentaires à partager (en plus de la réfutation), ce à quoi le fonctionnaire a répondu « Non. » M. Hope a déclaré que le fonctionnaire n’avait démontré aucun remords relativement à ces actes en ce qui concerne l’incident du 1er mai 2014. M. Hope a déclaré que le fonctionnaire avait fait preuve de déni, d’incrédulité et de frustration relativement au processus. Il a affirmé que le fonctionnaire semblait ne pas comprendre l’importance du sérieux de ce qui se passait et que même si la plupart des personnes assument la responsabilité de leurs actes, le fonctionnaire ne l’a pas fait.

112        M. Hope a indiqué avoir tenu une deuxième réunion avec le fonctionnaire le 9 décembre 2014. Mme McAdam y a également assisté. Toutefois, le fonctionnaire y a assisté seul. M. Hope a souligné qu’il avait demandé au fonctionnaire s’il souhaitait qu’un représentant de l’agent négociateur y assiste et qu’il lui avait suggéré qu’un tel représentant devrait être présent, ce que le fonctionnaire a refusé. À cette réunion, M. Hope a informé le fonctionnaire qu’il mettait fin à son emploi et lui a fourni la lettre en date du 9 décembre 2014 (pièce E-1, onglet 3), dont les parties pertinentes sont ainsi rédigées :

[Traduction]

                   […]

La présente lettre a pour but de vous informer du résultat de votre audience disciplinaire du 3 octobre 2014, relativement aux allégations selon lesquelles vous avez fait preuve d’une conduite inappropriée le 1er mai 2014, qui a donné lieu à ce que des accusations d’introduction par effraction et de séquestration soient portées contre vous le 7 mai 2014.

Service correctionnel du Canada (SCC) s’attend à ce que tous ses employés se comportent de manière conforme aux Règles de conduite professionnelle et aux directives du commissaire (« DC »). Après un examen approfondi des témoignages, y compris la déclaration de [la petite amie], ainsi que les renseignements que vous avez fournis dans le cadre du processus disciplinaire, je conclus que vos actes le 1er mai 2014, surtout le fait que vous vous êtes introduits par effraction dans la résidence de [la petite amie] et que vous vous êtes livrés à des voies de fait contre elle, n’étaient pas conformes au comportement attendu d’un agent correctionnel. Vos actes, même s’ils ont eu lieu hors du travail, ne réduisent aucunement la gravité du comportement et indiquent votre insouciance manifeste à l’égard des Règles de conduite professionnelle. Par conséquent, il a été déterminé que vous avez commis les infractions suivantes en vertu de la DC 060 du Code de discipline :

· 6 g) omet de respecter ou d’appliquer une loi, un règlement, une directive du commissaire, un ordre permanent ou une autre directive quelconque ayant trait à ses fonctions;

· 8 c) se conduit d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur le Service, qu’il soit de service ou non.

Après une étude approfondie, j’ai déterminé que vous ne démontrez pas les valeurs et l’éthique requis d’un employé du SCC, conformément à l’énoncé de la mission du SCC. Par vos actes, vous avez irrémédiablement brisé et compromis la relation d’emploi.   Votre inconduite est si grave que vous avez violé les principes fondamentaux de la confiance, de l’intégrité et de la crédibilité de la relation d’emploi qui doit exister entre vous et SCC. Je ne suis donc pas en mesure de maintenir la confiance en votre capacité d’exercer vos fonctions en tant qu’employé de SCC et à titre d’agent de la paix.

Par conséquent, étant donné la gravité de votre inconduite, une décision de mettre fin à votre emploi pour des raisons disciplinaires a été prise. Par conséquent, en vertu de l’alinéa 12(1)c) de la Loi sur la gestion des finances publiques et du pouvoir qui m’a été délégué par le sous-ministre, je mets fin à votre emploi avec le Service correctionnel du Canada à compter du 29 mai 2014.

                   […]

113        M. Hope a indiqué que la décision de mettre fin à l’emploi du fonctionnaire était fondée sur les conclusions du rapport d’enquête. Il a accepté que le 1er mai 2014, le fonctionnaire se soit introduit par effraction dans la résidence de la petite amie, s’est livré à des voies de fait contre elle et l’a séquestré illégitimement. De plus, il a accepté que le fonctionnaire n’avait pas suivi la politique lorsqu’il est entré et sorti de l’établissement le 5 mai 2014, pour récupérer ses uniformes. Il a également omis d’obtenir une note de son médecin le 6 mai 2014. Il a indiqué que la principale raison du licenciement était l’incident survenu le 1er mai 2014, concernant la petite amie.

114        Selon M. Hope, cette inconduite constitue l’inconduite la plus grave à l’égard d’un membre du personnel qu’il a constaté au cours de ses 8 ans à titre de directeur et 12 ans à titre de sous-directeur. Il a déclaré que les actes du fonctionnaire ne lui permettaient pas d’avoir confiance en sa capacité d’exercer ses fonctions à titre de CX et d’agent de la paix. Il a affirmé que bien que l’inconduite du fonctionnaire ait eu lieu à l’extérieur des lieux de l’établissement, elle touchait l’établissement et l’ensemble de son personnel. Le SCC est tenu de s’occuper des individus vulnérables et le personnel est tenu d’assurer leur sécurité. Si un détenu se livre à des voies de fait contre un autre détenu, un membre du personnel ou un membre du public, il y aura des conséquences : des accusations pourraient être portées contre lui et leur peine existante peut être prolongée.

115        M. Hope a affirmé qu’il est important que tous les membres de son personnel sachent qu’il agit correctement lorsqu’il traite un comportement comme celui dont a fait preuve le fonctionnaire. Ce comportement aurait pu aussi avoir une incidence sur les partenaires externes de SCC. L’établissement est un employeur très important dans une ville qui compte environ 45 000 personnes. Il a des partenariats avec la ville, le service de police de Prince Albert, la GRC et le service correctionnel provincial de la Saskatchewan. Les représentants de l’établissement font partie de l’avant-plan lors d’événements communautaires. Même si l’incident survenu le 1er mai 2014 n’a pas été mentionné dans les médias, le fait qu’il soit survenu et qu’il soit connu touche la réputation de SCC dans la collectivité. Il a une incidence négative sur le SCC.

116        M. Hope a indiqué qu’au moment d’évaluer la sanction appropriée, il a tenu compte du dossier d’emploi du fonctionnaire, qui selon lui [traduction] « ne révélait rien de remarquable ». Il a déclaré qu’il savait que le fonctionnaire avait reçu une mention élogieuse pour ses actes (pour laquelle M. Hope avait lui-même rédigé le texte) relativement à un incident survenu dans la section de sécurité maximale de l’établissement. M. Hope a déclaré qu’il avait tenu compte des mesures disciplinaires autres que le licenciement, mais qu’il croyait que dans ce cas, le dommage était irrémédiable. De plus, il a déclaré que le fonctionnaire n’avait pas assumé la responsabilité de ses actes. Il a affirmé que l’allégation du fonctionnaire selon laquelle la petite amie était intoxiquée pendant l’incident rendait, selon lui, le comportement encore plus inacceptable.

117        M. Hope a déclaré qu’il n’avait plus confiance envers le fonctionnaire et que puisqu’il était responsable de 300 CX, il devait avoir une confiance absolue en eux afin qu’ils s’occupent des détenus qui sont vulnérables et potentiellement dangereux, ainsi que d’autres membres du personnel.

118        Selon le témoignage de M. Hope, [traduction] l’« énoncé de la mission » de SCC consiste en un thème principal consistant à respecter la primauté du droit, à contribuer à la sécurité publique et à exercer un contrôle sûr, sécuritaire et humain à l’égard des personnes relevant de sa responsabilité. L’« Énoncé des valeurs du SCC » (pièce E-5) énonce ce qui suit :

Notre mission

Le Service correctionnel du Canada (SCC), en tant que composante du système de justice pénale et dans la reconnaissance de la primauté du droit, contribue à la sécurité publique en incitant activement et en aidant les délinquants à devenir des citoyens respectueux des lois, tout en exerçant sur eux un contrôle raisonnable, sûr, sécuritaire et humain.

[…]

Respect

Un comportement respectueux fait honneur à la rationalité et à la dignité des personnes, à leur capacité de choisir leur propre voie, dans le respect des lois, vers une vie enrichissante. Une bonne façon d’adopter un comportement respectueux est de traiter les autres comme nous aimerions être traités.

[…]

Justice

Principe complexe à la fois sur le plan théorique et pratique, la justice touche l’équilibre entre les intérêts conflictuels, ainsi que les pratiques relatives à l’impartialité, l’objectivité, l’égalité, l’équité et aux relations interpersonnelles. Comme pour le respect, pour être juste, il faut traiter les autres comme vous aimeriez qu’ils vous traitent.

[…]

Responsabilisation

La responsabilisation englobe la notion d’être capable d’expliquer et de justifier la pertinence des mesures et des décisions prises et de répondre aux questions quant à celles-ci et d’être disposé à agir ainsi. La responsabilisation s’applique à tout le monde au sein du SCC. Elle consiste également à accepter ses responsabilités et à veiller à ce qu’elles soient assurées en fournissant le soutien, la rétroaction et la surveillance nécessaires.

[…]

119        M. Hope a indiqué que le fait que le fonctionnaire soit un agent de la paix signifiait qu’il devait se conformer à une norme supérieure. Il incombe à un agent de la paix d’assurer le respect et l’exécution de la loi et de protéger le public. Un agent de la paix a le pouvoir de procéder à l’arrestation des personnes et de recourir à la force, ce qui peut parfois être mortel.

120        En contre-interrogatoire, M. Hope a reconnu qu’il n’avait pas demandé au fonctionnaire de lui donner une note médicale.

121        En contre-interrogatoire, M. Hope a indiqué qu’il avait reçu le rapport d’enquête en juillet 2014 et qu’il l’avait lu à ce moment-là, l’avait mis de côté et l’avait lu une deuxième fois à une date ultérieure. À la question de savoir pourquoi il a attendu pour tenir l’audience disciplinaire (octobre 2014) et de prendre ensuite une mesure disciplinaire (décembre 2014), il a indiqué qu’il y avait eu plusieurs retards, y compris une demande du fonctionnaire, la vérification et le fait qu’il était absent de l’établissement.

122        En contre-interrogatoire, M. Hope a déclaré qu’il n’était pas au courant de circonstances où le fonctionnaire avait été violent au travail envers les membres du personnel ou les détenus et qu’il n’était pas non plus au courant d’une situation où le fonctionnaire a dû recourir à la force à l’établissement.

123        En contre-interrogatoire, à la question de savoir comment il avait conclu que le fonctionnaire posait un risque au lieu de travail, M. Hope a indiqué qu’il ne s’agissait pas simplement du fait qu’il posait un risque, mais qu’il s’agissait également d’une question de confiance et du fait que le fonctionnaire avait fait preuve de mauvais jugement. Il a ajouté en outre que le fonctionnaire avait démontré qu’il avait de la difficulté à contrôler ses impulsions.

124        En contre-interrogatoire, une série de questions a été posée à M. Hope au sujet du fait que le jour de l’incident, le fonctionnaire avait appris que la femme avec qui il avait une relation l’avait trompé et que la relation était terminée et que, par conséquent, la situation aurait pu faire en sorte de rendre le comportement du fonctionnaire irrationnel. M. Hope a répondu en indiquant que, dans le cadre de son poste de CX, le fonctionnaire avait été formé pour travailler dans des situations stressantes.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le défendeur

1. Dossier de la Commission 566-02-10050 : suspension sans traitement

125        L’employeur a fait valoir que le présent grief devrait être rejeté en fonction des trois arguments suivants :

1. Le grief est théorique puisque l’employeur a mis fin à l’emploi du fonctionnaire rétroactivement à la date de sa suspension sans traitement, pour laquelle le fonctionnaire a déposé un grief, et il est de nature disciplinaire en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi.

2. La suspension sans traitement est de nature administrative et, par conséquent, une formation n’a pas compétence.

3. Si la suspension était de nature disciplinaire, l’employeur avait donc le pouvoir de suspendre le fonctionnaire et elle était raisonnable dans les circonstances.

126        Dans Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, la Cour suprême du Canada a conclu qu’afin qu’une question ne soit pas théorique, il doit y avoir une question tangible à trancher. Les arbitres de griefs ont appliqué régulièrement ce principe. La seule question à trancher est celle relative au licenciement du fonctionnaire, lequel est rétroactif à la date de suspension. Le prédécesseur de la Commission, la CRTFP, a suivi ce raisonnement dans Brazeau c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux),2008 CRTFP 62, Shaver c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences),2011 CRTFP 43, et Bahniuk c. Agence du revenu du Canada,2012 CRTFP 107.

127        La mesure prise par le SCC de suspendre le fonctionnaire sans traitement en attendant la fin de l’enquête n’était pas disciplinaire, mais bien administrative. Selon le principe établi dans Basra c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada),2014 CRTFP 28, la nature de la sanction doit être évaluée au moment où elle est imposée. L’employeur avait-il l’intention d’imposer une mesure disciplinaire lorsque la suspension a été imposée? Mme Koczka a imposé la suspension et, selon son témoignage, lorsqu’elle l’a fait, elle n’envisageait pas une mesure disciplinaire; elle a pris cette mesure afin de permettre la réalisation de l’enquête. Rien dans la preuve ne permet de conclure que la mesure était disciplinaire. Le fait qu’il pourrait falloir beaucoup de temps pour faire une enquête ne transforme pas une suspension administrative en une suspension disciplinaire.

128        Dans Canada (Procureur général) c. Frazee,2007 CF 1176, la Cour fédérale a fait valoir que tout geste qui pourrait être disciplinaire ne constitue pas une mesure disciplinaire. La question à trancher est celle de savoir si l’employeur avait l’intention d’imposer une mesure disciplinaire. Selon Chafe et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans),2010 CRTFP 112, toute perte financière ou économique ne constitue pas une sanction pécuniaire et n’équivaut pas à une mesure disciplinaire en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP.

129        Il ressort clairement de la preuve qu’il n’y avait aucune intention d’imposer une mesure disciplinaire, uniquement une suspension en attendant la conclusion de l’enquête; la mesure prise par l’employeur était administrative, non disciplinaire, et la formation n’a pas compétence.

130        Subsidiairement, le défendeur a soutenu que si je conclus que son geste était disciplinaire, il avait un motif valable d’imposer une mesure disciplinaire et la mesure était justifiée. On m’a renvoyé à Lapostolle c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 138, qui a été confirmée dans 2013 CF 895, à Richer c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 10, et à Yarmolinsky c. Canada (Agence des douanes et du revenu du Canada),2005 CRTFP 6.

131        Le défendeur a également fait valoir qu’il avait un pouvoir en vertu de « L’entente globale entre le Service correctionnel du Canada (SCC) et The Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (UCCO-SACC-CSN) », en date du 7 novembre 2013.

132        Le défendeur m’a également renvoyé à Larson et à Gill c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2009 CRTFP 19. Mme Koczka, la directrice intérimaire au moment de la suspension, a indiqué qu’elle avait suspendu le fonctionnaire parce qu’au moment où l’incident a été porté à son attention, elle avait conclu que sa présence à l’établissement posait un risque. Elle a indiqué avoir tenu compte des éléments suivants :

1. il était un agent de la paix;

2. les allégations formulées contre lui étaient graves;

3. les allégations comprenaient de la violence;

4. les allégations comprenaient de la violence contre une autre employée du SCC;

5. il y avait un risque pour la réputation de l’employeur puisque l’établissement était un employeur important dans une petite ville.

2. Dossier de la Commission 566-02-10916 : licenciement

133        Le défendeur a soutenu qu’il avait un motif valable pour imposer une mesure disciplinaire contre le fonctionnaire et que la mesure disciplinaire imposée était appropriée.

134        Les faits présentés par les témoins de l’employeur par rapport à ceux du fonctionnaire et, surtout, ceux présentés par le fonctionnaire lui-même, constituent un facteur clé en l’espèce. Il y a peu de terrain d’entente entre le témoignage du fonctionnaire et celui de la petite amie, et il incombe à la formation d’en évaluer la crédibilité. Le critère pour évaluer la crédibilité est établi dans Faryna v. Chorny,[1952] 2 D.L.R. 354 (BCCA). La petite amie était un témoin crédible. Elle a témoigné de manière franche. Elle s’est rappelée clairement des événements de la journée et elle en est toujours affectée. Son témoignage quant à ce qui s’est produit le 1er mai 2014 était conformes aux rapports qu’elle a faits au service de police de Prince Albert et aux enquêteurs du SCC. Elle a témoigné malgré le fait que, dans certaines parties de son témoignage, elle était présentée négativement.

135        Le témoignage du fonctionnaire contredisait celui de la petite amie, sauf les faits qui permettaient de le présenter positivement. De plus, sa version a changé. Il a donné une version aux enquêteurs de SCC, une autre dans sa réfutation et encore une autre dans le cadre de son témoignage à l’audience. Enfin, il a plaidé coupable aux accusations d’entrée par effraction et de voies de fait relativement aux événements survenus le 1er mai 2014 à l’égard de la petite amie. Tout cela remet en question sa crédibilité.

136        Le fonctionnaire a indiqué que lorsqu’il était avec la petite amie dans sa maison, pendant les premières heures du 1er mai 2014, il était calme, mais déçu par son comportement. Toutefois, selon les messages texte qu’il a envoyés à l’ami de la petite amie, ses propos incendiaires ne démontraient pas son présumé comportement calme.

137        Le fonctionnaire n’a démontré aucun remords; il a en fait blâmé la petite amie. Il a indiqué en outre avoir plaidé coupable en vue d’éviter de payer des honoraires juridiques et d’avoir un casier judiciaire, et que sa réponse à l’accusation ne constituait pas un aveu de culpabilité. Ces actes ne démontrent certainement pas des remords ou la responsabilité de ses actes.

138        Le fonctionnaire a indiqué ne pas avoir communiqué des parties de sa version aux enquêteurs du SCC parce qu’il souhaitait exercer son droit de garder le silence relativement aux accusations aux criminelles en instance et le procès. Ce n’est pas une excuse. Selon Hughes et Titcomb c. Agence Parcs Canada,2015 CRTEFP 75, les employés doivent collaborer avec leur employeur pendant des enquêtes administratives, malgré le fait qu’ils pourraient obtenir des conseils d’un avocat relativement à des accusations au criminel qui pourraient découler des événements donnant lieu à l’enquête.

139        Dans Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79,2003 CSC 63, la Cour suprême du Canada a conclu qu’une déclaration de culpabilité était recevable en tant que preuve prima facie que l’acte a eu lieu. Dans Tobin c. Canada (Procureur général),2009 CAF 254, la Cour d’appel fédérale a indiqué que les tribunaux avaient toujours conclu qu’une période de probation ne constituait pas une peine légère et qu’elle pouvait entraîner des conséquences graves pour ceux qui ne respectent pas les restrictions des conditions imposées. Le fonctionnaire a tenté de diminuer ses actes et la probation qui lui a été imposée. Ni le fait qu’il a plaidé coupable à deux accusations graves aux termes du Code criminel (L.R.C. 1985, ch. C-46; le « Code criminel ») ni l’ordonnance de probation ne doivent être pris à la légère, pas plus qu’ils ne diminuent la gravité de ses actes.

140        Pendant son témoignage, le fonctionnaire a mentionné certains faits à l’égard desquels la petite amie n’avait pas été contre-interrogée. Cela contrevient à la règle établie dans Browne v. Dunn, (1893) 6 R. 67 (C.L.) (« Browne et Dunn »), selon laquelle une partie, si elle prévoit mettre en doute le témoignage d’un témoin de la partie adverse, doit interroger ce témoin quant aux faits particuliers et lui permettre de répondre à ces faits, tels qu’ils sont allégués. Pendant son témoignage, le fonctionnaire a témoigné au sujet des trois domaines factuels suivants, à l’égard desquels la petite amie n’a pas été interrogée :

1. La petite amie était intoxiquée au moment de leur interaction pendant les premières heures du 1er mai 2014.

2. La petite amie dépendait du soutien financier du fonctionnaire.

3. La petite amie avait des antécédents en matière de promiscuité.

141        En ce qui concerne l’allégation selon laquelle elle était en état d’ébriété au moment de l’incident survenu au cours des premières heures du 1er mai 2014, la petite amie a été questionnée à savoir si elle avait consommé de l’alcool à un moment donné avant son retour à la maison le 1er mai 2014, ce à quoi elle a répondu qu’elle avait pris quelques verres. Aucune question quant au type d’alcool, à la quantité consommée ou à l’heure qu’elle les a consommés ne lui a été posée; elle n’a pas non plus été interrogée quant à l’allégation voulant qu’elle ait été en état d’ébriété. Il est injuste que la petite amie n’ait pas été interrogée quant à ces faits allégués ni quant à l’allégation qu’elle avait consommé trop d’alcool et qu’elle était intoxiquée. Par conséquent, aucun poids ne devrait être accordé au témoignage du fonctionnaire à ce sujet.

142        Lorsque le fonctionnaire a été interrogé dans le cadre de l’enquête de SCC, il n’a jamais laissé entendre que la petite amie était intoxiquée. Cette allégation a été soulevée la première fois dans sa réfutation au rapport d’enquête.

143        En contre-interrogatoire, la petite amie n’a pas été interrogée au sujet de l’allégation selon laquelle elle dépendait du soutien financier du fonctionnaire et qu’il s’agissait de la raison pour laquelle elle ne souhaitait pas rompre la relation avec le fonctionnaire. Sa situation financière n’a jamais été soulevée et, par conséquent, aucun poids ne devrait être accordé au témoignage du fonctionnaire à ce sujet.

144        Lors du contre-interrogatoire de la petite amie, aucune question quant à l’allégation de promiscuité ni à son présumé comportement moral douteux antérieur ne lui a été posée et, par conséquent, aucun poids ne devrait être accordé au témoignage du fonctionnaire au sujet de ces allégations.

145        Trois témoins ont été cités à témoigner pour le compte du fonctionnaire. Ils étaient tous des CX, tous des hommes et ils ont tous indiqué qu’ils n’éprouveraient aucune difficulté à travailler avec lui à l’avenir. Il était évident qu’ils n’avaient pas travaillé beaucoup avec le fonctionnaire dans le passé et que leur opinion n’était pas fondée sur leurs connaissances des faits liés à l’incident survenu le 1er mai 2014.

146        Le défendeur a soutenu que les faits, tels qu’ils ont été allégués par les témoins de l’employeur et plus particulièrement par la petite amie, étaient véridiques et crédibles, alors que le témoignage du fonctionnaire ne l’était pas.

147        M. Hope a fondé sa décision quant au licenciement du fonctionnaire sur le rapport d’enquête et la réfutation. Il a tenu compte de tous les renseignements et il a déterminé qu’il était impossible de faire confiance au fonctionnaire.

148        Le défendeur a affirmé que malgré la nature des actes qui ont mené à la mesure disciplinaire, le fonctionnaire n’avait démontré aucune responsabilité ni aucun remords, conformément à ce qui aurait été attendu de lui en raison de son rôle d’agent correctionnel et d’agent de la paix. La relation de confiance, soit un élément essentiel pour SCC et ses CX, en est directement affectée. Le défendeur m’a renvoyé à Lapostolle, Richer, Simoneau c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel),2003 CRTFP 57, McKenzie c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 26, Boisvert c. Conseil du Trésor (Solliciteur général – Service correctionnel Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-25435 et 26200 (19970410),[1997] C.R.T.F.P.C. no 32 (QL), Flewwelling c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans), dossier de la CRTFP 166-02-14236 (19840328), [1984] C.R.T.F.P.C. no 40 (QL), confirmée dans [1985] A.C.F. no 1129 (QL), et Trenholm c. Personnel des Fonds non publics des Forces canadiennes,2006 CRTFP 66.

149        M. Hope a témoigné au sujet de la confiance et de l’intégrité, ainsi que de l’importance de la confiance et de l’intégrité dans le milieu des services correctionnels. Il a indiqué qu’il n’était pas certain que le fonctionnaire ne commettrait pas à l’avenir un autre acte comme celui en litige et, à titre de directeur, il ne pouvait pas risquer une récurrence du comportement et de la violence.

150        M. Hope a également témoigné quant aux répercussions des actes du fonctionnaire sur la réputation de SCC, laquelle est fondée sur ses années d’expérience à titre de sous-directeur et de directeur. Tel qu’il est établi dans Tobin c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada),2011 CRTFP 76, l’employeur n’est pas tenu d’avoir une preuve empirique du dommage. La Cour d’appel fédérale a déclaré dans sa décision rendue dans Tobin, en citant la Cour suprême du Canada dans Fraser c. Canada (Commission des relations de travail dans la fonction publique),[1985] 2 R.C.S. 455, qu’il s’agit d’une question dont le traitement commande une dose de bon sens et de discernement. La couverture médiatique ne constitue pas un facteur déterminant. À ce sujet, j’ai également été renvoyé à Basra c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 28, et à Boisvert.

151        Le comportement du fonctionnaire contrevenait manifestement aux « Règles de conduite professionnelle » et au « Code de discipline » (CD 060) de SCC. Les mesures prises par M. Hope, étant donné la nature des faits, étaient conformes à la protection des détenus et du personnel. Le fonctionnaire ne devrait pas être réintégré dans ses fonctions en raison de la nature de son comportement, de son manque de remords et de son manque d’acceptation de responsabilité de ses actes. Le fonctionnaire, à titre de CX, était un agent de la paix et il était chargé de l’exécution de la loi. Une infraction à la loi va à l’encontre de cette responsabilité. Le comportement du fonctionnaire hors du travail doit avoir une incidence positive sur le SCC; les actes du fonctionnaire doivent avoir une incidence positive sur le SCC. Le 1er mai 2014, les actes du fonctionnaire ne l’étaient pas et, par conséquent, il a contrevenu à la norme de conduite qui exige qu’il soit un modèle.

152        Le défendeur a admis que le fait que le fonctionnaire ne se soit pas inscrit lorsqu’il s’est présenté à l’établissement, après ses heures de travail, pour récupérer son uniforme, n’était pas un motif de licenciement.

153        M. Hope a indiqué avoir tenu compte des facteurs atténuants en ce que le fonctionnaire avait un bon dossier de rendement et il a reconnu avoir rédigé une mention élogieuse relativement aux actes du fonctionnaire dans une situation particulière. Toutefois, il était d’avis que cela ne suffisait pas pour justifier une mesure disciplinaire de nature moindre, étant donné toutes les circonstances.

154        Le défendeur m’a également renvoyé à Millhaven Fibres Ltd. v. Oil, Chemical & Atomic Workers Int’l Union, Local 9-670,[1967] O.L.A.A. No. 4 (QL). Des cinq critères possibles utilisés pour justifier une mesure disciplinaire relativement à un comportement à l’extérieur du lieu de travail, les actes du fonctionnaire répondaient à quatre, comme suit :

1. La réputation de l’employeur a été entachée.

2. Le comportement visé par la plainte rend le fonctionnaire inapte à exercer les fonctions de son emploi.

3. Le fonctionnaire a commis une infraction grave au Code criminel et, partant, sa conduite a entaché la réputation du défendeur et de son personnel.

4. Le comportement visé par la plainte rend difficile pour l’employeur de lui faire confiance et de gérer efficacement ses activités et de bien diriger son effectif.

155        Le défendeur m’a renvoyé à Ranu c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 89, à l’appui de l’argument selon lequel un arbitre de grief ne devrait pas intervenir et modifier une mesure disciplinaire simplement parce qu’une sanction moins sévère aurait suffi dans les circonstances.

156        Étant donné la nature des actes du fonctionnaire, la gravité des accusations et du manque de remords et d’acceptation de sa responsabilité, son licenciement constituait la mesure disciplinaire appropriée et ne devrait pas être modifié.

B. Pour le fonctionnaire

1. Dossier de la Commission 566-02-10050 : suspension sans traitement

157        Le fonctionnaire a fait valoir que la suspension sans traitement était disciplinaire et que, par conséquent, elle relève de la compétence de la formation aux termes de l’alinéa 209(1)b) de la Loi.

158        La sous-directrice a indiqué avoir appliqué les critères énoncés dans Larson. Si l’employeur avait appliqué convenablement les critères de Larson, le fonctionnaire n’aurait pas été suspendu. Trois CX de l’établissement ont souligné que le fonctionnaire ne poserait aucun risque aux détenus et aux employés.

159        Selon Brazeau, lors de l’examen d’une suspension sans traitement que l’employeur soutient être de nature administrative, la formation doit examiner l’intention réelle de l’employeur à ce moment-là. En l’espèce, l’incident est survenu le 1er mai 2014, et l’enquête a été achevée en juillet 2014, mais aucune décision n’a été rendue en vertu de l’enquête avant décembre. Quatre mois se sont écoulés. Selon la position du fonctionnaire, cette période écoulée était excessive et, par conséquent, la suspension sans traitement était disciplinaire.

2. Dossier de la Commission 566-02-10916 : licenciement

160        Tel qu’il a été établi dans la lettre du directeur Hope à l’intention du fonctionnaire le 9 décembre 2014, le fonctionnaire a été licencié parce qu’il a commis les infractions suivantes au Code de discipline :

1. 6g) omet de respecter ou d’appliquer une loi, un règlement, une directive du commissaire, un ordre permanent ou une autre directive quelconque ayant trait à ses fonctions;

2. 8c) se conduit d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur le Service, qu’il soit de service ou non.

161        Le défendeur et le fonctionnaire donnent deux versions différentes de ce qui s’est passé. La question à trancher est la suivante : Quelle version est la plus crédible? Le critère approprié lorsqu’il est question de crédibilité est énoncé dans Faryna.

162        Le fonctionnaire a soutenu que le témoignage de la petite amie était contradictoire. Elle a déclaré qu’elle avait tenté de mettre fin à toute communication avec lui. Toutefois, la pièce G-1 contient une série de messages texte échangés entre eux, dont le dernier a été envoyé moins de 24 heures avant les événements qui sont survenus très tôt le matin du 1er mai 2014, et selon lequel ils semblent avoir une bonne relation. À ce moment-là, le fonctionnaire était toujours en relation avec la petite amie.

163        En ce qui concerne la prétendue introduction par effraction, le seul élément de preuve provenait de la petite amie. Elle a déclaré que le moustiquaire de la fenêtre de sa cuisine était brisé. Le gendarme Banadyga a indiqué que, même s’il a constaté que la moustiquaire était brisé, il l’a fait de nombreux jours plus tard, sinon des semaines après le jour où les événements sont survenus et il ne pouvait pas déclarer avec certitude que le fonctionnaire avait brisé la moustiquaire. Le fonctionnaire a nié s’être introduit par effraction dans la maison de la petite amie et il a indiqué être entré par la porte d’entrée.

164        En ce qui concerne les voies de fait, la petite amie a indiqué que le fonctionnaire lui avait donné un coup de poing sur son poignet. Le fonctionnaire a indiqué avoir eu recours à une diversion défensive lorsqu’elle a saisi ses poignets parce qu’il ne voulait pas qu’elle le touche dans les circonstances.

165        Selon la position du fonctionnaire, la petite amie a été trompeuse lorsqu’elle a rédigé la déclaration qu’elle a donnée à la police. Elle l’a décrit comme un monstre parce qu’elle se sentait coupable de l’avoir trompé.

166        La description négative qu’à fait d’elle-même la petite amie n’est pas pertinente. Le fonctionnaire s’est également décrit de manière négative. Il a admis qu’il avait pris son téléphone mobile, ainsi qu’une montre et un collier qui appartenaient à la petite amie et qui étaient sur la commode de cette dernière dans sa maison. Il a également admis avoir déchiré un ourson en peluche.

167        Mme Shore a déclaré dans son témoignage que les enquêteurs n’avaient pas jugé la version du fonctionnaire crédible parce qu’il avait menti quant au fait qu’il était dans le parc de stationnement du lieu de travail de la petite amie. Il est important d’évaluer les circonstances : le fonctionnaire était fatigué puisqu’il n’avait pas dormi pendant plusieurs heures et il est possible qu’il ne se rappelait pas de cet événement.

168        À la page 17 du rapport d’enquête, il est indiqué que, selon la prépondérance des probabilités, le fonctionnaire a contrevenu à l’alinéa 6g) du Code de discipline lorsqu’il a contrevenu à l’« Ordre permanent 556.1, Contrôle des entrées et sorties des établissements », au paragraphe 8, qui exige que les membres du personnel qui retournent à l’établissement après les heures normales de travail et qui ne sont pas de service, remplissent le Journal de visiteurs officiels à leur arrivée et à leur départ, lorsqu’il a omis de le remplir le 5 mai 2014 lorsqu’il est retourné à l’établissement son jour de congé pour récupérer ses uniformes. Même si le fonctionnaire a admis qu’il a peut-être omis de le remplir le 5 mai 2014, il a également souligné, ainsi que deux autres CX, soit messieurs See et Rock, que si les membres du personnel y retournaient après les heures de travail, ils ne remplissaient le Journal de visiteurs officiels ni à leur arrivée, ni à leur départ.

169        À la page 17 du rapport d’enquête, il est indiqué que, selon la prépondérance des probabilités, le fonctionnaire a contrevenu à l’alinéa 6c) du Code de discipline lorsqu’il a obtenu une attestation médicale afin de s’absenter du travail en raison d’une maladie lorsqu’il était en fait en état d’arrestation en raison d’une accusation au criminel. Le défendeur n’a pas démontré que la note médicale fournie par le fonctionnaire (pièce G-2) avait été obtenue frauduleusement. La date et l’horodateur figurant sur la note du médecin du fonctionnaire indiquaient le 6 mai 2014, et 10 h 55, respectivement. À la page 5 du rapport d’enquête, il est indiqué que le fonctionnaire a téléphoné à l’établissement le 6 mai 2014, à 15 h 18. Selon lui, il n’a pas téléphoné à l’établissement à cette heure, mais plus tôt, car à 15 h 18, il était déjà en état d’arrestation.

170        Puisque le rapport d’enquête était inexact quant à l’attestation de médecin, il pourrait aussi comporter d’autres erreurs.

171        Le fonctionnaire a plaidé coupable aux accusations de prise de possession par la force et de voies de fait simples, suivant les conseils de son avocat et en raison des coûts élevés liés à la défense des accusations, ainsi que de l’offre de n’avoir aucun casier judiciaire. Un casier judiciaire vierge vaut beaucoup. Le fait qu’il ait plaidé coupable ne signifie pas qu’il acceptait les faits allégués. Le défendeur devait quand même prouver les faits.

172        Le fonctionnaire a bénéficié d’une absolution sous conditions et il a respecté les conditions imposées dans son ordonnance de probation.

173        Selon la lettre de licenciement, le fonctionnaire n’avait pas démontré les valeurs et l’éthique requises d’un employé de SCC. Le Code de valeurs et d’éthique des fonctionnaires porte sur les fonctions professionnelles. Les événements qui ont donné lieu à la mesure disciplinaire imposée au fonctionnaire n’étaient pas liés à des fonctions professionnelles. Il n’incombe pas au défendeur d’examiner minutieusement le comportement de ses employés lorsqu’ils ne sont pas de service.

174        En ce qui concerne la présumée contravention au Code de conduite parce qu’il a agi de manière qui est susceptible de discréditer le SCC, l’employeur n’a jamais démontré qu’il avait été discrédité. Les événements du 1er mai 2014, concernant le fonctionnaire et la petite amie n’ont jamais été rendus publics dans les médias écrits ou autres. Afin de démontrer le discrédit, il faut que ce soit connu, et pas seulement des membres du personnel. À ce sujet, le fonctionnaire m’a renvoyé à Labadie c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada),2008 CRTFP 85 et à MacLean c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2011 CRTFP 40.

175        L’argument présenté par le défendeur selon lequel Prince Albert est une petite ville n’est pas valable. Elle est la troisième plus grande ville de la Saskatchewan.

176        Le fonctionnaire n’a pas été licencié en raison de sa condamnation au criminel et, par conséquent, peu de poids devrait être accordé à ce fait.

177        La question à trancher est celle de savoir si la sanction disciplinaire imposée au fonctionnaire était appropriée étant donné la nature du comportement démontré et compte tenu des facteurs atténuants qui existaient à ce moment-là. Le fonctionnaire m’a renvoyé à Kinsey c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada),2015 CRTEFP 30. En supposant que l’inconduite a eu lieu, la sanction était excessive. Le directeur a indiqué que si l’inconduite a eu lieu une fois, elle pourrait avoir lieu une autre fois, mais ce n’est pas arrivé.

178        En ce qui concerne les facteurs atténuants, le fonctionnaire m’a renvoyé à Brown & Beatty, Canadian Labour Arbitration,au paragr. 7:4422, qui soutient que les facteurs atténuants comprennent la possibilité de réadaptation, l’état d’esprit de l’employé au moment pertinent et le dossier de l’employé. Trois anciens collègues, tous des CX, ont indiqué qu’ils n’éprouveraient aucune difficulté à travailler avec le fonctionnaire s’il était réintégré dans ses fonctions. Cela est important puisque dans l’environnement d’un pénitencier, la sécurité d’une personne dépend de ses collègues, à qui elle doit faire confiance. Le fonctionnaire avait un dossier disciplinaire sans tache. Au moment des événements, soit le 1er mai 2014, il venait d’apprendre que la petite amie l’avait trompé. Ces facteurs doivent tous être pris en compte.

179        En ce qui concerne les arguments du défendeur relativement à l’intoxication de la petite amie, elle a eu l’occasion de s’exprimer sur ce sujet. La question relative à son intoxication n’était pas nouvelle puisqu’elle avait été soulevée dans la réfutation du fonctionnaire.

180        Il y avait quelques facteurs aggravants. À ce sujet, j’ai été renvoyé à Burton c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel),2004 CRTFP 74; Rose c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada),2006 CRTFP 17; MacArthur c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada),2010 CRTFP 90; Ranu. Dans Burton,l’arbitre de grief a modifié le licenciement de l’employé et a imposé à ce dernier une rétrogradation de son poste de superviseur correctionnel à un poste CX-02 assortie d’une suspension de longue durée de plus d’un an. Dans Rose, l’arbitre de grief a modifié le licenciement d’un CX-01 et imposé à ce dernier une suspension de longue durée d’un an. Dans MacArthur,l’arbitre de grief a modifié la rétrogradation permanente d’un agent des services frontaliers à un commis et lui a plutôt imposé une rétrogradation de 30 mois. Dans Ranu, une suspension de 10 jours a été réduite à une suspension de trois jours.

181        Le fonctionnaire a collaboré durant l’enquête. Pendant que son instance criminelle était en cours, il a suivi les conseils de ses avocats et n’a pas donné beaucoup de renseignements. Toutefois, une fois que cette procédure était terminée, il a parlé franchement, y compris pendant son témoignage lors de la présente audience.

182        Le fonctionnaire a demandé qu’il soit fait droit aux deux griefs et qu’il soit réintégré dans son poste à compter du 29 mai 2014, moyennant une rémunération et des avantages sociaux complets.

C. Réponse du défendeur

183        La preuve de l’introduction par effraction a été présentée par le gendarme Banadyga et la petite amie, laquelle était suffisante aux fins d’une accusation au criminel qui a finalement donné lieu à un plaidoyer de culpabilité de prise de possession par la force. La prise de possession par la force ne signifie pas qu’une personne vous a laissé entrer.

184        L’argument selon lequel le fonctionnaire était fatigué le 1er mai 2014, et qu’il avait oublié de le mentionner au directeur lorsqu’il l’a rencontré pour discuter de cette question ou de l’indiquer dans sa réfutation, constitue un nouvel élément qui n’a été soulevé qu’à l’audience.

185        En ce qui concerne l’argument selon lequel le fonctionnaire est réhabilité, selon Casey c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada),2005 CRTFP 46, la réhabilitation d’un employé ne rend pas inapproprié le licenciement pour des motifs disciplinaires. Dans Rose, le fonctionnaire s’estimant lésé a admis ce qu’il avait fait et a exprimé des remords. Dans MacArthur,encore une fois, le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté ses excuses. Dans Burton, les faits étaient très différents.

IV. Motifs

A. Dossier de la Commission 566-02-10050 : suspension sans traitement

186        Tel qu’il est indiqué dans Borowski et dans de nombreuses affaires de la Commission où cette décision a été appliquée, afin qu’une question ne soit pas théorique, il doit exister une question tangible à trancher. Le fonctionnaire a été licencié rétroactivement à la date à laquelle il a été suspendu sans traitement. Cette question est réelle et tangible et n’est pas seulement assujettie à un grief, mais également à un grief dont je suis saisi. La réparation demandée par le fonctionnaire dans son grief concernant sa suspension sans traitement est la même que celle demandée dans celui concernant son licenciement, c’est-à-dire sa réintégration dans ses fonctions moyennant une rémunération et des avantages sociaux complets à compter du 29 mai 2014. Je remarque également que la représentante du fonctionnaire n’a pas été en mesure de réfuter l’argument de l’employeur à ce sujet. Par conséquent, je conclus que le grief du dossier de la Commission 566-02-10050 est théorique et sera rejeté.

187        Puisque j’ai décidé que le grief concernant la suspension sans traitement est théorique, il ne m’est pas nécessaire de traiter les autres arguments du défendeur concernant ce grief.

B. Dossier de la Commission 566-02-10916 : licenciement

188        Les audiences d’arbitrage relativement aux mesures disciplinaires en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP sont des audiences de novo et le défendeur doit s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe.

189        Pour trancher des questions portant sur des mesures disciplinaires, on examine habituellement les trois critères suivants (voir Wm. Scott & Company Ltd. v. Canadian Food and Allied Workers Union, Local P-162, [1977] 1 Can L.R.B.R. 1,) : Y a-t-il eu une inconduite de la part du fonctionnaire s’estimant lésé? Si oui, les mesures disciplinaires imposées par l’employeur sont-elles appropriées dans les circonstances? Si elles ne l’étaient pas, quelles mesures auraient été justes et équitables dans les circonstances?

190        En ce qui concerne la première question à trancher, soit celle à savoir si les actes du fonctionnaire équivalent à une inconduite, plusieurs faits saillants sont contestés.

191        La crédibilité est au premier plan de cette affaire. Les questions liées à la crédibilité sont tranchées au moyen du critère énoncé dans Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354, dans laquelle la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Si l’acceptation de la crédibilité d’un témoin par un juge de première instance dépendait uniquement de son opinion quant à l’apparence de sincérité de chaque personne qui se présente à la barre des témoins, on se retrouverait avec un résultat purement arbitraire, et l’administration de la justice dépendrait des talents d’acteur des témoins. Réflexion faite, il devient presque évident que l’apparence de sincérité n’est qu’un des éléments qui entrent en ligne de compte lorsqu’il s’agit d’apprécier la crédibilité d’un témoin. Les possibilités qu’avait le témoin d’être au courant des faits, sa capacité d’observation, son jugement, sa mémoire, son aptitude à décrire avec précision ce qu’il a vu et entendu contribuent, de concert avec d’autres facteurs, à créer ce qu’on appelle la crédibilité […] Par son attitude, un témoin peut créer chez le juge de première instance une impression très défavorable quant à sa sincérité, alors que les circonstances de l’affaire permettent de conclure de façon indubitable qu’il dit la vérité. Je ne songe pas ici aux cas assez peu fréquents où l’on surprend le témoin en train de dire un mensonge maladroit.

La crédibilité des témoins intéressés ne peut être évaluée, surtout en cas de contradiction des dépositions, en fonction du seul critère consistant à se demander si le comportement du témoin permet de penser qu’il dit la vérité. Le critère applicable consiste plutôt à examiner si son récit est compatible avec les probabilités qui caractérisent les faits de l’espèce. Disons, pour résumer, que le véritable critère de la véracité de ce que raconte un témoin dans une affaire déterminée doit être la compatibilité de ses dires avec la prépondérance des probabilités qu’une personne éclairée et douée de sens pratique peut d’emblée reconnaître comme raisonnable dans telle situation et telles circonstances. […]

192        Selon la règle établie dans Browne et Dunn,une partie qui conteste la crédibilité d’un témoin à l’aide d’une preuve contradictoire doit interroger ce témoin relativement à cette preuve, et ce, afin de permettre au témoin, dont on essaiera de contredire le témoignage, l’occasion de s’expliquer. Si la règle dans Browne et Dunn n’est pas suivie, la Cour ou le tribunal ne permettra pas à la partie d’invoquer la preuve contradictoire.

193        En guise de défense aux allégations formulées contre lui, le fonctionnaire a adopté les positions suivantes :

1. Il n’a pas fait ce que la petite amie allègue qu’il a fait le 1er mai 2014.

2. Son comportement était compréhensible parce qu’il venait d’apprendre que la personne avec qui il avait une relation l’avait trompé.

3. Au fur et à mesure que les circonstances évoluaient, son comportement le 1er mai 2014, était calme et raisonnable.

194        La position du fonctionnaire est éloquente. S’il n’a pas agi conformément aux allégations du SCC, ses actes n’étaient pas inappropriés, n’équivalaient pas à une inconduite et n’auraient pas à être justifiés comme étant compréhensibles étant donné les circonstances de l’affaire.

195        La preuve a révélé que la version du fonctionnaire des événements survenus aux premières heures du 1er mai 2014, s’est précisée dès le début de son récit des événements.

196        Le fonctionnaire a affirmé que le 30 avril 2014, vers 23 h, après la fin de son quart, il s’est rendu à la maison de la petite amie, puisqu’ils avaient prévu de se rencontrer. Cette présumée rencontre prévue au préalable n’a pas été mentionnée dans les documents déposés à l’audience, y compris :

· les notes d’entrevue prises par les enquêteurs de SCC lors des entrevues avec le fonctionnaire et la petite amie et figurant aux annexes 22, 23 et 24 du rapport d’enquête;

· la réfutation du fonctionnaire.

197        Le fonctionnaire ne m’a pas informé de la façon dont cette rencontre a été prévue au préalable. Selon la preuve dont je dispose, lui et la petite amie ont échangé des messages textes à compter de 14 h 33, le 29 avril 2014, jusqu’au 30 avril 2014, à 9 h 38, lorsque la petite amie a envoyé le message texte suivant : [traduction] « Haha je fais des biscuits. Je me rends ensuite au gymnase. » Rien ne suggère une rencontre prévue au préalable.

198        Le fonctionnaire a déposé à l’audience une série de messages texte du 29 avril, à 14 h 33, au 30 avril 2014, à 9 h 38, ce qui me laisse croire qu’il avait conservé des messages texte dans son téléphone mobile, au moins jusqu’au début de cette série de messages texte commençant le 29 avril 2014, à 14 h 33. Lui et la petite amie ont tous les deux indiqué qu’il avait envoyé plusieurs messages texte (selon son témoignage, environ 10) à la petite amie le soir du 30 avril 2014, jusqu’aux premières heures du 1er mai 2014. Aucun de ces messages texte n’a été produit à l’audience.

199        En contre-interrogatoire, la petite amie n’a pas été interrogée au sujet de l’allégation du fonctionnaire selon laquelle ils avaient prévu au préalable de se rencontrer à sa maison le soir du 30 avril 2014, après son quart. Cela constitue un manquement à la règle établie dans Browne et Dunn.

200        La petite amie a indiqué que, pendant la soirée du 30 avril 2014 et au début de la matinée du 1er mai 2014, avant qu’elle ne retourne chez elle, elle était avec une amie et ensuite son ami. Si elle avait prévu rencontrer le fonctionnaire, pourquoi aurait-elle visité son ami en sachant qu’elle avait prévu rencontrer le fonctionnaire chez elle après son quart de travail? Cela n’a aucun sens. Même si le fonctionnaire a laissé entendre que la rencontre était prévue et que c’est la raison pour laquelle il se trouvait à la maison de la petite amie, selon la prépondérance des probabilités, les messages texte qu’ils ont échangés (tant ceux déposés en preuve que ceux qui ne l’ont pas été) et l’absence de la petite amie, non seulement à l’heure qui aurait été prévue, mais également de nombreuses heures plus tard, ainsi que ses allées et venues concernant une relation intime avec un autre homme, l’absence de tout renvoi à cette rencontre prévue au préalable à tout autre moment au cours de l’enquête et le fait que la petite amie n’a pas été interrogée relativement à ladite rencontre au cours de son contre-interrogatoire, me suggère fortement qu’il n’y avait aucune rencontre prévue. La version du fonctionnaire de la rencontre prévue avec la petite amie à la fin de son quart le 30 avril 2014, ne répond pas au critère établi dans Faryna.

201        La petite amie a indiqué que le fonctionnaire n’avait pas de clef de sa maison, alors que le fonctionnaire a dit qu’il en avait une. Selon le rapport d’enquête, le fonctionnaire a admis aux enquêteurs de SCC que le 1er mai 2014, il n’avait pas de clef. Si je retiens le témoignage du fonctionnaire selon lequel il avait une clef, cela laisserait entendre que la relation entre eux en était une qui lui permettait d’entrer et de sortir de sa maison à son gré. Toutefois, ce n’est pas ce qui est arrivé la nuit du 30 avril et le matin du 1er mai 2014. Le fonctionnaire a déclaré qu’il est allé chez elle et qu’il a attendu dehors. S’il avait une clef et qu’une rencontre était prévue, pourquoi a-t-il simplement attendu dehors dans son camion plutôt que d’entrer dans la maison? En réalité, le fonctionnaire a déclaré qu’il avait non seulement attendu, mais, lorsque la petite amie ne s’est pas présentée à l’origine, il est retourné chez lui, a pris une douche et y est retourné. Encore une fois, il n’est pas entré dans la maison de sa petite amie, il a attendu dans son camion. Cette version, tout comme l’histoire de la rencontre prévue au préalable, ne répond pas aux critères établis dans Faryna.

202        D’autres éléments de la version du fonctionnaire relativement à son attente de la petite amie à sa maison n’ont également aucun sens. Lorsque sa représentante lui a demandé à quelle heure la petite amie était retournée chez elle, il a déclaré qu’il n’était pas certain, qu’il était tard et qu’il [traduction] « supposait qu’elle était allée au bar. » Pourquoi a-t-il supposé que la petite amie était allée [traduction] « au bar » lorsque, selon lui, ils avaient prévu de se rencontrer à la fin de son quart? Encore une fois, cela ne répond pas aux critères établis dans Faryna.

203        Selon le témoignage du fonctionnaire, lorsque la petite amie est arrivée chez elle, elle trébuchait et elle était saoule lorsqu’elle est sortie de son véhicule. Le fonctionnaire lui a alors demandé pourquoi elle conduisait dans cet [traduction] « état d’ébriété » et il a répété qu’elle [traduction] « trébuchait ». Sa représentante l’a invité à décrire son état d’esprit à ce moment-là et sa réponse était la suivante : [traduction] « J’étais inquiet, je crois, étant donné que son téléphone n’était pas allumé ou que sa pile était déchargée »; il a ensuite déclaré [traduction] « Je savais qu’elle était sortie prendre quelques verres et je ne voulais pas qu’elle conduise dans cet état. » Ceci étant, on peut se poser la question à savoir comment le fonctionnaire a su que la petite amie était sortie prendre quelques verres ou pourquoi il croyait (et a laissé entendre) qu’elle était « au bar »? Ont-ils eu cette discussion avant la nuit du 30 avril 2014? La petite amie lui a-t-elle dit qu’elle sortait prendre quelques verres avec son amie au bar? Dans l’affirmative, la petite amie aurait dû être interrogée à ce sujet lorsqu’elle était à la barre des témoins. S’il en était ainsi, et que lui et la petite amie devaient se rencontrer après son quart, pourquoi n’est-il pas allé au bar? Encore une fois, cette version ne répond pas aux critères établis dans Faryna.

204        Le témoignage du fonctionnaire en réponse à la question de savoir quel était son état d’esprit lorsque la petite amie est rentrée chez elle saoule et en trébuchant est encore plus curieux; il a indiqué qu’il était inquiet, qu’il savait qu’elle était sortie prendre quelques verres et qu’il ne voulait pas qu’elle conduise. Le fonctionnaire était un agent de la paix en vertu de son poste au SCC et à titre de gendarme auxiliaire à la GRC. Il a indiqué qu’à titre de gendarme auxiliaire, il avait tous les pouvoirs et toute l’autorité qui étaient conférés à un membre de la GRC à plein temps. Il pouvait arrêter des véhicules, ainsi que procéder à l’arrestation de personnes et leur délivrer des contraventions. C’est en ce sens que j’estime extrêmement troublant son témoignage à l’égard de la petite amie et l’allégation selon laquelle elle était en état d’ébriété et qu’elle trébuchait. Même s’il a indiqué qu’il était inquiet parce qu’elle est arrivée chez elle saoule et qu’elle trébuchait (entre 3 h et 3 h 45) et qu’il ne voulait pas qu’elle conduise dans cet état, quelques deux ou deux heures et demie plus tard (vers 6 h), il lui a permis (une personne avec qui, selon le fonctionnaire, il avait une relation engagée et qui était la mère de plusieurs enfants) d’entrer dans son véhicule et de conduire au travail à l’hôpital local. Il est bien connu que l’alcool est métabolisé selon un taux vraisemblablement fixe et, par conséquent, si la petite amie était saoule et trébuchait à 3 h ou à 3 h 45, il était impossible qu’elle soit assez à jeun dans une période de deux heures pour conduire au travail, encore moins en état de traiter des patients dans un établissement de soins de santé. Soit la petite amie n’était pas saoule, soit le fonctionnaire, en lui permettant de conduire et de travailler pendant qu’elle était saoule et trébuchait, a non seulement fait preuve de grossière négligence à titre d’agent de la paix, mais également à titre d’être humain.

205        Le fonctionnaire a indiqué dans son témoignage que la raison pour laquelle il n’avait pas informé les enquêteurs de SCC du fait que la petite amie était saoule était qu’il exerçait son droit de garder le silence, conformément aux conseils de son avocat criminaliste. Cela n’a aucun sens. Le 28 mai 2010, il a parlé franchement aux enquêteurs de SCC au sujet des événements du 30 avril et du 1er mai 2014 et, à cette date, le service de police de Prince Albert avait porté des accusations contre lui mais ces dernières n’avaient pas encore été tranchées par les tribunaux. Le fonctionnaire a fourni sa réfutation au rapport d’enquête le 19 septembre 2014, et il a indiqué que la petite amie [traduction] « était tout à fait intoxiquée ». Au moment où il a rédigé sa réfutation, les accusations au criminel étaient encore en instance. L’exercice de son droit de garder le silence quant à ce qu’il a fait est une chose; toutefois, cela ne permet pas d’expliquer la raison pour laquelle il n’a pas mentionné l’intoxication alléguée pendant l’enquête de SCC, mais qu’il l’a mentionné dans sa réfutation, alors que les deux ont été effectuées après que des accusations aient été portées contre lui, sans toutefois avoir encore été tranchées par les tribunaux.

206        Même si la représentante du fonctionnaire a posé une question à la petite amie afin de savoir combien de verres elle avait pris lorsqu’elle était avec son amie et son ami, elle n’a pas été interrogée quant à l’allégation selon laquelle elle était en état d’ébriété ou saoule et trébuchait, conformément à ce qu’a laissé entendre le fonctionnaire dans son témoignage. Le fonctionnaire a déclaré que la première conversation qu’il a eue avec la petite amie lorsqu’elle est arrivée chez elle à 3 h (ou vers cette heure) portait sur le fait qu’elle était saoule et qu’elle avait conduit dans cet état. Sa représentante n’a pas interrogé la petite amie au sujet de cette prétendue discussion avec elle. Encore une fois, cela constitue des manquements à la règle établie dans Browne et Dunn.

207        Toutes ces incohérences dans la version du fonctionnaire relativement au fait que la petite amie aurait été intoxiquée ne répondent pas aux critères établis dans Faryna.

208        Dans son témoignage, le fonctionnaire a déclaré que lorsque lui et la petite amie étaient dans la maison de cette dernière au cours des premières heures du 1er mai 2014, et qu’il a mis fin à sa relation avec elle, elle l’a supplié de ne pas la laisser, car elle en avait besoin, supposément en raison de son soutien financier. Cette allégation ne figure dans aucun document déposé à l’audience. Le fonctionnaire n’a présenté aucun élément de preuve selon lequel il fournissait un soutien financier quelconque à la petite amie. S’il en était ainsi, il me semble qu’il aurait été facile de prouver à l’aide de certains documents, comme les transferts de fonds de comptes bancaires, de chèques, de versements de paiements d’hypothèque ou de loyer, de paiements des services publics ou de versements de paiements de location ou de prêt de véhicule. Aucun tel élément de preuve n’a été déposé. De plus, pendant le témoignage du fonctionnaire, et dans le sens du témoignage relatif au fait que la petite amie avait besoin de son soutien financier, il a déclaré que la petite amie lui avait dit : [traduction] « J’ai bousillé toute ma vie pour toi […] je vais bousiller ta vie pour toi. » En contre-interrogatoire, la petite amie n’a pas été interrogée au sujet de ces allégations. Cela constitue encore une fois un manquement à la règle établie dans Browne et Dunn.

209        Dans son témoignage, le fonctionnaire a fait allusion au comportement moral de la petite amie en suggérant qu’elle avait fait preuve de promiscuité et de mœurs douteuses. Je n’arrive pas à comprendre comment cela se rapporte au comportement du fonctionnaire.

210        Le fonctionnaire a laissé entendre qu’il n’avait pas divulgué toutes les questions relatives à la présumée intoxication de la petite amie, de sa dépendance financière et de sa promiscuité en raison des avis juridiques en lien avec la communication au sujet de l’incident pendant la procédure au criminel en instance. J’ai peine à comprendre comment la prétendue intoxication de la petite amie, sa situation financière et son comportement moral se rapportent au droit du fonctionnaire de garder le silence relativement à une procédure criminelle et cela n’a pas été expliqué.

211        Pendant son interrogatoire principal, la représentante du fonctionnaire lui a demandé pourquoi il était resté dans la maison de la petite amie pendant aussi longtemps, ce à quoi il a répondu qu’ils [traduction] « discutaient ». Elle lui a ensuite demandé combien de fois la petite amie lui avait demandé de partir et il a répondu : [traduction] « je ne sais pas » et il a continué en indiquant : [traduction] « […] c’était le contraire; elle ne voulait pas que je parte ». Cet échange est très révélateur. Si la petite amie ne lui a pas demandé de partir, même une seule fois, pourquoi aurait-il donc répondu [traduction] « Je ne sais pas »? Je suppose qu’il a répondu honnêtement à l’origine et qu’il a ensuite constaté son erreur et tenté rapidement de se reprendre à l’aide de la réponse : [traduction] « [E]lle ne voulait pas que je parte ».

212        La version du fonctionnaire de ce qui s’est produit à la maison de la petite amie à partir du moment où ils étaient ensemble dans la maison jusqu’à ce qu’ils quittent la maison dans leur véhicule respectif, ne résiste pas à un examen minutieux. Elle n’est pas, conformément à Faryna [traduction] « […] compatible avec la prépondérance des probabilités qu’une personne pratique et avisée reconnaîtrait d’emblée comme raisonnable en ce lieu et dans ces circonstances. » Le fonctionnaire a laissé entendre que les agissements de la petite amie laissaient croire qu’elle souhaitait se réconcilier, tandis qu’il avait décidé de mettre fin à leur relation en raison de son comportement. Sa version des événements indique que même s’il était la personne qui mettait fin à la relation, il a discuté avec la petite amie et lorsqu’il a refusé ses demandes de réconciliation, elle a été en colère, agressive et violente. Toutefois, cette version ne correspond pas aux autres composantes des éléments de preuve.

213        Le fonctionnaire a admis avoir volé une montre et un collier dispendieux qu’il lui avait donné en cadeaux. Même s’il a admis avoir échangé des messages texte avec l’ami de la petite amie, il n’a pas admis au libellé précis utilisé dans les messages, bien qu’ils aient été obtenus dans le cadre de l’enquête. Il s’est fait passer pour la petite amie au moyen de son téléphone en vue de discuter avec son ami et il est également clair qu’il était en colère, contrarié et que son ton était menaçant. Même s’il m’a laissé entendre, pendant son témoignage, qu’il avait rompu avec la petite amie et qu’il n’acquiesçait pas à ses demandes de réconciliation, ses messages texte dans cette série de messages texte constituent la preuve la plus manifeste que la situation était contraire à ce qu’il a allégué. Le fonctionnaire a déclaré ce qui suit à l’ami de la petite amie à certains moments au cours de la série de messages texte :

[Traduction]

· « C’est son petit ami niaiseux. »

· « Dégage! »!”

· « Perds ce numéro, fais-moi confiance! »”

· « Nous te verrons plus tard. Nous deux. »

· « […] ce numéro!!! Je ne blague pas! »

· « Laisse-la tranquille »

· « Nous sommes un couple, il n’y a aucune traque!! Perds le numéro!!!! Pour vrai »

214        Tous les messages texte que le fonctionnaire a envoyés au moyen du téléphone de la petite amie à son ami contredisent son témoignage devant moi. Pourquoi dirait-il ces choses à l’ami de la petite amie s’il croyait que sa relation avec la petite amie était terminée et que c‘était lui qui avait choisi d’y mettre fin?

215        Le fonctionnaire a également suivi la petite amie à son travail, à l’hôpital. À l’origine, il a nié l’avoir suivi à son travail, mais lorsqu’il a vu les photos de la caméra de surveillance (figurant dans le rapport d’enquête), il a admis qu’il devait l’avoir suivi. Il est intéressant de noter que même s’il a nié l’avoir suivi à l’origine, et qu’il a ensuite admis l’avoir suivi parce qu’il a vu les photos, il s’est ensuite souvenu qu’ils discutaient pendant qu’ils conduisaient, parfois côte à côte, par les fenêtres de leur véhicule respectif et qu’elle tentait de régler les choses avec lui. Cette version des événements n’a aucun sens. Si le fonctionnaire avait terminé la relation et que la petite amie devait se rendre au travail, pourquoi l’aurait-il suivi? Pourquoi ne l’aurait-il pas simplement laisser aller au travail, par elle-même, et qu’il n’est pas retourné en direction de sa propre maison? Il est évident que la petite amie se rendait au travail et qu’il s’agit bien de l’endroit où elle s’est rendue et où elle a stationné son véhicule, ce qui n’a pas été contesté. Si la version des événements du fonctionnaire selon laquelle il a rompu la relation avec la petite amie était exacte, il n’aurait aucun motif de la suivre ou de se rendre à l’hôpital.

216        La petite amie a indiqué que le fonctionnaire avait non seulement pris son téléphone sans permission et qu’il refusait de le lui retourner, mais qu’il avait également conservé le téléphone pendant ses heures de travail du 1er mai 2014. Il a laissé entendre qu’il avait pris son téléphone pour supprimer ses coordonnées et des photos. Ce n’est pas une excuse. Ce n’était pas son téléphone et il n’avait aucun droit que ce soit de le prendre de chez elle ou d’ailleurs, de le garder et de supprimer des renseignements ou des photos qui y étaient sauvegardés. Le fonctionnaire a déclaré avoir essayé de retourner le téléphone à la petite amie, mais qu’il n’avait pas réussi. Très franchement, cela déborde les frontières de l’imagination. À quel point aurait-il été difficile de laisser son téléphone avec la petite amie, chez elle, ou de lui remettre lorsqu’ils sont tous les deux partis si, comme il le suggère, elle tentait de se réconcilier. En effet, il est allé à son lieu de travail, non seulement une fois, mais deux fois, avant de retourner au parc de stationnement de l’hôpital une troisième fois, où il a accédé à son véhicule, sans sa permission, pour y laisser ses biens personnels.

217        Aux paragraphes 33 à 37 de Toronto (Ville), la Cour suprême du Canada a tranché la question de « contestations indirectes ». La Cour s’est prononcée en ces termes :

La règle interdisant les contestations indirectes rend irrecevables les actions visant l’infirmation de déclarations de culpabilité par des tribunaux n’ayant pas compétence en cette matière. Comme la Cour l’a affirmé dans l’arrêt Wilson c. La Reine, [1983] 2 R.C.S. 594, p. 599, cette règle est

un principe fondamental établi depuis longtemps [selon lequel] une ordonnance rendue par une cour compétente est valide, concluant et a force exécutoire, à moins d’être infirmé en appel ou légalement annulé. De plus, la jurisprudence établit très clairement qu’une telle ordonnance ne peut faire l’objet d’une attaque indirecte; l’attaque indirecte peut être décrite comme une attaque dans le cadre de procédures autres que celles visant précisément à obtenir l’infirmation, la modification ou l’annulation de l’ordonnance ou du jugement.

[…] par. 20, le juge Binnie a défini la règle prohibant les contestations indirectes comme « la règle selon laquelle l’ordonnance rendue par un tribunal compétent ne doit pas être remise en cause dans des procédures subséquentes, sauf celles prévues par la loi dans le but exprès de contester l’ordonnance » (je souligne).

Chacune des affaires susmentionnées soulève la question du tribunal compétent pour connaître de contestations relatives au jugement lui-même. En l’espèce, toutefois, le syndicat ne cherche pas à faire infirmer la déclaration de culpabilité pour agression sexuelle, mais conteste simplement, dans le cadre d’une demande différente comportant des conséquences juridiques différentes, le bien-fondé de cette déclaration. Il s’agit d’une attaque implicite du bien-fondé factuel de la décision, non pas de la contestation de la validité juridique de celle-ci, puisquelle est manifestement valide. Les « contestations indirectes » prohibées constituent un abus du processus judiciaire. Or, comme la règle qui prohibe les contestations indirectes met l’accent sur la contestation de l’ordonnance elle-même et de ses effets juridiques, la meilleure façon d’aborder la question en l’espèce me paraît être de recourir directement à la doctrine de l’abus de procédure.

[…]

Dans le contexte qui nous intéresse, la doctrine de l’abus de procédure fait intervenir [TRADUCTION] « le pouvoir inhérent du tribunal d’empêcher que ses procédures soient utilisées abusivement, d’une manière […] qui aurait […] pour effet de discréditer l’administration de la justice » (Canam Enterprises Inc. c. Coles (2000), 51 O.R. (3d) 481 (C.A.), par. 55, le juge Goudge, dissident, approuvé par [2002] 3 R.C.S. 307, 2002 SCC 63). Le juge Goudge a développé la notion de la façon suivante aux par. 55 et 56 :

[traduction] La doctrine de l’abus de procédure engage le pouvoir inhérent du tribunal d’empêcher que ses procédures soient utilisées abusivement, d’une manière qui serait manifestement injuste envers une partie au litige, ou qui aurait autrement pour effet de discréditer l’administration de la justice. C’est une doctrine souple qui ne s’encombre pas d’exigences particulières telles que la notion d’irrecevabilité (voir House of Spring Gardens Ltd. c. Waite, [1990] 3 W.L.R. 347, p. 358, [1990] 2 All E.R. 990 (C.A.).

Un cas d’application de l’abus de procédure est lorsque le tribunal est convaincu que le litige a essentiellement pour but de rouvrir une question qu’il a déjà tranchée. [Je souligne.]

Ainsi qu’il ressort du commentaire du juge Goudge, les tribunaux canadiens ont appliqué la doctrine de l’abus de procédure pour empêcher la réouverture de litiges dans des circonstances où les exigences strictes de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée (généralement les exigences de lien de droit et de réciprocité) n’étaient pas remplies, mais où la réouverture aurait néanmoins porté atteinte aux principes d’économie, de cohérence, de caractère définitif des instances et d’intégrité de l’administration de la justice […]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

218        Le fonctionnaire a comparu devant un juge de la Cour provinciale de la Saskatchewan et a plaidé coupable aux accusations de prise de possession par la force et de voies de fait simples en vertu du paragr. 72(1) et de l’article 266 du Code criminel. La Cour suprême a fait valoir que sa comparution devant ce tribunal et ses tentatives de faire valoir comme il l’a fait que les événements et les faits auxquels il a plaidé coupable et qui ont été adjugés par cette Cour sont en fait inexacts ou erronés, constitue un abus de procédure et une contestation indirecte. Le moment et l’endroit pour contester les éléments factuels qui ont donné lieu aux accusations au criminel, le plaidoyer de culpabilité et les déclarations de culpabilités étaient devant la Cour provinciale de la Saskatchewan. Le fonctionnaire ne peut pas comparaître devant moi et suggérer qu’il est innocent des actes qui ont donné lieu à son aveu et à sa déclaration de culpabilité des accusations de prise de possession par la force et de voies de fait.

219        Le fonctionnaire a essentiellement comparu devant moi et a déclaré avoir menti à la Cour provinciale de la Saskatchewan lorsqu’il a plaidé coupable.

220        Il a également admis avoir menti à deux autres reprises. Il a affirmé qu’il a menti à la petite amie lorsqu’il lui a dit qu’il était passé en voiture devant la maison de son amie afin d’obtenir des renseignements de la petite amie quant à ses allées et venues. Il a menti aux enquêteurs quant à la date à laquelle sa relation a commencé avec la petite amie. Il leur a dit que leur relation avait commencé en février 2014, même si elle avait réellement commencé en octobre 2013. Ce mensonge a été présenté parce que le fonctionnaire et la petite amie avaient amorcé leur relation pendant qu’elle était encore avec son conjoint.

221        Dans l’ensemble, la preuve a clairement démontré que le fonctionnaire n’a pas été honnête et franc et, par conséquent, je ne crois pas à sa version des événements du 1er mai 2014.

222        J’accepte que le fonctionnaire, à tout le moins, se soit livré à des voies de fait contre la petite amie et qu’il ait commis une prise de possession par la force chez la petite amie le matin du 1er mai 2014.

223        J’accepte les faits suivants :

· la nuit du 30 avril 2014 et le matin du 1er mai 2014, la petite amie, après être sortie avec son amie, a passé du temps avec son ami;

· le fonctionnaire avait des doutes à l’égard de la petite amie, étant donné qu’au cours de la nuit du 30 avril 2014 et du matin du 1er mai 2014, il lui a envoyé de multiples messages texte et l’a appelé à maintes reprises, sans réponse;

· la nuit du 30 avril 2014 et le matin du 1er mai 2014, le fonctionnaire a surveillé la maison de la petite amie, en espérant qu’elle y retourne et qu’il puisse la confronter;

· le matin du 1er mai 2014, lorsque la petite amie est revenue, le fonctionnaire s’est introduit par effraction dans sa maison;

· le matin du 1er mai 2014, au cours d’une période de deux à trois heures, pendant laquelle les deux étaient dans la maison, le fonctionnaire a agi de la manière décrite par la petite amie : il l’a engueulé; il l’a séquestré dans sa chambre à coucher et il s’est livré à des voies de fait contre elle;

· le matin du 1er mai 2014, le fonctionnaire a volé des biens personnels de la petite amie, et bien qu’il lui ait retourné son téléphone mobile, il a supprimé des renseignements et des photos qui y étaient conservés et a eu une conversation avec son ami au moyen de ce téléphone sans sa permission;

· le matin du 1er mai 2014, après avoir quitté la maison de la petite amie, il l’a suivi à son lieu de travail, où il a continué son comportement abusif à l’égard de la petite amie;

· au cours de la journée du 1er mai 2014, le fonctionnaire est retourné au lieu de travail de la petite amie, où il a continué son comportement inapproprié.

224        Le comportement du fonctionnaire m’a démontré qu’il éprouve des difficultés à contrôler ses émotions, à faire preuve d’un bon jugement et à prendre des décisions appropriées. Il ne peut dire qu’il a eu ce comportement sur un coup de tête, ni qu’il s’agit d’une seule occasion ou qu’il était sous l’influence de la drogue ou de l’alcool. Il n’y avait également aucune preuve qu’il a subi une forme quelconque d’incapacité ou de maladie mentale. Il a attendu environ quatre heures avant que la petite amie ne revienne chez elle. Il disposait certainement de beaucoup de temps pour y réfléchir. La prudence dicte qu’une fois que la petite amie était chez elle, il aurait dû laisser les choses telles quelles. Ce qu’il a choisi de ne pas faire. Il a choisi d’entrer illégitimement dans sa maison et d’agir de la manière qu’il a agi. Il a ensuite choisi de la suivre à son lieu de travail.

225        Le fonctionnaire était un professionnel formé qui aurait dû être en mesure d’agir de manière calme et responsable dans un contexte difficile et chargé en émotions. Il s’agit du comportement qui est attendu d’un CX et gendarme auxiliaire de la GRC formé et ce pourquoi il est formé.

226        Au paragraphe 46 de Tobin, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

Le pouvoir d’adopter le Code de disciplinecomporte le droit d’apprécier la conduite des employés à la lumière de ses dispositions, sinon il ne serait d’aucune utilité.J’ai examiné les liens dans la chaîne des pouvoirs délégués depuis le Conseil du Trésor jusqu’au commissaire du SCC.Si cette chaîne comportait un lien manquant, rien en ce sens ne nous a été démontré. Le pouvoir du Conseil du Trésor d’établir des normes de discipline dans la fonction publique a été délégué au commissaire qui l’a exercé en adoptant le Code de discipline.

227        Le directeur Hope a affirmé qu’il avait déterminé que la mesure disciplinaire relative au comportement du fonctionnaire était fondée sur le fait qu’il avait contrevenu au Code de discipline. Plus précisément, le fonctionnaire avait contrevenu aux clauses suivantes :

6g) omet de respecter ou d’appliquer une loi, un règlement, une directive du commissaire, un ordre permanent ou une autre directive quelconque ayant trait à ses fonctions;

8c) se conduit d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur le Service, qu’il soit de service ou non.

228        M. Hope a reconnu que l’omission du fonctionnaire de suivre le protocole établi pour s’inscrire à l’établissement n’a pas entraîné la décision de mettre fin à son emploi. Ce sont les constatations figurant au rapport d’enquête liée au comportement dont a fait preuve le fonctionnaire, le 1er mai 2014, à l’égard de la petite amie qui ont mené M. Hope à mettre fin à l’emploi du fonctionnaire pour avoir, selon lui, agi d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur le SCC alors qu’il n’était pas en service. M. Hope a accepté comme véridiques les faits énoncés dans le rapport d’enquête et a fondé sa décision disciplinaire sur lesdits faits. Il a reconnu qu’il ne savait pas que le fonctionnaire avait été reconnu coupable d’une infraction quelconque au Code criminel lorsqu’il a décidé de licencier le fonctionnaire même si, à ce moment-là, le fonctionnaire avait certainement plaidé coupable et avait été reconnu coupable des accusations au criminel de voies de fait et de prise de possession par la force.

229        Voici la définition de voies de fait prévue à l’article 265 du Code criminel :

265 (1) Commet des voies de fait, ou se livre à une attaque ou une agression, quiconque, selon le cas :

a) d’une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement;

b) tente ou menace, par un acte ou un geste, d’employer la force contre une autre personne, s’il est en mesure actuelle, ou s’il porte cette personne à croire, pour des motifs raisonnables, qu’il est alors en mesure actuelle d’accomplir son dessein;

c) en portant ostensiblement une arme ou une imitation, aborde ou importune une autre personne ou mendie.

(2) Le présent article s’applique à toutes les espèces de voies de fait, y compris les agressions sexuelles, les agressions sexuelles armées, menaces à une tierce personne ou infliction de lésions corporelles et les agressions sexuelles graves.

(3) Pour l’application du présent article, ne constitue pas un consentement le fait pour le plaignant de se soumettre ou de ne pas résister en raison :

a) soit de l’emploi de la force envers le plaignant ou une autre personne;

b) soit des menaces d’emploi de la force ou de la crainte de cet emploi envers le plaignant ou une autre personne;

c) soit de la fraude;

d) soit de l’exercice de l’autorité.

230        L’article 266 du Code criminel est ainsi libellé :

266 Quiconque commet des voies de fait est coupable :

a) soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans;

d) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

231        Le paragraphe 72(1) du Code criminel est ainsi libellé :

72 (1) La prise de possession par la force a lieu lorsqu’une personne prend possession d’un bien immeuble qui se trouve en la possession effective et paisible d’une autre, d’une manière susceptible de causer une violation de la paix ou de faire raisonnablement craindre une violation de la paix.

232        Le paragraphe 72(1.1) du Code criminel est ainsi libellé :

72 (1.1) Pour l’application du paragraphe (1), le fait qu’une personne ait ou non le droit de prendre possession d’un bien immeuble ou qu’elle ait ou non l’intention de s’en emparer définitivement n’est pas pertinent.      

233        Au paragraphe 51 de Tobin, la Cour d’appel fédérale s’est prononcée en ces termes :

De la même façon, les règles de conduite professionnelle et le Code de conduitetraitent de conduite nuisible à la réputation du SCC.Compte tenu de la mission du SCC, la question de savoir si une déclaration de culpabilité et les circonstances dans lesquelles la culpabilité a été reconnue lui sont nuisibles constitue un facteur à prendre en compte dans l’évaluation du caractère approprié de la sanction imposée à M. Tobin.

[…]

234        Aux paragraphes 60 à 62 de Tobin, la Cour d’appel fédérale a tranché la question relative à l’atteinte à la réputation de l’employeur en ces termes :

L’arbitre ne précise pas sous quelle forme une telle preuve devrait être présentée.La preuve directe d’atteinte à la réputation peut être requise en certaines circonstances, mais il était manifestement déraisonnable pour l’arbitre de fixer une norme qui, à toutes fins utiles, ne pouvait être respectée.L’on ne saurait apprécier ou mesurer la réputation d’une institution nationale de la même façon qu’on le ferait pour une personne au sein d’une collectivité. Comment l’arbitre concevait-il qu’une telle preuve lui serait présentée?Aurait-elle été présentée sous forme de sondages de l’opinion publique?Hormis la question des coûts et de l’emploi à bon escient des fonds publics, il m’apparaît que la conception de tels sondages poserait des difficultés considérables. Par exemple, comment l’employeur s’y prendrait-il pour savoir, avant les événements en question, qu’il doit commencer à recueillir des éléments de preuve d’atteinte à sa réputation?Il est tout simplement déraisonnable de croire que la réputation du SCC puisse être mesurée avec une précision mathématique et qu’un facteur particulier puisse expliquer avec certitude les changements à cette réputation.

Le passage de l’arrêt Fraser c. Canada (Commission des relations de travail dans la Fonction publique), [1985] 2 R.C.S. 455 [Fraser], auquel le juge de première instance renvoie au paragraphe 50 de ses motifs, est particulièrement pertinent à cet égard.Dans l’arrêt Fraser, il s’agissait de déterminer si les critiques d’un fonctionnaire à l’égard des politiques du gouvernement avaient laissé libre cours à la perception qu’il était incapable de remplir ses fonctions de fonctionnaire.La notion d’incidence néfaste est assez élastique, tout comme celle de l’image ternie.C’est en ce sens que la Cour suprême s’est prononcée :

Si on examine l’incidence néfaste dans un sens plus large, je suis d’avis qu’une preuve directe n’est pas nécessairement exigée.Les traditions et les normes contemporaines de la fonction publique peuvent constituer des éléments de preuve directe. Toutefois elles peuvent également être des éléments d’étude, d’argumentation écrite et orale, de connaissance générale de la part d’arbitres qui ont l’expérience du secteur public et enfin, de déductions raisonnables par ces derniers.

Fraser, précité, au paragraphe 48

Il en va de même pour la question de savoir si une conduite donnée porte atteinte à la réputation du SCC.Il s’agit d’une question dont le traitement commande une dose de bon sens et de discernement. […]

235        Même si M. Hope n’a pas fondé sa décision sur la véritable déclaration de culpabilité au criminel, il l’a fondée sur les faits sous-jacents qui étaient à la base des déclarations de culpabilité au criminel. Il a indiqué qu’elles n’étaient pas compatibles avec l’énoncé de la mission (Énoncé des valeurs) du SCC, dont une partie a été reproduite ci-dessus dans la présente décision.

236        Je conclus que le comportement sous-jacent qui a mené à des accusations au criminel contre le fonctionnaire et à ses déclarations de culpabilité éventuelle de voies de fait et de prise de possession par la force, est un acte actes d’inconduite grave qu’un observateur raisonnable et bien renseigné interpréterait comme un comportement qui est susceptible de jeter le discrédit sur le SCC. Il n’est pas nécessaire de démontrer le véritable discrédit. Je n’ai aucun doute que la formation et les responsabilités professionnelles du fonctionnaire, non seulement auprès du SCC, mais également à titre de gendarme auxiliaire de la GRC, aurait dû lui permettre de percevoir la nature inacceptable de son comportement envers la petite amie.

237        Je conclus également que le comportement du fonctionnaire envers la petite amie, le 1er mai 2014, à compter du moment où il est entré dans sa maison jusqu’au moment où il a laissé ses biens dans son véhicule dans l’après-midi, constituait un comportement qui ne peut être interprété comme compatible avec les valeurs décrites dans l’Énoncé des valeurs du SCC et, plus particulièrement, il n’a pas fait preuve de ce qui suit :

· le respect de la primauté du droit;

· un comportement respectueux;

· permettre aux personnes de choisir leur propre voie;

· traiter les autres comme nous aimerions être traités;

· être capable d’expliquer et de justifier la pertinence des mesures et des décisions prises et de répondre aux questions quant à celles-ci et d’être disposé à agir ainsi.

238        Le fonctionnaire a cité trois collègues, tous des hommes. Ils ont tous déclaré qu’ils n’éprouveraient aucune difficulté à travailler avec lui. Ils n’avaient aucune idée des actes dont il avait été accusé et ils n’avaient aucune idée des accusations au criminel qui avaient été portées contre lui ou des faits sous-jacents aux déclarations de culpabilités prononcées contre lui. En bref, leur témoignage n’était d’aucun secours.

239        Deux des trois collègues, soit M. See et M. Rock, ont également témoigné au sujet de la signature du Journal à l’établissement. M. See a indiqué qu’il signait rarement le Journal selon l’ancien système. Il n’a pas expliqué davantage l’ancien système; il n’a pas indiqué non plus qu’il ne signait jamais le Journal, mais uniquement qu’il le signait rarement. Même si M. See a indiqué qu’il signait rarement le Journal, personne ne lui a précisé qu’en l’espèce, il s’agissait de l’entrée à l’établissement à des fins autres que le travail. La question de savoir si, en mai 2014, l’exigence de signer le Journal à l’établissement était appliquée strictement a été posée à M. Rock. Il a répondu que lorsqu’il a commencé à y travailler (soit vers 2006, selon son témoignage), il n’existait aucune telle exigence, mais qu’il existe maintenant des cartes d’identité assorties d’une puce qui devaient être balayés pour entrer et sortir de l’établissement. M. Rock n’a abordé aucunement ce qui se passait en mai 2014; son témoignage portait sur la période où il a commencé à travailler à l’établissement.

240        Les témoignages de M. See et de M. Rock ne m’ont pas convaincu que la procédure de signer à l’entrée et à la sortie de l’établissement, par les employés qui ne sont pas en service, n’était pas bien connue ou suivie. Ils ont tous deux indiqué qu’à l’heure actuelle, le système exige qu’ils utilisent une carte d’identité qu’ils doivent balayer à l’entrée et à la sortie de l’établissement.

241        Par conséquent, il ne me reste que le témoignage du fonctionnaire et la preuve documentaire déposée par l’employeur quant aux personnes qui ont signé le Journal le 1er mai 2014. Je suis convaincu que les procédures relatives à la signature du Journal de l’établissement existaient au moment où le fonctionnaire est allé ramasser son uniforme, le 5 mai 2014, et qu’il n’a pas suivi ces procédures. Je suis également convaincu que même si le fonctionnaire a laissé entendre qu’il existait une certaine incertitude quant à la procédure et si elle était suivie, la procédure d’inscription était au moins assez bien connue des membres du personnel du SCC; en effet, le jour pertinent, 38 membres du personnel du SCC ou de CORCAN ont suivi la procédure et se sont inscrits.

242        Même si je suis convaincu que le fonctionnaire n’a pas respecté la procédure lorsqu’il est entré dans l’établissement et lorsqu’il y est sorti, pendant qu’il n’était pas de service, je suis également conscient du témoignage du directeur Hope selon lequel il n’a pas mis fin à l’emploi du fonctionnaire parce qu’il n’a pas signé le Journal. Je suis d’avis que si la seule question en litige à l’égard du fonctionnaire était celle concernant son omission de signer le Journal lorsqu’il est entré dans l’établissement le 5 mai 2014, il aurait probablement été assujetti à une réprimande quelconque, peut être une réprimande orale ou, au pire, une réprimande écrite.

243        Le fonctionnaire a indiqué que le 6 mai 2014, il s’est présenté au bureau d’un médecin et a obtenu une note médicale indiquant qu’il serait en congé pour des raisons médicales du 7 au 12 mai 2014. Même si j’accepte que la note indique qu’elle a été générée par un ordinateur à 10 h 55, et qu’elle semble être authentique, selon le rapport d’enquête, le fonctionnaire a obtenu la note médicale en vue de s’absenter du travail pour des raisons de maladie alors qu’il était, en réalité, en état d’arrestation relativement à des accusations au criminel. Selon son témoignage, il s’est présenté au bureau de son médecin et il a obtenu une note médicale parce qu’il croyait ne pas être en mesure d’exercer ses fonctions à pleine capacité en raison de la rupture de sa relation avec la petite amie et du harcèlement antérieur auquel il a été assujetti de la part de ses collègues à cause de sa situation familiale.

244        Selon le propre aveu du fonctionnaire, il ne souffrait d’aucune maladie. Je ne suis pas convaincu qu’il était véritablement malade. Je ne suis pas convaincu qu’il n’était pas en mesure d’exercer ses fonctions lorsqu’il a obtenu la note médicale. Le médecin n’a pas témoigné et la note ne précise pas la maladie du fonctionnaire qui l’obligeait à être en congé du 7 au 12 mai 2014.

245        Même si le fonctionnaire a indiqué avoir appelé l’établissement à partir de son camion le 6 mai 2014, immédiatement après son rendez-vous avec son médecin, les documents de l’employeur indiquent que le congé non attesté a été inscrit le même jour à 15 h 18. Les relevés du téléphone mobile du fonctionnaire auraient permis d’établir facilement l’heure à laquelle il a appelé l’établissement puisqu’ils comprendraient les données sur l’appel effectué à cette date. Étant donné que j’ai conclu que le témoignage du fonctionnaire était, en général, peu fiable et trompeur, je suis prêt à accepter qu’il est plus probable que les documents fournis par l’employeur, selon lequel l’appel a été fait à 15 h 18, sont exacts, et je suis prêt à accepter que le fonctionnaire a tenté d’induire en erreur l’employeur au sujet de son arrestation. Par conséquent, je conclus que le fonctionnaire a contrevenu à l’alinéa 6g) du CD 060, Code de discipline : omet de respecter ou d’appliquer une loi, un règlement, une directive du commissaire, un ordre permanent ou une autre directive quelconque ayant trait à ses fonctions; et à l’alinéa 8c) du CD 060, Code de discipline : se conduit d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur le Service, qu’il soit de service ou non.

246        Exception faite de l’aveu selon lequel il a omis de suivre la procédure d’inscription lorsqu’il n’était pas de service, le fonctionnaire n’a admis, à aucun moment, avoir commis une erreur. En fait, il a toujours clamé son innocence, même à la lumière de son plaidoyer de culpabilité aux accusations au criminel portées contre lui. Il n’a fait preuve d’aucune compréhension selon laquelle ses actes envers la petite amie le 1er mai 2014 étaient fautifs (peu importe s’ils étaient ou non de nature criminelle). En outre, il n’a démontré aucune compréhension du fait qu’il n’a fait preuve d’aucun discernement relativement à son comportement. Il va sans dire qu’il n’a démontré aucun remords, étant donné qu’il n’a pas admis avoir commis une erreur ou avoir agi de manière inappropriée.

247        Étant donné l’incapacité complète du fonctionnaire de comprendre la gravité de son comportement, le manque d’aveu et le manque total de remords, les affaires invoquées relativement à la réduction de la sanction sont sans pertinence. La première étape dans le but de corriger une inconduite est la capacité de reconnaître qu’il a commis une erreur. Le fonctionnaire n’a pas franchi cette étape. Une fois qu’une personne reconnaît qu’elle a commis une erreur, elle doit être disposée à rectifier le comportement; cela ne peut se produire sans une reconnaissance qu’elle a commis une erreur. Selon toutes les circonstances qui m’ont été présentées, je suis convaincu qu’il n’existe aucune possibilité de réadaptation pour le fonctionnaire. Je ne suis pas prêt à modifier la sanction de licenciement.

248        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)

V. Ordonnance

249        Le grief concernant la suspension pour une période indéterminée, dossier de la Commission 566-02-10050, est rejeté.

250        Le grief concernant le licenciement, dossier de la Commission 566-02-10916, est rejeté.

Le 29 avril 2016
Traduction de la CRTEFP

John G. Jaworski
une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
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