Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a pris sa retraite pour cause de maladie – il a renvoyé son grief en arbitrage en vertu des alinéas 209(1)b) et d) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique – le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que l’employeur l’avait congédié de façon déguisée au motif qu’il était obligé, en vertu de la Loi, de soit lui permettre de travailler pour qu’il puisse recevoir une rémunération ou de s’assurer que ses prestations d’ILD se poursuivent – selon l’affirmation du fonctionnaire s’estimant lésé, les mesures prises par l’employeur étaient discriminatoires à son égard puisqu’elles étaient fondées sur son invalidité – au moment du grief et du renvoi à l’arbitrage, le fonctionnaire s’estimant lésé ne disposait pas de l’alinéa 209(1)d) pour justifier le renvoi à l’arbitrage; par conséquent, la formation de la Commission a déterminé que, pour qu’elle puisse avoir compétence pour traiter la question, le fonctionnaire s’estimant lésé devait démontrer que les mesures prises par l’employeur étaient de nature disciplinaire et qu’elles avaient entraîné le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire en vertu de l’alinéa 209(1)b) – la formation de la Commission a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas démontré que les mesures prises par l’employeur étaient de nature disciplinaire – même si les mesures avaient été caractérisées comme étant disciplinaires, il n’y avait aucun résultat de licenciement, de rétrogradation, de suspension ou de sanction pécuniaire – le fonctionnaire s’estimant lésé a volontairement pris sa retraite pour cause de maladie – la formation a également soutenu que la Commission n’avait pas appliqué le concept de la doctrine du congédiement déguisé, et que, de toute façon, le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas réussi à démontrer que l’employeur avait modifié unilatéralement ses fonctions et ses responsabilités pour que cela puisse être considéré comme une violation fondamentale de son contrat d’emploi – la formation a également conclu que les éléments de preuve présentés par le fonctionnaire s’estimant lésé n’ont pas réussi à prouver que l’employeur avait utilisé un subterfuge ou un camouflage équivalant à une mesure disciplinaire – au contraire, les preuves ont démontré que si le fonctionnaire s’estimant lésé avait été en mesure de retourner au travail et s’il avait exprimé un tel intérêt, l’employeur aurait pris tous les moyens à sa disposition pour tenir compte de ses besoins – la formation de la Commission a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour disposer du grief en vertu de l’alinéa 209(1)b). Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et
Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-05-06
  • Dossier:  566-34-10023
  • Référence:  2016 CRTEFP 41

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

Norman Wercberger

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Wercberger c. Agence du revenu du Canada


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même
Pour l'employeur:
Richard Fader, avocat
Affaire entendue à Toronto (Ontario)
du 21 au 23 mars 2016.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1        Norman Wercberger, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a soutenu que son employeur, l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur » ou l’ARC), avait omis de prendre des mesures d’adaptation à son égard jusqu’au point de subir une contrainte excessive en raison de son implication avec sa société d’assurance-invalidité de longue durée, la Sun Life du Canada,compagnie d’assurance-vie (la Sun Life).Il a aussi soutenu que l’employeur l’a congédié de façon déguisée lorsqu’il l’a contraint à prendre sa retraite pour raisons médicales.Il cherchait à obtenir un paiementtenant lieu de préavis et des dommages-intérêts, conformément à la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. 1985, ch. H­6; la LCDP) au motif que les mesures prises par l’employeur à son égarden raison de son invalidité étaient imprudentes et délibérées.

2        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

II. Résumé de la preuve

3        Le fonctionnaire s’estimant lésé était employé de l’ARC depuis 1988 et, plus récemment, à titre de vérificateur (classifié au niveau AU-02). Son travail lui exigeait un temps considérable en ce qui concerne travailler à un bureau, taper au clavier et utiliser une souris et un ordinateur portatif. En 2012, il a développé le syndrome du canal carpien ainsi que d’autres douleurs situées dans le haut du corps. Il a présenté une demande d’indemnités pour accidents du travail et cette dernière a été acceptée. Il n’était pas au travail et recevait des indemnités pour accidents du travail et des indemnités de la Sun Life de juillet 2012 jusqu’au 20 novembre 2013.

4        En novembre 2013, le spécialiste de la main de la commission des accidents du travail embauché pour traiter le fonctionnaire, le Dr Zvi Margaliot, a indiqué que le fonctionnaire était apte à retourner au travail, à condition qu’il ne fasse pas de travail à l’ordinateur ou de travail de bureau de façon permanente et que des modifications ergonomiques soient apportées à son poste de travail. En dépit de cette indication, le fonctionnaire n’est pas retourné au travail. Il a plutôt demandé à obtenir des prestations de la Sun Life, qu’il a reçues.

5        Le fonctionnaire a assisté à une réunion de retour au travail avec l’employeur et son gestionnaire de cas de la Sun Life, en octobre 2013, au cours de laquelle des options de retour au travail avec restrictions ont été abordées. À ce moment, il avait vu le Dr Margaliot à deux reprises : en décembre 2012 et en février 2013. Il l’a vu de nouveau en novembre 2013.

6        Malgré tous ces éléments, le fonctionnaire ne pouvait pas retourner au travail, selon son omnipraticien, le Dr Jeffrey Bernholtz. Le fonctionnaire a continué de recevoir des prestations pour invalidité de longue durée jusqu’à ce qu’on l’informe, en février 2014, que la Sun Life avait déterminé qu’il était apte à tenter un retour au travail progressif, selon le rapport du Dr Margaliot du 19 décembre 2012. Selon le fonctionnaire, le plan de retour au travail conçu par la Sun Life allait à l’encontre du plus récent rapport du Dr Margaliot (estampillé de la date de réception du 14 décembre 2013 : pièce 2, onglet 7). Le fonctionnaire ne souhaitait pas participer à un retour au travail qui ignorait ses contraintes. L’ARC n’irait pas de l’avant avec un retour au travail à moins que et jusqu’au moment où elle a obtenu une confirmation des contraintes du fonctionnaire et une certification selon laquelle il était apte à retourner au travail.

7        Le fonctionnaire a ensuite attendu que l’ARC lui trouve un poste qui répondait à ses contraintes, à l’Agence ou ailleurs dans la fonction publique. Aucun poste n’avait été trouvé et la Sun Life l’a informé qu’il cesserait de recevoir des prestations le 31 mai 2014. Il a communiqué avec son chef d’équipe, Jackson Tom, afin de déterminer ses options pour obtenir un revenu continu. Le fonctionnaire a demandé à ce que ces options soient mises par écrit, ce que M. Tom a fait par l’entremise d’ une lettre envoyée au fonctionnaire le 14 février 2014 (pièce 1, onglet 3).

8        Entre-temps, le fonctionnaire a déposé un grief à l’égard de l’employeur en vertu des articles 24 et 42 de la convention collective entre l’Agence du revenu du Canada et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») pour le groupe Vérification, finances et sciences (tous les employés), dont la date d’échéance était le 21 décembre 2014 (la « convention collective »). Le fonctionnaire a également déposé une plainte relative aux droits de la personne auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP).

9        Les parties ont pris part à une médiation, le 20 mars 2014, au cours de laquelle le fonctionnaire était représenté par un agent des relations avec les employés de l’agent négociateur, qui était également un avocat. Après discussions, le fonctionnaire a indiqué aux personnes présentes qu’il entendait présenter une demande de retraite pour raisons médicales.

10        Par conséquent, les parties ont conclu une entente de règlement, dans laquelle l’ARC a accordé au fonctionnaire des crédits de congé de maladie suffisants pour couvrir la transition entre l’arrivée à échéance de ses prestations d’invalidité de longue durée et le moment où une décision serait rendue relativement à sa demande de retraite pour raisons médicales (pièce 1, onglet 5). Immédiatement après la conclusion de cette entente, l’agent négociateur a retiré le grief et la plainte relative aux droits de la personne a également été retirée.

11        Malgré le fait qu’il soit arrivé seul à une entente avec l’ARC et sans le soutien de son agent négociateur, le fonctionnaire a déposé le grief faisant l’objet du présent arbitrage. Il a soutenu que l’entente ne le libérait pas de ses droits continus de faire l’objet de mesures d’adaptation, ce qui était l’objet du grief, en dépit du fait qu’il faisait clairement référence à des dates et des événements se trouvant dans la portée du grief précédent. Le défaut de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation à son égard a donné lieu à un congédiement déguisé, pour lequel il était en droit d’être indemnisé, en vertu de la formulation du Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L-2). La renonciation qu’il a signée dans le cadre de l’entente conclue le 20 mars 2014 renvoyait précisément au grief déposé avec le soutien de l’agent négociateur.

12        Entre-temps, il a également présenté une demande de retraite pour raisons médicales qu’il s’est vu accordée le 22 avril 2014, au motif qu’il avait été incapable, à titre définitif, de poursuivre de façon régulière une occupation substantiellement rémunérée depuis le 18 juillet 2012. Le fonctionnaire et l’ARC ont ensuite eu une série d’échanges, dans lesquels le fonctionnaire a indiqué la manière dont il souhaitait utiliser ses congés de maladie accordés conformément à l’entente de règlement et ses autres congés accumulés. À la lumière de ces calculs, il a déterminé que sa retraite serait en vigueur le 18 septembre 2014. L’ARC et lui ont rempli tous les documents requis et le fonctionnaire a effectivement pris sa retraite pour des raisons médicales ce jour-là.

13        Deborah Danis, la directrice du Bureau des services fiscaux de Toronto-Nord-Barrie, l’endroit où le fonctionnaire avait été employé, a affirmé que dès le début des séances de médiation, elle avait clairement indiqué à l’employeur qu’un retour au travail était une possibilité et qu’il aurait lieu dans le poste occupé par le fonctionnaire, si possible, avec des modifications ergonomiques, ou dans un poste de niveau équivalent, qui répondait à ses restrictions et, si cela n’était pas possible, à un poste d’un niveau inférieur. Toutes les options indiquées dans la lettre rédigée par M. Tom le 14 février 2014 s’offraient toujours au fonctionnaire. S’il choisissait de retourner au travail, l’ARC devait obtenir une confirmation de son médecin selon laquelle il était apte à retourner au travail, qui précisait ses restrictions et les façons d’en tenir compte.

14        Le fonctionnaire a mis une pause aux séances et, après avoir consulté son représentant de l’agent négociateur, il a informé l’employeur qu’il entendait se prévaloir de l’option de demander une retraite pour raisons médicales. L’entente de règlement a ensuite été rédigée avec ces éléments en tête. Si sa demande de retraite pour raisons médicales n’avait pas été approuvée, le fonctionnaire aurait tout de même pu se prévaloir des autres options. La porte lui était toujours ouverte pour son retour au travail et pour que des mesures d’adaptation soient prises, jusqu’à ce que Santé Canada recommande son approbation aux fins de retraite pour raisons médicales.

15        En dépit de l’entente de règlement, le fonctionnaire a envoyé un courriel à M. Tom, le 24 mars 2014, en indiquant qu’il était contraint de choisir la retraite pour raisons médicales. Ce fait a surpris Mme Danis, puisque dans le cadre de la médiation, le fonctionnaire avait dit à l’employeur qu’il entendait présenter une demande de retraite pour raisons médicales et que l’entente de règlement avait été négociée selon ce fondement. L’employeur n’avait pas présenté cette option aux fins de discussion. À la lumière de ses gestes, il est évident que le fonctionnaire entendait présenter une demande de retraite pour raisons médicales.

16        Selon Mme Danis, l’ARC n’a joué aucun rôle dans la demande d’indemnités de la Sun Life émise par le fonctionnaire ou dans l’approbation ou la poursuite de sa demande par la Sun Life. L’ARC soutiendra un employé et remplira les formulaires de demande le cas échéant. L’ARC n’a aucune influence sur les décisions rendues par Santé Canada ou sur les droits aux prestations versées par la Sun Life et ne joue aucun rôle à cet égard. La Sun Life possède un processus d’appel distinct, offert à tout employé insatisfait de ses décisions, tout comme le font les organismes d’indemnités pour accidents du travail.

17        M. Tom était le chef d’équipe du fonctionnaire pendant la période en question. Il a déclaré qu’en janvier 2014, le fonctionnaire a communiqué avec lui afin de discuter de ses options et qu’en dépit de l’opinion de la Sun Life, il n’était pas apte à retourner au travail, selon le Dr Bernholtz. Au cours d’une conversation téléphonique, ils ont discuté des options offertes, qui plus tard ont été confirmées par écrit par M. Tom, le 14 février 2014 (consulter la lettre à la pièce 1 de l’onglet 3) à la demande du fonctionnaire. Le fonctionnaire a dit à M. Tom qu’il avait communiqué avec la Sun Life, qu’un retour au travail était imminent, et que l’ARC devrait être prête.

18        Afin de se préparer à un retour au travail plus tôt que prévu, l’ARC avait planifié une évaluation ergonomique pour le fonctionnaire, à laquelle il n’avait pu se présenter. À un moment donné durant son absence causée par son invalidité, le fonctionnaire s’était vu offrir un poste de niveau AU-02 dans la direction générale de l’application de la Loi, qui répondrait mieux à ses restrictions que son poste de vérificateur de l’impôt sur le revenu. Le fonctionnaire n’a jamais répondu à cette offre.

19        Après avoir reçu des indemnités pour accidents du travail, le fonctionnaire n’est jamais retourné dans le milieu de travail. Lorsqu’il a été jugé apte à retourner au travail par l’organisme des indemnisés pour accidents du travail, ses médecins n’étaient pas d’accord et le fonctionnaire a fait une demande de prestation d’invalidité de longue durée auprès de la Sun Life, qui a été acceptée et s’est poursuivie jusqu’en juin 2014. L’ARC n’a pas été impliquée dans la décision de la Sun Life de mettre fin aux prestations du fonctionnaire, mais, confrontée à son retour imminent en décembre 2013, elle a demandé à ce qu’un médecin choisi par le fonctionnaire mène une évaluation de son aptitude physique au travail. Le Dr Bernholtz a effectué cette évaluation en son nom et a indiqué que le fonctionnaire n’était pas apte à s’acquitter de ses fonctions de travail. Il a également indiqué qu’un retour au travail ne serait pas pertinent, puisque le fonctionnaire ne pouvait exercer à un travail qui serait réellement rémunérateur, étant donné ses restrictions (voir le formulaire rempli à la pièce 4). Par conséquent, aucun programme de retour au travail n’a été conçu pour le fonctionnaire, même si la Sun Life avait élaboré un plan de retour au travail (pièce 1, onglet 4).

20        Selon M. Tom, le fonctionnaire avait toujours eu l’option de présenter des renseignements médicaux mis à jour indiquant qu’il était apte à retourner au travail, mais ne l’a pas fait. Il a plutôt choisi l’option de la retraite pour raisons médicales au lieu d’un programme de retour au travail.

21        Le fonctionnaire a soutenu qu’il était prêt à retourner au travail en tout temps, mais qu’il attendait que l’ARC lui trouve un emploi. Jusqu’à ce que cela soit le cas, l’ARC était obligée de veiller à ce qu’il reçoive une rémunération appropriée. Elle ne l’a pas fait et, sans les indemnités de la Sun Life, il n’avait d’autre choix que de présenter une demande de retraite pour raisons médicales afin de se garantir un revenu. Le défaut de l’employeur de s’acquitter de ses obligations constituait un congédiement déguisé, en vertu du Code canadien du travail.

22        Le fonctionnaire a également soutenu qu’il avait entièrement pris part au processus de mesures d’adaptation et a fait référence à une réunion de retour au travail en octobre 2013, où il avait été question de son retour au travail. Toutefois, il a reconnu qu’il n’avait, à aucun moment, fourni à l’employeur un avis selon lequel il entendait retourner au travail. De plus, il n’a, à aucun moment, fourni à l’ARC une confirmation médicale selon laquelle il était apte à retourner au travail. Le fonctionnaire a spéculé que l’organisme des indemnités pour accidents du travail aurait pu l’avoir fait, à la suite du plus récent rapport du Dr Margaliot.

23        Le fonctionnaire a déclaré que la Sun Life avait dit qu’il était apte à retourner au travail et que l’ARC avait refusé son retour. L’ARC n’a rien fait pour lui trouver un revenu adéquat et la seule façon dont il pouvait s’assurer d’avoir un revenu lorsque ses indemnités de la Sun Life cesseraient d’être versées était de prendre sa retraite. Le fonctionnaire n’allait pas prendre part au retour au travail conçu par la Sun Life; il n’allait pas se blesser de nouveau ou mettre sa santé en jeu. Il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour avoir des mesures d’adaptation; il a assisté à une réunion de retour au travail et il s’attendait à ce que l’ARC lui trouve ensuite un emploi. Lorsqu’elle ne l’a pas fait, il ne pouvait rien faire; il ne pouvait l’obliger à lui trouver du travail. Le fonctionnaire reconnait qu’il n’avait pris aucune mesure pour communiquer avec l’ARC au sujet des options de retour au travail.

24        Même pendant la médiation, lorsqu’il a indiqué à l’employeur qu’il entendait présenter une demande de retraite pour raisons médicales, le fonctionnaire espérait tout de même retourner au travail. Selon le fonctionnaire, même après la médiation, tandis qu’il poursuivait ses démarches pour obtenir une retraite pour raisons médicales, il espérait retourner au travail malgré le fait qu’il a reconnu n’avoir pris aucune mesure pour le communiquer à l’employeur. Personne n’écoutait ses médecins ou ses physiothérapeutes; le fonctionnaire a alors cessé de considérer le retour au travail comme étant une option. Le Dr Bernholtz a indiqué que le fonctionnaire était incapable, à titre définitif, d’avoir un emploi rémunérateur et Dr Jerry Cooper, le psychiatre du fonctionnaire, a indiqué qu’il était incapable d’occuper un emploi rémunéré dans un quelconque type de capacité concurrentielle, et qu’il était incapable de suivre une réadaptation professionnelle. Son meilleur espoir, selon le Dr Cooper, était le travail indépendant (voir la lettre à la pièce 7), que le fonctionnaire n’a pas poursuivi activement.

25        Le fonctionnaire a soutenu qu’il était prêt à déployer des efforts pour retourner au travail, en dépit des opinions médicales contradictoires. Il a démontré cet effort en assistant à une réunion de retour au travail en octobre 2013 et il s’est assuré que M. Tom reçoive une copie du rapport du Dr Margaliot. Il s’attendait à ce que M. Tom lui présente ensuite une offre pour un autre poste.

26        Le Dr Margaliot a témoigné au nom du fonctionnaire; il n’avait cependant aucun souvenir personnel d’interactions avec ce dernier. Son témoignage s’est limité au contenu de ses rapports. Le Dr Margaliot est spécialisé dans les malaises à la main et au haut du corps. Lorsqu’il a vu le fonctionnaire, en février 2013, il a déterminé que ce dernier souffrait de problèmes de posture lui causant de la douleur dans le haut du corps; celle-ci était attribuable à l’utilisation d’un ordinateur portatif. Il a déterminé que la douleur n’était pas causée par le syndrome du tunnel carpien, tel que soupçonné préalablement.

27        Le premier traitement pour la douleur du fonctionnaire était la physiothérapie. Il a également exigé un poste de travail modifié et il a été déterminé qu’il ne devrait pas faire de travail sur place, puisqu’il devait utiliser un ordinateur portatif. Il avait une invalidité permanente, ce qui l’empêchait d’effectuer du travail exigeant l’utilisation d’un ordinateur portatif, d’une souris et d’un clavier. Il n’aurait pu faire aucun autre travail qui impliquait du travail de bureau ou qui nécessitait un ordinateur. Selon le Dr Margaliot, le fonctionnaire aurait dû retourner au travail en novembre 2013. Il n’appartenait pas au Dr Margaliot de suggérer un autre type de travail, mais, selon lui, le fonctionnaire était en mesure de travailler avec les restrictions précisées.

28        On a demandé au Dr Margaliot de commenter les opinions du Dr Cooper (pièce 7) et du Dr Bernholtz (pièce 1, onglet 9), qui affirmaient tous deux qu’à leur avis, le fonctionnaire n’était pas apte à retourner au travail. Même si le Dr Margaliot n’a pu donner ses commentaires à l’égard de leurs opinions, car celles-ci ne se situaient pas dans son domaine de spécialité, il a indiqué que si les problèmes du fonctionnaire étaient uniquement liés à ses extrémités supérieures, il était apte à retourner au travail. Si d’autres problèmes physiques ou mentaux étaient en jeu, il aurait dû s’en remettre aux opinions des autres médecins traitants.

29        David Cheung était le physiothérapeute du fonctionnaire de 2013 à la moitié de l’année 2015. Il a évalué le fonctionnaire à la demande de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail de l’Ontario en octobre et en novembre 2013. Le fonctionnaire l’a consulté au sujet du retour au travail proposé par la Sun Life (pièce 2, onglet 3). Il était d’avis que le fonctionnaire aurait dû limiter à moins de 15 minutes à la fois le travail à l’ordinateur ou toute position statistique soutenue, après quoi il devait faire des exercices. Par conséquent, M. Cheung était en désaccord avec la proposition de retour au travail de la Sun Life. Personne n’a effectué de suivi auprès de lui au sujet de la lettre indiquant qu’il était possible que le retour au travail proposé de la Sun Life aggrave de nouveau l’état du fonctionnaire.

30        On a renvoyé M. Cheung à la section de la définition de la demande de retraite pour raisons médicales présentée par le fonctionnaire (pièce 1, onglet 9). Selon cette définition, M. Cheung a indiqué qu’il était parfaitement d’accord avec la déclaration du Dr Bernholtz selon laquelle le fonctionnaire était incapable, à titre définitif, de poursuivre de façon régulière une occupation substantiellement rémunérée.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

31        Ce grief met l’accent sur la décision de la Sun Life de mettre fin aux prestations d’assurance-invalidité du fonctionnaire et s’imbrique dans une conclusion selon laquelle l’employeur avait contrevenu à son obligation de s’assurer que le fonctionnaire reçoive un revenu en vertu de la convention collective. Selon le fonctionnaire, le défaut de l’employeur de lui garantir un revenu constituait un congédiement déguisé.

32        Le fonctionnaire a également allégué que l’employeur avait fait preuve de discrimination à son égard en raison de son invalidité, en ce qui concerne l’emploi. Il a fait renvoyer la question à la Commission en vertu des alinéas 209(1)b) et d) de la Loi. Pour que l’alinéa 209(1)d) s’applique dans la présente affaire, l’employeur doit avoir été désigné en vertu du paragraphe 209(3). Au moment du dépôt du grief, l’ARC n’était pas désignée à ce titre et elle ne l’a pas été avant le 17 juin 2015, conformément à DORS 2015-118, qui modifiaient la Loi. Pour ces motifs seulement, la nouvelle Commission n’a pas compétence pour entendre cette affaire.

33        La Commission n’a pas compétence en ce qui concerne l’allégation selon laquelle l’employeur ne s’est pas acquitté de ses obligations en vertu de la convention collective. Le grief n’est pas soutenu par l’agent négociateur, et ce soutien est requis dans le cas d’un grief présenté en vertu de la convention collective (voir Cavanagh c. Agence du revenu du Canada, 2014 CRTFP 21, aux paragraphes 19 et 22 à 26).

34        La Commission n’a pas non plus compétence en ce qui concerne l’allégation de discrimination relative à une infraction à l’article de « non-discrimination » de la convention collective, même si le fonctionnaire l’a renvoyé à l’arbitrage en vertu du paragraphe 209(1) de la Loi, puisqu’il n’y a aucun pouvoir autonome pour juger des questions touchant les droits de la personne en vertu de la CCDP (voir Chamberlain c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2013 CRTFP 115, aux paragraphes 121 et 122). La seule compétence que la Commission aurait pu avoir dans cette affaire est dans l’éventualité où le fonctionnaire aurait été licencié pour des motifs disciplinaires. Par conséquent, le fonctionnaire avait le fardeau d’établir qu’une mesure disciplinaire avait été prise et avait entraîné la cessation de son emploi. Toutefois, la seule chose qui s’est produite est que le fonctionnaire a choisi de présenter une demande de retraite pour raisons médicales.

35        Le fonctionnaire avait le fardeau d’établir qu’une cessation d’emploi pour des motifs disciplinaires avait eu lieu (voir Burke c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2014 CRTFP 79, aux paragraphes 81, 90, 91 et 93). Pour établir ceci, le fonctionnaire a suggéré qu’il avait fait l’objet d’un congédiement déguisé, lequel est un concept qui n’a pas été accepté dans la jurisprudence de la Commission et ce en raison de la nature unique de la relation employeur-employé dans la fonction publique et du grand nombre de mécanismes de recours offerts aux employés pour contester des éléments de la relation employeur-employé avec lesquels ils éprouvent des difficultés. L’ancienne Commission a mis en doute la mise en application du concept de droit privé du congédiement déguisé dans la fonction publique dans l’affaire Hassard c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 32, aux paragraphes 173 à 178. La doctrine du congédiement déguisé ne s’applique aucunement à la fonction publique fédérale, puisque les employés du secteur public doivent être congédiés pour un motif déterminé.

36        Le fonctionnaire a suggéré qu’étant donné que l’employeur avait omis de prendre des mesures d’adaptation à son égard, il n’avait d’autres choix que d’accepter la retraite pour raisons médicales, car il se serait trouvé sans revenu lorsque ses prestations versées par la Sun Life prendraient fin. Toutefois, la décision rendue par la Sun Life de mettre fin à ses versements d’assurance-invalidité a été prise indépendamment de l’employeur et est assujettie à son propre processus d’appel.

37        Les mesures prises par l’employeur dans le cadre du processus de retour au travail auraient-elles pu être considérées comme une mesure disciplinaire entraînant la cessation d’emploi? L’arrêt de principe de la fonction publique concernant le congédiement déguisé est Canada (Procureur général) c. Frazee, 2007 CF 1176. La Cour fédérale a cité la déclaration se trouvant dans Canadian Labour Arbitration (4e édition), de Brown et Beatty, au paragraphe 7 :2410, qui indique qu’une mesure disciplinaire a comme caractéristique essentielle une intention de corriger un mauvais comportement de la part d’un employé en le punissant d’une quelconque façon. Lorsque le comportement d’un employé n’est pas coupable ou que le but de l’employeur n’est pas de le punir, les mesures prises par l’employeur ne sont pas disciplinaires.

38        Les mesures prises par un employeur qui ont des effets indésirables sur un employé ne sont pas toutes disciplinaires. L’un des principaux facteurs dont il faut tenir compte pour déterminer si un employé a fait l’objet de mesures disciplinaires est l’intention de l’employeur. L’employeur avait-il l’intention d’imposer une mesure disciplinaire et est-il probable que la décision contestée soit invoquée lorsque d’éventuelles mesures disciplinaires seront imposées?

39        Dans ce cas, l’employeur n’a pris aucune mesure qui pourrait être caractérisée de nature disciplinaire et, par conséquent, la Commission n’a pas compétence, en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi, pour arbitrer cette affaire. La seule chose qui s’est produite est que le fonctionnaire a demandé une retraite pour raisons médicales et l’a obtenue.

40        Un avis de retraite constitue une cessation d’emploi volontaire de facto (voir Mutart c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2013 CTRFP 90, au paragraphe 87, et Stevenson c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2016 CRTFP 17, au paragraphe 118). Le fonctionnaire a démontré à la fois des intentions subjectives et objectives de prendre sa retraite. Il a volontairement mis fin à son emploi auprès de l’employeur. De plus, sa suggestion selon laquelle il avait été contraint de prendre sa retraite au motif que l’employeur avait omis de prendre des mesures d’adaptation à son égard, n’est pas admissible à l’arbitrage puisque la Commission n’a pas compétence autonome pour arbitrer des questions relatives aux droits de la personne en vertu de l’article 209 de la Loi.

41        Les parties ont réglé la question portant sur les mesures d’adaptation dans le cadre de la médiation et elles ont signé un protocole d’accord conçu afin d’assurer un revenu au fonctionnaire jusqu’à ce qu’il reçoive la pension d’invalidité qu’il a choisie parmi les options qui lui ont été présentées dans la lettre rédigée par M. Tom, le 14 février 2014. Il est inexact de suggérer que l’employeur n’était pas disposé à prendre des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire. Le témoignage de Mme Danis n’a pas été contredit, lorsqu’elle a indiqué clairement au fonctionnaire que l’employeur était, en tout temps, prêt à prendre des mesures d’adaptation à son égard, mais qu’il devait obtenir une confirmation médicale quant à sa condition physique et à ses restrictions. Plutôt que de poursuivre cette voie, le fonctionnaire a choisi de prendre une retraite pour raisons médicales, qui était son idée, et non celle de son employeur. L’employeur s’est acquitté de ses obligations en vertu de cet accord. En échange de 465 heures de congé de maladie pour assurer la transition du fonctionnaire à sa retraite pour raisons médicales, il a retiré son grief et sa plainte relative aux droits de la personne.

42        Il a également exécuté une libération finale, qui, même si elle était vaste, n’était pas vague. Le fonctionnaire a convenu d’exonérer Sa Majesté la Reine, ses fonctionnaires et ses représentants de plaintes, de griefs, de demandes ou d’autres recours issus de ce litige. À la lumière des décisions rendues dans Amos c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2009 CRTFP 61 et dans Godbout c. Conseil du Trésor (Bureau de la coordonnatrice de la condition féminine), 2016 CRTFP 5, des allégations d’omission de prendre des mesures d’adaptation ont été réglées dans le cadre d’une médiation et, par conséquent, le fonctionnaire ne peut les remettre en litige.

43        Il est évident que la preuve que l’ARC avait en sa possession confirmait qu’à compter du 18 juillet 2012, le fonctionnaire était incapable, à titre définitif, de poursuivre de façon régulière un emploi substantiellement rémunéré. Ce fait a été confirmé par le témoin du fonctionnaire, M. Cheung, par le formulaire d’évaluation de l’aptitude physique au travail rempli par le Dr Bernholtz (pièce 4) et par la lettre du Dr Cooper (pièce 7). À la suite de l’exécution du compte rendu de l’accord, le fonctionnaire n’a indiqué, à aucun moment, à l’employeur qu’il désirait retourner au travail. En fait, toute la communication avec l’employeur qui a eu lieu après le 20 mars 2014, à l’exception du présent grief, portait essentiellement sur sa retraite pour raisons médicales et sur la fixation de la date à laquelle elle commencerait (voir les courriels à la pièce 1, onglets 10 à 17).

B. Pour la fonctionnaire

44        L’employeur a traité le fonctionnaire avec mauvaise foi et ses mesures constituaient un subterfuge. Lorsque l’ARC a constaté que, dans sa lettre du 25 février 2014, la Sun Life utilisait un rapport désuet du Dr Margaliot, elle aurait dû informer la Sun Life qu’un rapport plus récent était disponible. La prise de mesures d’adaptation au point de contrainte excessive comprend le fait de porter attention à la correspondance. Le fonctionnaire a collaboré au processus de prise de mesures d’adaptation, en assistant à la réunion de retour au travail en octobre 2013. Il souhaitait retourner au travail. Il attendait que l’ARC lui trouve un poste adéquat, mais le seul emploi qu’on lui avait offert ne convenait pas.

45        L’ARC savait que la Sun Life mettait fin aux prestations d’assurance-invalidité du fonctionnaire et que ce dernier n’avait d’autres options que de prendre sa retraite pour s’assurer d’avoir un revenu. L’ARC a mis en place ce subterfuge afin de le contraindre à prendre sa retraite. Lorsqu’une personne travaille pour la fonction publique, elle reçoit un revenu de son travail ou des prestations d’assurance-invalidité à long terme. Le fonctionnaire a été mis dans une situation où il ne recevait aucune prestation d’invalidité et l’employeur refusait de le réintégrer au travail. En ce qui concerne les mesures disciplinaires prises à l’égard du fonctionnaire, l’employeur lui a imposé une mesure disciplinaire en refusant de le réintégrer au travail, à moins que son médecin l’accepte.

46        L’employeur a fait preuve de discrimination à l’égard du fonctionnaire, ce qui contrevient à l’article 7 de la LCDP. La Commission a compétence pour interpréter la LCDP et l’article 226 de la Loi (voir Nicol c. Conseil du Trésor (Service Canada), 2014 CRTEFP 3, au paragraphe 149). L’ARC a fait quelque chose qui a indirectement empêché le fonctionnaire de faire l’objet de mesures d’adaptation, ce qui entraîné son congédiement. L’employeur aurait dû prendre des mesures d’adaptation à son égard; en omettant de le faire, il a commis un subterfuge à son égard et a agi de mauvaise foi.

C. Contre-preuve de l’employeur

47        Le grief déposé dans l’affaire Nicol était soutenu par l’agent négociateur et l’article de non-discrimination de la convention collective. Comme il est indiqué dans l’affaire Chamberlain, un arbitre de grief doit être proprement saisi en vertu de l’article 209 de la Loi pour exercer le pouvoir prévu en vertu de l’article 226.

IV. Motifs

48        L’avocat de l’employeur avait raison dans son argument selon lequel je n’ai pas compétence dans cette affaire.

49        Le fonctionnaire a renvoyé le présent grief à l’arbitrage en vertu des alinéas 209(1)a) et b) de la Loi. Ces dispositions se lisent respectivement comme suit :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

[…]

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

[…]

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

50        Au moment du grief et du renvoi à l’arbitrage, l’employeur n’était pas désigné en vertu du paragraphe 209(3) de la Loi, ce qui signifie que le fonctionnaire ne pouvait pas utiliser l’alinéa 209(1)d) comme fondement à un renvoi à l’arbitrage.

51        Par conséquent, la seule question sur laquelle je dois me pencher consiste à déterminer si le grief est lié à une mesure disciplinaire prise par l’employeur, qui a entraîné le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire. Si la réponse à cette question est non, je n’ai donc aucune compétence pour trancher le grief. Dans l’affaire qui m’est présentée, ma compétence commence et se termine avec l’alinéa 209(1)b) de la Loi.

52        Le fonctionnaire a le fardeau d’établir que les mesures prises par l’employeur dans les circonstances liées à cette affaire étaient en fait de nature disciplinaire.

53        Les mesures prises par l’employeur ont-elles entraîné le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire? Aucune preuve ne m’a été présentée selon laquelle le fonctionnaire a eu une suspension. De même, le fonctionnaire n’a pas été rétrogradé ou licencié par l’employeur; il a choisi une retraite pour raisons médicales.

54        L’employeur n’a pas congédié le fonctionnaire. Ce dernier a cherché volontairement à prendre sa retraite pour raisons médicales. Il a montré une intention objective et subjective de mettre fin à son emploi à l’ARC. C’est le fonctionnaire qui l’a soulevé dans le cadre des discussions sur le règlement portant sur un grief différent, mais semblable.

55        Contrairement aux situations dans les affaires Mutart et Stevenson, la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, paragraphes 12, 13) ne s’appliquait pas au fonctionnaire; toutefois, la situation factuelle et les principes établis dans ces affaires s’appliquent. Comme il est indiqué dans l’affaire Mutart, au paragraphe 97, l’employeur n’a pas licencié le fonctionnaire; c’est plutôt le fonctionnaire qui a volontairement mis fin à sa relation d’emploi au moyen d’une retraite pour raisons médicales. De même, le fonctionnaire dans l’affaire qui m’est présentée a volontairement mis fin à sa relation employeur-employé au moyen d’une retraite pour raisons médicales. À l’instar de Mme Stevenson et de M. Mutart, des options autres que la retraite s’offraient au fonctionnaire. Comme Mme Stevenson et M. Mutart, il a choisi l’option qui lui convenait le plus. L’employeur ne peut pas être tenu responsable de ses choix.

56        Dans son grief original, le fonctionnaire a soutenu que « l’ARC m’a effectivement congédié de façon déguisée ». Il a affirmé que l’employeur était tenu par la Loi de lui permettre de travailler afin qu’il puisse recevoir une rémunération, ou de s’assurer que la Sun Life continue de lui verser ses prestations d’invalidité à long terme. Le fonctionnaire a affirmé que les mesures prises par l’employeur constituaient une discrimination à son égard, en raison de son invalidité.

57        Le congédiement déguisé est un concept que la Commission n’a pas mis en application. Il a été examiné de façon approfondie par l’arbitre de grief dans l’affaire Hassard, aux paragraphes 173 à 178. Je suis d’accord avec lui. La jurisprudence récente du Conseil canadien des relations industrielles en vertu du Code canadien du travail n’aide pas le fonctionnaire à établir l’existence du concept de congédiement déguisé dans la fonction publique fédérale. La Loi et le Code canadien du travail sont complètement différents et je n’ai aucune compétence, en vertu d’aucune partie du Code canadien du travail, à l’exception des articles reliés à la santé et la sécurité au travail prévues à la partie II. De toute façon, même si la doctrine s’appliquait, le fonctionnaire n’a pas réussi à prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur avait changé de façon unilatérale ses tâches et ses responsabilités, de façon à ce que ce soit considéré comme une violation fondamentale de son contrat d’emploi.

58        Cette audience portait en majeure partie sur la question de déterminer si l’employeur avait omis de prendre des mesures d’adaptation à son égard. Toutes les preuves médicales présentées, y compris celle du témoin du fonctionnaire, M. Cheung, établissent que le fonctionnaire était incapable de retourner occuper son emploi de vérificateur. Le Dr Margaliot n’est pas allé jusqu’à dire que le fonctionnaire était incapable de travailler, mais il a témoigné que la nature du travail de vérification et la manière dont il est effectué étaient contre-indiquées, étant donné la blessure du fonctionnaire donnant droit à une indemnisation.

59        L’employeur avait le droit de s’appuyer sur les certificats médicaux fournis par le fonctionnaire comme preuve de son incapacité à travailler. Il aurait été irresponsable de lui permettre de retourner au travail à la lumière des preuves médicales présentées à l’employeur, en plus de le mettre en danger, puisqu’il était évident, selon les renseignements médicaux utilisés pour soutenir la demande de retraite pour raisons médicales, qu’il ne pouvait pas travailler. Alors qu’il aurait aimé continuer de travailler, il était raisonnable pour l’employeur de s’appuyer sur les renseignements médicaux fournis par ses médecins traitants (voir Stevenson, au paragraphe 104).

60        L’employeur a-t-il imposé une sanction pécuniaire au fonctionnaire? Dans son grief, le fonctionnaire a allégué que l’ARC avait une [Traduction] « obligation légale que je reçoive une rémunération, que ce soit en travaillant ou en recevant des prestations d’invalidité de longue durée ». Même si la décision prise par la Sun Life de mettre fin aux prestations d’invalidité du fonctionnaire avait définitivement eu des répercussions financières sur lui, aucune preuve ne m’a été présentée selon laquelle l’employeur avait imposé une sanction pécuniaire au fonctionnaire. Même si j’acceptais que les répercussions financières sur le fonctionnaire constituent une sanction pécuniaire imposée par l’employeur, ce que je ne ferai pas, le fonctionnaire devait tout de même établir, selon la prépondérance des probabilités, que les mesures prises par l’ARC étaient des mesures disciplinaires à son égard.

61        Le fonctionnaire n’a fait aucun effort pour démontrer qu’il avait fait l’objet de mesures disciplinaires par l’employeur. Il a toutefois indiqué, dans son plaidoyer final, que l’employeur avait commis un subterfuge ou un camouflage dans ses interactions avec lui, ce qui a entraîné des mesures disciplinaires. Rien dans les interactions de l’employeur liées à cette affaire ne s’est élevé à un tel niveau. La preuve indiquait clairement qu’il n’y avait aucun motif ou aucune intention de prendre des mesures disciplinaires à l’égard du fonctionnaire ou de le retirer du milieu de travail. S’il avait été en mesure de retourner au travail, et s’il avait exprimé un tel intérêt, l’employeur, selon ses témoins, aurait pris tous les moyens à sa disposition pour répondre à ses besoins. De plus, il n’a pas été rétrogradé ou transféré. À tous moments pertinents de ce grief, le fonctionnaire était en congé approuvé et recevait des prestations d’une société d’assurance. Il n’avait pas été suspendu et n’avait pas souffert d’une sanction pécuniaire imposée par l’employeur.

62        Par conséquent, je conclus que je n’ai pas compétence pour trancher ce grief en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi.

63        Comme il en a été question plus tôt, dans son grief, le fonctionnaire a allégué que l’employeur avait fait preuve de discrimination à son égard en raison de son invalidité. L’agent négociateur n’a pas soutenu ce grief, comme en témoignent le formulaire de grief et la formule de renvoi à l’arbitrage. À moins que des dispositions de la Loi accordent à un employé le droit de déposer une plainte en vertu de la LCDP non liée à la convention collective et qu’elles soient proclamées, il n’y a aucun droit autonome d’arbitrer une telle plainte. Comme il est clairement indiqué dans l’affaire Chamberlain, au paragraphe 122, comme suit :

                   […]

Lorsqu’un employé dépose un grief qui comprend des [sic] allégations fondées sur les droits de la personne, mais qu’il le fait dans un contexte factuel qui n’est pas visé par le paragr. 209(1), la LRTFP ne confère pas compétence à l’arbitre de grief pour qu’il instruise le grief. L’employeur ne se voit toutefois pas refuser l’accès à un arbitrage indépendant. Dans de telles circonstances, l’employé peut présenter à la Commission une plainte fondée sur les droits de la personne, qui devra être instruite en vertu de la LCDP.

64        À la lumière de ma conclusion concernant l’alinéa 209(1)b) de la Loi, pour se faire entendre devant cette Commission, le fonctionnaire aurait dû déposer un grief pour discrimination en vertu de l’article 42 de la convention collective (c.-à-d. en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la Loi), ce qu’il n’a pas fait. Pour se prévaloir de cet article, le fonctionnaire devait avoir le soutien de son agent négociateur, ce qu’il n’a pas. Par conséquent, aucune contravention à cet article admissible à l’arbitrage ne m’a été présentée et je n’ai actuellement pas compétence pour entendre toute plainte déposée en vertu de la LCDP.

65        Pour ces motifs, je n’ai pas compétence pour entendre cette affaire en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi, qui indique ce qui suit : « […] mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire […] ».

66        Le fonctionnaire a demandé à ce que les dossiers médicaux qu’il a présentés comme pièces soient mis sous scellés. Étant donné la nature personnelle de ces renseignements, je suis d’accord.

67        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)

V. Ordonnance

68        Je n’ai pas compétence pour trancher cette question.

69        Le dossier est clos.

70        Les onglets 3, 5, 6 et 7 de la pièce 2 doivent être mis sous scellé.

71        La pièce 4 doit être mise sous scellé.

72        La pièce 7 doit être mise sous scellé.

Le 6 mai 2016.

Traduction de la CRTEFP

Margaret T.A. Shannon,
une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
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