Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé occupait un poste d’agent correctionnel (CX­01) – il a reçu une sanction pécuniaire de trois jours en raison de son défaut de se présenter au travail à une occasion et de son insubordination à l’égard de son gestionnaire – le fonctionnaire s’estimant lésé a cherché à obtenir un remboursement pour deux des jours faisant l’objet d’une sanction, au motif que la mesure disciplinaire pour insubordination était excessive et qu’en consignant les incidents dans les notes utilisées dans le cadre de son évaluation du rendement il avait fait l’objet d’une deuxième mesure disciplinaire pour la même infraction (double péril) – la Commission a conclu que, bien que le fonctionnaire s’estimant lésé ait reconnu le comportement reproché à l’audience, il était trop tard et ses excuses semblaient vides de sens – tout au long des événements pour lesquels il a fait l’objet de mesures disciplinaires, il aurait pu mettre fin à son comportement inacceptable et se retirer de la situation, mais il ne l’a pas fait – il a également eu de nombreuses occasions, avant l’audience, de présenter des excuses et d’exprimer des remords, il ne l’a jamais fait – la Commission a également conclu qu’il n’existait aucun élément de preuve voulant que les notes au sujet de son comportement qui ont été utilisés aux fins de son évaluation du rendement auraient pu avoir une incidence négative sur lui, y compris dans ses évaluations ultérieures – à ce titre, les notes n’étaient pas de nature disciplinaire – le double péril n’empêchait pas l’employeur de consigner les comportements du fonctionnaire s’estimant lésé aux fins de rendement dans la présente affaire et, parallèlement, d’imposer une mesure disciplinaire pour des manquements à ses politiques et la conduite inacceptable en milieu de travail.Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-08-10
  • Dossier:  566-02-10183
  • Référence:  2016 CRTEFP 72

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

LORNE KNIHNISKI

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
Knihniski c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Amelie Charlebois, Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN
Pour le défendeur:
Joshua Alcock, avocat
Affaire entendue à Saskatoon (Saskatchewan),
le 9 juin 2016.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1        Lorne Knihniski, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a contesté la mesure disciplinaire prise à son encontre le 8 avril 2014, par l’employeur, le Service correctionnel du Canada (SCC ou l’« employeur »). Il a reçu une sanction pécuniaire de trois jours en raison de son défaut de se présenter au travail le 14 mars 2014 et de son insubordination envers la gestionnaire correctionnelle (GC) Grace Chopty les 22 et 23 mars 2014. Pendant toutes les périodes pertinentes, le fonctionnaire était employé en tant qu’agent correctionnel 01 (CX-01) au Centre psychiatrique régional à Prince Albert, en Saskatchewan (l’« établissement »).

2        À l’audience, le fonctionnaire a reconnu qu’il ne s’était pas présenté au travail le 14 mars 2014 et il a accepté la responsabilité de ses actions. Il a ensuite modifié sa demande de réparation et il ne demandait que le remboursement de deux des trois jours de la sanction pécuniaire. Pour cette raison, seule la preuve liée aux allégations d’insubordination sera abordée.

3        Le fonctionnaire soutient que, non seulement la mesure disciplinaire liée à l’insubordination était excessive, mais que, en consignant les incidents dans les notes qui sont utilisées dans le cadre de l’évaluation de son rendement, il a fait l’objet d’une deuxième mesure disciplinaire pour les mêmes infractions.

4        Le grief a été déposé en avril 2014. Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 366 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

II. Résumé de la preuve

5        Le 22 mars 2014, le fonctionnaire devait escorter un détenu à un hôpital à l’extérieur de l’établissement. Avant de partir pour l’escorte, le fonctionnaire a parlé à la GC Chopty et a demandé d’être relevé pendant une partie de son quart de travail. Lorsque sa demande a été refusée, il a utilisé un langage inapproprié à l’égard de Mme Chopty en présence de membres du personnel et d’autres personnes à l’entrée principale de l’établissement.

6        Le jour suivant, lorsque Mme Chopty a été informée que le fonctionnaire ne portait pas son vaporisateur de poivre pendant qu’il était en service, comme l’exige la politique, elle l’a cherché dans l’unité où il était affecté. Une fois là, elle a découvert que, non seulement il ne portait pas son vaporisateur de poivre tel qu’il était requis, mais il ne portait pas non plus son ceinturon de service, tel que requis.

7        Mme Chopty a demandé au fonctionnaire de la suivre et de la rencontrer en privé afin de discuter de son équipement incomplet; il a refusé. Il lui a crié après, a juré puis est sorti précipitamment. Plus tard, il s’est présenté au bureau de la GC. Il a fermé la porte et a continué de crier après elle. À un certain moment, il l’a acculée contre le mur du bureau et a reculé uniquement lorsqu’elle a menacé d’appeler la police s’il ne le faisait pas.

8        Le fonctionnaire a allégué que le double péril s’appliquait dans les circonstances puisque, à la suite de l’incident, Mme Chopty lui a indiqué que son comportement serait consigné dans ses notes sur l’agent, qui sont utilisées à des fins d’évaluation du rendement.

          Preuve de Mme Chopty

9        Le 22 mars 2014, Mme Chopty était la GC responsable du mouvement du personnel à l’établissement. À environ 6 h 30, elle s’est rendue à la barrière principale afin de superviser les membres du personnel se présentant pour leurs quarts de travail. L’entrée principale est un petit secteur; environ 10 personnes étaient présentes ce jour-là, le fonctionnaire se trouvait parmi eux. Il se préparait en vue d’une escorte à un hôpital. Il a indiqué à Mme Chopty qu’il s’attendait à être relevé à l’hôpital au milieu de son quart de travail, ce qui était inhabituel, puisqu’il s’agissait d’une escorte à sécurité moyenne à laquelle devaient participer deux agents. Lorsque deux agents prennent part à une escorte, une relève n’est pas assurée.

10        Lorsque Mme Chopty en a informé le fonctionnaire, il est devenu énervé et il a commencé à crier. Il lui a dit qu’un autre gestionnaire correctionnel lui avait indiqué la nuit d’avant qu’une relève pouvait être assurée. Il a demandé à Mme Chopty [traduction] « pour quelle p[…] de raison cela [la] dérangeait s’[il] était relevé au milieu de son quart de travail ». Lorsque Mme Chopty a tenté d’expliquer qu’elle n’était pas responsable de la liste de service ce matin-là et que, par conséquent, elle ne pouvait pas autoriser la relève qu’il demandait, le fonctionnaire lui a dit [traduction] « fermez-la et écoutez » et qu’elle allait lui trouver un employé de relève au milieu de son quart de travail. Après avoir terminé de crier, il est sorti précipitamment de l’établissement.

11        Le fonctionnaire avait crié tellement fort dans l’entrée principale que les personnes ont arrêté ce qu’elles faisaient pour regarder son interaction avec Mme Chopty. Quelques minutes après son départ, il lui a téléphoné à l’entrée principale. Il lui a indiqué que son partenaire pendant l’escorte travaillait selon un horaire réduit ce jour-là, par conséquent, Mme Chopty aurait besoin d’envoyer deux agents pour les relever à l’hôpital. Elle a réitéré que cela était indépendant de sa volonté et qu’il devrait s’adresser au GC responsable de la liste de service. À aucun moment, il ne s’est excusé de son comportement.

12        Le 23 mars 2014, Mme Chopty livrait des évaluations de rendement achevées. Elle s’est rendue aux boîtes aux lettres des employés pour les livrer et, pendant qu’elles les plaçaient dans les boîtes aux lettres, elle a constaté que le vaporisateur de poivre s’y trouvait toujours, là où il est stocké lorsqu’un employé n’est pas en service. Tous les agents sont tenus de porter leur vaporisateur de poivre pendant qu’ils sont en service.

13        Mme Chopty s’est adressée à l’autre GC en service et lui a demandé de l’accompagner à l’unité où travaillait le fonctionnaire, pour lui livrer le vaporisateur de poivre. Elle lui a demandé de venir pour la soutenir après les événements du jour précédent.

14        Le fonctionnaire travaillait dans l’unité Bow, une unité de 100 lits ouverts hébergeant des détenus atteints d’une maladie mentale. Il n’aurait pas été en mesure d’intervenir sans son vaporisateur de poivre, qu’il était tenu de porter sur son ceinturon de service. Lorsque Mme Chopty est arrivée à l’unité, le fonctionnaire était assis derrière le bureau, assurant le fonctionnement des portes. Il y avait également environ cinq autres agents derrière le bureau, de même qu’une quinzaine de détenus qui faisaient la file autour du bureau, pour obtenir leur déjeuner. C’était l’heure de l’administration des médicaments à l’intérieur de l’unité. Mme Chopty a demandé au fonctionnaire de la rejoindre dans le bureau administratif; il a refusé et lui a dit de dire ce qu’elle devait dire au bureau.

15        Plutôt que de faire une scène, Mme Chopty lui a remis le vaporisateur de poivre et a constaté que le fonctionnaire ne portait pas le ceinturon de service qu’il était tenu de porter. Elle lui a demandé où il se trouvait. Il s’est mis sur la défensive, s’est levé et lui a demandé, [traduction] « Quel est [son] p[…] de problème? ». Il lui a ensuite dit qu’on ne lui avait jamais remis un ceinturon de service. Elle lui a indiqué de l’accompagner à la barrière principale, où elle lui en remettrait une. Il a refusé, puis il lui a dit qu’il rentrait à la maison, car il était malade.

16        En lui disant cela, il se tenait très près d’elle. Elle était gênée qu’il lui crie après devant des détenus et d’autres agents correctionnels. Cela minait son autorité devant eux. Elle est partie et est retournée au bureau qu’elle partageait avec l’autre GC en service.

17        Quelques minutes plus tard, le fonctionnaire est apparu dans l’embrasure de la porte du très petit bureau et a insisté pour parler à Mme Chopty en privé. Elle lui a demandé s’il souhaitait être accompagné d’un représentant syndical pendant la conversation. Il a commencé à crier après elle et à l’accuser de s’en prendre à lui en raison des événements survenus le jour précédent. Il l’a également accusée de lui donner des ordres et de vouloir être en contrôle tout le temps.

18        Mme Chopty criait également après le fonctionnaire, disant qu’elle ne pouvait pas croire qu’il s’était rendu à son poste sans son vaporisateur de poivre. Ensuite, elle a cessé de crier, mais il a continué, affirmant qu’il n’était pas marié avec elle et que, par conséquent, il n’avait pas à l’écouter. À ce moment, il l’avait acculée dans un coin et il criait à quelques centimètres de son visage. Elle lui a dit de reculer et de baisser la voix, à défaut de quoi elle appellerait la police. Elle s’est sentie menacée, ce qu’elle lui a dit.

19        Le fonctionnaire a effectivement reculé. Il a baissé la voix et il a commencé à parler calmement à Mme Chopty. Il lui a dit qu’il sentait qu’elle s’attaquait à lui en raison de l’incident du jour précédent. Il a expliqué qu’elle agissait ainsi car elle était préoccupée pour sa sécurité et qu’il était nécessaire qu’il porte l’ensemble de son équipement de sécurité pendant qu’il était en service. Il l’a ensuite accusée de ne pas être professionnelle. Il a refusé de prendre le ceinturon de sécurité qu’elle lui avait offert, affirmant qu’il n’en avait pas besoin, car il transportait son équipement de sécurité, y compris son vaporisateur de poivre, dans ses poches.

20        Mme Chopty a autorisé le fonctionnaire à retourner à son poste après la fin de cette rencontre. Elle lui a indiqué qu’elle le tiendrait informé de ce qui se passerait à la suite de l’incident. Il est parti sans lui présenter d’excuses.

21        Mme Chopty a signalé l’incident dans un courriel adressé à sa gestionnaire, Rachel Parker (pièce 3, onglet 6). Elle a envoyé une copie conforme au GC du fonctionnaire, Jean-Guy Ouellet. Le but du courriel était de les informer de cet incident. Elle a ensuite transféré le même courriel au fonctionnaire. Dans celui-ci, elle mentionnait que l’incident était [traduction] « clos et chose du passé », afin de calmer la situation. Le fonctionnaire avait la réputation d’être agressif et de sortir de ses gonds. Elle croyait que, en mentionnant que l’affaire était close et chose du passé, elle s’assurerait que le reste du quart de travail se déroulerait sans histoire.

22        À 8 h 45, une demi-heure après le premier courriel, Mme Chopty a envoyé un autre courriel à Mme Parker et à M. Ouellet, en plus d’une copie au fonctionnaire, décrivant les événements de la rencontre du jour précédent à propos de la relève de l’escorte de l’hôpital (pièce 3, onglet 6, page 2). Comme elle l’avait indiqué au fonctionnaire, elle a effectivement consigné ces événements dans les notes sur l’agent utilisées à des fins d’évaluation du rendement (pièce 3, onglet 7). À l’occasion de son quart de travail suivant, elle a présenté un long compte rendu des événements à son représentant des ressources humaines, à la demande de Mme Parker (pièce 3, onglet 8).

23        M. Ouellet était le superviseur direct pendant les périodes pertinentes. Il a rencontré le fonctionnaire afin de discuter des affaires présentées dans les courriels de Mme Chopty. Le fonctionnaire ne souhaitait nullement en discuter, car il avait l’impression qu’elle en avait terminé avec cette affaire. M. Ouellet a indiqué au fonctionnaire que, en sa qualité de superviseur direct, il devait discuter du comportement inapproprié dont avait fait preuve le fonctionnaire. Le fonctionnaire a insisté pour partir et il n’y a eu aucune discussion.

24        Après avoir examiné l’ensemble des facteurs, y compris le comportement du fonctionnaire, l’environnement, son comportement au moment de s’adresser à un GC; sa directive à l’égard de Mme Chopty de fournir un employé de relève, le fait qu’il a été belliqueux, menaçant et irrespectueux envers un GC en deux occasions devant d’autres fonctionnaires et des détenus, son refus de se rendre dans un secteur privé pour poursuivre une discussion lorsque son GC lui en a fait la demande, son défaut de traiter Mme Chopty avec respect et dignité, comme l’exige le Code de discipline de l’employeur (pièce 3, onglet 3), et son refus de résoudre ces conflits d’une façon respectueuse, la sanction pécuniaire lui a été imposée.

25        M. Ouellet est parvenu à cette conclusion, car, en ses mots, le comportement du fonctionnaire avait été [traduction] « excessif ». Le fonctionnaire était un agent chevronné qui connaissait le SCC ainsi que ses attentes en ce qui a trait à sa conduite. Les courriels de Mme Chopty ainsi que ses ajouts de notes sur l’agent ne constituaient pas la fin de l’affaire. Une mesure disciplinaire était justifiée.

          Preuve du fonctionnaire

26        La fonctionnaire a demandé qu’on le relève de ses fonctions d’escorte le 22 mars 2014, car il avait un enfant malade à la maison. Il avait parlé à un agent correctionnel à environ 5 h 30 ce matin et il avait demandé un employé de relève. Selon le fonctionnaire, le GC Sullivan lui avait dit qu’il ne devrait y avoir aucun problème, mais qu’il devrait demander à l’un des GC en service à son arrivée à 6 h 45. C’est ce qu’a fait le fonctionnaire; il a demandé à Mme Chopty. Lorsqu’on lui a refusé la relève, il s’est fâché et elle en a fait les frais. D’après lui, il lui a dit qu’elle devrait [traduction] « dire à quiconque au bureau que je veux un employé de relève au milieu de mon quart de travail et je serai relevé au milieu de mon quart de travail » [je souligne]. Il admet que son comportement pendant cette rencontre était inexcusable.

27        Le fonctionnaire a téléphoné à Mme Chopty peu de temps après pour lui rappeler qu’il devait être relevé à la moitié de son quart de travail. Lorsqu’il est parti pour l’hôpital, le fonctionnaire était troublé et avait honte de ses actions, car la conversation ne s’était pas bien terminée.

28        Le jour suivant, Mme Chopty s’est présentée à l’unité Bow, où le fonctionnaire était en poste. Elle lui a demandé de la rejoindre et ainsi qu’un autre GC, M. Dayday, dans le bureau administratif. Il a refusé, car il était responsable des portes à un moment où il y avait un mouvement important de détenus et que tous les autres agents de l’unité étaient occupés à autre chose. Mme Chopty l’a informé qu’il avait omis de porter son vaporisateur de poivre, comme l’exige l’emploi. Il lui a pris le vaporisateur de poivre. Elle s’est ensuite aperçue qu’il ne portait pas de ceinturon de service. Il a expliqué que son ceinturon de service était brisé et qu’on ne lui en avait remis aucune.

29        Mme Chopty lui a offert de lui en remettre un nouveau et a ordonné au fonctionnaire de porter le vaporisateur, tel qu’il est exigé. Il estimait qu’il était pris à part en raison de ses actions le jour précédent. Elle tentait de faire valoir un point et de lui montrer qui était la patronne. Il lui a dit qu’il était stressé et qu’il voulait rentrer à la maison, car il était malade.

30        Le fonctionnaire est allé se changer et enlever son uniforme, mais il estimait qu’il ne pouvait pas laisser la rencontre se terminer de cette façon. Il devait faire part de ses préoccupations à propos du fait d’être pris à part. Il s’est rendu au bureau que Mme Chopty partageait avec M. Dayday. Il a demandé à M. Dayday de parler en privé à Mme Chopty. Il a ensuite fermé les trois portes dans cette salle. La conversation qu’il a eue avec Mme Chopty était animée et houleuse de part et d’autre, mais, d’après le fonctionnaire, davantage de sa part. Il a accepté sa responsabilité à l’audience en ce qui concerne son langage inapproprié et le fait d’avoir élevé la voix.

31        Le fonctionnaire a décrit la conversation comme ayant été civilisée une fois qu’ils se sont calmés. Ils ont discuté des incidents des 22 et 23 mars avec civilité. Il ne se souvient pas avoir acculé Mme Chopty dans un coin et, en ses termes, avoir été [traduction] « dans son visage ».

32        Le fonctionnaire a reçu les courriels de Mme Chopty. Il croyait que cette affaire était terminée. Il lui avait présenté ses excuses. Il n’y avait aucune raison de discuter des incidents avec M. Ouellet, car Mme Chopty avait déjà réglé la question.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

33        La sanction imposée était appropriée et raisonnable dans les circonstances et ne devait pas être modifiée (voir Mercer c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2016 CRTFP au paragr. 55).

34        Mme Chopty s’est montrée directe et crédible. Son témoignage n’a pas été contredit et doit donc être considéré comme exact. La conduite du fonctionnaire des 22 et 23 mars 2014 était inexcusable et inappropriée dans n’importe quel milieu de travail. Il a fait preuve d’insubordination et a remis en question l’autorité. Son comportement à l’unité Bow a été aggravé par le fait qu’il a confronté Mme Chopty dans son bureau plus tard ce matin-là, plutôt que de prendre le temps de se calmer. Le fonctionnaire ne s’est pas excusé ou n’a pas fait preuve de remords. Il a refusé de discuter des incidents à l’audience disciplinaire et est tout simplement sorti.

35        Le comportement du fonctionnaire n’indiquait aucune compréhension de la gravité de son inconduite ou que celui-ci ne devait pas se reproduire. Il a laissé entendre dans son témoignage qu’il était honteux de son comportement et qu’il en éprouvait des remords, mais il a exprimé ce sentiment pour la première fois lors de l’audience. Au moment de l’audience, il était trop tard pour présenter ses excuses. Même à ce moment, il n’a jamais indiqué ce qu’il avait fait et la raison pour laquelle il était fautif.

36        La sanction imposée par l’employeur relevait d’une gamme raisonnable et appropriée. Elle se trouvait même à l’échelon inférieur de l’échelle disciplinaire. Les courriels de Mme Chopty avaient pour objectif de désamorcer la situation, il était donc raisonnable que M. Ouellet prenne une mesure disciplinaire à l’égard du fonctionnaire (voir Bettenson’s Sand & Gravel Co. v. U.F.C.W., Local 401, 2003 CarswellAlta 1125; Finning (Canada) v. I.A.M. & A.W., Local 99, 2003 CarswellAlta 2164; I.A.B.S.O.I., Local 805 v. Canam Steel Works, 1998 CarswellAlta 1457; Lachance c. Conseil du Trésor (Agriculture Canada), dossier de la CRTFP 166-02-26840 (19960329), [1996] C.R.T.F.P.C. No. 26 (QL); Northwest Waste System Inc. v. Transport, Construction & General Employees’ Association, Local No. 66, 2007 CarswellBC 3214; Quality Meat Packers Ltd. v. U.F.C.W., Local 175/633, 2002 CarswellOnt 4703; Toronto Transit Commission v. ATU, Local 113, 2015 CarswellOnt 14985; Volvo Canada Ltd. v. C.A.W., Local 720, 1990 CarswellNS 798).

B. Pour le fonctionnaire

37        La seule question que la Commission doit trancher consiste à déterminer si le fonctionnaire a fait l’objet de deux mesures disciplinaires pour les mêmes infractions. Il a admis avoir eu des discussions houleuses avec Mme Chopty les 22 et 23 mars 2014. Il a admis avoir haussé le ton et s’être conduit de façon inappropriée. À l’audience, il a admis avoir été insubordonné et a accepté la responsabilité de ses actions. La seule question litigieuse consiste à déterminer si les entrées de Mme Chopty dans les notes sur l’agent concernant le fonctionnaire étaient de nature disciplinaire et à déterminer l’effet de sa déclaration dans son courriel selon laquelle l’affaire était close. M. Ouellet a pris sur lui d’entreprendre une mesure disciplinaire, mais il était trop tard.

38        Le principe du double péril s’applique. Une fois que l’employeur lui a indiqué que les commentaires seraient ajoutés aux notes sur l’agent le concernant en vue d’être utilisés dans le cadre de son évaluation de rendement, il ne pouvait plus prendre de mesure disciplinaire à l’encontre du fonctionnaire (voir Canada (Procureur général) c. Babineau, 2005 CF 1288 au paragr. 13; Babineau c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2004 CRTFP 145 au paragr. 20; Saskatchewan v. Saskatchewan Government and General Employees’ Union, 2012 SKQB 35 aux paragraphes 28 et 33; Calgary Co-Operative Association Ltd. v. Calco Club (1991), 23 L.A.C. (4e) 142).

C. Réponse de l’employeur

39        Aucun élément de preuve n’indique que les notes sur l’agent sont de nature disciplinaire. Mme Chopty a envoyé le courriel en question très peu de temps après une discussion houleuse. Le GC superviseur, M. Ouellet dans la présente affaire, impose généralement une mesure disciplinaire.

IV. Motifs

40        Le grief est rejeté. Le fonctionnaire a admis le comportement reproché. L’expression de son introspection et de ses remords à l’audience sonnait creux et est arrivée trop tard. Il a eu de nombreuses possibilités avant la tenue de l’audience pour présenter ses excuses et exprimer des remords, il ne l’a jamais fait. Pendant le déroulement des événements pour lesquels il a fait l’objet d’une mesure disciplinaire, le fonctionnaire aurait pu mettre fin à son comportement inacceptable et se retirer de la situation, mais il ne l’a pas fait. La mesure disciplinaire imposée par M. Ouellet n’était ni fautive ni déraisonnable dans les circonstances.

41        Il s’agit d’une règle de base du droit de l’arbitrage qu’un employeur ne peut pas imposer plus d’une sanction pour la même infraction, ce que l’on appelle le double péril (voir Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition, à 7:4240). La preuve dont je suis saisie n’appuie pas un argument fondé sur le double péril. Le fonctionnaire n’a pas reçu deux sanctions pour les mêmes infractions. Sa conduite inacceptable a été consignée dans les notes sur l’agent le concernant aux fins de l’exécution de son évaluation de rendement à une date ultérieure. Aucun élément de preuve n’indique que l’entrée dans les notes sur l’agent aurait pu avoir une incidence négative sur le fonctionnaire, y compris ses évaluations futures. À ce titre, les notes n’étaient pas de nature disciplinaire.  Le double péril n’empêchait pas l’employeur de consigner les comportements du fonctionnaire aux fins de rendement dans la présente affaire et, parallèlement, d’entreprendre une mesure disciplinaire pour des manquements à ses politiques et la conduite inacceptable dans le milieu de travail.

42         Qui plus est, M. Ouellet était le gestionnaire responsable du fonctionnaire. Il avait la responsabilité de traiter la question du comportement inacceptable du fonctionnaire. De l’avis de Mme Chopty, elle a pris les mesures nécessaires pour consigner le comportement inacceptable et elle l’a signalé au GC chargé de s’assurer que le fonctionnaire se comportait de façon appropriée dans le milieu de travail.

43        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

44        Le grief est rejeté.

Le 10 août 2016.

Traduction de la CRTEFP

Margaret T.A. Shannon,
une formation de la Commission des relations de travail
et de l’emploi dans la fonction publique
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