Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La question consiste à déterminer si la convention collective oblige le décideur de l’employeur à assister à une consultation sur un grief dans le cas d’un grief de principe – la formation de la Commission a conclu que les parties à la convention collective n’ont pas prévu, dans le cas des griefs de principe, un droit de se consulter ou à une audience de vive voix au dernier palier de la procédure de règlement des griefs – il n’y a pas de pratique uniforme dans laquelle il est prévu que les décideurs doivent nécessairement participer au dernier palier de la procédure de règlement des griefs – l’obligation d’équité procédurale en droit public s’applique à la procédure de règlement des griefs prévue par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et prévoit que l’agent négociateur ou l’employeur peuvent présenter des observations écrites au dernier palier de la procédure de règlement des griefs de principe – la formation de la Commission n’est pas convaincue que le libellé de la convention collective, selon lequel l’employeur agira équitablement dans l’administration de la convention collective, intègre une obligation d’équité procédurale plus importante que celle prévue par le droit public. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-06-03
  • Dossier:  569-02-155
  • Référence:  2016 CRTEFP 48

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

ASSOCIATION DES JURISTES DE JUSTICE

l’agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR

employeur

Répertorié
Association des juristes de Justice c. Conseil du Trésor


Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l’arbitrage


Devant:
David Olsen, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour l’agent négociateur:
Christopher Rootham, Sandra Guttman et Alexander Dezaw, avocats
Pour l'employeur:
Lesa Brown, avocate, et Brian Russel, analyste
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 3 juillet 2015.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief de principe renvoyé à l’arbitrage

1        Le 23 janvier 2014, l’Association des juristes de Justice (l’« Association » ou l’« agent négociateur ») a présenté un grief de principe qui est ainsi rédigé :

[Traduction]

Contexte

À l’heure actuelle, la procédure de griefs de principe prévoit qu’une décision sera rendue par une personne autre que celle qui est chargée d’entendre la présentation du grief. Le CT est le seul ministère qui ne demande pas à l’agent des paliers des griefs nommé de rendre une décision.

Contravention alléguée

L’AJJ est d’avis qu’en ne permettant pas à la personne ayant l’autorité appropriée de rendre une décision à l’audience sur le grief, la procédure de règlement des griefs est minée et il y a contravention aux articles 5 et 24 de la convention collective.

Mesure corrective demandée

Que dorénavant, la personne autorisée à rendre la décision relative au grief soit la même personne à qui les présentations relatives au grief de principe sont présentées.

2        Le 6 juin 2014, la sous-ministre adjointe, Rémunération et relations de travail, au Conseil du Trésor (l’« employeur »), a répondu ainsi au grief de principe :

[Traduction]

[...]

Dans le grief de principe, l’AJJ fait valoir que l’employeur a contrevenu aux articles 5 et 24 de la convention collective et que la procédure de règlement des griefs est minée parce qu’il n’y a pas de décideur présent à la consultation sur les griefs.

Après avoir examiné soigneusement le grief ainsi que tous les renseignements présentés le 25 avril 2014, l’employeur est d’avis qu’il n’a pas contrevenu à la convention collective puisque cette dernière n’exige pas la présence d’un décideur à la consultation sur les griefs. Je peux vous assurer que, peu importe si je suis présente à la consultation sur les griefs ou non, les décisions sont prises en tenant compte de tous les renseignements et que je vais continuer d’assister aux consultations sur les griefs lorsque mon horaire le permet.

À la lumière de ce qui précède, votre grief est rejeté et la mesure corrective demandée n’est pas accordée.

3        Le 9 juin 2014, l’agent négociateur a renvoyé le grief à l’arbitrage.

4        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; « LRTFP ») avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

II. Résumé de la preuve

5        Les parties au grief ont produit un exposé conjoint des faits devant la Commission qui est ainsi rédigé :

[Traduction]

Les parties à la présente affaire consentent à ce qui suit :

1. L’arbitre de grief a compétence pour entendre ce grief.

2. Au Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT), la sous-ministre adjointe de la Rémunération relations de travail (SMA RRT) ou la SMA intérimaire RRT a l’autorité pour répondre à tous les griefs de principe présentés par un agent négociateur. En sa qualité de SMA RRT, elle est la décideuse à l’égard des griefs de principe. Cela n’a pas changé depuis la création des griefs de principe en 2005.

3. L’employeur est d’avis que lorsque l’Association présente un grief de principe auprès de l’employeur, il n’est pas nécessaire que le décideur soit présent à la consultation orale sur les griefs et, en outre, qu’il n’est pas nécessaire d’y avoir une consultation orale.

4. Jusqu’au 28 septembre 2011, les décideurs assistaient aux consultations orales sur les griefs. Il y a eu cinq griefs de principe comportant des consultations orales sur les griefs durant cette période.

5. Entre le 28 septembre 2011 et le 11 janvier 2015, lorsqu’un grief de principe était présenté par un agent négociateur et que ce dernier demandait une consultation orale sur le grief, l’analyste du SCT avait pour pratique de préparer un précis du grief à l’intention de la personne qui devait assister à la consultation sur le grief. L’analyste du SCT et la personne qui devait assister à la consultation sur le grief se rencontraient afin de discuter du précis avant la consultation sur le grief avec le représentant de l’agent négociateur. La personne assistant à la consultation sur le grief pourrait être :

a. la SMA RRT;

b. le SMA délégué RRT;

c. le directeur exécutif, Relations de travail;

d. le directeur principal, Représentation patronale en recours;

L’analyste du CT et la personne assistant à la consultation sur le grief informent ensuite la SMA RRT qui rend par la suite la décision relative au grief. Au total, 17 griefs de principe ont été examinés durant cette période. Trois des griefs de principe ont été réglés et neuf ont été traités sans consultation orale. Sur les cinq griefs de principe pour lesquels des consultations orales ont eu lieu, le décideur a assisté à l’un d’entre eux (le grief du présent dossier d’arbitrage).

6. Si une consultation orale a lieu, le décideur de l’employeur à l’égard des griefs de principe assiste à la consultation orale sur ce grief, à sa discrétion.

7. Le 7 novembre 2014, un nouveau poste de SMA délégué RRT a été créé. Depuis ce moment, si une réunion de consultation orale a lieu, selon la pratique de l’employeur, la SMA RRT ou le SMA délégué RRT assistera à la consultation orale sur le grief. La SMA RRT demeure la décideuse à l’égard des griefs de principe lorsque le SMA délégué RRT est présent. Les parties n’ont eu aucune consultation orale sur les griefs depuis la création de ce nouveau poste.

8. Même s’il revient à l’employeur de déterminer le nombre de paliers figurant dans la procédure interne de règlement des griefs et l’identité des représentants à chaque palier à l’égard des griefs individuels, l’Association s’attend à ce que la personne qui assiste à la réunion de consultation sur les griefs au nom du Ministère soit le décideur et que cette personne ait le pouvoir de trancher le grief.

9. En ce qui concerne la procédure de règlement des griefs de principe, l’employeur a le droit de déterminer son représentant (décideur) au premier palier de la procédure.

10.En ce qui concerne les divers ministères et le dernier palier de leur procédure interne de règlement des griefs à l’égard des griefs individuels, certains ministères font en sorte que la personne qui a le pouvoir de trancher les griefs au dernier palier de la procédure de règlement des griefs (le « décideur au dernier palier ») soit présente à la consultation sur le grief au dernier palier, alors que ce n’est pas le cas pour d’autres. Par exemple :

a.  à l’Agence des services frontaliers du Canada (« ASFC »), le décideur au dernier palier n’assiste pas à la consultation sur le grief au dernier palier. Il n’y a aucun membre de l’unité de négociation du groupe Praticien du droit à l’ASFC;

b.  au ministère des Pêches et Océans (« MPO »), le décideur au dernier palier n’assiste normalement pas à la consultation sur le grief au dernier palier; toutefois, le décideur au dernier palier assistera à la consultation sur le grief au dernier palier, au cas par cas. Il n’y a aucun membre de l’unité de négociation du groupe Praticien du droit au MPO;

c.   au ministère de la Défense nationale (« MDN »), le décideur n’assiste normalement pas à la consultation sur le grief au dernier palier; toutefois, le décideur au dernier palier assistera à la consultation sur le grief au dernier palier, au cas par cas. Il n’y a aucun membre de l’unité de négociation du groupe Praticien du droit au MDN;

d.  à Anciens Combattants Canada, le décideur au dernier palier assiste à la consultation sur le grief au dernier palier pour les griefs présentés par certains agents négociateurs, mais pas tous. Il y a des membres de l’unité de négociation du groupe Praticien du droit à Anciens Combattants Canada, mais aucun grief n’a été entendu au dernier palier depuis que l’agent négociateur a été accrédité pour représenter le groupe Praticien du droit;

e.  à Justice Canada (« Justice ») et au Service des poursuites pénales du Canada (« SPPC »), le décideur au dernier palier assiste à la consultation sur le grief au dernier palier. Il y a des membres de l’unité de négociation du groupe Praticien du droit à Justice et au SPPC;

f.   au Comité externe d’examen des griefs militaires (anciennement le Comité des griefs des Forces canadiennes), le décideur au dernier palier était présent pour le seul grief qui a été renvoyé au dernier palier par l’Association. Il y a des membres de l’unité de négociation du groupe Praticien du droit au Comité externe d’examen des griefs militaires.

11.À l’exception des quatre griefs de principe ayant eu lieu après le 28 septembre 2011, ou vers cette date, l’Association n’a participé à aucune consultation sur les griefs au dernier palier à l’égard des griefs individuels, sans que le décideur soit présent.

12.Les articles 24.38 et 24.39 de la convention collective conclue entre les parties précisent que tant l’employeur que l’Association peuvent présenter à l’autre un grief de principe portant sur l’interprétation ou l’application d’une disposition de la convention collective ou de la décision arbitrale visant l’un ou l’autre ou l’unité de négociation de façon générale. Il n’y a qu’un seul palier pour les griefs de principe.

[...]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’agent négociateur

6        La question à trancher en l’espèce est celle de savoir si le décideur de l’employeur à l’égard d’un grief de principe doit assister à la réunion relative aux griefs entre l’agent négociateur et l’employeur. La question sous-jacente est la suivante : la procédure de règlement des griefs importe-t-elle? Estelle importante ou s’agit-il d’un point de repère sur la voie de l’arbitrage?

7        Si le décideur de l’employeur n’assiste pas à l’audience sur le grief, la procédure de règlement des griefs représente alors un point de repère sur la voie de l’arbitrage. Si c’est le cas, les griefs devraient être renvoyés directement à l’arbitrage.

8        L’argument est composé de quatre parties, à savoir :

1. Un aperçu et un contexte mettant l’accent sur l’importance de la procédure de règlement des griefs, le principe de droit public selon lequel « il appartient à celui qui entend une cause de la trancher » et les dispositions contextuelles de la convention conclue entre le Conseil du Trésor et l’Association des juristes de Justice pour le groupe Droit qui a expiré le 9 mai 2014 (la « convention collective »).

2. La présence du décideur est requise par la clause 24.41 de la convention collective.

3. Subsidiairement, la présence du décideur est une condition implicite de la convention collective.

4. Subsidiairement encore, l’omission d’être présent est un exercice déraisonnable des droits de la direction.

1. Aperçu et contexte

9        La procédure de règlement des griefs est une partie importante du régime des relations de travail qui est conçue pour régler les désaccords et qui est utilisée pour informer l’employeur de l’insatisfaction d’un agent négociateur relativement à ces pratiques.

10         Les paragraphes qui suivent fournissent le contexte concernant l’importance des discussions entre les parties pendant la procédure de règlement des griefs. Dans U.A.W., Local 252 v. McQuay-Norris Manufacturing Co. of Canada, Mount Dennis Plant (1947), 1 L.A.C. 81 aux paragr. 10 et 11, l’ancien juge en chef Bora Laskin, siégeant à titre d’arbitre en relations du travail, a déclaré que le règlement des griefs dans le cadre d’une convention collective fait partie du processus de négociation collective et qu’elle est conçue pour être une contribution à l’exploitation efficiente de l’entreprise que possède et que gère l’employeur. Un accès facile à la procédure de règlement des griefs est une règle de la politique acceptée liée aux relations de travail.

11         Dans I.A.F.F., Local 626 v. Scarborough (City) (1972), 24 L.A.C. 78 au paragr. 36, l’arbitre de différends Owen Shime a déclaré que la procédure de règlement des griefs vise à encourager un dialogue entre les employés et l’employeur dans le cadre duquel on s’attend à ce qu’il y ait des discussions au sujet des plaintes et des griefs et qu’avec un peu de chance, les problèmes soient mutuellement réglés à la satisfaction raisonnable de toutes les parties concernées. Il a également déclaré que la procédure de règlement des griefs peut également représenter un moyen utile qui permet aux parties de s’exprimer en leur fournissant un lieu pour résoudre les désaccords.

12         Dans Windsor (City) v. O.N.A. (1998), 77 L.A.C. (4th) 218, l’arbitre de différends Brunner, dans le contexte d’un arbitrage afin de déterminer si une association distincte avait qualité pour assister à l’audience sur un grief, a commenté les observations de l’arbitre de différends Shime dans I.A.F.F. au paragraphe 22, en ajoutant que la procédure de règlement des griefs est destinée à être un mécanisme informel d’examen des griefs pour établir si un règlement satisfaisant des questions est possible. Il s’est également hasardé à affirmer qu’il peut s’agir d’une possibilité de divulgation des documents pertinents et de l’échange de points de vue et de perspectives sur le grief.

13         Dans Ellis-Don Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail), 2001 CSC 4, où la Cour suprême du Canada a examiné une affaire de la Commission des relations de travail de l’Ontario qui a discuté du projet de décision en réunion plénière de la commission, monsieur le juge Binnie, dans sa dissidence, a renvoyé au principe d’audi alteram partem au paragraphe 66 ainsi : « [r]ien n’est plus fondamental en droit administratif que le principe voulant que celui qui entend doit décider », principe qui a été formulé dans Sitba c. Consolidated-Bathurst Packing Ltd., [1990] 1 R.C.S. 282.

2. La présence du décideur est requise par la clause 24.41 de la convention collective                                                                                           

14         L’agent négociateur a renvoyé à la clause 24.41 portant sur la désignation d’un représentant et l’avis ainsi qu’à la clause 24.38 sur la présentation de griefs de principe.

15         L’employeur a désigné la sous-ministre adjointe de la Rémunération et des relations de travail (SMA RRT). Selon les modalités de la clause 24.41, la SMA RRT est la personne à qui le grief doit être présenté.

16         La clause 24.38, portant sur la présentation des griefs de principe, prévoit qu’ils doivent être présentés au représentant de l’employeur autorisé à traiter les griefs.

17         L’exigence selon laquelle le représentant nommé entend réellement le grief est conforme à la décision de l’arbitre de différends, Brunner, dans Windsor (City). Dans cette affaire, l’arbitre de différends, renvoyant à un article de la convention collective, a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[...]

[...] Cette disposition précise que l’administrateur à l’étape 2 doit examiner le grief en présence de l’employé et de deux représentants des infirmières et infirmiers. On lui demande ensuite de rendre sa décision par écrit, laquelle doit être communiquée à l’employé et au secrétaire de l’Association. Si l’Association souhaite interjeter appel de la décision, elle peut le faire. L’affaire est ensuite entendue par l’administrateur municipal qui doit rendre une décision par écrit et la communiquer au secrétaire de l’Association. [...]

[...]

18         La convention collective dans cette affaire prévoit que l’administrateur et l’administrateur municipal doivent entendre les griefs. Cette convention collective nomme les représentants et utilise les mots suivants : [traduction] « entend » et [traduction] « présente ».

19         En l’espèce, la convention collective est silencieuse à l’égard du processus d’audience.

3. Si la présence du décideur n’est pas explicite, il s’agit d’une condition implicite de la convention collective

20         Dans Nouveau-Brunswick c. O’Leary, [1995] 2 R.C.S. 967, la Cour suprême du Canada a conclu qu’on dira d’un litige, dans ce cas, la demande d’un employeur devant les tribunaux civils contre un employé pour le coût des réparations du véhicule de l’employeur, qu’il résulte de la convention collective s’il relève de celle-ci soit expressément, soit implicitement. Dans cette affaire, la convention ne mentionnait pas explicitement la négligence dont un employé pourrait faire preuve dans le cadre de son travail; cette négligence relevait néanmoins implicitement, selon la Cour, de la convention collective et l’employeur ne pouvait donner suite à une telle demande devant les tribunaux, mais il pouvait présenter un grief dans le cadre de la convention collective.

21        Ronald Snyder, dans son ouvrage Collective Agreement Arbitration in Canada, 5e édition, Markham, Ontario, LexisNexis Canada Inc., 2013, fait observer au paragraphe 2.29 de la page 33, que [traduction] « depuis O’Leary, plusieurs décisions ont abordé la question des conditions implicites conformément à l’approche audacieuse de la Cour suprême ».

22        Malgré l’approche plus audacieuse de la Cour suprême du Canada, l’arbitre de grief Michael Bendel a adopté une approche plus restrictive dans l’affaire Perelmuter c. Bureau du surintendant des institutions financières, 2013 CRTFP 15. Dans cette affaire, le fonctionnaire a demandé le remboursement des frais de scolarité après sa mise en disponibilité, en vertu d’une politique sur le réaménagement des effectifs.L’employeur a refusé de rembourser les frais au seul motif que sa demande de remboursement a été présentée plus de cinq ans après la cessation de son emploi.Bien que la Politique ne précise pas de délai explicite dans lequel le remboursement doit être présenté, l’employeur a soutenu que la politique exigeait, de manière implicite, que les fonctionnaires devaient présenter leurs demandes dans un délai raisonnable.Lorsqu’il a rejeté l’argument de l’employeur selon lequel il devrait admettre une condition implicite indiquant que le remboursement devait être demandé dans un délai raisonnable, l’arbitre de grief a déclaré ce qui suit :

[...]

[19] Ma deuxième observation a trait à l’évaluation de la jurisprudence dans le domaine des conditions implicites, en général.À cet égard, la décision de la Cour suprême du Canada dans Nouveau-Brunswick c. O’Leary, [1995] 2 R.C.S. 967, a été considérée par beaucoup comme ayant formulé une approche différente en ce qui a trait aux conditions implicites dans les conventions collectives; voir à cet effet la discussion de cette question dans l’ouvrage de Palmer et Snyder, Collective Agreement Arbitration in Canada, 4e édition,(2009), aux pages 32 à 36.

[20] Cela dit, j’ai décidé d’employer le critère élaboré dans McKellar General Hospital, un critère qui demeure encore celui suivi.Comme mentionné précédemment, l’employeur m’a invité à appliquer la décision rendue dans Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels – CSN, une décision de la Commission des relations de travail dans la fonction publique dans laquelle on fait état du critère élaboré dans McKellar General Hospital, afin de décider s’il existe une condition implicite relativement au délai prévu pour demander le remboursement de l’indemnité des frais de scolarité sous le régime de la Politique.

[...]

[25] [...] Selon McKellar General Hospital, avant qu’un arbitre de grief puisse conclure à juste titre à l’existence d’une condition implicite, il doit lui être démontré qu’il est [traduction]« [...] nécessaire d’admettre une condition implicite pour rendre un contrat “efficace au plan commercial et de la convention collective” autrement dit, pour faire en sorte que la convention collective puisse être exécutée [...] ». Je suis convaincu qu’une telle nécessité n’existe pas dans l’affaire qui nous occupe.

[...]

23        Malgré l’argument selon lequel la présence du décideur est une condition implicite de la convention collective, conformément aux principes juridiques indiqués dans Nouveau-Brunswick, le critère de la nécessité prévu dans McKellar General Hospital v. Ontario Nurses’ Assn.(1986), 24 L.A.C. (3d) 97, est respecté en l’espèce.L’élément de nécessité est respecté par l’admission d’une condition implicite dans la convention collective exigeant que le décideur réel assiste à l’audience sur le grief afin de s’assurer que la procédure de règlement des griefs respecte les objectifs de l’audience sur le grief.On ne peut régler une affaire sauf si le décideur est présent.L’agent négociateur ne peut communiquer les problèmes à l’employeur sauf si le décideur est présent. Si le décideur n’est pas présent, il doit s’en remettre aux idées ou au point de vue de son représentant délégué.

24        Il y a une perception selon laquelle le Conseil du Trésor n’est pas intéressé par les griefs de principe et qu’il ne procède que de manière machinale.La présence du décideur est nécessaire afin de respecter les objectifs de la procédure interne de règlement des griefs.

25        Dans Bell Canada and Unifor (Whyte), Re,2014 Carswell Nat 4378 au paragr. 46, l’arbitre de grief Gee a fait observer ce qui suit :

[Traduction]

46. La jurisprudence reconnaît que sous réserve du libellé précis de la convention collective à l’étude, des conditions de convention collective existent de façon implicite.Lorsque les conditions d’une convention collective confèrent expressément un pouvoir discrétionnaire à l’une des parties, il est implicite que ce pouvoir discrétionnaire ne sera pas exercé d’une manière arbitraire ou discriminatoire ni de mauvaise foi.De la même façon, il est implicite dans chaque convention collective qu’aucune des parties n’agira de manière à nier ou à miner les conditions de la convention.De plus, cette condition implicite découle d’une inférence selon laquelle, au cours de la négociation, si les parties s’étaient penchées sur la question, elles se seraient facilement entendues sur la condition implicite.

26        L’absence du décideur à l’audience sur le grief mine la procédure de règlement des griefs.

4. Subsidiairement encore, l’absence du décideur à l’audience sur le grief est un exercice déraisonnable des droits de gestion                                

27        La clause 5.02 de la convention collective prévoit que l’employeur agit raisonnablement, équitablement et de bonne foi dans l’administration de la présente convention collective.

28        Il s’agit d’une règle d’équité procédurale voulant ce qui suit : [Traduction] « il appartient à celui qui entend une cause de la trancher ».Le mot « équitablement » nécessite un élément d’équité procédurale.

29        Il y a une obligation d’administrer [Traduction] « raisonnablement » la convention.L’action de l’employeur de ne pas envoyer le décideur réel à l’audience sur le grief était déraisonnable et contraire à l’objet de la procédure de règlement des griefs.Le Conseil du Trésor n’a jamais fourni d’explication pour l’absence du décideur à l’audience sur le grief, en dehors de l’horaire.Le fardeau administratif qui oblige une autre personne à entendre les griefs ne justifie pas cette pratique.

30        Dans Dunaenko v. Treasury Board (Department of National Defence), dossier de la CRTFP 166-02-523, l’arbitre en chef E.B. Jolliffe a déclaré ce qui suit à la page 43 :

[Traduction]

L’un des fardeaux administratifs imposés aux superviseurs par la loi fédérale est de traiter les griefs et de le faire équitablement et rapidement, peu importe si cela est une source d’embarras. Cela fait partie de leur travail. Le moment est venu que cela soit clairement compris par toutes les personnes tenues de s’occuper (pour citer la Loi) « officiellement au nom de l’employeur, en raison de ses attributions, d’un grief présenté selon la procédure établie en application de la présente Loi. »

B. Pour l’employeur

31        Selon l’employeur, la question est celle de savoir s’il y a contravention des articles 5 et 24 de la convention collective dans le contexte d’une procédure de règlement des griefs de principe selon lequel l’agent de négociation soutient avoir le droit de rencontrer directement la personne qui tranche les griefs.

32        Selon l’argument, il y aura examen de la LRTFP et du Règlement afin de déterminer ce qui est requis de l’employeur dans le traitement d’un grief de principe.Selon l’argument, on se penche ensuite sur la convention collective et examine enfin l’état actuel du droit relativement à la question de l’équité procédurale.

1. LRTFP et le Règlement

33        La LRTFP, le Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique, DORS/2005-79 (le « Règlement ») ou la convention collective ne contiennent aucune disposition permettant à l’agent négociateur de rencontrer directement le décideur durant la consultation à l’égard du grief.D’ailleurs, aucune disposition n’exige qu’une consultation orale du grief ait lieu.

34        Le paragraphe 220(1) de la LRTFP établit le droit de l’employeur et de l’agent négociateur de présenter à l’autre un grief de principe portant sur l’interprétation ou l’application d’une disposition de la convention collective ou de la décision. Les paragraphes 2 à 5 établissent les limites à l’égard du droit de présenter des griefs de principe. L’article 221 prévoit qu’une partie qui présente un grief de principe peut le renvoyer à l’arbitrage.

35        L’article 225 exige que la procédure de règlement des griefs soit respectée avant de renvoyer un grief de principe à l’arbitrage.

36        Ces dispositions prévoient que l’employeur et l’agent négociateur ont le droit de présenter des griefs de principe à l’autre, établissent les limites quant à l’objet des griefs de principe et établissent le droit de renvoyer les griefs de principe à l’arbitrage conformément à la procédure de règlement des griefs.

37        Les articles 83 à 88 du Règlement prévoient les dispositions relatives au traitement des griefs de principe. Ces dispositions appuient l’interprétation selon laquelle le mot « présentés » signifie [traduction] « soumis ».

38         L’article 86 prévoit que lorsqu’elle reçoit un grief de principe, la personne à qui il est présenté doit fournir à l’autre partie un accusé de réception indiquant la date à laquelle elle l’a reçu et le transmettre à la personne dont la décision en matière de griefs de principe constitue le palier de la procédure. En d’autres termes, selon cette disposition, la personne à qui le grief est présenté, après en avoir accusé réception, doit le transmettre la personne autorisée à répondre au grief. Cette disposition prévoit que la personne à qui le grief est présenté n’est pas la même que celle qui décidera du grief.

39         L’article 87 établit un délai de 20 jours pour que la personne dont la décision en matière de griefs de principe constitue le palier de la procédure transmette une décision à l’autre partie après la réception du grief de principe par la personne à qui il a été soumis. Le décideur doit rendre une décision à l’intérieur de ce délai.

40         L’agent négociateur suggère qu’il y a une étape intermédiaire entre la transmission du grief de principe au décideur et le prononcé d’une décision. Cette étape ne figure nulle part dans la LRTFP ou le Règlement. Il n’y a aucune disposition pour l’audience sur le grief.

41         Si le législateur avait souhaité qu’une audience orale soit nécessaire et que le décideur devait assister à cette audience, un libellé précis aurait été requis. Par exemple, le paragraphe 228(1) de la LRTFP prévoit qu’un arbitre de grief donne à chaque partie au grief l’occasion de se faire entendre. Il existe une disposition explicite prévoyant qu’il aura une audience, alors qu’il n’existe pas une telle disposition en ce qui concerne l’audience dans le cadre de la procédure de règlement des griefs.

42         L’article 88 porte sur le retrait des griefs de principe avant que la décision ne soit rendue par la personne dont la décision en matière de griefs de principe constitue le palier de la procédure et il met en évidence la distinction entre la présentation du grief et le prononcé d’une décision par le décideur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

2. La convention collective

43         Les dispositions d’une convention collective ne peuvent élargir la portée de la LRTFP ou du Règlement ou y être contradictoires.

44         L’article 24 de la convention collective porte sur la procédure de règlement des griefs en général.

45         La clause 24.38, sous le titre « Griefs de principe », prévoit que l’une des parties peut présenter un grief au palier prescrit de la procédure de règlement des griefs et l’adresser au représentant autorisé de la partie à traiter les griefs au palier approprié. La partie qui reçoit le grief doit remettre un récépissé indiquant la date à laquelle le grief lui est parvenu.

46         La clause 24.39 prévoit que l’une des parties peut présenter à l’autre un grief de principe portant sur l’interprétation ou l’application d’une disposition de la convention collective ou de la décision arbitrale relativement à l’un ou l’autre ou à l’unité de négociation de façon générale. Le reste de la clause porte sur les restrictions relatives aux questions qui ne peuvent faire l’objet de griefs de principe.

47         La clause 24.40 prévoit que la procédure de règlement des griefs comporte un seul palier.

48         La clause 24.41 exige que les parties désignent chacune un représentant à qui le grief doit être présenté.

49         La clause 24.42 établit un délai selon lequel chaque partie présente un grief à la personne désignée à qui il doit être présenté.

50         La clause 24.43 prévoit que chaque partie répond au grief dans les 15 jours qui suivent sa présentation.

51         La clause 24.46 prévoit qu’une partie qui présente un grief de principe peut le renvoyer à l’arbitrage dans les 30 jours qui suivent.

52         Selon l’agent négociateur, le mot « présenter » signifie [traduction] « entendre ». Cette proposition n’est pas appuyée par le libellé de la convention collective. En outre, la clause 24.05, qui porte sur les situations où il est nécessaire de présenter un grief par la poste, le grief est réputé avoir été présenté le jour indiqué par le cachet d’oblitération postale et l’on considère que l’employeur l’a reçu à la date à laquelle il est livré au bureau approprié du ministère ou de l’organisme intéressé. L’argument de l’agent négociateur selon lequel le mot « présenter » signifie [traduction] « entendre » dans ce contexte, est une absurdité.

53         Selon l’examen des dispositions de la convention collective, à l’article 24, le « droit de présenter » est le droit de déposer ou de soumettre un formulaire de grief écrit. Le formulaire de grief de principe est l’une des pièces jointes au grief de principe.

54         Dans Hickling c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2007 CRTFP 90, le vice-président Mackenzie a établi une distinction entre la présentation d’un grief et la consultation à un palier de la procédure de règlement des griefs. La convention collective en question prévoit une procédure de règlement des griefs en trois paliers et que l’employeur doit normalement répondre à un grief dans les 20 jours qui suivent la date de sa présentation. Le grief a été transmis à chacun des trois paliers de la procédure de règlement des griefs. Des audiences ont eu lieu aux premier et deuxième paliers; toutefois, le grief a été renvoyé à l’arbitrage sans la tenue d’une audience au troisième palier. L’employeur a soulevé une objection préliminaire au renvoi à l’arbitrage au motif que le fonctionnaire n’avait pas respecté la procédure de règlement des griefs puisque l’employeur n’avait pas eu l’occasion de fournir une réponse au dernier palier.

55         Lors de l’objection préliminaire à sa compétence, l’arbitre de grief,  a déclaré ce qui suit au paragraphe 10 :

[10] Dans un tel contexte, la présentation d’un grief signifie que le grief est transmis et qu’il est ensuite reçu au prochain palier de la procédure de règlement des griefs. Cette disposition n’oblige pas l’IPFPC à tenir une consultation à chaque palier de la procédure de règlement des griefs. Il n’existe aucune obligation de faire des observations à chaque palier. En fait, la réponse au deuxième palier indique que l’agent négociateur n’a pas présenté d’observations à ce palier. Même si l’on devrait certainement encourager la tenue d’une audience de grief à chaque palier, et qu’il est une bonne pratique que les représentants des agents négociateurs informent l’employeur de leur intention de ne pas présenter d’observations à l’un ou l’autre des paliers de la procédure de règlement des griefs, il ne m’appartient pas de dicter les pratiques à suivre en matière de relations de travail.

56         La clause 24.11, dans les dispositions portant sur le grief individuel en vertu de la convention collective, prévoit que « [l]e juriste qui présente un grief à n’importe quel palier de la procédure de règlement des griefs peut, s’il le désire, se faire aider et/ou représenter par l’Association ». Elle prévoit également que « [l]’Association a le droit de tenir des consultations avec l’Employeur au sujet d’un grief à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs ».

57         Il n’y a pas une disposition semblable à la clause 24.11 dans les dispositions portant sur les griefs de principe qui commencent à la clause 24.38.

58         De même, la clause 24.28, dans les dispositions portant sur les griefs collectifs, prévoit que l’agent négociateur a le droit de tenir des consultations avec l’employeur au sujet d’un grief à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs.

59         Si l’agent négociateur avait souhaité un droit de consultation au sujet des griefs de principe et en particulier avec les décideurs, l’instance appropriée pour aborder cette question était pendant le processus de négociation collective.

2. Équité procédurale

60         En ce qui concerne l’argument selon lequel une audience orale devrait être comprise ou incluse implicitement dans la convention collective, conformément au libellé indiqué au paragraphe 15 de Perelmuter, puisqu’il est nécessaire de « [...]  faire en sorte que la convention collective puisse être exécutée », rien dans la preuve n’indique que la convention collective ne fonctionne pas. L’énoncé conjoint des faits reflète que l’analyste du Conseil du Trésor informe la personne qui assiste à la consultation sur les griefs dans l’éventualité où le décideur n’est pas disponible et comment l’analyste et la personne assistant à la consultation informent à leur tour le décideur.

61         Le deuxième volet du critère indiqué dans Perelmuter exige que les deux parties, après avoir pris connaissance de l’omission de la condition, conviennent sans hésitation de l’inclure. Rien n’indique dans la preuve que l’employeur avait consenti à la condition implicite. Selon le point de vue de l’employeur, la pratique actuelle est conforme à la loi, à la convention collective et au droit commun.

62         L’article 229 de la LRTFP prévoit que la décision de l’arbitre de grief ne peut avoir pour effet de modifier une convention collective ou une décision arbitrale. Dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil national de recherches du Canada, 2013 CRTFP 88, l’arbitre de grief Katkin a conclu qu’il n’avait pas le droit de modifier la convention collective en question selon l’article 229 de la LRTFP, dans une affaire où il n’y a aucune clause explicite prévue à la convention collective.

63         Dans certains cas, l’agent négociateur a choisi de ne pas avoir une consultation sur les griefs; cependant, les griefs sont toujours considérés comme ayant été présentés et renvoyés à l’arbitrage. Au paragraphe 5 de l’énoncé conjoint des faits, les parties reconnaissent que trois griefs de principe ont été réglés et que neuf ont été traités sans consultation orale.

64         Si l’employeur devait adopter la proposition de l’agent négociateur selon laquelle il appartient à celui qui entend une cause de la trancher et de l’appliquer à la procédure de règlement des griefs dans son ensemble (ou par exemple dans un ministère responsable comme l’ASFC qui reçoit des milliers de griefs par année), il ne tiendrait pas compte de la réalité pratique du lieu de travail parce que le législateur ne peut avoir eu l’intention de prévoir que le décideur entend les griefs.

65         L’agent négociateur suggère que le niveau d’équité procédurale requis dans le cadre de la procédure de règlement des griefs est semblable à celui de l’audience devant un tribunal où les parties ont droit à la tenue d’une audience complète devant le décideur. Cette position est incompatible avec la loi et la jurisprudence.

66         L’article 221 de la LRTFP confère le droit de renvoyer un grief de principe à l’arbitrage. À l’étape de l’arbitrage, le droit à la tenue d’une audience complète devant le décideur est prévu.

67         Dans Judicial Review of Administrative Action in Canada, Donald J. M. Brown et John M. Evans, Toronto, Thomson Reuters Canada Limited, 2013, au paragr. 10:1100 à la page 10-4, les auteurs indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[...] En conséquence, le droit de participer ne confère pas invariablement le droit d’assister personnellement à une audience orale devant un décideur. Comme l’a affirmé la Cour suprême du Canada : « la règle audi alteram partem n’implique pas qu’il doit toujours être accordé une audition. L’obligation est de fournir aux parties l’occasion de faire valoir leurs moyens ».

Ainsi, sauf si la loi ou les principes de justice naturelle l’exigent par ailleurs, l’obligation d’équité ne confère pas un droit sans réserve à une audience orale. [...]

68         Dans Hagel c. Canada (Procureur général), 2009 CF 329, dans une affaire où les demandeurs ont soutenu qu’ils avaient été privés de l’équité procédurale puisque le décideur n’avait pas comparu personnellement à l’audition du grief, le juge Zinn a conclu qu’ils avaient droit à un certain degré d’équité procédurale dans le cadre de la procédure de règlement des griefs et que ce droit découlait du droit public; toutefois, le niveau d’intensité de l’obligation se situait au bas de l’échelle. Il a également conclu que les dispositions de la LRTFP ne donnaient pas lieu à une obligation de tenir une audience et les demandeurs n’ont renvoyé la Cour à aucun autre document de politique qui la prévoyait. Il a rejeté la prétention des demandeurs selon laquelle le décideur était tenu d’être présent en personne à la présentation des auteurs des griefs. La Cour d’appel fédérale a confirmé la décision dans Hagel c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 364.

69         Cette décision vise les griefs qui ne peuvent pas être renvoyés à l’arbitrage en vertu de la LRTFP. La Cour a conclu que le niveau d’équité procédurale dans le cadre d’une procédure de règlement des griefs est faible, même en l’absence d’un droit à l’arbitrage. En l’espèce, les griefs de principe peuvent être renvoyés à l’arbitrage, et l’agent de négociation a droit à une audience orale.

70         Dans Alliance de la fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général), 2013 CF 918, la Cour fédérale a annulé l’ordre du ministre désigné en vertu de la LRTFP donné au président de l’ancienne Commission de tenir un scrutin auprès des membres de l’unité de négociation des agents des services frontaliers de l’employeur (l’ASFC, dans ce cas) sur la dernière offre au motif, notamment, qu’il y avait eu atteinte aux droits en matière d’équité procédurale de l’unité de négociation. L’agent négociateur avait fait valoir qu’il y avait eu atteinte à ses droits, car il n’avait pas reçu d'avis du fait que l’employeur avait demandé au ministre d’exercer le pouvoir d’ordonner un scrutin et qu’il n’avait pas eu la possibilité de présenter des observations à cet égard.

71         La Cour a renvoyé à la décision de la Cour suprême du Canada dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, qui a établi ce qui suit :

          [Traduction]

[...]

[...] ce contenu varie en fonction du contexte. Cela commande l’examen de divers facteurs, notamment les suivants :

· la nature de la décision en cause et le processus suivi pour la rendre et, en particulier, la mesure dans laquelle le processus décisionnel se rapproche de celui suivi par un tribunal (le cas échéant, des garanties procédurales plus importantes doivent être offertes à une partie);

· le régime législatif applicable au tribunal;

· l’importance de la décision pour les parties visées;

· les attentes légitimes des parties;

· les choix de procédure faits par le tribunal, surtout lorsque la loi prévoit que c’est au tribunal que revient le choix de la procédure.

[...]

72         La Cour a également renvoyé à la décision de la Cour suprême du Canada dans Canada (Procureur général) c. Mavi, 2011 CSC 30, où la Cour a fait remarquer que même lorsqu’il y a une faible atteinte aux droits à l’équité procédurale, ces droits nécessitent quand même un avis et une possibilité de formuler des observations par écrit. Les décisions dans Hagel et dans Alliance de la fonction publique du Canada n’exigent pas, pour des raisons d’équité procédurale, qu’une audience orale ait lieu en présence d’un décideur. Dans le cadre de la procédure de règlement des griefs de principe, l’agent négociateur peut formuler des arguments par écrit.

73         Même en supposant qu’il y avait des vices de procédure dans le cadre de la procédure de règlement des griefs, un vice est réparé par une audience de novo qui a lieu devant l’arbitre; voir Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 818 (C.A.F.) (QL).

74         Dans Phillips c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2013 CRTFP 67, une affaire concernant un grief contestant un licenciement, l’arbitre de grief s’est penché sur un argument selon lequel le licenciement était nul, notamment au motif que le fonctionnaire n’avait pas été avisé de son droit d’être accompagné d’un représentant à la réunion où il a été informé de son licenciement et que l’audience du grief au dernier palier n’avait pas été tenue par la personne qui avait la responsabilité de rendre la décision à ce palier. L’arbitre de grief a déclaré ce qui suit au paragraphe 71 : « [...] Je suis d’accord avec l’employeur que la personne qui a rendu la décision au dernier palier de la procédure de règlement des griefs n’est pas tenue d’assister à l’audience du grief. En fait, il n’est pas obligatoire de tenir une audience ». Puis, il a cité Hagel.

75         Même dans le contexte d’un licenciement, il ne faut qu’un faible niveau d’équité procédurale qui ne donne pas au fonctionnaire le droit de rencontrer le décideur dans le cadre de la procédure de règlement des griefs.

76         Dans Kennedy c. Buffie (Emploi et Immigration Canada), [1988] C.R.T.F.P.C. no 171 (QL), la Commission des relations de travail dans la fonction publique, dans le contexte d’une plainte de pratique déloyale de travail selon laquelle le refus de l’autorisation d’appeler des témoins à l’audition de griefs ministériels était une privation des droits accordés par la justice naturelle, a conclu ce qui suit :

           [Traduction]

[...]

En substance, donc, les conclusions susmentionnées indiquent que les réunions qui ont lieu entre les parties pendant la procédure de règlement des griefs sont administratives et non judiciaires. Il s’ensuit donc que ni l’une ni l’autre des parties n’est obligée de se conduire selon les règles de la procédure judiciaire et de la justice naturelle.

[...] Le droit de présenter des griefs, tel qu’il est énoncé à l’article 90 de la LRTFP, ne veut pas dire qu’il doit y avoir des réunions aux divers paliers de la procédure applicable aux griefs et encore moins que si de telles réunions ont lieu, celles-ci doivent être menées conformément aux règles de la justice naturelle.

[...]

77         Dans Ré:Sonne c. Conseil du secteur du conditionnement physique du Canada, 2014 CAF 48, au paragr. 37, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

[37] En l’absence de dispositions législatives en sens contraire, les décideurs administratifs jouissent d’un large pouvoir discrétionnaire pour fixer leur propre procédure, notamment quant aux aspects qui relèvent de l’équité procédurale (Prassad c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 1 R.C.S. 560, aux pages 568 et 569 (Prassad)). Parmi ces aspects, mentionnons la question de savoir si l’« audience » sera tenue selon une procédure orale ou écrite, si une demande d’ajournement doit être accueillie ou si la représentation par avocat est autorisée, et la mesure dans laquelle le contre-interrogatoire est autorisé ou les renseignements dont le décideur dispose doivent être communiqués. Le contexte et les circonstances dictent l’étendue du pouvoir discrétionnaire du décideur à l’égard de ces questions de procédure et permettront de savoir s’il y a eu manquement à l’obligation d’équité.

78         Dans la décision de la Cour fédérale dans Boshra c. Canada (Procureur général), 2012 CF 681, la Cour a conclu qu’une décision du Tribunal de la dotation de la fonction publique de rejeter une plainte ne constitue pas un défaut d’exercer sa compétence ou un manquement à la justice naturelle ou à l’équité procédurale découlant du refus de tenir une audience.

79         Si une obligation était imposée qui obligeait le décideur à assister à l’audition du grief, le résultat pratique pourrait être que le pouvoir de rendre une décision dans le cadre d’un grief de principe serait délégué à un niveau inférieur. Cela ne serait pas dans l’intérêt de l’une des parties ni favorable à des relations de travail efficaces.

80         La suggestion selon laquelle l’employeur utilise la procédure de règlement des griefs comme un point de repère sur la voie de l’arbitrage n’est pas prise en compte dans l’énoncé conjoint des faits, où le processus d’analyse des griefs de principe est indiqué ainsi que l’expérience des parties dans le cadre de la procédure de règlement des griefs, à laquelle n’a pas assisté la SMA RRT et dans le cadre de laquelle 17 griefs de principe ont été traités, dont trois ont été réglés et neuf ont été traités sans consultation orale.

81         La question n’est pas de savoir s’il y a un droit à l’audition orale de griefs, mais bien de savoir qui y assiste. L’employeur a reconnu que la présence du décideur est utile, mais il n’existe pas de telle exigence.

C. La contre-preuve de l’agent négociateur

82         L’interprétation de la convention collective vise un litige portant sur la définition du terme « présenter » qui, selon l’agent négociateur, signifie [traduction] « présenter réellement l’affaire », alors que l’employeur soutient que « présenter » signifie [traduction] « déposer ». Selon l’endroit où le terme est utilisé dans la convention collective, il pourrait avoir les deux sens.

83         La clause 24.43 de la convention collective prévoit que l’employeur et l’agent négociateur répondent normalement au grief dans les quinze (15) jours qui suivent sa présentation. Si l’employeur a raison, alors le mot « présenter » signifie [traduction] « déposé ». Dans ce contexte, le mot « présenter » doit signifier autre chose que [traduction] « déposé ».

84         En réponse à l’argument selon lequel si l’agent négociateur souhaitait que le décideur soit présent à l’audience sur le grief il aurait dû le négocier, l’agent négociateur affirme l’avoir négocié et souhaiter maintenant en obtenir la confirmation au moyen de l’interprétation de la convention collective.

85         Même si l’article 229 de la LRTFP interdit que la décision d’un arbitre de grief modifie la convention collective, l’agent négociateur ne demande pas la modification de cette dernière, mais plutôt l’interprétation de ses conditions explicites et implicites.

86         Il ne s’agit pas de savoir s’il doit y avoir une audience orale, mais plutôt celle de savoir lorsqu’il y a une audience orale, si le décideur doit y assister. La plupart des affaires mentionnées par l’employeur portent sur la question de savoir si, pour des raisons d’équité procédurale, une audience orale est nécessaire. Les décisions ne débattent pas la question de savoir ce qui arrive lorsqu’il y a une audience orale.

87         Dans Hagel et Phillips, il y a un important facteur distinctif, à savoir, les deux concernaient des employés non syndiqués n’ayant pas de convention collective. Ces affaires visaient l’interprétation des règles de procédure prévues dans les règlements. Même si le Règlement et la convention collective sont semblables, ils doivent être interprétés différemment. Les règles de procédure prévues dans le Règlement sont interprétées conformément aux règles d’interprétation législative, alors que les principes d’interprétation d’une convention collective sont différents.

88         Même si les employés non syndiqués ne peuvent pas avoir le droit de voir le décideur présent aux auditions des griefs, cette règle ne vise pas la présente affaire parce que la convention collective comporte une condition explicite ou implicite exigeant la présence du décideur.

89         En ce qui concerne le principe d’équité procédurale exigeant la présence du décideur à l’audience sur le grief, l’agent négociateur ne fonde pas sa demande sur le droit commun, mais plutôt sur la clause 5.02 de la convention collective. Les parties ont inclus l’équité dans leurs négociations en vue de l’administration de la convention collective.

90         En ce qui concerne le spectre de la quantité ingérable de griefs liant le décideur en raison des renvois de milliers de griefs à l’ASFC, rien dans l’énoncé conjoint des faits ne vise cette question. La preuve qui ressort de l’énoncé conjoint des faits établit le nombre de griefs de principe visant les parties entre le 28 septembre 2011 et le 11 janvier 2015, qui équivalait à environ 17 griefs de principe, dont trois ont été réglés, neufs ont été traités sans consultations orales et cinq ont nécessité des consultations orales sur une période de trois ans et demi, ce qui ne constitue guère une preuve d’un flux qui serait à un niveau ingérable.

91         En ce qui concerne l’argument selon lequel si le grief de l’agent négociateur est accueilli, l’employeur pourrait devoir déléguer la prise de décision à un niveau inférieur, l’agent négociateur serait très satisfait de vivre avec cette conséquence.

IV. Motifs

92         La question dans le présent grief est celle de savoir si la convention collective oblige le décideur de l’employeur à assister à une consultation sur les griefs à l’égard d’un grief de principe.

93         L’agent négociateur se fonde sur l’importance de la procédure de règlement des griefs et le principe de droit public selon lequel « il appartient à celui qui entend une cause de la trancher » le contexte et il soutient que la clause 24.41 de la convention collective prévoit que le décideur doit assister à la procédure établie pour la consultation sur les griefs, subsidiairement que la présence du décideur est une condition implicite de la convention collective et subsidiairement encore que l’absence du décideur à la consultation sur les griefs est un exercice déraisonnable des droits de gestion.

94         L’agent négociateur affirme que le décideur est tenu d’assister à la consultation sur les griefs d’après le libellé de la clause 24.41 de la convention collective, qui oblige les parties à la convention de désigner chacune un représentant à qui le grief doit être présenté. Le mot « présenté » dans ce contexte prévoit que les parties présentent leur cause aux décideurs respectifs, conformément aux objectifs de la procédure de règlement des griefs et du principe de droit public selon lequel « il appartient à celui qui entend une cause de la trancher » et il est conforme à la décision de l’arbitre de différends Brunner dans Windsor (City)).

95         L’employeur répond que la LRTFP, le Règlement ou la convention collective ne comporte aucune disposition obligeant le décideur à consulter l’agent négociation dans le cadre de la procédure de règlement des griefs. En outre, aucune disposition n’exige qu’une consultation orale des griefs ait lieu dans le cas des griefs de principe. Les dispositions de la LRTFP, du Règlement et de la convention collective appuient l’interprétation selon laquelle le mot « présentés » signifie [traduction] « soumis » ou [traduction] « déposés » et non [traduction] « présenter une affaire ».

1. La question de savoir si la présence du décideur est requise par la convention collective     

96         La présence du décideur est-elle requise conformément à la clause 24.41 de la convention collective?

97         L’article 24 contient des dispositions portant sur la procédure de règlement des griefs. La procédure prévoit la présentation de griefs individuels et leur renvoi à l’arbitrage par les juristes aux clauses 24.07 à 24.23, les griefs collectifs aux clauses 24.24 à 24.37 et les griefs de principe aux clauses 24.38 à 24.46.

98         La clause 24.38, intitulée « Griefs de principe », prévoit ce qui suit :

Tant l’Employeur que l’Association peut présenter un grief au palier prescrit de la procédure de règlement des griefs et l’adresse au représentant de l’Association ou de l’Employeur, selon le cas, autorisé à traiter les griefs au palier approprié. La partie qui reçoit le grief remet à l’autre partie un récépissé indiquant la date à laquelle le grief lui est parvenu.

99         La clause 24.39, intitulée « Présentation d’un grief de principe », prévoit en partie ce qui suit :

(a) Tant l’Employeur que l’Association peut présenter à l’autre un grief de principe portant sur l’interprétation ou l’application d’une disposition de la convention collective ou de la décision arbitrale relativement à l’un ou l’autre ou à l’unité de négociation de façon générale.

[...]

100        La clause 24.40 prévoit que « [l]a procédure de règlement des griefs comporte un maximum de un (1) palier ».

101        Les clauses 24.41 et 24.42 prévoient ce qui suit :

L’Employeur et l’Association désignent un représentant et communiquent l’un à l’autre le titre de la personne ainsi désignée ainsi que le titre et l’adresse du chef de service auquel le grief doit être présenté.

Tant l’Employeur que l’Association peut présenter un grief de la manière prescrite au paragraphe 24.38, au plus tard le premier en date du vingt-cinquième (25e) jour qui suit la date à laquelle l’Employeur ou l’Association, selon le cas, est notifié ou du jour où il ou elle a pris connaissance du geste, de l’omission ou de toute autre question donnant lieu au grief de principe.

102        La clause 24.43 précise que « [l]’Employeur et l’Association répondent normalement au grief dans les quinze (15) jours qui suivent sa présentation ».

103        La clause 24.46 intitulée « Renvoi à l’arbitrage » prévoit en partie ce qui suit : « a. La partie qui présente un grief de principe peut le renvoyer à l’arbitrage dans les trente (30) jours qui suivent ».

104        D’autres clauses visant la procédure de règlement des griefs dans la convention collective ont été mentionnées par les parties dans leur argumentation.

105        La clause 24.11, portant sur les griefs individuels par les juristes, prévoit ce qui suit :

Le juriste qui présente un grief à n’importe quel palier de la procédure de règlement des griefs peut, s’il le désire, se faire aider et/ou représenter par l’Association. L’Association a le droit de tenir des consultations avec l’Employeur au sujet d’un grief à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs.

106        La clause 24.28, portant sur les griefs collectifs par les juristes, prévoit ce qui suit : « [l]’Association a le droit de tenir des consultations avec l’Employeur au sujet d’un grief à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs ».

107        La clause 24.05 porte notamment sur la présentation de griefs par la poste lorsque les dispositions de la clause 24.38 portant sur la présentation de griefs de principe dans le cadre de la procédure de règlement des griefs ne peuvent être respectées. Elle prévoit ce qui suit :

[...] le grief est réputé avoir été présenté le jour indiqué par le cachet d’oblitération postale et l’on considère que l’Employeur l’a reçu à la date à laquelle il est livré au bureau approprié du ministère ou de l’organisme intéressé. [...]

108        Les principes généraux d’interprétation des dispositions des conventions collectives sont pris en compte dans les règles d’interprétation qui ont été adoptées par les arbitres de différends et les arbitres de grief comme outils pour établir l’intention des parties.

109        Un certain nombre de règles d’interprétation sont à mon avis utiles pour établir l’intention des parties dans l’interprétation du libellé utilisé dans la convention collective. D’abord, il faut donner aux mots d’une convention collective leur sens ordinaire normal. Ensuite, une convention collective doit être interprétée dans son ensemble, et les modalités identiques ou semblables utilisées dans différentes parties de la convention collective doivent se voir accorder un sens identique ou semblable. Troisièmement, la règle expressio unius alterius prévoit que la mention explicite d’un élément sous-entend l’exclusion d’un autre; voir Collective Agreement Arbitration in Canada, aux pages 27 à 32.

110        Une interprétation normale et ordinaire des termes de la convention collective m’amène à la conclusion que les parties à la Convention n’ont pas prévu, dans le cas des griefs de principe, un droit de se consulter au dernier papier de la procédure de règlement des griefs. Les parties ont explicitement prévu un droit de consultation à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs, dans le cas de griefs individuels de juristes à la clause 24.11 et dans le cas des griefs collectifs à la clause 24. 28. La mention explicite de ces droits et l’absence d’un droit de consultation dans le cas des griefs de principe sous-entend que les parties n’avaient pas l’intention de se conférer un droit mutuel de consultation dans le cas des griefs de principe.

111        En outre, l’utilisation du mot « présenter » dans la convention collective dans son ensemble et dans le contexte de toutes les clauses portant sur les griefs de principe, y compris la clause 24.05, porte sur la présentation des griefs de principe par la poste est conforme à l’interprétation selon laquelle le mot « présenter » signifie [traduction] « déposer » ou [traduction] « soumettre » et est incompatible avec l’interprétation selon laquelle il signifie [traduction] « présenter » au sens de [traduction] « présenter une affaire à un décideur ».

112        Cette interprétation est conforme à celle dans Hickling, où l’arbitre de griefs a conclu dans cette affaire que la présentation d’un grief signifiait que le grief était transmis et ensuite reçu au prochain palier de la procédure de règlement des griefs, que la disposition n’oblige pas à tenir une consultation à chaque palier de la procédure de règlement des griefs et qu’il n’existe aucune obligation de faire des observations à chaque palier.

113        S’il n’y a aucun droit explicite à une consultation mutuelle par les parties dans le cas des griefs de principe et si le mot « présenter » utilisé par les parties à la convention collective dans son ensemble signifie présenter ou soumettre et non [traduction] « présenter » comme dans la présentation d’une affaire, il s’ensuit à mon avis que la convention collective ne comporte aucune disposition explicite obligeant le décideur à assister à une consultation volontaire sur un grief.

114        Un exemple d’une disposition explicite d’une convention collective obligeant le décideur à assister à l’audience sur le grief est donné dans Windsor (City). Au paragraphe 11 de cette affaire, la deuxième étape de la procédure de règlement des griefs prévoyait ce qui suit :

[Traduction]

[...]

Si la plainte de l’employée n’est pas réglée [à la première étape], elle doit transmettre son grief par écrit à l’administrateur de la résidence dans les dix (10) suivant le fait donnant lieu au grief. Un tel grief devra être soumis en quatre exemplaires sur le formulaire fourni par la Société et approuvé par l’Association et il doit être signé par l’employée.

L’administrateur devra entendre le grief dans les trois (3) jours après sa réception, et il sera permis à l’Association de voir la fonctionnaire et deux (2) représentants des infirmières et infirmiers de l’Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario présents à l’audience. L’administrateur rendra sa décision par écrit à la fonctionnaire et au secrétaire de l’Association dans les cinq (5) jours suivant l’audience.

115        La troisième étape de la procédure de règlement des griefs prévoyait ce qui suit :

[Traduction]

[...]

Si l’Association souhaite interjeter appel de la décision de l’administrateur devant l’administrateur municipal, elle doit remettre un avis écrit à l’administrateur municipal dans les cinq (5) jours suivant la réception de ladite décision. L’administrateur municipal doit entendre un tel grief dans les sept (7) jours suivant la réception dudit avis et il remettra sa décision par écrit au secrétaire de l’Association dans les sept (7) jours suivant l’audience. Un représentant de l’Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario peut assister à cette audience.

[...]

116        Je conclus pour les motifs qui précèdent que la présence du décideur à la consultation sur le grief n’est pas explicitement requise conformément à la clause 24.41 de la convention collective.

2. La question de savoir si la présence du décideur est une condition implicite de la convention collective

117        La présence du décideur est-elle une condition implicite de la convention collective?

118        Selon l’agent négociateur, le critère de la nécessité prévu dans McKellar General Hospital, mentionné par l’arbitre de grief Bendel dans Perelmuter, est respecté en l’espèce.

119        Au paragraphe 15, l’arbitre de grief Bendel a présenté le critère dans McKellar General Hospital. Selon cette dernière décision, le pouvoir de déclarer un délai implicite ne devait être exercé qu’en présence des deux conditions suivantes :

[...]

(1) s’il est nécessaire d’admettre une condition implicite pour rendre un contrat « efficace au plan commercial et de la convention collective » autrement dit, pour faire en sorte que la convention collective puisse être exécutée;

(2) si, après avoir pris connaissance de l’omission de la condition, les parties conviennent sans hésitation de l’inclure.

120        L’agent négociateur soutient que l’élément de nécessité est respecté par l’admission d’une condition implicite dans la convention collective exigeant que le décideur réel assiste à l’audience sur le grief afin de s’assurer que ses objectifs sont respectés, puisqu’on ne peut régler une affaire sauf si le décideur est présent; l’agent négociateur ne peut pas non plus communiquer les problèmes à l’employeur à moins que le décideur soit présent. Le décideur doit s’en remettre aux idées ou au point de vue du représentant délégué.

121        L’employeur répond que rien dans la preuve n’indique que la convention collective ne fonctionne pas. L’employeur renvoie à l’énoncé conjoint des faits qui indique comment l’employeur établit un équilibre entre le traitement des griefs de principe par les cadres supérieurs au moyen de la préparation d’un précis et de comptes rendus subséquents, à l’intention du décideur dans l’éventualité où ce dernier ne pourrait assister à une consultation sur un grief. Il déclare que dans certains cas, l’agent négociateur a choisi de ne pas avoir une consultation sur les griefs; cependant, les griefs sont toujours considérés comme ayant été présentés et renvoyés à l’arbitrage. Les parties reconnaissent que les trois griefs de principe ont été réglés et que neuf d’entre eux ont été traités sans consultation orale. Pour deux des cinq griefs de principe pour lesquels des consultations orales ont eu lieu, le décideur était présent.

122        L’employeur soutient que rien dans la preuve n’indique qu’il aurait accepté la condition implicite selon la deuxième condition du critère de McKellar General Hospital.

123        J’ai décidé d’appliquer le critère établi dans McKellar General Hospital pour les mêmes raisons que l’arbitre de grief Bendel, puisqu’il s’agit d’un critère que les arbitres de différends et les arbitres de grief continuent de respecter.

124        Je ne suis pas convaincu que le fait d’obliger le décideur à assister à l’audience sur le grief de principe est nécessaire pour faire en sorte que la convention collective puisse être exécutée. La pratique adoptée par différents ministères, mentionnée dans l’énoncé conjoint des faits, n’indique pas de tendance constante reflétant la nécessité pour les décideurs d’être présent au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. En outre, je ne suis pas convaincue que la pratique entre ces parties ainsi que leurs antécédents en matière de règlement des griefs de principe, sans que le décideur soit présent aux consultations, démontre que la convention collective ne fonctionne pas ou qu’elle n’est pas efficace. De plus, rien dans la preuve n’indique que l’employeur aurait consenti à la condition implicite sans hésitation s’il avait été au courant de l’omission.

125        Je conclus que le fait d’obliger le décideur à assister à une consultation sur un grief de principe n’est pas une condition implicite de la convention collective.

A. Les régimes législatifs et réglementaires

126        Le paragraphe 220(1) de la LRTFP établit le droit de l’employeur et de l’agent négociateur de présenter un grief de principe et il est ainsi rédigé :

220 (1) Si l’employeur et l’agent négociateur sont liés par une convention collective ou une décision arbitrale, l’un peut présenter à l’autre un grief de principe portant sur l’interprétation ou l’application d’une disposition de la convention ou de la décision relativement à l’un ou l’autre ou à l’unité de négociation de façon générale.

127        Les paragraphes 220(2) à (5) limitent les questions qui peuvent être présentées au moyen d’un grief de principe.

128        L’article 221 prévoit que « [l]a partie qui présente un grief de principe peut le renvoyer à l’arbitrage ».

129        Le paragraphe 228(1) prévoit que « [l]’arbitre de grief ou la Commission, selon le cas, donne à chaque partie au grief l’occasion de se faire entendre ».

130        L’article 229 prévoit que « [l]a décision de l’arbitre de grief ou de la Commission ne peut avoir pour effet d’exiger la modification d’une convention collective ou d’une décision arbitrale ».

131        Le paragraphe 237(2) de la LRTFP précise ce qui suit :

« Les clauses d’une convention collective conclue à l’égard des fonctionnaires d’une unité de négociation par l’agent négociateur accrédité pour celle-ci et par l’employeur l’emportent sur les dispositions incompatibles des règlements pris en vertu du paragraphe (1) au sujet des griefs individuels, collectifs ou de principe. »

132        Les articles 83 à 88 du Règlement prévoient les dispositions portant sur le traitement des griefs de principe.

133        L’article 83 prévoit un palier de la procédure de règlement des griefs.

134        Le paragraphe 84(1) prévoit que « [l]’employeur avise l’agent négociateur du nom ou du titre ainsi que de l’adresse de toute personne à qui les griefs de principe peuvent être présentés ».

135        Le paragraphe 84(2) prévoit que « [l]’agent négociateur avise l’employeur du nom ou du titre ainsi que de l’adresse de toute personne à qui les griefs de principe peuvent être présentés ».

136        Le paragraphe 85(1) établit un délai de présentation d’un grief de principe.

137        Selon le paragraphe 85(2), un grief de principe est réputé avoir été présenté dans le délai prévu s’il est expédié par messager ou remis à toute personne à qui un grief de principe peut être présenté en vertu des paragraphes 84(1) ou (2).

138        Les articles 86, 87 et 88 prévoient ce qui suit :

86 Lorsqu’elle reçoit un grief de principe, la personne visée aux paragraphes 84(1) ou (2) :

a) remet à l’agent négociateur ou à l’employeur, selon le cas, un accusé de réception indiquant la date à laquelle elle l’a reçu;

b) le transmet à la personne dont la décision en matière de griefs de principe constitue le palier de la procédure.

87 La personne dont la décision en matière de griefs de principe constitue le palier de la procédure remet sa décision à l’agent négociateur ou à l’employeur, selon le cas, au plus tard vingt jours après la réception du grief par toute personne visée aux paragraphes 84(1) ou (2), selon le cas.

88 (1) L’agent négociateur ou l’employeur peut, par avis écrit adressé à toute personne visée aux paragraphes 84(1) ou (2), selon le cas, renoncer à son grief de principe avant qu’une décision ne soit rendue par la personne dont la décision en matière de griefs de principe constitue le palier de la procédure.

139        À la lecture des termes de la LRTFP et du Règlement dans leur contexte et selon leur sens ordinaire et grammatical conformément aux règles d’interprétation législative, une lecture juste de ces dispositions appuie l’interprétation selon laquelle le mot « présenter » dans ce contexte signifie « soumettre » ou « déposer » et non « présenter » au sens de [traduction] « présenter une affaire à un décideur ». L’article 86 du Règlement établit une distinction claire entre la personne à qui un grief de principe est présenté et celle qui rend la décision. Les articles 87 et 88 renforcent cette distinction.

140        La LRTFP et le Règlement ne prévoient pas une consultation orale au dernier palier de la procédure de règlement des griefs dans le cas d’un grief de principe et n’imposent pas à un décideur l’obligation d’assister à une telle consultation. Je ne constate aucune incohérence entre le Règlement et les dispositions de la convention collective. Toutefois, il est révélateur que l’article 228 de la LRTFP oblige un arbitre de griefs à donner à chaque partie au grief l’occasion de se faire entendre. La LRTFP n’oblige clairement pas un décideur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs de principe de donner à l’autre partie l’occasion de se faire entendre.

B. Le droit public

141        L’agent négociateur soutient subsidiairement encore que l’absence d’un décideur à une consultation sur un grief est un exercice déraisonnable des droits de gestion puisque la clause 5.02 de la convention collective oblige l’employeur à agir raisonnablement, équitablement et de bonne foi dans l’administration de la convention. Il soutient que la règle d’équité procédurale selon laquelle « il appartient à celui qui entend une cause de la trancher » est imposée à l’employeur quant à la façon dont il exerce ses droits de gestion et, en particulier, la façon dont il répond aux griefs de principe dans le cadre de la procédure de règlement des griefs.

142        L’employeur répond que l’agent négociateur suggère que le niveau d’équité procédurale requis dans le cadre de la procédure de règlement des griefs est semblable à celui de l’audience devant un tribunal où les parties ont droit à la tenue d’une audience complète devant le décideur, comme le prévoit l’article 221 de la LRTFP, et qu’il est incompatible avec le droit commun.

143        Il fait valoir que le droit de participer devant un décideur ne confère pas invariablement un droit d’être présent personnellement à une audience orale et que la règle audi alteram partem n’exige pas toujours une audience. Elle exige seulement que l’on fournisse aux parties l’occasion de faire valoir leurs moyens. Elle invoque la décision Hagel de la Cour fédérale,confirmée par la Cour d’appel fédérale, selon laquelle un décideur n’est pas tenu d’assister en personne à l’audience sur le grief, pour des raisons d’équité procédurale découlant de la Loi ou du droit public.

144        Subsidiairement, en supposant qu’il y avait des vices de procédure dans le cadre de la procédure de règlement des griefs, l’employeur soutient qu’ils sont réparés par l’audition de novo qui a lieu devant l’arbitre (Tipple).

145        Dans Komo Construction Inc. et al. c. Commission des Relations de Travail du Québec et al., [1968] R.C.S. 172, le juge Pigeon a déclaré ce qui suit, en ce qui concerne l’application de la règle audi alteram partem, à la page 4 :

Pour ce qui est de l’application de la règle audi alteram partem, il importe de noter qu’elle n’implique pas qu’il doit toujours être accordé une audition. L’obligation est de fournir à la partie l’occasion de faire valoir ses moyens. [...]

146        Dans Baker, madame la juge L’Heureux-Dubé a mis en évidence les facteurs touchant le contenu de l’obligation d’équité. Elle a déclaré en partie ce qui suit aux paragraphes 23 à 27 de la décision :

23 La jurisprudence reconnaît plusieurs facteurs pertinents en ce qui a trait aux exigences de l’obligation d’équité procédurale en common law dans des circonstances données. Un facteur important est la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir. Dans l’arrêt Knight, précité, à la p. 683, on a conclu que « la mesure dans laquelle le processus administratif se rapproche du processus judiciaire est de nature à indiquer jusqu’à quel point ces principes directeurs devraient s’appliquer dans le domaine de la prise de décisions administratives ». Plus le processus prévu, la fonction du tribunal, la nature de l’organisme rendant la décision et la démarche à suivre pour parvenir à la décision ressemblent à une prise de décision judiciaire, plus il est probable que l’obligation d’agir équitablement exigera des protections procédurales proches du modèle du procès. [...]

24 Le deuxième facteur est la nature du régime législatif et les « termes de la loi en vertu de laquelle agit l’organisme en question » : Vieux St-Boniface, précité, à la p. 1191. Le rôle que joue la décision particulière au sein du régime législatif, et d’autres indications qui s’y rapportent dans la loi, aident à définir la nature de l’obligation d’équité dans le cadre d’une décision administrative précise. Par exemple, des protections procédurales plus importantes seront exigées lorsque la loi ne prévoit aucune procédure d’appel, ou lorsque la décision est déterminante quant à la question en litige et qu’il n’est plus possible de présenter d’autres demandes : voir D. J. M. Brown et J. M. Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada (feuilles mobiles), aux pp. 7-66 et 7-67.

25 Le troisième facteur permettant de définir la nature et l’étendue de l’obligation d’équité est l’importance de la décision pour les personnes visées. Plus la décision est importante pour la vie des personnes visées et plus ses répercussions sont grandes pour ces personnes, plus les protections procédurales requises seront rigoureuses. [...]

26 Quatrièmement, les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision peuvent également servir à déterminer quelles procédures l’obligation d’équité exige dans des circonstances données. [...] Au Canada, la reconnaissance qu’une attente légitime existe aura une incidence sur la nature de l’obligation d’équité envers les personnes visées par la décision. [...] Néanmoins, la doctrine [...] appliquée au Canada, est fondée sur le principe que les « circonstances » touchant l’équité procédurale comprennent les promesses ou pratiques habituelles des décideurs administratifs, et qu’il serait généralement injuste de leur part d’agir en contravention d’assurances données en matière de procédures, ou de revenir sur des promesses matérielles sans accorder de droits procéduraux importants.

27 Cinquièmement, l’analyse des procédures requises par l’obligation d’équité devrait également prendre en considération et respecter les choix de procédure que l’organisme fait lui-même, particulièrement quand la loi laisse au décideur la possibilité de choisir ses propres procédures, ou quand l’organisme a une expertise dans le choix des procédures appropriées dans les circonstances. [...]

147        Dans Doyle c. Canada (Commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1985] 1 C.F. 362 (C.A.F.), aux pages 368 à 369, le juge Pratte a décrit la maxime « celui qui tranche une affaire doit l’avoir entendue » et sa relation à l’égard de la règle audi alteram partem. Cette description a été adoptée par le juge Gonthier, au paragraphe 76, de l’arrêt majoritaire de la Cour suprême du Canada dans Syndicat international des travailleurs du bois d’Amérique, section locale 2-69 c. Consolidated-Bathurst Packaging Ltd., [1990] 1 R.C.S. 282, ainsi :

Cette maxime exprime une règle bien connue suivant laquelle, lorsque la loi charge un tribunal d’entendre et décider une affaire, seuls les membres du tribunal qui ont entendu l’affaire peuvent participer à la décision. On a parfois dit que cette règle exprimait une conséquence de la règle audi alteram partem. Cela est vrai dans la mesure où un justiciable n’est vraiment « entendu » que s’il est entendu par celui qui décidera sa cause. [...] Ceci dit, il faut voir que la règle « he who decides must hear », si importante qu’elle soit, est fondée sur la volonté présumée du législateur. Elle ne s’applique donc pas lorsque le législateur en a expressément écarté l’application; elle ne s’applique pas non plus lorsque l’étude de l’ensemble des dispositions régissant l’activité d’un tribunal conduit à croire que le législateur n’a pas dû vouloir qu’elle s’y applique. Enfin, lorsque la règle s’applique à un tribunal, elle exige que tous les membres de ce tribunal qui participent à une décision aient entendu la preuve et les représentations des parties de la façon que la loi veut qu’elles soient entendues.

148        Dans Hagel, le juge Zinn a examiné une demande de contrôle judiciaire présentée par des employés de la fonction publique à l’égard d’une décision rejetant leur grief portant sur leur transfert de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (« ADRC »), un employé distinct, vers l’ASFC, dont le Conseil du Trésor était l’employeur. Les employés touchés, alors qu’ils étaient employés par l’ADRC, occupaient des postes de direction ou de confiance et n’étaient pas syndiqués. Ce groupe professionnel n’existait pas au moment de leur transfert au Conseil du Trésor et leurs postes ont été reclassés pour un groupe qui n’offrait pas une augmentation salariale en 2004 et pour lequel leur salaire était inférieur.

149        D’un commun accord, les griefs sont passés directement au dernier palier de la procédure de règlement des griefs et ont été rejetés au motif que le Conseil du Trésor avait traité les demandeurs de façon équitable et uniforme relativement à l’intégration des employés dans la fonction publique, conformément aux pratiques de l’employeur.

150        Les demandeurs ont notamment fait valoir dans la demande de contrôle judiciaire qu’ils avaient été privés de l’équité procédurale puisque le décideur n’avait pas personnellement comparu à l’audition du grief.

151        Le juge Zinn a finalement rejeté la demande de contrôle judiciaire et, en particulier, il a rejeté la prétention des demandeurs selon laquelle le décideur était tenu d’être présent en personne à la présentation des auteurs des griefs. Néanmoins, dans son raisonnement, il a conclu que l’obligation d’équité procédurale en droit public s’appliquait à la procédure de règlement des griefs en vertu de la LRTFP, déclarant ce qui suit :

           [Traduction]

[...]

À mon avis, il y a en effet de bonnes raisons de juger qu’une obligation d’équité en droit public s’applique à la procédure de grief prévue par la LRTFP. Premièrement, la jurisprudence est bien établie. Dans l’arrêt Chong c. Canada (Conseil du Trésor) (1999), 170 D.L.R. (4th) 641, une affaire de grief de classification régie par la LRTFP, la Cour d’appel fédérale a écrit ce qui suit au paragraphe 12 : « Il est clair qu’il existe un litige que la procédure des griefs vise à résoudre et il est clair que cette procédure doit être menée de façon équitable. » [Non souligné dans l’original.] Deuxièmement, les dispositions de la LRTFP-relatives à la procédure régissant les griefs qui ne peuvent être renvoyés à l’arbitrage sont tellement peu élaborées qu’elles ne peuvent être considérées comme attribuant des garanties procédurales de quelque sorte conférées par la loi, tandis que les contrats d’emploi et le droit privé sont tous deux des sources de garanties procédurales en matière de licenciement. Troisièmement, lorsque des employés n’ont pas accès à l’arbitrage par un tiers, il est particulièrement significatif ce qui suit : « les questions d’équité procédurale peuvent être examinées de plein droit dans le cadre du contrôle judiciaire de la décision du décideur », comme le soulignait le juge Sexton dans l’arrêt Vaughan c. Canada, 2003 CAF 76. [...]

[...]

152        Le juge Zinn, après avoir conclu, selon les faits de l’affaire, que les auteurs des griefs avaient droit à un certain degré d’équité procédurale découlant du droit public, a poursuivi en examinant le niveau de cette obligation au paragraphe 35 :

        [Traduction]

[35] [...] Je suis également d’avis que l’intensité de l’obligation se situait au bas de l’échelle, comme l’a établi la jurisprudence concernant les griefs de classification. En l’espèce, les griefs ont été apparemment traités quelque peu au cas par cas, en ce sens qu’ils sont allés directement au dernier palier, d’un commun accord. Dans l’affidavit qu’il a déposé dans la présente instance, le décideur, Paul Burkholder, déclare [TRADUCTION] « que la procédure établie pour la consultation et l’audience sur les griefs a été suivie ». La procédure suivie a fourni aux auteurs des griefs amplement l’occasion de faire valoir leurs arguments. En effet, selon le dossier dont la Cour est saisie, leur présentation aux conseillers en relations de travail a été résumée avec exactitude dans le document intitulé Final Level Grievance Précis. De plus, aucune disposition de la LRTFP ne donne lieu à une obligation de tenir une audience et les demandeurs n’ont renvoyé la Cour à aucun autre document de politique qui la prévoyait. Dans ces circonstances, je rejette la prétention des demandeurs selon laquelle le décideur était tenu d’être présent en personne à la présentation des auteurs des griefs.

153        Afin d’établir dans quelle mesure l’obligation d’équité procédurale est intégrée à la prise de décisions administratives dans le cadre de la procédure de règlement des griefs de principe, en vertu de la Loi et de la convention collective, un certain nombre de facteurs doivent être examinés.

154        Selon Hagel, je suis d’accord pour dire qu’une obligation d’équité procédurale en droit public s’applique à la procédure de règlement des griefs prévue par la LRTFP. Cette obligation oblige l’agent négociateur ou l’employeur, selon le cas, à présenter des observations par écrit au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

155        Cette obligation permettait-elle d’exiger que le décideur assiste à une consultation sur un grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs? La mesure dans laquelle le processus administratif se rapproche du processus judiciaire ainsi que la nature du régime législatif de la LRTFP sont pertinentes à la détermination de la mesure dans laquelle les autres principes devraient être intégrés à la procédure de règlement des griefs. L’importance de la décision pour l’agent négociateur et la question de savoir s’il y a eu contravention d’une représentation faite à l’agent négociateur quant à la procédure à suivre, sont également pertinentes.

156        Je conclus que les dispositions explicites de la convention collective, de la LRTFP, du Règlement et les obligations d’équité procédurale en droit public n’imposent pas une obligation d’équité à l’autre partie d’obliger un décideur à assister personnellement à une consultation sur un grief de principe. Le fait que le grief peut être renvoyé à l’arbitrage, dans le cadre duquel les deux parties auront pleinement la possibilité d’être entendues par le décideur nommé par la Commission, est également important. Un examen de ces dispositions m’amène à conclure que la maxime, qu’elle précise qu’« il appartient à celui qui entend une cause de la trancher » ou « celui qui tranche une affaire doit l’avoir entendue », n’a pas pour but d’obliger un décideur à assister à une consultation sur un grief de principe.

157        L’agent négociateur soutient qu’il ne fonde pas sa demande sur le droit commun selon lequel le principe de l’équité procédurale exige la présence du décideur à l’audience sur le grief, mais plutôt sur la clause 5.02 de la convention collective.

158        La clause 5.02 de la convention collective prévoit que l’employeur agit raisonnablement, équitablement et de bonne foi dans l’administration de la convention collective. Comme il est indiqué, la convention collective doit être lue dans son ensemble. Il existe des dispositions explicites portant sur la présentation des griefs et, dans le cas de griefs individuels et de griefs collectifs, les parties ont prévu un droit de consultation, mais non dans le cas des griefs de principe.

159        Les parties ont explicitement abordé les aspects de l’équité procédurale dans le cadre d’une procédure de règlement des griefs, mais n’ont pas prévu la présence de décideurs à une consultation orale sur les griefs. En l’absence d’un pouvoir péremptoire, je ne suis pas convaincu que le libellé utilisé à l’article 5, soit que l’employeur agira équitablement dans l’administration de la convention, intègre une obligation d’équité procédurale plus importante que celle prévue par le droit public. Voir la discussion dans Collective Agreement Arbitration in Canada aux pages 915 à 918.

160        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

161        Le grief est rejeté.

Le 3 juin 2016

Traduction de la CRTEFP

David Olsen,
une formation de la Commission des relations
de travail et de l’emploi dans la fonction publique
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