Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué qu’il s’était vu refuser à tort le paiement d’une prime de poste – l’employeur a nié qu’il avait droit à une telle prime puisqu’il le considérait comme un travailleur de jour – le fonctionnaire s’estimant lésé était un agent correctionnel dont les fonctions variaient selon le moment de l’année – de mai à octobre, deux ou trois jours par semaine, il était affecté à un programme de placement à l’extérieur – d’octobre à mai et pendant les mois d’été, les jours où le programme de placement à l’extérieur n’était pas actif, le fonctionnaire s’estimant lésé était affecté à l’Admission et libération – d’octobre à mai, il travaillait à l’Admission et libération du lundi au vendredi, de midi à 20 h, afin d’accommoder les besoins de l’employeur – lorsqu'il a obtenu le poste, le fonctionnaire s’estimant lésé a reçu la confirmation qu’il avait droit à une prime de poste; initialement, il recevait la prime de poste pour toutes les heures travaillées après 15 h, lorsqu’il travaillait de midi à 20 h, mais l’employeur a interrompu ce paiement et le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté un grief – la convention collective ne définit pas « travailleur de jour » et « travailleur de poste » et elle est ambiguë – les heures de travail à l’Admission et libération ne correspondaient pas aux heures normalement travaillées par un travailleur de jour habituel – dans deux documents de l’employeur, il est implicitement reconnu qu’un travailleur de jour est, de manière générale, défini comme effectuant un horaire habituel du lundi au vendredi dans le cadre duquel le travail est accompli pendant les heures de jour – le fonctionnaire s’estimant lésé correspondait davantage à un travailleur de poste qu’à un travailleur de jour – le travail jusqu’à 20 h imposait un fardeau supplémentaire considérable au fonctionnaire s’estimant lésé, et les heures ne correspondaient pas aux heures de travail de jour figurant dans la politique publiée de l’employeur – le fonctionnaire s’estimant lésé avait un horaire par rotation ou irrégulier – il n’effectuait pas une journée de travail normale ou stéréotypée, puisqu’il n’était pas un travailleur de jour, il était un travailleur de poste – la préclusion promissoire ne s’appliquait pas puisque le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas démontré que l’employeur avait fait une promesse non équivoque – la doctrine dans Coallier s’appliquait afin de limiter la réparation aux 25 jours précédant la présentation du grief. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-06-29
  • Dossier:  566-02-3952
  • Référence:  2016 CRTEFP 58

Devant un arbitre de grief


ENTRE

GORDON DENBOER

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Denboer c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Michael F. McNamara, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Corinne Blanchette, - Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN
Pour le défendeur Pour le défendeur :
Zorica Guzina, avocate
Affaire entendue à Abbotsford, en Colombie-Britannique,
les 7 et 8 octobre 2014.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1         Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 396 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, un arbitre de grief saisi d’un grief avant le 1er novembre 2014 continue d’exercer les pouvoirs prévus par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) dans sa version antérieure à cette date.

2        Gordon Denboer, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a présenté un grief auprès du Service correctionnel du Canada (l’« employeur »), daté du 8 mars 2010, relativement au versement des primes de quarts prévues à l’article 25 de la convention collective qui, selon le fonctionnaire, ont été rejetées injustement. L’employeur lui avait refusé les primes de quarts au motif qu’il le considérait comme un travailleur de jour occupant ce qu’il appelait un poste de 250 jours, qui n’était pas financé aux fins de la prime de quarts. L’agent négociateur le représentant, le Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN (UCCO-SACC-CSN), a renvoyé le grief à l’arbitrage devant l’ancienne Commission le 30 juin 2010.

II. Résumé de la preuve

3        Le fonctionnaire a témoigné qu’il est un agent correctionnel (classé CX-02) à l’Établissement Mountain (l’« établissement », un établissement à sécurité moyenne, situé à Agassiz, en Colombie-Britannique, qui accueille environ 450 détenus dans un environnement d’unités résidentielles.

4        Le fonctionnaire, selon le moment de l’année, était affecté à une combinaison de fonctions. Aux environs du mois de mai jusqu’au début du mois d’octobre, il était affecté à un « programme de placements à l’extérieur », dans le cadre duquel il escortait une bande de détenus travailleurs dans une collectivité locale, où ils coupaient le gazon dans un cimetière local et effectuaient un nettoyage général autour des pierres tombales. Ce travail était accompli de deux à trois fois par semaine, de 6 h 30 et à 14 h 30, du lundi au vendredi, les samedis et les dimanches étant des jours de repos.

5         En 2008, le fonctionnaire avait également été affecté à un poste à l’Admission et libération (A et L). Durant la période au cours de laquelle le programme de placement à l’extérieur était opérationnel, le fonctionnaire travaillait à l’A et L de 8 h à 16 h ou de 8 h à 17 h, et durant la période au cours de laquelle le programme de placements à l’extérieur n’était pas opérationnel, il travaillait exclusivement à l’A et L de 12 h à 20 h, également du lundi au vendredi.

6        Le fonctionnaire a témoigné que le gestionnaire correctionnel des opérations (GCO), Mark Bussey, l’avait approché avec cette offre de fonctions, pour laquelle il reconnaissait l’implication de plusieurs heures de travail qui différaient des heures de travail habituelles des CX à l’établissement. Il a été reconnu que ce travail lui permettrait de gagner une rémunération supplémentaire puisqu’une partie des heures de travail signifiait qu’une prime de quarts était payable pour les heures travaillées chaque jour, après 15 h. Le GCO Bussey avait proposé au fonctionnaire de travailler de 13 h à 21 h. Le fonctionnaire avait fait une contre-proposition pour travailler de 12 h à 20 h, ce dont ils avaient convenu. Dans le cadre de ce travail, il accueillait les admissions tardives à l’établissement, en plus de retourner les personnes devant se présenter à la cour et les détenus temporaires.

7        Selon le fonctionnaire, le changement effectué aux heures qu’il avait proposées n’était lié à aucune mesure d’adaptation axée sur le travail dont il pourrait avoir besoin et il s’agissait simplement d’une entente à laquelle ils étaient parvenus.

8        Le fonctionnaire a formulé des commentaires à l’égard des différents postes à l’établissement. Les quarts de douze heures commencent à des heures échelonnées le matin et une fois de plus le soir. Ils sont prévus à l’horaire de sorte que les employés travaillent sept jours, suivi de quatre jours de repos, puis de sept jours de travail suivi de trois jours de repos (« 7/3 – 7/4 ») ou six jours de travail, puis de quatre jours de repos, suivi de six jours de travail, ensuite de cinq jours de repos (« 6/4 – 6/5 »). Il existe également un quart « 5/2 », qui correspond à une journée de huit heures, du lundi au vendredi (de 6 h 30 à 15 h 30), les samedis et les dimanches étant des jours de congé.

9        Le programme de placements à l’extérieur fonctionne de mai à octobre, deux ou trois jours par semaine, entre 8 h et 16 h, les détenus prenant un déjeuner à 7 h, partant pour leur affectation de groupe de travail et retournant à l’établissement à 14 h 30. Le travail n’est pas conçu pour entraîner des heures supplémentaires, même si l’heure de retour varie parfois.

10        Lorsqu’on lui avait demandé d’envisager le poste à l’Admission et libération (A et L), le fonctionnaire a témoigné que l’un des enjeux les plus importants pour lui était la prime pour une partie du quart. Cela aurait équivalu à environ 120 $ par mois et l’aurait aidé à assumer les coûts supplémentaires associés à la prise d’autres arrangements pour des obligations familiales.

11        Le fonctionnaire recevait initialement la prime de quarts pendant qu’il travaillait de 12 h à 20 h à l’A et L, mais l’employeur y avait mis fin sans avertissement. Lorsqu’il s’est aperçu qu’il ne la recevait plus, le fonctionnaire s’était adressé à Jody Martin, la gestionnaire correctionnelle, Horaires, selon laquelle il n’avait plus droit à la prime. Le fonctionnaire n’avait pas été informé à l’avance de la décision de cesser le paiement de la prime et on lui avait conseillé de présenter un grief en vue de la rétablir.

12        Selon le témoignage du fonctionnaire, on lui avait de nouveau versé une prime de quarts du début 2009 à novembre 2009, lorsqu’elle a cessé. Lorsqu’il avait commencé à la recevoir de nouveau quelques mois plus tard, cela avait semé la confusion chez lui, puis il l’avait signalé. On lui avait répondu de ne pas s’en inquiéter. Au début 2010, les paiements avaient cessé une fois de plus et le fonctionnaire a présenté le grief dont je suis actuellement saisi, demandant le rétablissement du versement des primes encore une fois, à compter de novembre 2009.

13         Conformément au Règlement et règles de procédure de l’ancienne Commission,l’employeur avait informé l’ancienne Commission en juillet 2010 qu’aucune réponse officielle à son grief n’avait été communiquée.

14        Malgré cela, un courriel daté du 15 janvier 2013, provenant de CaraLynn Morris, gestionnaire correctionnelle des opérations intérimaires, a été présenté en preuve à titre de pièce 6, lequel indiquait ce qui suit [traduction] « [v]euillez trouver ci-dessous un extrait du libellé de ma réponse initiale du 17 mars 2010 ». L’« extrait » indiquait ensuite ce qui suit :

[Traduction]

Conformément à la clause 25.01 de la convention collective, vous devez toucher une prime de quarts de 2 $ l’heure « pour toutes les heures de travail, y compris les heures supplémentaires, entre 15 h et 7 h ».

Vos quarts actuels sont habituellement de 12 h à 20 h.

La prime de quarts est conçue afin de rémunérer les agents qui travaillent en dehors de la journée de travail normale.

Par conséquent, votre grief est accueilli et votre paye sera redressée rétroactivement au moment où on a cessé vos primes de quarts.

La pièce 7 est un courriel provenant de Mme Morris au fonctionnaire, également daté du 15 janvier 2013, indiquant ce qui suit :

[Traduction]

Daté du mardi 15 janvier 2013

          Objet : Réponse au grief

          Le 29 avril 2010, j’ai reçu un courriel indiquant qu’un renvoi au deuxième et au troisième palier avait été reçu relativement à ce grief. Entre-temps, depuis le 17 mars 2010, lors de la première ébauche de ma réponse, j’avais acheminé mon ébauche à K. Wilson, à T. Nichol, à Sue Langer, aux fins de commentaires et d’approbation par l’AR. Je suis toujours en attente d’une réponse de leur part – On m’avait indiqué d’acheminer ma réponse aux fins de leur approbation avant de la présenter.

[La pièce jointe au courriel est rédigée en ces termes :]

[Traduction]

Rapport sur le grief au premier palier

DenBoer – Dossier no 41363(2010) Établissement Mountain

Détails du grief

Vous avez été affecté à l’A et L en tant qu’agent d’analyse d’urine et qu’A et L depuis octobre 2008. Aux environs de novembre 2008, vous avez commencé un horaire par roulement ou de façon irrégulière, au cours duquel vous êtes habituellement tenu, pendant les mois d’hiver, de travailler en dehors des heures d’une journée de travail habituelle, plus particulièrement de 12 h à 20 h, et un quart de jour pendant les mois de belle température pour les projets de placements à l’extérieur. Le 08-03-2010, vous avez constaté qu’on avait cessé de vous rémunérer au titre des primes de quarts, conformément à la convention collective.

Mesure corrective demandée

Voici la mesure corrective demandée :

Le remboursement des primes de quarts de façon rétroactive à compter de novembre 2009.

Position de la direction

Conformément à la clause 25.01 de la convention collective, les agents ont le droit de toucher une prime de quarts de 2 $ l’heure « pour toutes les heures de travail, y compris les heures supplémentaires, entre 15 h et 7 h ».

Analyse et recommandation

Vous avez précédemment reçu des primes de quarts pour vos quarts actuels, qui sont habituellement prévus de 12 h à 20 h. Vous variez effectivement vos heures à des heures pendant la journée afin de faciliter les placements à l’extérieur et d’autres affections au fur et à mesure qu’elles surviennent, de temps à autre.

La prime de quarts est conçue afin de rémunérer les agents qui travaillent en dehors des heures de travail de la journée de travail normale. Depuis novembre 2009, vous avez cessé de recevoir vos primes de quarts, ce qui va à l’encontre de la convention collective.

Par conséquent, votre grief est accueilli et votre paye sera redressée rétroactivement au moment où on a cessé vos primes de quarts.

[sic tout au long de l’extrait]

15        La pièce 10 prétend être une réponse au grief au premier palier datée du 9 mars 2010 et comprend une indication manuscrite selon laquelle une copie de la réponse a été communiquée au fonctionnaire le 29 juin 2010. Au début, la réponse au grief reflète le rapport sur le grief au premier palier, annexé à la pièce 7. Cependant, la conclusion est différente de celle établie à la pièce 7. Cette réponse au grief conclut que le fonctionnaire avait cessé de recevoir des primes de quarts depuis novembre 2009, car il avait cessé de travailler dans le cadre du programme de placements à l’extérieur et, par conséquent, il ne travaillait pas pendant des heures qui étaient par roulement ou irrégulières. La réponse indiquait qu’un retour à des heures de travail par quarts qui étaient par roulement ou irrégulières entraînerait un retour du versement de la prime de quarts.

16        Il convient de souligner à cette étape que l’article 25 de la convention collective est intitulé « Primes de quarts », mais qu’il est divisé en deux : la clause 25.01 établit les conditions pour le versement d’une prime de quarts, alors que la clause 25.02 établit les conditions pour le versement d’une prime de fin de semaine. Même si la présente affaire était axée sur la clause 25.01, étant donné que le fonctionnaire travaillait du lundi au vendredi, je conclus que l’employeur et le fonctionnaire, dans le cadre du grief et de la réponse au grief, ont utilisé le terme [traduction] « primes ». En conséquence, je conclus que le droit du fonctionnaire aux primes énumérées à l’article 25 de la convention collective est en litige, même si aucune preuve n’a été présentée relativement au travail de fin de semaine accompli par le fonctionnaire pendant la période en question. 

17        Le fonctionnaire a cessé de travailler de 12 h à 20 h à l’A et L à la fin de 2012.

18        Le témoin suivant, Shawn Rispin, un CX-1 à l’établissement depuis 2002, travaille avec le fonctionnaire à l’A et L depuis 2008. M. Rispin a corroboré qu’au cours de l’été, les heures de travail du fonctionnaire étaient de 8 h à 16 h ou 17 h; autrement, il travaillait de 12 h à 20 h. M. Rispin ne savait pas si le fonctionnaire avait demandé d’être accommodé dans un poste de 8 h à 16 h. Les heures de M. Rispin à l’A et L sont de 6 h 30 à 14 h 30 et elles ne changent pas.

19        Jason Denham occupe le poste d’agent principal de projet régional à titre de CX-4, à l’établissement de Kent, également situé à Agassiz. De 2007 jusqu’à 2012, à l’établissement, il était un gestionnaire correctionnel (GC), Horaires et déploiement. Les responsabilités du poste comprenaient la supervision d’une unité résidentielle et de ses employés.

20        Le fonctionnaire était un employé à un poste d’A et L et d’analyse d’urine. Il travaillait 250 jours par année (261-11 = 250), selon un quart du lundi au vendredi, ce qui était considéré comme étant un [traduction] « poste de 250 jours ». Le financement d’un poste de 250 jours ne comprend pas les primes de quarts. L’Administration centrale nationale de l’employeur a approuvé le quart. Aucun autre employé ne travaillait selon un quart de 12 h à 20 h à l’établissement.

21        À l’A et L, tous les quarts sont du lundi au vendredi et concernaient des postes de 250 jours, d’après le financement de l’Administration centrale nationale.

22        Le quart du fonctionnaire était de 12 h à 20 h.

23        À l’heure actuelle, M. Bussey occupe le poste de directeur par intérim de l’établissement et y avait occupé le poste de gestionnaire correctionnel de 2003 jusqu’à décembre 2009. Il était le superviseur responsable du travail accompli par le fonctionnaire à l’A et L ainsi que dans le cadre du poste au programme de placements à l’extérieur.

24        M. Bussey a témoigné qu’il avait pris connaissance d’une situation personnelle dans laquelle le fonctionnaire était impliqué. Il a ensuite discuté du poste au programme de placements à l’extérieur avec le fonctionnaire et a approuvé le quart de 12 h à 20 h.

25        Les souvenirs de M. Bussey à l’égard de sa conversation avec le fonctionnaire concernant son offre pour le poste d’A et L et le paiement d’une prime de quarts étaient vagues, mais il a affirmé qu’il croyait qu’une personne travaillant jusqu’à 20 h recevrait une prime de quarts et a dit la même chose au fonctionnaire.

26        Plus tard, la GC, Horaires, Trudy Nichol, a communiqué avec M. Bussey et l’a questionné à l’égard du statut du fonctionnaire. Plus particulièrement, on lui a demandé si le fonctionnaire était un travailleur de jour ou s’il travaillait par quart. Ensuite, M. Bussey a parlé avec un agent des relations de travail, qui a déterminé que le fonctionnaire était un travailleur de jour et que M. Bussey avait commis une erreur lorsqu’il avait assuré le fonctionnaire qu’il recevrait une prime de quarts.

27        Jody Martin est une GC depuis 2010 et une CX-4 depuis 2009. En 2009, la témoin était une GC des horaires et connaissait le fonctionnaire. La témoin a été informée que le fonctionnaire n’avait pas le droit de recevoir une prime de quarts et elle avait donc eu une conversation avec lui en février ou en mars 2009. La GC Martin avait indiqué au fonctionnaire qu’il occupait un poste de 250 jours, qui n’était pas financé aux fins d’une prime de quarts.

III. Dispositions pertinentes de la convention collective

28        La question consiste à déterminer si le fonctionnaire avait droit à une prime de quarts. Deux conditions devaient être satisfaites afin que cela soit vrai : il devait travailler par quarts et il devait travailler avant 8 h ou après 15 h.

29        La convention collective entre le Conseil du Trésor et le Syndicat des agents correctionnels du Canada dont la date d’expiration est le 31 mai 2010 (la « convention collective ») définit les « heures de travail » à la clause 21.02 et les « primes de quarts » à la clause 25.01 comme suit :

Heures de travail

Travail de jour

          21.01  Lorsque l’horaire de travail est établi de manière régulière, il doit être tel que les employé-e-s travaillent :

a) quarante (40) heures et cinq (5) jours par semaine et obtiennent deux (2) jours de repos consécutifs,

b) huit (8) heures par jour.

Travail par quart

21.02  Lorsque les heures de travail des employé-e-s sont établies suivant un horaire irrégulier ou par roulement :

a) elles doivent être établies de façon à ce que les employé-e-s :

i) travaillent une moyenne de quarante (40) heures par semaine,

et

ii) travaillent huit virgule cinq (8,5) heures par jour.

[…]

25.01 Primes de quart

L’employé-e qui travaille par quarts touche une prime de quart de deux dollars (2 $) l’heure pour toutes les heures de travail, y compris les heures supplémentaires, effectuées entre 15 h et 7 h . La prime de quart ne sera pas payée pour les heures de travail effectuées entre 7 h et 15 h .

30        L’employeur a souligné que la copie de la version anglaise de la convention collective présentée en preuve contenait une erreur à la clause 21.02, où le mot « regular » (régulier) apparaît plutôt que le bon mot, qui est « irregular » (irrégulier). Dans la version française, le mot utilisé est « irrégulier », qui se traduit au mot anglais « irregular ». La version en ligne de la convention collective a été modifiée pour qu’on y lise le mot « irregular » et les copies en format livret ont été modifiées également. Ce point a été signalé à l’audience et il était compris que les documents déposés en preuve à titre de pièces contenaient un libellé contradictoire.

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire

31        Selon l’agent négociateur, il y a deux questions : soit le fonctionnaire avait droit à une prime de quarts conformément aux modalités de sa convention collective ou, subsidiairement, la doctrine de la préclusion promissoire s’appliquait et lui conférait le droit à cette même prime.

32        Pour la durée de l’affectation du fonctionnaire relativement au travail à l’A et L de 12 h à 20 h, il satisfaisait au premier critère de la définition de quart. Il s’agissait d’un roulement, puisque ses heures de travail avaient changé de 8 h à 16 h à de 12 h à 20 h, à la fois de façon saisonnière et, pendant les mois d’été, au cours de la même semaine.

33        Le deuxième critère était également satisfait. L’employeur, comme il est le seul à pouvoir le faire, avait imposé le nouvel horaire. Il demandait au fonctionnaire de travailler en soirée; par conséquent, il avait le droit de toucher une prime de quarts pour les heures travaillées après 15 h.

34        De plus, l’agent négociateur a soutenu que la doctrine de la préclusion promissoire s’appliquait. L’employeur avait indiqué au fonctionnaire qu’il recevrait une prime de quarts, qu’il avait versée pendant un certain temps, avait cessé de verser, mais avait rétabli par la suite avant d’y mettre fin de façon permanente.

35        Le fonctionnaire avait agi sur la promesse qu’il toucherait une prime de quarts.

36        La représentante du fonctionnaire m’a renvoyé aux affaires suivantes : Barnes et Solowich c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), dossiers de la CRTFP 166-2-1828-9 (19750602), Samborsky c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-2-19803 à 19805 (19900827), Samborsky c. Smiley et al., dossier de la CRTFP 161-2-585 (19910328), Cooper c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 38, Kullar c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 3. L’agent négociateur m’a également renvoyé à la définition de « emploi de jour » contenue dans le Dictionnaire canadien des relations de travail de Gérard Dion, 2e édition, Les Presses de l’Université de Laval, 1986 ainsi qu’aux chapitres suivants de Brown et Beatty, Labour Arbitration : 2:3128, 4:2100, 4:2110, 4:2120,4:2130, 4:2200, 4:2210 et 4:2300.

B. Pour l’employeur

37        L’employeur a affirmé que le fonctionnaire avait le fardeau d’établir qu’il avait le droit de toucher la prime de quarts.

38        L’employeur m’a demandé de me pencher sur le libellé de la convention collective et de lui donner son interprétation normale.

39        L’employeur m’a renvoyé à plusieurs affaires et m’a encouragé à suivre le libellé de la convention collective et de trancher en sa faveur. Les affaires comprenaient Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55 au paragr. 27, qui stipule ce qui suit : « […] un avantage qui comporte un coût financier pour l’employeur doit avoir été clairement et expressément stipulé dans la convention collective […] ». Syndicat canadien des communications, de l’énergie et des travailleurs de papier c. Les Pâtes et Papier Irving Ltée, 2002 NBCA 30, indique ce qui suit au paragraphe 10 : « […] les arbitres partent généralement du principe que la clause en question doit être interprétée dans son sens normal ou ordinaire, sauf si cette interprétation est susceptible d’entraîner une absurdité ou une incompatibilité avec d’autres clauses de la convention collective […] ». Finalement, il a fait référence à Chafe et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112 au paragr. 51, qui stipule ce qui suit : « […] je suis obligé de déterminer l’intention réelle des parties lorsqu’elles ont conclu la convention collective. Pour ce faire, je dois prendre les mots utilisés par les parties dans leur sens ordinaire ».

40        Les clauses 21.01 et 21.02 de la convention collective traitent du travail de jour et du travail par quarts, et déterminent que seuls deux types de travail sont couverts par la convention collective. L’un d’eux correspond à cinq jours par semaine (travail de jour) et l’autre correspond à un travail par roulement (travail par quarts).

41        L’employeur m’a renvoyé à Gardiner c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 128 au paragr. 37, qui indique ce qui suit : « […] les termes "qui travaille par quarts" doivent être porteurs d’un certain sens » et Appleton et al. c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2006 CRTFP 83 au paragr. 20, stipule ce qui suit :

[…] je suis persuadé que l’accent ne devrait pas être mis sur le terme « poste », mais sur l’expression « travailler par postes » […] Certes, dans le contexte de la convention collective, tous les employés ne travaillent pas « par postes » – cela ferait en sorte que ceux qui travaillent pendant une demi-heure ou une heure avant 8 h recevraient une prime de poste. Dans une telle situation, la charge de travail supplémentaire ne suffirait pas à justifier une compensation sous forme de prime de poste.

42        L’horaire de travail du fonctionnaire ne satisfaisait pas aux exigences de la définition de « quart » et, par conséquent, il ne pouvait pas lui donner le droit de toucher une prime de quarts.

43        L’employeur a signalé que l’horaire approuvé concernait un poste de 250 jours et que son financement ne comprenait aucune prime de quarts, car il s’agissait d’un emploi de jour.

44        À l’égard de la préclusion, l’employeur a soutenu qu’elle peut s’appliquer uniquement aux parties à la convention collective et non pas entre les gestionnaires et les employés individuels.

45        L’employeur m’a également renvoyé à Johnston et al. c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2010 CRTFP 47, Procureur général du Canada c. Yves Lamothe et al., 2008 CF 411, Canada (Office national du film) c. Coallier, [1983] A.C.F. no 813 (QL), DHL Express (Canada) Ltd. v. CAW-Canada, Locals 4215, 144 et 4278, [2004] C.L.A.D. no 613 (QL), Katchin et Piotrowski c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2011 CRTFP 70, Palmer c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2005 CRTFP 34, Pronovost c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences Canada), 2007 CRTFP 93, Rook et autres c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2004 CRTFP 146, Singleton et Duplessis c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 97 et Stevens et al. c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 34.

46        L’employeur a également fait valoir que, dans l’éventualité où j’accueillerais le grief, la décision de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Office national du film) c. Coallier, [1983] A.C.F. no 813 s’appliquait afin de limiter la réparation du fonctionnaire.

C. Réponse du fonctionnaire

47        Le fonctionnaire a réitéré qu’un quart irrégulier avait été imposé par l’employeur et, par conséquent, il aurait dû toucher une prime de quarts.

48        Les employés peuvent travailler une journée de travail normale entre 8 h et 16 h. S’ils travaillent régulièrement en dehors de ces heures, la convention collective prévoit la rémunération. Ce raisonnement doit être appliqué en l’espèce.

49        La question d’un poste financé en tant que poste de 250 jours et dont le financement ne prévoit aucune prime de quarts correspond à un exercice de l’employeur et n’est pas régie par la convention collective.

50        À l’égard de la préclusion, le fonctionnaire a déclaré que le représentant de l’employeur, M. Bussey, avait approuvé le poste et qu’il jouissait du pouvoir requis.

51        Quant à la question de la réparation et des répercussions de la doctrine dans Coallier, le fonctionnaire m’a renvoyé à Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, Canada Law Book, quatrième édition, 2:3128 relativement aux délais et la décision de l’ancienne Commission dans Kullar c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 3.

V. Motifs

52        Lorsque les parties à une convention collective négocient ses modalités, elles tentent de définir certains avantages, droits et certaines conditions de travail et, ce faisant, tentent d’éviter les désaccords. Cependant, un accord n’est pas toujours possible et, dans le présent cas, les parties sont en désaccord quant à savoir si le travail accompli par le fonctionnaire pendant une période de temps déterminée à l’A et L devrait inclure ou non le paiement d’une prime de quarts.

53        Il est bien établi en droit, comme soutenu par l’employeur, et concrétisé dans Wamboldt, qu’un avantage impliquant un coût monétaire pour l’employeur doit être clairement et expressément accordé en vertu de la convention collective. La convention collective en cause comprend clairement le droit à une prime de quarts pour les travailleurs par quarts dont les heures de travail sont comprises entre 15 h et 7 h. Bien qu’il ne soit pas clair dans cette affaire particulière si le fonctionnaire est un travailleur par quarts ou non, le fait qu’il aurait le droit de toucher la prime de quarts dans l’éventualité où il était un travailleur par quarts n’est pas en cause. Comme l’a signalé l’employeur dans ses arguments, il n’y a que deux types de travail qui sont couverts par la convention collective, le travail de jour et le travail par quarts.

54        Le point de départ de ma décision doit par conséquent commencer par la convention collective et toutes les définitions de ces termes. La clause 21.02 ne définit pas ce qu’est un travailleur de jour, mais indique plutôt « lorsque l’horaire de travail est établi de manière régulière […] », l’employeur doit établir l’horaire de cet employé de façon à ce qu’il travaille 40 heures sur une semaine de travail de cinq jours et un jour ouvrable comprenant 8,5 heures. En dehors des totaux hebdomadaires et quotidiens relativement aux heures, il semble que le travailleur de jour est défini, à tout le moins aux fins de la clause 21.02, à titre d’employé dont les heures de travail présentent une certaine régularité.

55        La clause 21.02 est intitulée « Travail par quarts » et, de manière semblable à la clause 21.01, prévoit que « [l]orsque le quart d’un-e employé-e est établi suivant un horaire irrégulier ou par roulement », l’employeur doit établir l’horaire de travail de cet employé pour qu’il travaille une moyenne de 40 heures par semaine et de 8,5 heures par jour. Dans le cas d’un travailleur de jour, il semble que la convention collective distingue un travailleur par quarts par le fait qu’il ou elle travaille suivant un horaire irrégulier ou par roulement.

56        Bien que la jurisprudence soit claire à l’égard du fait qu’une disposition de la convention collective doit être interprétée dans son sens normal ou ordinaire, sauf si cette interprétation est susceptible d’entraîner une absurdité ou une incompatibilité, je conclus que, compte tenu du libellé de la convention collective et du manque de précision relativement au sens des mots « régulier », « irrégulier » et « roulement », ce n’est pas possible dans la présente affaire.  Je conclus qu’il y a une ambiguïté dans la convention collective quant à savoir s’il convient de qualifier le travail en cause de travail de jour ou de travail par quarts.

57        Si je devais accepter que la distinction entre un travailleur de jour et un travailleur par quarts soit fondée exclusivement sur la régularité de leurs heures de travail uniquement, selon la compréhension ordinaire, une telle distinction donnerait lieu à une absurdité. Par exemple, un employé travaillant du lundi au vendredi, mais ne travaillant que de 22 h à 6 h 30 suivant un horaire régulier, ne pourrait pas, au sens normal du mot, être désigné comme un travailleur de jour.

58        Les définitions de la convention collective présentées pour le travail de jour et le travail par quarts peuvent chacune s’appliquer dans une certaine mesure à l’affaire du fonctionnaire : le travail à l’A et L a lieu selon la semaine de travail régulière de cinq jours, pendant huit heures par jour (clause 21.01), mais on peut également dire que l’horaire de travail est irrégulier dans le sens où il change au quotidien durant les mois d’été et de façon saisonnière également afin de répondre aux besoins de l’employeur (clause 21.02). En outre, les heures travaillées ne correspondent pas à celles habituellement liées au travail de jour, compte tenu des heures de début et de fin du travail du fonctionnaire à l’A et L. Même si l’article 21 n’établit pas une période d’heures liée au travail de jour (c’est-à-dire entre 7 h et 18 h) conformément à la politique du Conseil du Trésor intitulée « Suppléments s’ajoutant à la rémunération de base », les heures du travail à l’A et L ne correspondent pas aux heures normalement travaillées par les employés travaillant selon ce que l’on pourrait appeler une semaine de travail type, c’est-à-dire, la semaine habituelle de 9 h à 5 h. Il semble que même l’employeur était confus quant à la façon de définir le fonctionnaire et qu’à la suite d’une lecture ordinaire de la convention collective, le fonctionnaire soit coincé dans l’entre deux.  Je conclus par conséquent que je dois chercher ailleurs que dans la convention collective afin d’aider à qualifier le fonctionnaire de travailleur de jour ou de travailleur part quarts.

59        La pièce 4 est une politique du Conseil du Trésor intitulée « Suppléments s’ajoutant à la rémunération de base », qui indique que sa dernière modification remonte à novembre 1993.  Elle a pour objet déclaré de fournir des renseignements plus détaillés à l’égard de certaines des indemnités et autres facteurs qui donnent lieu à des suppléments s’ajoutant à la rémunération de base.  La partie 4 du document est intitulée « Codes d’entrée de la rémunération des services supplémentaires » et la partie 4.2 présente plusieurs définitions, l’une d’elles étant la définition de « Prime de changement d’horaire ou de poste ». La définition de « Prime de changement d’horaire ou de poste » indique qu’il s’agit d’une rémunération payable à « tout employé qui travaille pendant la journée (du lundi au vendredi inclusivement et entre 7 h et 18 h) » lorsqu’un changement à leur durée d’emploi prévue à l’horaire est apporté sans avoir donné un préavis suffisant. La définition précise ensuite que la rémunération payable « concerne la première journée ou les postes travaillés selon le nouvel horaire », indiquant clairement que cette définition s’applique à la fois aux travailleurs par quarts et aux travailleurs de jour.  Cette politique reconnaît implicitement que les travailleurs par quarts peuvent accomplir et accomplissent effectivement des quarts de travail qui coïncident sensiblement aux heures travaillées par les travailleurs de jour. Ce qui est remarquable concernant cette définition est l’indication selon laquelle le travail de jour est effectué du lundi au vendredi entre 7 h et 18 h.  

60        La pièce 5 contient un document intitulé [traduction] « Prime de poste – Avis d’information » publié par le Secrétariat du Conseil du Trésor en novembre 2002. Le but de cet avis consiste à [traduction] « présenter des détails à l’égard de l’admissibilité à la prime de quarts conformément aux quatre (4) conventions collectives entre l’Alliance de la Fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor signées le 19 novembre 2001 ». Il convient de souligner que l’AFPC, à l’époque où la pièce 5 a été publiée, avait perdu son accréditation de l’unité de négociation CX, ce qui signifie que cet avis ne renvoie pas directement à la convention collective CX. Cela étant dit, l’avis indique que l’article sur la prime de quarts (qui s’appliquait aux heures travaillées entre 16 h et 8 h dans les conventions collectives qui sont assujetties à l’avis) [traduction] « s’applique à tous les employés qui ne travaillent pas de jour, que l’horaire du quarts soit régulier, par roulement ou variable. C’est la période de travail comprenant les heures de travail normalement prévues à l’horaire qui détermine si une prime de quarts est payable ou non ». L’avis continue en indiquant qu’un employé qui est couvert par la convention collective PA, travaillant du lundi au vendredi de 15 h à 23 h, toucherait la prime pour les heures travaillées entre 16 h et 23 h.

61        Même si les pièces 4 et 5 ne sont pas déterminantes pour trancher la question dont je suis saisi, elles appuient néanmoins la position de l’agent négociateur dans la présente affaire, car elles indiquent que, pour l’employeur, un travailleur de jour est généralement défini de la façon normalement comprise; c’est-à-dire, l’horaire typique du lundi au vendredi durant lequel le travail est accompli pendant les heures normales de la journée. En passant en revue la jurisprudence présentée par les parties, j’ai trouvé un appui supplémentaire à cette position.

62        Dans Appleton, un groupe d’employés ont demandé le droit de toucher une prime de quarts pour les heures qu’ils ont travaillé entre 16 h et 8 h. Même si la convention collective dont je suis saisi prévoit le versement de la prime pour toutes les heures travaillées entre 15 h et 7 h, la convention collective en question dans Appleton prévoyait le versement de la prime pour toutes les heures travaillées entre 16 h et 8 h.

63        L’employeur leur avait refusé la prime au motif qu’elle s’appliquait uniquement aux travailleurs par quarts et que les fonctionnaires s’estimant lésés étaient des travailleurs de jour, car ils avaient des « heures normales de travail ». Les fonctionnaires n’avaient pas contesté leur statut de travailleurs de jour, mais avaient soutenu que rien dans la convention collective n’excluait les travailleurs de jour de l’admissibilité à la prime.  En ce sens, cette décision ne s’applique pas à l’affaire dont je suis saisi.

64        Cependant, d’autres parties de la décision sont d’intérêts dans la présente affaire. Dans un premier temps, comme l’avait soutenu l’employeur au paragraphe 11, Appleton affirme que les primes de quarts sont conçues pour donner une compensation aux employés qui travaillent pendant des heures autres que des heures normales ou régulières de travail ou, en d’autres termes, en dehors des « journées normales ». Dans son argumentation, l’employeur a cité Appleton ainsi que sa référence selon laquelle la prime de quarts est payable à titre de compensation pour la « charge de travail supplémentaire » qu’une telle situation engendre dans la vie d’un employé. Je ne peux qu’être d’accord. Je conclus également que dans l’affaire dont je suis saisi, le travail du fonctionnaire ressemble beaucoup plus à celui d’un travailleur par quarts qu’à celui d’un travailleur de jour.  Dans le cours normal, les travailleurs de jour ne travaillent pas régulièrement en soirée et ils ne commencent pas non plus leurs journées à une heure qui, pour le travailleur de jour stéréotypé, serait considérée comme la moitié de la journée, puisque la plupart des travailleurs de jour considèrent que midi correspond à l’heure du dîner.

65        Cette approche à l’égard du travail par quarts est également partagée par la Commission dans Barnes et Solowich, une décision m’ayant été citée par le fonctionnaire. Dans Barnes et Solowich, la Commission a tranché qu’une prime de quarts est conçue afin de donner une compensation à un employé pour avoir travaillé pendant une période de temps qui est considérée comme étant anormale et dérangeante. Je conclus que le fait de travailler jusqu’à 20 h impose « une charge de travail supplémentaire » à un employé et peut être considéré comme étant anormal et dérangeant. Un tel employé ne serait pas en mesure d’aller au cinéma, de souper avec des amis, d’assister à un événement sportif ou à un concert de musique, de suivre un cours du soir ou tout simplement de manger avec sa famille et de passer la soirée avec ses êtres chers.

66        Dans un deuxième temps, comme dans la convention collective dont je suis saisi, la convention collective en question dans Appleton ne contenait aucune définition de « travail de jour ». Cependant, l’employeur a soutenu que cela n’entravait pas sa position et il a présenté un bulletin d’interprétation sur l’interprétation à l’égard du droit à la prime de quarts ainsi qu’une politique de l’employeur concernant les heures de travail flexibles qui, comme dans la pièce 4 de la présente affaire, définissait les heures de travail de jour comme étant entre 7 h et 18 h. Les heures travaillées par le fonctionnaire à l’A et L sont, conformément à la politique publiée par l’employeur lui-même, en dehors des heures de ce que l’employeur considère être un travail de jour.

67        Troisièmement, l’arbitre de grief dans Appleton a fait référence à la décision antérieure de la Commission dans Samborsky, décision que le fonctionnaire a également citée. Dans Samborsky, le fonctionnaire, un CX-03 avait présenté des griefs alléguant un manquement à l’article relatif aux primes de quarts. Il travaillait au Centre psychiatrique régional (Pacifique) et ses heures de travail étaient du lundi au vendredi, de 13 h à 21 h. À l’époque, l’article portant sur les primes de quarts exigeait qu’un employé travaille plus de la moitié de ses heures entre 16 h et 8 h, mais cette différence n’a aucune incidence sur la présente décision.

68        Le fonctionnaire a soutenu que ses heures de travail étaient inhabituelles et qu’elles ne pouvaient pas être considérées comme étant un travail de jour, car les journées ne pouvaient pas s’étendre jusqu‘aux heures figurant en soirée. Même si je conclus que les motifs de décision dans Samborsky semblent un peu confus, je souligne effectivement que l’arbitre de grief avait conclu que le fonctionnaire travaillait par quarts et qu’il avait droit à la prime de quarts pour toutes les heures travaillées après 16 h.

69        La décision de l’ancienne Commission dans Chafe offre un appui supplémentaire et plus récent à la position du fonctionnaire.  Dans cette affaire, cinq fonctionnaires qui travaillaient une journée régulière de 7,5 heures à compter du matin et se terminant dans l’après-midi, du lundi au vendredi, avaient demandé le droit à la prime de quarts ainsi qu’à la prime de fin de semaine qui étaient contenues dans leur convention collective. Avant l’audience, l’employeur avait concédé le grief de l’un des employés, mais avait continué de contester les quatre autres griefs. L’employeur avait refusé les primes au motif qu’un employé dont les heures régulières se situaient entre 6 h et 18 h était un travailleur de jour et non pas un travailleur par quarts.  Au paragraphe 47 de cette décision, l’avocate de l’employeur avait fait valoir que les quatre fonctionnaires avaient une « semaine de travail normale » qui avait été prévue à l’intérieur de la période établie dans la convention collective et qu’ils étaient donc des travailleurs de jour en vertu de la clause 25.04.

70        Contrairement à la clause dont je suis saisi, le paragraphe relatif au travail de jour dans Chafe établit une fenêtre de 6 h à 18 h pour les travailleurs de jour.  Même si la convention collective en cause dans la présente affaire ne contient pas une telle fenêtre, je conclus que, compte tenu de la preuve documentaire présentée et de la jurisprudence, une telle fenêtre définie n’est pas nécessaire dans la présente affaire. Dans la présente affaire, mon interprétation de la preuve conjointement avec la jurisprudence dans l’affaire me porte à la conclusion inévitable que le fonctionnaire est effectivement un travailleur par quarts. 

71        Je conclus que, même si la décision dans Gardiner semble appuyer le point de vue de l’employeur, les faits de cette affaire la rendent très différente de celle dont je suis saisi et par conséquent, elle est peu utile. Dans cette affaire, l’arbitre de grief était arrivé à la conclusion qu’un CX qui travaillait selon une semaine de travail « typique » du lundi au vendredi, entre 7 h et 15 h ou 8 h et de 16 h était un travailleur de jour. Dans Gardiner, le fonctionnaire répondait carrément aux paramètres d’un travailleur de jour, alors que ce n’est pas le cas dans la présente affaire. Dans la présente affaire, je dois composer avec un fonctionnaire dont les heures de travail ne s’inscrivent pas facilement dans l’une ou l’autre de ces catégories.

72        Je conclus également que la décision dans Palmer est peu utile, car, dans cette affaire, l’arbitre de grief devait déterminer si un employé qui était, de sa propre admission, un travailleur de jour devenait un travailleur par quarts lorsqu’il était affecté à un quart de 12 heures pendant la fin de semaine.  Je souligne toutefois qu’au paragraphe 19 de la décision, l’employeur a soutenu qu’une prime de quarts est une « récompense pour les employés qui, de manière régulière, ont des heures irrégulières ». Il s’agit du motif à partir duquel j’ai déterminé que le fonctionnaire travaillait effectivement, d’après les faits particuliers dont je suis saisi, des heures irrégulières et, par conséquent, avait droit au paiement de la prime.

73        Les dispositions de la convention collective indiquent qu’un travailleur par quarts est un employé qui travaille selon un horaire irrégulier ou par roulement. Le fonctionnaire travaille selon un horaire par roulement pendant les mois d’été et l’employeur semble l’avoir admis à la pièce 10. Pendant le reste de l’année, je conclus que le fonctionnaire travaille selon des heures irrégulières, dans le sens où il ne travaille pas selon une journée « normale » ou stéréotypée qui le qualifierait comme travailleur de jour. Étant donné qu’il n’est pas un travailleur de jour, il doit donc être un travailleur par quarts. Cette conclusion coïncide avec la preuve du fonctionnaire selon laquelle l’établissement comporte un quart 5/2 qui concerne une journée de huit heures, du lundi au vendredi, avec des heures entre 6 h 30 et 15 h 30. Même si les heures du fonctionnaire sont en dehors des heures du quart 5/2 typique, il convient de souligner que l’employeur accepte que le fait de travailler du lundi au vendredi puisse impliquer un travail par quarts. Cela signifie également que, malgré le libellé de la clause 21.02 indiquant que l’horaire de travail des travailleurs par quarts doit être établi selon une journée de travail de 8,5 heures, ils ont également un total hebdomadaire de 40 heures de travail.  Si l’employeur avait établi un quart 5/2, cela signifie que l’employeur accepte également que les travailleurs par quarts puissent accomplir une journée de travail de huit heures.

74        Compte tenu de mon interprétation de la convention collective, je n’ai pas à trancher la question au motif de la préclusion. Cependant, j’ai conclu de toute façon que la préclusion promissoire ne s’appliquait pas dans la présente affaire, car le fonctionnaire n’a pas réussi à prouver selon la prépondérance des probabilités qu’une promesse sans équivoque avait été faite par l’employeur (Lamothe). La preuve dans la présente affaire ne répondait pas au type de promesse sans équivoque requis pour justifier une demande selon la doctrine de la préclusion promissoire et démontrait effectivement que l’employeur avait parlé de façon erronée plutôt que de formuler une promesse.

75        Finalement, je me penche sur la question de la réparation. Je conclus que la seule décision citée par le fonctionnaire n’est pas applicable dans la présente affaire. Dans Kullar, l’arbitre de grief n’a pas appliqué la doctrine dans cette affaire dans un premier temps parce que l’employeur avait soulevé la question pour la première fois à l’arbitrage et parce que les discussions continues entre l’agent négociateur et l’employeur constituaient un type de renonciation. On ne m’a présenté aucune preuve qui rendrait la doctrine dans Coallier inapplicable dans cette affaire et je conclus qu’elle limite la réparation rétroactive du fonctionnaire aux 25 jours précédant la présentation du grief.

76        Pour tous ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

77        Le grief est accueilli.

78        J’ordonne à l’employeur de verser les primes de quarts pour les heures travaillées pendant la période en question, à compter de 25 jours avant la présentation du grief.

Le 29 juin 2016

Traduction de la CRTEFP

Michael F. McNamara,
une formation de la Commission des relations de travail
et de l’emploi dans la fonction publique
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