Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés ont contesté la décision de l’employeur de les priver de la possibilité de travailler des heures supplémentaires dans une section différente de leur bureau des services fiscaux (BSF), au motif qu’ils n’étaient pas qualifiés pour exercer l’éventail des responsabilités étant donné qu’il y avait des différences entre les sections et les secteurs d’activité et que les renseignements étaient rapidement caducs – les fonctionnaires s’estimant lésés étaient tous des chefs d’équipe à la section des fiducies de la Division du recouvrement des recettes, et ils ont été privés de la possibilité de travailler des heures supplémentaires à la section des créances – un des fonctionnaires s’estimant lésés a également déposé un deuxième grief quand il a été privé de la possibilité de travailler des heures supplémentaires à la section des fiducies lorsqu’il a cessé d’y travailler et qu’il est passé à la section des créances – chaque fonctionnaire s’estimant lésé a, à un moment donné, été chef d’équipe à la section des créances, et tous les chefs d’équipe du BSF ont la même description de travail, les mêmes qualifications et les mêmes compétences – régulièrement, l’employeur déplaçait les chefs d’équipe, par rotation, d’une section du BSF à une autre, sans évaluer leurs qualifications ou les former – l’employeur a fait valoir que, malgré leur expérience, ils ne possédaient pas l’expérience actuelle requise – les fonctionnaires s’estimant lésés ont présenté des éléments de preuve selon lesquels la politique sur la répartition des heures supplémentaires avait changé avec l’arrivée d’un nouveau directeur adjoint et que, auparavant, les chefs d’équipe avaient travaillé des heures supplémentaires dans d’autres sections que la leur – étant donné l’utilisation de descriptions de travail génériques par l’employeur pour faciliter les déplacements entre les secteurs d’activité, ainsi que l’absence d’évaluation et de formation lors de ces déplacements, la formation de la Commission a conclu que l’employeur n’avait pas réussi à réfuter les preuves des fonctionnaires s’estimant lésés selon lesquelles ils étaient qualifiés pour travailler dans toutes les sections – de plus, les fonctionnaires s’estimant lésés avaient déjà exercé les fonctions pour lesquelles des heures supplémentaires étaient disponibles – selon le libellé de la convention collective, les heures supplémentaires n’étaient pas limitées à l’unité où elles étaient disponibles – selon la preuve présentée, les fonctionnaires s’estimant lésés ont communiqué leur disponibilité à travailler et ont démontré que les heures supplémentaires n’avaient pas été réparties de façon équitable – l’employeur a refusé aux fonctionnaires s’estimant lésés le droit de travailler des heures supplémentaires, et ce, de façon arbitraire – la Commission a compétence pour trancher cette question malgré l’argument de l’employeur concernant les droits de la direction, parce qu’elle a compétence pour trancher les questions découlant d’une contravention à la convention collective – la formation de la Commission a ordonné que les fonctionnaires s’estimant lésés reçoivent une compensation pécuniaire pour leurs pertes. Griefs accueillis.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-05-06
  • Dossier:  566-34-7007 à 7010 et 9283
  • Référence:  2016 CRTEFP 40

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

Andrew Dewit, Glen Dunbar, Jim Peterson et Ian Saunders

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Dewit c. Agence du revenu du Canada


Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage


Devant:
Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Jacek Janczur, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Genevieve Ruel, avocate
Affaire entendue à Calgary (Alberta),
Les 17 et 18 mars et les 11 et 12 août 2015.

(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1        Andrew Dewit, Glen Dunbar, Jim Peterson et Ian Saunders, les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »), ont déposé un grief relativement à la décision de l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur » ou l’« ARC ») de leur refuser la possibilité de travailler des heures supplémentaires dans une section différente de son Bureau des services fiscaux (« BSF ») de Calgary, en Alberta, au motif qu’ils n’étaient pas qualifiés pour effectuer le travail, contrairement à la clause 28.05 de la convention conclue entre l’ARC et l’Alliance de la Fonction publique du Canada, pour le groupe Exécution des programmes et des services administratifs, qui venait à échéance le 31 octobre 2012 (la « convention collective »).

2        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une procédure engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi ») avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

II. Résumé de la preuve

3        Les quatre fonctionnaires travaillaient à la Division du recouvrement des recettes de l’ARC (la « division »), entre septembre 2010 et mars 2011. Ils étaient tous des chefs d’équipe (« CE ») de la section des Fiducies de la division. Ils se sont vus refuser des possibilités de travailler des heures supplémentaires que l’employeur avait offertes au personnel de la section des Comptes clients du BSF de Calgary, entre le 29 septembre 2010 et le 31 mars 2011. Chaque fonctionnaire avait été CE dans la section des Comptes clients avant de travailler dans la section des Fiducies. Les quatre ont indiqué qu’ils étaient disponibles et qualifiés lorsqu’on leur a refusé les possibilités de travailler des heures supplémentaires. Ils ont ajouté qu’ils se trouvaient dans un bassin de CE qualifiés aux fins des heures supplémentaires. M. Dewit a déposé un deuxième grief semblable lorsqu’on lui a refusé la possibilité de travailler des heures supplémentaires dans la section des Fiducies à titre de CE, puisqu’il était passé de cette section à celle des Comptes clients.

4        Ken Grey a été un employé de l’ARC de 1976 à 2013, dont 20 ans à titre de CE dans la section de l’Observation et de l’identification. Pendant qu’il était CE dans la section de l’Observation et de l’identification, il a travaillé des heures supplémentaires à titre de CE dans les sections du Recouvrement et des Comptes clients. Il a travaillé des heures supplémentaires comme CE plus récemment, entre septembre 2010 et mars 2011. Le rôle principal d’un CE lors d’un quart en heures supplémentaires en est un de gardien du temps, c’est-à-dire qu’il veille à ce que ceux qui sont à l’horaire aux fins des heures supplémentaires soient présents et travaillent réellement. Après 18 h, certains secteurs du lieu de travail sont restreints et une carte à bande magnétique spéciale est requise pour y accéder. Le CE contrôle la carte à bande magnétique requise pour accéder à ces secteurs. En outre, le CE qui travaille un quart de travail d’heures supplémentaires assume une fonction de sécurité, puisqu’il verrouille les lieux et veille à ce que le lieu de travail soit vacant à la fin du quart.

5        Pendant qu’il se trouve à son bureau au cours d’un quart de travail d’heures supplémentaires, un CE travaille sur ses propres dossiers. Aucune question liée au rendement des employés n’est abordée pendant un quart de travail d’heures supplémentaires. Pour ce faire, le CE devrait quitter le lieu de travail et il ne serait plus disponible pour ceux qui travaillent le quart. Lorsqu’ils avaient besoin de l’aide d’un superviseur, les employés qui travaillaient des heures supplémentaires étaient dirigés vers M. Grey par leurs superviseurs de jour. Peu importe le quart, M. Grey était responsable de neuf personnes provenant d’autres équipes. Il était une ressource pour ces employés, mais il n’examinait pas leur travail à moins qu’une question précise ne lui soit posée. Selon M. Grey, un CE qui travaille dans la division et qui connaît la culture, les politiques et les procédures de l’organisation, peut travailler un quart à titre de CE aux Comptes clients.

6        M. Dewit a commencé à travailler à l’ARC en 1997, aux Comptes clients. En 2007, il est devenu CE et, depuis, il a travaillé aux Comptes clients et dans le secteur de l’Examen des comptes de fiducie de la section des Fiducies. La section des Fiducies comprend trois secteurs : Examen des comptes de fiducie, Observation des comptes de fiducie et Vérification du niveau d’observation des employeurs. En 2011, il a été affecté de façon permanente aux Comptes clients. À titre de CE, il a toujours obtenu la cote [traduction] « réussi plus » à ses évaluations annuelles du rendement.

7        Selon son expérience, les heures supplémentaires étaient distribuées parmi tous les CE, qui avaient tous été informés en même temps des heures supplémentaires disponibles. Avant 2010, il était autorisé à travailler des heures supplémentaires à l’extérieur du secteur qui lui était attribué. Il supervisait quiconque travaillait des heures supplémentaires; aucune différence n’était faite quant au type de travail effectué. En 2009, Terry Harder est devenu directeur adjoint du BSF de Calgary, à la suite de quoi M. Dewit n’était plus admissible à travailler des heures supplémentaires dans d’autres sections.

8        M. Dewit a déposé son premier grief après qu’on lui ait refusé la possibilité de travailler des heures supplémentaires le 28 septembre 2010. Il n’avait pas été informé que des heures supplémentaires étaient disponibles jusqu’à ce qu’un collègue le lui mentionne. Il a rencontré son gestionnaire, David Mapplebeck, et l’a informé qu’il voulait travailler des heures supplémentaires, peu importe où elles étaient disponibles. Lorsque M. Dewit a présenté cette demande, on l’a informé que les heures supplémentaires étaient uniquement offertes dans la section des Comptes clients et qu’il était impossible de transférer des fonds vers les Fiducies pour y financer les heures supplémentaires. Quoi qu’il en soit, M. Mapplebeck a pris note de la demande et a accepté de parler à M. Harder, et de revenir à M. Dewit avec une réponse.

9        M. Dewit a ensuite passé plusieurs mois à essayer d’obtenir une réponse à sa demande. Des règles relatives aux heures supplémentaires ont été transmises aux employés en septembre 2010, et les instructions de l’employeur ont suivi en octobre 2010. M. Dewit a de nouveau soulevé le sujet, le 9 novembre 2010, dans le cadre d’une réunion de la section de l’Examen des comptes de fiducie. M. Mapplebeck lui a dit que les CE de chaque secteur étaient considérés comme des CE de secteurs qualifiés distincts.

10        En janvier 2011, M. Dewit a appris, dans le cadre d’une réunion de section, que des fonds avaient été transférés des sections des Comptes clients et de l’Observation des comptes de fiducies, afin de financer les heures supplémentaires, contrairement à ce que M. Mapplebeck lui avait dit, ce qui a embrouillé M. Dewit.

11        En février 2011, les fonctionnaires ont demandé à superviser des heures supplémentaires dans la section de l’Observation des comptes de fiducie. Ils n’avaient pas d’expérience dans cette section et ils n’étaient pas familiers avec le travail qui y était fait. Ils ont demandé comment les heures supplémentaires seraient distribuées et ils ont été informés que l’employeur avait instauré un système de loterie.

12        M. Dewit a travaillé un quart d’heures supplémentaires, où il a supervisé le personnel de l’Observation des comptes de fiducie qui travaillait des heures supplémentaires ce mois-là. Le travail qui y était effectué était complètement différent de celui effectué à l’Examen des comptes de fiducie, où il travaillait. Il a terminé le quart de travail avec succès; il s’agissait strictement de travail de supervision. Il est arrivé à faire des recherches dans l’intranet de l’ARC afin de répondre à des questions et de transmettre les réponses aux employés. Toutes les politiques, les règles et les procédures se trouvent dans l’intranet afin que les CE et les gestionnaires les consultent, et elles changent constamment; par conséquent, pour chaque question, il faut mener des recherches, peu importe la section où l’on travaille.

13        Le 22 février 2011, des heures supplémentaires étaient disponibles dans la section de l’Examen des comptes de fiducie, et ce, jusqu’à la fin du mois de mars; M. Dewitt a participé à ces heures supplémentaires. Il n’a cependant jamais obtenu de quart de travail dans la section des Comptes clients. Il a également travaillé des heures supplémentaires dans la section de l’Observation des comptes de fiducie, un secteur où il n’avait jamais travaillé auparavant.

14        À un moment donné en février 2011, M. Dewit a discuté avec son représentant syndical, David Fandrich, au sujet des heures supplémentaires dans la section des Comptes clients. Le 17 mars 2011, les fonctionnaires ont rencontré M. Fandrich et M. Harder afin de discuter de la répartition des heures supplémentaires. Pendant cette réunion, M. Harder a indiqué qu’il s’agissait de la première fois qu’il entendait parler de la demande des fonctionnaires et il s’est dit surpris. Il ignorait qu’ils avaient demandé de travailler des heures supplémentaires à l’extérieur de leur section attribuée. M. Harder leur a ensuite posé des questions sur leurs antécédents et leur expérience de travail. M. Harder a demandé à M. Dewit s’il s’attendait à être payé à ne rien faire et a insinué qu’il ne croyait pas que les fonctionnaires étaient qualifiés pour travailler dans la section des Comptes clients. Il leur a également posé des questions pour évaluer leurs connaissances au sujet des Comptes clients et leurs qualifications. Le ton de la réunion est devenu inconfortable et M. Saunders en a fait le commentaire. Les questions ont cessé.

15        Après avoir travaillé des heures supplémentaires dans la section de l’Observation des comptes de fiducie, en février 2011, M. Dewit a été transféré à la section des Comptes clients à titre de CE, soit en avril 2011. Ses qualifications n’ont pas été évaluées et aucune question n’a été soulevée quant à sa compétence pour y travailler. Il n’a reçu aucune formation.

16        En septembre 2011, des heures supplémentaires ont été proposées pour la section de l’Examen des comptes de fiducie, mais pas pour celle des Comptes clients. M. Dewit a discuté avec son gestionnaire, Gord Ross, à propos de cette occasion de travailler des heures supplémentaires. Il a donné suite à cette discussion en présentant une demande par courriel, qui a été refusée. Aucune justification n’a été fournie. Les CE de la section de l’Examen des comptes de fiducie se sont vus attribuer des heures supplémentaires et, même s’il avait quitté cette section six mois auparavant, on a refusé à M. Dewit d’y travailler des heures supplémentaires parce qu’il n’était pas qualifié. Les autres fonctionnaires ont travaillé ces heures supplémentaires.

17        La description de travail, les délégations de pouvoirs, les attentes et les outils à l’intention des CE sont identiques, peu importe la section où ils travaillent. L’employeur a néanmoins refusé de permettre aux fonctionnaires de travailler des heures supplémentaires dans une autre section que la leur. La dernière formation technique que M. Dewit a reçue dans la section des Comptes clients avait eu lieu en 2011. Les sections de l’Examen des comptes de fiducie et des Comptes clients ont beaucoup de points communs, puisqu’elles gèrent les mêmes dossiers, quoiqu’à différentes étapes du processus. Les différents éléments d’un compte sont répartis dans un certain nombre de secteurs. La complexité des dossiers d’un compte constitue une caractéristique distinctive. Les sections de l’Observation des comptes de fiducie et de l’Examen des comptes de fiducie ont le même gestionnaire.

18        M. Peterson est CE depuis 2002. En 2006, il était CE dans le secteur des Recouvrements des Comptes clients. En janvier 2009, il est devenu CE dans la section de l’Examen des comptes de fiducie. En août 2014, il est retourné aux Comptes clients. Lorsqu’il y est retourné, ses qualifications n’ont pas été évaluées. Au cours de sa carrière, il a passé environ cinq ans aux Comptes clients. Selon son expérience aux Comptes clients et à l’Examen des comptes de fiducies, il y a des éléments communs.

19        M. Peterson a travaillé à la section des Comptes clients jusqu’en janvier 2008. Il était intéressé à travailler les heures supplémentaires offertes dans cette section entre septembre 2010 et mars 2011. Il avait travaillé des heures supplémentaires à titre de CE à la section des Comptes clients et il connaissait ce rôle, qui comprenait la supervision du personnel et la gestion de la sécurité. Il était l’un des CE qui supervisait d’autres équipes pendant les quarts de travail d’heures supplémentaires. Il a présenté sa demande officielle à M. Mapplebeck et, à l’instar de M. Dewit, on lui a refusé cette possibilité. Cette question a fait l’objet d’une discussion officielle pendant les réunions de la section et a été soulevée de façon informelle à d’autres moments. La réponse était toujours qu’il n’y avait pas d’argent pour les heures supplémentaires dans la section de l’Examen des comptes de fiducie. Cette question a été soulevée à chaque réunion de section tenue après septembre 2010.

20        Lorsque M. Peterson a demandé si les fonctionnaires pouvaient travailler des heures supplémentaires dans la section des Comptes clients, M. Mapplebeck lui a tout d’abord répondu qu’il en parlerait avec le directeur adjoint, puis il lui a dit que les heures supplémentaires n’étaient pas offertes aux CE de l’Examen des comptes de fiducie. M. Mapplebeck a dit aux fonctionnaires que les fonds destinés aux heures supplémentaires étaient mis de côté pour la section des Comptes clients et qu’ils ne pouvaient être transférés pour couvrir les heures supplémentaires travaillées par les CE dans d’autres sections, ce qui a été noté dans le procès-verbal de la réunion de la section de l’Examen des comptes de fiducie (pièce 5). Au cours des années précédentes, les heures supplémentaires étaient offertes à tous les CE, pas seulement aux CE de la section des Comptes clients, peu importe la source de financement.

21        M. Dunbar a commencé sa carrière à l’ARC en 1990, et il a été CE dans la section des Comptes clients de 2001 à 2007. En janvier 2009, il est devenu CE dans la section de l’Examen des comptes de fiducie. Il est retourné dans la section des Comptes clients en décembre 2013, sans formation, évaluation de ses compétences ou discussion sur ses qualifications ou compétences; on lui a seulement donné une nouvelle équipe.

22        Entre septembre 2010 et mars 2011, il a également demandé à être inclus aux fins de considération pour les heures supplémentaires disponibles. Il a assisté aux réunions de section durant lesquelles lui et ses collègues ont demandé à travailler des heures supplémentaires et questionné M. Mapplebeck à ce sujet. M. Mapplebeck les a informés qu’il n’y avait pas de fonds pour les heures supplémentaires dans la section de l’Examen des comptes de fiducie, et qu’il y en avait seulement pour la section des Comptes clients.

23        M. Dunbar a également assisté à la réunion avec M. Harder. Il a décrit la nature des questions que M. Harder a posées. M. Harder s’est présenté à la réunion avec une liste de questions préparées en fonction de sa lecture de la jurisprudence. Le ton sur lequel les questions étaient posées était agressif. À la fin de la réunion, il a dit qu’il étudierait cette question de façon plus approfondie, qu’il en parlerait au directeur et qu’il leur fournirait une réponse. Il ne l’a jamais fait.

24        M. Saunders était CE au centre d’appels des services aux contribuables en 2008, lorsqu’il a été transféré de façon latérale afin d’être CE dans la section des Comptes clients. En 2009, il est devenu CE de la Vérification du niveau d’observation des employeurs, qui fait partie de la section des Fiducies, tout comme l’Examen des comptes de fiducie. En 2012, il est retourné aux Comptes clients. Entre septembre 2010 et mars 2011, il a demandé à M. Mapplebeck s’il pouvait travailler des heures supplémentaires dans la section des Comptes clients. M. Mapplebeck a accepté de se pencher sur cette question. À l’instar des autres fonctionnaires, M. Saunders a soulevé la question à chaque réunion de la section. Il a également rencontré M. Mapplebeck seul à seul, sans les autres fonctionnaires.

25        Au départ, M. Mapplebeck a dit aux fonctionnaires que le financement était uniquement disponible dans la section des Comptes clients. Toutefois, petit à petit, cette réponse a changé. Au terme des discussions, l’employeur a modifié sa réponse et a affirmé que les fonctionnaires n’étaient pas qualifiés pour agir à titre de CE dans la section des Comptes clients. Plus la fin de l’année des heures supplémentaires approchait, plus les motifs de l’employeur pour refuser des heures supplémentaires aux fonctionnaires changeaient.

26        Au 17 mars 2011, M. Saunders était le seul CE qui ne travaillait pas d’heures supplémentaires parce que son équipe atteignait ses cibles. On lui a dit qu’il n’était pas qualifié pour travailler dans les autres secteurs où des heures supplémentaires étaient offertes, même s’il possédait les mêmes compétences et la même description de travail, et en dépit de sa grande expérience. Il a tout de même travaillé deux quarts de travail d’heures supplémentaires dans la section de l’Observation des comptes de fiducie, où il n’avait jamais travaillé auparavant.

27        Pendant la réunion du 17 mars, avec M. Harder, il a lui aussi été accusé de vouloir être payé à ne rien faire. À l’instar des autres fonctionnaires, il a été questionné au sujet de ses antécédents et de la façon dont il demeurait à jour avec le matériel. Tout comme les autres fonctionnaires, il a été questionné de façon plus précise sur les situations où il a aidé des gens avec leurs comptes. Il n’était pas prêt à répondre à ces questions. Le ton de M. Harder était agressif et il s’est senti intimidé. Selon M. Harder, ses questions visaient à déterminer les qualifications des fonctionnaires pour travailler des heures supplémentaires à l’avenir.

28        M. Harder a témoigné qu’en 2010, un certain nombre d’enjeux sont survenus dans les sections des Comptes clients et de l’Examen des comptes de fiducie, notamment au sujet de la qualité. Ces programmes sont différents et ils possèdent des niveaux d’autorité différents, selon le niveau du dossier. La division comprend les sections des Non-déclarants, des Comptes clients et des Fiducies. La section des Fiducies est divisée en trois sous-sections : l’Examen des comptes de fiducie, la Vérification du niveau d’observation des employeurs et l’Observation des comptes de fiducie. L’Examen des comptes de fiducie, où tous les fonctionnaires travaillent sauf un, émet des avis de nouvelle cotisation, que la section des Comptes clients recouvre si le contribuable ne paye pas. Les CE examinent ces nouvelles cotisations et l’on s’attend à ce qu’ils formulent des conseils techniques sur les secteurs de programme, qu’ils supervisent les employés, qu’ils appliquent la loi, qu’ils discutent des résultats de rendement de leurs équipes, qu’ils mènent des examens de rendement et des exercices de planification de carrière avec leurs employés, qu’ils accompagnent, s’il y a lieu, leurs employés lorsqu’ils rencontrent des contribuables et qu’ils accomplissent d’autres fonctions administratives.

29        Pendant les quarts de travail d’heures supplémentaires, les fonctions des CE sont un sous-ensemble de leurs tâches régulières quotidiennes. Les heures supplémentaires servent à terminer du travail déjà attribué et ne constituent pas une occasion d’entamer du nouveau travail. La supervision comprend la prestation de conseils et de directives aux employés, de veiller au respect de la convention collective, de se conformer aux politiques et aux procédures, de bâtir une équipe et de surveiller le rendement. La gamme complète des fonctions d’un CE est requise dans le cadre de la supervision des employés qui travaillent des heures supplémentaires. Le travail des CE pendant les heures supplémentaires ne consiste pas uniquement à regarder des employés travailler. Si les employés qui travaillent des heures supplémentaires en font plus, alors les renvois aux CE aux fins d’approbation augmenteront et plus de listes de contrôle devront être remplies.

30        Les heures supplémentaires ont pour but d’atteindre les objectifs de programme. Il appartient à M. Harder de décider si les heures supplémentaires sont autorisées. Un gestionnaire présente une analyse de rentabilisation afin d’obtenir l’approbation pour les heures supplémentaires dans un secteur de programme particulier. Selon les pressions relatives au programme, M. Harder détermine si des crédits salariaux peuvent être utilisés pour financer les heures supplémentaires. Aucun budget n’est attribué spécifiquement aux heures supplémentaires; le financement provient du budget salarial. Si un programme répond aux attentes, les heures supplémentaires ne seront pas nécessaires ni autorisées. Les heures supplémentaires sont offertes à tous les employés qualifiés du secteur de programme. Aucune heure supplémentaire n’est offerte à un CE d’une section différente sans l’approbation de M. Harder. Les heures supplémentaires portent sur le travail à accomplir, et non sur les personnes qui l’accompliront.

31        Contrairement à la description de M. Grey au sujet des fonctions liées aux heures supplémentaires, M. Harder ne s’attendait pas à ce que le rôle principal d’un CE pendant un quart de travail d’heures supplémentaires soit de regarder des employés travailler. M. Grey a décrit une partie du travail seulement, selon M. Harder. Toutefois, étant donné qu’il ne travaillait pas d’heures supplémentaires, il ne savait pas quelles étaient les fonctions d’un CE pendant un quart de travail d’heures supplémentaires. Même si les CE qui travaillent des heures supplémentaires s’acquittent de leurs fonctions principales, il est possible qu’un CE de la section des Fiducies ait supervisé le personnel des Comptes clients pendant des heures supplémentaires à la même période par le passé. M. Harder n’était pas d’accord avec M. Dewit, lorsqu’il a souligné qu’il était possible de transférer des cours de formation d’un secteur d’activité à un autre; ces cours sont propres à chaque secteur d’activité.

32        M. Harder était au courant que les fonctionnaires avaient demandé de travailler des heures supplémentaires entre septembre 2010 et mars 2011. M. Mapplebeck lui a dit qu’aucune pression n’était exercée sur leurs propres secteurs et que, par conséquent, il n’y avait pas d’heures supplémentaires. Il a demandé si l’on pouvait permettre aux fonctionnaires de travailler des heures supplémentaires dans la section des Comptes clients, selon le cas. M. Harder s’attendait à ce que les heures supplémentaires soient attribuées aux CE des Comptes clients. À son avis, il n’était pas approprié de permettre aux CE de l’Examen des comptes de fiducie de travailler des heures supplémentaires dans un secteur d’activité différent. Les choses étaient peut-être différentes avant, mais il a changé cette façon de faire à son arrivée.

33        Pendant la réunion du 17 mars 2011, il a posé des questions aux fonctionnaires parce qu’il ne pouvait pas leur faire subir un test. À la lumière de son évaluation, il a conclu qu’ils n’étaient pas qualifiés pour travailler dans la section des Comptes clients. Même s’ils avaient la même description de travail générique, les mêmes qualifications et les mêmes compétences, ils ne possédaient pas de connaissances à jour sur la section des Comptes clients puisqu’ils travaillaient dans un secteur d’activité différent. Aucun effort n’a été déployé afin que les CE de l’Examen des comptes de fiducie soient qualifiés pour travailler aux Comptes clients. S’ils avaient souhaité être qualifiés, ils auraient dû retourner aux Comptes clients.

34        Rosemary Moore était la gestionnaire de la section des Comptes clients depuis avril 2008. Plus tôt dans sa carrière, elle y était une CE. Selon elle, un CE qui travaille dans cette section doit gérer les employés de son équipe, atteindre les objectifs annuels, administrer la convention collective et assurer une dotation appropriée. Un CE doit posséder des connaissances techniques solides sur les programmes exécutés, comme les recouvrements, afin de pouvoir conseiller les employés de son équipe et les orienter dans leur travail quotidien. Les politiques, les procédures et les lois changent constamment, et les connaissances deviennent rapidement désuètes. Les CE sont tenus de suivre le rythme de ces changements.

35        Un CE n’est pas évalué lorsqu’il passe d’une équipe à l’autre ou d’une section à l’autre. Aucune question n’est posée aux candidats pour savoir s’ils sont appropriés. L’équipe de direction se rencontre, discute de la pertinence du candidat et prend ses décisions. Après avoir changé de section, on s’attend à ce qu’un CE soit au fait de tous les changements survenus. On ne s’attend pas à ce que le CE soit entièrement à jour lorsqu’il commence son emploi aux Comptes clients. Une période d’ajustement est requise.

36        Un CE offre un soutien à la section des Comptes clients dans le cadre de son travail quotidien, il s’assure que le travail est conforme à la politique et effectué en temps opportun, et il veille à ce que les employés disposent des outils et de la formation nécessaires pour accomplir le travail. Un CE se voit confier la même équipe pendant au moins quelques années. Les enjeux liés au rendement doivent être cernés et peuvent être évalués lorsqu’un employé travaille des heures supplémentaires. La supervision d’un quart d’heures supplémentaires est la même que celle effectuée pendant la journée, même si Mme Moore n’était pas certaine des fonctions exactes d’un CE pendant un quart d’heures supplémentaires. Elle était d’avis que les CE pouvaient orienter le travail afin d’obtenir de meilleurs résultats.

37        Le choix des personnes qui se verront attribuer des heures supplémentaires dépend de l’objectif des heures supplémentaires. Les fonds utilisés pour payer les heures supplémentaires sont ciblés. La pratique consistait à utiliser les fonds des programmes, puisque c’était plus rapide. En 2010, la section des Comptes clients a reçu un financement pour les heures supplémentaires afin de cibler deux secteurs qui n’atteignaient pas leurs cibles et ainsi améliorer leurs résultats. Des heures supplémentaires ont été offertes à des agents de recouvrement (SP-05) et à des agents de ressources (SP-07) dans les secteurs où les cibles n’étaient pas atteintes, de même qu’aux CE de qui ces employés relevaient. Des heures supplémentaires n’ont pas été offertes aux CE des autres sections en 2010. Les CE des Comptes clients connaissaient le programme et ses objectifs.

38        Mme Moore ignorait que des CE des Fiducies souhaitaient travailler des heures supplémentaires dans la section des Comptes clients. Elle n’aurait pas offert des heures supplémentaires aux CE des Fiducies, puisqu’ils ne relevaient pas d’elle et qu’ils n’auraient pas été au fait de ses priorités. Du point de vue administratif, il était plus logique d’offrir les heures supplémentaires à des employés qu’elle connaissait et qu’elle savait compétents. Tous les fonctionnaires avaient déjà travaillé dans la section des Comptes clients et étaient qualifiés pour y travailler. Étant donné qu’ils étaient des CE dans la section des Fiducies et qu’ils ne relevaient pas d’elle, elle ne connaissait pas leurs aptitudes. Un CE qui travaille des heures supplémentaires pour atteindre les priorités doit posséder un niveau de connaissances suffisant pour diriger les employés.

39        M. Mapplebeck était le gestionnaire de la section du Recouvrement des recettes (fiducies) depuis mai 2009. Avant, il avait entre autres occupé un poste de CE. Il a décrit le rôle d’un CE dans la section de l’Examen des comptes de fiducie et a dit qu’il comprenait les fonctions suivantes : attribuer et surveiller le travail, approuver les comptes examinés et les faire progresser aux fins de traitement. À mesure que les employés s’acquittent de leurs fonctions dans le processus, ils peuvent avoir des questions qui seront renvoyées au CE aux fins d’orientation. Lorsqu’il examine des comptes, le CE doit veiller à ce que ces derniers soient exacts et complets. Le CE surveille l’âge des dossiers afin de s’assurer que le travail est fait en temps opportun. Un CE qui travaille des heures supplémentaires effectue le même travail que pendant ses heures de travail habituelles. Les CE passent d’une section à l’autre. L’employeur essaie de leur faire faire une rotation parmi les postes de la division, habituellement au début de l’exercice.

40        Un CE doit posséder la capacité technique pour le travail d’un programme particulier afin de déterminer si le travail est complet, ce qui exige une connaissance de l’ensemble du sujet et la capacité de déterminer si les exigences ont été atteintes. La rapidité à laquelle les connaissances deviennent désuètes dépend de la personne. Pour être à jour, un CE doit posséder des connaissances fonctionnelles des exigences d’un programme et des changements qui y sont apportés, et ces changements doivent être communiqués aux employés. Un CE doit connaître les employés de son équipe afin de leur attribuer le travail approprié et les encadrer; ces aspects sont appris en cours d’emploi. Tous les fonctionnaires travaillaient dans la section des Fiducies avant leur transfert aux Comptes clients. Aucun d’eux n’a été formé ou évalué lorsque leur transfert a été approuvé.

41        Les heures supplémentaires comprennent des fonctions précises, comme la sécurité, mais le reste des fonctions effectuées pendant les heures supplémentaires sont les tâches quotidiennes habituelles d’un CE, y compris la supervision. Il est normal que le travail effectué pendant des heures supplémentaires donne lieu à des renvois, que le CE doit gérer le lendemain.

42        Le financement destiné aux heures supplémentaires au BSF de Calgary provient de l’Administration centrale nationale ou régionale de l’ARC. M. Mapplebeck contribue de façon minimale aux demandes de financement pour des heures supplémentaires. Les heures supplémentaires sont attribuées lorsqu’une production accrue est requise. Lorsque les fonds destinés aux heures supplémentaires sont attribués à un programme, les heures supplémentaires sont offertes à tous les employés de ce programme. Il est impossible de transférer le financement destiné aux heures supplémentaires d’un programme à l’autre.

43        Au moment des événements ayant donné lieu au dépôt du grief, M. Mapplebeck n’a pas tenu compte des CE d’autres sections aux fins des heures supplémentaires dans le programme des Comptes clients puisqu’ils n’auraient pas eu l’expérience requise à ce moment pour effectuer les tâches. Toutefois, des heures supplémentaires d’un secteur de programme particulier auraient été attribuées à des CE d’un autre secteur de programme, si un CE du secteur visé n’avait pas été disponible, et ce, afin d’éviter d’annuler des heures supplémentaires prévues. L’employeur a depuis revu cette mesure, parce qu’un CE d’une autre section ne pourrait pas accomplir l’éventail complet des fonctions d’un CE affecté à cette section. Il en découlerait une augmentation de la charge de travail de programme pour les CE affectés à la section pendant leurs quarts habituels, puisqu’ils sont tenus d’examiner des dossiers terminés pendant des heures supplémentaires.

44        Pendant la période couverte par les griefs, M. Mapplebeck a discuté des heures supplémentaires avec les fonctionnaires à un certain nombre de reprises pendant les réunions d’équipe. Il s’agissait d’une occasion de présenter aux CE une mise à jour de ce qui était ressorti des réunions hebdomadaires de la haute direction auxquelles M. Mapplebeck participait. La première question qu’on lui a posée concernait le moment où les heures supplémentaires seraient attribuées aux sections des Fiducies et de la Vérification du niveau d’observation des employeurs. En septembre, des heures supplémentaires avaient été attribuées plus particulièrement à la section des Comptes clients, car aucune n’était requise pour la section des Fiducies.

45        M. Mapplebeck a indiqué à M. Harder que les fonctionnaires posaient des questions sur les heures supplémentaires et qu’ils étaient prêts et aptes à faire le travail si le financement était disponible. M. Harder lui a dit qu’il avait rencontré les fonctionnaires à ce sujet en avril et en mai 2011, sans lui donner de détails. M. Mapplebeck était au courant que les fonctionnaires voulaient travailler des heures supplémentaires, mais il supposait qu’ils ne souhaitaient qu’en faire dans la section des Fiducies, selon ce qu’il avait appris de M. Harder.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour les fonctionnaires

46        M. Harder a admis que l’employeur n’avait fait aucun effort pour distribuer les heures supplémentaires aux fonctionnaires pendant la période en question. Mme Moore a admis que les fonctionnaires étaient qualifiés pour travailler des heures supplémentaires dans la section des Comptes clients. Malgré tout, les quatre fonctionnaires ont été jugés non qualifiés pour travailler des heures supplémentaires par M. Harder, qui était d’avis qu’ils étaient uniquement qualifiés s’ils occupaient actuellement l’emploi. La nouvelle Commission et ses prédécesseurs rejettent cet argument depuis plus de 30 ans.

47        Selon M. Dewit, avant 2009, les CE se voyaient attribuer des heures supplémentaires dans un éventail de sections et ne se limitaient pas aux heures supplémentaires dans leurs propres secteurs. Il a ajouté que la situation avait changé avec l’arrivée de M. Harder, en 2010. M. Mapplebeck a indiqué qu’il ne s’en souvenait pas, mais M. Dewit était plus crédible. À plusieurs reprises, M. Mapplebeck n’a pas répondu aux questions au motif qu’il ne se souvenait de rien.

48        M. Grey a pris sa retraite en 2013, après avoir été CE pendant 20 ans. Il a travaillé de nombreux quarts de travail d’heures supplémentaires à titre de CE dans un certain nombre de sections. Il a décrit la fonction principale d’un CE pendant un quart de travail d’heures supplémentaires comme étant une fonction de gardien du temps, qui consiste à veiller à ce que les employés travaillent et à faire connaître sa présence. Aucune gestion du rendement n’est effectuée pendant un quart d’heures supplémentaires. En outre, le CE effectue les tâches qui lui sont confiées dans le cadre de son travail régulier. Son témoignage a clairement établi une différence entre le travail d’un CE pendant un quart d’heures supplémentaires et le travail effectué pendant un quart habituel, ce qui tend à ajouter foi à l’affirmation selon laquelle un CE pourrait travailler dans une autre section pendant un quart d’heures supplémentaires, sans problème.

49        En 2011, lorsque des heures supplémentaires étaient offertes dans la section de l’Observation des comptes de fiducie, M. Mapplebeck a permis à M. Dewit et à M. Saunders de travailler des heures supplémentaires, même s’ils ne travaillaient pas dans cette section. Tous les fonctionnaires ont été transférés dans la section des Comptes clients sans avoir été évalués, ce qui signifie que l’employeur ne peut affirmer qu’ils n’étaient pas qualifiés pour travailler des heures supplémentaires dans la section des Comptes clients. Réciproquement, il ne peut affirmer que M. Dewit n’était pas qualifié pour travailler des heures supplémentaires dans la section de l’Examen des comptes de fiducie, alors qu’il avait quitté cette section six mois avant que les quarts d’heures supplémentaires soient disponibles. L’opinion de l’employeur selon laquelle les fonctionnaires n’étaient pas qualifiés, à moins d’occuper déjà l’emploi pour lequel des heures supplémentaires étaient disponibles, ne tenait pas compte de l’expérience qu’ils auraient pu avoir acquise ailleurs, malgré le fait que l’employeur effectue une rotation des CE dans différentes sections et dans différents secteurs de programme chaque année.

50        M. Peterson a fait valoir que, pendant les quarts d’heures supplémentaires au cours desquels il a travaillé, il était responsable de s’assurer que les employés qui travaillaient des heures supplémentaires prenaient leurs pauses lorsqu’ils devaient le faire et de leur fournir un accès avec une carte à bande magnétique, peu importe leur équipe. Il a assisté aux réunions au cours desquelles les fonctionnaires ont spécifiquement demandé de travailler des heures supplémentaires dans la section des Comptes clients, et il a pris des notes durant les réunions (pièce 5). Même si ces notes ne font pas précisément référence aux heures supplémentaires dans la section des Comptes clients, les fonctionnaires ont clairement demandé à travailler des heures supplémentaires. Elles étaient offertes dans la section des Comptes clients et on aurait dû les rendre disponibles pour eux.

51        Ce témoignage contredit celui de M. Mapplebeck, selon lequel M. Harder l’avait informé de la demande d’heures supplémentaires. M. Dunbar a souligné que M. Mapplebeck avait convenu, pendant la réunion, de regarder de plus près la demande d’heures supplémentaires. À toutes les réunions, M. Saunders  a demandé de vive voix à travailler des heures supplémentaires, peu importe où elles étaient offertes. Il a été parachuté de la section de la Vérification du niveau d’observation des employeurs à celle de l’Observation des comptes de fiducie pour des quarts d’heures supplémentaires, mais il lui aurait été plus facile de travailler des heures supplémentaires dans la section des Comptes clients, où il possédait une expérience. Il est évident qu’il en a fait la demande.

52        Mme Moore a témoigné qu’elle n’était pas certaine des fonctions des CE pendant les quarts d’heures supplémentaires. M. Harder a affirmé la même chose. La meilleure preuve de ce qui se passe pendant un quart d’heures supplémentaires provient des fonctionnaires et de M. Grey. Le besoin constant de demeurer à jour est satisfait au moyen de la lecture, qui peut se faire partout et en tout temps, tant qu’un accès à Internet est disponible, y compris pendant les quarts d’heures supplémentaires.

53        M. Mapplebeck a dit à M. Harder que ses CE étaient prêts, déterminés et aptes à travailler des heures supplémentaires, mais qu’il ne s’en étaient faits offerts aucune. M. Mapplebeck a souligné que les heures supplémentaires étaient distribuées de façon équitable dans l’unité de travail, ce qui ne correspond pas à ce qui est indiqué à l’article 28 de la convention collective. Selon la jurisprudence, le libellé doit être interprété tel quel. Rien ne peut être ajouté au libellé dans le but d’arriver à ses fins. La position de l’employeur est pratique. Les CE seront transférés lorsqu’il est pratique pour l’employeur de le faire, mais s’ils ne souhaitent pas les transférer, il ne le fait pas. Lorsqu’il ne transfère pas des CE ou lorsqu’il n’est pas pratique de le faire, l’employeur fait valoir qu’ils ne sont pas qualifiés. Tous les CE possèdent la même description de travail et les mêmes qualifications. Le caractère générique des descriptions ne constitue pas un argument. Les questions consistent à déterminer qui est qualifié pour travailler des heures supplémentaires et à refuser la possibilité d’en faire.

54        Selon la clause 28.05a) de la convention collective, sous réserve des nécessités du service, le travail supplémentaire doit être offert de façon équitable entre les employés qualifiés qui sont facilement disponibles. Il s’agit des exigences opérationnelles de l’employeur, et non celles de la section des Comptes clients. L’employeur est tenu de s’efforcer autant que possible d’offrir le travail supplémentaire de façon équitable, ce que M. Harder n’a pas fait. L’employeur a admis qu’il ne s’était pas efforcé de distribuer les heures supplémentaires aux fonctionnaires. Il a également admis que les fonctionnaires étaient qualifiés pour faire le travail.

55        Au moment de déterminer les besoins du service, l’employeur ne doit pas agir de façon arbitraire ou discriminatoire, ou de mauvaise foi (voir Zelisko et Audia c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada), 2003 CRTFP 67, au paragraphe 161). L’argument de l’employeur selon lequel les exigences opérationnelles de la section des Comptes clients empêchent d’attribuer des heures supplémentaires à des employés de la même division, mais d’un secteur de programme différent, alors qu’ils sont tous autant qualifiés pour faire le travail, était arbitraire. Même si les fonctionnaires n’étaient pas complètement formés pour travailler dans la section des Comptes clients à titre de CE, le défaut de les former au niveau requis, qui a donné lieu au refus de travailler des heures supplémentaires, constituait une violation de l’obligation de l’employeur de s’efforcer autant que possible d’offrir les heures supplémentaires de façon équitable. En soi, c’était déraisonnable (voir al Bunyan et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2007 CRTFP 85, au paragraphe 91).

56        Cet argument est théorique, puisque l’employeur a reconnu que les fonctionnaires étaient tous qualifiés pour travailler à titre de CE. Selon M. Harder, les fonctionnaires n’étaient pas qualifiés pour travailler des heures supplémentaires puisqu’ils n’occupaient pas des postes dans la section des Comptes clients, pas parce qu’ils n’étaient pas qualifiés pour être des CE. Selon lui, pour être qualifié pour effectuer le travail, il faut occuper le poste. La nouvelle Commission et ses prédécesseurs ont rejeté cet argument (voir Bretzel c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration), dossiers de la CRTFP 166-02-10385 à 10387 (19820218), au paragraphe 6; Conrad c. Conseil du Trésor (Environnement Canada), dossier de la CRTFP 166-02-13056 (19821223), au paragraphe 8; Johnston c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration), dossiers de la CRTFP 166-02-17488 à 17490 (19880930), au paragraphe 16; Casper c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CRTFP 27 et Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2014 CRTFP 11, au paragraphe 53).

57        L’employeur a enfreint la convention collective. Aucune exigence opérationnelle ne l’empêchait d’offrir des heures supplémentaires aux fonctionnaires. L’employeur ne s’est pas efforcé d’offrir des heures supplémentaires de façon équitable. Les fonctionnaires étaient qualifiés, ils ont demandé de travailler des heures supplémentaires et ils se sont heurtés à un refus, contrairement aux dispositions de la convention collective. Ils ont droit à un paiement en nature, conformément aux décisions dans Bunyan et Zelisko. La question doit être renvoyée aux parties afin de déterminer le montant de la réparation, et la nouvelle Commission doit demeurer saisie de la question jusqu’à ce que la réparation ait été mise en œuvre.

B. Pour l’employeur

58        La question consiste à déterminer si l’employeur a contrevenu à la clause 28.05 de la convention collective en n’offrant pas les heures supplémentaires aux fonctionnaires. Ils n’ont pas démontré que les heures supplémentaires n’avaient pas été distribuées de façon équitable. L’article 28 de la convention collective comporte de nombreux éléments à évaluer : les besoins du service, la disponibilité, les qualifications et le caractère équitable.

59        L’employeur a financé des heures supplémentaires pour une section en particulier. L’admissibilité à ces heures supplémentaires est au cœur de cette affaire, laquelle consiste plus précisément à déterminer si les fonctionnaires étaient qualifiés. L’employeur a déterminé qu’ils ne l’étaient pas. Entre décembre 2010 et mars 2011, les fonctionnaires travaillaient dans la section de l’Examen des comptes de fiducie, hormis M. Saunders, qui travaillait dans la section de la Vérification du niveau d’observation des employeurs. Des heures supplémentaires ont été offertes à ceux qui étaient qualifiés pour travailler dans la section des Comptes clients, où elles étaient financées. Les fonctionnaires n’étaient pas qualifiés pour travailler dans cette section et ne se sont donc pas vus offrir les heures supplémentaires.

60        Pendant un quart d’heures supplémentaires, le CE est responsable, notamment, de veiller à ce que la section s’acquitte de ses obligations. L’employeur finance les heures supplémentaires afin de s’assurer qu’une section atteigne ses cibles annuelles. Les CE d’une autre section ne sont pas complètement qualifiés pour s’acquitter de l’éventail complet des responsabilités d’un CE dans la section des Comptes clients et, par conséquent, les besoins du service exigeaient de l’employeur qu’il limite les heures supplémentaires aux CE de la section où elles étaient approuvées afin d’atteindre des cibles. Les besoins du service pris en considération comprennent le coût, l’emplacement de l’effectif, la sécurité, la supervision, les projets spéciaux et les demandes de clients.

61        Les besoins du service doivent être évalués au cas par cas et peuvent varier d’un lieu à l’autre (voir Jenks c. Agence du revenu du Canada, 2010 CRTFP 27, au paragraphe 112). L’employeur a soutenu que les besoins peuvent aussi varier d’un secteur ou d’une section à l’autre, en fonction de la charge de travail, de l’effectif, de la fin, des buts et des priorités. Ils sont tous uniques et ont une grande incidence sur les exigences opérationnelles d’un programme. Étant donné que les buts varient d’un programme à l’autre, la décision de financer des heures supplémentaires doit dépendre des besoins du programme, du financement disponible, de l’atteinte des attentes du programme et des priorités de l’employeur. Selon M. Harder, au moment d’évaluer le besoin en heures supplémentaires, l’employeur doit être convaincu qu’elles amélioreront le rendement de la section.

62        Les employés n’ont pas droit aux heures supplémentaires (voirDoherty et Hawkes c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2014 CRTFP 77, au paragraphe 30). L’article 7 de la Loi indique que l’employeur a la prérogative de gérer la charge de travail, ce qui comprend le droit de déterminer quand et si des heures supplémentaires seront offertes, ce que la clause 6.01 de la convention collective reconnaît. La nouvelle Commission n’a pas compétence s’il n’y a aucune infraction sous-jacente à la convention collective. Le pouvoir discrétionnaire de l’employeur pour évaluer les heures supplémentaires et déterminer qui est qualifié pour les faire est vaste. La preuve soumise par l’employeur selon laquelle les heures supplémentaires se fondaient sur les besoins de la section n’a pas été contredite; par conséquent, il n’y a pas eu de discrimination. Les priorités de l’employeur ont été définies (pièce 2) comme étant l’atteinte des cibles dans la section des Comptes clients. En même temps, la section des Fiducies atteignait ses cibles et il n’y avait aucun besoin en heures supplémentaires dans la section de l’Examen des comptes de fiducie. Lorsque les heures supplémentaires ont été offertes dans la section de l’Observation des comptes de fiducie, elles ont été offertes aux fonctionnaires.

63        La preuve présentée par les témoins n’appuie pas l’affirmation selon laquelle les CE ont travaillé des heures supplémentaires dans d’autres sections, contrairement à ce que les fonctionnaires ont fait valoir. M. Grey n’avait jamais travaillé d’heures supplémentaires dans une autre section au cours de sa carrière. M. Mapplebeck a dit qu’il n’avait jamais travaillé d’heures supplémentaires dans une autre section. M. Dewit a dit qu’il pouvait travailler des heures supplémentaires dans une autre section avant l’arrivée de M. Harder. Tous les témoins de l’employeur ont soumis qu’il y avait des différences entre les sections et les secteurs d’activité et que le niveau d’expertise requis était propre à chaque section et secteur. Les CE sont qualifiés pour travailler uniquement dans leurs propres secteurs d’activité. Ils surveillent leur propre programme, qui exige d’avoir des connaissances approfondies sur les priorités, les politiques, les procédures et les employés de ce programme.

64        Il est trompeur de conclure qu’étant donné que l’employeur utilise une description de travail générique, tous les CE sont qualifiés pour tous les secteurs d’activité. Chaque section exige ses propres connaissances techniques. Les fonctions quotidiennes exigent de posséder une expertise approfondie en la matière et de connaître les employés. Les CE qui travaillent des heures supplémentaires s’acquittent de leurs propres tâches et supervisent les employés qui travaillent pendant ce quart. Les CE ne sont pas des gardiens. Ils offrent des conseils et de l’encadrement au personnel et sont tenus d’être les plus compétents dans leur domaine. Être au fait des changements exige de passer une quantité considérable de temps à lire régulièrement. Les CE n’ont pas le temps, pendant un quart d’heures supplémentaires, de chercher des renseignements dans l’intranet. Il est impossible pour un CE d’être formé dans toutes les sections et, selon M. Harder, cela prendrait trop de temps. La structure de la division représente les spécialisations des programmes (voir Brisebois c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2011 CRTFP 18, au paragraphe 40).

65        L’interprétation de la clause 28.05 de la convention collective par les fonctionnaires impose une nouvelle exigence à l’employeur, soit celle de former les CE afin qu’ils soient qualifiés pour travailler des heures supplémentaires dans d’autres sections. Il serait inéquitable pour les CE de la section d’attache des fonctionnaires de leur permettre de travailler dans une section où ils ont déjà travaillé.

66        Les fonctionnaires n’ont soumis aucune preuve de leur disponibilité. Ils ont dit l’avoir mentionné à M. Mapplebeck, mais ce dernier a souligné qu’ils ne l’avaient fait que quelques fois et seulement dans un contexte où aucune heure supplémentaire n’était disponible dans la section de l’Examen des comptes de fiducie. Selon lui, les fonctionnaires n’ont jamais exprimé le désir de travailler des heures supplémentaires dans la section des Comptes clients. Le procès-verbal de la réunion des CE (pièce 9) soutient l’énoncé des faits de M. Mapplebeck et ne comporte aucune référence à la disponibilité des fonctionnaires de travailler des heures supplémentaires dans une autre section. M. Mapplebeck n’en a jamais parlé à M. Harder. La disponibilité en vue de travailler des heures supplémentaires doit être clairement communiquée à l’employeur.

67        En ce qui concerne les faits, les affaires citées par les fonctionnaires sont toutes différentes de la présente affaire et ne devraient pas s’appliquer. L’employeur a démontré qu’il fallait posséder des connaissances spécialisées pour travailler dans un secteur particulier, comme en témoignent la description de travail et les témoignages de Mme Moore et de M. Mapplebeck.

68        S’il est déterminé que les fonctionnaires étaient qualifiés pour travailler des heures supplémentaires dans d’autres sections, le rôle de l’arbitre de grief consistera à déterminer le caractère équitable de la répartition (voir Union of Canadian Correctional Officers-Syndicat des agents correctionnels du Canada-CSN c. Conseil du Trésor, 2010 CRTFP 85, au paragraphe 47). Pour ce faire, il faut mener un test en trois étapes, qui examine, pendant une période raisonnable, les heures attribuées aux fonctionnaires et à d’autres dans une situation semblable, et les facteurs attribuables aux écarts (voir Canada (Procureur général) c. Bucholtz, 2011 CF 1259, au paragraphe 52, et Roireau et Gamache c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 85, au paragraphe 136). Il n’y a aucune preuve quant au nombre d’heures que les CE d’autres sections ont travaillé et les fonctionnaires n’ont pas abordé la question d’employés se trouvant dans une situation semblable.

69        L’employeur a également soutenu que la Commission n’avait pas compétence pour entendre cette affaire, puisque l’attribution des heures supplémentaires relève de la disposition relative aux droits de la direction de la convention collective. L’attribution des fonctions, y compris des heures supplémentaires, est un droit de la direction qui ne peut faire l’objet d’un examen.

70        Nonobstant le fait que la Commission n’ait pas compétence, les fonctionnaires ne se sont pas acquittés du fardeau de démontrer qu’ils étaient disponibles et qualifiés pour accomplir le travail pour lequel ils souhaitaient faire des heures supplémentaires.

IV. Motifs

71        Les fonctionnaires travaillaient tous dans la division, qui comprend les sections des Non-déclarants, des Comptes clients et des Fiducies. La section des Fiducies est divisée en trois sous-sections : l’Examen des comptes de fiducie, la Vérification du niveau d’observation des employeurs et l’Observation des comptes de fiducie. Tous les fonctionnaires ont travaillé à un certain moment dans la section des Comptes clients et dans celle des Fiducies. Ils étaient tous des CE et ils avaient la même description de travail générique que tous les autres CE, peu importe où ils se trouvaient dans l’organisation de l’employeur.

72        La clause 28.05a) de la convention collective est libellée comme suit :

28.05 Attribution du travail supplémentaire

a)       Sous réserve des nécessités du service, l’Employeur s’efforce autant que possible de ne pas prescrire un nombre excessif d’heures supplémentaires et d’offrir le travail supplémentaire de façon équitable entre les employé-e-s qualifiés qui sont facilement disponibles.

73        Les qualifications sont l’un des critères utilisés pour déterminer la répartition équitable du travail supplémentaire. Si j’accepte l’argument de l’employeur, les fonctionnaires n’étaient pas qualifiés pour travailler des heures supplémentaires dans la section des Comptes clients. Ils ont remis en question le changement apporté par l’employeur en 2010, avec l’arrivée de M. Harder, qui faisait en sorte qu’ils n’étaient plus qualifiés pour travailler des heures supplémentaires dans la section des Comptes clients, lorsqu’il y en avait de disponibles. Même si l’employeur a nié qu’un tel changement ait eu lieu, il n’a soumis aucune preuve à l’appui de sa position. En l’absence de cette preuve, j’accueille les affirmations des fonctionnaires voulant qu’à l’arrivée de M. Harder, la méthode de répartition des heures supplémentaires a été modifiée. Contrairement à Brisebois, il ne s’agit pas d’une affaire où des fonctionnaires classifiés à des niveaux différents cherchent à travailler des heures supplémentaires à un autre niveau.

74        L’employeur a utilisé une description de travail générique pour faciliter le mouvement des CE entre secteurs d’activité et dans l’organisation en fonction des besoins du service, et à des fins de perfectionnement, tel qu’il le juge approprié. Les CE ne sont pas évalués lorsqu’ils passent d’une équipe à une autre et ils ne reçoivent aucune formation supplémentaire lorsqu’ils sont transférés. L’employeur a choisi de créer une description de travail et un niveau de classification pour un CE et tous les programmes et secteurs d’activité utilisent cette description pour les postes classifiés à ce niveau. Je conclus que l’employeur n’a pas réussi à réfuter la preuve présentée par les fonctionnaires selon laquelle ils sont qualifiés pour travailler dans toutes les sections à titre de CE.

75        Selon la preuve non contestée de ceux qui ont réellement travaillé les heures supplémentaires en litige, les CE ont déjà eu le droit de travailler des heures supplémentaires, au BSF de Calgary, dans une autre section que la leur au sein de leur division. De toute évidence, ils sont tous qualifiés pour accomplir le travail d’un CE. Autrement, pourquoi auraient-ils occupé des postes de CE, peu importe la section où ils travaillent? Je conclus que si un employé est qualifié pour effectuer le travail pendant la journée, il l’est aussi pour le faire pendant un quart d’heures supplémentaires (voir Johnston, au paragraphe 18). Qui plus est, étant donné que tous les fonctionnaires avaient préalablement fait exactement le même travail pour lequel des heures supplémentaires étaient offertes, et ce, immédiatement avant d’accepter une affectation dans leurs sections d’attache, ils étaient qualifiés pour accomplir le travail dans les deux sections. Qu’un CE ait à vérifier quel est le processus le plus récent utilisé par l’employeur dans la section ne fait pas en sorte qu’une formation soit nécessaire.

76        L’employeur a agi de manière trompeuse lorsqu’il a affirmé que les fonctionnaires n’étaient pas qualifiés pour travailler dans la section des Comptes clients alors qu’ils avaient déjà été au service du même employeur à cette fin précise. Il était tout aussi trompeur pour l’employeur d’affirmer que je ne devrais pas m’attarder sur le fait qu’il utilise une description de travail générique. Je rejette cette proposition. En réalité, j’accorde beaucoup d’importance au fait que l’employeur a utilisé une description de travail générique pour doter des postes dans des secteurs d’activité différents au sein de la division. Un des objectifs de la description de travail générique est d’accorder à l’employeur de la souplesse et d’assurer l’uniformité de la dotation de postes semblables. Je ne suis pas convaincue que chacun des postes est spécialisé à un point tel que les autres employés qualifiés du même niveau et de la même division doivent être exclus. Qui plus est, comme l’ont expliqué les fonctionnaires et M. Grey, les mesures prises par l’employeur avant l’arrivée de M. Harder, et le fait qu’en 2011, M. Saunders s’est vu offrir des heures supplémentaires dans un secteur d’activité où il n’avait aucune expérience, révèlent que, en réalité, l’employeur ne croyait pas que chacun des postes était spécialisé à un point tel que les autres employés qualifiés du même niveau et de la même division, devaient être exclus. L’employeur ne pouvait affirmer que les fonctionnaires étaient qualifiés lorsque ça lui convenait, et ensuite affirmer qu’ils n’étaient pas qualifiés lorsque ça ne lui convenait pas.

77        Si l’employeur était réellement préoccupé par l’atteinte des cibles de l’un des secteurs de programme, on pourrait s’attendre à ce qu’il mette à profit d’autres CE qualifiés afin d’accroître la probabilité d’atteindre ce but, en augmentant le nombre de personnes disponibles pour travailler des heures supplémentaires plutôt que de réclamer que les seuls employés qualifiés étaient ceux actuellement affectés à ce secteur de programme (la section des Comptes clients, dans ce cas).

78        Selon moi, pour que l’employeur ait du succès avec cette interprétation, la convention collective doit préciser que, pour être qualifié pour travailler des heures supplémentaires, l’employé doit être actuellement affecté à l’unité où les heures supplémentaires sont disponibles, directement ou par interprétation. Le libellé actuel n’assujettit pas la répartition des heures supplémentaires à une telle restriction. De plus, je n’ai trouvé nulle part une disposition qui pourrait être visée par l’interprétation de l’employeur, c’est-à-dire que les heures supplémentaires auraient dû être distribuées de la manière adoptée par M. Harder en 2010, sans modification au libellé de la convention collective, ce qu’il m’est interdit de faire en vertu de l’article 229 de la Loi.

79        Comme j’ai conclu que les fonctionnaires étaient qualifiés, il me reste maintenant à déterminer s’ils avaient communiqué leur disponibilité. La poursuite de leur droit de travailler des heures supplémentaires dans la section des Comptes clients a été documentée dans les procès-verbaux des réunions (pièces 5 et 9). De plus, chaque fonctionnaire a livré un témoignage détaillé sur ses interactions avec M. Mapplebeck et M. Harder sur cette question. M. Mapplebeck, quant à lui, se souvenait de très peu de choses et ses réponses étaient souvent vagues. Je conclus qu’il a été peu crédible, voire pas du tout, lorsqu’il a affirmé qu’il ignorait que les fonctionnaires cherchaient à travailler des heures supplémentaires dans la section des Comptes clients. En effet, la preuve présentée par tous les fonctionnaires et par M. Harder indique que M. Mapplebeck savait effectivement que les fonctionnaires cherchaient à travailler des heures supplémentaires, peu importe où elles étaient disponibles dans la division. Par conséquent, les fonctionnaires ont satisfait au deuxième obstacle en ce qui concerne le travail en heures supplémentaires dans leur division.

80        Les fonctionnaires ont démontré que l’employeur leur avait refusé de façon arbitraire le droit de travailler des heures supplémentaires. L’application d’une interprétation visant à déterminer si les fonctionnaires étaient qualifiés, qui ne peut être soutenue par la convention collective et qui était incohérente avec ses gestes posés précédemment, soit de permettre aux CE de travailler des heures supplémentaires dans d’autres sections, et les mesures prises par la suite de distribuer les heures supplémentaires à M. Saunders et à M. Dewit dans un secteur où il n’avait aucune expérience, a fait en sorte que l’employeur a effectivement agi de manière arbitraire lorsqu’il a offert les heures supplémentaires.

81        Le Gage Canadian Dictionary définit le terme « arbitraire », comme suit : [traduction] « déterminé par caprice ou lubie, ou fait de façon aléatoire et sans raison ». Les mesures prises par l’employeur dans cette situation sont arbitraires par définition. Par son caractère arbitraire, l’employeur a refusé aux fonctionnaires la possibilité de travailler des heures supplémentaires qu’ils avaient demandées et, n’eut été des mesures prises par l’employeur, qu’ils auraient eu le droit de travailler en vertu de la convention collective. Sur la base de la preuve présentée par les fonctionnaires selon laquelle ils n’ont reçu aucune offre de travailler des heures supplémentaires dans la section des Comptes clients, et ce, en dépit du fait qu’ils avaient indiqué clairement à l’employeur qu’ils étaient disponibles à travailler des heures supplémentaires aux Comptes clients, et qu’aucune heure supplémentaire n’était disponible dans leur propre section avant février 2011, ce que j’accepte, je conclus que l’employeur n’a pas distribué de façon équitable les heures supplémentaires entre les employés qualifiés et disponibles.

82        L’argument invoqué par l’employeur selon lequel la nouvelle Commission n’a pas compétence pour entendre cette affaire, puisqu’il a agi selon ses droits de direction, est également non fondé. Lorsqu’il est possible de démontrer que l’employeur a agi de manière arbitraire, la nouvelle Commission a compétence pour entendre les cas de violation de la convention collective de la part de l’employeur dans le but de répondre à des exigences opérationnelles et d’exercer ses droits de direction.En agissant de façon arbitraire afin de déterminer à qui les heures supplémentaires seraient offertes, et à la lumière du nombre infime d’heures supplémentaires travaillées par les fonctionnaires dans la section des Fiducies, l’employeur a violé les dispositions sur les heures supplémentaires de la convention collective. Qui plus est, si l’employeur était réellement préoccupé par les exigences opérationnelles, il aurait dû fonder sa décision sur ces dernières, et non uniquement sur les qualifications des fonctionnaires.

83        Pour ces motifs, et à la lumière dela présente situation factuelle, puisque chaque demande doit faire l’objet d’une décision selon les faits qui lui sont propres, et les exigences opérationnelles de l’organisation de l’employeur, j’accueille chacun des griefs. Le représentant des fonctionnaires a demandé que les fonctionnaires soient dédommagés pécuniairement pour leurs pertes découlant de la violation de la convention collective par l’employeur, et que la question soit renvoyée aux parties afin qu’elles déterminent le paiement accordé. Je suis d’accord avec cette approche et je laisserai les parties déterminer le paiement approprié à être versé aux fonctionnaires. Je demeurerai saisie de la question pendant un certain temps, dans l’éventualité où les parties ne parviennent pas à conclure un accord sur les sommes dues aux fonctionnaires.

84        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)

V. Ordonnance

85        Le grief du dossier de la CRTEFP 566-34-7007 est accueilli.

86        Le grief du dossier de la CRTEFP 566-34-7008 est accueilli.

87        Le grief du dossier de la CRTEFP 566-34-7009 est accueilli.

88        Le grief du dossier de la CRTEFP 566-34-7010 est accueilli.

89        Le grief du dossier de la CRTEFP 566-34-9283 est accueilli.

90        L’affaire est renvoyée aux parties afin qu’elles déterminent les paiements dus à chacun des fonctionnaires à la suite du défaut de l’employeur de respecter la convention collective, entre le 29 septembre 2010 et le 31 mars 2011.

91        Je demeure saisie de cette affaire pour une période de 120 jours à compter de la date de la décision afin de régler les questions touchant les mesures correctives à déterminer par les parties et leur mise en œuvre, dans l’éventualité où les parties n’arrivent pas à déterminer des mesures correctives mutuellement acceptables.

Le 6 mai 2016.

Traduction de la CRTEFP

Margaret T.A. Shannon,
une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
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