Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur a déposé un grief de principe au sujet de la désignation du travail effectué après les heures de travail et les fins de semaine par ses membres, qui sont embauchés à titre de préposé au suivi des vols chez Transports Canada – les préposés au suivi des vols sont chargés d’assurer la sécurité des équipages techniques de Transports Canada, en effectuant régulièrement des vérifications de la progression des vols depuis le sol – toutes les 30 minutes, ils reçoivent un courriel généré par ordinateur, provenant des systèmes à bord de l’aéronef, dans lequel est présenté un état de la situation du vol – durant un vol, ils doivent être prêts en tout temps à recevoir un appel du téléphone par satellite de la part de l’équipage de l’aéronef, afin de signaler une modification de la trajectoire du vol ou pour demander de l’aide – la majorité des vols sont effectués lors des heures normales de travail, mais plusieurs départs tardifs et pendant la fin de semaine sont prévus chaque mois – les préposés au suivi des vols disposent d’un téléphone intelligent avec lequel ils peuvent effectuer ces fonctions à l’extérieur du bureau – dans ces cas, l’employeur considère que ses employés sont en disponibilité – lorsqu’ils sont tenus d’effectuer des vérifications obligatoires de l’état du vol toutes les 30 minutes, ou lorsqu’ils reçoivent des appels des équipages techniques des aéronefs, l’employeur les considère comme étant rappelés au travail et ils sont alors payés au taux plus élevé d’heures supplémentaires lorsqu’ils effectuent ces fonctions – la Commission a jugé qu’en vertu de la convention collective, l’employé est en situation de disponibilité lorsque l’employeur exige qu’il soit disponible et en mesure d’effectuer des fonctions autorisées à l’extérieur des heures normales de travail – cela suppose nécessairement que le travail à une certaine date et heure n’aura peut-être pas lieu – d’autre part, les heures supplémentaires signifient du travail effectué en sus des heures normalement prévues à l’horaire – ce travail est prévu à l’avance et ne peut être considéré comme une situation de disponibilité – la preuve a établi que les préposés au suivi des vols savaient une semaine ou plus à l’avance qu’ils surveilleraient un vol particulier à l’extérieur des heures normales de travail – par conséquent, il s’agissait d’heures supplémentaires. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-06-02
  • Dossier:  569-02-169
  • Référence:  2016 CRTEFP 46

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

ASSOCIATION DES PILOTES FÉDÉRAUX DU CANADA

l’agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR

employeur

Répertorié
Association des pilotes fédéraux du Canada c. Conseil du Trésor


Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Bryan R. Gray, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour l’agent négociateur:
Jennifer M. Duff, avocate
Pour l'employeur:
Pierre-Marc Champagne, avocat
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 4 et 5 novembre 2015
(Observations écrites déposées le 10 février 2016)
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Contexte

1        L’Association des pilotes fédéraux du Canada (APFC) (l’« agent négociateur ») conteste la rémunération de ses préposés au suivi des vols relevant du groupe Navigation aérienne (AO) de Transports Canada pour le travail effectué après les heures de travail et les fins de semaine. Dans son grief de principe, l’agent négociateur allègue que le Conseil du Trésor (l’« employeur ») a contrevenu aux dispositions relatives aux heures supplémentaires, au rappel au travail et à la disponibilité de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’APFC pour le groupe AO, convention qui a expiré le 25 janvier 2015 (la « convention »).

2        Un préposé au suivi des vols est chargé d’assurer la sécurité des équipages techniques qui exploitent les aéronefs du Service des opérations de vol de Transports Canada, en effectuant régulièrement des vérifications de la progression des vols depuis le sol. Si la communication avec un vol est perdue, le préposé au suivi des vols doit s’assurer de ne pas dépasser le délai prédéterminé avant de prendre des mesures servant à localiser l’aéronef. Un bon nombre des vols que ces employés surveillent sont exploités au-dessus de l’océan Atlantique Nord, en dehors de portée des systèmes de radar et de radiocommunication terrestres. Par conséquent, comme le contrôle de la circulation aérienne ne gère pas les vols, au moins en partie, le travail du préposé au suivi des vols constitue un mécanisme supplémentaire important de la sécurité pour les équipages techniques.

3        Les fonctions d’un préposé au suivi des vols sont établies en détail par une politique écrite et un manuel de procédures, le [Traduction] Manuel d’exploitation de la Direction générale des services des aéronefs (le « Manuel »). Ces fonctions prévoient notamment de surveiller toutes les 30 minutes l’arrivée d’un courriel généré par ordinateur, qui présente un état de la situation du vol établi d’après les données des communications par satellite et GPS qui sont recueillies par les systèmes se trouvant à bord de l’aéronef. Pendant la durée d’un vol, le préposé au suivi des vols doit aussi être prêt en tout temps à recevoir sur son téléphone intelligent un appel provenant du téléphone par satellite de l’aéronef, au cas où l’équipage signalerait une modification de la trajectoire du vol ou aurait besoin d’aide. Si, à quelque moment que ce soit, les rapports automatisés sur la situation du vol ne sont pas accessibles, ou s’ils signalent que l’aéronef a dévié du plan de vol, le préposé au suivi des vols doit vérifier la situation du vol au moyen d’un système distinct de suivi par satellite s’appuyant sur un GPS, qui utilise la cartographie en ligne pour montrer la trajectoire suivie et la localisation de l’aéronef.

4        L’employeur utilise l’article de la convention qui traite la disponibilité pour assigner des vols aux préposés au suivi des vols, qui auront lieu après les heures de travail ou pendant les fins de semaine. Il leur verse les droits relatifs à la disponibilité et au tarif des heures supplémentaires correspondant aux heures pendant lesquelles ils ont effectué leurs vérifications obligatoires de l’état des vols, toutes les 30 minutes, ainsi que pour les heures passées à recevoir des appels des équipages techniques. L’employeur estime que les intervalles qui s’écoulent entre chacune des vérifications de l’état des vols qui sont effectuées toutes les 30 minutes sont des périodes concernant la disponibilité. L’agent négociateur conteste ce mode d’assignation de tâche et de paiement; il soutient que toute la période qui s’écoule entre le moment où un préposé au suivi des vols commence son service actif, c’est-à-dire environ une heure avant le décollage, et le moment où l’équipage atterrit en toute sécurité à la base et lui rapporte sa situation, devrait être payée au tarif des heures supplémentaires, et non subdivisée en intervalles de la disponibilité et de travail.

5        Dans ce grief, il incombe à l’agent négociateur de démontrer que l’employeur a enfreint les articles pertinents de la convention. La question à trancher en l’espèce sera celle de savoir si les préposés au suivi des vols travaillent des heures supplémentaires prévues à l’horaire pendant la durée du vol ou s’ils sont en disponibilité, sauf pendant de courtes périodes au cours desquelles ils relèvent des courriels réguliers ou prennent un appel téléphonique. Cette question doit être tranchée en interprétant des dispositions pertinentes de la convention.

6        Le grief de principe qui a été renvoyé à l’arbitrage a été présenté à l’employeur le 6 août 2014. Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; LCRTEFP) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission »), qui remplace l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique, et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2, la « Loi ») avant le 1er novembre 2014, se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

II. Résumé de la preuve

7        L’agent négociateur a renvoyé son grief de principe à l’arbitrage le 9 février 2015, en vertu de l’article 220 de la Loi. Le paragraphe 220(1) est ainsi libellé :

220 (1) Si l’employeur et l’agent négociateur sont liés par une convention collective ou une décision arbitrale, l’un peut présenter à l’autre un grief de principe portant sur l’interprétation ou l’application d’une disposition de la convention ou de la décision relativement à l’un ou l’autre ou à l’unité de négociation de façon générale.

8        Les employés en question exécutent les fonctions de préposé au suivi des vols et appartiennent au groupe AO. Les articles 19, 43 et 44 de la convention sont en litige; ils traitent des heures supplémentaires, des rappels au travail et de la disponibilité, respectivement, et feront l’objet d’un examen détaillé ci-dessous.

9        Le gestionnaire régional des opérations de vol pour Transports Canada, Pierre Senneville, a précisé que les fonctions des préposés au suivi des vols consistaient à [traduction] « recueillir des données et surveiller l’évolution » d’un vol afin de s’assurer qu’il se déroule selon le plan de vol présenté avant le décollage. M Senneville a entamé sa carrière à Transports Canada en 1984, et il a affirmé qu’il assumait chaque mois un quart de travail à titre de préposé au suivi des vols, dans le cadre de son engagement à s’occuper de tous les aspects des opérations de vol et afin que les autres employés effectuant ce travail puissent prendre une pause dans leur horaire de travail.

10        Le pilote Mike McDermott a déclaré que pour les vols matinaux fixés lors des jours de semaine, l’équipage partage le plan de vol avec le préposé au suivi des vols entre 8 h et 8 h 10, soit environ une heure avant le décollage. Dans le cadre de sa préparation avant le vol, l’équipage rencontre le préposé au suivi des vols au bureau des opérations de vol.

11        D’autres éléments de preuve présentés par M. Senneville ont permis d’établir que les préposés au suivi des vols [traduction] « n’exécutent pas de fonctions liées au contrôle de la circulation aérienne », ni des fonctions du service de recherches et de sauvetage. Tous les aéronefs sont dotés d’un équipement d’urgence permettant de lancer un appel de détresse à l’intention du centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage (CCCOS), qui surveille les fréquences par satellite relatives à la sécurité aérienne et déploie une intervention d’urgence au besoin.

12        Les préposés au suivi des vols sont en poste sur les côtes est et ouest du Canada et peuvent être chargés de vols opérant à partir d’Ottawa qui desservent la région de l’arctique canadien. Le Service des opérations de vols effectue aussi des missions aériennes en amont du fleuve Saint-Laurent à travers la région des Grands Lacs, aussi loin à l’intérieur du continent qu’àThunder Bay, en Ontario. La preuve dont je disposais à l’audience portait principalement sur les opérations menées dans l’Atlantique, à partir de Moncton, au Nouveau-Brunswick. Ni l’une ni l’autre des parties n’a soutenu que les questions à trancher à l’audience étaient différentes dans les autres régions.

13        La majorité des vols assignés aux préposés au suivi des vols sont effectués lors des heures normales de bureau, du lundi au vendredi, mais plusieurs départs tardifs sont fixés chaque mois, et un vol peut aussi être prévu pendant la fin de semaine. La plupart des vols assignés aux préposés au suivi des vols relèvent des fonctions liées au « Programme national de surveillance aérienne » (PNSA). Il a aussi été affirmé qu’à de rares occasions, les préposés au suivi des vols surveillent des aéronefs chargés de missions d’urgence à court ou sans préavis. Aucun élément de preuve n’a été présenté à l’égard du nombre précis de ces missions ou de leur durée.

14        Le PNSA a des vols en circulation 361 jours par année, afin d’effectuer des tâches telles que le repérage des glaces flottantes ou la détection et la photographie de la pollution crééepar le trafic maritime. Les vols relevant du PNSA au-dessus de l’océan Atlantique durent environ cinq heures et couvrent une distance pouvant atteindre 400 km au large des côtes. Ces vols s’appuient sur de multiples systèmes indépendants de navigation et de communication par satellite que surveillent leurs préposés au suivi des vols qui y sont affectés.

15        Chaque préposé au suivi des vols dispose d’un téléphone intelligent qui reçoit des appels par satellite des équipages techniques, ainsi que des courriels réguliers, générés par le système « MSS 6000 » toutes les 30 minutes, qui indiquent la latitude, la longitude, la vitesse et l’altitude de l’aéronef. Un système informatique distinct de navigation par satellite GPS, le « Guardian – SilverEye », fournit un système de cartographie en ligne qui s’affiche sur grand écran dans le bureau des opérations de vol et si désiré, sur le téléphone intelligent d’un préposé au suivi des vols ou l’écran d’un ordinateur domestique. Les systèmes de vol génèrent aussi des messages textes que les préposés au suivi des vols reçoivent sur leur téléphone intelligent. Ces messages signalent le décollage, ou l’atterrissage si un appareil tombe en-dessous de 50 pieds d’altitude ou ralentit à une vitesse à laquelle il est peu susceptible de demeurer dans les airs.

III. Résumé de l’argumentation

16        Ma tâche en l’espèce consiste à interpréter la convention et à déterminer s’il y a eu infraction dans son application à la rémunération des préposés au suivi des vols pour les fonctions exécutées après les heures de travail.

17        La seule question déterminante et pertinente est celle de savoir si les préposés au suivi des vols font des heures supplémentaires, ou s’ils sont en disponibilité et rappelés au travail, comme le prévoit l’article 43 de la convention, et si, une fois qu’ils sont rappelés au travail, leur travail se poursuit effectivement sans interruption pendant la durée du vol.

18        L’agent négociateur a fait valoir que je devais considérer que le travail assigné aux préposés au suivi des vols après les heures de travail ou pendant les fins de semaine, est régi par les dispositions de l’article 19 (« Heures supplémentaires »).

19        L’employeur a fait valoir que les préposés au suivi des vols ont été désignés pour être en disponibilité (article 44), puis se voient assigner un travail autorisé en vertu de l’article traitant du rappel au travail (article 43), et  ils sont rémunérés conformément aux alinéas 43.01a) et b).

20        La différence quant à l’article de la convention qui régit le travail effectué par les préposés au suivi des vols après les heures de travail et pendant les fins de semaine est importante. S’il s’agit effectivement de la disponibilité entrecoupée de brèves périodes de rappel au travail, comme le laisse entendre l’employeur, cela permet effectivement de recevoir une rémunération pour disponibilité et pour le travail à la pièce effectué par le préposé au suivi des vols, chaque fois qu’il vérifie un courriel ou reçoit un appel téléphonique.

21        Si, d’autre part, le travail consiste à faire des heures supplémentaires, il donne alors droit à une rémunération au tarif des heures supplémentaires pour toute la durée de la mission.

A.  Les préposés au suivi des vols surveillent-ils constamment l’évolution des vols?

22        À l’appui de son allégation selon laquelle les préposés au suivi des vols devraient être rémunérés au tarif des heures supplémentaires pour toute la durée de chacune des missions aériennes exécutées après les heures de travail, l’agent négociateur a soumis une preuve pour tenter d’établir que les préposés au suivi des vols surveillent presque constamment l’évolution des vols, en raison des dangers inhérents à la conduite de missions au-dessus de l’océan Atlantique. L’agent négociateur a appelé M. McDermott à témoigner des exigences relatives aux vols qui font l’objet d’une surveillance. Comme il est devenu évident pendant le témoignage de M. McDermott que l’agent négociateur ne convoquerait pas un préposé au suivi des vols afin qu’il témoigne sur ses fonctions, M. McDermott a livré le meilleur témoignage possible à l’égard du travail effectué par les préposés au suivi des vols, selon ses observations personnelles.

23         M. McDermott a déclaré que dans l’exercice de leurs fonctions pendant les heures normales de bureau, les préposés au suivi des vols surveillent presque constamment l’évolution des vols, au moyen d’un grand écran mural où s’affiche la cartographie SilverEye. Le même service de suivi et de cartographie par satellite est accessible au moyen des ordinateurs de bureau, et la surveillance peut être exercée à partir de n’importe où à l’aide du service de données cellulaires ou du Wi-Fi sur le téléphone intelligent des préposés au suivi des vols. Si le service de cartographie SilverEye perd le lien avec les données satellitaires GPS, une ligne pointillée apparaîtra sur la carte, prédisant une trajectoire basée sur les dernières données connues, plutôt que la ligne verte habituelle indiquant la trajectoire d’un vol sur la carte.

24         M. McDermott a déclaré qu’il aimerait croire que le préposé au suivi des vols les surveille constamment au cas où l’aéronef s’écraserait. Il a aussi expliqué que si le préposé au suivi des vols ne vérifiait la situation du vol que toutes les 30 minutes, cela pourrait prendre autant de temps avant de découvrir que l’équipage a des ennuis. M. McDermott a déclaré qu’une fois par semaine en moyenne, au cours de l’été précédent, le système de mise à jour et suivi par satellite du GPS MSS 6000 automatisé et des courriers électroniques était non fonctionnel.

25         M. McDermott a raconté une expérience récente à l’occasion de laquelle il survolait l’océan Atlantique, près de la côte du Groenland, et son équipage a perdu son lien avec les données de suivi par satellite GPS. Presque immédiatement, l’équipage a reçu un appel par téléphone satellite de la part du préposé au suivi des vols, qui avait constaté que la transmission des données de suivi avait cessé. Le préposé au suivi des vols s’est informé de leur état afin d’assurer leur sécurité.

26        L’employeur a soumis une preuve indiquant qu’en plus des trois liens indépendants de communication par satellite qui sont dans chacun des aéronefs, ces derniers sont dotés de balises d’urgence reliées par satellite GPS, qui se déclenchent au moment d’un impact au sol ou en mer et peuvent être déclenchées manuellement. Ces mêmes balises se trouvent dans la combinaison de survie en mer de chacun des membres de l’équipage et sont fixées à un radeau de sauvetage gonflable, à bord de chaque aéronef. Ces balises d’urgence constituent le quatrième système indépendant de communication par satellite à bord de chaque vol. Elles transmettent un signal de détresse, incluant la localisation GPS, au centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage (CCCOS) qui surveille les communications d’urgence et déploie des opérations de sauvetage.

27        Lorsqu’il a été questionné à l’égard des habitudes de travail des préposés au suivi des vols pendant les missions effectuées en soirée ou durant les fins de semaine,  M. McDermott a déclaré qu’il [traduction] « croyait » que les préposés au suivi des vols continuaient de surveiller presque constamment les vols au moyen du service de cartographie par satellite SilverEye, comme ils le font pendant les heures normales de travail au bureau.

28        Même si j’estime que M. McDermott est un employé appliqué qui a livré un témoignage crédible de par ses connaissances et ses observations, il n’en reste pas moins qu’il n’est pas un préposé au suivi des vols et qu’il ne peut pas corroborer personnellement le nombre précis d’heures de travail qu’ils effectuent durant les fins de semaine et lors des jours de congé.

29        M. Senneville, qui a témoigné à l’égard de son quart de travail effectué chaque mois, à titre de préposé au suivi des vols, a déclaré que ces fonctions l’obligent à être disponible pour répondre aux appels de l’équipage technique par téléphone satellite et à vérifier son courrier électronique toutes les 30 minutes afin de voir s’il a reçu le courriel sur l’état des vols qui est transmis automatiquement par l’entremise du système MSS-6000.  

30         Le directeur des opérations aériennes et ancien pilote en chef pour la Direction générale des services des aéronefs (« DGSA ») de Transports Canada, Stephen Buckles, a réagi à l’affirmation selon laquelle les préposés au suivi des vols surveillent continuellement les vols en disant : [traduction] « je félicite les préposés au suivi des vols s’ils surveillent continuellement la cartographie par satellite SilverEye relative à leur vol, mais ce n’est pas ce qu’on attend d’eux ».

Cependant, compte tenu de mes conclusions, ci-après, je n’ai pas à statuer sur les questions de savoir si les préposés au suivi des vols effectuent un travail continu et si ce travail est « autorisé ».

B. Les préposés au suivi des vols ont-ils droit à la rémunération des heures supplémentaires?

31        Pour trancher cette question, il est important d’examiner les dispositions pertinentes de la convention, à savoir les articles 19, 43 et 44, qui sont ainsi rédigés :

ARTICLE 19

HEURES SUPPLÉMENTAIRES

Dans le présent article, l’expression :

« heures supplémentaires » désigne, dans le cas d’un employé à plein temps, le travail autorisé effectué en sus de ses heures de travail normales à l’horaire.

19.01 Lorsque l’employé est tenu d’effectuer des heures supplémentaires un jour de travail à l’horaire, il est rémunéré selon les modalités suivantes :

a) à tarif et demi (1 1/2) pour chaque heure qu’il effectue en sus de trente-sept virgule cinq (37,5) heures dans une semaine de travail donnée;

et

b) à tarif double (2) pour toutes les heures effectuées en sus des sept heures virgule cinq (7,5) heures effectuées à tarif et demi (1 1/2) au cours de toutes périodes de travail accolées.

19.02 Lorsque l’employé est tenu par l’Employeur d’effectuer des heures supplémentaires pendant son jour normal de repos, il est rémunéré selon les modalités suivantes :

a) à tarif et demi (1 1/2) pour les premières sept virgule cinq (7,5) heures effectuées;

et

b) à tarif double (2) pour toutes les heures effectuées ensuite au cours de toute période de travail accolée;

c) sauf que l’employé est rémunéré à tarif double (2) pour chaque heure effectuée le deuxième (2e) jour de repos et chaque jour de repos suivant.

L’expression deuxième (2e) jour de repos ou jour de repos suivant désigne le deuxième (2e) jour de repos ou le jour de repos suivant d’une série ininterrompue de jours de repos civils consécutifs et accolés.

19.03 Aux fins des paragraphes 19.01 et 19.02, tous les calculs des heures supplémentaires sont fondés sur chaque demi-heure (1/2) complète de travail.

[…]

ARTICLE 43

RAPPEL AU TRAVAIL

43.01 Lorsque, pendant un jour désigné férié ou un jour de repos ou après avoir terminé son travail pour la journée et avoir quitté son lieu de travail, l’employé est rappelé au travail et y revient, il a droit au plus élevé des deux montants suivants:

a)  une rémunération au tarif des heures supplémentaires applicable pour les heures effectuées,

b) une rémunération équivalant à quatre (4) heures de rémunération au tarif des heures normales, sauf que ce minimum ne s’applique qu’une seule fois au cours d’une période de huit (8) heures à compter du moment où l’employé rentre au travail et à condition que la période travaillée par l’employé ne suive pas immédiatement les heures normales de travail de l’employé.

Le temps que passe l’employé pour se rendre au travail ou pour revenir chez lui ne constitue pas du temps de travail.

43.02 Un employé qui est rappelé au travail ou qui répond à un appel téléphonique ou à une communication sur une ligne de données durant un jour désigné férié ou un jour de repos ou après avoir terminé son travail pour la journée peut, à la discrétion de l’Employeur, travailler à son domicile ou à un autre lieu approuvé par l’Employeur. Dans ces cas, l’employé sera payé au plus élevé des taux suivants :

a) rémunération au taux d’heures supplémentaires applicable pour toute la période qu’il travaille,

ou

b) rémunération équivalente à une (1) heure au taux horaire régulier, qui est appliqué uniquement la première fois que l’employé accomplit du travail durant une période de huit (8) heures, à compter du moment où il commence à travailler et à condition que la période travaillée ne soit pas accolée aux heures de travail normales de l’employé.

ARTICLE 44

DISPONIBILITÉ

44.01

a) L’employé est considéré comme étant en disponibilité quand l’Employeur requiert qu’il soit disponible à un relais connu de télécommunication et soit en mesure d’effectuer du travail autorisé pendant les heures hors service pour sa période désignée de disponibilité.

b) Un employé en disponibilité est rémunéré pour une (1) heure pour chaque huit (8) heures consécutives ou pour chaque partie de celles-ci où il a été désigné pour être en disponibilité. 

[…]

e) L’employé en disponibilité qui est rappelé au travail et qui effectue du travail autorisé est crédité de congé compensateur conformément à l’article 43 et continue de recevoir une rémunération en vertu du présent paragraphe pour le reste de la période de disponibilité au cours de laquelle il est rappelé.

f) Sous réserve de l’alinéa 44.01e), dès qu’il reprend ses fonctions de disponibilité à la suite d’une période au cours de laquelle il a été rappelé au travail ou il a reçu un appel pour rentrer au travail, l’employé recommence à acquérir une rémunération pour disponibilité en vertu des dispositions de l’alinéa b) du présent paragraphe.

[…]

32        M. Senneville a expliqué comment un calendrier est préparé, six mois à l’avance, pour assigner des missions de fin de semaine aux préposés au suivi des vols. Le calendrier de juillet à décembre 2014 a été déposé comme pièce à l’audience. M. Senneville a qualifié ce document de calendrier de disponibilité et a expliqué qu’une semaine à l’avance, le Service des opérations de vol saura si la mission prévue pour la fin de semaine suivante aura réellement lieu. M. Senneville a dit que dans le cas contraire, le préposé au suivi des vols qui y était affecté est [traduction] « libéré » de son affectation et n’est pas rémunéré pour cette fin de semaine.

33        M. Senneville a aussi expliqué que [traduction] « parfois » le vol relevant du PNSA est annulé à la dernière minute, et qu’en pareil cas, le préposé au suivi des vols est libéré de son affectation et n’est pas payé. Le témoin a précisé que dans le cas rare où un préposé au suivi des vols est libéré d’une mission de fin de semaine et qu’il survient un vol urgent à court préavis, on appelle un préposé au suivi des vols, et que si aucun d’eux n’est disponible, lui ou un autre gestionnaire exécutera lui-même les fonctions de suivi des vols. 

34        Toutefois, ces annulations ou changements de dernière minute sont manifestement l’exception. Je suis convaincu, en raison de la preuve, que le travail des préposés au suivi des vols à l’égard des vols de fin de semaine relevant du PNSA, est fixé à l’avance.

35        L’employeur a fait renvoi à deux décisions pour démontrer la distinction entre la disponibilité et les heures supplémentaires : Province of British Columbia v. British Columbia Government Employees’ Union, [1987] B.C.C.A.A.A. No. 406 (QL) et Frank de Boon and the Government of the Province of B.C., 2013 CanLII 20187 (BC LRB). Dans l’affaire de Boon, le vice-président de la Commission des relations de travail de la C.-B. a examiné une plainte déposée par un employé contre son syndicat, selon laquelle il alléguait que l’employeur avait omis de le représenter dans un grief qu’il avait déposé pour contester en partie la décision de l’employeur de ne plus indemniser les agents de conservation pour l’utilisation de leur téléphone résidentiel. Cette décision tenait compte des questions liées à la disponibilité, au rappel au travail et aux heures supplémentaires.

36        Au paragraphe 34 de la décision de Boon, l’arbitre de différends Chertkow a déclaré ce qui suit : [traduction] « Lorsqu’il était chez lui, à surveiller la radio et à répondre aux appels téléphoniques, un agent n’était pas au travail. Cela a changé à partir du moment où un agent était tenu d’intervenir immédiatement et de s’acquitter des fonctions qui lui avaient été assignées. »

37         L’arbitre de différends Chertkow est essentiellement parvenu à la même conclusion dans l’affaire Province of British Columbia, en soulignant ce qui suit au paragraphe 73 : [traduction] « […] je suis d’avis qu’un agent de service qui est en disponibilité à la maison, et qui surveille la radio et est disposé à répondre au téléphone, n’est pas en train d’effectuer un travail » (c’est nous qui soulignons). L’arbitre de différends a poursuivi en concluant que le simple fait de répondre à un appel qui exigeait seulement d’être consigné n’était pas un « travail », et qu’une pareille fonction ne donnerait droit qu’à une indemnisation pour disponibilité, puis en ajoutant que la fréquence de ces appels reçus ne constitue pas un critère approprié pour établir à quel moment cesse la disponibilité.

38        J’ai examiné avec soin toutes les affaires présentées, et plus particulièrement les passages des décisions B.C.G.E.U. et de Boon que l’employeur a soulignés à l’égard du fait que les employés ne sont pas considérés comme étant au travail lorsqu’ils surveillent la radio ou le téléphone. Nous pouvons cependant établir une distinction entre les pouvoirs invoqués par l’employeur et ceux dans la présente affaire. Toutefois, comme ils concernent des employés qui étaient en disponibilité pour un éventuel travail n’étant pas sûr de se produire, ni fixé à l’avance, tels que la lutte contre les incendies de forêt, l’intervention en cas de problèmes ou de blessures d’ animaux sauvages, le confinement de déversements dans l’environnement, et ainsi de suite. Dans les deux décisions, B.C.G.E.U. au paragraphe 74 et de Boon au paragraphe 34, le tribunal a clairement précisé que les faits dont il était saisi se rattachaient à un travail imprévu, qui survenait lorsque les employés étaient en disponibilité.

39        Dans la présente affaire, par contre, les préposés au suivi des vols ont un horaire de travail fixé des semaines à l’avance et, comme je l’ai déjà conclu, ce n’est qu’à titre exceptionnel que ce travail prévu n’est pas effectué. Les préposés au suivi des vols se voient assigner les mêmes tâches qu’ils effectuent du lundi au vendredi, sauf qu’il a été prévu à l’avance que ces vols auraient lieu en dehors des heures normales de travail. 

40        Même si aucune des parties ne l’avait citée, à la suite de l’audience j’ai écrit à ces dernières afin de solliciter leurs observations à l’égard de la décision arbitrale rendue dans l’affaire Helm c. Conseil du Trésor (Santé Canada), 2003 CRTFP 96. Cette affaire concernait un travail pour lequel le fonctionnaire s’estimant lésé savait qu’il devait être effectué en dehors des heures normales de travail, six semaines à l’avance.  Dans les circonstances de cette affaire, le fonctionnaire s’estimant lésé souhaitait que ce travail soit assimilé à un « rappel au travail », plutôt qu’à des heures supplémentaires, parce que cela lui aurait procuré une rémunération plus élevée. Cependant, l’arbitre de différends a conclu que dans un cas où l’obligation de travailler est connue longtemps à l’avance, il ne peut pas s’agir d’un rappel au travail; il s’agit d’heures supplémentaires. 

41        Dans ses observations écrites à l’égard de la décision Helm, l’employeur confirme que les préposés au suivi des vols sont avisés à l’avance qu’ils seront en disponibilité, mais il laisse entendre qu’ils sont en disponibilité [traduction] « au cas où un vol partirait comme prévu ». Autrement dit, l’employeur prétend qu’en raison du fait que les vols relevant du PNSA qui sont prévus seraient possiblement annulés, ils ne sont pas vraiment prévus. Je n’admets pas la logique douteuse sur laquelle se fonde cette argumentation. La preuve dont je dispose n’indique pas qu’un nombre important de missions relevant du PNSA sont annulées.

42        Dans l’affaire dont je suis saisi, l’article 44 de la convention prévoit qu’un employé est en disponibilité quand l’Employeur requiert qu’il soit « disponible » à un relais connu de télécommunication et soit « en mesure » d’effectuer du travail autorisé pendant les heures hors service pour sa période désignée de disponibilité. Le fait d’être disponible pour travailler suppose nécessairement que le travail n’est pas assuré à la date ou à l’heure précisée. Tel est le cas dans les décisions B.C.G.E.U. et de Boon auxquelles je fais allusion ci-dessus, alors qu’une personne est en disponibilité pour le cas où, par exemple, un incendie de forêt serait découvert. Ce n’est pas le cas dans les faits dont je suis saisi. Les préposés au suivi des vols savent au moins une semaine à l’avance qu’ils surveilleront un vol relevant du PNSA qui décolle à 9 h la fin de semaine suivante. Le fait qu’il puisse y avoir un risque que le vol soit annulé en raison de problèmes d’ordre opérationnel, mécanique ou météorologique ne change rien au fait qu’il s’agit d’un vol prévu donnant lieu à un travail prévu pour le préposé au suivi des vols.  

43        Les heures supplémentaires s’entendent au sens d’un travail autorisé effectué en sus des heures normales de travail à l’horaire des employés (article 19 de la convention). La simple lecture de cette disposition indique que par suite des missions prévues relevant du PNSA, les préposés au suivi des vols se voient assigner des heures supplémentaires si le travail doit être effectué en dehors des heures normales de travail ou durant un jour de congé normal. Ce travail est prévu à l’avance et ne peut pas ne pas être assimilé à une disponibilité, au sens de l’article 44, un rappel au travail survenant toutes les 30 minutes. Ce travail prévu débute une heure avant le décollage, comme le prévoit le paragraphe 4.4.2 du Manuel, et s’achève dès que l’équipage technique signale son atterrissage en toute sécurité à la fin de la mission.

IV. Conclusion

44        J’ai établi que les préposés au suivi des vols effectuent des heures supplémentaires lorsqu’ils surveillent des vols en dehors des heures normales de travail. Pour les motifs mentionnés ci-dessus, la preuve ne me permet pas de conclure que le travail des préposés au suivi des vols est continu. 

45        Compte tenu de la preuve incontestée selon laquelle les préposés au suivi des vols doivent, à tout le moins, surveiller un téléphone intelligent ou un ordinateur pendant au moins deux minutes par intervalles de 30 minutes pendant un vol, j’estime que le paragraphe 19.03 s’applique de façon à ce que les préposés au suivi des vols soient rémunérés pour toute la durée du vol. Le paragraphe 19.03 prévoit qu’aux fins des paragraphes 19.01 et 19.02, tous les calculs des heures supplémentaires sont fondés sur chaque demi-heure (1/2) complète de travail. Selon cette disposition, étant donné que les préposés au suivi des vols effectuent au moins plusieurs minutes de travail toutes les demi-heures, et que leur temps de travail est arrondi en demi-heures, ils sont effectivement réputés effectuer des heures supplémentaires pendant toute la durée du vol, comme s’ils travaillaient effectivement de façon continue, que ce soit effectivement le cas ou non. 

46        Par conséquent, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

47        Le grief est accueilli.

48        J’ordonne que l’employeur s’en tienne à l’interprétation de la convention, notamment de l’article 19 (Heures supplémentaires) qui s’applique aux fonctions des préposés au suivi des vols qui sont établies dans la présente décision. Je demeurerai saisi de cette affaire pendant 60 jours, pour le cas où les parties ne parviendraient pas à souscrire au règlement du grief.

Le 2 juin 2016

Traduction de la CRTEFP

Bryan R. Gray,
une formation de la Commission des relations
de travail et de l’emploi dans la fonction publique
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