Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a soutenu que les outils de présélection utilisés dans le processus de nomination étaient inadéquats, irréguliers et déficients, ce qui a mené à un résultat injuste – il a soutenu aussi que son expérience de travail comme agent d’immigration n’avait pas été évaluée correctement – selon le plaignant, l’annonce de possibilité d’emploi était inadéquate, car elle ne définissait pas le nombre d’années d’expérience requis, ni les expressions « quasi judiciaire ou judiciaire » et « recherche en immigration » – l’intimé a utilisé comme outils d’évaluation une fiche de présélection, un document de référence et une annexe énumérant des catégories de postes ou fonctions à priori admissibles et inadmissibles – la CRTEFP a conclu que le plaignant n’avait pas démontré que l’intimé avait abusé de son pouvoir en créant et en utilisant les outils d’évaluation en question – de plus, l’intimé n’avait pas abusé de son pouvoir en concluant que le plaignant ne satisfaisait pas à la qualification essentielle requise concernant l’expérience de travail, ni en refusant de le réintégrer dans le processus de nomination à la suite de la discussion informelle.Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et
Loi sur l’emploi
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-07-15
  • Dossier:  2012-1196
  • Référence:  2016 CRTEFP 62

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

GANDHI JEAN-PIERRE

plaignant

et

LE PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DE L’IMMIGRATION ET DU STATUT DE RÉFUGIÉ

p>Intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié
Jean-Pierre c. Président de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié


Plainte d'abus de pouvoir en vertu de l'article 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique


Devant:
Nathalie Daigle, une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique
Pour le plaignant:
Gandhi Jean-Pierre
Pour l'intimé:
Zorica Guzina, avocate
Pour la Commission de la fonction publique:
Louise Bard (représentations écrites)
Affaire entendue à Montréal (Québec),
Du 16 au 18 février 2016.

MOTIFS DE DÉCISION

Introduction

1        Gandhi Jean-Pierre, le plaignant, a posé sa candidature pour un poste de commissaire, classifié aux groupe et niveau PM-06, à la Commission de l’immigration et du statut du réfugié (la « CISR »). Sa candidature a été rejetée à l’étape de la présélection. Le plaignant soutient que le président de la CISR, l’intimé, a abusé de son pouvoir en ne l’évaluant pas correctement à cause d’outils d’évaluation erronés, en rejetant sa candidature et en refusant de le réintégrer dans le processus.

2        L’intimé nie avoir abusé de son pouvoir en rejetant sa candidature et en refusant de le réintégrer dans le processus. De même, il nie avoir utilisé des outils d’évaluation erronés.

3        La Commission de la fonction publique (la « CFP ») n’était pas présente lors de l’audience, mais elle a présenté des observations écrites concernant ses politiques et ses lignes directrices applicables. Elle n’a pas pris position sur le bien-fondé de la plainte.

4        Pour les motifs qui suivent, la CRTEFP juge que le plaignant n’a pas démontré que l’intimé a abusé de son pouvoir en rejetant sa candidature au motif qu’il ne satisfaisait pas à l’une des qualifications essentielles requises pour ce poste.

Contexte

5        En février 2011, l'intimé a amorcé des processus de nomination interne et externe annoncés pour doter divers postes de commissaires classifiés aux groupe et niveau PM-06, à la Section de la protection des réfugiés (la « SPR ») dans quatre villes canadiennes.

6        Le plaignant a posé sa candidature au processus de nomination interne annoncé. Il croyait satisfaire à au moins une des qualifications essentielles requises pour ce poste, soit celle relative à l’expérience récente de la prise de décisions dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire, ou celle relative à la recherche dans un environnement quasi judiciaire ou judiciaire ou de l’immigration (incluant le statut de réfugié).

7        Après avoir évalué la demande d’emploi du plaignant, le comité d’évaluation a conclu qu’il ne satisfaisait pas à l’une des qualifications d’expérience requises pour le poste. Sa candidature a donc été rejetée.

8        Les candidats qualifiés à l’issue des processus de sélection ont été ajoutés à un bassin aux fins de nomination. Plusieurs candidats ont été nommés au poste de commissaire de la SPR.

9        Le 2 novembre 2012, le plaignant a présenté une plainte d’abus de pouvoir au Tribunal de la dotation de la fonction publique (l’« ancien Tribunal ») en vertu de l’art. 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13) (la « LEFP »). Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la « CRTEFP »). La CRTEFP remplace l’ancien Tribunal et la Commission des relations de travail dans la fonction publique et est chargée des instances engagées au titre de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP), avant le 1er novembre 2014. En conséquence, cette décision est rendue par la CRTEFP.

Questions en litige

10        La CRTEFP doit statuer sur les questions suivantes :

(i) L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en se servant d’outils d’évaluation qui sont, selon le plaignant, entachés d’erreurs?

(ii) L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en concluant que le plaignant ne satisfaisait pas à une des qualifications essentielles requises, soit celle concernant l’expérience récente de travail?

(iii) L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en refusant de réintégrer le plaignant dans le processus de nomination à la suite de la discussion informelle?

Analyse

Abus de pouvoir et fardeau de la preuve

11        L’article  77(1)(a) de la LEFP prévoit que la personne qui est dans la zone de recours peut présenter à la CRTEFP une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir dans l’application du mérite. Comme il est indiqué dans Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, au paragraphe 66, « […] l’abus de pouvoir comprendra toujours une conduite irrégulière, mais la mesure dans laquelle la conduite est irrégulière peut déterminer si elle constitue un abus de pouvoir ou non ». Le plaignant a le fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu un abus de pouvoir.

Position des parties

12        Le plaignant, qui travaille à Citoyenneté et Immigration Canada (« CIC ») depuis septembre 1998, soutient que les outils de présélection utilisés dans le processus de nomination interne  (annonce de possibilité d’emploi, document de référence et annexe) étaient inadéquats, irréguliers et déficients, ce qui a mené à un résultat injuste. De plus, il soutient que son expérience de travail n’a pas été évaluée correctement. Il soutient qu’il possède l’expérience recherchée en l’espèce, mais que celle-ci n’a pas été retenue. L’annonce de possibilité d’emploi précisait que les postulants devaient rencontrer une des quatre expériences suivantes.

EXPÉRIENCE:

POUR LES POSTES PM-06, COMMISSAIRES, LES POSTULANT(E)S DEVRONT RENCONTRER UNE (1) DES EXPÉRIENCES SUIVANTES* :

Expérience récente** de la prise de décisions dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire;

OU

Expérience récente** de la présentation de cas devant un tribunal administratif ou cour de justice;

OU

Expérience récente** de la réalisation des recherches ou des enquêtes dans un environnement quasi judiciaire ou judiciaire ou de l’immigration (incluant le statut de réfugié);

OU

Expérience récente** de la formulation de conseils juridiques ou de la prestation de services de médiation dans un environnement quasi judiciaire ou judiciaire

* Si un candidat(e) rencontre plus d’une des qualifications d’expérience, il peut être considéré comme un atout. Les candidat(e)s doivent démontrer comment ils rencontrent toutes les qualifications dans leurs applications.

** Récente est définie comme l’expérience acquise dans les derniers cinq (5) ans.

13        Le plaignant soutient, plus précisément, que l’intimé a commis un abus de pouvoir en évaluant sa candidature puisqu’il a omis de considérer ses nombreuses années d’expérience à titre d’agent d’immigration, durant lesquelles il a eu à rendre des décisions et à effectuer des recherches. De plus, il ajoute qu’il n’a pas eu droit à une vraie réévaluation dans le cadre de la discussion informelle.

14        L’intimé soutient que le plaignant n’a pas démontré dans sa demande d’emploi qu’il avait l’expérience requise pour le poste. Ross Pattee, secrétaire général, CISR et Timothy Morin, avocat général et gestionnaire, Services juridiques, CISR-Vancouver, ont tous deux expliqué comment et pourquoi le comité de présélection en est arrivé à la conclusion que le plaignant n’a pas démontré dans sa demande d’emploi qu’il possédait l’une des expériences de travail requises pour ce poste.

Déroulement du processus de nomination interne

15        Au moment du processus de nomination, il était prévu que d’importantes modifications à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la « LIPR ») entreraient en vigueur le 15 décembre 2011. M. Pattee a été embauché en juillet 2011,  comme vice-président, SPR, CISR. Dès lors, il a été chargé d’embaucher un nombre important de commissaires et de commissaires coordinateurs chargés d’instruire, dès le 15 décembre 2011, les demandes d'asile présentées au Canada. Les modifications à la LIPR sont finalement entrées en vigueur le 15 décembre 2012, soit un an plus tard.

16        L’annonce de possibilité d’emploi préparée pour le processus de nomination interne annoncé mentionnait qu’il y avait 105 postes de commissaire et 9 postes de commissaire coordinateur à doter. M. Pattee était le gestionnaire délégué pour ce processus et d’autres processus (interne et externe), qui ont été effectués simultanément et subséquemment. Il a expliqué avoir reçu 2991 demandes d’emploi dans le cadre de ces processus. Il s’agissait donc d’importants et de gigantesques processus de nomination pour lesquels sa devise était de respecter en tous points les principes d'équité, d'impartialité et de transparence.

17        M. Pattee a décrit, à l’aide de l’annonce de possibilité d’emploi, certaines des tâches d’un commissaire à la SPR. Entre autres, le commissaire est un décideur indépendant et impartial qui doit décider si les demandes d’asile seront accueillies ou rejetées en vertu des dispositions de la LIPR et de son règlement d’application. Il doit également assimiler, recueillir, analyser, intégrer et résumer des faits originaux complexes afin de déterminer la nature de chaque cas, cerner et interpréter la jurisprudence et le droit canadien, étranger ou international pertinent et écouter des arguments juridiques complexes présentés par les parties ou des clients non représentés. De plus, il doit préparer, organiser et planifier des audiences et des conférences préparatoires, examiner et analyser en profondeur les dossiers ainsi que la nature des enjeux, vérifier les faits pertinents, déterminer et clarifier le besoin de renseignements supplémentaires pertinents, et prendre les mesures appropriées.

18        M. Pattee a précisé qu’étant donné que les commissaires embauchés auraient à entendre des causes dès leur entrée en poste, il était primordial qu’ils soient en mesure de bien s’acquitter de leurs fonctions dès le départ.

19        M. Pattee a aussi donné son appréciation de l’expérience requise pour chacune des quatre qualifications d’expérience énoncées dans l’annonce de possibilité d’emploi. En ce qui concerne la première qualification, M. Pattee a décrit ce qu’il entendait par des « décisions prises dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire ». Selon sa description, il s’agit de décisions prises dans le cadre d’une audience où le décideur est en mesure d’effectuer des conférences préparatoires, de rendre des décisions interlocutoires, d’assermenter des témoins, d’entendre des témoins, d’appliquer les règles de preuve, de respecter les principes de l'équité procédurale, d’entendre des plaidoiries et de rendre des décisions définitives. Il a expliqué qu’une personne ayant cette expérience de travail serait apte à siéger comme commissaire à la CISR.

20        La deuxième qualification portait sur la présentation de cas devant un tribunal administratif ou une cour de justice. Même si cette qualification ne fait pas l’objet du présent litige, M. Pattee a quand même jugé opportun de préciser qu’il estimait qu’une personne habituée à plaider devant un tribunal administratif ou une cour de justice serait aussi apte à siéger comme commissaire. En bref, cette personne serait familière avec les règles applicables dans le cadre d’instances quasi judiciaires ou judiciaires.

21        La troisième qualification portait sur la réalisation de recherches ou d’enquêtes dans un environnement quasi judiciaire ou judiciaire ou de l’immigration (incluant le statut de réfugié). À cet égard, M. Pattee a expliqué que les personnes visées par cette qualification étaient celles dont la majeure partie de leur travail consiste à effectuer des recherches ou des enquêtes dans les domaines mentionnés. Ces personnes devaient avoir de l’expérience dans la réalisation de recherches substantielles et complexes. Par exemple, les chercheurs de l’ancienne division des recherches à la SPR détenaient une telle expérience, c’est-à-dire qu’ils avaient l’habitude d’entreprendre des projets internes de recherche, des analyses documentaires, de même que des recherches sur le terrain. Ils avaient aussi l’expérience de dépouiller des rapports de recherches antérieures produits par d’autres organismes (gouvernementaux et non gouvernementaux). M. Pattee a ajouté qu’une personne habituée à faire de telles recherches comprend la pléthore des questions complexes qui doivent être analysées pour déterminer si les demandes d’asile peuvent être accueillies ou rejetées. Une telle expérience serait donc profitable et utile pour siéger comme commissaire.

22        La quatrième qualification, qui ne fait pas l’objet du litige, portait sur la formulation de conseils juridiques ou la prestation de services de médiation dans un environnement quasi judiciaire ou judiciaire. M. Pattee a précisé qu’une personne habituée à formuler des conseils juridiques ou à agir comme médiateur détient également une expérience juridique pertinente qui lui serait utile pour siéger comme commissaire.

23        M. Pattee a expliqué avoir recruté une trentaine de gestionnaires de la CISR pour former les comités de présélection. Ces derniers ont examiné les nombreuses candidatures reçues en fonction des critères de présélection énoncés dans l’annonce de possibilité d’emploi. Les membres des comités ont reçu une formation spécifique avant d’effectuer la présélection des candidats. Certains gestionnaires dans les régions ont participé à cette session d’information par audio conférence. Pour les aider dans leur prise de décision, ils ont tous reçu un document de référence qui expliquait comment évaluer les demandes et quoi faire en cas d’incertitude. Certaines parties de ce document de référence sont pertinentes à la présente plainte. Il s’agit des sections suivantes :

Qualification

Ce qui est accepté

Expérience récente du prononcé de décisions dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire

· Expérience acquise au cours des cinq dernières années et pendant au moins douze mois.

· Le fait de rendre des décisions doit constituer une partie importante des fonctions.

· Veuillez-vous reporter à la première page, où sont donnés des exemples de tribunaux quasi judiciaire et administratifs.

Expérience récente de la réalisation de recherches ou d’enquêtes dans un environnement quasi judiciaire ou judiciaire ou en lien avec l’immigration (y compris les réfugiés)

· Expérience acquise au cours des cinq dernières années et pendant au moins douze mois.

· La réalisation de recherches ou d’enquêtes doit constituer une partie importante des fonctions.

· Veuillez-vous reporter à la première page, où sont donnés des exemples de tribunaux quasi judiciaire et administratifs.

24        M. Pattee a également expliqué qu’afin que les décisions à l’étape de la présélection soient le plus cohérentes possibles, une annexe a été ajoutée à ce document de référence. Cette annexe énumère des catégories de postes ou fonctions à priori admissibles et inadmissibles, et indique si les tâches effectuées satisfont aux exigences liées à l’expérience pertinente.

25        Certaines parties de cette annexe sont pertinentes à la présente plainte. Il s’agit des sections suivantes :

CIC – le candidat rend des décisions à l’égard de cas pour lesquels des motifs d’ordre humanitaire sont invoqués (p. ex. PM-03)

Le prononcé de telles décisions ne constitue pas une partie importante des fonctions du candidat.

Décision relative à la présélection :

il n’est pas satisfait aux exigences liées à l’expérience pertinente, c’est-à-dire l’expérience du prononcé de décisions dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire.

OU

Si le prononcé de telles décisions constitue une partie importante des fonctions du candidat, celui-ci est considéré comme satisfaisant aux exigences liées à l’expérience du prononcé de décisions dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire.

[gras et souligné dans le texte original]

ASFC ou CIC – Agent des services frontaliers ou agent d’immigration (p. ex. FB-03 ou PM-03)

Les décisions que rend ce candidat sont considérées comme étant de nature administrative principalement. Par conséquent, il ne s’agit pas de décisions rendues dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire.

Décision relative à la présélection : il n’est pas satisfait aux exigences liées à l’expérience pertinente.

[gras dans le texte original]

CIC – agent d’examen des risques avant renvoi (p. ex. PM-04)

Les décisions que rend ce candidat sont considérées comme étant de nature quasi judiciaire ou judiciaire.

Décision relative à la présélection :

Par conséquent, si l’expérience est appréciable et correspond à l’une des quatre qualifications relativement à la présélection, le candidat est considéré comme satisfaisant aux exigences.

(Le texte en évidence l’est dans l’original)

26        M. Pattee a précisé que le document de référence et l’annexe étaient nécessaires étant donné l’ampleur du processus. Il s’agissait de la seule façon de s’assurer que les mêmes procédures générales de présélection soient appliquées par la trentaine de gestionnaires constituant les comités de présélection.

27        M. Pattee a participé à l’exercice de présélection effectué par les gestionnaires. Il s’est occupé des cas plus complexes pour lesquels les gestionnaires étaient incertains de la décision à prendre. Il a précisé que le document de référence ainsi que l’annexe étaient des outils mis à la disposition des gestionnaires afin de les éclairer, mais que ces documents ne les liaient pas. Les gestionnaires avaient un mandat clair d’examiner minutieusement chacune des demandes d’emploi afin de déterminer si les candidats satisfaisaient aux qualifications essentielles. À la suite de leur examen des candidatures, les gestionnaires devaient remplir une fiche de présélection et y indiquer si toutes les qualifications étaient satisfaites ou si certaines ne l’étaient pas.

28        Après avoir constaté l’ampleur du nombre de candidatures reçues pour ce processus ainsi que les autres processus rattachés, et en constatant la diversité des points de vue des candidats de ce que signifie un « processus quasi judiciaire », M. Pattee a demandé aux services juridiques de préparer une définition de cette expression. Cette définition a été développée sur la base des critères formulés par la Cour suprême du Canada dans la décision 2747-3174 Québec Inc. v. Québec (Régie des permis d’alcool), [1996] 3 R.C.S. 919, qui mentionne qu’un processus est « quasi judiciaire » s’il regroupe essentiellement les quatre composantes suivantes : (1) des éléments de preuve sont déposés; (2) des arguments sont avancés; (3) un décideur entend et décide la cause; (4) le décideur se conforme aux exigences d’impartialité et d’indépendance.

29        M. Morin est celui qui a évalué la candidature du plaignant et qui a noté sur une fiche qu’il ne satisfaisait pas à la qualification liée à l’expérience pertinente. Au moment de l’évaluation, M. Morin était avocat général et gestionnaire, Services juridiques, CISR-Toronto. Il a commencé à travailler pour la CISR en 2000. Avant son arrivée à la CISR, il a travaillé plusieurs années comme avocat dans le domaine de l’immigration et de la protection des réfugiés.

30        La fiche remplie par M. Morin, suite à son évaluation de la candidature du plaignant, a été déposée en preuve. Cette fiche indique que le plaignant satisfaisait à la qualification concernant les études, mais pas à celle concernant l’expérience pertinente. Certaines notes manuscrites de M. Morin apparaissent sur cette fiche à côté des qualifications relatives à l’expérience. Elles apparaissent dans la colonne de droite :

Expérience récente** de la prise de décisions dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire;

[Traduction] Aucune. Agent d’ERAR depuis novembre 2010; pas assez d’expérience « récente »

Expérience récente** de la présentation de cas devant un tribunal administratif ou cour de justice;

[Traduction] Aucune

Expérience récente** de la réalisation des recherches ou des enquêtes dans un environnement quasi-judiciaire ou judiciaire ou de l’immigration (incluant le statut de réfugié);

[Traduction]  Aucune

Expérience récente** de la formulation de conseils juridiques ou de la prestation de services de médiation dans un environnement quasi-judiciaire ou judiciaire

[Traduction] Aucune

31        La fiche du plaignant comporte également des annotations semblables à côté des qualifications constituant un atout.

32        M. Morin a expliqué qu’il a rejeté la candidature du plaignant après avoir examiné attentivement l’information contenue dans sa lettre d’accompagnement et son curriculum vitae, tout en prenant en compte le document de référence et l’annexe qu’il avait à sa disposition. Le plaignant avait décrit son expérience de travail comme suit dans sa lettre d’accompagnement :

[…]

Au travers de mes douze années au sein de l’organisation du Citoyenneté et Immigration Canada, j’ai acquis une expérience récente et significative dans l’application de la Loi et le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés de même que sur la Loi et le Règlement sur la Citoyenneté.

Loi et le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés

J’ai fait de multiples entrevues ayant mené à des décisions sur l’admissibilité des demandeurs au Canada. À titre d’exemples, certaines des entrevues ont permis la rédaction de rapports d’infraction ou d’enquête pour des personnes criminalisées ou interdites de territoire pour manquement à la Loi et le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés.

J’ai évalué la recevabilité des revendications du statut de réfugié au Canada. Plusieurs de ses évaluations ont mené à de la détention pour fin d’identité ou de sécurité.

J’ai également évalué le droit à la résidence permanente ou temporaire au Canada des demandeurs. Les demandes méritoires ont permis l’octroi de permis d’étude, de travail ou de visite de même que le statut de résident permanent pour les personnes des différentes catégories règlementaires.

J’ai également procédé à l’évaluation (40 à 65 par jours) de demandes de visa de résident temporaire à l’ambassade canadienne du Mexique. J’étais, de plus, responsable de gérer et d’informer la clientèle haïtienne à l’ambassade canadienne d’Haïti suite au tremblement de terre dans ce pays. Ce mandat spécial m’a été attribué en raison de mes connaissances en matière d’immigration, mon expérience et ma connaissance de la langue du pays.

EXPÉRIENCE DE RECHERCHES OU D’ENQUÊTES EN IMMIGRATION (ATOUT)

En somme, dans le cadre de mes fonctions d’agent d’immigration, j’ai effectué différentes recherches ou enquêtes en partenariat avec des organismes tels que United State Immigration national system (USINS), Canadian police information center (CPIC), le programme canadien « les enfants disparus » et le service de renseignements de l’Agence des services frontaliers du Canada.

Certaines de ces recherches ou enquêtes ont mené à l’évaluation d’équivalences criminelles en vertu du code criminel canadien. Une de mes réalisations dans ce contexte aura été de procéder à l’arrestation et la détention d’une personne soupçonnée de crimes contre l’humanité durant le régime de Duvalier en Haïti. À l’époque de cette réalisation, nous possédions le pouvoir d’arrestation et de détention. Aussi, certaines de mes recherches ou enquêtes ont porté sur la fraude documentaire.

EXPÉRIENCE DANS UN PROCESSUS QUASI-JUDICIAIRE (ATOUT)

À la suite de mon arrivée au programme d’évaluation des risques avant renvoi (ERAR) en novembre 2010, j’ai maintenant une expérience dans toutes les lignes d’affaires reliées à l’immigration et la Citoyenneté. À titre d’agent ERAR mon rôle consiste, dans un processus quasi-judiciaire, à évaluer et prendre des décisions en fonction des critères d’admissibilité pour obtenir la protection au Canada notamment les articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. En certaines occasions une audience quasi judiciaire peut être nécessaire en vertu de l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés afin de compléter nos recherches ou notre étude de cas.

EXPÉRIENCE AVEC LES COMMUNAUTÉS CULTURELLES (ATOUT)

Citoyenneté

Au niveau de la citoyenneté, j’ai fait de multiples entrevues afin de déterminer l’admissibilité à la citoyenneté canadienne. À titre d’exemples, j’ai référé suite à des recherches documentaires et des rapports circonstanciels de faits certaines des demandes de citoyenneté à différent juges de la Citoyenneté pour leur décision. Ces rapports concernaient, entre autres, de la criminalité, des infractions à la Loi ou le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés ayant une incidence sur la Citoyenneté de même que les obligations de résidence au Canada.

Mon rôle, à titre d’agent de la citoyenneté, constituait également à la préparation de cérémonies dont certaines comportaient près de 350 participants de différentes cultures ou origines.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

33        Dans son curriculum vitae, le plaignant a aussi décrit ses fonctions antérieures comme « agent d’information/personne ressource/analyste de niveau de service/supervision », qu’il a exercées d’août 1998 à mars 2002, et de superviseur à CIC, qu’il a exercées de juillet 2005 à avril 2006. De même, il a décrit de la façon suivante son expérience de travail comme agent d’immigration à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), d’avril 2002 à octobre 2010:

FONCTION : Agent d’immigration, de citoyenneté, de visa et d’évaluation des risques avant renvoi

- Évaluer et prendre des décisions sur les différentes demandes de résidence temporaires et permanentes au Canada.

- Évaluer l’admissibilité et la recevabilité des demandes d’asile.

- Procéder à l’émission de rapports d’infraction et à des directives d’enquête en vertu de la loi sur l’immigration et de la protection des réfugiés (ex. rapport 44).

- Procéder ou recommander l’arrestation et la détention de la clientèle inadmissible au Canada en tenant compte de la charte des droits et libertés canadienne et autres lois et conventions.

- Faire de la recherche et l’analyse de la preuve documentaire afin de procéder à des recommandations aux services frontaliers quant à la dispense du permis de travail.

- Répondre aux demandes de mise à jour des dossiers de la part d’avocats et députés représentant la clientèle. Les responsabilités concernant l’unité des travailleurs étrangers et du service à la clientèle ont été remplies dans le cadre d’une affectation de 6 mois en 2003.

- Faire de la préparation et la présentation de cas complexes aux juges de la citoyenneté en regard à l’admissibilité des demandeurs à la citoyenneté canadienne.

- Organiser et gérer, à titre de greffier de la cour de la citoyenneté, des méga-cérémonies de la citoyenneté canadienne (350 participants de toutes nationalités ou communautés). Les fonctions de la Citoyenneté ont été faites dans le cadre d’une affectation d’un an et demi [05/08 à 10/09)].

- Se référer à la loi de l’immigration et celle de la citoyenneté de même que les guides de procédures, interpréter les différentes lois corrélaires et appliquer de manière juste et équitable la jurisprudence dans notre analyse et nos décisions.

- Affectations (2) de six et quatre semaines aux ambassades canadienne du Mexique (octobre et novembre 2009) et d’Haïti (mars et avril 2010) et prise de décisions multiples dans des contextes difficiles notamment de crise (Ex : tremblement de terre en Haïti).

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

34        À côté de cette information, dans la marge de droite du curriculum vitae du plaignant, M. Morin a noté ce qui suit : [traduction] « Aucun travail d’ERAR (examen des risques avant renvoi) n’a été démontré durant cette période ».

35        Lorsqu’il a soumis sa demande d’emploi, le plaignant occupait un poste d’agent d’ERAR depuis novembre 2010. Dans son curriculum vitae, le plaignant a décrit son travail d’agent d’ERAR de la façon suivante :

- Dans le cadre d’un processus quasi-judiciaire, évaluer et prendre des décisions en fonction des critères d’admissibilité de l’octroi de la protection au Canada en particulier en considérant les article 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés

- Faire de la recherche et de l’analyse sur les conditions de pays et évaluer les risques qu’encourreraient les demandeurs advenant un retour dans leur pays.

- Faire au besoin des audiences quasi-judiciaires afin d’évaluer la crédibilité et de compléter nos recherches et notre étude de cas en fonction des principes de justice naturelle

- Évaluer et prendre des décisions sur des demandes comportant des considérations humanitaires notamment des risques de menace à la vie.

- Prendre connaissance et appliquer les différentes législations et jurisprudences pertinentes à nos décisions.

36        M. Morin n’a rien inscrit dans la marge de droite du curriculum vitae du plaignant à côté de cette information.

Expérience récente de la prise de décisions dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire

37        M. Morin a expliqué avoir examiné l’ensemble du contenu de la lettre d’accompagnement et du curriculum vitae du plaignant afin d’évaluer sa candidature. En prenant en considération chacune des fonctions qu’il a exercées et les descriptions des tâches qu’il a effectuées, il en est d’abord arrivé à la conclusion que le plaignant avait quatre mois d’expérience de la prise de décisions dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire. Il a cumulé cette expérience à titre d’agent d’ERAR de novembre 2010 jusqu’au moment de l’évaluation (février 2011). Or, l’exigence était de 12 mois d’expérience acquise dans les derniers cinq ans.

38        M. Morin a dit avoir examiné attentivement les autres tâches effectuées par le plaignant qui étaient décrites dans sa demande d’emploi. Il a affirmé ne pas avoir été en mesure de trouver un autre huit mois d’expérience relativement à la prise de décisions de nature quasi judiciaire ou judiciaire.

Expérience récente de la réalisation des recherches ou des enquêtes dans un environnement quasi judiciaire ou judiciaire ou de l’immigration (incluant le statut de réfugié)

39        Ensuite, M. Morin a conclu que le plaignant avait aussi, comme agent d’ERAR, quatre mois d’expérience de la réalisation de recherches dans l’environnement de l’immigration (incluant le statut de réfugié). Selon les instructions orales et écrites qu’il avait reçues, la recherche visée par cette qualification devait représenter une partie importante des fonctions du candidat. Cette qualification pouvait donc être satisfaite par les personnes dont la majeure partie de leur travail consiste à effectuer des recherches ou des enquêtes dans l’un des domaines visés. Lors de la séance de formation, M. Pattee avait d’ailleurs mentionné à titre d’exemple de personnes effectuant des recherches substantielles et complexes les chercheurs de l’ancienne division des recherches à la SPR. De même, l’expérience de recherche cumulée par un agent d’ERAR était acceptée puisqu’une partie importante de leurs fonctions est de faire de la recherche sur la situation des pays et d’évaluer les risques auxquels seraient exposés les demandeurs advenant un retour dans leur pays. Le fruit des recherches est ensuite divulgué par l’agent d’ERAR au demandeur qui peut y répondre.

40        Le 8 juin 2011, le plaignant a été informé que sa candidature avait été rejetée à l’étape de la présélection.

41        Le 30 juin 2011, le plaignant a présenté une demande de réévaluation.

42        Le 26 juillet 2011, le plaignant a reçu une réponse d’un consultant en ressources humaines de la CISR relativement à sa demande de réévaluation. Cette réponse l’informait, entre autre, que la décision de ne pas le pré-sélectionner pour l’examen écrit avait été maintenue :

Le comité de sélection a de nouveau examiné votre candidature et la décision de ne pas vous pré-sélectionner pour l’examen écrit a été maintenue.

Nous reconnaissons votre expérience comme agent ERAR depuis novembre 2010 en ce qui a trait à l’expérience « de la prise de décision dans le cadre d’un processus quasi-judiciaire ou judicaire [sic]». Mais la durée de cette expérience n’a été que de 5 à 6 mois alors que le Comité de sélection requiert un minimum de 12 mois dans les cinq dernières années.

Je regrette de ne pas être en mesure de vous donner un [sic] réponse plus favorable.

[Souligné dans l’original]

43        Comme il s’agissait de la première fois que le plaignant prenait connaissance de l’exigence du minimum de 12 mois d’expérience dans les cinq dernières années, il a communiqué par téléphone et par courriel, ce même jour, avec le consultant en ressources humaines. Il a alors été informé de l’existence du document de référence et de l’annexe qui avaient été donnés aux comités de présélection. Il a demandé des copies de ces documents. Il a aussi demandé des précisions au sujet du rejet de sa candidature étant donné son expérience de recherche en immigration.

44        Le même jour, le consultant lui a remis une copie des documents et lui a répondu par courriel qu’il n’avait pas démontré qu’il rencontrait l’une des quatre expériences de travail jugées essentielles selon l’annonce de possibilité d’emploi.

45        Le plaignant a alors demandé, par courriel, à savoir précisément pourquoi son expérience de la réalisation de recherches dans le domaine de l’immigration ne satisfaisait pas la qualification essentielle « réalisation de recherches dans un environnement quasi-judiciaire ou judiciaire ou de l’immigration (incluant le statut de réfugié) ». Il n’a pas reçu de réponse écrite à sa demande.

Question I : L’intimé a-t-il  abusé de son pouvoir en se servant d’outils d’évaluation qui sont, selon le plaignant, entachés d’erreurs?

46        Le plaignant allègue que l’intimé a fait preuve d’iniquité et qu’il a manqué à son devoir de transparence en n’informant pas les candidats, dans l’annonce de possibilité d’emploi, des spécifications apportées aux critères de sélection qui apparaissent dans le document de référence et l’annexe. Il affirme que c’est sur la base de ces spécifications que sa candidature a été rejetée à l’étape de la présélection.

47        Le plaignant allègue aussi que les outils de présélection utilisés dans le processus, c’est-à-dire l’annonce de possibilité d’emploi, le document de référence et l’annexe, étaient inadéquats, irréguliers et déficients, ce qui a mené à un résultat injuste. Il avance plus particulièrement que : (1) l’annonce de possibilité d’emploi est inadéquate parce qu’elle ne définit pas le nombre d’années d’expérience minimum requises pour rencontrer la définition d’expérience récente; (2) l’annonce de possibilité d’emploi est inadéquate parce qu’elle ne définit pas les expressions « quasi judiciaire ou judiciaire » et « recherche en immigration »; (3) l’annexe est inadéquate parce qu’elle précise que les agents d’ERAR rendent des décisions de nature quasi judiciaire alors qu’elle précise que les agents d’immigration rendent des décisions de nature administrative; et (4) le document de référence et l’annexe sont inadéquats puisqu’ils présentent des catégories de postes ou fonctions admissibles et inadmissibles et que cela équivaut à une politique entravant le pouvoir discrétionnaire.

48        Le plaignant fait valoir qu’il ressort de la jurisprudence que bien que l’article 36 de la LEFP accorde aux administrateurs généraux un vaste pouvoir discrétionnaire relativement au choix et à l’utilisation des méthodes d’évaluation, celles-ci doivent permettre d’évaluer efficacement les qualifications et être appliquées de façon équitable et raisonnable. La jurisprudence considère qu’il peut y avoir abus de pouvoir si les méthodes employées ne sont pas liées aux qualifications, si elles ne permettent pas d’évaluer les qualifications, si l’outil est inapproprié ou si le résultat ne peut pas être considéré raisonnable ou équitable (voir, par exemple, Rochon c. Sous-ministre des Pêches et des Océans, 2011 TDFP 7, paragraphe 72 et Burke v. Sous-ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 3, paragraphe 56, 63 et 64).

(i) Absence de définition dans l’annonce d’emploi du nombre d’années d’expérience minimum requis et des expressions « quasi judiciaire ou judiciaire » et « recherche en immigration »

49        La Cour fédérale s’est prononcée sur la question des précisions apportées aux qualifications essentielles après la publication de l’annonce de possibilité d’emploi dans Lavigne c. Canada (Justice), 2009 CF 684. Dans cette affaire, la question en litige était de savoir si le comité de présélection avait abusé de son pouvoir en rejetant la candidature du plaignant sur la base de critères de sélection qui n’étaient pas publiés dans l’annonce de possibilité d’emploi. La Cour fédérale a conclu, au paragraphe 66 de la décision, qu’il relevait du pouvoir discrétionnaire du gestionnaire délégué de créer les critères de sélection et que le fait que ces critères n’aient pas été publiés dans l’annonce de possibilité d’emploi ne viciait pas le processus.

50        Aux termes du paragraphe 30(2) de la LEFP, les gestionnaires disposent d’un pouvoir discrétionnaire considérable pour établir les qualifications liées au poste qu’ils souhaitent doter et pour choisir la personne qui, non seulement satisfait aux qualifications essentielles, mais représente la bonne personne pour occuper le poste visé (voir Visca c. le sous-ministre de la Justice, 2007 TDFP 24.).

51        De plus, l’art. 36 de la LEFP donne à l’administrateur général un pouvoir discrétionnaire quant au choix et à l’utilisation des outils qu’il estime indiqués pour évaluer si les candidats possèdent les qualifications établies en vertu de l’article 30(2) de la LEFP.

52        La CRTEFP est liée par les questions de droit tranchées par la Cour fédérale dans l’affaire Lavigne. Comme dans cette affaire, M. Pattee a apporté des précisions aux qualifications essentielles afin d’aider les comités de présélection dans leur évaluation des candidatures. Or, ce dernier avait toute la marge de manœuvre nécessaire pour décider des qualifications essentielles et, de la même façon, de définir ce que signifiaient ces qualifications. La preuve révèle que c’est bien à cette fin que le document de référence et l’annexe ont été créés, soit celle de préciser la signification des qualifications essentielles.

53        Il est toutefois stipulé dans la décision de la Cour fédérale que pour éviter l’apparence d’un manque d’équité, les définitions doivent être établies avant l’examen des demandes d’emploi des candidats.

54        La preuve en l’espèce démontre que le document de référence et l’annexe ont été développés avant l’examen des candidatures. De même, M. Pattee a animé la séance de formation auprès des personnes chargées de la présélection des candidats avant l’examen de présélection des candidatures. Cette séance de formation avait pour but de clarifier le sens des qualifications essentielles énoncées dans l’annonce d’emploi. C’est dans le cadre de cette séance que le document de référence et l’annexe ont été distribués. Le tout s’est produit avant que les comités de présélection ne débutent les examens de présélection. Il est donc clair que les précisions apportées aux qualifications essentielles ont été développées avant que les évaluateurs ne débutent l’examen de présélection.

55        En l’espèce, M. Morin a évalué la demande d’emploi du plaignant et a rejeté sa candidature à la lumière de ces précisions contenues dans le document de référence et l’annexe. Il a conclu que le plaignant ne remplissait pas une des qualifications essentielles liées à l’expérience.

56        La Cour fédérale, au paragraphe 70 de Lavigne, définit le rôle de l’ancien Tribunal et de la Cour lorsqu’ils sont saisis d’une plainte ou d’une demande de révision judiciaire. Il y est mentionné que l’organe de révision ne peut substituer son opinion à celle du gestionnaire délégué au sujet des qualifications essentielles requises pour un poste. Il y est mentionné ce qui suit :

La création des qualifications essentielles est confiée au gestionnaire, ce n’est ni au Tribunal ni à la Cour d’établir les qualifications essentielles requises pour un poste ou de substituer leur appréciation des qualifications des candidats à celle du gestionnaire ou ses sous-délégués, le Comité de présélection en espèce. Le rôle du Tribunal consistait à examiner s’il y avait eu abus de pouvoir dans la façon dont le Comité de présélection a examiné les demandes.

57        Je n’ai donc pas compétence pour décider si le prérequis de 12 mois d’expérience acquis au cours des cinq dernières années était juste ou non. Cette décision relevait du gestionnaire délégué et ce dernier a jugé que ce prérequis était juste. M. Pattee a d’ailleurs expliqué pourquoi il a jugé nécessaire que les candidats aient acquis au moins 12 mois d’expérience au cours des cinq dernières années. Cette exigence a été énoncée afin de s’assurer que les personnes embauchées puissent bien s’acquitter de leurs tâches dès leur entrée en fonction. Ces personnes devaient connaître les questions de procédure et de fond ayant une incidence sur la conduite d'audiences et être en mesure d’entendre des causes dès leur embauche. Il s’agit d’une explication logique et cohérente.

58        Le Tribunal a énoncé dans Neil c. Sous-ministre de l’Environnement Canada, 2008 TDFP 4, aux paragraphes 50 et 51 qu’il est préférable que l’annonce de possibilité d’emploi soit claire et transparente, toutefois, le fait de ne pas informer les candidats d’une définition d’un critère de mérite ne constitue pas un abus de pouvoir. Ces paragraphes se lisent comme suit :

Le Tribunal tient à souligner que, bien qu'il ne soit pas obligatoire d'informer les candidats de tous les détails concernant la façon dont une qualification en particulier sera évaluée, il est dans l'intérêt de tous de faire preuve de clarté et de transparence dans la mesure du possible dans le cadre d'un processus de nomination. Il s’agit de s’assurer que tous ceux qui possèdent effectivement une qualification peuvent le démontrer et passer à la prochaine étape du processus. Il aurait donc été préférable que l'intimé fournisse aux candidats plus de détails dans l'énoncé des critères de mérite sur la façon dont « l'expérience appréciable » serait évaluée par le comité…

Toutefois, le fait de ne pas informer les candidats de la définition précise d'un critère de mérite ne constitue pas, en soi, un abus de pouvoir. La qualification choisie par les gestionnaires et en fonction de laquelle les candidats seraient évalués figurait dans l'énoncé des critères de mérite. Le Tribunal estime que cette qualification était suffisamment détaillée pour permettre aux candidats de démontrer qu'ils la possédaient.

59        De même, en ce qui concerne les expressions « quasi judiciaire ou judiciaire » et « recherche en immigration », il revenait au gestionnaire délégué de définir son appréciation de ces termes et c’est ce qu’il a fait par le biais du document de référence et de l’annexe.

60        D’abord, en ce qui concerne l’expression « quasi judiciaire », le document de référence énumérait une douzaine d’exemples de tribunaux quasi judiciaires ou administratifs. C’est ainsi que M. Pattee a défini son appréciation de cette expression. Il a ajouté qu’il ne croyait pas nécessaire de définir d’avantage l’expression « quasi judiciaire ou judiciaire » dans l’annonce d’emploi, puisqu’il était d’avis que cette expression était bien connue dans le milieu juridique.

61        Ensuite, en ce qui concerne l’expression « recherche en immigration », le document de référence précisait que la réalisation de recherches devait constituer une partie importante des fonctions. C’est donc par le biais de ce document et des directives orales qu’il a données lors de la formation aux gestionnaires que M. Pattee a défini son appréciation de cette expression.

62        À la lumière de ce qui précède, M. Pattee pouvait de bon droit fournir les précisions apportées au sujet des qualifications essentielles publiées. Il importe de préciser que le document de référence et l’annexe ne font que mettre en lumière la nature de l’expérience recherchée qui est décrite dans l’annonce de possibilité d’emploi publiée. Je ne peux donc conclure que l’annonce de possibilité d’emploi est inadéquate parce qu’elle ne définit pas le nombre d’années d’expérience minimum requises pour rencontrer la définition d’expérience récente ou parce qu’elle ne définit pas les expressions « quasi judiciaire ou judiciaire » ou « recherche en immigration ».

(ii) Précision dans l’annexe que les décisions des agents d’ERAR rencontrent le critère de quasi judiciaire

63        Le plaignant soutient que l’annexe est inadéquate puisqu’elle précise que les agents d’ERAR rendent des décisions de nature quasi judiciaire alors qu’il affirme que ce n’est pas le cas.

64        Le plaignant a reconnu, à l’audience, qu’il précise dans son curriculum vitae qu’à titre d’agent d’ERAR, il tient au besoin des audiences quasi judiciaires avant de rendre ses décisions. Il a toutefois précisé avoir fait cette affirmation dans son curriculum vitae puisqu’il avait eu vent que l’expérience de travail d’un agent d’ERAR était reconnue comme étant de nature quasi judiciaire dans le cadre du processus de nomination interne. Toutefois, il insiste qu’il n’y a pas de différence entre la nature du travail d’un agent d’ERAR et la nature du travail d’un agent d’immigration. Selon lui, si l’intimé juge que le travail d’un agent d’immigration n’est pas de nature quasi judiciaire, il ne peut juger que le travail d’un agent d’ERAR est de nature quasi judiciaire.

65        Le plaignant a porté à mon attention un extrait de sa description de travail comme agent d’immigration à l’appui de son argument que les agents d’ERAR et les agents d’immigration font un travail de même nature. Cet extrait confirme que les agents d’immigration bénéficient de pouvoirs importants et se lit comme suit :

Le ou la titulaire a l’autorité nécessaire pour émettre des ordres et des directives et demander à un client ou à une cliente de comparaitre à l’enquête, de se conformer aux directives et aux conditions, de se soumettre à un examen, et décider si cette personne doit être autorisée à rester ou être renvoyée du pays, être détenue, se faire refuser l’entrée au pays, se voir accorder ou refuser la citoyenneté.

66        En bref, le plaignant soutient que les agents d’ERAR font un travail de même nature et ne rendent pas de décisions de nature quasi judiciaire. Ainsi, selon lui, un traitement différent envers les deux groupes d’employés n’était pas justifié.

67        Une explication a été donnée quant à la raison pour laquelle l’annexe précise que les agents d’ERAR rendent des décisions de nature quasi judiciaire alors qu’elle précise que les agents d’immigration ne le font pas. Selon M. Pattee, les agents d’ERAR peuvent, dans certains cas, tenir des audiences quasi judiciaires au cours desquelles ils peuvent être appelés à trancher des questions interlocutoires, tenir des conférences préparatoires, accepter de la preuve, entendre des arguments et rendre une décision. Selon M. Pattee, dans le cadre de ces audiences, les agents d’ERAR bénéficient d’une certaine indépendance qui s’inspire des attributs de l’indépendance judiciaire. Leur pouvoir de mener ces audiences découle d’une autorité statutaire (les articles 96, 97 et 112 et 113 de la LIPR et l’article 167 du Règlement). De plus, le test juridique appliqué par les agents d’ERAR en vertu de ces articles est le même que celui qui est appliqué par les commissaires de la CISR. Plus précisément, l’examen des risques avant renvoi permet aux personnes qui doivent être renvoyées du Canada de demander d’être protégées. Les demandeurs doivent décrire, par écrit, les risques auxquels ils pourraient être exposés s’ils sont renvoyés. Les personnes dont la demande d’ERAR est approuvée peuvent rester au Canada.

68        M. Morin a, lui aussi, affirmé que certaines décisions des agents d’ERAR sont de nature quasi judiciaire puisque ces derniers peuvent tenir une audience compte tenu des facteurs réglementaires. Il a, de même, affirmé que ces agents, comme les commissaires de la CISR, déterminent qui a qualité de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés. Toutefois, les agents d’ERAR ont le mandat de déterminer si le demandeur d’asile débouté, en raison de la décision rendue par la CISR, a présenté de nouveaux éléments de preuve ou des éléments de preuve qui n’étaient alors pas normalement accessibles. M. Morin a ajouté que les décisions rendues par la CISR et les agents d’ERAR ont une incidence importante sur des droits de la personne puisqu’il y a risque de persécution, de torture, etc. C’est donc pour ces raisons que l’annexe précise que les décisions des agents d’ERAR sont de nature quasi judiciaire.

69        En ce qui concerne les agents d’immigration, classifiés PM-03, M. Pattee a expliqué que ces derniers acquièrent leur pouvoir de rendre leurs décisions d’une délégation qu’ils ont reçue du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté. Ainsi, ces agents ne bénéficient pas de l’indépendance et de la neutralité normalement associées aux décideurs dans les instances quasi judiciaires.

70        M. Pattee a aussi précisé que les agents d’immigration ne rendent pas de décisions de nature quasi judiciaire, mais qu’ils rendent plutôt des décisions de nature administrative, par exemple en ce qui concerne des demandes de visas. C’est pour des raisons similaires que l’annexe énonce également que les décisions rendues par les agents des services frontaliers, classifiés FB-03, sont de nature administrative et non de nature quasi judiciaire ou judiciaire. Par contre, l’annexe précise qu’un candidat classifié PM-03 peut satisfaire au critère de l’expérience du prononcé de décisions dans le cadre d’un processus quasi judiciaire si « le prononcé de décisions » à l’égard de cas pour lesquels des motifs d’ordre humanitaire sont invoqués « constitue une partie importante des fonctions du candidat ». Dans ce cas, a expliqué M. Pattee, les décisions rendues par ce candidat sont de nature quasi judiciaire et cette personne serait considérée comme ayant l’expérience recherchée et apte à siéger comme commissaire. Dans le cas contraire, c’est-à-dire s’il ne s’agit pas d’une partie importante des fonctions du candidat, ce dernier ne bénéficierait pas de l’expérience nécessaire pour siéger comme commissaire.

71        M. Morin a également confirmé que les décisions rendues par un agent d’immigration sont de nature administrative, plutôt que de nature quasi judiciaire. Il a expliqué que les agents d’immigration accordent un privilège, c’est-à-dire celui de venir ou de demeurer au Canada, et non un droit. Questionné d’avantage à ce sujet, il a expliqué en être arrivé à cette conclusion sur la base de sa compréhension des décisions rendues par un agent d’immigration et des lignes directrices énoncées dans l’annexe.

72        Le plaignant a fait valoir qu’il existe une délégation de pouvoir décisionnel du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté aux agents d’ERAR, au même titre qu’il existe une délégation de pouvoir décisionnel du ministre aux agents d’immigration. Dans les circonstances, il affirme qu’un traitement différent envers ces deux groupes d’employés n’était pas légitime.

73        Je note qu’il est effectivement mentionné dans la description de travail d’un agent d’ERAR, que ce dernier agit à titre de « représentant ou représentante du ou de la ministre afin de rendre des décisions ayant une portée juridique en conformité avec la [LIPR] ». De façon similaire, il est mentionné dans la description de travail de l’agent d’immigration qu’une des activités consiste à « [f]ormuler la position du Ministère relativement aux cas traités. » J’ai pris connaissance de ces dispositions. Toutefois, je note que ces descriptions de travail n’étaient pas devant le gestionnaire délégué lorsqu’il a établi et défini les qualifications essentielles du processus. Ce dernier a néanmoins jugé que l’expérience accumulée par un agent d’ERAR était suffisante et rencontrait certaines des qualifications essentielles au motif que cet agent a un mandat spécifique, en vertu de la loi, de tenir des audiences dans certains cas. Un agent d’immigration n’a pas un tel mandat.

74        Plus spécifiquement, la description de travail d’un agent d’ERAR stipule que ce dernier doit « déterminer la pertinence de tenir une audience pour régler les questions de crédibilité du demandeur et autres questions complexes et essentielles à la prise de décision ». Tel qu’il a été mentionné, il revenait au gestionnaire délégué de définir ce qu’il recherchait comme expérience requise pour qu’un candidat soit en mesure de remplir les fonctions d’un commissaire dès son entrée en fonction. Il a jugé que l’expérience acquise par un agent d’ERAR était satisfaisante puisque ce dernier serait en mesure de tenir des audiences dès son entrée en fonction. La CRTEFP ne peut substituer son propre jugement à celui du gestionnaire délégué.

(a) Réforme du système d’octroi de l’asile

75        Le plaignant a déposé en preuve une série de documents qui démontrent qu’une réforme du système d’octroi de l’asile était en cours au moment où le processus de nomination se déroulait. Par le biais de ces documents, le plaignant souhaite démontrer qu’il y avait une volonté politique de permettre aux agents d’ERAR de postuler au poste de commissaire puisque, dans le cadre de la réforme, les agents d’ERAR perdraient leur emploi. Selon lui, cela démontre que les agents d’ERAR ne rendent pas de décisions de nature quasi judiciaire et que l’intimé a donc erré en statuant le contraire. De plus, le plaignant affirme que cette réforme démontre qu’une priorité a été accordée aux agents d’ERAR dans le processus de nomination, alors que les agents d’immigration ont, pour leur part, été défavorisés.

76        À ce sujet, M. Morin a indiqué que dans le cadre de ses fonctions, il a eu connaissance du travail qui a été fait pour faciliter la réforme du système d’octroi d’asile. Dans le cadre de cette réforme, la responsabilité entourant l’examen des risques avant renvoi est transférée à la CISR. Les agents d’ERAR de CIC ne se joindront cependant pas à la CISR, même si certaines de leurs responsabilités seront transférées aux commissaires de la CISR. Dans les circonstances, il est vrai qu’au moment de la réforme et du processus, beaucoup d’agents d’ERAR se cherchaient un nouvel emploi.

77        Le plaignant a porté à mon attention un compte-rendu de décisions prises au cours d’une réunion syndicale-patronale, le 28 juillet 2010. Dans le compte-rendu, il est précisé que le sous-ministre de CIC, Neil Yeates, a mentionné que le ministère ferait de son mieux pour réduire au minimum le niveau de perturbation et s’engageait à s’assurer que les employés se voient offrir des possibilités de demeurer à CIC et de prendre part à des processus de nomination à la CISR de manière juste. Selon le plaignant, ceci prouve que l’affirmation que les agents d’ERAR sont qualifiés au motif qu’ils rendent des décisions de nature quasi judiciaire est erronée. Selon lui, les agents d’ERAR ont été acceptés dans le processus parce qu’une promesse a été faite au Syndicat de l’Emploi et de l’Immigration du Canada  que ces agents pourraient postuler aux postes de commissaires.

78        À mon avis, l’existence de cette réforme et du compte-rendu ne constituent pas une preuve que l’intimé a erré en précisant dans l’annexe que les agents d’ERAR rendent des décisions de nature quasi judiciaire. Tel qu’il a été mentionné, il existe une raison pour laquelle leur expérience a été jugée satisfaisante dans le processus. C’est qu’il a été déterminé que certaines de leurs décisions sont de nature quasi judiciaire. Enfin, la réforme du système d’octroi de l’asile et les documents portés à mon attention ne constituent pas une preuve que les agents d’immigration ont été défavorisés dans le processus. Selon la preuve produite, ces derniers n’ont pas comme mandat spécifique de mener des audiences quasi judiciaires et il s’agit de la raison pour laquelle leur expérience n’a pas été jugée suffisante.

79        Pour toutes ces raisons, je conclus que même s’il existait une volonté de permettre aux agents d’ERAR de postuler aux postes de commissaires à cause de la réforme du système d’octroi de l’asile, cela ne démontre pas que l’intimé a erré en précisant dans l’annexe que les agents  rendent des décisions de nature quasi judiciaire.

(b) Jurisprudence en immigration décrivant le rôle des agents d’ERAR

80        Le plaignant a aussi fait valoir que les tribunaux ont historiquement, et à maintes reprises, reconnu que les agents d’ERAR sont des délégués du ministre et qu’ils prennent des décisions administratives. Ainsi, selon lui, c’est en fonction d’un mauvais principe juridique que les agents d’ERAR ont été évalués dans ce processus de nomination.

81        Par exemple, dans Thamotharem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 16, la Cour fédérale mentionne au paragraphe 77 que : « les décisions relatives à un ERAR ne sont pas rendues par un tribunal administratif indépendant, mais par des agents de Citoyenneté et Immigration Canada. »

82        De même, il est mentionné ce qui suit dans Singh c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1022, au paragraphe 50 :

L’agent d’ERAR n’est pas un tribunal administratif quasi judiciaire et il n’exerce pas non plus le rôle d’une juridiction d’appel à l’égard des décisions de la SPR. L’agent d’ERAR est un employé du ministre, dont les actions relèvent du pouvoir discrétionnaire de son employeur (dans la mesure où ce pouvoir est circonscrit par la Loi et le Règlement).

83        La question en litige dans cet arrêt était celle de savoir si, dans son ensemble, la décision de la Section d’appel des réfugiés était raisonnable. La décision de la Section d’appel des réfugiés avait été rendue, quant à elle, dans le cadre de l’appel d’une décision de la SPR. Dans sa décision, la Section d’appel des réfugiés a appliqué la jurisprudence de la Cour portant sur l’interprétation de l’alinéa 113a) de la LIPR pour interpréter un autre article de la loi. L’alinéa 113a) porte sur l’admissibilité de nouveaux éléments de preuve présentés à un agent d’ERAR qui n’ont pas déjà été présentés à la SPR. Dans sa décision, la Cour fédérale a statué que l’agent d’ERAR doit faire preuve de retenue à l’égard d’une décision de la SPR, dans la mesure où les faits restent inchangés depuis le moment où elle l’a rendue. L’agent d’ERAR cherche plutôt à savoir si de nouveaux éléments de preuve sont mis à jour depuis la décision défavorable de la SPR pour déterminer s’il y a un risque de persécution, de torture, de subir des peines ou traitements cruels et inusités ou s’il existe une menace pour la vie. Ainsi, dans la décision de la Cour fédérale, il est précisé que l’alinéa 113a) de la LIPR « ne vise pas à créer un droit propre à un appel, son objectif sous-jacent étant plutôt d’assurer que le demandeur a une dernière chance que soit évalué tout nouveau risque de refoulement (que la SPR n’a pas déjàévalué) avant le renvoi. » La Cour confirme donc qu’une audience n’est tenue, à des fins d’examen des risques avant renvoi, que dans des circonstances limitées et qu’un demandeur débouté qui demande un ERAR ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande d’asile ou qui n’ont pu être présentés auparavant.

84        Ainsi, bien que le nombre d’audiences tenues par les agents d’ERAR puisse être limité, il n’en demeure pas moins, selon la preuve présentée, que ces agents doivent posséder les compétences nécessaires pour tenir les audiences qui s’avèrent nécessaires. Le gestionnaire délégué pouvait donc de bon droit, en l’espèce, juger que les personnes qui détiennent les compétences nécessaires pour tenir ces audiences pourraient remplir les tâches de commissaires. Ainsi, je conclus que le gestionnaire délégué a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon légitime et que l’allégation selon laquelle les agents d’ERAR ont été évalués en fonction d’un mauvais principe juridique dans ce processus de nomination est sans fondement.

85        Enfin, je note que le plaignant a également cité bon nombre d’autres cas pour appuyer son allégation. Bien que j’aie examiné chacun de ces cas, j'ai choisi de ne citer que les précédents, qui reflètent bien la jurisprudence sur la question.

(iii) Allégation que le document de référence et l’annexe sont inadéquats puisqu’ils présentent des catégories de postes ou fonctions admissibles et inadmissibles et que cela équivaut à une politique entravant le pouvoir discrétionnaire

86        Le plaignant allègue que, sans l’aide de professionnels de la classification et en l’absence de descriptions de postes, le gestionnaire délégué ou ses représentants ont fait une évaluation préliminaire de différents postes et ont produit une liste de postes ou fonctions admissibles ou inadmissibles. Il soutient que cette façon de faire viole le principe du mérite individuel puisque le résultat était déjà fixé à l’avance, avant même que les candidatures ne soient évaluées, ce qui contrevient aux valeurs directrices que sont la justice, la transparence, la représentativité et l'accessibilité. De plus, il avance que ces outils d’évaluation sont inadéquats parce qu’ils ont placé les comités de sélection dans une position rigide dans laquelle ils ne pouvaient faire preuve d’ouverture à l’égard de certains groupes professionnels.

87        M. Pattee a expliqué que l’énumération de postes ou fonctions à priori admissibles et inadmissibles a été faite afin d’aider les comités de présélection à interpréter les qualifications. La preuve démontre également que, bien que l’énumération de certains postes et fonctions servait à  préciser la nature de l’expérience recherchée,  elle servait essentiellement à créer des points de repère ou des indicateurs préliminaires pour les comités de présélection.  

88        Puisqu’un gestionnaire délégué peut de bon droit fournir des précisions au sujet des qualifications essentielles publiées, je suis de l’avis que M. Pattee pouvaient de bon droit, ici, fournir ces points de repère ou indicateurs préliminaires aux comités de présélection. Tel qu’il a été mentionné, la création des qualifications essentielles est confiée au gestionnaire et ce n’est pas à la CRTEFP d’établir ces qualifications ou de les définir. Je ne peux donc conclure que ces outils étaient inadéquats pour la seule raison qu’ils énumèrent des catégories de postes ou fonctions à priori admissibles et inadmissibles.

89        Le plaignant a aussi allégué que le document de référence et l’annexe sont inadéquats parce qu’ils ont imposé aux comités de présélection une position rigide et que, par conséquent, ils ne pouvaient faire preuve d’ouverture à l’égard de certains groupes professionnels, dont les agents d’immigration. Selon le plaignant, les comités de présélection étaient assujettis à des directives strictes auxquelles ils ne pouvaient déroger pour des raisons d’uniformité en raison du nombre important de candidatures. Il fait valoir que son expérience à titre d’agent d’immigration, n’eut été de ces directives strictes, aurait pu être reconnue comme une expérience de travail pertinente.

90        Tel qu’il a été soulevé par le plaignant, l’ancien Tribunal a noté, dans Bowman  c. Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2008 TDFP 12, qu’il peut y avoir abus de pouvoir lorsqu’un délégué refuse d'exercer son pouvoir discrétionnaire en adoptant une politique qui entrave sa capacité d'examiner des cas individuels avec ouverture d’esprit. Il est noté ce qui suit au paragraphe 127 de la décision :

En outre, dans le contexte de la LEFP, où le recours met maintenant l’accent sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire dans les processus de nomination, un comité d’évaluation ne doit pas refuser d’exercer son pouvoir discrétionnaire au moyen d’une application stricte d’une ligne directrice qui entrave sa capacité d’évaluer chaque candidat avec un esprit ouvert. Lorsque le Tribunal détermine que le comité d’évaluation a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de cette façon, il peut déterminer que le comité d’évaluation a abusé de son pouvoir.

91        Dans Bowman, l’ancien Tribunal a conclu, en ce qui concerne l’un des plaignants et à la lumière des éléments de preuve produits, que le comité d’évaluation avait introduit et appliqué un critère temporel rigide relativement à une qualification essentielle qui se voulait souple tout en tenant compte de l’exercice du pouvoir discrétionnaire. En agissant de cette façon, au lieu d’assumer sa responsabilité, le comité d’évaluation avait omis d’évaluer l’expérience acquise par ce plaignant d’une manière probante.

92        La question est donc celle de savoir si le comité de présélection, ici constitué de M. Morin, a considéré les lignes directrices contenues dans le document de référence et l’annexe comme étant obligatoires et concluantes, sans qu’il soit nécessaire d’examiner d’autres facteurs. Si tel est le cas, une telle entrave à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire constitue une erreur importante (voir, par exemple, Toussaint c. Canada (Procureur général), 2010 CF 810, au paragraphe 54).

93        M. Morin a exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a eu à déterminer s’il était approprié d’accepter ou non l’expérience du plaignant comme agent d’immigration et comme agent d’ERAR. Il a expliqué avoir examiné minutieusement l’ensemble de la demande d’emploi du plaignant et y avoir extrait, le cas échéant, les périodes d’expérience pertinentes aux critères énoncés. Toutefois, il n’a pu cumuler 12 mois d’expérience. M. Morin a aussi attesté que si le plaignant avait clairement démontré dans sa demande d’emploi qu’une partie importante de ses fonctions comme agent d’immigration consistait, par exemple, à faire des recherches sur des questions spécifiques énoncées, à récolter des informations à partir de différentes sources gouvernementales et non-gouvernementales, de journaux, d’Internet, etc., à analyser ces données et à préparer des rapports, il aurait jugé qu’il satisfaisait au critère concernant les recherches en immigration. Cependant, le plaignant n’a pas fourni cette information dans sa lettre d’accompagnement, ni dans son curriculum vitae.

94        Tant M. Pattee que M. Morin ont d’ailleurs expliqué que les comités de présélection n’étaient pas liés par le document de référence et l’annexe, mais que les évaluateurs devaient utiliser leur jugement, c’est-à-dire leur pouvoir discrétionnaire, afin de discerner l’expérience pertinente de celle non pertinente.

95        Chrystal Hitchcock, conseillère en dotation, CISR, a prodigué des conseils au gestionnaire délégué dans le cadre de ce processus de nomination. Elle a affirmé que le document de référence et l’annexe ont été créés afin d’éclairer les comités de présélection dans leur évaluation des candidatures. Elle a précisé que ces documents contenaient essentiellement des recommandations et que les comités de présélection ont conservé toute latitude pour décider si une candidature devait être acceptée ou non.

96        À la lumière de ce qui précède, il n’a pas été établi que M. Morin considérait les lignes directrices comme obligatoires et concluantes, sans qu’il soit nécessaire d’examiner tout le contenu de la demande d’emploi du plaignant. Il n’a pas été établi, non plus, que les lignes directrices ont violé le principe du mérite individuel en fixant les résultats d’avance. La preuve révèle plutôt que M. Morin a examiné chacune des expériences accumulées par le plaignant dans les différents postes qu’il a occupés au cours de sa carrière avant d’en arriver à la conclusion qu’il ne satisfaisait pas aux qualifications essentielles. Ainsi, aucune preuve présentée n’a démontré que M. Morin a omis de faire preuve d’ouverture d’esprit lorsqu’il a pris la décision de ne pas retenir l’expérience du plaignant comme agent d’immigration.

97        Je ne peux donc conclure que le document de référence et l’annexe ont entravé la capacité de M. Morin d’examiner la demande d’emploi du plaignant avec ouverture d’esprit. De même, je ne peux conclure que le gestionnaire délégué a outrepassé son mandat en adoptant une politique qui entravait la capacité des comités de présélection d'examiner les cas individuels avec ouverture d’esprit. Tel qu’il a été mentionné, ces lignes directrices formulées par le gestionnaire délégué ont été régulièrement édictées en vertu de son pouvoir d’établir les qualifications essentielles, aux termes du paragraphe 30(2) de la LEFP.

Question II : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en concluant que le plaignant ne satisfaisait pas à une des qualifications essentielles requises, soit celle concernant l’expérience récente de travail?

98        Le plaignant allègue que son évaluation était défaillante parce que son expérience comme agent d’immigration n’a pas été considérée. Il soutient que son poste d’agent d’immigration a été évalué mais qu’il n’a pas été évalué, lui, sur la base du mérite individuel. Il a affirmé que son expérience de 12 ans au moment de sa demande comme agent d’immigration comprend la réalisation de recherches selon le sens ordinaire de l’expression « réalisation des recherches […] dans un environnement de l’immigration […] ». Le plaignant occupait, au moment de l’audience, un poste d’agent d’immigration.

99        À l’audience, afin de démontrer qu’il possède l’expérience de recherche dans le domaine de l’immigration, le plaignant a fourni des renseignements qui ne figuraient pas dans sa demande d’emploi et qui n’ont donc pas été considérés à l’étape de la présélection. Il a décrit les recherches qu’il effectue à titre d’agent d’immigration, avant de se prononcer sur l’admissibilité des demandes d’asile, notamment. Il a précisé que les questions de sécurité sont omniprésentes dans ce domaine.

100        Le plaignant a aussi affirmé avoir travaillé dans presque toutes les « lignes d’affaire » ou divisions du ministère et d’avoir toujours fait beaucoup de recherche avant d’octroyer des permis de résidence temporaire et des demandes de résidence permanente, ce qui comprend des demandes de résidence permanente pour des motifs d'ordre humanitaire. Il a maintenu que, dans tous les cas, une recherche des faits s’impose avant qu’il ne puisse appliquer la loi. Il a aussi décrit ses trois affectations dans des ambassades canadiennes à l’extérieur du Canada. Par la suite, il s’est appuyé sur une description de travail du poste de commissaire à la CISR afin de démontrer que certaines des tâches qui y sont décrites sont semblables aux tâches qu’il effectue comme agent d’immigration.

101        Or, tel qu’il a été mentionné à l’audience, le rôle de la CRTEFP n’est pas de reprendre le processus de nomination et d’examiner l’expérience du plaignant présentée à l’audience afin de déterminer si, après un second regard, le comité de présélection aurait dû rendre une décision différente. Le rôle de la CRTEFP consiste à déterminer s’il y a eu abus de pouvoir dans le contexte du processus de nomination.

(i) L’évaluation du plaignant

102        M. Morin a précisé avoir lu attentivement la lettre d’introduction et le curriculum vitae du plaignant avant de rejeter sa candidature au motif qu’il n’a pu y trouver un total de 12 mois de l’expérience recherchée. Il a expliqué que l’expérience du plaignant comme agent d’immigration n’était pas suffisante puisque, dans la description de ses fonctions, le plaignant n’a pas démontré qu’il rendait des décisions de nature quasi judicaire ou que la majeure partie de son travail consistait à effectuer des recherches de fond sur des questions complexes. Dans les circonstances, puisqu’il n’a pas trouvé un total de 12 mois de l’expérience recherchée, il s’est vu dans l’obligation de rejeter sa candidature.

Expérience récente de la prise de décisions dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire

103        À l’audience, M. Morin a expliqué en quoi l’expérience décrite par le plaignant dans chacun des paragraphes contenus dans sa lettre d’introduction équivaut, selon lui, à une activité administrative et non quasi judiciaire. Il a fait le même exercice avec son curriculum vitae. En gros, il a expliqué que les décisions des agents d’immigration d’accorder les demandes de résidence permanente ou temporaire, d’évaluer l’admissibilité des demandes d’asiles, de recommander des détentions, etc., sont de nature administrative.

104        Le plaignant a aussi précisé dans son curriculum vitae qu’il détient une expérience de quelques mois de la « prise de décisions multiples dans des contextes difficiles » dans le cadre d’affectations aux ambassades canadiennes du Mexique, en 2009, et d’Haïti, en 2010. M. Morin a expliqué avoir pris cette information en considération avec l’ensemble des renseignements soumis par le plaignant dans sa demande d’emploi. Cependant, il a affirmé que le plaignant n’a pas précisé le genre de décisions qu’il a prises dans le cadre de ces affectations. Ainsi, M. Morin n’a pas été en mesure de conclure qu’il s’agissait de décisions de nature quasi judiciaire.

105        M. Morin a donc conclu que les seules décisions de nature quasi judiciaire rendues par le plaignant l’ont été lorsqu’il était agent d’ERAR.

Expérience récente de la réalisation des recherches ou des enquêtes dans un environnement quasi judiciaire ou judiciaire ou de l’immigration (incluant le statut de réfugié)

106        De plus, M. Morin a précisé que l’expérience de recherche du plaignant, alors qu’il était agent d’ERAR, était pertinente. Il a précisé que les agents d’ERAR doivent faire de la recherche sur la situation des pays et évaluer les risques auxquels seraient exposés les demandeurs advenant un retour dans leur pays. Cependant, le plaignant n’avait accumulé que quatre mois d’expérience à cet égard.

107        M. Morin a jugé non pertinente, toutefois, l’expérience de recherche du plaignant comme agent d’immigration. Le plaignant a décrit à quelques endroits dans sa demande d’emploi le genre de recherche qu’il effectue comme agent d’immigration. Dans son curriculum vitae, il a précisé « Faire de la recherche et l’analyse de la preuve documentaire afin de procéder à des recommandations aux services frontaliers quant à la dispense du permis de travail ». De même, dans sa lettre d’introduction, il a décrit certaines de ses recherches sous la rubrique intitulée « Expérience de recherches ou enquêtes en immigration (ATOUT) ». M. Morin a expliqué avoir lu attentivement ces paragraphes et le curriculum vitae du plaignant, mais qu’il a conclu que rien ne démontrait que ce dernier satisfaisait au critère de la réalisation de recherches ou d’enquêtes dans les domaines précisés.

108        D’abord, tel que mentionné, un des énoncés dans le curriculum vitae du plaignant est qu’il a fait « de la recherche et l’analyse de la preuve documentaire afin de procéder à des recommandations aux services frontaliers quant à la dispense du permis de travail ». M. Morin a dit ne pas avoir eu assez d’information pour comprendre l’étendue de la recherche effectuée. En somme, il n’a pas trouvé dans cet énoncé une description de la recherche effectuée, l’information recueillie, l’analyse réalisée et le genre de rapport produit. Enfin, l’énoncé ne démontrait pas que ce genre de recherche constituait la majeure partie du travail du plaignant.

109        Ensuite, en ce qui concerne les recherches décrites sous la rubrique « Expérience de recherches ou enquêtes en immigration (ATOUT) », M. Morin a constaté que les recherches faites « en partenariat avec des organismes », par exemple le CPIC et USINS, sont essentiellement effectuées à l’aide de bases de données préexistantes constituées par ces organismes. Il a réitéré que les recherches devaient constituer la majeure partie du travail du candidat et qu’elles devaient être substantielles. Plus précisément, le candidat devait décrire ses recherches et en préciser le sujet (par exemple : quelles sont les conditions pour être membre d’un parti politique au Pakistan?), et démontrer qu’il avait recueillis de l’information de différentes sources (agences gouvernementales et non-gouvernementales, experts, journaux, bibliothèques, professeurs d’Universités, Internet, bases de données, sites, etc.). Le candidat devait aussi démontrer qu’il avait effectué des analyses et préparé des rapports de recherche. M. Morin a précisé que le simple fait d’extraire des renseignements d’une base de données n’équivaut pas nécessairement à faire des recherches. Selon lui, les agents d’immigration, avant de rendre leurs décisions, utilisent des données qui sont déjà compilées. M. Pattee, de même, a précisé que l’extraction de données de bases de données préexistantes ne constitue pas, à elle seule, une recherche substantielle.

110        M. Morin a aussi pris connaissance de l’information selon laquelle les recherches du plaignant ont mené à l’évaluation d’équivalences criminelles en vertu du Code criminel canadien. Toutefois, il a expliqué ne pas avoir été en mesure de déterminer s’il s’agissait de recherches substantielles faites par le plaignant, ou si ces recherches représentaient la majeure partie de ses tâches.

111        De même, M. Morin a pris connaissance des paragraphes sous la rubrique « Citoyenneté », dans lesquels il est mentionné que le plaignant a fait « des recherches documentaires et des rapports circonstanciels de faits ». De même, il a jugé que ces paragraphes ne contenaient pas suffisamment d’information pour lui permettre de conclure que le plaignant avait effectué des recherches substantielles et qu’elles constituaient la majeure partie de ses tâches. En d’autres mots, il n’a pas été en mesure de comprendre l’ampleur des recherches effectuées. Les paragraphes contiennent une référence à des rapports concernant la criminalité et des infractions à la loi ou au règlement, mais ils ne contiennent aucune description des recherches effectuées, ni des sources consultées, ni des conclusions des rapports.

112        Le plaignant, quant à lui, a fait valoir qu’une des activités d’un agent d’immigration, tel qu’il ressort de sa description de travail, est de « [f]ormuler des approches et effectuer des recherches approfondies, des recherches de faits, des entrevues et des enquêtes ». Selon la description de travail, l’agent d’immigration doit également :

Connaitre les pratiques, les méthodes et les techniques associées à l’interaction et à l’échange d’information []

Les différents scénarios faisant appel aux techniques d’interaction vont de brèves interactions jusqu’aux interrogatoires et enquêtes élaborés portant sur des détails ou des situations complexes dans le cadre desquels l’information est difficile à obtenir.

[…]

Connaitre les méthodes, les techniques et les principes associés à l’utilisation d’outils électroniques et bureautiques, afin de s’en servir pour les activités telles que la recherche avec bases de données à l’échelle internationale et la préparation de rapports, de correspondance et de documents de présentation.

113        Lors de l’audience, le plaignant a aussi précisé faire des recherches dans la jurisprudence et sur l’authenticité de documents (passeport, actes de naissance, diplômes, factures, comptes conjoints, etc.). Il a aussi expliqué que des outils de recherche étaient mis à sa disposition pour l’aider.

114        Il est important de reconnaître que les agents d’immigration réalisent des recherches concrètes dans le cadre de leur travail. Toutefois, le comité de présélection n’a pu bénéficier du témoignage du plaignant lorsqu’il a examiné sa candidature. De toute façon, il appartenait au comité de présélection d’évaluer les qualifications du plaignant à la lumière de sa demande d’emploi et des spécifications données par le gestionnaire délégué. Les candidats devaient démontrer que la recherche constituait la majeure partie de leur travail et qu’il s’agissait de recherches substantielles; c’est à la lumière de cette information que M. Morin a évalué l’expérience de recherche du plaignant. Il a conclu que son expérience comme agent d’immigration n’était pas suffisante au regard des précisions énoncées dans le document de référence. Il s’agit d’une appréciation raisonnable de l’expérience du plaignant. La CRTEFP n’a pas compétence pour décider si, après un second regard, M. Morin aurait pu apprécier l’expérience de travail du plaignant autrement. En d’autres mots, je ne peux pas substituer mon appréciation de l’expérience du plaignant à celle du comité de présélection.

115        Dans son curriculum vitae, le plaignant mentionne également que son travail à titre d’agent d’ERAR consiste, de même, à « Évaluer et prendre des décisions sur des demandes comportant des considérations humanitaires notamment des risques de menace à la vie ». Les deux parties ont précisé que l’un des principes fondamentaux de la LIPR prévoit que, avant son arrivée au Canada, l’étranger qui veut vivre au pays en permanence doit présenter sa demande de l’extérieur du Canada. Sauf dans les cas prévus par la LIPR, l’étranger n’a pas le droit de présenter une demande de résidence permanente alors qu’il est déjà présent au Canada. Le plaignant a précisé que dans le cadre d’une demande de considération humanitaire, le décideur de CIC doit déterminer si des considérations d’ordre humanitaire justifient l’octroi de la dispense demandée. Le critère des « difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées » est alors appliqué.

116        Il convient de souligner que M. Morin a évalué cette expérience du plaignant au regard des précisions énoncées dans l’annexe au sujet des motifs d’ordre humanitaire. Toutefois, le plaignant n’exerçait ces fonctions que depuis quatre mois au moment de l’évaluation. M. Morin n’a donc pas été en mesure de conclure que le plaignant avait accumulé 12 mois d’expérience relativement à l’octroi de la dispense demandée pour des considérations d’ordre humanitaire.

117        L’ancien Tribunal a confirmé à plusieurs reprises qu’il incombe aux candidats de démontrer clairement dans leur demande d’emploi qu’ils possèdent toutes les qualifications essentielles (voir par exemple Wilson c. le sous-ministre de Santé Canada, 2012 TDFP 27). Ici, la preuve révèle que le plaignant n’a pas démontré clairement dans sa demande d’emploi qu’il possédait toutes les qualifications essentielles.

118        Pour toutes ces raisons, j’estime qu’il n’a pas été démontré que l’intimé a abusé de son pouvoir en concluant que le plaignant ne satisfaisait pas à la qualification essentielle requise concernant l’expérience récente de travail.

(ii)      Qualifications différentes dans le cadre d’un autre processus

119        Le plaignant avance que les qualifications essentielles du présent processus sont basées sur les compétences clés de l’ancienne procédure de nomination des commissaires par décret, à laquelle il s’était pré qualifié, le 24 juillet 2009. Sa candidature a toutefois été rejetée à une autre étape du processus. En s’appuyant sur un document intitulé « Profil de compétence des personnes nommées par décret à la CISR », il a souligné qu’une compétence exigée dans ce processus de nomination portait sur la réalisation d’enquête et de recherche d’information. De même, l’énoncé de qualité de ce processus spécifiait que l’expérience recherchée comprenait « Un minimum de cinq ans d’expérience à titre de décideur au sein d’un tribunal administratif et/ou dans l’interprétation ou dans l’application des lois [dont la LIPR] […] ». Le plaignant maintient que puisque son expérience de l’interprétation et de l’application de la LIPR avaient alors été jugée suffisante pour franchir l’étape de la présélection, l’intimé a erré dans le présent processus en rejetant sa candidature à l’étape de la présélection.

120        La Cour fédérale, dans Lavigne, en plus de noter qu’il appartient au gestionnaire délégué d’établir les qualifications essentielles liées à un poste à doter, a aussi noté ce qui suit au paragraphe 74 de la décision :

Un gestionnaire a de bonnes raisons pour remplir les postes à doter avec les personnes qui sont compétentes pour remplir les exigences spécifiques des fonctions de l’emploi. Les gestionnaires ne sont pas tenus d'utiliser des qualifications essentielles semblables pour les postes du même niveau; les gestionnaires sont simplement tenus d'établir les qualifications pour le travail à accomplir.

[Souligné dans le texte original]

121        En l’espèce, le gestionnaire délégué n’était pas tenu d’utiliser des critères identiques à ceux utilisés dans l’ancienne procédure de nomination des commissaires par décret. La tâche du gestionnaire délégué était de définir les qualités requises dont il avait besoin. M. Pattee pouvait donc établir les exigences requises pour le poste en question et il n’était pas tenu d’utiliser les critères retenus dans l’ancienne procédure.

122        D’ailleurs, l’ancien Tribunal s’est penché sur une question analogue dans Richard c. le sous-ministre de Patrimoine canadien, 2009 TDFP 12, et en est arrivé à la conclusion suivante au paragraphe 70 : « Somme toute, le fait que la candidature du plaignant ait apparemment été retenue à l’étape de la présélection de ces autres processus de nomination n’a aucune incidence sur la façon dont doit être tranchée la question en l’espèce ». De façon semblable, ici, le fait que la candidature du plaignant ait été retenue à l’étape de la présélection d’un autre processus de nomination n’est pas déterminant en l’espèce.

123        Enfin, le plaignant a expliqué être en désaccord avec le rejet de sa candidature dans le cadre d’un autre processus effectué en 2010 (2010—IRB-IA-017619), au motif qu’il ne rencontrait pas les qualifications essentielles. Aucune plainte en vertu de l’article 77 de la LEFP n’a cependant été déposée par le plaignant à la suite du rejet de sa candidature dans ce processus. La CRTEFP n’a donc pas compétence pour instruire ce processus et le plaignant n’a pas réussi à établir quelque lien que ce soit entre ce processus et celui en l’espèce.

(iii) Prestation de motifs suffisants

124        Le plaignant allègue que l’intimé a commis une injustice ou un abus de pouvoir en omettant d’émettre des motifs complets de sa décision de rejeter sa candidature à l’étape de la présélection. Il avance que le pouvoir de prendre des décisions est accompagné de la responsabilité de le faire de manière équitable et transparente. À l’appui de son argument, il renvoie à la décision de la Cour suprême du Canada dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 RCS 817.

125        En l’espèce, trois courriels ont été échangés au sujet de la décision du comité de présélection (aussi appelé ici comité de sélection) de rejeter la candidature du plaignant.  D’abord, le 8 juin 2011, l’intimé informe le plaignant que sa candidature a été rejetée à l’étape de la présélection. L’intimé mentionne, aussi, qu’il n’a pas satisfait l’un des quatre critères de mérite utilisés. L’intimé informe aussi le plaignant qu’il pourra demander une discussion informelle pour en apprendre d’avantage sur son élimination du processus. Ensuite, le 30 juin 2011, le plaignant demande à l’intimé de reconsidérer sa décision de l’éliminer du processus. Enfin, le 26 juillet 2011, l’intimé répond au plaignant que le comité de sélection a de nouveau examiné sa candidature et que la décision de rejeter sa candidature a été maintenue. Il est mentionné, comme motif d’élimination, que le plaignant ne détient pas une expérience de la prise de décision dans le cadre d’un processus quasi judiciaire.

126        Comme nous l’avons vu, la fiche remplie par M. Morin à l’étape de la présélection indiquait que le plaignant avait satisfait à la qualification relative aux études, mais pas à celle relative à l’expérience pertinente. À côté du critère « Expérience récente de la prise de décisions dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire », M. Morin a inscrit à la main : [traduction] « Aucune. Agent d’ERAR depuis novembre 2010. Pas assez d’expérience “récente” ». De même, à côté des autres critères de sélection, il a inscrit : [traduction] « Aucune ».

127        De plus, à côté de la description des fonctions d’agent d’immigration du plaignant dans son curriculum vitae, M. Morin a inscrit à la main : [traduction] « Aucun travail d’ERAR (examen des risques avant renvoi) n’a été démontré durant cette  période».

128        Selon le plaignant, les tribunaux au Canada, conformément à Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, ont régulièrement rejeté ce type de décisions au motif qu’elles sont déraisonnables car elles manquent de transparence, de justification et d’intelligibilité et qu’elles ne font pas partie des issues acceptables au regard des faits et du droit.

129        Tel que l’a décrété la Cour suprême du Canada au paragraphe 40 de Baker, divers types d’explications écrites peuvent remplir l’obligation de motiver la décision. La Cour notait, en fait, ce qui suit :

D’autres ont émis des réserves quant à l’utilité d’une règle de common law qui exigerait la production de motifs écrits. Dans l’arrêt Osmond, précité, le juge en chef Gibbs a dit, à la p. 668, qu’il craignait qu’une obligation de rédiger des motifs puisse finir par imposer un fardeau indu aux décideurs administratifs, entraîner une augmentation des coûts et des délais, et [TRADUCTION] «dans certains cas occasionner un manque de sincérité de la part des fonctionnaires concernés». Même s’ils conviennent que l’équité devrait exiger que des motifs soient donnés dans certaines circonstances, Macdonald et Lametti, loc. cit., font une mise en garde contre une exigence donnant lieu à des motifs [TRADUCTION] «d’archives» s’apparentant aux décisions judiciaires, et notent qu’il faut tenir compte de la nature particulière de l’organisme décisionnel dans différents contextes pour évaluer l’exigence des motifs. À mon avis, cependant, on peut répondre à ces préoccupations en veillant à ce que toute obligation de motiver la décision en raison de l’obligation d’équité laisse aux décideurs assez de latitude, en acceptant comme suffisants divers types d’explications écrites. » 

[Caractère gras ajouté]

130        La Cour suprême du Canada ajoute donc, au paragraphe 44 de Baker, que : « les individus ont droit à une procédure équitable et à la transparence de la prise de décision, mais […] en matière administrative, cette transparence peut être atteinte de différentes façons ».

131        La Cour suprême du Canada a également énoncé, dans l’affaire Commission scolaire de Laval c. Syndicat de l’enseignement de la région de Laval, 2016 CSC 8 (CanLII) au para. 46,  que la nature particulière de la décision déterminera la pertinence des motifs du corps qui la prend. 

132        Je suis de l’avis que la communication des courriels du 8 juin et du 26 juillet 2011 au plaignant, ainsi que de la fiche de présélection annotée par M. Morin, constituent des motifs suffisants de la décision qui a été prise. Selon moi, la communication au plaignant de ces courriels et de cette fiche de présélection annotée répond au critère de la transparence souhaitée.

133        En bref, j’estime que la communication de ces courriels et de la fiche annotées satisfont à l’obligation de donner des motifs en vertu du principe d’équité procédurale. La fiche annotée contient une explication plus précise des raisons du rejet de la candidature du plaignant et elle a été remise au plaignant à l’étape de la communication des renseignements avant l’audience.

134        Enfin, dans le cadre d’un processus de nomination interne, je suis de l’avis qu’une lettre ou un courriel avisant le candidat qu’il n’a pas rencontré un critère de mérite en particulier est suffisant. Toutefois, cela n’empêche pas un comité d’évaluation de fournir plus de renseignements à un candidat quant à son élimination du processus de nomination interne.  Un candidat a toujours l’option, de même, de demander une discussion informelle, s’il le souhaite, afin d’en apprendre d’avantage sur la raison de son élimination du processus. 

Question III : L’intimé a-t-il  abusé de son pouvoir en refusant de réintégrer le plaignant dans le processus à la suite de la discussion informelle?

135        Lorsque le plaignant a été informé du rejet de sa candidature à l’étape de la présélection, il a demandé une réévaluation de sa candidature. Il soutient ne pas avoir eu droit à une vraie réévaluation dans le cadre de la discussion informelle.

136        Le 26 juillet 2011, il a obtenu la réponse écrite d’un consultant en ressources humaines à sa demande de réévaluation. Il a aussi eu une discussion ce même jour avec ce représentant.

137        Mme Hitchcock, qui prodiguait des conseils au gestionnaire délégué, n’a pas eu connaissance de cette demande du plaignant. Elle a toutefois confirmé que certains candidats qui ont demandé une réévaluation de leur candidature dans le cadre d’une discussion informelle ont été réintégrés au processus.

138        Le plaignant allègue donc qu’il n’a pas été traité de manière uniforme et équitable dans le cadre de sa demande de réévaluation. Selon lui, si l’intimé avait été ouvert et disponible aux fins de la discussion informelle, il aurait pu réévaluer sa candidature en prenant connaissance de l’instrument de délégation applicable aux agents d’immigration et de leur description de poste et, par conséquent, mieux comprendre le rôle d’un agent d’immigration.

139        L’article 47 de la LEFP prévoit qu’un candidat peut demander une discussion informelle lorsque sa candidature n’a pas été retenue dans un processus de nomination interne :

À toute étape du processus de nomination interne, la Commission peut, sur demande, discuter de façon informelle de sa décision avec les personnes qui sont informées que leur candidature n’a pas été retenue.

140        Dans Rozka c. Sous ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2007 TDFP 46, au paragraphe 76, l’ancien Tribunal a décrit en quoi consiste une discussion informelle :

La discussion informelle est un moyen de communication qui vise principalement à permettre à un candidat de discuter des raisons du rejet de sa candidature dans le cadre d’un processus. Si on découvre qu’une erreur a été faite, par exemple si le comité d’évaluation a omis de tenir compte de certains renseignements figurant dans la demande d’emploi du candidat, la discussion informelle donne l’occasion au gestionnaire de corriger son erreur. Toutefois, la discussion informelle ne doit pas constituer un mécanisme permettant de demander que le comité d’évaluation réévalue les qualifications d’un candidat.

141        En l’espèce, je conclus que le représentant du gestionnaire délégué a communiqué au plaignant, dans le cadre de la discussion informelle, une des raisons pour lesquelles sa candidature n’a pas été retenue à l’étape de la présélection. Le plaignant a alors été informé que son expérience de la prise de décision de nature quasi judiciaire, comme agent d’ERAR, de novembre 2010 à février 2011, était pertinente, mais que sa durée ne rencontrait pas le minimum de 12 mois d’expérience acquise dans les cinq dernières années. Le plaignant a alors tenté de comprendre pourquoi son expérience de recherche comme agent d’immigration n’était pas jugée pertinente. Il n’a toutefois pas reçu de réponse à sa demande, à part un courriel l’informant qu’il n’avait pas démontré qu’il rencontrait « l’une des quatre expériences de travail jugées essentielles sur l’avis de concours ».

142        Il est malheureux que l’intimé n’ait pas mieux renseigné le plaignant lors de la discussion informelle des raisons pour lesquelles son expérience de recherche en immigration n’était pas jugée suffisante. Cependant, je considère que la communication du document de référence et de l’annexe au plaignant lors de la discussion lui a fourni certains éclaircissements. Le document de référence précisait que la réalisation des recherches devait constituer une partie importante des fonctions du candidat.

143        En somme, l’intimé aurait pu faire preuve de plus de clarté en renseignant le plaignant des raisons pour lesquelles son expérience de recherche en immigration n’était pas jugée suffisante. Toutefois, le fait de ne pas avoir communiqué au plaignant toutes les raisons pour lesquelles son expérience comme agent d’immigration n’avait pas été acceptée ne constitue pas, selon moi, un abus de pouvoir. Dans Tibbs, au paragraphe 65, l’ancien Tribunal a indiqué qu’il ressort clairement du préambule et de la LEFP dans son ensemble que l’intention du législateur était qu’il fallait plus que de simples erreurs ou omissions pour constituer un abus de pouvoir.

144        Enfin, le plaignant aurait souhaité que l’intimé le réévalue, dans le cadre de la discussion informelle, après avoir considéré l’instrument de délégation applicable aux agents d’immigration et leur description de poste.

145        L’’intimé n’était pas tenu, toutefois, de prendre en considération les nouveaux renseignements que le plaignant voulait porter à son attention. Les instructions données aux candidats étaient claires. Ces derniers devaient démontrer dans leur demande qu’ils possédaient les qualifications requises. L’intimé était tenu d’évaluer les candidats sur la base des renseignements contenus dans les demandes d’emploi et non sur la base de renseignements additionnels.

146        Dans les circonstances, je conclus qu’il n’était pas déraisonnable que l’intimé refuse de réintégrer le plaignant dans le processus. Selon l’intimé, aucune erreur n’a été commise lors de son évaluation, il n’y avait donc rien à corriger. Le fait que le plaignant ne soit pas d'accord avec l’évaluation de sa candidature ne veut pas dire qu’il y a nécessairement eu un abus de pouvoir.

Conclusion

147        Pour toutes ces raisons, je conclus qu’il n’a pas été démontré que l’intimé a  abusé de son pouvoir en créant et en utilisant les outils d’évaluation dont il est question. Il n’a pas été démontré, non plus, que l’intimé a abusé de son pouvoir en évaluant la candidature du plaignant, ni en refusant de le réintégrer dans le processus.

Motifs

148        Pour ces motifs, la CRTEFP  rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

149        La plainte est rejetée.

Le 15 juillet 2016.

Nathalie Daigle,
une formation de la Commission des relations de travail
et de l'emploi dans la fonction publique
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