Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignantes étaient des candidates non retenues dans le cadre d’un processus interne annoncé pour une nomination pour une période indéterminée – elles ont allégué que l’intimé a abusé de son pouvoir en faisant preuve de favoritisme personnel envers la candidate retenue en lui offrant des occasions qui ne leur ont pas été offertes – la Commission a conclu que ces prétendues occasions étaient en fait fondées sur des exigences opérationnelles raisonnables et qu’elles n’avaient pas établi qu’il y avait eu du favoritisme, et encore moins du favoritisme personnel envers la personne nommée – deux des plaignantes ont également affirmé que l’intimé avait entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’utiliser sa connaissance personnelle qu’il avait d’elles pour conclure qu’elles avaient l’une des qualifications essentielles en matière d’expérience – la Commission a jugé que l’annonce de possibilité d’emploi indiquait clairement que les candidats devaient donner des exemples détaillés de la manière dont ils satisfaisaient aux critères – le comité d’évaluation n’avait aucune obligation de supposer des qualifications lorsque les candidats ont été spécifiquement informés qu’ils devaient clairement les démonter dans leur candidature – la décision de l’intimé de ne pas se fier à des connaissances personnelles ne constituait pas un abus de pouvoir et donnait lieu à un traitement équitable pour tous les candidats – une des plaignantes a également prétendu que l’intimé l’avait induite en erreur en ce qui concerne ce qui ferait l’objet de l’examen écrit et toutes les plaignantes affirmaient que l’intimé avait accepté des renseignements supplémentaires de la personne nommée – la Commission a conclu qu’il n’y avait aucune preuve à l’appui de ces allégations. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-06-28
  • Dossier:  EMP-2014-9410, 9411 et 9412
  • Référence:  2016 CRTEFP 56

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

VIOLET WARFORD, LORI GOSSE AND DONNA BONIA

plaignantes

et

LE COMMISSAIRE DE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Intimé

et

D’AUTRES PARTIES

Répertorié
Warford c. Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada


Affaire concernant des plaintes d’abus de pouvoir en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique LEFP)


Devant:
Bryan R. Gray, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour les plaignantes:
Mr. Frank Janz, Syndicat des employés du Solliciteur général
Pour l' l’intimé:
Mr. Josh Alcock, avocat, groupe du droit du travail et de l’emploi, ministère de la Justice
Affaire entendue à St. John’s (Terre-Neuve),
les 12 et 13 avril 2016.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Introduction

1        Les plaignantes, Violet Warford, Lori Gosse et Donna Bonia, ont présenté sans succès leur candidature dans le cadre du processus interne annoncé 14-RCM-IA-X-B-STJ-HQ-41989, qui visait une nomination pour une période indéterminée au poste de spécialiste en application de systèmes d’information (« SASI »), classifié au groupe et niveau AS-03, à la Gendarmerie royale du Canada (GRC), à St. John’s (T.-N.). Mmes Bonia et Gosse ont déposé leurs plaintes le 19 novembre 2014, et Mme Warford a déposé la sienne le 18 novembre 2014.

2        Les plaignantes allèguent que l’intimé a abusé de son pouvoir dans le cadre de l’application du mérite, en faisant preuve de favoritisme envers la personne nommée et en entravant son pouvoir discrétionnaire au moment d’évaluer les critères de présélection.

3        L’intimé nie les allégations. Il soutient que le comité d’évaluation a agi de manière appropriée et que la personne nommée satisfait à toutes les qualifications essentielles.

4        La Commission de la fonction publique (CFP) n’a pas participé à l’audience. Elle a présenté des observations écrites exhaustives sur le cadre réglementaire et stratégique qui sous-tend les processus de nomination dans la fonction publique fédérale. Je ne dois que mentionner quela CFP n’a pas pris position au sujet du bien-fondé des plaintes lors de la présente audience.

5        Pour les motifs exposés ci-dessous, j’estime que les plaignantes n’ont pas démontré quel’intimé avait abusé de son pouvoir. Par conséquent, je rejette toutes les plaintes.

II. Contexte

6        Les plaignantes ont présenté leur candidature au processus de nomination AS-03, qui était ouvert aux membres réguliers de la GRC, aux employés de la fonction publique, aux membres civils et aux employés civils temporaires des Divisions « B », « J », « H » et « L » de la GRC, qui constituent la région de l’Atlantique.

7        Les trois plaignantes ont été éliminées du processus de présélection. Chaque fois qu’un examen des résultats a été demandé dans le cadre d’une discussion informelle, l’intimé a réexaminé les critères essentiels applicables à chacune des candidates. Mme Bonia a subséquemment été présélectionnée. Elle a réussi l’étape de l’examen écrit de l’évaluation, et elle a complété l’étape de l’entrevue et de la vérification des références. Mmes Warford et Gosse n’ont pas fait l’objet d’une révision des résultats de la présélection. Mme Bonia n’a pas été retenue aux fins de la nomination, et elle se joint à Mmes Warford et Gosse dans le cadre de la présente plainte.

III. Questions en litige

Je dois trancher les questions suivantes :

(i) L’intimé a-t-il favorisé personnellement la personne nommée?

(ii) L’intimé a-t-il trompé et défavorisé Mme Bonia en lui communiquant des renseignements inexacts au sujet du contenu éventuel de l’examen écrit?

(iii) L’intimé a-t-il, de façon injuste et contrairement aux critères énoncés dans l’annonce de possibilité d’emploi, accepté des renseignements supplémentaires de la part de Mme Thomson, à titre de « pièce jointe » à sa lettre d’accompagnement, et cela équivaut-il à un abus de pouvoir?

(iv) L’intimé a-t-il entravé son pouvoir discrétionnaire et abusé de son pouvoir en omettant d’exercer son pouvoir discrétionnaire de recourir à sa connaissance personnelle de Mmes Gosse et Warford pour en déduire qu’elles avaient acquis l’une des qualifications essentielles en matière d’expérience?

IV. Analyse

8        L’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (la « Loi ») prévoit qu’un candidat non retenu dans la zone de sélection d’un processus de nomination interne annoncé peut présenter à la Commission une plainte selon laquelle il n’a pas été nommé, ni n’a fait l’objet d’une proposition de nomination, en raison d’un abus de pouvoir.

9        L’abus de pouvoir n’est pas défini dans la Loi. Cependant, le paragr. 2(4) fournit la directive suivante : « Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par abus de pouvoir la mauvaise foi et le favoritisme personnel. » L’abus de pouvoir comprend aussi une conduite inappropriée et les omissions. La nature et la gravité de la conduite inappropriée ou de l’omission permettent d’établir s’il s’agit ou non d’un abus de pouvoir. Voir Tibbs c. sous-ministre de la Défense nationale,2006 TDFP 8, au paragr. 66.

A. L’intimé a-t-il favorisé personnellement la personne nommée?

10        Les plaignantes allèguent que la personne nommée, Amanda Thomson, était la [traduction] « candidate préférée » de l’intimé et que celui-ci avait [traduction] « adapté » sa justification ou sa « description de la bonne personne pour le poste » afin que la nomination lui convienne.

11        Comme je l’ai souligné, l’abus de pouvoir comprend le favoritisme personnel. Dans Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et al., 2008 TDFP 7, au paragr. 41, le prédécesseur de la Commission, le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le « Tribunal »), a interprété ce principe au sens où des intérêts personnels indus, comme une relation personnelle entre la personne chargée de la sélection et la personne nommée, ne devraient jamais constituer le motif d’une nomination.La sélection d’une personne à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu’un est un autre exemple de favoritisme personnel.

12        Les plaignantes maintiennent que les circonstances qui ont mené à la nomination de Mme Thomson démontrent que l’intimé a favorisé cette personne et a abusé de son pouvoir. Le poste en question se trouvait dans un lieu de travail relativement restreint où il y avait peu de roulement de personnel. Par conséquent, le départ à la retraite du titulaire du poste suscitait beaucoup d’intérêt parmi ses collègues. Les plaignantes ont déclaré qu’avant même que le poste ne devienne vacant, elles craignaient que Mme Thomson ne soit la personne privilégiée dans le bureau qui serait pressentie pour le poste.

13        Les préoccupations des plaignantes se fondaient sur plusieurs facteurs, notamment que des tâches de niveau AS-03 correspondant à ce poste avaient été attribuées à Mme Thomson, que son bureau avait été déplacé afin d’être situé dans le voisinage immédiat du titulaire du poste qui partait à la retraite, qu’elle avait été autorisée à suivre une formation, et qu’elle avait été invitée à des réunions à huis clos avec des superviseurs.

14        Les plaignantes allèguent que ces possibilités ne leur ont pas été offertes, ce qui démontre que Mme Thomson a été pressentie aux fins de la nomination et a bénéficié d’un avantage injuste dans le cadre du processus de nomination.

15        J’estime cependant que pour agir de la sorte, l’intimé avait une explication raisonnable liée aux exigences du lieu de travail, qui démontre que le favoritisme n’entrait pas en ligne de compte.

16        Il a été établi au moyen de la preuve qu’au moment où le poste est devenu vacant, l’intimé a nommé plusieurs employés à ce poste, par rotation, à titre intérimaire, dont Mme Gosse. Cependant, lorsque Mme Warford s’est vu offrir cette possibilité, elle a plutôt choisi d’accepter une nomination intérimaire à un poste CR-05. Mme Bonia a exprimé son intérêt en vue d’obtenir sa part de la nomination intérimaire par rotation au poste AS-03, mais sa demande a été refusée. Jill Lunen, qui est la superviseure principale de l’unité de gestion des cas, lui a dit qu’il y avait déjà suffisamment de monde dans l’unité pour assumer les responsabilités intérimaires et qu’elle ne connaissait pas suffisamment les fonctions du poste, puisqu’elle travaillait dans une autre unité.

17        Au sujet de l’organisation du bureau, Mme Lunen a déclaré que le bureau de Mme Thomson avait été déplacé aux côtés de celui du titulaire parce que de l’équipement supplémentaire avait été placé dans le lieu de travail, ce qui limitait l’espace disponible et rendait son déménagement nécessaire. Mme Thomson a été autorisée à suivre un cours de formation, ce qui n’a pas été accordé aux autres candidates, parce que le titulaire s’y était déjà inscrit, mais qu’il était tombé malade. Comme Mme Thomson était l’employée ayant le plus d’ancienneté après le titulaire du poste, cette possibilité lui a été offerte en premier. Un nombre limité de places était offert pour la formation et, par conséquent, il n’a pas été possible d’accommoder les autres employées une fois que Mme Thomson a accepté l’offre.

18        En ce qui a trait aux allégations des plaignantes selon lesquelles Mme Thomson s’était vu attribuer des cas, Mme Lunen a expliqué que cela était imputable à l’aptitude technique de Mme Thomson à travailler avec le logiciel de [traduction] « traitement de texte super », que les autres employés du bureau ne connaissaient pas. Mme Lunen a aussi affirmé que ce logiciel n’était plus beaucoup utilisé et qu’il ne s’agissait pas de l’une des compétences requises pour le poste AS-03. Cette même question dissipe, au moins partiellement, les préoccupations de Mme Gosse, qui a déclaré avoir participé à la rotation relative au poste AS-03, sans toutefois se voir assigner les fonctions de ce poste. Elle a ajouté qu’on lui avait dit d’accepter la rémunération supplémentaire accordée pour les fonctions intérimaires, et de ne pas parler du fait que les fonctions qui accompagnent normalement ce poste ne lui avaient pas été assignées.  

19        Les plaignantes ont aussi fait valoir que les critères associés à la bonne personne avaient été conçus de manière à favoriser Mme Thomson. Cependant, aucun élément de preuve n’a été déposé à l’appui de cette allégation.

20        Stephanie Sachsse est le membre régulier de la GRC ayant le rang hiérarchique le plus élevé dans le lieu de travail. Elle a déclaré que, contrairement à l’allégation selon laquelle l’issue du processus de nomination avait été préétablie, en réalité, elle avait ordonné que la zone de sélection désignée dans l’annonce de possibilité d’emploi soit ouverte à tout le personnel de la région de l’Atlantique, et ce, afin d’attirer le plus grand nombre possible de candidatures.

21        D’après la preuve dont je dispose, j’estime que tous les exemples fournis par les plaignantes à titre de preuve d’un traitement de faveur à l’égard de Mme Thomson reposaient en réalité sur des besoins opérationnels raisonnables du bureau. Ces exemples ne démontrent pas qu’il y a eu favoritisme envers cette personne, sans parler du favoritisme personnel évoqué dans la LEFP, qui n’a été étayé par aucun élément de preuve.

B. L’intimé a-t-il trompé et défavorisé Mme Bonia en lui communiquant des renseignements inexacts au sujet du contenu éventuel de l’examen écrit?         

22        Mme Bonia allègue que Mme Lunen l’a trompée au sujet du contenu de l’examen. Elle avait passé un examen écrit dans le cadre d’un autre processus de nomination et ne connaissait pas tous les termes informatiques qui y étaient utilisés. Elle dit en avoir discuté avec Mme Lunen dans le contexte du présent concours AS-03, et on lui aurait alors confirmé que les questions seraient différentes et qu’aucun terme informatique n’y serait employé. Cependant, l’examen comprenait des termes informatiques. Mme Bonia prétend qu’elle a été trompée et que cela montre que l’intimé a eu une attitude partiale à son égard.

23        Les plaignantes ne m’ont présenté aucun élément de preuve me permettant de comparer les examens. Même si j’acceptais les allégations de Mme Bonia, je ne pourrais conclure qu’elles appuient une conclusion d’abus de pouvoir. Ce type d’information [traduction] « inexacte » ne s’apparente pas aux situations où des candidats ont reçu des renseignements détaillés au sujet du contenu d’un examen, lesquelles situations se sont révélées constituer des abus de pouvoir (voir, par exemple, Martin c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2010 TDFP 19).

C. L’intimé a-t-il, de façon injuste et contrairement aux critères énoncés dans l’annonce de possibilité d’emploi, accepté des renseignements supplémentaires de la part de Mme Thomson, à titre de « pièce jointe » à sa lettre d’accompagnement, et cela équivaut-il à un abus de pouvoir?

24        Les plaignantes soulignent que la lettre d’accompagnement et le curriculum vitæ de Mme Thomson comptaient 18 pages en tout. À leur avis, ces documents sont rédigés dans un style communément utilisé par les membres réguliers de la GRC. Selon les plaignantes, le personnel de la fonction publique de la GRC utilise des modèles de lettre d’accompagnement et de curriculum vitæ plus succincts. Les lettres d’accompagnement et curriculum vitæ des plaignantes Gosse, Bonia et Warford comptent en tout six, quatre et neuf pages, respectivement.

25        Les plaignantes n’ont présenté aucun élément de preuve à l’appui de leur allégation à ce sujet. Mon propre examen de l’annonce de possibilité d’emploi de l’intimé ne m’oriente pas quant au nombre de pages que doivent contenir la lettre d’accompagnement et le curriculum vitæ, ou quant au format dans lequel ils doivent être présentés.

26        L’élément de preuve le plus convaincant à cet égard a été fourni par Mme Warford, lorsqu’elle a déclaré qu’après avoir questionné l’un de ses supérieurs au sujet des raisons de son élimination du processus, elle s’était vu répondre que sa demande était [traduction] « hideuse » et qu’il semblait qu’elle [traduction] « n’avait alloué que dix minutes » à sa préparation. Mme Warford a déclaré avoir rétorqué à son supérieur qu’en réalité, elle n’avait consacré que [traduction] « cinq minutes » à la préparation de sa demande. Elle a ajouté dans son témoignage qu’elle [traduction] « présumait » que son gestionnaire savait ce qu’elle faisait.

27        En réalité, aucune des trois plaignantes n’a fourni suffisamment de précisions dans sa lettre d’accompagnement et son curriculum vitæ pour satisfaire aux critères de présélection. L’annonce de possibilité d’emploi précisait clairement que les candidats devaient démontrer, au moyen d’exemples [traduction] « concrets et détaillés », dans quelle mesure ils satisfaisaient aux qualifications essentielles. Cette directive était affichée en majuscules.

28        Je ne dispose d’aucun élément de preuve à l’appui de l’allégation selon laquelle l’intimé a commis une erreur ou s’est montré injuste en acceptant la demande de 18 pages de Mme Tomson, et telle n’est pas ma conclusion.

D. L’intimé a-t-il entravé son pouvoir discrétionnaire et abusé de son pouvoir en omettant d’exercer son pouvoir discrétionnaire de recourir à sa connaissance personnelle de Mmes Gosse et Warford pour en déduire qu’elles avaient acquis l’une des qualifications essentielles en matière d’expérience dans le cadre d’une formation qu’elles avaient suivie?                                         

29        L’annonce de possibilité d’emploi précisait que les candidats devaient illustrer, au moyen d’exemples concrets, en quoi ils satisfaisaient aux qualifications essentielles, notamment une expérience récente et appréciable de l’utilisation du logiciel de gestion des cas graves (GCG), connu sous le nom de Éléments de preuve et Rapports (E&R). L’expérience [traduction] « récente » a été définie comme étant une expérience acquise au cours des trois dernières années. L’expérience appréciable a été définie comme étant la profondeur et l’étendue de l’expérience normalement associée à l’exécution régulière des tâches sur une période d’environ 12 mois.

30        Dans l’annonce de possibilité d’emploi, il était clairement demandé aux candidats de démontrer, au moyen d’exemples détaillés, la mesure dans laquelle ils satisfaisaient aux critères. L’annonce allait même plus loin et avertissait les candidats que la connaissance personnelle de leur travail ne serait pas utilisée :

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IL EST TRÈS IMPORTANT DE NOTER que le candidat doit soumettre une lettre de présentation qui démontre clairement qu’il répond à chacune des exigences de la présélection (c’est-à-dire les qualifications se rapportant aux études et à l’expérience). Le comité de présélection ne peut formuler d’hypothèses sur votre expérience. Il est important de noter qu’il n’est pas suffisant de simplement indiquer que les exigences ont été satisfaites ou de fournir une liste de responsabilités actuelles ou passées. Il faut fournir des EXEMPLES CONCRETS QUI MONTRENT que chaque exigence est satisfaite. Il faut mettre chaque exigence de la présélection en en-tête et inclure sous chaque en-tête une description montrant comment l’exigence est satisfaite. Si la lettre de présentation ne contient pas tous les renseignements nécessaires, la candidature pourrait être rejetée au moment de la présélection.

Les candidats DEVRONT FOURNIR DES ATTESTATIONS D’ÉTUDES durant le processus de sélection, afin que l’on puisse vérifier qu’ils répondent à l’exigence liée à l’éducation. Les candidats non en mesure de fournir la preuve qu’ils satisfont à cette qualification essentielle pourraient voir leur candidature éliminée.

**********************************************************************

[…]

Vous DEVEZ DÉMONTRER CLAIREMENT PAR ÉCRIT comment vous répondez aux critères suivants : compétence dans les langues officielles, études et expérience. Le comité de présélection ne peut formuler d’hypothèses sur votre expérience. Il n’est pas suffisant de seulement affirmer que vous possédez les qualifications requises, ou d’énumérer vos responsabilités actuelles. INDIQUEZ DES EXEMPLES CONCRETS ET DÉTAILLÉS, ET DÉCRIVEZ LES TÂCHES QUE VOUS AVEZ ACCOMPLIES. À défaut de présenter cette information, votre candidature pourrait ne pas être retenue à la présélection.

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

31        Mmes Gosse et Warford ont toutes deux livré un témoignage non contesté, selon lequel elles ont suivi une formation afin de se préparer à former d’autres employés à l’utilisation du logiciel E&R. Mme Warford a déclaré qu’elle avait voyagé avec Mme Lunen afin d’aider à offrir des séances de formation sur l’E&R.

32        Dans son témoignage, Mme Lunen a reconnu qu’elle savait que Mmes Gosse et Warford avaient suivi la formation [traduction] « formation du formateur » sur le logiciel E&R. Elle a en outre confirmé qu’elle n’avait pas utilisé cette connaissance personnelle pour sélectionner les demandes des plaignantes. Elle a tenté de minimiser la pertinence de cette formation, en précisant qu’il s’agissait plutôt d’une formation générale visant à aider les gens à se sentir à l’aise devant une classe et à utiliser efficacement diverses méthodes pédagogiques.

33        Dans le cadre de la présélection en fonction des qualifications essentielles, Mme Warford a reçu une note de 0/4, et Mmes Gosse et Bonia, de 2/4, respectivement. Chacune des plaignantes a demandé et obtenu une discussion informelle sur la présélection, à la suite de laquelle leurs demandes ont été réévaluées. Les notes initiales de Mmes Gosse et Warford ont été confirmées, tandis que Mme Bonia a été avisée qu’il avait été conclu qu’elle satisfaisait à toutes les qualifications essentielles.

34        En ce qui concerne la formation sur le logiciel E&R, je souligne que Mme Gosse satisfaisait au critère essentiel relatif à l’expérience récente et appréciable de l’utilisation du E&R, mais qu’elle ne satisfaisait pas à la qualification essentielle relative à l’expérience récente et appréciable de l’administration de bases de données et de la gestion de documents au moyen du E&R.

35        Les plaignantes m’ont renvoyé à Poirier c. le sous-ministre des Anciens Combattants, 2011 TDFP 3, à l’appui de leur allégation selon laquelle, en l’espèce, l’intimé a entravé son pouvoir discrétionnaire et, ce faisant, a commis un abus de pouvoir en omettant de se fonder sur la connaissance personnelle des plaignantes que possédait son comité d’évaluation pour estimer si elles satisfaisaient aux qualifications essentielles. Selon moi, Poirier se distingue par ses faits. Il s’agit d’une affaire qui porte sur l’ambiguïté démontrée du libellé d’une annonce de possibilité d’emploi(voir les paragraphes 41 et 49). Dans cette affaire, le Tribunal a conclu que l’intimé, qui avait donné des directives ambiguës aux candidats, aurait dû exercer son pouvoir discrétionnaire afin de prendre en considération de manière équitable la demande du plaignant, et que son défaut de le faire équivalait à un abus de pouvoir. Le défaut d’exercer un pareil pouvoir discrétionnaire est l’un des nombreux exemples d’abus de pouvoir énumérés dans Tibbs. Contrairement à Poirier, les directives données aux candidats ne posaient pas ce genre de problème en l’espèce.

36        Les plaignantes m’ont aussi renvoyé à Payne c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2013 TDFP 15, laquelle faisait également référence à Poirier et examinait un facteur supplémentaire, à savoir le traitement incohérent des candidats par le comité d’évaluation. Dans cette décision, le Tribunal a souligné que dans Poirier, l’intimé avait fait valoir qu’il n’avait pas pu prendre la demande du plaignant en considération parce qu’elle n’avait pas été présentée selon le format exigé, mais qu’il avait néanmoins exercé son pouvoir discrétionnaire pour présélectionner d’autres candidats dont les demandes n’avaient pas non plus été présentées selon le format exigé. Il a été conclu dans cette affaire que l’intimé avait abusé de son pouvoir.

37        Payne mettait en cause deux plaignants, MM. Payne et Burke. Dans cette affaire, l’un des membres du comité d’évaluation savait que M. Burke satisfaisait l’une des qualifications essentielles, mais ce dernier a été éliminé dans le cadre du processus de nomination parce qu’il ne l’a pas démontré. En revanche, le comité d’évaluation a décidé de consulter le superviseur de M. Payne afin d’accéder à la connaissance personnelle qu’il possédait du candidat. En dernier ressort, le comité s’est fondé sur cette information pour décider d’éliminer M. Payne. Le Tribunal a tranché que le comité d’évaluation avait agi de manière incohérente et inéquitable en refusant de tenir compte de sa connaissance personnelle des qualifications de M. Burke, tout en se fondant sur la connaissance personnelle du superviseur pour éliminer M. Payne.

38        Mme Gosse prétend que les deux critères essentiels liés au logiciel E&R sont tellement similaires qu’elle ne sait pas comment elle pourrait satisfaire au premier critère relatif au programme mais pas au second, qui s’applique aux bases de données du programme. Je ne suis pas d’accord. Il est possible qu’une personne soit compétente pour former d’autres personnes à l’utilisation d’un programme, sans toutefois qu’elle ne possède une expérience récente et appréciable de l’utilisation concrète du programme en ce qui a trait à des choses comme la saisie dans les bases de données. Il est raisonnable que l’intimé ait clairement demandé des exemples de cette compétence dans le cadre du processus de présélection.

39        Comme le Tribunal l’a conclu dans Edwards c. le sous ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, 2011 TDFP 10, aux paragr. 33 à 48, il incombe aux candidats de démontrer dans leur demande qu’ils satisfont à tous les critères essentiels, surtout l’annonce de possibilité d’emploi l’exige. Un comité d’évaluation n’est pas obligé de supposer que le candidat possède de telles qualifications s’il a été dit spécifiquement aux candidats qu’ils devaient clairement le démontrer dans leur demande.

40        Malgré mes préoccupations quant à la décision de l’intimé d’ignorer le fait que Mmes Gosse et Warford avaient suivi la formation de formateur au E&R lorsqu’il a établi les critères liés au programme d’E&R, à mon avis, il ne s’agit pas d’un abus de pouvoir.

41        En réalité, plutôt que de constituer un abus de pouvoir, la décision du comité d’évaluation de ne pas se fonder sur sa connaissance personnelle de certaines candidates s’est traduite par un traitement équitable de tous les candidats. Mme Bonia n’avait pas travaillé sous la supervision de Mme Lunen, qui siégeait au comité d’évaluation, pas plus qu’elle n’avait travaillé avec elle. Si les autres candidates avaient bénéficié de la connaissance personnelle et subjective des membres du comité de présélection au sujet de leur expérience de travail, cela aurait été inéquitable envers Mme Bonia.

42        En résumé, même si je pense qu’il aurait été raisonnable de conclure que Mmes Gosse et Warford satisfaisaient à cette qualification essentielle particulière, j’estime que le fait que l’intimé se soit conformé aux critères énoncés dans l’annonce de possibilité d’emploi, veillant ainsi à ce que tous les candidats soient évalués sur un même pied d’égalité, ne constitue pas un abus de pouvoir. Comme il a souvent été souligné dans d’autres décisions en matière de dotation, il ne m’appartient pas, en qualité de formation de la Commission, de réévaluer les qualifications des candidates. Mon rôle consiste à déterminer s’il y a eu abus de pouvoir dans le cadre du processus de nomination, par exemple lors de l’évaluation menée par le comité d’évaluation (voir, par exemple, Boutzouvis c. le directeur du Service des poursuites pénales du Canada, 2012 TDFP 25, au paragr. 27; Stamp c. Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2014 TDFP 4).

IV. Conclusion

43        Les plaignantes n’ont pas démontré que l’intimé a abusé de son pouvoir dans le cadre de son évaluation de leurs qualifications.

44        Pour tous les motifs exposés ci-dessus, je rends l’ordonnance qui suit.

V. Ordonnance

45        Les plaintes sont rejetées.

Le 28 juin 2016.

Traduction de la CRTEFP

Bryan R. Gray,
une formation de la Commission des relations de travail
et de l’emploi dans la fonction publique
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