Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a déposé une plainte en vertu de l’art. 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique – au moment où l’audience a été fixée, le plaignant avait déménagé d’Ottawa à Vancouver – la Commission a acquiescé à sa demande que l’audience se déroule par vidéoconférence – la Commission a pris des dispositions pour utiliser les installations de vidéoconférence à Vancouver et à Ottawa exploitées par un autre tribunal administratif fédéral – des avis d’audience et de lieu ont été envoyés aux parties – lorsque l’audience a commencé à l’heure prévue, on ne voyait pas le plaignant à l’autre extrémité de la connexion de la vidéoconférence, à Vancouver – l’avocat, les représentants et les témoins de l’intimé étaient présents à l’autre extrémité, à Ottawa – le greffe de la Commission a tenté de communiquer avec le plaignant par courriel et par téléphone afin de savoir où il se trouvait – six minutes après le début prévu de l’audience, le plaignant a répondu par courriel qu’il croyait que l’intimé ne lui avait pas divulgué certains documents et que, « prétendument », l’audience ne serait pas tenue – le greffe a de nouveau tenté de communiquer avec lui et a laissé des messages vocaux et par courriel afin de l’informer que, s’il ne se présentait pas à l’audience dans les 30 minutes suivant le début prévu de l’audience, cette dernière serait entendue sans lui – il a communiqué avec le greffe 50 minutes après le début prévu et a indiqué qu’il se présenterait à l’audience dans 20 minutes – le greffe l’a informé, pendant son échange, qu’il pourrait faire part de ses préoccupations relatives à la production de documents pendant l’audience – 45 minutes plus tard, le plaignant ne s’était toujours pas présenté à l’audience – étant donné qu’elle n’a obtenu aucune explication valable sur la raison pour laquelle il était encore en retard et qu’elle ignorait s’il allait réellement être présent, la Commission a rouvert l’audience et l’intimé a déposé une motion pour rejeter la plainte aux motifs que le plaignant n’avait présenté aucune preuve – la Commission a conclu que le plaignant ne s’était pas présenté comme cela a été indiqué sur l’avis d’audience et qu’il n’avait pas déposé de preuve pour appuyer ses allégations – il a donc omis d’établir que l’intimé avait abusé de son pouvoir, comme il l’alléguait dans la plainte – il n’a présenté aucune demande de report et aucune explication raisonnable pour justifier son absence de l’audience – les actes qu’il a commis dans le cadre de cette affaire témoignent d’un manque de respect grave à l’égard de la Commission et des autres parties en cause.Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-05-20
  • Dossier:  EMP-2014-9441
  • Référence:  2016 CRTEFP 44

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

Ryan Benson

plaignant

et

LE PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES DU CANADA

Intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié
Benson c. Président de la Commission des libérations conditionnelles du Canada


Affaire concernant une plainte déposée en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.


Devant:
Chantal Homier Nehmé, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour le plaignant
Lui-même
Pour l'intimée:
Simon Deneau, stagiaire en droit, et Alison Sephton, avocate, Services juridiques du Conseil du Trésor
Pour la Commission de la fonction publique
Claude Zaor, analyste principal
Affaire entendue à Ottawa, Ontario et Vancouver (Colombie-Britannique), par vidéoconférence
le 3 mai 2016
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

Plainte devant la Commission

1        La présente décision porte sur une requête visant à faire rejeter une plainte déposée par Ryan Benson (le « plaignant ») présentée en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.Il a déposé sa plainte devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission ») le 10 décembre 2014, en réponse à un processus de nomination annoncé pour un poste d’agent des communications IS-05 auprès de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (l’ « intimé »). Lorsqu’il a déposé sa plainte, le plaignant occupait un poste du groupe IS-05 auprès du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration du Canada à Ottawa, en Ontario. Il a allégué que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans l’application du mérite.

2        L’intimé a nié toutes les allégations d’abus de pouvoir.

3        Même si la Commission de la fonction publique n’était pas présente à l’audience, elle a présenté des observations écrites.

4        À la demande du plaignant, l’audience a été prévue les 3 et 4 mai 2016, à 12 h, heure d’Ottawa, par vidéoconférence à Ottawa, et à 9 h à Vancouver, en Colombie-Britannique. Les parties ont reçu l’« avis du lieu de l’audience » de la Commission en date du 22 février 2016. L’« avis du  lieu de l’audience », en date du 7 avril 2016, indiquait les salles d’audience aux deux emplacements, de même que les dates et les heures prévues du début de l’audience.

5        Le plaignant ne s’est pas présenté à l’audience au moment et au lieu prévus. L’intimé a proposé que la plainte soit rejetée au motif qu’aucune preuve n’avait été présentée pour la soutenir. Pour les motifs qui suivent, j’accueille la motion et j’ordonne le rejet de la plainte.

Contexte

6        Le 23 février 2016, le plaignant a informé la Commission qu’il était situé à Vancouver et il demandait [traduction] « […] si l’audience pouvait être effectuée par téléconférence ». En réponse à sa demande de changement de lieu, le 3 mars 2016, le greffe de la Commission a demandé qu’il fournisse des coordonnées à jour et qu’il les envoie à toutes les parties par courriel.

7        Puisqu’il n’a reçu aucune réponse du plaignant, le greffe de la Commission lui a de nouveau écrit le 16 mars et a demandé une mise à jour de ses coordonnées. En réponse, le plaignant n’a pas présenté de mises à jour de ses coordonnées. Il a plutôt écrit ce qui suit :

[Traduction]


Une téléconférence n’est-elle pas possible? Je peux fournir une mise à jour de mon adresse à tous, mais j’aimerais obtenir des précisions à ce sujet avant de demander officiellement un changement de lieu. Ce n’est pas la meilleure utilisation de l’argent des contribuables que de faire venir une demi-douzaine de commissaires et de représentants de l’intimé par avion de l’autre bout du pays
pour une audience d’une journée […]

8        Le 8 mars 2016, le greffe de la Commission a informé le plaignant qu’une conférence préparatoire à l’audience aurait lieu le 31 mars 2016, à 14 h, à l’heure d’Ottawa, ou à 11 h, à l’heure de Vancouver.

9        Le 17 mars, la Commission a informé le plaignant que, s’il voulait que l’audience ait lieu par téléconférence, il devrait en faire la demande par écrit à l’égard du lieu d’audience ou de la manière dont elle serait menée, conformément au Guide de procédures pour les plaintes relatives à la dotation de la Commission.

10        Le plaignant a répondu en ces termes :

[Traduction]


Je vous encourage à revoir vos procédures pour en augmenter l’efficacité. La quantité excessive de formalités que vous y présentez est plus qu’un peu consternante pour un contribuable. Mon courriel du 16 mars 2016 était une simple question sur la possibilité technique que vous organisiez une audience par téléconférence pour économiser la dépense de déplacer une demi-douzaine de fonctionnaires à 4 000 km pour quelques heures d’audience. Oui ou non aurait été amplement suffisant comme réponse; j’aurais alors pu (officiellement) en faire le suivi, en envoyant une copie conforme aux autres parties. Mais bon, ça va, alors.

11        À 13 h 44, le 17 mars 2016, le plaignant a alors entrepris de présenter une demande en ces termes :

[Traduction]


[…] en ce qui concerne la possibilité que l’affaire EMP-2014-9441 puisse être organisée par téléconférence. Le présent message n’est pas une demande pour qu’une téléconférence soit organisée; il s’agit simplement d’une demande d’évaluation de la possibilité. Je crois comprendre que les autres parties auront maintenant une occasion de répondre par la suite à ma demande – malgré le fait qu’elles n’ont pas les outils pour répondre à ma demande et qu’elles n’y sont pas disposées, puisqu’elle porte uniquement sur la capacité technique de la CRTEFP et sur ses lignes directrices.

12        Dans un courriel distinct envoyé le jour même à 18 h 39, il a fourni à la Commission ses nouvelles coordonnées. Même si l’intimé était préoccupé par le fait que le plaignant se représentait lui-même et qu’il témoignerait par téléconférence ou vidéoconférence, il n’était pas opposé à l’idée de tenir l’audience d’une telle manière. L’intimé a demandé davantage de renseignements à l’égard de la logistique de l’audience.

13        La CFP a informé la Commission qu’il était peu probable qu’elle se présente à l’audience. Elle n’a pris aucune position quant à la possibilité de tenir l’audience par téléconférence. La Commission a indiqué aux parties que ce point serait traité lors de la conférence préparatoire qui aura lieu le 31 mars 2016.

14        Le 31 mars 2016, une conférence préparatoire a eu lieu par téléconférence. Toutes les parties étaient présentes : le plaignant, les représentants de l’intimé et la CFP. Comme cela était indiqué dans l’« Avis de conférence préparatoire », la conférence avait lieu pour assurer le bon déroulement du processus d’audience. Les participants devaient être pleinement préparés à discuter des questions suivantes : les témoins, la nature de la preuve à présenter, la détermination des faits non contestés et les documents qui pourraient être produits par consentement, la détermination et l’examen de questions en vue de simplifier et d’accélérer l’audience, le règlement, le lieu d’audience, l’ordre des procédures, le délai prescrit pour la présentation d’arguments, l’échange de documents qui seraient produits à l’audience à titre de pièces, la jurisprudence, toute demande de mesures d’adaptation, l’heure de début et la durée de l’audience, tout recours et les remèdes.

15        Les parties ont présenté leurs listes respectives de témoins et la durée approximative de leurs témoignages. Elles ont fourni à la Commission des estimations du temps requis pour contre-interroger les témoins et faire leur plaidoirie finale. La Commission a déterminé que la date finale pour l’échange de documents entre les parties serait le 27 avril 2016. Le plaignant n’a à aucun moment soulevé de question relativement au fait de ne pas avoir reçu tous les documents mentionnés dans la demande d’ordonnance de communication de renseignements que la Commission avait rendue le 28 mai 2015.

16        Durant la téléconférence préparatoire, on a expliqué au plaignant que, même si la Commission n’est pas un tribunal, elle est une entité administrative quasi judiciaire. Elle mène ses audiences conformément aux règles d’équité procédurales. Son rôle est de s’assurer que les audiences soient efficaces, que toutes les parties tirent profit d’une audience équitable et qu’elles soient entendues. Toutes les parties doivent avoir le droit de présenter leur affaire et de contre-interroger les témoins.

17        Lorsqu’on lui a demandé de confirmer sa position à l’égard de la tenue de l’audience par téléconférence ou à Vancouver, le plaignant a confirmé que son intention était que l’audience ait lieu par téléconférence. L’intimé avait quelques réserves relatives à la présentation de preuves et au fait que le plaignant se représenterait et témoignerait lui-même.

18        Les parties ont discuté de la possibilité que l’intimé assume les frais de déplacement du plaignant de Vancouver à Ottawa. Compte tenu du fait que l’intimé devrait couvrir les frais de déplacement de ses représentants et de ses témoins, l’avocat de l’intimé a indiqué qu’il discuterait de cette possibilité avec l’intimé. Si l’intimé acceptait d’assumer les frais de déplacement du plaignant, ce dernier devrait confirmer par écrit son accord de se déplacer à Ottawa pour l’audience. Le plaignant a informé la Commission qu’il ne savait pas s’il pourrait prendre congé de son travail pour les dates d’audiences du 3 et du 4 mai 2016. On a demandé aux parties de confirmer leurs réponses à la Commission au plus tard le 6 avril 2016.

19        Le 5 avril 2016, l’intimé a confirmé qu’il [traduction] « […] ne paierait pas les frais de déplacement à Ottawa du plaignant ». Il a confirmé qu’il était [traduction] « […] prêt à travailler avec la Commission et le plaignant pour faciliter la tenue de l’audience par téléconférence ou vidéoconférence ». Il a précisé ce qui suit, si la Commission devait déterminer qu’une téléconférence ou une vidéoconférence n’était pas possible ou souhaitable :

[Traduction]


[…][il] a respectueusement soumis que l’audience devait avoir lieu à Ottawa. Tous les témoins sont à Ottawa. Le Guide de procédures pour les plaintes relatives à la dotation de la CRTEFP précise que : « [les] audiences se tiennent généralement dans la localité où le plaignant travaille ou réside ». Cependant, il précise également que « [le] lieu de résidence des témoins est également pris en compte ».

20        En l’espèce, l’intimé a indiqué que la pratique de tenir l’audience dans la « […] communauté de résidence du plaignant aurait un résultat injuste, puisque cela imposerait à l’intimé le fardeau des frais associés à la décision du plaignant de déménager d’Ottawa à Vancouver. »

21        Le plaignant a répondu en ces termes :

[Traduction]


Il faut admirer l’ironie de la suggestion de l’avocat selon laquelle ma décision de déménager à Vancouver pourrait créer un résultat injuste dans ce cas et imposer un fardeau à leur client. Au-delà des écarts fondamentaux en matière d’équité démontrés par leur prétendu abus de pouvoirs délégués, je remarque que le budget annuel de 4,5 millions de dollars de l’intimé, alloué aux déplacements et aux communications,  éclipse quelque peu le mien, que leurs réserves à l’égard d’une audience virtuelle sont réduites à néant par une séance vidéo, qu’une séance à Ottawa serait plus conforme à nos responsabilités relatives à une saine gestion des fonds publics et aux perceptions prévues par notre
Code de valeurs et d’éthique et que j’étais disposé et en mesure d’assister à une audience à Ottawa lorsque la plainte a été déposée […], de même que durant les 12 mois qui ont suivi. Par conséquent, je maintiens respectueusement ma position selon laquelle une audience à Vancouver est la voie la plus équitable et représentative, bien qu’une téléconférence ou une vidéoconférence soit acceptable.

22        En réponse à ces observations, le 7 avril 2016, la Commission a informé les parties que l’audience serait tenue par vidéoconférence. Les détails concernant les lieux d’audience à Ottawa et à Vancouver étaient précisés dans l’« avis du lieu de l’audience », envoyé aux parties le même jour. La Commission a réservé, aux fins de l’audience, des installations de vidéoconférence aux bureaux du Conseil canadien des relations industrielles (le « CCRI »), à Ottawa et à Vancouver. Une personne-ressource travaillant au CCRI à Vancouver était disponible et présente en tout temps. On a rappelé aux parties qu’elles devaient communiquer tous les documents et la jurisprudence qu’elles invoqueraient à l’audience, au plus tard le 27 avril 2016.

23        Le 28 avril 2016, par courriel, le plaignant a fait parvenir les documents à la Commission puis a envoyé des copies à l’intimé et à la CFP. Dans ce même courriel, il a fourni des liens vers les sites de jurisprudence et de législation sur lesquels il appuierait sa position lors de l’audience.

24        Dans son courriel, le plaignant alléguait qu’il n’avait pas reçu tous les documents que l’intimé devait produire selon l’ordonnance de production datant d’un an plus tôt, soit celle du 28 mai 2015. Le plaignant n’a à aucun moment communiqué avec la Commission pour l’informer qu’il n’avait pas reçu les renseignements, entre la demande d’ordonnance de communication de renseignements du 28 mai 2015 et le 27 avril 2016.

25        Dans son courriel, il accusait réception des documents suivants :

[Traduction]


[…] un courriel du 17 octobre 2014 de K. Bazinet à M. Prieur, qui confirmait la capacité de la cote de fiabilité approfondie, un organigramme qui précisait que le poste était secret, une demande des RH (qui ne comprenait pas la justification requise), un rapport d’action sur les postes daté ultérieurement à la lettre d’offre, et un changement à la liste du profil de sécurité daté ultérieurement aux concours ET au début d’emploi du candidat.

26        Il a indiqué: [traduction] « Compte tenu des processus importants et des approbations requises pour traiter une demande de changement de cote de sécurité dans la fonction publique, il est extrêmement peu probable que ce soit l’ensemble de tous les documents connexes qui soit en la possession de l’intimé. »

27        Il a également déclaré: [traduction] « Je voudrais que cette recherche soit à nouveau effectuée, de préférence par le personnel de l’AIPRP de la [Commission des libérations conditionnelles du Canada], puisque l’impartialité de la collecte initiale de documents peut être remise en question lorsqu’elle est supervisée par les mêmes parties directement en cause dans ce processus et la plainte subséquente. »

28        Il a également joint une demande supplémentaire pour la demande d’ordonnance de communication de renseignements qui, à son avis, étaient directement pertinents à la plainte. Il a demandé des renseignements liés aux éléments suivants :

[Traduction]


[…] La preuve selon laquelle la Commission de la fonction publique (CFP) a examiné le programme de dotation de l’intimé, à la demande de l’intimé, et a autorisé l’Agence à des fins de déploiement; la « Chronologie des événements » de l’intimé, liée à cette question, qui était précédemment disponible pour être affichée et qui était mentionnée dans la réponse de l’intimé à la demande d’ordonnance de communication de renseignements initiale; toutes transcriptions ou notes écrites de la Commission, de la CFP et/ou de l’intimé, provenant de la conférence de règlement initiale et des séances de médiation liées à cette affaire.

29        Le 28 avril 2016, l’intimé s’est opposé à la demande d’ordonnance de communication de ces renseignements au motif qu’ils n’étaient pas pertinents à la plainte devant la Commission, étant donné que la plainte portait sur une nomination et non sur un déploiement. Il a répondu que le document [traduction] « Chronologie des événements » était protégé par le secret professionnel de l’avocat puisqu’il a été préparé à titre d’outil après que la plainte a été faite dans le but de fournir un aperçu de l’affaire et de concevoir une stratégie en matière de litige. En ce qui concerne la troisième demande, l’intimé a déclaré qu’il n’avait pas l’autorisation de divulguer ces renseignements.

30        En ce qui concerne les notes de la Commission, la décision de les divulguer revenait à la Commission et non à l’intimé. L’intimé a ajouté que la législation pertinente à l’égard de la divulgation de notes de personnes fournissant des services de médiation précise que les notes ne doivent pas être divulguées sans le consentement des personnes qui les ont rédigées. En ce qui concerne les notes de la CFP et de l’intimé, sa position est qu’elles sont protégées par le principe bien établi du privilège relatif aux règlements, puisque la communication a été faite dans le but de négocier au sujet du litige.

31        Le plaignant s’est prononcé en ces termes, dans sa réponse non sollicitée :

[Traduction]


[…] même s’il n’y a eu aucun déploiement, la première étape du processus de sélection était uniquement ouverte aux candidats qui étaient au même niveau, conformément aux documents présentés par l’intimé. Les candidats qui étaient déjà au niveau IS-05 ou à un niveau équivalent ont été évalués en premier en vue d’un possible déploiement, puisque l’organisation d’accueil des candidats, le CRSNG, n’est pas un ministère de la fonction publique centrale et que l’admissibilité des candidats au déploiement, de même que la nomination en soi, puisque c’était uniquement fondé sur la sélection à la première étape, peuvent uniquement être confirmées par l’intervention de la CFP. J’aimerais donc en avoir une copie.

32        En ce qui concerne le document [Traduction] « Chronologie des événements », le plaignant a déclaré qu’il [Traduction] « […] lui a déjà été explicitement offert lors des discussions par courriel de la première demande d’ordonnance de communication de renseignements, donc, il est déloyal de prétendre maintenant que le document a soudainement adopté un statut privilégié, et qu’il a été créé uniquement pour le litige ».

33        En ce qui concerne le troisième ensemble de documents, il a présenté l’explication suivante :

[Traduction]


[…][il] accepte la décision de la Commission selon laquelle il s’agit de déterminer si le privilège relatif au règlement mentionné devrait être exclu ici en vertu de motifs établis, en particulier ceux de l’intérêt public, et étant donné qu’ [il] ne réclamait que des documents qui ne sont pas couverts par les considérations de confiance, c’est-à-dire les notes prises détaillant la discussion, pour laquelle [il] était à la même table.

34        Le 2 mai 2016, la Commission a publié une lettre de décision relative à la demande d’ordonnance de communication de renseignements du plaignant. Elle rappelait au plaignant qu’il lui incombait de démontrer la pertinence défendable des documents qu’il demandait. La partie qui présente une demande doit démontrer un lien clair entre les renseignements demandés et la plainte.

35        Lors de la détermination de la pertinence de la documentation en lien avec la question de déploiement, la Commission a examiné les réponses de l’intimé aux allégations de la plaignante. En elles-mêmes, l’intimé a expliqué les étapes du processus de nomination. La Commission a déterminé qu’elle était incertaine quant à la manière dont le mode d’approbation d’un déploiement pouvait faire l’objet d’une pertinence défendable à la plainte qui lui était présentée. Même si elle n’a pas ordonné la divulgation de ces renseignements, elle a précisé que cette conclusion n’empêchait pas le plaignant de poser des questions à ce sujet lors de l’audience afin d’obtenir des précisions.

36        Dans cette même lettre de décision, la Commission a ordonné la divulgation du document [Traduction] « Chronologie des événements », au plaignant au plus tard à 15 h, à l’heure d’Ottawa (12 h, heure de Vancouver). On remarque que, le 13 mai 2015, il a présenté une demande d’ordonnance de communication de renseignements.

37        L’intimé avait répondu le 19 mai 2015, pour indiquer qu’il était prêt à fournir les documents précis suivants, y compris le document [Traduction] « Chronologie des événements », puisqu’il résumait les principales étapes relatives à la nomination, de l’affichage original jusqu’à la publication de l’offre d’emploi. La Commission a déterminé que, par conséquent, il n’était pas nécessaire de trancher la question du privilège parce que l’intimé avait renoncé à un tel privilège en ayant rendu le document disponible au plaignant aux fins de consultation.

38        Comme l’a ordonnée la Commission, l’intimé a produit le document [Traduction] « Chronologie des événements » et l’a envoyé au plaignant le 2 mai 2016 à 14 h 5, heure d’Ottawa, soit à 11 h 5, heure de Vancouver. Il n’a jamais écrit à la Commission pour l’informer qu’il n’avait pas reçu tous les documents visés par la demande d’ordonnance de communication de renseignements du 28 mai 2015 ou du 2 mai 2016. Il n’a pas communiqué avec la Commission pour demander de remettre l’audience à une date ultérieure, qui devait commencer le jour suivant, le 3 mai, et se poursuivre le 4 mai 2016 par vidéoconférence.

39        Le 3 mai 2016, la Commission a ouvert l’audience sans délai à 12 h, par téléconférence, à Ottawa, soit à 9 h, heure de Vancouver, conformément aux indications de l’« avis du lieu de l’audience » envoyé le 7 avril 2016. La Commission a réservé les installations du Conseil canadien des relations industrielles (« CCRI ») à Ottawa et à Vancouver. Une personne-ressource était présente en tout temps aux locaux d’audience du CCRI à Vancouver. Pour le demandeur, l’avocate du demandeur, les représentants du demandeur et les témoins étaient tous présents à l’audience. Cependant, le plaignant ne pouvait pas être vu du côté de Vancouver, par l’entremise de la connexion de vidéoconférence.

40        À 12 h 6, heure d’Ottawa, la Commission a tenté de communiquer avec le plaignant par courriel et par téléphone pour déterminer où il se trouvait. Il n’a pas répondu à l’appel de l’agent de greffe ou à son courriel. L’agent de greffe lui a laissé un message pour lui demander de communiquer avec la Commission dans les plus brefs délais.

41        À 12 h 06, heure d’Ottawa, le plaignant a écrit le message suivant à la Commission :

[Traduction]


Puisque je n’ai toujours pas reçu les documents cruciaux visés par la demande d’ordonnance de communication de renseignements initiale, j’avais l’intention de demander un report de la procédure jusqu’à ce qu’ils soient fournis, de même que 2 ou 3 jours ouvrables pour traiter l’information. Cependant, comme je n’ai pas reçu non plus de renseignements sur la vidéoconférence pour les parties à Ottawa et comme je n’ai pas été capable de communiquer avec l’agent de greffe par téléphone ce matin, je présume que l’audience n’a pas lieu aujourd’hui de toute façon?

[Je souligne]

42        Si le plaignant a appelé le greffe de la Commission comme il prétend l’avoir fait dans son courriel, il n’a pas laissé de message pour informer la Commission qu’il allait demander un report d’audience parce qu’il n’avait pas reçu les documents ou les renseignements nécessaires pour participer à la vidéoconférence.

43        Aux environs de 12 h 15, heure d’Ottawa, la Commission a de nouveau tenté de communiquer avec le plaignant et a laissé un message vocal pour l’informer que l’audience aurait lieu comme prévu. Il a été informé que, s’il n’était pas présent au plus tard à 12 h 30, heure d’Ottawa, ou à 9 h 30, heure de Vancouver, la Commission procéderait sans lui.

44        À 12 h 18, la Commission lui a envoyé un courriel pour confirmer le message vocal. La personne-ressource du CCRI a confirmé qu’il n’était pas présent à ce moment.

45        À 12 h 49, heure d’Ottawa, soit à 9 h 49, heure de Vancouver, le plaignant a envoyé un courriel à la Commission pour l’informer qu’il ne pouvait pas donner suite à l’audience, puisque l’intimé n’avait pas respecté la demande d’ordonnance de communication de renseignements. Le plaignant a indiqué qu’il allait appeler l’agent de greffe.

46        À 12 h 50, heure d’Ottawa, ou à 9 h 50, heure de Vancouver, il a informé l’agent de greffe qu’il ne pouvait pas donner suite à l’audience. Le greffe de la Commission l’a informé que la Commission procéderait à l’audience sans lui s’il ne se présentait pas. Il l’a informé que ses préoccupations sur la demande d’ordonnance de communication de renseignements pouvaient être soulevées à l’audience. Le plaignant a informé l’agent de greffe qu’il serait au lieu de l’audience dans 20 minutes, soit à 13 h 10, heure d’Ottawa ou à 10 h 10, heure de Vancouver.

47        À 13 h 15, heure d’Ottawa, soit à 10 h 15, heure de Vancouver, la Commission a informé le demandeur et tous ses représentants que le plaignant avait confirmé auprès de son greffe qu’il arriverait à n’importe quel moment. La commission a informé les parties qu’elle lui accorderait encore 20 minutes pour se rendre sur les lieux.

48        À 13 h 35, heure d’Ottawa, soit à 10 h 35, heure de Vancouver, il était évident selon la vidéoconférence que le plaignant n’était toujours pas arrivé sur les lieux de l’audience. À ce moment, tous les représentants de l’intimé, son avocate et ses témoins, de même que la formation de la Commission l’attendaient depuis 1 heure et 35 minutes. Sans explications raisonnables des motifs de son retard ou de son intention véritable de se présenter à l’audience, la Commission a rouvert l’audience et a entendu la requête de l’intimé visant à faire rejeter la plainte.

49        La Commission a procédé à l’audience, conformément à l’article 29 du Règlement concernant les plaintes relatives à la dotation dans la fonction publique (DORS/2006-6),rédigé en ces termes :

29  Si une partie, un intervenant ou la Commission canadienne des droits de la personne, si celle-ci a le statut de participant, omet de comparaître à l’audience ou à toute continuation de celle-ci, la Commission des relations de

travail et de l’emploi peut, si elle est convaincue que l’avis d’audition a bien été donné, tenir l’audience et statuer sur la plainte sans autre avis.

50        La Commission est convaincue que l’avis du lieu de l’audience a été envoyé au plaignant.

Demande de rejet de la plainte de l’intimé

51        L’intimé demande que la plainte soit rejetée aux motifs que le plaignant n’a pas comparu et n’a présenté aucune preuve à l’audience. S’il voulait présenter une demande de report, il aurait dû le faire dans des délais raisonnables.

52        En ce qui concerne le fait que le plaignant n’a pas reçu des documents, l’intimé soutient que la demande d’ordonnance de communication de renseignements n’a pas été présentée dans les délais prescrits. S’il avait des problèmes avec la demande d’ordonnance de communication de renseignements, il avait eu un an pour le mentionner.

53        Dans son courriel du 28 avril 2016, il a demandé que les renseignements lui soient fournis en réponse à sa demande du 28 mai 2015 pour que sa demande d’ordonnance de communication de renseignements soit effectuée par l’entremise d’une demande d’accès à l’information et protection des renseignements personnels (AIPRP). L’intimé affirme qu’il a fourni au plaignant tous les renseignements prévus dans l’ordonnance de la Commission. S’il souhaitait se prévaloir de documents et d’information aux termes d’une demande d’AIPRP, il y a un cadre législatif distinct qui existe pour ce processus et il aurait dû présenter cette demande un an avant l’audience.

54        L’intimé invoque Edmunds et al c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2015 CRTEFP 28, une décision d’une formation de la Commission. Dans ce cas, l’agent négociateur s’était présenté à l’audience et y a pris part, mais a présenté une preuve minimale. L’intimé dans cette affaire a choisi de ne présenter aucune preuve, puisque le plaignant ne s’était pas acquitté du fardeau de la preuve.

55        L’intimé fait valoir que, puisque le plaignant ne s’est pas présenté à l’audience à la date et au moment déterminés par la Commission, il n’a aucune obligation de répondre, puisqu’il n’y a pas de preuve à réfuter.

56        Le plaignant n’a pas demandé de report d’audience et n’a présenté aucune explication raisonnable justifiant qu’il ne s’était pas présenté. Pour toutes ces raisons, la plainte doit être rejetée.

57        L’intimé a terminé de présenter ses observations à 13 h 45, heure d’Ottawa. Puisque le plaignant ne s’était toujours pas présenté à l’audience à ce moment, la Commission a levé l’audience et a informé les personnes présentes qu’elle rendrait sa décision sur la requête visant à faire rejeter la plainte, en temps utile.

Communications du plaignant avec la Commission à la suite de l’audience

58        À 13 h 50, heure d’Ottawa, le plaignant a envoyé un courriel au greffe de la Commission pour demander s’il devait rencontrer quelqu’un au lieu d’audience. À 14 h 3, heure d’Ottawa, il a envoyé un autre courriel au greffe de la Commission pour indiquer qu’il ne savait pas ce qui se passait, qu’il avait attendu à l’endroit désigné, mais qu’il n’y avait personne, et qu’il n’y avait même pas dans la salle d’installation en place pour la vidéoconférence et qu’il n’y avait définitivement pas d’audience en cours et qu’il retournait donc au travail. Il n’a aucunement tenté de communiquer avec quelqu’un qui était sur les lieux d’audience du CCRI.

59        À 16 h 44, heure d’Ottawa, le plaignant a envoyé un courriel au greffe de la Commission pour demander des précisions. Il déclarait ce qui suit :

[Traduction]


Je me suis rendu au lieu désigné et j’y suis resté assis, seul, durant 45 minutes avant qu’on me dise que le véritable lieu d’audience était dans une autre pièce. On m’a ensuite demandé d’attendre dans le bureau du Conseil canadien des relations industrielles afin de parler avec le commissaire, mais on a fini par me dire que la vidéoconférence avait eu lieu, qu’elle était terminée et que je devais communiquer avec la Commission pour obtenir une mise à jour, puisque personne dans ce bureau de Vancouver n’avait quoi que ce soit à voir avec le processus; il se contentait de fournir des locaux.

60        Il a ensuite ajouté que [traduction] « Vous avez dit que l’audience se poursuivrait, mais apparemment, ça n’a pas été le cas? À quel moment sa reprise est-elle prévue? De plus, je n’ai toujours pas reçu de renseignements liés aux documents manquants de l’ordonnance de communication de renseignements initiale. Je vous serais reconnaissant de me communiquer quelques précisions à ce sujet. »

Motifs

61        Dans Tibbs c. le sous-ministre de la Défense nationale et al.,2006 TDFP 8, le Tribunal de la dotation de la fonction publique a déterminé que le fardeau de la preuve incombait aux plaignants dans les affaires dont il est saisi (voir les paragraphes 49, 50 et 55). Pour que le plaignant en l’espèce s’acquitte de son fardeau, il est nécessaire qu’il présente une preuve suffisante à la Commission pour qu’elle détermine, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu abus de pouvoir dans le processus de dotation.

62        Dans Broughton c. le sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et al.,2007 TDFP 20, au paragraphe 50, le Tribunal s’est prononcé en ces termes : « Il ne suffit pas à un plaignant de lancer des affirmations générales et d’avancer des allégations d’abus de pouvoir sans les appuyer par des témoignages, des faits et/ou des documents ».

63        Dans Sharma c. l’administrateur en chef de la santé publique de l’Agence de la santé publique du Canada,2011 TDFP 27, et dans Huot c. Le président de l’Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec,2011 TDFP 29, le Tribunal a rejeté les plaintes puisque les plaignants n’avaient pas présenté d’éléments de preuve à l’appui de leurs allégations.

64        En l’espèce, le plaignant a présenté des allégations, mais ne s’est pas présenté de la manière indiquée dans l’« avis du lieu de l’audience » et n’a présenté aucun élément de preuve pour appuyer ses allégations. Par conséquent, la Commission estime que le plaignant n’a pas établi que l’intimé avait abusé de son pouvoir tel qu’allégué dans sa plainte.

65        Le plaignant n’a, à aucun moment, présenté d’explication raisonnable à la Commission quant à la raison pour laquelle il ne pouvait pas se présenter à l’audience à temps, au lieu de Vancouver. Il ne s’est pas conduit de manière diligente et responsable à l’égard de sa plainte. Sachant que l’audience devait avoir lieu par vidéoconférence, une personne raisonnable ne serait pas restée assise dans une pièce sans équipement relié à la vidéoconférence durant 45 minutes, ce qu’affirme avoir fait le plaignant, sans tenter de s’assurer qu’elle était à l’endroit approprié.

66        Il était au courant des règles et des procédures de la Commission relativement aux demandes d’ordonnance de communication de renseignements et n’a pas pris les mesures nécessaires pour s’assurer d’avoir obtenu tous les documents bien avant les dates d’audience. Il ne s’est pas donné la peine de vérifier auprès de son gestionnaire sa disponibilité concernant les dates d’audience. Il n’a pas demandé de report des dates d’audience. Il a simplement indiqué qu’il [Traduction]    « […] avait l’intention de demander un report de la procédure jusqu’à ce que ceci soit fourni […] ». De plus, la manière dont il s’était adressé au greffe de la Commission et aux parties et dont il a communiqué avec eux était souvent impolie et inappropriée.

67        En conclusion, la Commission doit souligner que la conduite du plaignant en l’espèce a été inacceptable. Beaucoup de temps et des dépenses importantes ont été consacrés, à sa demande, à l’organisation de l’audience par téléconférence. Beaucoup de ressources ont été consacrées par les personnes ayant contribué à l’organisation et à la préparation des témoignages oraux lorsqu’ils étaient jugés appropriés. .

68        Chaque partie est responsable d’informer rapidement la Commission si elle n’a pas reçu les documents nécessaires à la continuation de sa plainte ou si elle a l’intention de demander un report d’audience. Si le plaignant n’a pas reçu les documents et s’il avait l’« intention » de demander un report d’audience, il aurait dû en informer la Commission en temps opportun. Décider de le faire tard le matin de la date à laquelle l’audience devait commencer sans même se donner la peine de se présenter à l’audience était inacceptable. Ses actions dans cette affaire démontrent un grand manque de respect envers la Commission et envers les autres parties en cause. Admettre une telle conduite discréditerait l’administration des plaintes présentées devant cette Commission.

69        Pour tous les motifs énoncés ci-dessus, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)

Ordonnance

70        La plainte est rejetée et j’ordonne la fermeture du dossier.

Le 20 mai 2016

Traduction de la CRTEFP

Chantal Homier-Nehmé,
une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
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