Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a posé sa candidature pour un poste d’analyste à la Direction des services de données et de l’analyse de la Direction générale de la vérification et des services de données à la Commission de la fonction publique (CFP) – il a allégué que le défendeur, le président de la CFP, avait abusé de son pouvoir en ce qui a trait au choix du processus, d’une part, et à l’application du principe du mérite, d’autre part – le plaignant a aussi allégué qu’il a subi une discrimination pour des motifs interdits fondés sur la race et l’origine ethnique ou nationale – la Commission n’a constaté aucune faute dans la décision du défendeur de mener un processus annoncé afin d’offrir la possibilité à plus d’une personne – le défendeur n’était pas obligé de choisir un candidat d’un autre répertoire, dans un autre ministère, où les personnes avaient été sélectionnées selon un ensemble différent d’exigences liées aux études – on a demandé au plaignant de soumettre une liste de quatre cours qui répondraient aux critères – il a allégué qu’étant donné qu’un cours avait été suivi pendant deux semestres, il aurait dû être comptabilisé deux fois, un raisonnement que la Commission a rejeté – le plaignant n’a pas établi qu’il n’était pas raisonnable pour le défendeur de déterminer qu’un cours suivi dans le cadre de la formation aux enseignants dans les écoles catholiques séparées de l’Ontario ne constituait pas un cours de sociologie – cette décision a été prise selon le motif qu’un cours d’enseignement n’est pas un cours de sociologie aux fins d’un poste qui porte sur l’analyse de données – dans le cas du plaignant, il a indiqué qu’il possédait des diplômes en mathématiques appliquées et en éducation – il n’a pas montré qu’il possédait une spécialisation en statistiques, en économie ou en sociologie et il n’a indiqué aucun titre de cours dans sa candidature – le plaignant n’a pas prouvé qu’il était en réalité qualifié aux fins du processus de nomination – il a été éliminé dès le début, parce que le défendeur a déterminé qu’il ne répondait pas aux exigences liées aux études – rien dans la preuve déposée par le plaignant ne menait à la discrimination fondée sur la race ou l’origine nationale ou ethnique – une différence a été établie entre ceux qui ont présenté une liste de cours et le plaignant, qui ne l’a pas fait – il ne suffisait pas d’alléguer que le rejet d’un cours ou le fait de ne pas tenir compte de son expérience constituait une discrimination – il n’y avait tout simplement aucune preuve, circonstancielle ou autre, selon laquelle le défendeur a fait preuve de discrimination.Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-06-21
  • Dossier:  2011-0399 et 0663
  • Référence:  2016 CRTEFP 53

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

PAUL ABI-MANSOUR

plaignant

et

PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

défendeur

et

D’AUTRES PARTIES

Répertorié
Abi-Mansour c. Président de la Commission de la fonction publique


Affaire concernant des plaintes d’abus de pouvoir en vertu des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique


Devant:
Marie-Claire Perrault, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour le plaignant:
Lui-même
Pour l 'intimée:
Pierre-Marc Champagne, avocat
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 3 et 4 mai 2016.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I . Introduction

1        Le plaignant, Paul Abi-Mansour, a posé sa candidature à un poste d’analyste aux Services de données et de l’analyse, Direction de la vérification et des services de données, classifié au groupe et niveau EC-04, à la Commission de la fonction publique, dans la région de la capitale nationale. Il allègue que l’intimé, soit le président de la Commission de la fonction publique (la « CFP »), a abusé de son pouvoir en ce qui a trait au choix de processus, d’une part, et à l’application des critères de mérite, d’autre part. Le plaignant allègue aussi qu’il a souffert de discrimination pour des motifs interdits fondés sur la race et l’origine ethnique ou nationale.

2        L’intimé a rejeté ces allégations.

3        La CFP, en vertu de l’article 79 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; la « LEFP »), a le droit de se faire entendre en ce qui concerne toute plainte de dotation présentée devant la Commission, conformément à l’article 77 de la LEFP. En l’espèce, la CFP est l’intimé.

4        Étant donné que le plaignant invoque la discrimination aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. 1985, ch. H­6; la « LCDP »), il a informé la Commission canadienne des droits de la personne (la « CCDP ») de ses plaintes, comme l’exige l’article 78 de la LEFP. Le 26 mai 2011, la CCDP a indiqué qu’elle n’entendait pas présenter d’arguments dans cette affaire.

5        Deux plaintes relatives au même processus de nomination ont été déposées devant le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le « Tribunal »), le 6 mai 2011 (dossier 2011-0399) et le 28 juillet 2011 (dossier 2011-0663).

6        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission »), qui remplace le Tribunal et la Commission des relations de travail dans la fonction publique. La Commission tranche désormais les plaintes déposées en vertu de la LEFP. Par conséquent, la présente décision a été rendue par une formation de la Commission.

7        Pour les motifs présentés ci-dessous, je conclus que les plaintes ne sont pas fondées. La preuve présentée ne permet pas de conclure qu’il y a eu abus de pouvoir dans le choix du processus ou en ce qui concerne l’application des critères de mérite. En outre, le plaignant n’a pas établi un cas de discrimination prima facie.

II. Contexte

8        Les parties ont présenté un exposé conjoint des faits, reproduit ci-dessous :

                    [Traduction]

1. Le 26 novembre 2010, La Commission de la fonction publique a affiché un processus interne annoncé (10-CFP-IA-875) dans Publiservice. Ce processus visait à pourvoir un poste d’analyste au groupe et niveau EC-04 aux Services de données et de l’analyse, Direction de la vérification et des services de données, avec l’option de doter des postes semblables, comprenant diverses exigences linguistiques, au sein de la Commission de la fonction publique, dans la région de la capitale nationale.

2. L’énoncé des critères de mérite et conditions d’emploi dressait la liste des qualifications essentielles requises pour le poste, y compris celles liées aux études, comme suit :

Diplôme d’une université reconnue avec spécialisation acceptable en économie, en sociologie ou statistique.

REMARQUE 1 : Les candidats doivent absolument détenir un diplôme universitaire. Il n’est pas nécessaire que les cours de spécialisation aient été suivis dans le cadre d’un programme menant à un diplôme dans la spécialisation exigée. La spécialisation peut aussi être le fruit d’une combinaison acceptable d’études, de formation et/ou d’expérience.

REMARQUE 2 : La spécialisation acceptable a été définie comme suit : Avoir complété un minimum de quatre (4) cours de niveau universitaire dans l’un ou l’autre des domaines suivant : économie, sociologie et/ou statistique.

** Veuillez indiquer clairement dans votre curriculum vitae le nom des quatre (4) cours que vous avez complétés en économie, en sociologie ou en statistique. Veuillez noter que vous devrez fournir, plus tard au cours du processus, un relevé de notes officiel démontrant ces cours ainsi que votre diplôme d’études secondaires.

3. Le plaignant, Paul Abi-Mansour, et les deux candidats retenus, Geneviève Fournier et Alex Comtois Lecocq ont soumis leur candidature le 6 décembre 2010, le 8 décembre 2010 et le 9 décembre 2010, respectivement.

4. Le jury de sélection était composé de deux membres,

Martin Gravel et Marianne Thibeault.

5. Le 20 janvier 2011, on a informé le plaignant qu’il ne répondait pas aux critères de mérite qui suivent aux fins de présélection :

Diplôme d’une université reconnue avec spécialisation acceptable en économie, en sociologie ou statistique.

6. Le 18 avril 2011, une notification de candidature retenue a été affichée dans Publiservice, indiquant que Geneviève Fournier était la candidate retenue aux fins de considération pour le poste d’analyste classifié au groupe et niveau EC-04.

7. Le 28 avril 2011, une notification de nomination ou de proposition de nomination a été affichée dans Publiservice annonçant la nomination de Geneviève Fournier.

8. Le 6 mai 2011, une notification de candidature retenue a été affichée dans Publiservice, indiquant que Alex Comtois Lecocq, le candidat retenu aux fins de considération pour le poste d’analyste classifié au groupe et niveau EC-04.

9. Le 10 mai 2011, le plaignant a déposé une plainte devant l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique.

10. Le 28 juillet 2011, une notification de nomination ou de proposition de nomination a été affichée dans Publiservice afin d’annoncer la nomination d’Alex Comtois Lecocq.

11. Le 8 août 2011, le plaignant a déposé une plainte devant l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique.

9        Même si les plaintes ont été déposées en 2011, l’audience n’a été tenue qu’en 2016. Le plaignant a déposé une demande de contrôle judiciaire d’une décision interlocutoire du Tribunal dans laquelle sa demande de nommer le Conseil du Trésor à titre d’intimé a été refusée. La Cour d’appel fédérale a maintenu la décision du Tribunal (Abi-Mansour c. Commission de la fonction publique, 2014 CAF 60). Étant donné que le plaignant a pris part à un certain nombre d’autres procédures judiciaires et quasi-judiciaires relatives à des questions de dotation, il a demandé un certain nombre de reports.

III. Questions préliminaires

A. Équité en matière d’emploi

10        Pendant l’audience, le plaignant a tenté de présenter des éléments de preuve portant sur l’équité en matière d’emploi. Il a également tenté d’obtenir auprès de la Commission une ordonnance afin que l’intimé fournisse de l’information sur la mise en œuvre des plans d’équité en matière d’emploi de la CFP.

11        Dans une décision précédente (Abi-Mansour c. sous-ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord Canada, 2013 TDFP 6), mettant en cause le même plaignant, mais un intimé différent, le Tribunal a établi qu’il ne lui appartenait pas de faire appliquer la Loi sur l’équité en matière d’emploi, (L.C. 1995, ch.44; la « LEE »), et que ce rôle avait été attribué à la CCDP par le législateur (voir les paragraphes 15 à 17). Toutefois, plus loin dans cette affaire, au paragraphe 20, le Tribunal a indiqué que « [b]ien que la CCDP soit chargée de faire appliquer la LEE, des questions d’équité en matière d’emploi peuvent tout de même s’avérer pertinentes dans l’examen des plaintes présentées au Tribunal en vertu de l’article 77 »[je souligne]. Dans cette affaire, l’administrateur général avait mentionné dans l’énoncé des critères de mérite qu’il y avait un besoin organisationnel et que la sélection des candidats pourrait être limitée aux personnes identifiées comme appartenant à l’un des deux groupes visés par l’équité en matière d’emploi. Dans cette affaire, le Tribunal avait conclu que la preuve liée à l’équité en matière d’emploi était pertinente pour déterminer si l’intimé avait abusé de son pouvoir en ce qui concerne l’évaluation du besoin organisationnel dans le cadre de ce processus de nomination.

12        À l’audience, je n’ai pas accepté les éléments de preuve portant sur l’équité en matière d’emploi, hormis un document général, le Plan d’action sur l’équité en matière d’emploi triennal de la Commission de la fonction publique (2010-2013), qui présente les divers objectifs et mesures de la CFP relativement à l’équité en matière d’emploi.

13        Je ne crois pas que des données sur l’équité en matière d’emploi puissent m’aider à déterminer s’il y a eu discrimination dans cette affaire. Comme je l’ai expliqué au plaignant, cette preuve n’est pas pertinente pour la question en cause, qui consiste à déterminer si la décision de l’intimé de l’éliminer à l’étape de la présélection, au motif qu’il ne répondait pas à l’exigence liée aux études, était entachée de discrimination. Je comprends qu’il peut être difficile de démontrer la discrimination et qu’une preuve circonstancielle peut être utilisée pour déduire qu’il y a probablement eu discrimination dans un cas particulier. Toutefois, la présente affaire ne ressemble pas à celle dans Abi-Mansour c. Président-directeur général de Passeport Canada, 2014 TDFP 12, dans laquelle le plaignant a allégué   qu’il avait été éliminé du processus de nomination parce qu’il avait étudié à l’étranger. Dans l’affaire dont je suis saisie, tel qu’il est indiqué dans l’exposé conjoint des faits et dans la preuve présentée plus tard, la question consiste à déterminer si l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a éliminé le plaignant du processus de nomination, puisqu’il ne répondait pas à l’exigence préalable voulant qu’il ait une spécialisation acceptable en économie, en sociologie ou en statistique. Le fait qu’une partie des études universitaires du plaignant ait été faite à l’étranger, ce qui, selon lui, constitue de la discrimination fondée sur son origine nationale ou ethnique, n’est pas une question à trancher dans la présente affaire. J’ai conclu que la preuve liée à l’équité en matière d’emploi n’était pas pertinente pour étudier la question devant moi.

B. Compétence de la Commission et des tribunaux fédéraux

14        Dans son argumentation, le plaignant a affirmé que la compétence de la Commission était en réalité beaucoup plus vaste que ce qui est prescrit par l’article 77 de la LEFP, en vertu duquel elle peut entendre une plainte pour abus de pouvoir dans un processus de nomination. Selon le plaignant, les parties à un litige ont le choix entre la Commission et la Cour fédérale pour se faire entendre sur des questions de dotation – le choix dépend de leurs ressources financières. Il serait injuste, selon ce raisonnement, d’accorder des motifs supplémentaires de contrôle judiciaire et d’autres recours à la partie la plus influente. Par conséquent, la Commission devrait garder à l’esprit l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales (L.R.C., 1985, ch. F-7) (qui traite les questions de contrôle judiciaire relativement à des décisions administratives fédérales) lorsqu’elle tranche des questions d’abus de pouvoir. Selon le plaignant, le fait que les plaintes relatives aux processus de nomination externes, qui ne sont pas du ressort de la Commission, soient traitées directement par la Cour fédérale, constitue une preuve supplémentaire de ce choix.  

15        Étant donné que le plaignant a accordé une certaine importance à ces arguments, je tiens à dissiper tout malentendu immédiatement.

16        Lorsque le législateur prévoit un recours administratif à l’égard d’une décision de l’administration publique fédérale, les parties au litige doivent d’abord chercher à obtenir réparation par l’intermédiaire du processus administratif. Les tribunaux ne permettront pas aux parties de contourner ce recours, sauf dans des circonstances exceptionnelles. La Cour d’appel fédérale a indiqué ce qui suit dans Canada (Agence des services frontaliers) c. C.B. Powell Limited, 2010 CAF 61, aux paragraphes 30 et 31 :

[30] En principe, une personne ne peut s’adresser aux tribunaux qu’après avoir épuisé toutes les voies de recours utiles qui lui sont ouvertes en vertu du processus administratif. L’importance de ce principe en droit administratif canadien est bien illustrée par le grand nombre d’arrêts rendus par la Cour suprême du Canada sur ce point […].

[31] La doctrine et la jurisprudence en droit administratif utilisent diverses appellations pour désigner ce principe : la doctrine de l’épuisement des recours, la doctrine des autres voies de recours adéquates, la doctrine interdisant le fractionnement ou la division des procédures administratives, le principe interdisant le contrôle judiciaire interlocutoire et l’objection contre le contrôle judiciaire prématuré. Toutes ces formules expriment la même idée : à défaut de circonstances exceptionnelles, les parties ne peuvent s’adresser aux tribunaux tant que le processus administratif suit son cours. Il s’ensuit qu’à défaut de circonstances exceptionnelles, ceux qui sont insatisfaits de quelque aspect du déroulement de la procédure administrative doivent exercer tous les recours efficaces qui leur sont ouverts dans le cadre de cette procédure. Ce n’est que lorsque le processus administratif a atteint son terme ou que le processus administratif n’ouvre aucun recours efficace qu’il est possible de soumettre l’affaire aux tribunaux. En d’autres termes, à défaut de circonstances exceptionnelles, les tribunaux ne peuvent intervenir dans un processus administratif tant que celui-ci n’a pas été mené à terme ou tant que les recours efficaces qui sont ouverts ne sont pas épuisés.

[Je souligne]

17        En ce qui concerne les plaintes relatives à des processus de nomination externes qui se rendent directement devant la Cour fédérale, un recours administratif est prévu à l’article 66 de la LEFP.

IV. Questions

18        Le plaignant présente un certain nombre de motifs qui, selon lui, étayent la conclusion qu’il y a eu abus de pouvoir : l’intimé n’a pas reconnu la validité de son inclusion dans un bassin de candidats mis sur pied précédemment pour un poste classifié au groupe et niveau EC-04, l’« annonce de possibilité d’emploi » portait à confusion et était trompeuse, ses diplômes n’ont pas été évalués de manière appropriée, les candidats retenus ont été traités de façon plus favorable et la discrimination et les représailles ont joué un rôle dans le refus de l’intimé de revoir sa décision de l’éliminer du processus. Je formulerai ces questions différemment aux fins de mon analyse, comme suit :

Question I : l’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en ce qui a trait au choix de processus?

Question II : l’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans son évaluation des qualifications du plaignant?

Question III : l’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans son évaluation des qualifications des personnes nommées?

Question IV : l’intimé a-t-il fait preuve de discrimination ou de représailles à l’égard du plaignant?

V. Analyse

19        Les dispositions pertinentes de la LEFP aux fins de ces plaintes sont les suivantes :

77 (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement de la Commission des relations de travail et de l’emploi, présenter à celle-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

a) un abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

b)  un abus de pouvoir de la part de la Commission du fait qu’elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé; […]

[…]

30 (1) Les nominations — internes ou externes — à la fonction publique faites par la Commission sont fondées sur le mérite et sont indépendantes de toute influence politique.

(2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir; […]

20        Le plaignant allègue qu’il y a eu abus de pouvoir lors du choix de processus et dans l’application des critères de mérite. Comme il est indiqué dans Tibbs c. le sous-ministre de la Défense nationale et al., 2006 TDFP 8, au paragraphe 71, un abus de pouvoir peut inclure un geste, une omission ou une erreur que le législateur ne peut avoir envisagé comme faisant partie du pouvoir discrétionnaire accordé aux détenteurs des pouvoirs délégués de dotation. L’abus de pouvoir est une question de degré. Pour en arriver à la conclusion qu’il y a eu abus de pouvoir, l’erreur ou l’omission doit être à ce point grave qu’elle ne puisse être inhérente au pouvoir discrétionnaire délégué du gestionnaire (voir, par exemple, Renaud c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2013 TDFP 26, au paragraphe 32). Le plaignant doit s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe (voir Tibbs, au paragraphe 50).

21        En ce qui concerne le fardeau de la preuve, le plaignant a invoqué Canada (Procureur général) c. Lahlali, 2012 CF 601, au paragraphe 29, et a fait valoir qu’il était renversé lorsqu’une preuve prima facie était démontrée. Selon l’intimé, une lecture appropriée de Lahlali permet de conclure que, tout au long de l’affaire, il incombe au plaignant de s’acquitter du fardeau de la preuve.

22        En effet, pour l’ensemble de l’analyse, le plaignant doit s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe. Toutefois, tel qu’il est indiqué dans McGregor c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 197,l’intimé peut avoir à s’acquitter d’un fardeau tactique afin de répondre à la preuve du plaignant.

23        McGregor est antérieure aux changements qui ont été apportés à la LEFP en vertu desquels le Tribunal a été créé. Quoi qu’il en soit, les principes du fardeau de la preuve décrits comme suit aux paragraphes 27 à 29 de McGregor s’appliquent toujours dans le contexte actuel :

[27] Pour que l’appel fondé sur l’article 21 soit utile, il faut que l’appelant axe sa preuve sur les éléments précis du processus de sélection qui démontrent, selon lui, que le principe du mérite n’ait pas été respecté. Plus la cause de l’appelant est solide, plus le ministère d’embauche élaborera ce qu’on pourrait appeler un « fardeau tactique » en vue de présenter des éléments de preuve pour réfuter ceux sur lesquels l’appelant se fonde, de crainte d’une décision défavorable. Toutefois, ce fardeau tactique ne repose pas sur la loi, mais sur le simple bon sens. En tout temps, c’est sur l’appelant que repose le fardeau ultime et la charge de persuader le comité d’appel que le jury de sélection n’a pas respecté le principe du mérite (voir John Sopinka et al., The Law of Evidence in Canada, 2e éd., Toronto, Butterworths, 1999, aux paragraphes 3.47 et 3.48).

[28] Le fait que les enquêtes prévues à l’article 21 sont conçues de manière à s’assurer que le principe du mérite est respecté ne justifie pas de déplacer la charge de la preuve de l’appelant à l’intimé. M. McGregor s’attache à une déclaration que l’on trouve dans l’arrêt Charest c. Procureur général du Canada, [1973] C.F. 1217, à la page 1221, dans lequel notre Cour a déclaré que l’objet du droit d’appel institué par l’article 21 de la LEFP « n’est pas de protéger les droits de l’appelant, mais plutôt d’empêcher une nomination contraire au principe du mérite ». Suivant M. McGregor, cet objet justifie de déplacer le fardeau de la preuve sur le ministère d’embauche pour établir que le principe du mérite a été respecté. Je ne suis pas de cet avis.

[29]    Ainsi que je l’ai déjà expliqué, il n’est pas concevable d’obliger dans chaque cas le jury de sélection à démontrer que la procédure suivie respectait le principe du mérite à tous les égards. Le facteur est le même, peu importe que l’article 21 vise l’objectif d’intérêt public plus large consistant à s’assurer que le principe du mérite est respecté à l’échelle de la Fonction publique. Il n’est pas dans l’intérêt du public de consacrer d’abondantes ressources à réfuter des allégations qui ne peuvent être étayées. […]

24        Le plaignant allègue qu’il y eu abus de pouvoir et qu’il a fait l’objet de discrimination. Il doit présenter une preuve à l’appui de ces allégations, et l’intimé doit y répondre en présentant ses propres éléments de preuve. Une fois que les deux parties ont présenté leurs éléments de preuve, la Commission doit décider, selon la prépondérance des probabilités, si la preuve présentée par le plaignant suffit à conclure en sa faveur.

A. Question I – L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en ce qui a trait au choix de processus?                                                                                                               

25        Avant de poser sa candidature au processus de nomination en cause, le plaignant a envoyé un courriel à l’intimé afin de lui demander d’être sélectionné à partir d’un autre bassin de candidats de niveau EC-04 pour lequel il était déjà qualifié au ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration Canada (CIC). Le 13 octobre 2010, le plaignant a reçu un avis indiquant qu’il était qualifié pour ce bassin, et que ce dernier était valide jusqu’au 13 avril 2011.

26        L’intimé a répondu qu’agir comme tel serait injuste pour les autres candidats au processus de nomination, et il a encouragé le plaignant à poser sa candidature, ce qu’il a fait le 6 décembre 2010. Dans sa demande, le plaignant a répété qu’il faisait déjà partie d’un bassin de candidats pour des postes classifiés EC-04.

27        Le plaignant affirme que l’intimé aurait dû le nommer à partir du bassin de candidats de CIC ou, à tout le moins, le qualifier pour le processus de nomination pour cette raison.

28        L’intimé a fait valoir qu’il avait des objectifs très précis à l’esprit en ce qui concerne le processus de nomination et qu’il voulait évaluer tous les candidats de façon égale, selon les exigences du processus.

29        Martin Gravel, le gestionnaire délégué responsable du processus de nomination, a témoigné qu’il cherchait un analyste, classifié au groupe et niveau EC-04, qui pourrait élaborer et interpréter différentes études démographiques relatives à l’emploi pour la CFP. Les qualifications essentielles ont été établies avec cet objectif à l’esprit.

30        En outre, l’objectif était de donner l’occasion aux employés de la CFP de poser leur candidature au poste, de favoriser une ambiance positive d’encouragement et de possibilités. Ultimement, les personnes nommées ne faisaient pas partie de la CFP. Il était néanmoins important pour M. Gravel d’offrir cette opportunité, ce qui n’aurait pas été possible si le processus avait été mené de façon non annoncée et qu’il avait simplement sélectionné un candidat à partir d’un autre bassin de candidats.

31          En guise d’objection relativement à la sélection d’un candidat à partir d’un autre bassin, il a été soulevé que le processus pour ce bassin aurait pu être bien différent. Les employés classifiés au groupe et niveau EC-04 ont la même description de travail générique à l’échelle de la fonction publique. Toutefois, M. Gravel avait des exigences très précises. Il cherchait, notamment, des personnes qui seraient aptes à mener des études analytiques d’une certaine ampleur et étendue. C’est ce qui explique l’exigence supplémentaire de cours spécialisés en sociologie, en statistique ou en économie, qui était absente du processus de nomination de CIC pour lequel le plaignant était qualifié. M. Gravel a expliqué qu’il avait procédé ainsi pour permettre aux titulaires de diplômes universitaires dans des domaines autres que les spécialisations de poser leur candidature, à condition qu’ils aient suivi des cours de niveau universitaire dans les spécialisations requises.

32        Il est évident que la LEFP accorde à l’administrateur général le pouvoir discrétionnaire de choisir de mener un processus annoncé ou non annoncé (article 33). (Voir Canada (Procureur général) c. Kane, 2012 CSC 64, aux paragraphes 6 et 7.)

33        La CFP a adopté la position, en vertu de son mandat de nommer une personne au sein de la fonction publique, d’encourager les gestionnaires délégués à recourir à des processus annoncés plutôt que non annoncés. Elle a toutefois reconnu que, dans certains cas, un processus non annoncé convient mieux à la situation. Dans les Lignes directrices en matière de choix du processus de nomination, datée du 8 juin 2007, à la page 4, il est écrit [traduction] « Au moment de choisir entre un processus annoncé et un processus non annoncé pour faire une nomination, les gestionnaires sont encouragés à songer d’abord au processus annoncé (distinct ou collectif) ». En outre, à la cinquième page, on indique que [traduction] « les critères liés au recours à des processus non annoncés ne sont pas normatifs ou tout inclus. L’applicabilité d’un critère ne signifie pas qu’un processus non annoncé constitue la meilleure option de dotation. »

34        Le plaignant a fait valoir que, selon l’un des critères, une personne qui était membre d’un groupe désigné en vertu de la Loi sur l’équité en matière d’emploi « serait » nommée. Dans ce contexte, ce critère pourrait justifier le recours à un processus non annoncé. Cela peut être vrai, mais le plaignant ne m’a présenté aucune disposition législative ou politique obligeant le gestionnaire délégué à appliquer ce critère. (Voir, p. ex., Pugh c. le sous-ministre de la Justice, 2012 TDFP 31, aux paragraphes 34-44.)

35        Le choix du processus peut mener à une conclusion qu’il y a eu abus de pouvoir (alinéa 77(1)b)). Toutefois, je ne peux conclure que la décision de l’intimé de mener un processus annoncé afin d’offrir la possibilité à plus d’une personne est erronée. Qui plus est, l’intimé n’a aucunement l’obligation de choisir un candidat d’un autre bassin, dans un autre ministère, où les personnes ont été sélectionnées selon un ensemble différent d’exigences liées aux études. Comme il est indiqué dans Rozka c. le sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2007 TDFP 46, je conclus que l’intimé avait un motif clair et convaincant de choisir un processus annoncé et que ce choix ne constituait pas un abus de pouvoir.

B. Question II : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans son évaluation des qualifications du plaignant?                                                                              

36        Le plaignant a formulé un certain nombre de critiques relativement à l’évaluation de ses qualifications qui a entraîné son élimination. Pour faciliter la lecture, je les ai regroupés sous plusieurs sous-titres.

1. Remarque 1 et remarque 2

37        Dans l’annonce de possibilité d’emploi, les exigences liées aux études, sous « Qualifications essentielles » sont indiquées comme suit :

                   [Traduction]

Diplôme d’une université reconnue avec spécialisation acceptable en économie, en sociologie ou statistique.

REMARQUE 1 : Les candidats doivent absolument détenir un diplôme universitaire. Il n’est pas nécessaire que les cours de spécialisation aient été suivis dans le cadre d’un programme menant à un diplôme dans la spécialisation exigée. La spécialisation peut aussi être le fruit d’une combinaison acceptable d’études, de formation et/ou d’expérience.

REMARQUE 2 : La spécialisation acceptable a été définie comme suit : Avoir complété un minimum de quatre (4) cours de niveau universitaire dans l’un ou l’autre des domaines suivant : économie, sociologie et/ou statistique.

** Veuillez indiquer clairement dans votre curriculum vitae le nom des quatre (4) cours que vous avez complétés en économie, en sociologie ou en statistique. Veuillez noter que vous devrez fournir, plus tard au cours du processus, un relevé de notes officiel démontrant ces cours ainsi que votre diplôme d’études secondaires.

38        Le plaignant a affirmé que le libellé était ambigu et laissait entendre que la spécialisation pourrait être une combinaison acceptable de formation et d’expérience. Il a indiqué qu’une « combinaison d’études, de formation ou d’expérience » devrait être appliquée dans son cas.

39        Je crois qu’il est utile de comparer l’annonce de possibilité d’emploi pour le poste classifié au groupe et niveau EC-04 dans le processus de nomination à CIC, pour lequel le plaignant a été retenu, pour ses exigences en matière d’études :

                   [Traduction]

Diplôme d’une université reconnue avec spécialisation acceptable en économie, en sociologie ou en statistique.

REMARQUE : Les candidats doivent absolument détenir un diplôme universitaire. Les cours formant la spécialisation ne doivent pas nécessairement faire partie d’un programme d’études menant à l’obtention d’un diplôme dans le domaine de la spécialisation exigée. La spécialisation peut aussi être obtenue par une combinaison acceptable d’études, de formation ou d’expérience.

40        En vertu de l’article 31 de la LEFP, l’employeur, soit le Conseil du Trésor en ce qui concerne la CFP, établit les qualités minimales pour l’ensemble des postes dans la fonction publique dont le Conseil du Trésor est l’employeur. Pour le poste classifié au groupe et niveau EC-04, par exemple, un diplôme universitaire est toujours requis, avec une « spécialisation acceptable en économie, en sociologie ou en statistique ». Pour un poste donné, l’administrateur général établit les qualifications essentielles (alinéa 30(2)a) de la LEFP). Ainsi, rien n’empêche l’administrateur général d’un ministère ou d’un organisme de hausser les qualifications essentielles, tant qu’elles sont logiquement nécessaires à l’accomplissement des fonctions du poste à pourvoir.

41        En l’espèce, M. Gravel a expliqué qu’il avait ajouté la deuxième remarque pour trouver des personnes qui, bien que ne possédant pas une spécialisation dans l’un des trois domaines, avaient tout de même été exposées, au niveau universitaire, à la rigueur de la recherche dans l’un des trois domaines.

42        Le plaignant a affirmé qu’il était injuste de mettre l’accent sur les quatre cours, étant donné qu’ils n’étaient pas pertinents au poste à pourvoir. L’explication de M. Gravel relativement aux cours universitaires requis était raisonnable. Il cherchait à pourvoir un poste pour lequel le candidat retenu devait connaître les exigences liées à la poursuite d’études démographiques de tendances. Il était possible d’acquérir ces connaissances, selon M. Gravel, en suivant des cours universitaires en statistique, en sociologie ou en économie.

43        Le plaignant a aussi affirmé que, conformément à Poirier c. le sous-ministre des Anciens combattants, 2011 TDFP 3, l’ambiguïté créée par la remarque 1 était telle qu’elle constituait un abus de pouvoir.

44        Dans Poirier, le candidat a mal interprété les directives indiquées dans l’annonce d’emploi et sa candidature a été éliminée en conséquence. Le Tribunal a conclu que l’interprétation fautive était légitime. Plus important, l’intimé dans cette affaire a tout simplement refusé de reconnaître l’ambiguïté et n’a offert aucune chance au candidat de corriger son erreur.

45        Ce n’est pas ce qui s’est produit en l’espèce. Lorsque la candidature du plaignant a été éliminée, il s’est plaint au défenseur au sujet de l’ambiguïté. L’intimé lui a ensuite expliqué que chaque candidat devait indiquer quatre cours universitaires et il lui a donné la possibilité de préciser les cours suivis. Le plaignant a ensuite présenté sa liste, qui était insuffisante aux yeux de l’intimé (je reviendrai sur cette question). En somme, on ne peut appliquer le raisonnement dans Poirier à l’affaire en l’espèce – l’ambiguïté, si elle existait, a été réglée et le plaignant a eu la possibilité de faire des ajouts à sa candidature.

46        En dépit de cette opportunité, et probablement parce que sa liste de cours n’a pas été acceptée, le plaignant continue de faire valoir que l’intimé devrait s’en tenir à une interprétation limitée de la remarque 1 et que son expérience devrait suffire pour passer l’étape de la présélection, à l’instar de l’autre processus.

47        L’intimé reconnaît que la remarque 1 aurait dû être modifiée afin de ne pas donner de faux espoirs aux candidats. Tout de même, en dépit de cet aveu, je conclus qu’un candidat qui pose sa candidature aux deux emplois aurait remarqué immédiatement la différence entre les deux annonces et que la « spécialisation acceptable » dont il est question dans la phrase d’introduction avait été clairement définie à la remarque 2. Ainsi, même si la remarque 1 aurait dû être plus claire, je conclus que tout manque de clarté à la remarque 1 était corrigé par la remarque 2.

48        La remarque 1 indique que la spécialisation peut avoir été acquise au moyen d’une [traduction] « […] combinaison acceptable d’études, de formation ou d’expérience » [je souligne]. Dans le premier processus de nomination (avec CIC), la combinaison d’études, de formation et d’expérience du plaignant était considérée comme une spécialisation acceptable.

49        L’annonce de possibilité d’emploi pour le processus de nomination en cause est très différente. Le terme « acceptable » y est défini à la remarque 2. Une note demandant aux candidats de préciser les quatre cours suivis est également jointe. Le plaignant affirme qu’une combinaison qui est acceptable dans un processus devrait aussi l’être dans un autre. L’intimé a cependant défini le terme « acceptable » dans l’annonce de possibilité d’emploi. Le fait d’ajouter la définition et de préciser davantage les qualifications essentielles, lorsque ces mesures sont conformes au poste à pouvoir, ne constitue pas un abus de pouvoir.

2. Les quatre cours requis et les diplômes indiqués dans le relevé de notes

50        Le plaignant a fait valoir que les quatre cours requis avaient ont été imposés de façon arbitraire, mais que, dans tous les cas, il répondait à ce critère.

51        Selon le plaignant, il est insensé d’exiger des cours en statistique ou en sociologie ou en économie, ou tout agencement de ces cours. Quelle est la similitude entre quatre cours en sociologie et quatre cours en statistiques?

52        M. Gravel avait le pouvoir délégué par l’administrateur général d’établir les qualifications essentielles pour le processus de nomination. Le témoignage de M. Gravel a démontré qu’il avait une idée très claire des qualifications requises pour le travail à effectuer.

53        M. Gravel a expliqué que les quatre cours universitaires dans l’un des trois domaines de spécialisation étaient exigés afin que les candidats puissent démontrer qu’ils possédaient des connaissances et une capacité d’analyse approfondies dans le domaine de la manipulation de données démographiques. Un cours universitaire exige un certain niveau de sophistication et transmet des connaissances dans les domaines requis. En même temps, la personne nommée au poste d’analyste classifié au groupe et niveau EC-04 ne dirigerait pas la recherche, puisqu’elle relèverait d’un superviseur occupant un poste classifié au groupe et niveau EC-06.

54        Le Tribunal a déclaré que le paragraphe 30(2) de la LEFP accorde un vaste pouvoir discrétionnaire pour établir les qualifications requises pour un poste (voir, par exemple, Visca c. le sous-ministre de la Justice, 2007 TDFP 24, au paragraphe 42). Qui plus est, le Tribunal a confirmé dans de nombreuses décisions que les gestionnaires doivent établir des qualifications pour le travail à effectuer (voir, par exemple, Haarsma c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2013 TDFP 5, au paragraphe 17). La preuve présentée par M. Gravel appuie la conclusion selon laquelle la qualification relative aux études a été établie pour le travail à effectuer au poste d’analyste classifié au groupe et niveau EC-04. Le plaignant n’a pas démontré que le fait d’exiger quatre cours universitaires dans l’un des domaines de spécialisation indiqués ou plusieurs de ces derniers constitue un abus de pouvoir.

55        Le plaignant a soumis sa liste de cours : [traduction] « Probabilité et statistiques (de son diplôme en mathématiques appliquées), et trois cours de son diplôme en éducation, soit : [traduction] « Formation scolaire et société », [traduction] « Justice sociale et éducation mondiale » et « Enseignement dans des écoles catholiques séparées ». L’intimé a décidé que le dernier cours ne répondait pas au contenu requis en sociologie, puisqu’il s’agissait d’un cours en éducation. Par conséquent, la liste a été jugée insuffisante pour passer l’étape de la présélection.

56        Le plaignant a contesté la décision sur de nombreux fronts. Il a en outre fait valoir que le cours de statistiques qu’il a suivi avait duré deux semestres et que, par conséquent, il aurait dû équivaloir à deux cours. Le cours sur l’enseignement dans des écoles catholiques séparées pourrait adéquatement être considéré comme un cours de sociologie, puisque la question touchant l’enseignement dans un contexte précis a une dimension sociologique. Il a présenté un relevé de notes pour son diplôme en mathématiques appliquées afin de montrer que plusieurs cours étaient pertinents.

57        Le Tribunal a indiqué à maintes reprises qu’il n’avait pas le mandat d’évaluer de nouveau des candidats. Je suis de cet avis. On a demandé au plaignant de soumettre une liste de quatre cours qui répondraient aux critères. Il a choisi les cours. Je ne crois pas qu’un même cours devrait compter deux fois, peu importe qu’il ait duré un semestre ou deux. Le plaignant n’a pas établi qu’il n’était pas raisonnable pour l’intimé de conclure qu’un cours suivi dans le cadre de la formation aux enseignants dans les écoles catholiques séparées de l’Ontario ne constituait pas un cours de sociologie. M. Gravel a expliqué que cette décision avait été prise selon le motif qu’un cours d’enseignements n’est pas un cours de sociologie aux fins d’un poste lié à l’analyse de données. Même si le plaignant a affirmé que ce cours avait un [traduction] « aspect sociologique », il n’a soumis aucun élément de preuve qui me permettrait de conclure que l’intimé a commis une erreur grave lorsqu’il a déterminé que le cours n’était pas un cours de sociologie.

3. Qualifications de M. Gravel pour juger des qualifications essentielles

58        Le plaignant a mis en doute les titres de compétences de M. Gravel pour décider si sa liste de cours répondait aux exigences. M. Gravel est un psychologue du travail avec une spécialisation en statistique appliquée avancée. M. Gravel avait le pouvoir délégué par l’administrateur général pour établir les qualifications essentielles du processus de nomination. M. Gravel avait une idée très précise de ce qu’il cherchait et pourquoi.

Je conclus que le plaignant n’a pas réussi à démontrer que l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a évalué les qualifications relatives aux études du plaignant et qu’il a déterminé que ce dernier ne répondait pas à la qualification relative aux études pour ce processus de nomination.

C. Question III : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans son évaluation des qualifications des personnes nommées?                                                              

59        Le plaignant a fait valoir que les évaluations des deux personnes nommées indiquaient un parti pris, puisqu’ils étaient Canadiens français, comme M. Gravel. Outre cette simple affirmation, le plaignant n’a pas présenté de preuve à l’appui de son allégation de parti pris.

60        De plus, le plaignant a allégué que l’une des personnes nommées, Geneviève Fournier, n’était pas qualifiée, puisqu’elle ne répondait pas à l’exigence relative aux études pour le poste et que, par conséquent, sa nomination devrait être révoquée. J’étudierai chacune des personnes nommées à tour de rôle.

61        Au moment d’étudier les qualifications des personnes nommées, je n’ai examiné que leurs candidatures et, dans le cas de la deuxième personne nommée, Alex Comtois Lecocq, j’ai aussi examiné le courriel qu’il a échangé avec l’intimé sur les cours requis qu’il avait suivis. Étant donné que la candidature du plaignant a été éliminée, seules les qualifications indiquées dans sa candidature ont été évaluées. La comparaison avec les personnes nommées est donc effectuée sur ce fondement.

62        Le plaignant a affirmé que Mme Fournier n’était pas qualifiée parce qu’elle détenait des diplômes universitaires en administration des affaires et en éducation spécialisée, avec une mineure en biologie. Elle a également indiqué les quatre cours qui suivent : [traduction] « Analyse microéconomique », [traduction] « Analyse macroéconomique », [traduction] « Problèmes et politiques économiques » et [traduction] « Analyses politiques et taxation », que l’intimé a jugé satisfaisants aux fins de la spécialisation requise.

63        Le plaignant a affirmé que le dernier cours, Analyses politiques et taxation, n’était pas pertinent. Qui plus est, il ne figurait pas dans son relevé de notes des HEC (École des hautes études commerciales, affiliée avec l’Université de Montréal). Par conséquent, selon le plaignant, je devrais conclure qu’elle n’était pas qualifiée.

64        Encore une fois, je ne réévaluerai pas les candidatures. M. Gravel a indiqué pendant l’audience qu’il avait déterminé que le cours [traduction] « Analyses politiques et taxation » était suffisamment lié à l’économie pour être accepté, parce qu’il abordait l’analyse de données et de tendances économiques. La question n’a pas été examinée de façon plus approfondie.

65        Le cours ne figure pas dans le relevé de notes des HEC de Mme Fournier. À l’étape de la présélection, comme M. Gravel l’a expliqué, les déclarations des candidats sont acceptées sans réserve. La sélection ou l’élimination d’un candidat se fonde donc sur le caractère adéquat des cours indiqués, et non sur les relevés de notes.

66        M. Comtois Lecocq a indiqué dans sa candidature que son diplôme universitaire était spécialisé en statistique, l’un des trois domaines de spécialisation requise. Malgré tout, l’intimé lui a également demandé, dans un courriel de suivi, de préciser les cours qu’il avait suivis. Il avait déjà indiqué dans sa candidature 12 cours en probabilités et en statistique, y compris cinq cours théoriques, un cours sur l’échantillonnage et les sondages et un cours en biostatistique.

67        Le plaignant a insisté sur le fait que l’on avait demandé à M. Comtois Lecocq de préciser les cours qu’il avait suivis, tandis que dans son cas, il avait simplement reçu une lettre dans laquelle on l’informait de son élimination.

68        M. Gravel a expliqué que M. Comtois Lecocq avait déjà indiqué qu’il possédait une spécialisation en statistique et il lui a demandé de préciser les titres des cours en guide de suivi. Dans le cas du plaignant, il a indiqué qu’il possédait des diplômes en mathématiques appliquées et en éducation. Il ne semblait pas y avoir de spécialisation en statistiques, en économie ou en sociologie, et aucun titre de cours ne figurait dans sa demande.

69        Néanmoins, comme il a été expliqué précédemment, lorsque le plaignant a réagi à la lettre d’élimination, l’intimé lui a offert la possibilité d’indiquer quatre cours spécialisés. Par conséquent, je n’arrive pas à voir en quoi son traitement diffère de celui accordé à M. Comtois Lecocq.

70        Je conclus que le plaignant n’a pas réussi à démontrer qu’il y a eu abus de pouvoir dans la façon dont les personnes nommées ont été présélectionnées dans le cadre du processus de nomination.

D. Question IV : L’intimé a-t-il fait preuve de discrimination ou de représailles à l’égard du plaignant?

71        En vertu de l’article 80 de la LEFP, la Commission peut interpréter et appliquer la LCDP lorsqu’elle analyse une plainte pour abus de pouvoir en vertu du paragraphe 77. Dans ce cas, le plaignant a fait référence aux paragraphes 7 et 14.1 de la LCDP, qui sont libellés comme suit :

7. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;

b) de le défavoriser en cours d’emploi.

 […]

14.1 Constitue un acte discriminatoire le fait, pour la personne visée par une plainte déposée au titre de la partie III, ou pour celle qui agit en son nom, d’exercer ou de menacer d’exercer des représailles contre le plaignant ou la victime présumée.

72        Le plaignant a affirmé avoir fait l’objet de discrimination et de représailles en raison de sa race et de son origine nationale ou ethnique, soit des motifs interdits en vertu de l’article 3 de la LCDP.

73        Dans le même ordre d’idées que ce que le Tribunal a indiqué dans Abi-Mansour c. sous-ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord Canada, 2013 TDFP 6, les parties devant moi n’ont pas présenté d’arguments quant à la compétence de la Commission pour interpréter l’article 14.1, en dépit du fait que je n’entends pas une plainte déposée en vertu de la partie III de la LCDP. Toutefois, comme le Tribunal l’a indiqué dans cette affaire, au paragraphe 151, « une preuve de représailles pourrait s’avérer pertinente dans le contexte d’une plainte d’abus de pouvoir présentée en vertu de la LEFP ».

74        Pour conclure qu’il y a eu discrimination, la Commission doit d’abord déterminer si le plaignant a établi une preuve prima facie de discrimination. Dans l’affirmative, l’intimé doit présenter une explication non discriminatoire raisonnable pour la pratique qui serait autrement discriminatoire, à défaut de quoi on conclura à la discrimination (voir Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536 (« O’Malley »)).

75        Le plaignant et l’intimé ne s’entendent pas sur le critère que je devrais appliquer afin de déterminer si le plaignant a satisfait à l’exigence de la preuve prima facie. Le plaignant a fondé ses arguments sur Shakes v. Rex Pak Ltd. (1981), 3 C.H.R.R. D/1001 et Israeli c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), (1983) 4 C.H.H.R. D/1616; l’intimé a fondé son argument sur Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4. Je conclus que, dans les circonstances de cette affaire, tous les critères mènent à la même conclusion, soit qu’il n’y a pas de preuve prima facie de discrimination.

76        Comme il est indiqué dans Abi-Mansour c. le sous-ministre des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada, 2012 TDFP 8, le critère dans Shakes peut être résumé comme suit :

· le plaignant était qualifié pour l’emploi en cause;

· le plaignant n’a pas été embauché;

· une personne qui n’était pas plus qualifiée, mais qui n’avait pas le trait distinctif à l’origine de la plainte de discrimination a obtenu le poste.

77        Le critère dans Israeli a été appliqué dans Abi-Mansour c. sous-ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord Canada, 2013 TDFP 6, et il indique ce qui suit :

· le plaignant appartient à l’un des groupes susceptibles d’être victimes de discrimination aux termes de la LCDP, du fait, par exemple, de sa race ou de son origine nationale ou ethnique;

· le plaignant s’est porté candidat à un poste que l’employeur désirait doter et il possédait les qualifications voulues;

· sa candidature a été éliminée en dépit du fait qu’il était qualifié;

· par la suite, l’employeur a continué d’étudier les demandes de candidats possédant les mêmes qualifications que le plaignant.

78        Dans McGill, aux paragraphes 49 et 50, le juge Abella a résumé le critère pour une preuve prima facie de discrimination de la manière qui suit :

[49] Il en résulte une différence entre discrimination et distinction. Les distinctions ne sont pas toutes discriminatoires. Il ne suffit pas de contester le comportement d’un employeur pour le motif que ce qu’il a fait a eu une incidence négative sur un membre d’un groupe protégé. La seule appartenance à un tel groupe n’est pas suffisante pour garantir l’accès à une réparation fondée sur les droits de la personne. C’est le lien qui existe entre l’appartenance à ce groupe et le caractère arbitraire du critère ou comportement désavantageux — à première vue ou de par son effet — qui suscite la possibilité de réparation. Et ce fardeau de preuve préliminaire incombe au plaignant.

[50] Si l’existence de ce lien est établie, il y a alors preuve prima facie de l’existence de discrimination. C’est à ce stade que le critère de l’arrêt Meiorin s’applique et qu’il appartient alors à l’employeur de justifier le comportement discriminatoire à première vue. Si le comportement est justifié, il n’y a pas de discrimination.

79        Le juge Abella a ajouté ce qui suit, au paragraphe 53 : « Il n’est pas nécessaire de justifier ce qui, à première vue, n’est pas discriminatoire. »

80        Dans Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (procureur général), 2005 CAF 154 (« Morris »), la Cour d’appel fédérale a abordé la question du critère juridique approprié pour déterminer si une preuve prima facie de discrimination a été établie dans le contexte de la dotation. M. Morris s’est plaint qu’il n’avait pas été promu, contrairement à ses attentes, en raison d’une discrimination fondée sur l’âge. La Cour d’appel fédérale a réaffirmé le critère préconisé dans O’Malley de la preuve prima facie, comme suit au paragraphe 14 : […] « la preuve fournie par la Commission était suffisante, dans la mesure où l’on y ajoutait foi et en l’absence d’explications raisonnables, pour établir le bien-fondé de la plainte. »

81        Dans la même décision, la Cour d’appel fédérale a formulé les commentaires qui suivent au sujet de Shakes et Israeli :

[26] À mon avis, l’arrêt Lincoln[Lincoln c. Bay Ferries Ltd., 2004 FCA 204] est déterminant : l’arrêt O’Malley indique le critère juridique de la preuve prima facie de discrimination à appliquer en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Les décisions Shakes et Israeli indiquent simplement la preuve qui, si l’on y ajoute foi et si l’intimé ne donne pas d’explications satisfaisantes, suffira pour que le plaignant ait gain de cause dans certains contextes d’emploi.

82        Tel qu’il est mentionné ci-dessus, étant donné que le Tribunal s’est fié aux critères utilisés dans Shakes et Israeli, dont il était question dans les décisions Abi-Mansour auxquelles on a fait référence précédemment, je suis prête à les appliquer dans l’affaire en l’espèce. Peu importe la version utilisée, dans Shakes ou Israeli, le résultat est le même. L’intimé a déterminé que le plaignant ne répondait pas aux qualifications liées aux études. J’ai établi précédemment que le plaignant n’avait pas réussi à établir que cette décision constituait un abus de pouvoir. Le plaignant indique que ses études sont suffisantes et que, de toute façon, les quatre cours requis ne sont pas pertinents pour le poste et qu’il serait entièrement qualifié pour accomplir le travail.

83        Étant donné que j’ai conclu que le plaignant n’a pas réussi à démontrer qu’il a répondu à la qualification essentielle liée aux études que l’intimé exigeait au moment de présenter sa demande, il n’a pas établi qu’il était qualifié pour le poste. Par conséquent, il ne répondait pas à l’un des critères essentiels requis dans Shakes et Israeli. Le plaignant n’a pas prouvé qu’il était qualifié aux fins du processus de nomination. Il a été éliminé dès le début, parce que l’intimé a déterminé qu’il ne répondait pas aux exigences liées aux études.

84        Rien dans la preuve présentée par le plaignant ne mène à la discrimination fondée sur la race ou l’origine nationale ou ethnique. La distinction est établie entre ceux qui ont présenté la liste des cours requis et le plaignant, qui ne l’a pas fait. Il ne suffit pas d’alléguer que le rejet d’un cours ou le fait de ne pas tenir compte de son expérience constitue de la discrimination. Il n’y a tout simplement aucune preuve, circonstancielle ou autre, selon laquelle l’intimé a fait preuve de discrimination. J’appliquerais le même raisonnement que celui indiqué dans Nash c. Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2014 TDFP 10, au paragraphe 54, qui indique ce qui suit :

54      Bien que le Tribunal puisse tenir compte de ce que croit le plaignant, il doit s’agir de plus qu’une simple possibilité; comme l’a établi le Tribunal canadien des droits de la personne, « le fait de croire abstraitement qu’une personne fait l’objet de discrimination, sans qu’il existe un certain fait qui le confirme, n’est pas suffisant ». Voir la décision Filgueira c. Garfield Container Transport Inc., 2005 TCDP 32, para. 41; conf. par 2006 CF 785.

85        Depuis le début, le plaignant était d’avis que l’élimination de sa candidature était discriminatoire, comme en témoigne le premier courriel (daté du 20 janvier 2011) qu’il a envoyé en réponse au courriel d’élimination de sa candidature, qui indiquait qu’il ne répondait pas au critère de mérite qui suit : « Diplôme obtenu d’une université reconnue avec spécialisation acceptable en économie, en sociologie ou en statistique » :

Bonjour,

Sans vouloir trop entrer dans les détails, vos compétences en sélection sont démagogiques et d’une qualité terriblement inférieure. Si vous lisez la REMARQUE 1 dans l’annonce d’emploi, il est indiqué qu’un diplôme en statistique n’est pas toujours requis, mais qu’un diplôme universitaire l’est. Quoi qu’il en soit, je suis déjà dans un bassin de candidats EC-04, qui se trouve à l’adresse […]

De toute évidence, vous n’avez pas éliminé ma candidature parce que je ne réponds pas aux qualifications demandées, comme vous l’indiquez; le véritable motif derrière l’élimination de ma candidature est la discrimination et vous ne faites que la couvrir. Si vous souhaitiez m’embaucher, vous n’aviez simplement qu’à me sélectionner à partir de ce bassin. Vous n’aviez pas besoin de mener un concours. Votre organisation est réputée pour son racisme depuis plusieurs plusieurs années. J’en ai marre de ces pratiques.

Ou vous me réintégrez dans ce concours, ou j’attendrai jusqu’à ce que vous publiiez les résultats dans Publiservice et j’amorcerai des procédures juridiques à votre égard et à l’égard du gestionnaire, même si je devrais me battre dix ans devant les tribunaux. C’est tout ce que j’ai à dire pour l’instant.

86        Toute autre mesure prise par l’intimé n’a servi qu’à renforcer la première impression du plaignant.

87        Le problème réside dans le fait que la présélection initiale ne représente que les qualifications essentielles que l’intimé a établies pour les exigences liées aux études, y compris la remarque 1 et la remarque 2, et la remarque supplémentaire demandant aux candidats d’indiquer les cours qu’ils ont suivis. Ces exigences ont également été imposées aux personnes nommées. Même si M. Comtois Lecocq a indiqué qu’il était titulaire d’un diplôme spécialisé en statistiques, on lui a tout de même demandé d’indiquer les titres de quatre cours. Lorsque le plaignant a affirmé que ses diplômes en mathématiques appliquées et en éducation comprenaient des cours spécialisés dans l’un des trois domaines de spécialisation, on lui a demandé de fournir les titres de quatre de ces cours.

 

88        Dans son courriel daté du 24 janvier 2016, l’intimé a expliqué sa décision d’éliminer la candidature du plaignant et lui a offert la possibilité de fournir des renseignements supplémentaires, comme suit :

[…]

Malheureusement, votre candidature a été éliminée parce que vous n’avez pas clairement démontré dans votre curriculum vitae que vous avez terminé au moins quatre cours universitaires en économie, en sociologie ou en statistique. Votre curriculum vitae indique les renseignements qui suivent sur vos études :

« B. Ed. en enseignement secondaire (matières d’enseignement : informatique, mathématiques et français langue seconde), Université d’Ottawa, 2006-2007, maîtrise en Informatique, Université Laval, Québec (Québec), 2003 (terminée à 50 %), B.Sc. en mathématiques appliquées, Université du Liban, 2001 (je possède une équivalence de l’Université Laval) (diplôme avec mention) ».

Si vous avez terminé au moins quatre cours universitaires en économie, en sociologie ou en statistique, veuillez nous en fournir la liste. Nous tiendrons compte de ces renseignements et nous examinerons votre candidature. Veuillez noter que, si votre candidature est acceptée, vous devrez fournir la copie originale de vos diplômes et vos relevés de notes officiels plus tard dans le processus de dotation.

[…]

89        Le plaignant a acheminé la liste de quatre cours mentionnée précédemment, que l’intimé a jugée insuffisante. Il a affirmé que le fait de ne pas reconnaître ses cours était discriminatoire. Il n’a pas démontré en quoi il était discriminatoire d’appliquer le critère clairement établi dans l’annonce de possibilité d’emploi.

90        Contrairement à ce que le plaignant prétend, il me semble que l’intimé lui a donné la possibilité de corriger sa candidature. L’intimé a appliqué les mêmes exigences à son endroit qu’aux personnes nommées, et il lui a donné une marge de manœuvre pour démontrer qu’il répondait effectivement aux critères.

91        Je conclus donc que le plaignant n’a pas établi une preuve prima facie de discrimination, comme l’exige le critère dans O’Malley.

92        Même si une preuve prima facie de discrimination avait été établie, je conclurais que l’intimé a présenté une explication non discriminatoire raisonnable et suffisante pour motiver sa décision d’éliminer la candidature du plaignant à l’étape de la présélection, tel qu’il a été expliqué précédemment dans la section sur l’abus de pouvoir dans le cadre de l’évaluation des qualités du plaignant.

93        Le plaignant a également affirmé que l’intimé avait exercé des représailles à son égard, parce que, dès le premier échange, il a mentionné l’action en justice.

94        Selon le plaignant, les mesures en guise de représailles peuvent être perçues dans les échanges entre l’intimé et le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada au sujet de la remarque 1 et dans la façon dont elle doit être interprétée. L’intimé voulait confirmer avec le Conseil du Trésor que la remarque 1 donnait tout simplement au gestionnaire le pouvoir discrétionnaire d’utiliser un agencement acceptable d’études et d’expérience ce qui, en l’espèce, a été défini par la remarque 2.

95        L’intimé a effectivement reconnu qu’il était malheureux que la remarque 1 se prête à une interprétation fautive. Je conclus que, tout au long du processus, l’intimé n’a jamais changé d’idée quant à ce qu’il recherchait et il a appliqué les mêmes exigences au plaignant et aux personnes nommées. Le plaignant a affirmé que la mise à jour des [traduction] « normes de qualification », le 28 février 2011, constituait une tentative de justifier son exclusion. À la suite de ce changement, la [traduction] « Foire aux questions » a également été modifiée par l’ajout de l’expression [traduction] « à la discrétion du gestionnaire » à la question et à la réponse qui suivent (pièce 21) :

16b. La spécialisation peut-elle être obtenue par un agencement acceptable d’études, de formation ou d’expérience?

Oui. À la discrétion du gestionnaire, la spécialisation peut être acquise au moyen d’un agencement acceptable d’études, de formation ou d’expérience. Lorsqu’elle est utilisée, elle doit être indiquée dans l’Énoncé des critères de mérite à des fins de transparence […]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

96        Les échanges et les précisions subséquentes peuvent s’expliquer par un besoin de précision. Encore une fois, je ne peux conclure que, pendant le processus, l’intimé a changé d’idée ou modifiée ses normes. Dès le début, le processus de nomination, dès l’annonce de possibilité d’emploi, exigeait une spécialisation dans l’un des trois domaines, acquise en ayant suivi quatre cours, lesquels représentent la [traduction] « combinaison acceptable » indiquée dans la remarque 1. À titre de remarque supplémentaire, la remarque 2 devrait être interprétée comme une précision du contenu de la remarque 1.

97        Le plaignant n’a soumis aucune preuve de représailles. L’intimé a reconnu que le libellé de la remarque 1, lu de façon indépendante, pouvait porter à confusion. Toutefois, le pouvoir discrétionnaire inhérent présenté par le mot « peut » sous-entend qu’il appartient au gestionnaire de décider si une combinaison donnée est effectivement acceptable. Il ne peut sous-entendre que c’est le candidat qui décide ce qui « peut » être acceptable, comme le plaignant semble le faire. Étant donné que la remarque 2 est présente depuis le début, le fait de permettre au gestionnaire d’exercer son pouvoir discrétionnaire et d’ajouter du texte pour clarifier le concept sans le modifier ne constitue pas un signe de représailles.

98        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

99        Les plaintes sont rejetées.

Le 21 juin 2016.

Traduction de la CRTEFP

Marie-Claire Perrault,
une formation de la Commission des relations
de travail et de l’emploi dans la fonction publique
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