Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur a déposé une plainte alléguant que l’employeur s’était livré à une pratique déloyale de travail lorsqu’il a omis de se conformer à l’obligation de négocier de bonne foi, conformément à l’article 106 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, lorsqu’il a refusé de poursuivre les négociations à la suite d’un avis signifiant qu’un employé avait déposé une demande de révocation de l’accréditation – l’employeur a écrit à la Commission afin d’avoir des directives pour déterminer s’il fallait suspendre les dates de négociation prévues pour novembre 2015, qu’il a qualifiées de provisoires, jusqu’à ce que la demande de révocation soit réglée – la Commission a répondu qu’il incombait aux parties de prendre cette décision – le requérant en ce qui concerne la demande de révocation a demandé la suspension des négociations, mais l’agent négociateur s’y est fortement opposé – l’employeur a suspendu les négociations, et l’agent négociateur a déposé la présente plainte – l’employeur croyait qu’un vote sur la révocation de l’accréditation serait tenu rapidement, mais aucun vote n’avait encore été prévu – il n’y avait ni impasse ni question de négociation difficile à la table de négociation – l’employeur a carrément refusé de négocier au motif qu’une demande de révocation demeurait non tranchée – la formation de la Commission a soutenu que la négociation collective n’était pas un processus volontaire et que, conformément à l’article 106, l’employeur et l’agent négociateur devaient, sans délai, se rencontrer et négocier de bonne foi et faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective – cette obligation n’est pas abrogée par les demandes de révocation et elle est continue – l’employeur a violé l’article 106 en omettant de reconnaître l’agent négociateur à titre d’agent négociateur exclusif et en refusant de négocier dans le but de conclure une convention collective – il n’était pas nécessaire de présenter une preuve directe de l’incidence du refus de l’employeur de négocier, puisque la négociation constitue le domaine prééminent dans le cadre duquel l’agent négociateur représente les employés; si un agent négociateur est incapable de négocier avec un employeur, il sera tenu pour faible et peu efficace – pendant toute la période pertinente, le plaignant était l’agent négociateur exclusif, et le requérant en ce qui concerne la demande de révocation n’avait aucun droit en ce qui concerne la négociation.Plainte accueillie.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-06-28
  • Dossier:  561-18-773
  • Référence:  2016 CRTEFP 57

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

Les travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 401

plaignant

et

PERSONNEL DES FONDS NON PUBLICS, FORCES CANADIENNES

défendeur

Répertorié
Les travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 401 c. Personnel des fonds non publics, Forces canadiennes


Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique


Devant:
John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique
Pour le plaignant:
Kelly Nychka, avocate
Pour le défendeur:
François Paltrinieri, agent principal des relations de travail
Affaire entendue à Edmonton (Alberta)
du 25 au 27 mai 2016.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Plainte devant la Commission

1        Les travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 401, (la « section locale 401 des TUAC ») est l’agent négociateur accrédité pour les employés de la catégorie Exploitation, du Personnel des Fonds non publics, Forces canadiennes (l’« employeur »), à la Base des Forces canadiennes (la « BFC ») d’Edmonton, située à Edmonton, en Alberta.

2        Le 18 novembre 2015, la section locale 401 des TUAC a déposé une plainte de pratique déloyale de travail en vertu de l’alinéa 190(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi ») auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission »), alléguant que l’employeur a omis de respecter l’article 106 de la Loi, soit l’obligation de négocier de bonne foi. Voici les détails de la plainte :

a. La plaignante et le défendeur sont des parties à une convention collective dont la durée est du 20 décembre 2012 au 30 juin 2015.

b. Le 4 mars 2015, la plaignante a signifié au défendeur un avis de commencer les négociations collectives.

c. Le négociateur en chef de la plaignante est Lee Clarke et celui du défendeur est Erin Stephens.

d. Les parties ont échangé des propositions et ont amorcé la négociation. La négociation s’est déroulée du 16 au 18 septembre 2015.

e. Le 18 septembre 2015, le défendeur a proposé que la négociation se poursuive les 24 et 25 novembre 2015. La plaignante a accepté et ces dates ont été fixées officiellement.

f. À l’heure actuelle, les parties ont achevé la négociation relative aux articles non pécuniaires et la plaignante a déposé une offre pécuniaire.

g. Le 19 octobre 2015, une demande de révocation d’accréditation a été déposée à l’égard de cette unité de négociation.

h. Lee Clarke et Vinko Zigart, qui représentaient la plaignante, et Erin Stevens et Adrian Scales, qui représentaient le défendeur, ont eu une conversation téléphonique le 13 novembre 2015, vers 11 h. Le défendeur a proposé un ajournement de la négociation en attendant l’issue de la demande de révocation qui a été déposée. Il ne souhaitait pas poursuivre les négociations avant la conclusion de toute audience devant la Commission et/ou de scrutins. La plaignante a indiqué clairement que le défendeur avait l’obligation de négocier de bonne foi et que cela comprenait sa comparution aux dates prévues, soit les 24 et 25 novembre 2015. Le défendeur a indiqué clairement qu’il ne comparaîtrait pas à ces dates. La plaignante a réitéré son opposition et a demandé que la décision soit rendue par écrit.

i. Le 13 novembre 2015, Erin Stevens a envoyé un courriel à Lee Clarke, dans le but d’annuler toutes les dates de négociations. Lee Clarke a répondu au moyen des objections de la plaignante.

3        En guise de réparation, la section locale 401 des TUAC a demandé à la Commission de rendre une ordonnance enjoignant à l’employeur de reprendre la négociation collective et de continuer à négocier de bonne foi jusqu’à la conclusion d’une nouvelle convention collective.

4        Le 14 décembre 2015, l’employeur a déposé sa réponse à la plainte. Il a nié qu’il avait manqué à son obligation de négocier de bonne foi et il a demandé que la plainte soit rejetée.

5        Le 11 janvier 2016, la section locale 401 des TUAC a déposé sa réplique à la réponse de l’employeur.

II. Résumé de la preuve

6        Le 26 septembre 1985, la section locale 401 des TUAC a été accréditée à titre d’agent négociateur exclusif des employés de l’unité de négociation de la catégorie Exploitation, à la BFC d’Edmonton (l’« unité de négociation »). L’unité de négociation est composée d’environ 70 à 72 employés, dont certains sont des employés saisonniers qui travaillent dans des sections de la BFC d’Edmonton, qui offre les services suivants :

a. le personnel des trois salles à manger;

b. les barmans et le personnel de service aux clubs de curling et de golf;

c. les instructeurs de conditionnement physique aux installations de conditionnement physique et aux installations de soutien;

d. les préposés de patinoires à l’aréna Twin Rinks;

e. le personnel à CANEX (un grand magasin);

f. le personnel d’Express Mart et de la station d’essence;

g. le personnel du magasin des alcools;

h. le personnel du club de golf;

i. le personnel du club de curling.

7        Le 20 décembre 2012, les parties ont conclu leur dernière convention collective, laquelle est venue à échéance le 15 juin 2015 (la « convention collective »).

8        À la clause 2.01 de la convention collective, l’employeur reconnaît la section locale 401 des TUAC comme étant l’agent négociateur exclusif des employés de l’unité de négociation.

9        Lee Clarke est le négociateur en chef de la section locale 401 des TUAC. Il fait partie de la section locale 401 des TUAC depuis 21 ans. Il a décrit la relation avec l’employeur comme étant [traduction] « assez bonne » jusqu’en novembre 2015.

10        Erin Stevens est une agente principale des relations de travail (« ART ») au service de l’employeur. Au moment de l’audience, elle occupait ce poste depuis un peu moins de cinq ans. Mme Stevens a obtenu son diplôme en droit et a été admise au Barreau de l’Ontario en 2011. Elle est une membre non pratiquante en règle du Barreau du Haut-Canada. Avant d’être admise au Barreau et de se joindre à l’employeur, elle a fait un stage auprès d’un cabinet d’avocats à Ottawa, en Ontario, qui était spécialisé en droit du travail. Pendant toute la période pertinente, elle relevait d’Adrian Scales, le directeur des relations de travail (« RT ») et de la rémunération de l’employeur. Il n’a pas témoigné.

11        Mme Stevens a décrit ses fonctions à titre d’ART. Entre autres fonctions, elle devait agir à titre de conseillère quasi juridique, fournir des conseils relatifs aux griefs et, à compter de 2015, agir à titre de négociatrice en chef. À la question de savoir l’état de la relation entre les parties, elle a indiqué qu’elle ne pouvait que témoigner au sujet de la période de son mandat. Selon sa description, en général, la relation était bonne, mais pas toujours.

12        Le 4 mars 2015, au moyen d’une lettre, la section locale 401 des TUAC a signifié à l’employeur son intention d’amorcer les négociations collectives. Selon la lettre, M. Clarke était le négociateur en chef de la section locale 401 des TUAC, et ses coordonnées y figuraient.

13        Le 6 mars 2015, l’employeur a accusé réception de la lettre de la section locale 401 des TUAC en date du 4 mars 2015. Il a informé la section locale 401 des TUAC que Mme Stevens le représenterait à titre de négociatrice en chef et il a fourni ses coordonnées à la section locale 401 des TUAC.

14        Mme Stevens a déclaré que même si elle était la négociatrice en chef aux fins de la négociation en 2015, elle avait aidé M. Scales au cours de la négociation qui avait permis de conclure la convention collective, en 2012.

15        Les parties ont accepté de se rencontrer et de négocier, ce qu’elles ont fait les 16, 17 et 18 septembre 2015. Il ressort de la preuve que pendant cette séance, elles se sont entendues sur toutes les questions non pécuniaires. Il ressort également de la preuve que le 18 septembre 2015, la section locale 401 des TUAC a fourni à l’employeur sa proposition écrite quant aux articles pécuniaires à négocier et que les parties ont convenu de se rencontrer de nouveau les 24 et 25 novembre 2015.

16        M. Clarke a affirmé que les dates prévues des 24 et 25 novembre 2015 étaient définitives et que, une semaine ou deux avant le 18 septembre 2015, il avait pris les dispositions nécessaires pour réserver des salles de réunion à l’hôtel pour ces dates. Mme Stevens a confirmé au cours de son témoignage que les parties avaient convenu de se rencontrer de nouveau pour la prochaine ronde de négociation, les 24 et 25 novembre 2015.

17        M. Clarke a confirmé dans son témoignage que la façon dont la négociation s’est déroulée à l’automne 2015, à l’aide de séances divisées, constituait la façon normale de négocier avec l’employeur. Des ententes ne sont jamais conclues au cours de la première séance. En général, les parties se rencontrent et règlent d’abord les questions non pécuniaires. Par la suite, elles prennent une pause et reprennent les négociations à une date ultérieure pour traiter des questions pécuniaires. M. Clarke a confirmé dans son témoignage qu’après l’achèvement de la négociation collective et une fois qu’une entente provisoire est conclue, la section locale 401 des TUAC tient un scrutin de ratification auprès des membres de l’unité de négociation.

18        Le 26 octobre 2015, un individu, Ajay Lala, a présenté à la Commission une demande en vertu de l’article 36 de la Loi. La demande visait la révocation de l’accréditation de la section locale 401 des TUAC en tant qu’agent négociateur exclusif de l’unité de négociation (la « demande Lala »). M. Lala a été identifié comme un membre de l’unité de négociation, mais non de la section locale 401 des TUAC. La demande Lala figure au dossier de la CRTEFP 550-18-10.

19        Au paragraphe 8 de la demande Lala, M. Lala invoque l’article 94 de la Loi à l’appui de sa demande. Il allègue que la section locale 401 des TUAC ne représente plus une majorité des employés de l’unité de négociation. L’article 94 de la Loi prévoit ce qui suit :

94 (1) Quiconque affirme représenter au moins quarante pour cent des fonctionnaires d’une unité de négociation régie par une convention collective ou une décision arbitrale encore en vigueur peut demander à la Commission de déclarer non représentative l’organisation syndicale accréditée pour cette unité.

(2) La demande ne peut être présentée qu’au cours de la période pendant laquelle il est permis, aux termes de l’article 55, de solliciter l’accréditation à l’égard des fonctionnaires de l’unité de négociation.

20        M. Lala n’a pas témoigné.

21        Le 2 novembre 2015, la Commission a envoyé une lettre à M. Lala, à l’employeur et à la section locale 401 des TUAC relativement au dossier de la CRTEFP 550-18-10, dans laquelle elle a indiqué ce qui suit :

[Traduction]

J’accuse réception, le 26 octobre 2015, de la demande indiquée ci-dessus, dont des copies ont été jointes à l’intention de l’employeur et de l’agent négociateur.

Conformément à l’article 37 du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (le « Règlement »), la date limite est fixée au 2 décembre 2015.

Conformément au paragraphe 38(1) du Règlement, une copie de l’« AVIS AUX EMPLOYÉS D’UNE DEMANDE DE RÉVOCATION D’ACCRÉDITATION » est ci-jointe à l’intention de l’employeur.

Conformément au paragraphe 38(2) du Règlement, il est ordonné à l’employeur d’afficher une copie de l’avis bien en vue dans un endroit où les fonctionnaires visés par la demande sont le plus susceptibles d’en prendre connaissance.

22        Il ressort de la preuve présentée que la Commission a joint à cette correspondance une copie de l’« Avis aux employés d’une demande de révocation d’accréditation » (l’« affiche de l’avis »). La demande Lala n’a pas été jointe à cette communication, ce qui a été porté à l’attention de la Commission. La Commission a ensuite fourni la demande à l’employeur et à la section locale 401 des TUAC.

23        L’affiche de l’avis prévoyait une date limite du 2 décembre 2015, conformément à l’article 37 du Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique (DORS/2005-79), qui énonce ce qui suit :

37 À la réception de la demande de révocation d’accréditation, la Commission :

a) fixe la date limite, c’est-à-dire une date qui, compte tenu du nombre de fonctionnaires visés par la demande et de leur lieu de travail, donne suffisamment de temps à ceux-ci pour prendre connaissance de la demande et y réagir, et qui soit postérieure d’au moins quinze jours et d’au plus quarante jours à la date de sa présentation;

b) informe de la date limite l’agent négociateur et, s’il n’est pas l’auteur de la demande, l’employeur.

24        L’article 42 du Règlement sur la CRTFP énonce ce qui suit :

42 (1) La demande de révocation d’accréditation est accompagnée de la preuve documentaire sur laquelle le demandeur entend s’appuyer pour convaincre la Commission que l’agent négociateur ne représente plus la majorité des fonctionnaires de l’unité de négociation.

(2) Toute preuve documentaire supplémentaire est déposée au plus tard à la date limite fixée à l’égard de la demande.

25        Mme Stevens a souligné que, même si la demande, soit un formulaire normalisé de trois pages, a été fournie à l’employeur, elle n’a reçu aucun document qui pourrait y avoir été joint ou fourni par la Commission dans le cadre de la demande. Elle a indiqué avoir examiné la Loi et que, selon sa compréhension, un demandeur qui dépose une demande de révocation doit avoir le soutien de 40 % des membres de l’unité de négociation. Elle a affirmé que l’affiche de l’avis prévoyait une date limite et qu’elle et M. Scales croyaient qu’un vote de révocation serait tenu au plus tard en décembre 2015.

26        Le 4 novembre 2015, à 10 h 37, Mme Stevens a envoyé un courriel à la Commission relativement au dossier de la CRTEFP 550-18-10, dans lequel elle a indiqué ce qui suit :

[Traduction]

Selon le contenu de cette demande, le demandeur prétend que « l’organisation des employés ne représente plus une majorité des employés de l’unité de négociation ». Cependant, aucun renseignement particulier quant au véritable nombre d’employés qui appuient la demande n’est fourni. Conformément à notre conversation d’hier, je souhaite confirmer que le demandeur a fourni des documents supplémentaires à ce sujet, mais que ces renseignements sont confidentiels et qu’ils n’ont été communiqués ni à l’employeur ni à l’agent négociateur.

27        À 11 h 16, la Commission a répondu ce qui suit :

[Traduction]

Oui, l’article 20 du Règlement interdit la communication de cette partie des documents reçus :

20. Malgré l’article 4, la Commission ne peut communiquer à qui que ce soit les éléments de preuve susceptibles de révéler l’adhésion de tout fonctionnaire à une organisation syndicale, son opposition à l’accréditation d’une organisation syndicale ou à la révocation de celle-ci, ou sa volonté d’être ou non représentée par une organisation syndicale, sauf si la communication est susceptible de contribuer à la réalisation des objets de la Loi.

28        Le même jour, M. Scales a signé une lettre adressée à la Commission, relativement au dossier de la CRTEFP 550-18-10 et dont Mme Stevens a indiqué être l’auteure. Une copie de cette lettre a été envoyée à la section locale 401 des TUAC et à M. Lala. La lettre indiquait en partie ce qui suit :

                   [Traduction]

[…]

J’accuse réception, au nom de l’employeur, le Personnel des Fonds non publics, Forces canadiennes, de votre lettre en date du 2 novembre 2015, portant sur la demande de révocation de l’accréditation de l’unité de négociation des employés de la catégorie Exploitation, représentés par la section locale 401 des TUAC, à la BFC d’Edmonton, déposée par M. Ajay Lala, le 19 octobre 2015.

Après avoir examiné la correspondance indiquée ci-dessus, l’employeur souhaite informer la CRTEFP que l’employeur et l’agent négociateur devraient se rencontrer les 24 et 25 novembre 2015, afin de poursuivre les négociations du renouvellement possible de la convention collective conclue entre les parties. Étant donné que la convention collective est venue à échéance le 30 juin 2015 et que l’employeur a reçu l’avis de négociation le 4 mars 2015, les parties ont amorcé les négociations et elles se sont déjà rencontrées afin de discuter de propositions concernant les questions non pécuniaires et pécuniaires les 16, 17 et 18 septembre 2015.

Après avoir examiné le contenu de la demande de révocation d’accréditation, l’employeur demande à la présidente de la Commission de fournir une directive à savoir si les parties devraient suspendre temporairement les négociations et annuler toute date de réunion provisoire jusqu’à l’issue de la demande en litige. Nous demandons qu’une directive soit fournie aux parties au plus tard le 16 novembre 2015, étant donné les dates indiquées ci-dessus.

[…]

[Je souligne]

29        Dans son témoignage, Mme Stevens a indiqué que même si le terme [traduction] « devraient » a été utilisé dans cette lettre, elle ne considérait pas que les 24 et 25 novembre 2015 comme étant provisoires, mais bien définitives. Selon la description de son interprétation du terme « devraient », il signifie [traduction] « jusqu’à ce que je descende de l’avion ». Elle a indiqué qu’elle considérait que les dates provisoires de la séance de négociation [traduction] « pouvaient être annulées ». Elle a également indiqué qu’elle n’utilisait pas le terme [traduction] « devraient » lorsqu’elle faisait référence aux dates de négociation fixées lorsqu’elle discutait de cette question au téléphone avec le représentant du greffe de la Commission. Dans son témoignage, Mme Stevens a admis qu’elle n’avait aucun renseignement quant à savoir si une distinction était faite entre les dates définitives et provisoires au moment où la lettre du 4 novembre 2015 a été remise à la présidente de la Commission aux fins d’examen. Mme Stevens a confirmé n’avoir eu aucune discussion avec la présidente de la Commission.

30        Le 10 novembre 2015, à 14 h 42 (heure normale de l’Est (HNE)), en ce qui concerne le dossier de la CRTEFP 550-18-10, la Commission a envoyé une lettre par courrier électronique, par courrier recommandé et par télécopieur à la section locale 401 des TUAC, à l’employeur et à M. Lala indiquant ce qui suit :

[Traduction]

La présente fait suite à la lettre de l’employeur en date du 4 novembre 2015 comprenant une demande de directive de la part de la Commission relativement aux négociations collectives en cours entre l’employeur et la section locale 401 des TUAC.

La présidente de la Commission a ordonné que je vous informe qu’il incombe à l’employeur et à l’agent négociateur de déterminer s’ils devraient suspendre les négociations à la lumière de la demande de révocation de l’accréditation de l’agent négociateur de ce groupe.

31        Le même jour, à 9 h 14 (HNE), M. Lala a envoyé un courriel aux représentants de la section locale 401 des TUAC, à M. Stevens, à M. Scales et à la Commission, dans lequel il a indiqué ce qui suit :

                   [Traduction]

[…]

Après avoir discuté avec les employés des FNP (BFC d’Edmonton), nous avons choisi d’informer tous les représentants respectifs de cesser toutes négociations relatives à la convention collective jusqu’à l’issue de la demande de révocation d’accréditation.

Selon notre compréhension et notre croyance, elles minent d’abord la gravité du processus de demande.

[…]

32        Encore une fois, le même jour, à 9 h 19 (HNE), M. Scales a envoyé un courriel aux représentants de la section locale 401 des TUAC, à M. Lala et à la Commission et il a accusé réception du courriel de M. Lala reçu le même jour.

33        Le 11 novembre 2015, à 17 h 41, M. Clarke a envoyé un courriel à Mme Stevens, avec copie conforme à M. Scales, dans lequel il a indiqué :

                   [Traduction]

[…]

Malgré les événements récents et en guise de suivi de la lettre de la CRTEFP, en date du 4 novembre 2015 et, conformément aux dispositions applicables de la LRTFP régissant l’obligation de négocier de bonne foi, le syndicat préfère poursuivre les négociations avec l’employeur les 24 et 25 novembre, jusqu’à ce que les parties parviennent à une entente.

[…]

34        Après ce courriel, une téléconférence a été fixée le vendredi 13 novembre 2015 (l’« appel du 13 novembre ») entre M. Clarke, Mme Stevens, M. Scales et Vinko Zigart (aussi appelé « Zig » dans les documents), également un employé de la section locale 401 des TUAC, afin de discuter de la poursuite des négociations prévues les 24 et 25 novembre 2015. J’ai entendu des témoignages relativement à cette téléconférence entre M. Clarke, M. Zigart et Mme Stevens.

35        M. Clarke a indiqué qu’il avait été question de la lettre de la Commission en date du 10 novembre pendant l’appel du 13 novembre, et que les représentants de l’employeur avaient dit qu’une telle question n’avait jamais été laissée entre les mains des parties et que l’employeur estimait qu’il avait le droit de ne pas assister à la séance de négociation prévue. M. Clarke a fait valoir qu’il avait dit à Mme Stevens et à M. Scales que, selon la section locale 401 des TUAC, l’employeur était tenu d’assister à la séance de négociation prévue et que cette dernière leur avait demandé de mettre leur position par écrit. M. Zigart a affirmé que, selon sa compréhension de l’appel du 13 novembre, il a conclu que l’employeur avait décidé de ne pas poursuivre les négociations prévues en raison de la demande Lala.

36        Mme Stevens a indiqué que la situation dans laquelle se trouvait l’employeur était sans précédent. Après avoir examiné ses options, il avait décidé de suspendre temporairement les négociations. Elle a confirmé que la section locale 401 des TUAC s’y était vertement opposée et que M. Clarke avait demandé à l’employeur de mettre sa position par écrit, ce qu’elle a dit avoir fait au moyen d’une lettre en date du 13 novembre 2015, qu’elle a rédigé et que M. Scales a signé et envoyé à la section locale 401 des TUAC par courriel et par télécopieur. La lettre indiquait ce qui suit :

[Traduction]

Comme vous le savez, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique a informé l’employeur et l’agent négociateur de la demande de révocation d’accréditation, en date du 19 octobre 2015. En guise de suivi de cette demande, l’employeur a demandé que la Commission lui donne une directive quant à savoir si les parties devraient garder les dates de négociations prévues. La Commission, conformément à la lettre de Mme Lisa Woodstock en date du 10 novembre 2015, a informé les parties qu’il incombait à l’employeur et à l’agent négociateur de déterminer s’ils devraient suspendre ou poursuivre les négociations. Après la directive de la Commission, le demandeur, M. Ajay Lala, a demandé aux parties de cesser les négociations jusqu’à ce que la question de la demande soit réglée.

Conformément à votre courriel en date du 11 novembre 2015, dans lequel vous demandez que l’employeur indique son acquiescement ou son opposition à conserver les dates de négociations fixées (les 24 et 25 novembre), l’employeur souhaite reporter les dates de négociation fixées jusqu’à la résolution de la demande. En tenant compte de la correspondance de la Commission, de la demande du demandeur, ainsi que des préférences de l’agent négociateur, nous estimons qu’il serait inapproprié de poursuivre les négociations avant le règlement de la demande. Nous fixerons de nouveau les dates de négociations, tel qu’il est requis, immédiatement après l’issue de la demande.

[…]

37        Cette lettre était jointe à un courriel dont l’horodateur indique le 13 novembre 2015, à 14 h 37, que Mme Stevens a rédigé et a envoyé à M. Clarke, avec copie conforme à M. Scales, qui indiquait ce qui suit :

[Traduction]

Suite à votre courriel du 11 novembre et à notre conversation cet après-midi, veuillez trouver ci-jointe la réponse de l’employeur.

Les dates prévues, soit les 24 et 25 novembre, seront annulées, afin d’être fixées de nouveau, tel qu’il est requis, à l’issue de la demande.

38        M. Clarke a indiqué qu’il était d’avis que la correspondance du 13 novembre 2015 provenant de l’employeur accordait beaucoup plus de poids à la demande Lala et à la position de M. Lala qu’à la position de la section locale 401 des TUAC, qui représente les employés de l’unité de négociation.

39        Le dimanche 15 novembre 2015, à 20 h 11, M. Clarke a envoyé un courriel à Mme Stevens, avec copie conforme à M. Scales et à M. Zigart, indiquant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Veuillez noter que le Syndicat ne souscrit pas au report ou à l’annulation de la négociation, conformément à ce qui est indiqué dans votre lettre et à ce que nous avons affirmé clairement au cours de notre conversation téléphonique le 13 novembre. L’obligation de négocier de bonne foi s’applique aux parties et constitue l’obligation par défaut lorsque les parties ne peuvent pas parvenir à une entente, comme en l’espèce, plutôt que ce que la société décide.

Pour être clair, le Syndicat est l’agent négociateur juridique exclusif des employés de la BFC d’Edmonton Garrison. Le refus de l’employeur de négocier avec le Syndicat constitue une plainte de pratique déloyale de travail qui sera déposée dès lundi.

Nous constatons que les actes de l’employeur en l’espèce sont effectivement très révélateurs.

[…]

40        M. Clarke a indiqué avoir fait le commentaire : [traduction] « Nous constatons que les actes de l’employeur en l’espèce sont effectivement très révélateurs » dans le courriel parce que, selon la section locale 401 des TUAC, l’employeur a agi ainsi afin de conférer un certain fondement à la demande Lala. En raison de l’appui de l’employeur à l’égard de M. Lala, la section locale 401 des TUAC a semblé faible et a été rabaissée aux yeux des membres de l’unité de négociation et les membres pourraient avoir été influencés quant à la façon de voter dans le cadre d’une demande de révocation.

41        Mme Stevens a indiqué que la décision de l’employeur d’annuler la séance de négociation avec la section locale 401 des TUAC, prévues les 24 et 25 novembre 2015, était fondée sur de nombreux facteurs qu’elle a décrits comme suit :

· le 10 novembre 2015, le courriel provenant de M. Lala dans lequel il demande que les parties cessent de négocier en attendant l’issue de la demande Lala;

· la position de la section locale 401 des TUAC selon laquelle les séances de négociation des 24 et 25 novembre 2015 devraient se poursuivre comme prévu;

· le règlement rapide de la demande Lala;

· la lettre en date du 10 novembre 2015 de la Commission.

42        Au cours de son interrogatoire principal, Mme Stevens a également affirmé que l’employeur, lorsqu’il a décidé de ne pas poursuivre les négociations, avait misé principalement sur le fait que la demande Lala serait tranchée rapidement. Elle a ensuite déclaré que les deux facteurs les plus importants pour l’employeur étaient la lettre en date du 10 novembre 2015 de la Commission et le fait que l’employeur croyait que la demande de révocation Lala serait tranchée rapidement. Toutefois, en contre-interrogatoire, elle a ensuite affirmé que le fait que l’employeur croyait que la demande Lala serait tranchée rapidement ne constituait pas l’un des facteurs pris en considération pour décider s’il assisterait à la séance de négociation des 24 et 25 novembre 2015.

43        Mme Stevens a admis en contre-interrogatoire que la Commission n’avait pas dit aux parties d’attendre l’issue de la demande Lala avant de continuer les négociations; elle ne lui a pas dit non plus, en aucun temps, que l’employeur était libéré de ses obligations prévues par la Loi. Elle a confirmé qu’elle et M. Scales avaient décidé de ne pas assister à la séance de négociation des 24 et 25 novembre 2015.

44        Mme Stevens a également indiqué dans son interrogatoire principal que l’employeur n’avait aucune connaissance de problèmes à la base (BFC d’Edmonton). Cependant, en contre-interrogatoire, à la question de savoir quels facteurs avaient été pris en considération dans la décision de l’employeur de ne pas poursuivre les négociations, elle a affirmé que le fait que l’employeur n’avait aucune connaissance de problèmes à la BFC d’Edmonton ne constituait pas un facteur, mais plutôt la réaction initiale à la demande Lala. Elle a reconnu que l’employeur était au courant des discussions dans le milieu de travail au sujet du potentiel de la demande de révocation puisque M. Clarke ou M. Zigart en avait informé l’employeur. Cependant, elle a affirmé qu’elle ne l’interprétait pas comme un mouvement ou comme quelque chose d’officiel. Elle a été renvoyée à un échange de courriel qui a eu lieu les 8 et 9 septembre 2015, entre elle et M. Clarke, qu’elle a identifié, à ce sujet :

[Courriel du 8 septembre de M. Clarke à Mme Stevens]

[Traduction]

Le représentant syndical ici à Edmonton a présenté des préoccupations très sérieuses relativement à la base en ce qui concerne une campagne de révocation de l’accréditation syndicale qui a été orchestrée par l’un des superviseurs de la cuisine, soit Ajay Lala. Zig en a parlé avec Sandra à deux reprises, si je comprends bien, afin de l’informer que cette campagne a lieu pendant les heures de travail et que les employés se sentent intimidés en conséquence. J’ai également été informé que les employés craignent d’aborder la question en raison de la personnalité et du rang que cette personne occupe. À l’heure actuelle, nous comprenons que l’employeur refuse d’intervenir.

          Vous trouverez ci-dessous les notes de Zig en rouge à mon intention portant sur cette question.

Puisque nous nous rencontrons à la table de négociation la semaine prochaine afin de renouveler la convention collective, je croyais qu’il serait pratique de vous informer que cette activité a lieu à l’heure actuelle à la base à Edmonton et que l’employeur en a connaissance.

          Lee :

          Vous trouverez ci-dessous un résumé des problèmes à l’égard d’Ajay Lala de la BFC d’Edmonton

o J’ai discuté avec Sandra au sujet d’Ajay Lala, le superviseur de la cuisine du club de curling quant au fait qu’il discute avec les membres au sujet de la révocation de l’accréditation syndicale pendant les heures de travail.

o J’ai discuté avec Sandra à ce sujet à au moins deux reprises et j’ai indiqué qu’Ajay faisait cela pendant les heures de travail et j’estimais donc que les cadres supérieurs étaient au courant de la demande de révocation d’accréditation et qu’ils l’appuyaient.

o Sandra a répondu, les deux fois, qu’elle ne pouvait rien faire puisqu’il était un membre du Syndicat.

o Je l’ai informé que certains membres se sentaient intimidés par Ajay et qu’ils ne souhaitaient pas le signaler parce qu’ils craignaient d’être harcelés davantage.

o Ajay m’a appelé aujourd’hui et il m’a indiqué que la pétition de révocation de l’accréditation syndicale qu’il avait préparée pendant ses heures de travail comptait 58 noms.

o Il (Ajay) a admis ouvertement qu’il le faisait pendant ses heures de travail.

o S’il l’a fait pendant ses heures de travail, son gestionnaire aurait été pleinement au courant de ses activités.

o Il a dit qu’il apporterait la pétition à l’agent.

o Ajay a été embauché en mai 2014 et il n’est pas un membre. La base est régie par la formule Rand.

o Je lui ai donné un formulaire de demande pendant la réunion de proposition, mais il ne l’a pas rempli.

[Réponse de Mme Stevens en date du 9 septembre 2015]

[Traduction]

Je vous remercie de votre note. Même si je peux comprendre la frustration du Syndicat relativement à cette question, je souhaite souligner qu’on ne m’a jamais informé que l’employeur était pleinement au courant de ces prétendus efforts de révocation de l’accréditation syndicale ou qu’il les appuyait. Je crois qu’il est quelque peu injuste et préjudiciable à nos intentions mutuelles pour parvenir au renouvellement de la convention de présumer que cela est vrai. De plus, je suis au courant du fait que Sandra a répété à Zig en juin que l’employeur ne tolérerait aucun harcèlement et intimidation et qu’il n’encourageait pas la révocation de l’accréditation syndicale.

Cela dit, je souhaite examiner davantage cette question avec Sandra et les cadres supérieurs afin de trouver une solution.

45        La personne nommée « Sandra » mentionnée dans les courriels est Sandra Dauphinee, une représentante de l’employeur à la BFC d’Edmonton. Elle n’a pas témoigné.

46        La section locale 401 des TUAC a déposé sa plainte auprès de la Commission le 18 novembre 2015. M. Clarke a indiqué qu’à sa connaissance, il s’agit de la première plainte de pratique déloyale de travail que la section locale 401 des TUAC a déposée contre l’employeur.

47        Le 25 novembre 2015, à 11 h 17, M. Zigart a reçu un courriel d’un membre de l’unité de négociation qui lui acheminait une lettre ou une affiche non datée qui avait été affichée sur plusieurs babillards au lieu de travail, y compris sur ceux de la section locale 401 des TUAC et qui était adressée à tous les employés des « SBMFC/FNP » associés à la section locale 401 des TUAC. Elle semble avoir été signée par M. Lala (la « lettre ou affiche Lala »). Aucune signification des acronymes « SBMFC » et « FNP » ne m’a été fournie.

48        La lettre ou affiche Lala compte treize points numérotés. Toutefois, un seul des points, soit le onzième, s’applique à cette procédure. Il indique ce qui suit :

[Traduction]

11) La prétention de notre Syndicat selon laquelle les négociations entre le Syndicat et notre employeur ont été annulées par notre employeur est fausse. En fait, après un examen avec les membres, je, Ajay Lala, ai présenté une lettre à la Commission des relations de travail dans la fonction publique à Ottawa en vue de mettre fin à toutes les négociations qui devaient reprendre les 24 et 25 novembre. En raison de cela, le dépôt de la demande de révocation d’accréditation par les employés des FNP de la BFC d’Edmonton doit être tranché au plus tard le 3 décembre avant que les négociations puissent reprendre.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

49        Le 13 janvier 2016, le greffe de la Commission a rédigé une lettre à l’intention de M. Lala, de la section locale 401 des TUAC, et à l’intention de l’employeur relativement au dossier de la CRTEFP 550-18-10 et a indiqué ce qui suit :

[Traduction]

[…]

J’accuse réception le 7 janvier 2016 de la lettre de M. Adrian Scales qui comporte une liste de tous les employés de l’unité de négociation en date du 26 octobre 2015, leur adresse domiciliaire et un exemplaire de leur signature.

Les documents ont été soumis à la formation de la Commission et j’ai été demandé d’informer les parties de ce qui suit :

Après avoir examiné davantage la demande initiale, il a été porté à l’attention de la Commission que les documents introductifs, plus particulièrement la preuve qu’au moins 40 % des employés de l’unité de négociation appuient cette demande, sont insuffisants.

[…]

50        M. Clarke a indiqué que le 19 janvier 2016, à 11 h 45, après avoir reçu cette lettre, il a envoyé un courriel à Mme Stevens et une copie à M. Scales et à M. Zigart dans lequel il a indiqué ce qui suit :

[Traduction]

Comme vous le savez, le Syndicat s’est opposé et continue de s’opposer au refus de l’employeur de retourner à la table de négociation. Nous estimons que les actes de l’employeur constituent une plainte de pratique déloyale de travail.

Nous avons demandé antérieurement par écrit que l’employeur s’acquitte de ses obligations en vertu du code et qu’il retourne à la table de négociation afin de renouveler la convention collective.

Nous ne croyons pas que l’employeur peut annuler les négociations jusqu’à l’issue d’une demande de révocation d’accréditation. Quoi qu’il en soit, la CRTEFP a confirmé récemment que la preuve à l’appui de la demande de révocation en instance était « insuffisante », mais l’employeur continue de manquer à son obligation et de retourner à la table de négociation.

Encore une fois, le Syndicat demande officiellement que l’employeur s’acquitte de ses obligations et qu’il retourne à la table de négociation. Veuillez acheminer, dès que possible, les dates auxquelles vous êtes disponibles pour nous rencontrer aux fins de négociations.

51        Mme Stevens a affirmé avoir répondu au courriel de M. Clarke par courrier électronique le même jour, avec copie conforme à M. Scales et M. Zigart, comme suit :

[Traduction]

[…]

Après avoir examiné la dernière correspondance provenant de la CRTEFP, rien dans cette correspondance n’indique que la question a été tranchée ou que la demande a été rejetée. En l’absence d’une confirmation sans équivoque de la Commission que la demande a été tranchée, l’employeur maintient sa position initiale. Les négociations seront reportées jusqu’à ce que la question soit tranchée, et alors nous pourrons reprendre les négociations.

[…]

52        Mme Stevens a indiqué que lorsqu’elle a reçu la lettre de la Commission relativement au dossier de la CRTEFP 550-18-10, en date du 13 janvier 2016, elle a supposé que la Commission avait commis une erreur, qu’elle n’avait aucune preuve (en ce qui concerne la demande de révocation) et qu’elle avait menti. Elle a ensuite affirmé qu’à la date de l’audience, elle ne savait pas combien de personnes appuyaient la demande de révocation.

53        Mme Stevens a confirmé en contre-interrogatoire qu’après avoir reçu la lettre en date du 13 janvier 2016 de la Commission, l’employeur aurait pu modifier sa décision et retourner à la table de négociations.

54        En contre-interrogatoire, à la question de savoir si elle avait rédigé une lettre à l’intention de la Commission après avoir reçu sa lettre en date du 13 janvier 2016, Mme Stevens a répondu qu’elle ne l’avait pas fait parce que l’employeur n’était pas une partie à la demande Lala et que la lettre n’était pas rédigée à son intention. Elle a reconnu qu’elle aurait pu le faire, mais qu’elle ne l’avait pas fait.

55        Cependant, dans le même ordre d’idées, elle a déclaré que l’employeur avait participé à une téléconférence relativement au dossier de la CRTEFP 550-18-10 et à la demande Lala, à laquelle M. Lala et des représentants de la section locale 401 des TUAC ont assisté. Mme Stevens a affirmé que l’employeur souhaitait connaître la procédure à suivre relativement aux demandes de révocation et elle a déclaré qu’il avait présenté cette demande à la Commission. Elle a indiqué que le commissaire saisi de la demande Lala avait demandé à l’employeur de participer à l’appel. La date de l’appel ne m’a pas été communiquée et j’ai uniquement été informée qu’il avait été tenu à un moment donné après la lettre en date du 13 janvier 2016 de la Commission.

56        Mme Stevens a déclaré que l’appel portait essentiellement sur cette demande et qu’il ne concernait ni la reprise des négociations ni la plainte de pratique déloyale de travail qui constitue la question en litige de la présente audience.

57        Deux membres de l’unité de négociation qui travaillaient à la BFC d’Edmonton ont témoigné, soit Serena Van Hees et George Rattai.

58        Au moment de l’audience, Mme Van Hees travaillait à la BFC d’Edmonton depuis un peu plus d’un an et avait travaillé en tant que barmaid du bar-salon aux clubs de golf et de curling. Elle est membre de la section locale 401 des TUAC et elle suit une formation de délégué syndical.

59        Au moment de l’audience, M. Rattai était employé à la BFC d’Edmonton depuis un peu plus de 18 ans. En novembre 2015, il a commencé à travailler à l’aréna; avant cette date, il était, pendant tout son mandat auprès de l’employeur, un instructeur de conditionnement physique de « Fitness and Support » au gymnase de la base. M. Rattai est un membre de la section locale 401 des TUAC et un délégué syndical.

60        Mme Van Hees et M. Rattai ont tous les deux déclaré qu’ils étaient d’avis que la section locale 401 des TUAC avait perdu son pouvoir et semblait être faible en raison de son échec à ramener l’employeur à la table de négociation et à poursuivre les négociations. Ils ont tous les deux affirmé qu’ils n’étaient pas les seuls à partager cette opinion; d’autres membres de l’unité de négociation avec qui ils avaient discuté étaient du même avis. Ils ont tous les deux indiqué que les membres de l’unité de négociation avec qui ils ont discuté étaient frustrés et ne comprenaient pas pourquoi la section locale 401 des TUAC ne pouvait pas contraindre l’employeur à se présenter à la table de négociation.

61        M. Rattai a également déclaré que les membres de la section locale 401 des TUAC étaient également frustrés puisqu’ils versent des cotisations pour obtenir des services et qu’ils se posent des questions quand la convention collective n’est pas renouvelée. Les deux ont déclaré avoir entendu les préoccupations des membres relativement aux augmentations de salaire.

62        La lettre ou affiche Lala a été montrée à Mme Van Hees. Elle a confirmé l’avoir vue. Elle a également dit qu’elle l’avait reçu par courriel ou qu’elle avait été affichée dans son lieu de travail sur le babillard du Syndicat ou les deux. Elle a indiqué qu’elle se souvenait l’avoir vu lorsque M. Lala parlait de mettre fin aux négociations et à la représentation syndicale des employés. Le point 11 de la lettre ou affiche Lala a été porté à son intention et elle a été interrogée quant à son interprétation de l’énoncé qui y figure. Elle a indiqué que, selon son interprétation, M. Lala était le [traduction] « chef du groupe, qu’il ne voulait pas un syndicat et qu’il avait indiqué qu’il avait mis fin aux négociations ».

63        Mme Van Hees a identifié M. Lala comme son gestionnaire. Elle a déclaré qu’elle relevait directement d’un superviseur, mais que le superviseur relevait de M. Lala, soit le gestionnaire des aliments et des boissons. Elle a affirmé qu’elle avait eu des discussions directement avec M. Lala au sujet de cette question au lieu de travail et qu’il avait lui avait déclaré qu’il, selon ses dires [traduction] « avait mis fin aux négociations et souhaitait se débarrasser du Syndicat ».

64        M. Clarke et Mme Stevens ont confirmé qu’il y avait eu un certain retard lorsque les parties négociaient la convention collective en 2012. Cependant, le retard m’a été décrit comme un retard consensuel et, selon la section locale 401 des TUAC, il n’était pas inapproprié ou de mauvaise foi.

65        Mme Stevens a confirmé dans son témoignage que malgré la correspondance du 13 janvier 2016 de la Commission, l’employeur n’était pas disposé à modifier sa position et à reprendre les négociations avec la section locale 401 des TUAC. Elle a confirmé que les éléments que l’employeur a pris en considération lors de sa décision de novembre 2015 s’appliquaient toujours en janvier 2016. Elle a également admis qu’il aurait pu modifier sa position en janvier 2016, mais qu’il ne l’a pas fait.

66        Les parties n’ont pas négocié depuis le 18 septembre 2015.

67        Selon le témoignage de M. Clarke et de M. Zigart, si les négociations s’étaient poursuivies les 24 et 25 novembre 2015, il est très probable qu’une nouvelle convention collective aurait été conclue rapidement. Mme Stevens n’était pas du même avis et elle a déclaré que le contexte de négociation en ce qui concerne les questions pécuniaires était différent en 2015 qu’en 2012 et que l’employeur prévoyait des difficultés.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la plaignante

68        Selon le principe bien connu et appliqué depuis longtemps en droit du travail, les employeurs et les agents négociateurs ont une obligation légale de négocier de bonne foi. Cette obligation est continue et existe à compter de la date à laquelle l’avis de négociation est donné jusqu’à la conclusion d’une convention collective. Cette obligation a pour objectif de contraindre les parties à se rencontrer, à déterminer les questions, à présenter des propositions et à faire tout effort raisonnable pour trouver un terrain d’entente afin de conclure une convention collective.

69        Royal Oak Mines Inc. c. Canada (Conseil des relations du travail) [1996] 1 R.C.S. 369 (« Royal Oak Mines ») est l’arrêt faisant jurisprudence à cet égard. Aux paragraphes 41 et 42 de cette décision, la Cour suprême a déclaré que tous les codes de relations du travail fédéral et provinciaux contiennent une disposition semblable à l’art. 50 du Code canadien du travail (L.R.C., 1985, ch. L-2), qui oblige les parties à se rencontrer et à négocier de bonne foi. Pour que la négociation collective soit un processus équitable et efficace, il est essentiel que l’employeur et l’agent négociateur négocient dans le cadre des règles établies par le code du travail applicable. L’obligation comprend une double obligation, soit celle de négocier de bonne foi et de faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective.

70        Dans Royal Oak Mines, la Cour suprême a ensuite énoncé que l’obligation d’entamer des négociations de bonne foi doit être appréciée selon une norme subjective alors que celle de faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective doit être évaluée selon une norme objective.

71        La norme subjective tient compte des intentions et des motifs des parties, ainsi que la mesure dans laquelle ils se sont engagés dans le processus de négociation collective et à faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective. L’élément subjectif englobe les aspects de la bonne foi et les apprécie en fonction d’une norme subjective.

72        La norme objective doit être évaluée en prenant en considération les normes et les pratiques comparables au sein du secteur d’activités. C’est la deuxième partie de l’obligation qui empêche une partie de se dérober en prétendant qu’elle tente sincèrement de conclure une entente alors qu’objectivement ses propositions sont tellement éloignées des normes acceptées au sein du secteur d’activités qu’elles doivent être tenues pour déraisonnables.

1. Omission de l’employeur de répondre à la norme subjective

73        Selon section locale 401 des TUAC, l’employeur a omis de s’acquitter de son obligation de négocier de bonne foi lorsqu’il a annulé les dates de négociation prévues en novembre 2015 et continue de faire preuve de manquement eu égard à cette obligation en conservant cette position malgré les demandes de la section locale 401 des TUAC de retourner à la table de négociation.

74        Selon la position de la section locale 401 des TUAC, le refus de l’employeur de reprendre les négociations répond aux critères définis dans Royal Oak Mines, de ne pas négocier et conclure une convention collective avec la section locale 401 des TUAC. La preuve a été établie par Mme Stevens, lorsqu’elle a déclaré la raison pour laquelle l’employeur a pris cette décision, soit qu’il a pris en compte les facteurs suivants :

· la lettre de la Commission (relativement au dossier de la CRTEFP 550-18-10) en date du 10 novembre 2015;

· la demande de M. Lala, le requérant de la demande Lala;

· les préférences de la section locale 401 des TUAC;

· la croyance que la demande Lala serait tranchée rapidement.

75        Selon National Association of Broadcast Employees and Technicians v. CKLW Radio Broadcasting Limited,(1977) 77 CLLC 16,110 (« CKLW »), l’obligation de négocier de bonne foi est une obligation continue.

76        Bien que, au début, l’impression de l’employeur selon laquelle la demande Lala pourrait être tranchée rapidement aurait pu avoir été fondée, ce n’était évidemment pas le cas au 13 janvier 2016, alors que, dans le cadre du dossier de la CRTEFP 550-18-10, la Commission a envoyé une lettre à M. Lala, à la section locale 401 des TUAC et à l’employeur. À ce moment, l’employeur a déclaré qu’il maintenait sans équivoque sa position de ne pas retourner à la table de négociation. Par conséquent, son refus du 19 janvier 2016 constituait un autre manquement à l’obligation de négocier de bonne foi, qui est une obligation continue.

77        L’employeur a reconnu, par l’intermédiaire du témoignage de Mme Stevens, qu’il avait toujours le choix de changer sa position et de reprendre les négociations. Mme Stevens a indiqué qu’en janvier 2016, l’employeur a tenu compte des mêmes facteurs que lorsqu’il a décidé de continuer à ne pas négocier en novembre 2015, malgré le fait qu’il fallait plus de temps que prévu pour trancher la demande de révocation. Selon la position de la section locale 401 des TUAC à ce moment-là, l’employeur aurait dû examiner de nouveau sa position, étant donné les faits, et retourner à la table de négociation.

78        La section locale 401 des TUAC indique que l’élément subjectif de l’obligation de négocier de bonne foi concerne également la prise en considération des motifs ou des intentions des parties. La section locale 401 des TUAC soutient que l’employeur a accordé une importance et une préférence injustifiée à M. Lala et à sa demande de cesser de négocier compte tenu de la direction de la Commission (laquelle était neutre). En adoptant cette position, l’employeur a miné le statut de la section locale 401 des TUAC, ce qui constituait un manquement à l’obligation de négocier de bonne foi.

79        La section locale 401 des TUAC soutient que si le motif était d’éviter un rapport en matière de négociation collective, l’une des conséquences est l’affaiblissement du statut de la section locale 401 des TUAC. Le retard de la négociation a fait en sorte que la section locale 401 des TUAC semblait être faible. Même si cela n’était pas la véritable intention de l’employeur, il s’agit de la conséquence découlant de son refus de se rencontrer et de négocier. Il aurait dû savoir que cela aurait été ou pourrait être la conséquence. Mme Stevens était au courant des questions concernant M. Lala et de ses actes relativement à une demande de révocation, comme en atteste l’échange de courriels entre M. Clarke et Mme Stevens au début de septembre 2015. Mme Stevens est une avocate chevronnée et une agente principale des RT et elle aurait dû savoir que le refus de négocier était susceptible d’entraîner un tel résultat.

2. Manquement de l’employeur de répondre à la norme objective

80        En ce qui concerne l’élément objectif établi dans Royal Oak Mines, la section locale 401 des TUAC soutient que l’employeur a également omis de s’acquitter de cette obligation. Il n’a pas fait des efforts raisonnables de négocier conformément aux normes de l’industrie et à la pratique antérieure des parties établies il y a plus de 30 ans. M. Clarke a déclaré que le refus de négocier était sans précédent dans le cadre de ce rapport en matière de négociation et qu’il n’avait jamais été au courant que l’employeur avait refusé de négocier auparavant dans le cadre de leur rapport.

81        Même si, dans le passé, des retards de négociation sont survenus, ils étaient consensuels et sont survenus dans le cadre de circonstances distinctes et différentes. Les parties avaient convenu de retarder les négociations en 2012. Dans les circonstances actuelles, le retard était entièrement attribuable à la décision unilatérale de l’employeur d’annuler les dates de négociations convenues et de refuser de continuer de négocier en attendant l’issue de la demande de révocation.

82        Le manquement à l’obligation légale de l’employeur donne lieu à la perception selon laquelle la section locale 401 des TUAC est faible et sans pouvoirs. Cela ressort des témoignages de Mme Van Hees et des M. Rattai et de M. Zigart.

83        De plus, la section locale 401 des TUAC affirme que la demande de M. Lala que l’employeur ne négocie pas, ainsi que la lettre ou affiche Lala, laisse entendre aux membres de l’unité de négociation que l’employeur pourrait appuyer la demande de révocation. L’acte de l’employeur de ne pas négocier pourrait donner vie à la demande de révocation.

84        Mme Van Hees et M. Rattai ont tous les deux exprimé des préoccupations quant aux augmentations de salaire, lesquelles ne se sont pas concrétisées parce que la convention collective n’a pas été renouvelée. Ils ont également formulé des commentaires sur le fait que les membres versent des cotisations et remettent en question l’objectif et la valeur de ces versements si la section locale 401 des TUAC n’est pas en mesure de contraindre l’employeur à retourner à la table de négociation.

85        Selon la position de la section locale 401 des TUAC, la correspondance du 10 novembre 2015 de la Commission ne libérait pas l’employeur de son obligation légale de négocier de bonne foi, ce qui comprend l’obligation de se rencontrer. La section locale 401 des TUAC déclare que la position de l’employeur relativement à la lettre en date du 10 novembre 2015 de la Commission constitue un faux-fuyant et n’est pas déterminante pour trancher la question de savoir si l’employeur a continué de négocier de bonne foi. La lettre indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La présidente de la Commission a ordonné que je vous informe qu’il incombe à l’employeur et à l’agent négociateur de déterminer s’ils devraient suspendre les négociations à la lumière de la demande de révocation de l’accréditation de l’agent négociateur de ce groupe.

86        Cette lettre n’indique tout simplement pas ce qui doit être fait lorsque la section locale 401 des TUAC souhaite rencontrer l’employeur, mais que ce dernier ne le souhaite pas. De plus, elle est fondée sur des faits inexacts. La lettre en date du 4 novembre 2015 de l’employeur qui a été envoyée à la Commission et dans laquelle il demande une directive renvoie au fait que les parties avaient fixé des dates provisoires de négociation. Cela suggère que les dates de négociations n’étaient pas définitives, ce qui n’était pas le cas. Lorsqu’il a indiqué que les dates en novembre étaient des dates provisoires, l’employeur a induit la Commission en erreur. Même si Mme Stevens n’a pas indiqué que les dates étaient des dates [traduction] « provisoires », mais des dates [traduction] « prévues » au cours d’une conversation téléphonique avec un membre du greffe de la Commission, rien dans la preuve ne permet d’établir que cette distinction a été faite auprès de la présidente. Aucun éclaircissement n’a été fourni à la Commission relativement aux prochaines dates de négociation. Le greffier de la Commission n’a pas pris la décision relativement à la directive indiquée dans la lettre en date du 10 novembre 2015; cette décision a été prise par la présidente.

87        Au paragraphe 34 de Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier c. Shaw Communications Inc.,2011 CCRI 577 (« Shaw »), le Conseil canadien des relations industrielles (le « CCRI ») a conclu qu’une partie ne peut pas refuser de négocier une convention collective en alléguant qu’une affaire semblable fait déjà l’objet d’une plainte auprès d’une commission des relations de travail. Il a déclaré que l’obligation de négocier continue à exister, même pendant une grève, un lock-out ou dans d’autres situations.

88        Dans Association des employeurs maritimes c. Association internationale des débardeurs, section locale 1739, (1986),68 di 48, les faits indiquent que l’agent négociateur dans cette affaire avait décidé d’attendre l’issue d’autres actions en instance avant de conclure une convention collective, allant même jusqu’à déclarer que « […] même si la partie patronale faisait une ‘offre en or’, aucune convention collective ne serait signée ». Le CCRI a conclu que cela constituait un manquement au devoir de négocier de bonne foi et a déclaré que ce devoir et celui de faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective ne sont pas interrompus ou ne cessent pas durant l’ultime étape du processus de négociation collective, soit durant un état de grève ou de lock-out.

89        Syndicat des travailleurs en communication (C.T.C.) c. Northern Telecom Canada Limitée, (1980), 42 di 178 (« Northern Telecom »), était une affaire où l’employeur et l’agent négociateur étaient visés par ce que le Conseil canadien des relations du travail (le « CCRT ») a décrit comme un « domaine litigieux de la négociation collective ». Au cours des négociations, les parties avaient convenu de suspendre les négociations jusqu’à ce que leur question soit portée devant la Cour d’appel fédérale. Toutefois, après que la Cour ait rendu une décision et pendant que l’affaire était en instance devant la Cour suprême du Canada, l’agent négociateur a voulu reprendre les négociations. L’employeur a refusé. Les négociations ont été retardées pendant deux ans et l’agent négociateur a déposé une plainte. Le CCRT a conclu que l’omission de l’employeur de rencontrer l’agent négociateur et de négocier après que la Cour d’appel fédérale ait rendu sa décision constituait un manquement à l’obligation de négocier de bonne foi, laquelle n’est pas suspendue en raison du contrôle judiciaire.

90        Translink Security Management Ltd. v. Canadian Office and Professional Employees Union, Local 378,(2014), 239 C.L.R.B.R. (2d) 245 (« Translink »), concernait une situation où l’agent négociateur accrédité à l’égard d’un groupe d’employés a donné un avis de négociation, un autre groupe d’employés a demandé l’accréditation à l’égard du même groupe. Étant donné la demande d’un groupe concurrent de devenir l’agent négociateur accrédité, l’employeur a envoyé une lettre à l’agent négociateur accrédité et a adopté la position selon laquelle il n’était pas approprié de poursuivre les négociations jusqu’à ce que la British Columbia Labour Relations Board (BCLRB) détermine qui serait l’agent négociateur accrédité de l’unité de négociation à l’avenir, et il a annulé la prochaine séance de négociations. La BCLRB a conclu que, en invoquant Royal Oak Mines et Maritime Employers Association, l’acte de l’employeur constituait un manquement à l’obligation de négocier de bonne foi.

91        La section locale 401 des TUAC soutient que les circonstances dont je suis saisi sont semblables à celles dans Translink et me renvoie plus précisément au paragraphe 41 où la BCLRB déclare ce qui suit :

[Traduction]

[…] Je conclus particulièrement que la correspondance du 9 novembre 2013 de l’employeur à COPE constitue un refus de négocier, en ce qu’il a annulé unilatéralement les dates de négociation fixées au motif de la demande relative à l’Accord du Partenariat transpacifique, malgré le pouvoir de négociation exclusif de COPE. La suggestion de l’employeur dans cette même correspondance [traduction] « [proposant] une téléconférence avec la Commission des relations de travail afin de demander une directive » ne touche aucunement cette conclusion. L’employeur n’a offert aucune explication de la façon dont la Commission aurait compétence pour tenir une téléconférence et pour fournir une [traduction] « directive » sans qu’elle soit saisie d’une question en litige. L’employeur n’a présenté aucune demande à la Commission pour obtenir une opinion déclaratoire avant d’annuler les dates de négociation.

92        La section locale 401 des TUAC m’a également renvoyé à Chapman v. International Association of Machinists and Aerospace Workers, Beothuck Lodge 1763 (2001), 77 C.L.R.B.R. (2d) 92. Cette affaire concernait une demande de révocation et le refus de l’employeur de négocier jusqu’à ce que la demande soit tranchée. Au paragraphe 15, le Conseil des normes de travail de la Nouvelle-Écosse (« CNTNE ») a conclu que la demande de révocation ne suspendait pas l’obligation de négocier de bonne foi en vertu de la loi applicable.

93        La section locale 401 des TUAC soutient que cette affaire est pareille à Chapman et me renvoie à une partie du paragraphe 29 qui mentionne que l’employeur tardait d’agir, en sachant que l’appui de l’agent négociateur était faible et tentait d’améliorer les possibilités d’une révocation d’accréditation possible.

94        La section locale 401 des TUAC a invoqué Canadian Union of Public Employees, Local 2108 v. Scotia Nursing Homes Ltd.,[1979] NSLRB No. 2491 (« Scotia Nursing Homes »), dans laquelle le CNTNE a conclu qu’un employeur doit faire tout effort raisonnable pour conclure et signer une convention collective jusqu’à ce que l’accréditation du syndicat responsable soit révoquée.

95        À titre de réparation, la section locale 401 des TUAC demande ce qui suit :

a. une déclaration que l’employeur a contrevenu à l’article 106 de la Loi, qui précise l’obligation de négocier de bonne foi;

b. une ordonnance ordonnant l’employeur d'amorcer la négociation collective et aux parties de fixer rapidement des dates et de se rencontrer pour négocier à ces dates;

c. une ordonnance selon laquelle la décision rendue en l’espèce soit distribuée à tous les membres de l’unité de négociation et affichée dans le lieu de travail;

d. un octroi de dommages.

96        À l’appui de la demande d’ordonner la distribution de la décision aux membres de l’unité de négociation, la section locale 401 des TUAC m’a renvoyé à la fois à Northern Telecom et à Translink.

B. Pour le défendeur

97        L’employeur a soutenu que la portée de l’audience consiste à déterminer s’il a manqué à son obligation légale de négocier de bonne foi en vertu de l’article 106 de la Loi.

98        L’employeur accepte que la loi dans ce domaine soit celle établie dans Royal Oak Mines. Il a également soutenu que la question de savoir s’il y a eu manquement à l’obligation de négocier de bonne foi doit être examinée dans le contexte global des négociations. Il a fait valoir qu’un examen du contexte global des négociations en l’espèce permet de conclure qu’il n’a pas manqué à cette obligation.

99        À l’appui de sa position selon laquelle l’obligation de négociation de bonne foi doit être examinée dans son ensemble, l’employeur m’a renvoyé à Alliance de la fonction publique du Canada c. Sénat du Canada,2008 CRTFP 100 (« AFPC »). Plus particulièrement, au paragraphe 37, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») déclare qu’elle doit évaluer avec circonspection une plainte pour négociation de mauvaise foi. La CRTFP a indiqué ce qui suit : « Pour rendre une décision sur le comportement des parties, la Commission doit considérer la relation de négociation entre elles et le contexte des négociations. »

100        L’employeur m’a également renvoyé au paragraphe 40 d’AFPC, où la CRTFP a déclaré ce qui suit :

L’obligation de négocier de bonne foi doit être envisagée dans le contexte de la réalité des négociations collectives, qui ne se déroulent pas en milieu statique. En effet, le milieu évolue progressivement, et il est susceptible d’être touché par des facteurs externes et internes. L’obligation de négocier de bonne foi ne contraint pas les parties à des positions immuables. Elles doivent plutôt avoir la latitude nécessaire pour rajuster leur comportement au fil du temps et à mesure que change le contexte […]

101        L’employeur a affirmé que le contexte de négociation a changé lorsque la demande de révocation a été déposée. Selon lui, il était logique de reporter les négociations jusqu’à ce que le contexte de négociation soit réglé.

102        Dans Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aéroastronautique, section locale 2309 c. Nordair limitée,(1985), 60 di 55 (« Nordair »), le CCRI a traité une allégation de manquement à l’obligation de négocier de bonne foi en cours de négociation. L’employeur dans cette affaire a suspendu les négociations au motif que les parties étaient dans une impasse. De plus, un agent négociateur concurrent a demandé la révocation de l’accréditation de l’agent négociateur afin qu’il devienne le nouvel agent négociateur de l’unité de négociation en cause. Le CCRI a tenu une audience sur la plainte de l’agent négociateur selon laquelle l’employeur a manqué à son obligation de négocier de bonne foi.

103        Dans Nordair, même si le groupe concurrent tentant de révoquer l’accréditation n’a pas eu gain de cause, le CCRI n’a pas réprimandé l’employeur relativement à son comportement dans les circonstances; il n’a pas non plus déclaré que l’employeur avait manqué à son obligation légale de négocier de bonne foi lorsqu’il a suspendu les négociations compte tenu d’une demande de révocation d’accréditation potentielle.

104        Dans ses motifs, le CCRI a fait allusion au fait que la question de la révocation de l’accréditation avait créé un obstacle aux négociations. Ce n’est qu’une fois la question de la révocation de l’accréditation réglée qu’il a encouragé les parties à reprendre immédiatement les négociations. L’employeur a fait valoir que les faits en l’espèce étaient semblables à ceux de Nordair.

105        L’employeur a soutenu qu’après un examen des facteurs liés à l’obligation de négocier de bonne foi établis dans Chapman, il a réellement respecté ou fait ce qu’il devait faire pour respecter ses facteurs. Il a indiqué avoir fait ce qui suit :

· il a reconnu la section locale 401 des TUAC à titre d’agent négociateur exclusif de l’unité de négociation;

· il a rencontré la section locale 401 des TUAC;

· il a négocié avec la section locale 401 des TUAC;

· il a agi avec l’intention de conclure, de réviser ou de renouveler une convention collective avec la section locale 401 des TUAC;

· il a fait tout effort raisonnable pour conclure une convention collective avec la section locale 401 des TUAC;

· il a participé à une négociation entière, rationnelle et éclairée avec la section locale 401 des TUAC;

· il a fourni à la section locale 401 des TUAC les renseignements demandés;

· il n’a pas été fait preuve de tromperie à l’égard de la section locale 401 des TUAC;

· il n’a pas participé à une négociation de façade avec la section locale 401 des TUAC.

106        L’employeur a déclaré avoir demandé à la Commission de lui donner une directive et, selon cette directive, les parties devaient trancher la question elles-mêmes. La Commission a fait preuve de retenue lorsqu’elle ne s’est pas interposée auprès des parties. En demandant à la Commission de lui donner une directive, l’employeur a agi de bonne foi. L’employeur l’a demandé et elle lui a été fournie. Dans cette directive, la Commission ne pouvait avoir comme motif que l’une des parties soit en situation de manquement à ses obligations. L’employeur a fait valoir qu’une mauvaise interprétation de la directive de la Commission serait contraire à l’intention de la Commission et contraire à son rôle à titre d’organisme de supervision des négociations entre les parties.

107        L’employeur a déclaré que pendant la téléconférence du 13 novembre 2015, le Syndicat et l’employeur ne pouvaient pas s’entendre quant à savoir s’il était approprié de suspendre ou de poursuivre les négociations compte tenu de la demande de révocation. En conséquence, la plainte a été déposée. L’employeur est d’avis que l’acte de déposer la plainte, étant donné le rôle de la Commission, conformément à ce qui est établi dans AFPC, semble être une tentative de la section locale 401 des TUAC de se servir de la Commission pour moduler l’équilibre de pouvoir entre les parties afin d’exercer des pressions sur l’employeur en vue de poursuivre les négociations, malgré le fait que la Commission avait accordé à l’employeur la liberté de poursuivre ou non les négociations, compte tenu des circonstances.

108        Le rôle des parties ne consiste pas à utiliser la Commission à une fin illicite et le rôle de la Commission ne consiste pas à induire les parties en erreur.

109        Selon l’employeur, la section locale 401 des TUAC a fait valoir qu’en reportant les négociations, l’employeur avait permis aux employés de l’unité de négociation de déterminer si les négociations devraient se poursuivre, contrairement à la lettre en date du 10 novembre 2015 de la Commission qui indiquait clairement que cette décision relevait de l’employeur et de la section locale 401 des TUAC. La seule preuve concernant la suggestion de reporter les dates de négociation est la téléconférence du 13 novembre 2015.

110        En ce qui concerne Hotels, Clubs, Restaurants & Tavern Employees’ Union Local 261 v. Boretos & Tsotsos, de poursuivre les activités comme dans Nicholson’s Restaurants, Steak House & Tavern, [1980] OLRB Rep. March 343, (« Nicholson’s »), l’employeur soutient que la section locale 401 des TUAC a tenté de faire une distinction entre cette décision et celle en l’espèce puisque les faits se distinguent facilement. Toutefois, selon l’employeur, même si les faits diffèrent, les conclusions dégagées sont analogues.

111        L’employeur a fait valoir que la médiation et les négociations collectives constituent des processus volontaires et que les parties sont libres de les prévoir, d’y assister ou de les reporter à leur gré. Dans Nicholson’s, l’employeur n’avait pas assisté à la médiation et, en l’espèce, l’employeur a suggéré de reporter les dates de négociation de novembre. La Commission des relations de travail de l’Ontario a conclu que le seul refus de l’employeur de se rencontrer aux fins d’une médiation volontaire ne suffisait pas pour constituer un manquement à l’obligation de négocier de bonne foi. Selon la position de l’employeur, la décision de reporter les dates de négociation prévues librement des 24 et 25 novembre 2015, ne justifie pas de conclure au manquement à l’obligation de négocier de bonne foi.

112        L’employeur a fait valoir qu’il lui était raisonnable de conclure que la demande de révocation aurait pu être appuyée par la majorité de l’unité de négociation et que, par conséquent, il y aurait eu une incidence sur le caractère de représentation de la section locale 401 des TUAC vis-à-vis l’unité de négociation. Selon l’employeur, le contexte de négociation en a été modifié et l’a amené à demander une directive de la Commission.

113        La section locale 401 des TUAC a laissé entendre que la décision de l’employeur de suspendre les négociations lui avait causé un préjudice, ainsi qu’aux employés, et que ce préjudice indique que les actes de l’employeur équivalent à un manquement à son obligation de négocier de bonne foi. Cette prétention est fausse puisqu’elle suppose que les parties seraient parvenues à une convention provisoire et auraient achevé leurs négociations pendant la séance prévue en novembre 2015. La preuve découle du fait que les employés de l’unité de négociation qui, en raison du temps écoulé, étaient d’avis que la section locale 401 des TUAC était faible, étaient frustrés par le manque d’augmentations salariales auxquelles ils auraient pu avoir droit si les négociations avaient été achevées. Ces conclusions ne permettent pas d’établir un manquement à l’obligation de négocier de bonne foi.

114        Peu importe si les parties s’étaient rencontrées en novembre 2015, il est impossible de savoir si elles seraient parvenues ou non à une entente et, le cas échéant, si les membres de l’unité de négociation l’auraient ratifiée. Si elles avaient négocié et n’étaient pas parvenues à une entente, les membres seraient encore sans augmentation de salaire. Le préjudice allégué qui ressort du témoignage des témoins de la section locale 401 des TUAC ne constitue pas une preuve que l’employeur a manqué à son obligation de négocier de bonne foi; il constitue uniquement une preuve que deux membres auraient souhaité que les négociations aboutissent afin qu’ils reçoivent des augmentations de salaire et des paiements rétroactifs.

115        Les préjudices que la section locale 401 des TUAC allègue avoir subis découlent tous du retard à résoudre la demande de révocation et non de la décision initiale de suspendre les négociations. À l’heure actuelle, la demande de révocation demeure non résolue en ce qu’un scrutin secret n’a pas été mené pour évaluer la volonté des membres et la Commission ne l’a pas rejetée. L’employeur n’a aucun contrôle sur la demande de révocation, qui est toujours en instance, et il n’est pas une partie à la procédure. Il serait inapproprié de tenir l’employeur responsable du retard dans le contexte de cette plainte.

116        Pour ce qui est de l’allégation de la section locale 401 des TUAC selon laquelle l’utilisation du terme « provisoire » dans la correspondance de l’employeur avec la Commission au sujet des dates de négociation en novembre 2015 a induit la Commission en erreur quant au caractère des dates de négociation, l’employeur a soutenu que la section locale 401 des TUAC n’a présenté aucune preuve pour étayer cette allégation et Mme Stevens a confirmé que l’employeur n’avait pas l’intention d’induire la Commission en erreur.

117        La section locale 401 des TUAC a laissé entendre que l’employeur, au moment de décider si les négociations prévues en novembre 2015 devaient être annulées, a accordé plus de poids à la seule lettre de M. Lala que le poids qu’il a accordé à tous les autres facteurs, tel qu’ils ont été présentés à l’audience. L’employeur a soutenu que Mme Stevens avait indiqué que la lettre de M. Lala ne constituait que l’un des facteurs parmi tant d’autres et que la section locale 401 des TUAC n’avait présenté aucune preuve à l’appui de son affirmation, autre que la preuve conjecturale présentée par M. Zigart, M. Rattai et Mme Van Hees.

118        Northern Telecom, Maritime Employer’s Association et Shaw Communications Inc. sont toutes distinctes. Dans toutes ces décisions, une partie avait carrément refusé de rencontrer l’autre partie en attendant l’issue d’une procédure juridique connexe, à laquelle l’entité qui a refusé était une partie intéressée. L’employeur en l’espèce n’est pas une partie à la procédure de révocation et n’y a aucun intérêt direct et n’y tire aucun gain direct.

119        En ce qui concerne Chapman, la relation de négociation était relativement jeune et les retards ont placé l’agent négociateur dans une situation particulièrement vulnérable en ce qui concerne la demande de révocation d’accréditation. En l’espèce, les parties ont une relation de négociation bien établie et elles ont renouvelé plusieurs conventions collectives au cours d’une période de 30 ans. Contrairement aux faits dans Chapman, les retards n’ont pas placé la section locale 401 des TUAC dans une situation plus vulnérable en ce qui concerne la révocation d’accréditation.

120        De plus, dans Chapman, l’employeur n’a pas tenu compte de l’ordonnance de la commission des relations de travail voulant qu’il poursuive les négociations face à une demande de révocation d’accréditation. De toute évidence, ce n’est pas le cas en l’espèce puisque la Commission a laissé le choix aux parties de déterminer si elles devaient suspendre ou poursuivre les négociations et elle n’a rendu aucune ordonnance.

121        Dans Translink, l’employeur a décidé de suspendre les négociations compte tenu de la tentative d’un autre agent négociateur de suspendre les négociations. Il a invoqué l’article 32 de la British Columbia Labour Code ([RSBC 1996], chapitre 244; (le « BC Code »),en faisant valoir que la loi lui permettait de refuser de négocier.

122        Contrairement à l’affaire en l’espèce, dans Translink, l’employeur n’a pas demandé à la commission des relations de travail pertinente de lui donner une directive avant d’agir. L’employeur m’a renvoyé au paragraphe 41 de Translink, qui indique que même si l’employeur dans cette affaire a demandé une téléconférence avec la commission des relations de travail, il ne lui a pas demandé une opinion déclaratoire quant à son interprétation de l’article 32 du BC Code. En l’espèce, l’employeur a demandé à la Commission de lui donner une directive et celle-ci ne lui a ni recommandé ni ordonné que ses obligations en vertu de l’article 106 de la Loi l’obligeraient à poursuivre les négociations collectives compte tenu de la demande de révocation.

123        L’employeur a soutenu que si une décision de suspendre ou de reporter les négociations constitue un manquement manifeste à l’obligation de négocier de bonne foi, conformément à l’article 106 de la Loi, la correspondance de la Commission aurait dû l’indiquer dans le cadre d’une directive. Ce qu’elle n’a pas fait.

124        L’employeur ne refuse pas de reconnaître la section locale 401 des TUAC ou de négocier avec celle-ci; il ne refuse pas non plus de négocier ou de conclure une convention collective renouvelée. Les parties se sont réunies et ont participé à des négociations officielles qui se sont avérées fructueuses. Depuis 2002, les parties ont toujours été en mesure de conclure une convention renouvelée au moyen d’un règlement mutuellement acceptable. L’employeur a l’intention de reprendre les négociations une fois que le contexte de négociation est clarifié.

125        L’employeur a déclaré qu’il n’avait pas l’intention ou n’estimait pas que sa décision de suspendre les négociations soit perçue comme un acte visant à miner la section locale 401 des TUAC ou à manquer à l’obligation de l’employeur de négocier de bonne foi.

126        Le comportement de l’employeur se distingue du comportement des employeurs dans les affaires invoquées par la section locale 401 des TUAC. Plus important encore, lorsque l’employeur a reçu la demande de révocation, il n’a pas décidé unilatéralement de suspendre sa participation aux négociations; il a présenté, de bonne foi, une demande à la Commission pour savoir comment procéder. La Commission a suggéré que les parties règlent la question plutôt que d’intervenir. Dans les affaires invoquées par la section locale 401 des TUAC, pas un employeur n’a demandé une directive de la part de leur commission des relations de travail respective; ils n’ont pas non plus été encouragés par ces commissions à déterminer eux-mêmes s’il était approprié de suspendre ou de poursuivre les négociations en attendant l’issue d’une procédure connexe.

127        L’employeur demande que la plainte soit rejetée.

128        Dans l’éventualité où la plainte était accueillie, l’employeur a demandé à ce que la demande visant à distribuer des copies de la décision soit rejetée puisqu’il s’agit d’une mesure excessive dans les circonstances.

129        L’employeur a déclaré que la section locale 401 des TUAC n’avait pas répondu aux exigences visant l’octroi de dommages, et il a souligné que si la plainte était accueillie, la demande de dommages devrait être rejetée.

C. La réplique de la plaignante

130        Les raisons de l’employeur selon lesquelles il avait satisfait aux exigences relatives à l’obligation de négocier de bonne foi, ont été établies avant le changement des circonstances qui sont survenues en novembre 2015. La section locale 401 des TUAC ne prétend pas que l’employeur ne s’acquittait pas de l’obligation en tout temps, mais que lorsque les circonstances ont changé, les actes de l’employeur ont changé alors que l’obligation de négocier de bonne foi existait encore.

131        La Commission n’avait sûrement pas l’intention que l’une ou l’autre des parties soit mise dans une situation d’illégalité.

132        En ce qui concerne Nordair, les circonstances de cette décision étaient très différentes.

133        Dans Nicholson’s, encore une fois, la situation est différente en ce que l’affaire portait sur des négociations serrées.

134        Dans CKLW, l’agent négociateur n’a fait aucun effort pour reprendre les négociations.

IV. Motifs

135        La seule question dont je suis saisi est celle de savoir si l’employeur a manqué à son obligation de négocier de bonne foi en vertu de l’article 106 de la Loi.

136        Les parties avaient une relation de longue date et, jusqu’à l’automne 2015, elle semblait bonne en général. La convention collective régissant leur relation est venue à échéance en 2015 et la section locale 401 des TUAC a signifié son avis de négocier le 4 mars 2015. Des séances de négociation ont été prévues par les parties en septembre 2015. Les parties se sont rencontrées aux dates prévues et semblaient être parvenues à une entente relativement à toutes les questions non pécuniaires. Le 18 septembre 2015, le dernier jour de négociation pendant les séances de septembre, la section locale 401 des TUAC a remis à l’employeur sa proposition écrite visant les questions pécuniaires, les parties ont convenu de se rencontrer une autre fois et elles ont fixé la prochaine séance de négociation aux 24 et 25 novembre 2015, à Edmonton. Des salles de réunion à l’hôtel ont été réservées au cours des dernières semaines suivant le dernier jour de la séance de négociation de septembre.

137        Le 26 octobre 2015, la demande Lala concernant la révocation de l’accréditation de la section locale 401 des TUAC (dossier de la CRTEFP 550-18-10) a été reçue par la Commission.

138        Le 4 novembre 2015, après avoir reçu la demande, l’employeur a écrit à la Commission et l’a informé que les parties avaient fixé des dates « provisoires » de négociation. Il a également demandé à la présidente de la Commission de lui donner des directives quant à savoir si les parties devraient suspendre temporairement les négociations et annuler les dates « provisoires » de réunion jusqu’à l’issue de la demande. La lettre en date du 4 novembre 2015 de l’employeur a été acheminée à la section locale 401 des TUAC et à M. Lala.

139        Le 10 novembre 2015, la Commission a envoyé une lettre aux parties et à M. Lala soulignant que la présidente avait décidé qu’il incombait aux parties de déterminer si elles devraient suspendre ou poursuivre leurs négociations à la lumière de la demande de révocation de l’accréditation de la section locale 401 des TUAC. Le même jour, quelques heures après avoir reçu la lettre de la Commission, M. Lala a envoyé une lettre à l’employeur, à la Commission et à la section locale 401 des TUAC, dans laquelle il a indiqué qu’il préférait qu’il soit mis fin à toute négociation collective.

140        Après avoir reçu la lettre en date du 10 novembre 2015 de la Commission, l’employeur et la section locale 401 des TUAC ont échangé des courriels dans lesquels la section locale 401 des TUAC a déclaré qu’il était d’avis que les négociations collectives devraient se poursuivre comme prévu les 24 et 25 novembre 2015, renvoyant l’employeur aux dispositions applicables de la Loi. Suite à l’échange, l’employeur et la section locale 401 des TUAC ont tenu une téléconférence le 13 novembre pour discuter de la question, au cours de laquelle la section locale 401 des TUAC a réitéré sa position.

141        L’employeur a décidé qu’il ne participerait pas aux négociations antérieurement convenues qui devaient avoir lieu les 24 et 25 novembre 2015, et il a communiqué sa position par écrit dans un courriel envoyé le 13 novembre 2015. Dans le courriel, auquel était jointe la lettre du même jour, Mme Stevens, qui a également rédigé la lettre, a indiqué ce qui suit : [traduction] « Les dates fixées des 24 et 25 novembre seront annulées, afin d’être fixé de nouveau, au besoin, à l’issue de la demande. » La lettre indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La Commission […] a informé les parties qu’il incombait à l’employeur et à l’agent négociateur de déterminer s’ils devraient suspendre ou poursuivre les négociations. Après la directive de la Commission, le demandeur, M. Ajay Lala, a demandé aux parties de cesser les négociations jusqu’à ce que la question de la demande soit réglée.

Conformément à votre courriel en date du 11 novembre 2015, dans lequel vous demandez que l’employeur indique son acquiescement ou son opposition à conserver les dates de négociations fixées (les 24 et 25 novembre), l’employeur souhaite reporter les dates de négociation fixées jusqu’à la résolution de la demande. En tenant compte de la correspondance de la Commission, de la demande du demandeur, ainsi que des préférences de l’agent négociateur, nous estimons qu’il serait inapproprié de poursuivre les négociations avant le règlement de la demande. Nous fixerons de nouveau les dates de négociations, tel qu’il est requis, immédiatement après l’issue de la demande.

[…]

142        Aucune négociation n’a été tenue les 24 et 25 novembre 2015 et, à la date de l’audience, l’employeur a maintenu sa position de ne pas retourner à la table de négociation.

143        L’article 106 de la Loi prévoit ce qui suit :

                   […]

106 Une fois l’avis de négociation collective donné, l’agent négociateur et l’employeur doivent sans retard et, en tout état de cause, dans les vingt jours qui suivent ou dans le délai éventuellement convenu par les parties :

a) se rencontrer et entamer des négociations collectives de bonne foi ou charger leurs représentants autorisés de le faire en leur nom;

b) faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective.

                   […]

144        L’employeur m’a renvoyé à AFPC, qui établit le principe selon lequel le comportement des parties doit être pris en considération dans le cadre de l’examen de la relation de négociation et du contexte des négociations. Le contexte en l’espèce n’est pas complexe. Il existe une relation de longue date (plus de 30 ans) que l’employeur a ignorée; l’employeur a carrément refusé de négocier. Il ne s’agit pas d’une affaire qui compte de nombreuses questions difficiles à trancher à la table de négociation, comportant beaucoup de concessions mutuelles ou d’échanges de renseignements. Il ne ressort aucunement de la preuve qu’une situation d’impasse est survenue dans le cadre des négociations ni qu’une situation semblable est survenue et l’employeur n’a pas fait valoir cet argument. En fait, le contraire est vrai, c’est-à-dire que les parties ont négocié rapidement et efficacement toutes les questions non pécuniaires. Il s’agit tout simplement d’un refus de négocier au motif qu’une demande de révocation a été déposée et qu’elle demeure non résolue.

145        L’employeur a soutenu que Nicholson’s établit le principe selon lequel la négociation collective est comme la médiation, en ce qu’il s’agit d’un processus volontaire et que les parties sont libres de prévoir ou de reporter les séances ou d’y assister à leur gré. Je suis en désaccord. Selon la Loi, la négociation collective n’est pas un processus volontaire dans le contexte qu’elle a été soutenue par l’employeur; le libellé de la Loi est obligatoire. L’article 106 énonce que l’employeur et l’agent négociateur doivent sans tarder se rencontrer et négocier de bonne foi. Même si la négociation revêt un caractère volontaire, il existe lorsque les parties s’entendent.

146        La jurisprudence est également claire en ce que l’obligation de négocier de bonne foi exige de l’employeur et de l’agent négociateur, une fois que l’avis de négociation est signifié, qu’ils se rencontrent et qu’ils négocient collectivement de bonne foi et fassent tout effort raisonnable pour conclure une convention collective. L’obligation n’est pas abrogée par les actes comme des grèves ou des lock-out ni même par une demande de révocation de l’accréditation de l’agent négociateur. (Voir Shaw, Maritime, Northern Telecom, Translink, Chapman et Scotia Nursing Homes)

147        L’employeur a soutenu que l’obligation de négocier de bonne foi peut être suspendue lorsqu’une demande de révocation est en instance, conformément à Nordair. L’employeur a fait valoir que le CCRI a fait allusion au fait que la demande de révocation a créé un obstacle aux négociations. Je ne souscris pas à l’argument selon lequel Nordair établit ce principe. Dans Nordair, l’agent négociateur a allégué que l’employeur avait manqué à son obligation de négocier de bonne foi lorsqu’il a refusé de rencontrer l’agent négociateur. Le CCRI a rejeté la plainte parce que les faits permettaient d’établir que l’employeur avait refusé de rencontrer l’agent négociateur uniquement lorsque les parties se trouvaient dans une impasse dans le cadre de leurs négociations. Il est ressorti de la preuve que l’agent négociateur avait clairement indiqué que l’offre de l’employeur n’était pas acceptable et qu’il avait dirigé ses membres à déclencher une grève. Étant donné ces circonstances, le CCRI a conclu qu’il n’était pas déraisonnable pour l’employeur de conclure à l’existence d’une impasse qui rendait impossible la conclusion d’une convention collective (voir Nordair,au paragr. 7). Cela ne découlait pas de la demande de révocation. Le CCRI s’est prononcé en ces termes :

                   […]

Les deux parties ont reconnu que l’obligation de négocier de bonne foi subsistait pendant une grève ou un lock-out. Ce point a été souligné dans les décisions rendues par le présent Conseil dans CKLW Radio Broadcasting Limited […] General Aviation Services Limited […]).

Les deux parties ont également reconnu que le processus de la négociation changeait radicalement dès que l’une d’entre elles recourait à des sanctions économiques contre l’autre. L’obligation générale de négocier demeure, mais, le moins que l’on puisse dire, c’est que les parties sont en état de guerre […]

[…]

En ce qui concerne les négociations de bonne foi, le Conseil, dans des affaires antérieures, s’est penché sur la question des négociations dites de surface par opposition aux négociations serrées […] ou sur le refus de se rencontrer […]

Ici, nous avons affaire à cette dernière catégorie. Nordair n’a pas caché son refus de négocier. Il prétend que son refus était justifié pour les raisons que nous avons vues plus haut.

La question du refus de négocier dans une impasse a déjà été traitée.

Dans CKLW Radio Broadcasting Limited, supra, le Conseil avait déclaré :

« […], mais étant donné que le syndicat n’avait pas changé d’attitude, l’employeur n’était pas obligé de le rencontrer. Des pressions économiques étaient exercées et les deux parties en supportaient les conséquences. En l’absence d’une indication de changement de position, un refus de rencontrer l’autre partie n’était pas contraire au Code. »

[…]

« […] Durant l’application de pressions économiques, il n’est pas nécessaire de continuer le dialogue si rien n’indique ou ne laisse entendre qu’il produira un déplacement quelconque des dernières positions adoptées par les parties. »

[…]

À notre avis, le principe exposé dans les deux décisions susmentionnées est encore valable aujourd’hui. L’obligation de négocier de bonne foi n’est pas futile. L’objectif, c’est de conclure une convention collective. S’il est clair que la négociation est vouée à l’échec, rien n’oblige les parties à se rencontrer ou à entamer le dialogue.

[…]

148        L’employeur a soutenu qu’il s’était acquitté de tous les aspects de l’obligation de négocier de bonne foi, conformément à ce qui est indiqué dans Chapman. Je suis en désaccord. L’obligation de négocier de bonne foi est une obligation continue. Bien que l’employeur se soit acquitté de ces aspects de l’obligation à compter du moment où l’avis de négociation a été donné jusqu’à ce qu’il ait décidé de suspendre les négociations, sa décision unilatérale de suspendre ou d’annuler les négociations n’est pas exemptée en raison de son adhérence antérieure à ces aspects qui définissent l’obligation de négocier de bonne foi. À compter du 14 novembre 2015, on ne peut dire que l’employeur a effectué ce qui suit :

· il a continué de reconnaître la section locale 401 des TUAC comme l’agent négociateur exclusif de l’unité de négociation; parce qu’il a indiqué expressément qu’il attendait l’issue de la demande Lala afin de savoir si la section locale 401 des TUAC est encore l’agent négociateur reconnu;

· il a rencontré l’agent négociateur (la section locale 401 des TUAC) et négocié avec ce dernier, puisqu’il a refusé unilatéralement de le rencontrer les jours de négociations fixés en novembre 2015 et il a continué de refuser de rencontre l’agent négociateur reconnu et de négocier avec celui-ci;

· il a agi avec l’intention d’achever la révision ou le renouvellement d’une convention collective puisqu’il a indiqué qu’il ne rencontrera l’agent négociateur uniquement si et quand la demande Lala est résolue et si la section locale 401 des TUAC demeure l’agent négociateur;

· il a fait tout effort raisonnable pour conclure une convention collective puisqu’il a affirmé qu’il ne retournerait pas à la table de négociation avant l’issue de la demande de révocation Lala et qu’il rencontrerait la section locale 401 des TUAC uniquement si la demande Lala est rejetée et qu’il ferait uniquement un effort à ce moment-là pour conclure une convention collective;

· il a participé à une négociation entière, rationnelle et éclairée avec la section locale 401 des TUAC puisqu’il a refusé de négocier.

149        Mme Stevens a indiqué que l’employeur avait tenu compte de nombreux facteurs lorsqu’il a décidé s’il devait poursuivre les négociations aux dates fixées en novembre 2015. Toutefois, en interrogatoire principal, elle n’a décrit que les quatre facteurs suivants :

· le 10 novembre 2015, le courriel de M. Lala dans lequel il demande que les parties cessent de négocier en attendant l’issue de la demande Lala;

· la position de la section locale 401 des TUAC, selon laquelle les séances de négociation des 24 et 25 novembre 2015 devraient se poursuivre comme prévu;

· le règlement rapide de la demande Lala;

· la lettre en date du 10 novembre 2015 de la Commission.

150        Toutefois, Mme Stevens est allée plus loin dans le cadre de son interrogatoire principal et a déclaré que le facteur auquel l’employeur avait accordé la [traduction] « majorité du poids », au moment de déterminer s’il devait poursuivre les négociations, était le règlement rapide de la demande Lala. Cependant, elle a ensuite déclaré que les deux facteurs les plus importants pour l’employeur dans le cadre de sa décision étaient la lettre en date du 10 novembre 2015 de la Commission et le fait que l’employeur croyait que la demande Lala serait tranchée rapidement. Ensuite, en contre-interrogatoire, elle a modifié son témoignage en affirmant que le fait que l’employeur croit que la demande Lala serait tranchée rapidement ne constituait pas l’un des facteurs pris en considération pour décider s’il assisterait à la séance de négociation.

151        Mme Stevens a déclaré que la lettre de la Commission en date du 10 novembre 2015, constituait un facteur de la décision de l’employeur de suspendre les négociations collectives. Je suis d’accord avec la section locale 401 des TUAC pour dire que la lettre de la Commission n’est rien de plus qu’un faux-fuyant. Mme Stevens a admis en contre-interrogatoire qu’elle n’avait pas dit aux parties d’attendre l’issue de la demande Lala avant de continuer les négociations; elle ne lui a pas dit non plus que l’employeur était libéré de ses obligations prévues par la Loi. Mme Stevens a admis que la Commission n’a, en aucun temps, donné une indication quelconque que l’employeur était libéré de son obligation de négocier de bonne foi. En bref, la lettre de la Commission n’a aucunement modifié le contexte de négociation après le 10 novembre 2015 par rapport au contexte avant cette date.

152        Par conséquent, même si Mme Stevens a affirmé que l’employeur avait tenu compte de nombreux facteurs, à la fin de son témoignage, il ressort de la preuve dont je suis saisi qu’il n’a tenu compte que de deux facteurs : soit la demande de M. Lala de cesser de négocier et la demande de la section locale 401 des TUAC de respecter les séances de négociation prévues.

153        Dans la lettre ou l’affiche Lala, M. Lala a prétendu qu’il était la source de la cession de négociation et non l’employeur et, par coïncidence, l’employeur a soutenu dans son argumentation que la demande Lala avait causé le retard dans la négociation.

154        L’employeur a soutenu que la demande Lala ne relevait pas de son contrôle et qu’il n’y est pas une partie. Cela est censé être le cas. En fait, la réponse de Mme Stevens en contre-interrogatoire à la question de savoir pourquoi elle n’avait pas envoyé une lettre à la Commission (après avoir reçu sa lettre en date du 13 janvier 2016, qui indiquait que la demande Lala ne comprenait pas les éléments de preuve nécessaires à l’appui de 40 % des membres de l’unité de négociation). Toutefois, du même souffle, Mme Stevens a admis avoir participé à la téléconférence préparatoire à l’audience portant sur cette question tenue avec la section locale 401 des TUAC et M. Lala, au cours de laquelle ils n’ont pas discuté du tout de la négociation collective, mais de la demande de révocation. Je conclus que ces éléments de preuve et ses arguments constituent à la fois une preuve intéressée et sans fondement.

155        Il semble que lorsqu’il était opportun, l’employeur ignorait la demande Lala mais, à d’autres occasions, ses empreintes y figuraient en combinant habilement la question de négociations collectives (un processus propre à l’employeur et à la section locale 401 des TUAC) et la demande Lala (un processus propre à la section locale 401 des TUAC et les membres de l’unité de négociation.).

156        M. Lala n’est pas une partie à la négociation collective et l’employeur n’est pas une partie à la demande de révocation. Toutefois, l’employeur a initié le regroupement de ces questions mutuellement exclusives dans sa lettre en date du 4 novembre 2015 à l’intention de la Commission. Étant donné que cette lettre, bien qu’elle se rapporte exclusivement à la négociation entre la section locale 401 des TUAC, a été rédigée pour traiter le dossier de la demande Lala, elle présente à Commission des questions qui avaient déjà été traitées simultanément devant l’employeur et l’agent négociateur.

157        Il ressort de la preuve dont je suis saisi que le 10 novembre 2015, uniquement quelques heures après l’envoi de la lettre de la Commission, M. Lala a envoyé une lettre à tout le monde et a demandé qu’il soit mis fin aux négociations. L’employeur a non seulement tenu compte de cette demande, il est également évident que cet élément était déterminant lorsque l’employeur a examiné ses options pour décider s’il continuerait de négocier avec la section locale 401 des TUAC. Il a été mis fin aux négociations parce que l’employeur a décidé de ne pas assister aux séances et de ne pas négocier les 24 et 25 novembre 2015. Mme Stevens a affirmé qu’elle et M. Scales avaient pris la décision d’annuler les négociations.

158        Deux membres de la section locale 401 des TUAC ont indiqué qu’ils croyaient que les membres percevaient le syndicat comme étant faible en raison du fait qu’il avait été mis fin aux négociations. Ils ont également mentionné le manque d’augmentation de salaire (une question qui est habituellement considérée comme importante pour les employés). L’employeur a fait valoir que ces éléments de preuve étaient conjecturaux. Je suis en désaccord. Mme Van Hees et M. Rattai ont tous les deux témoigné quant à leur croyance personnelle, ce qui ne constitue certainement pas une conjecture. Ils ont également fait part de renseignements qui leur ont été communiqués verbalement et, même s’ils ne pouvaient être corroborés par les personnes qui les auraient dits, ils constituent néanmoins des éléments de preuve. Toutefois, je suis d’avis qu’une preuve réelle n’est pas nécessaire puisqu’une preuve directe n’est pas toujours nécessaire.

159        Fraser c. C.R.T.F.P.,[1985] 2 R.C.S. 455, traitait de la question relative à la critique ouverte d’un fonctionnaire à l’égard de politiques du gouvernement et à l’empêchement perçu de la capacité de cette personne d’exercer ses fonctions à titre de fonctionnaire. La Cour suprême a traité la question relative à la preuve de l’empêchement en la décrivant comme étant assez élastique. Elle a énoncé ce qui suit au paragraphe 48 :

Si on examine l’incidence néfaste dans un sens plus large, je suis d’avis qu’une preuve directe n’est pas nécessairement exigée. Les traditions et les normes contemporaines de la fonction publique peuvent constituer des éléments de preuve directe. Toutefois elles peuvent également être des éléments d’étude, d’argumentation écrite et orale, de connaissance générale de la part d’arbitres qui ont l’expérience du secteur public et enfin, de déductions raisonnables par ces derniers

[…]

160        Dans Tobin c. Canada (Procureur général),2009 CAF 254, lorsqu’elle traitait de la preuve quant à savoir si un comportement donné d’un employé porte atteinte à la réputation de Service correctionnel Canada, la Cour d’appel fédérale a déclaré au paragraphe 62 ce qui suit : « Il en va de même pour la question de savoir si une conduite donnée porte atteinte à la réputation du SCC. Il s’agit d’une question dont le traitement commande une dose de bon sens et de discernement. »

161        Je suis d’avis que ces principes, tels qu’ils ont été établis dans Fraser et Tobin, s’appliquent également dans une affaire comme celle en l’espèce. La preuve quant à l’incidence de la décision de l’employeur de cesser de négocier peut être apprécié non seulement à l’aide des connaissances générales d’arbitres de grief chevronnés du secteur public et ultimement à l’aide de leurs conclusions raisonnables, mais également plus particulièrement par les commissaires de cette commission experte qui sont bien informés et qui exercent des activités dans le domaine du droit du travail canadien.

162        Il est bien reconnu dans le domaine du droit du travail et des relations de travail que l’objectif des agents négociateurs est de représenter des groupes d’employés dans le cadre d’affaires contre leur employeur. Le domaine prééminent de la relation dans le cadre de laquelle l’agent négociateur représente les employés est la négociation de conventions collectives, qui définit la véritable relation de travail. Il va sans dire que si un agent négociateur n’est pas en mesure de négocier avec un employeur ou qu’il semble ne pas être en mesure de le faire, cela serait considéré comme faible et inefficace parce que le fondement du mouvement syndical (l’établissement des agents négociateurs et de la négociation collective) découle de la force de négociation en tant que groupe (d’employés) uni par opposition à chaque employé individuel qui négocie pour son propre compte contre un employeur. L’employeur, par l’intermédiaire de ses représentants, M. Scales et Mme Stevens, aurait dû le savoir.

163        Pendant toute la période en cause, la section locale 401 des TUAC est demeurée l’agent négociateur exclusif de l’unité de négociation. M. Lala n’a pas qualité relativement à la négociation et l’employeur n’aurait pas dû tenir compte de son opinion. L’employeur a une relation de longue date avec la section locale 401 des TUAC, remontant jusqu’en 1985. Dans la convention collective, il reconnaît que la section locale 401 des TUAC est l’agent négociateur exclusif de l’unité de négociation. Plus important encore, en vertu de l’al. 67a) de la Loi, l’accréditation de la section locale 401 des TUAC à titre d’agent négociateur de l’unité de négociation lui a conféré légalement le pouvoir exclusif de négocier collectivement pour le compte des employés de l’unité, à l’égard duquel l’employeur a une obligation de négocier de bonne foi en vertu de l’article 106 de la Loi.

164        L’employeur a non seulement choisi d’accepter la demande de M. Lala de cesser les négociations plutôt que la demande de la section locale 401 des TUAC de poursuivre les négociations (en novembre 2015), mais, après qu’un certain temps se soit écoulé et qu’il était évident de la correspondance du 13 janvier 2016 de la Commission que M. Lala n’avait pas jointe à la demande Lala la preuve requise, laquelle est exigée par la Loi, l’employeur a également maintenu sa position de ne pas négocier avec la section locale 401 des TUAC. Mme Stevens a indiqué que les facteurs pris en considération par l’employeur en novembre 2015 étaient les mêmes qu’en janvier 2016. Toutefois, cela ne résiste pas à un examen minutieux.

165        Mme Stevens a indiqué qu’au départ, lorsque l’employeur a examiné la question de savoir s’il devrait poursuivre les négociations, elle a examiné la Loi et que, par conséquent, elle a déclaré qu’une demande comme la demande Lala ne pouvait être déposée qu’une fois qu’un demandeur avait obtenu l’appui de 40 % des membres. Elle a supposé que M. Lala avait obtenu un appui de 40 % des membres lorsqu’il a déposé sa demande et l’employeur s’attendait à ce que le scrutin soit tenu en décembre. Même si la Loi énonce qu’un demandeur doit obtenir un appui de 40 %, Mme Stevens ne pouvait savoir, d’aucune manière que ce soit, si c’était véritablement le cas, puisque la Commission n’avait rendu aucune décision relativement à la demande.

166        Même si cette supposition est quelque peu naïve, si je l’accepte comme véridique, il serait également véridique que, sans aucun doute, au 13 janvier 2016, la Commission avait examiné la demande Lala et avait envoyé une lettre à M. Lala (ainsi que des copies à la section locale 401 des TUAC et à l’employeur) et qu’elle avait déclaré que les documents fournis relativement à la preuve de l’appui de 40 % étaient insuffisants. Mme Stevens a admis que l’employeur n’avait aucune idée quant au niveau d’appui de la demande de révocation, en reconnaissant que ce pouvait être peu ou pas du tout; elle ne le savait pas. Ce qui est également évident, tant au 13 novembre 2015 qu’au 13 janvier 2016, est que le prédécesseur de la Commission avait accordé à la section locale 401 des TUAC l’accréditation en tant qu’agent négociateur exclusif de l’unité de négociation et cela constitue un fait incontestable.

167        Étant donné toutes mes constatations, je conclus que l’employeur a contrevenu à l’article 106 de la Loi et qu’il a manqué à son obligation légale de négocier de bonne foi.

A. La nature trompeuse de la lettre du 4 novembre 2015 de l’employeur

168        La section locale 401 des TUAC a fait valoir que la lettre en date du 4 novembre 2015 de l’employeur était de nature trompeuse, surtout en ce qui concerne la nature des dates de négociation prévues des 24 et 25 novembre 2015. L’employeur a utilisé les termes « provisoire » et « provisoirement » pour présenter les faits à la Commission. L’employeur a soutenu que la section locale 401 des TUAC n’avait présenté aucune preuve permettant d’établir qu’il avait fait preuve de tromperie et que le témoignage de Mme Stevens ne visait pas à induire la Commission en erreur. Je suis incapable de suivre l’argument de l’employeur. Il ressort clairement de la preuve que les dates de la séance de négociation des 24 et 25 novembre 2015 n’étaient certainement pas provisoires. Mme Stevens a indiqué qu’elle était d’avis qu’elles étaient définitives et non provisoires. Toutefois, selon sa description de son interprétation du terme « provisoire » il s’agissait de [traduction] « jusqu’à ce que je descende de l’avion ». Elle considérait ces dates comme provisoires puisqu’elles pouvaient être annulées.

169        Selon la définition prévue au Canadian Oxford Dictionary le terme « provisoire » s’entend de [traduction] « fait de manière temporaire, expérimentale, hésitante, non définitive ». La lettre en date du 4 novembre 2015 est manifestement trompeuse. Même si Mme Stevens n’a pas renvoyé aux dates de novembre 2015 comme étant des dates provisoires dans ses discussions téléphoniques avec le greffe de la Commission, elle a clairement utilisé les termes [traduction] « provisoire » et « provisoirement » dans la lettre en date du 4 novembre 2015, laquelle a été rédigée aux fins de signature par M. Scales, lorsque l’employeur a demandé une directive de la Commission.

170        Étant donné que j’ai conclu que la lettre en date du 10 novembre 2015 de la Commission n’était pas déterminante des actes de l’employeur lorsqu’il a décidé s’il devrait continuer de négocier, le fait que la lettre en date du 4 novembre 2015 était trompeuse est en grande partie non pertinent. Cependant, ce fait, en plus de ma conclusion selon laquelle l’employeur a contrevenu à l’article 106 de la Loi,dans le contexte de tous les autres actes de l’employeur dans ses interactions avec la section locale 401 des TUAC relativement à la négociation, contribue à la nature déconcertante de la conduite générale de l’employeur.

B. Demande de dommages

171        Même si la section locale 401 des TUAC a fait valoir que je dispose du pouvoir discrétionnaire pour octroyer des dommages, la section locale 401 des TUAC n’a présenté aucune preuve de dommages et, par conséquent, dans la mesure où je dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour octroyer des dommages, je refuse d’exercer ce pouvoir discrétionnaire.

172        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

173        Je déclare la plainte fondée.

174        Je déclare que l’employeur a contrevenu à l’article 106 de la Loi, notamment l’obligation de négocier de bonne foi.

175        J’ordonne à l’employeur de communiquer, dans les deux jours ouvrables suivant la date de cette décision, avec la section locale 401 des TUAC et de fixer des dates pour poursuivre la négociation collective.

176        J’ordonne à l’employeur, dans les deux jours ouvrables suivant la date de cette décision, d’afficher bien en vue la présente décision dans tous les lieux de travail à la BFC d’Edmonton où travaillent les membres de l’unité de négociation, y compris, sans toutefois s’y limiter, les emplacements suivants :

· toutes les salles à manger;

· le stade Twin Rinks;

· le club de golf et le bar-salon;

· le club de curling et le bar-salon;

· le magasin des alcools;

· la station d’essence;

· l’Express Mart;

· le CANEX.

177        J’ordonne à l’employeur de distribuer, dans les sept jours ouvrables suivant la date de la présente décision, des copies de la présente décision à tous les membres de l’unité de négociation.

178        Je demeurerai saisi de ce grief dans l’éventualité où des questions surviennent de la mise en application de mon ordonnance.

179        Je n’octroie aucun dommage.

Le 28 juin 2016.

Traduction de la CRTEFP

John G. Jaworski,
une formation de la Commission des relations de travail
et de l’emploi dans la fonction publique
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