Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Deux plaintes ont été déposées contre l’agent négociateur, alléguant qu’il avait manqué à son devoir de représentation équitable, contrairement à l’article 187 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, parce qu’il n’a pas donné suite à un grief relatif à une description de travail grief déposé au dernier palier en temps opportun, et parce qu’il a refusé de donner suite à des griefs relatifs à une description de travail – la plaignante a allégué que l’agent négociateur avait manqué à son devoir de représentation équitable parce que son représentant n’avait pas effectué un examen complet et de bonne foi quant au bien-fondé de son grief relatif à une description de travail avant de conclure qu’il ne l’appuierait pas – comme l’a expliqué la formation de la Commission, il incombait à la plaignante d’établir que les actions, ou l’inaction, de l’agent négociateur qu’elle contestait étaient arbitraires, discriminatoires ou de mauvaise foi – la formation de la Commission a également souligné que, pour établir si la plaignante a démontré que l’agent négociateur avait agi de façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi lorsqu’il a conclu qu’il n’appuierait pas son grief, elle devait évaluer comment ce dernier en était arrivé à sa conclusion – la formation de la Commission a établi que le traitement des griefs de la part de l’agent négociateur n’était ni arbitraire ni discriminatoire, et que son évaluation relative aux chances de succès des griefs de la plaignante n’avait pas été faite de mauvaise foi – l’agent négociateur a suivi une procédure très détaillée, laquelle comprenait notamment la recherche d’information auprès de la plaignante – la formation de la Commission a conclu que la plaignante n’avait fourni aucun renseignement pour étayer ses griefs relatifs à une description de poste lorsqu’elle en a reçu la demande – la formation de la Commission a conclu que, bien que la plaignante ait bien pu être en désaccord avec la façon dont ses griefs ont été traités et insatisfaite de la décision de l’agent négociateur, elle ne s’était pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait de démontrer que l’agent négociateur avait manqué à son devoir de représentation équitable.Les plaintes sont rejetées.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-07-20
  • Dossier:  561-02-609 et 766
  • Référence:  2016 CRTEFP 64

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

NICHELLE JACKSON

plaignante

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA ET SYNDICAT DES DOUANES ET DE L’IMMIGRATION

défendeurs

Répertorié
Jackson c. Alliance de la Fonction publique du Canada


Affaire concernant des plaintes visées à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique


Devant:
Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour la plaignante:
Elle-même
Pour les défendeurs :
Raphaëlle Laframboise-Carignan, avocate
Affaire entendue à Toronto (Ontario),
le 31 mai et les 1er et 2 juin 2016.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Plaintes devant la Commission

1        La plaignante, Nichelle Jackson, a déposé deux plaintes contre les défendeurs, l’Alliance de la Fonction publique du Canada et son élément, le Syndicat des Douanes et de l’Immigration (appelés conjointement l’« agent négociateur »). Elle a allégué que l’agent négociateur avait manqué à son devoir de représentation équitable, contrevenant ainsi à l’article 187 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « LRTFP »), en ne donnant pas suite en temps opportun à un grief relatif à une description de travail (« grief G12-3971-108705 ») qu’elle a présenté au dernier palier de la procédure de règlement de griefs individuels (plainte figurant au dossier de la CRTEFP 561-02-609, déposée en mars 2013) et en refusant de donner suite à trois griefs relatifs à une description de travail qu’elle avait déposés en raison de la faible probabilité que des changements à sa description de travail entraîne une reclassification à la hausse (plainte figurant au dossier de la CRTEFP 561-02-766, déposée en septembre 2015).

2        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). Conformément à l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une procédure amorcée en vertu de la LRTFP avant le 1er novembre 2014, se poursuit sans autres formalités en conformité avec la LRTFP, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

II. Résumé de la preuve

3        La présentation de la plaignante relativement à sa preuve était très confuse. À plusieurs reprises, on lui a demandé de répéter son témoignage et de fournir des précisions. Souvent, la plaignante a utilisé des mots et des expressions contradictoires dans une même phrase. Au début, elle ne souhaitait présenter aucun argument de vive voix, préférant plutôt déposer environ 553 pages de documents à titre de preuve. Après avoir décidé de présenter des arguments de vive voix, un ajournement a été accordé à la plaignante afin qu’elle organise son témoignage et qu’elle élimine des 553 pages de documents tout ce qui n’était pas directement lié à l’affaire en l’espèce.

4        Pendant toute la période pertinente, la plaignante était au service de l’Agence des services frontaliers du Canada (« ASFP »), à l’aéroport Billy Bishop du centre-ville de Toronto, en Ontario, en tant que commis à la prestation des programmes. Elle était visée par la description de travail « CR3787 » (pièce 1, onglet 18A), qui a plus tard été examinée et remplacée par la description de travail générique intitulée « commis au soutien de la prestation des programmes CRC456 » (« CRC456 »; pièce 1, onglet 18D).

5        La plaignante n’était pas d’accord avec le contenu des deux descriptions de travail et elle a présenté une série de griefs relatifs à une description de travail. Le premier, portant le numéro de dossier G11-3971-106461, a fait l’objet d’une plainte qu’elle a déposée plus tôt contre l’agent négociateur. L’ancienne Commission a rejeté ce grief dans Jackson c. Syndicat des douanes et de l’immigration et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2013 CRTFP 31. Pour cette raison, aucune preuve n’a été permise en ce qui concerne le dossier G11-3971-106461, autre que celle selon laquelle il s’agissait de l’un des griefs individuels touchés par la décision des défendeurs faisant l’objet de la plainte 561-02-766.

6        En 2012, lorsque la plaignante a obtenu sa nouvelle description de travail, soit la description CRC456, elle a présenté un autre grief relatif au contenu de la description de travail. Comme il n’y avait pas de délégué syndical à son lieu de travail, elle a envoyé ses formulaires de grief individuel au bureau national de l’Élément et a demandé qu’il autorise son grief (pièce 2, onglet 14, page 57). Quelques mois plus tard, l’Élément a transmis les documents à la section locale 024, du Syndicat des Douanes et de l’Immigration, à Toronto.

7        À la fin août 2012, à son retour de vacances, la plaignante a reçu une demande de son employeur, l’ASFC, relativement à une consultation au premier palier de la procédure de règlement des griefs individuels (pièce 2, onglet 15). Comme elle ne savait pas à ce moment que son grief avait été présenté en son absence, elle a demandé qu’il soit mis en suspens pendant deux jours afin de vérifier la documentation.

8        La plaignante a alors demandé une prolongation du délai relatif à la consultation jusqu’au 28 décembre 2012, en vertu de l’article 22 de la convention collective, conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada, pour le groupe Services des programmes et de l’administration (tous les employés), venant à échéance le 20 juin 2014 (la « convention collective »). L’agent négociateur et le Conseil du Trésor ont accepté. Par la suite, elle a demandé que son grief passe directement au troisième palier de la procédure de règlement des griefs, en vertu de la clause 18.23 de la convention collective. L’employeur a insisté pour tenir une consultation au premier palier avant que le grief passe au troisième palier. Comme la plaignante n’a pas répondu à la demande de l’employeur de tenir une rencontre au premier palier après le 28 décembre 2012, ce dernier l’a avisée qu’elle avait abandonné son grief en refusant de le garder en suspens après le 28 décembre 2012.

9        La plaignante en a été étonnée, puisqu’elle n’avait pas demandé que le grief soit mis en suspens; elle avait demandé une prolongation du délai en vertu de la clause 18.22 de la convention collective (pièce 2, onglet 15, page 63). Elle a expliqué sa version de la situation dans un courriel en date du 7 janvier 2013 (pièce 2, onglet 16, page 66) et a demandé à l’agent négociateur que son grief individuel soit transmis au troisième palier, si ce n’est au dernier palier, de la procédure de règlement des griefs.

10        Le 8 janvier 2013, la plaignante a reçu un courriel de Richard Sutcliffe, le premier vice-président de la section locale 024, précisant la situation et demandant quelles étaient ses intentions en ce qui concerne son grief individuel (pièce 2, onglet 16, page 72). Elle a répondu le même jour, lui demandant de donner suite aux formulaires de transmission qu’elle avait joints, qui avaient été signés par un représentant du bureau national de l’Élément et retournés à la section locale 024 pour traitement le 8 janvier 2013 (pièce 2, onglet 18, page 83). La plaignante souhaitait renvoyer le grief G12-3971-108705 au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, mais le bureau national a indiqué qu’il devrait être renvoyé au troisième palier. L’employeur a continué d’insister sur la tenue d’une consultation au premier palier, ce qui n’avait aucun sens selon la plaignante.

11        Aucune consultation n’a été tenue en ce qui concerne le grief G12-3971-108705 au troisième ou au quatrième palier de la procédure de règlement des griefs. La plaignante a déposé la plainte 561-02-609. Selon la réponse de l’agent négociateur, le grief G12-3971-108705 était encore en suspens et pouvait toujours être entendu puisque la section locale 024 avait établi un protocole de mise en suspens avec l’employeur qui protégeait les droits de la plaignante (pièce 1, onglet 3).

12        En décembre 2014, l’employeur a communiqué avec l’agent négociateur afin d’établir le statut du grief individuel de la plaignante (pièce 2, onglet 20). L’agent négociateur a indiqué qu’il souhaitait tenir une consultation au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, mais qu’il avait besoin de copies des dossiers. Aucune autre communication au sujet du grief G12-3971-108705 n’a eu lieu, et ce, jusqu’à ce que la plaignante reçoive une lettre de Bruno Loranger, un agent des relations de travail au service de l’Élément, indiquant que ses griefs avaient été retirés (pièce 1, onglet 5, page 5). La plaignante a déposé la plainte 561-02-766 après avoir reçu cette lettre.

13        Depuis novembre 2014, la lettre de M. Loranger était la première communication que la plaignante recevait de l’agent négociateur. Aucune demande de la part de l’agent négociateur, ou de quiconque associé à ce dernier, n’a été présentée à la plaignante dans le but d’obtenir des renseignements afin d’aider M. Loranger à évaluer des griefs relatifs à des descriptions de travail en lien avec la description de travail CRC456. En réalité, la plaignante n’avait jamais entendu parler de M. Loranger avant de recevoir sa lettre. Dans sa communication, M. Loranger avisait un groupe d’employés de l’unité de négociation, y compris la plaignante, que l’agent négociateur ne donnerait pas suite à leurs griefs relatifs à une description de travail puisque des changements aux descriptions de travail, s’ils sont mis en œuvre, n’entraîneraient pas une reclassification à la hausse.

14        La plaignante ne savait pas pourquoi cela se produisait. Elle a répondu à M. Loranger qu’elle allait déposer une plainte contre l’agent négociateur au motif que ses griefs relatifs à une description de travail étaient évalués par rapport à d’autres personnes ayant la même description de travail qui n’effectuaient pas les mêmes tâches qu’elle. Ce n’est que lorsqu’elle a déposé la plainte 561-02-766 qu’elle a demandé des précisions quant à la raison pour laquelle ses griefs avaient été retirés. Elle n’a pas tenté de régler le problème avant de déposer sa plainte. En septembre 2015, après avoir déposé la plainte 561-02-766, un rapport de vérification publié par l’employeur indiquait que les commis classifiés à son niveau effectuaient des tâches qu’ils n’étaient pas autorisés à faire (pièce 2, onglet 28, page 108).

15        En contre-interrogatoire, la plaignante s’est penchée sur une série de courriels qu’elle a échangés avec son gestionnaire en vue de la mise au rôle de la consultation au premier palier pour le grief G12-3971-108705 (pièce 1, onglet 11). Dans cette série de courriels, la plaignante a demandé que l’affaire soit immédiatement mise en suspens (pièce 1, onglet 11, page 5), à la suite de quoi elle a demandé une prolongation du délai jusqu’au 28 décembre 2012 (pièce 1, onglet 11, page 2). La direction et l’agent négociateur ont accepté de prolonger le délai pour une consultation au premier palier de la procédure de règlement des griefs.

16        Le dossier devait reprendre le 28 décembre 2012. Le 8 février 2013, Richard Sutcliffe, en réponse à un courriel de la plaignante, a fait un suivi avec elle au sujet du statut du grief G12-3971-108705. Il l’a informée que le grief était en suspens parce qu’elle n’avait pas indiqué si elle acceptait de rencontrer l’employeur au premier palier de la procédure de règlement des griefs. Le 8 janvier 2013, M. Sutcliffe a demandé à la plaignante de confirmer si son résumé du statut de son grief était exact (pièce 1, onglet 14, page 6). Elle a répondu en détail à son courriel et, le 9 janvier 2013, il lui a proposé un plan (pièce 3), qui comprenait une réunion au premier palier au plus tard le 11 janvier 2013, après quoi le grief pourrait progresser de la façon qu’elle souhaitait.

17        La plaignante n’a jamais avisé l’employeur qu’elle souhaitait le rencontrer au premier palier de la procédure de règlement des griefs, comme M. Sutcliffe l’a laissé entendre dans son courriel du 9 janvier 2013. Elle ne souhaitait pas une consultation au premier palier à ce moment. Le 8 février 2013, Mark Weber, alors président de la section locale 024, lui a fait parvenir un courriel afin de tenter de faire progresser son grief G12-3971-108705 (pièce 4). Elle n’a pas donné suite à sa suggestion d’informer l’employeur qu’elle souhaitait que son grief ne soit plus en suspens parce qu’elle n’avait jamais demandé qu’il le soit.

18        Dans le cadre de son rôle, M. Sutcliffe aide les fonctionnaires s’estimant lésés à présenter leurs griefs individuels au troisième palier de la procédure de règlement des griefs. Il est également responsable de veiller à ce que les griefs soient transmis aux différents paliers et de planifier les consultations relatives à des griefs. Lorsque des employés souhaitent présenter un grief individuel, ils doivent d’abord consulter leur délégué syndical. Si le lieu de travail n’a pas de délégué syndical ou s’il n’est pas disponible, une liste de membres de l’exécutif de la section locale est affichée sur le tableau d’affichage de l’agent négociateur dans le lieu de travail, pour que tout employé puisse obtenir de l’aide en ce qui concerne la procédure de règlement des griefs.

19        Le troisième palier de la procédure de règlement des griefs pour l’AFSC dans la région de Toronto est congestionné en raison des griefs non réglés. Si l’employeur n’est pas disponible pour une consultation au troisième palier, le grief est transmis au quatrième palier. À partir de ce moment, le bureau national de l’Élément est responsable du grief. Il est très rare qu’un fonctionnaire s’estimant lésé envoie des formulaires de grief et des bordereaux de transmission au bureau national comme l’a fait la plaignante, passant outre la section locale 024, puisque le bureau national ne sait pas ce qui se passe dans la région; c’est le rôle de la section locale 024 d’offrir des services relatifs aux griefs à ce palier.

20        Le président de la section locale 024 a reçu un courriel du bureau national l’informant de ces circonstances particulières. Le courriel a ensuite été transmis à M. Sutcliffe, qui a consulté l’employeur après le 28 décembre, soit la date de l’expiration de la période de mise en suspens (ce que la plaignante a qualifié de prolongation du délai et non de période de mise en suspens). M. Sutcliffe a demandé que le grief G12-3971-108705 soit transmis au dernier palier de la procédure de règlement des griefs individuels (pièce 1, onglet 14, page 3). L’article 18 de la convention collective permet à un fonctionnaire s’estimant lésé de passer outre le deuxième ou le troisième palier, mais, en l’espèce, l’employeur a insisté pour que la consultation se produise au premier palier (pièce 1, onglet 14, page 4).

21        M. Sutcliffe a transmis cette réponse à la plaignante et lui a demandé si elle acceptait de rencontrer l’employeur au premier palier de la procédure de règlement des griefs. Elle a répondu (pièce 1, onglet 14, page 5) en fournissant un historique du grief G12-3971-108705, sans toutefois préciser si elle acceptait de rencontrer l’employeur au premier palier, comme il lui a été demandé. Comme la plaignante n’avait pas exprimé clairement ses intentions dans son courriel, M. Sutcliffe a proposé un plan d’action pour faire passer le grief au quatrième palier comme elle l’a demandé, tout en respectant la demande de consultation au premier palier de l’employeur (pièce 3). Comme la mise en suspens du grief a pris fin le 28 décembre 2012, si aucune consultation au troisième palier n’avait lieu dans les 10 jours, le grief pouvait alors être envoyé au dernier palier, comme le voulait la plaignante.

22        La réponse de la plaignante à cette suggestion ne précisait pas si elle acceptait (pièce 3). Du point de vue de l’employeur et de l’agent négociateur, le grief individuel est demeuré en suspens en attendant une réponse claire quant à la question de savoir si la plaignante assisterait à une consultation au premier palier de la procédure de règlement des griefs. Le 8 février 2013, la plaignante a fait parvenir un courriel à M. Sutcliffe, afin de savoir ce qui se passait avec son grief.

23        M. Sutcliffe a répondu à la plaignante le jour même et l’a informée que son grief était toujours en suspens parce qu’elle n’avait pas confirmé si elle avait répondu à la demande de l’employeur de tenir une rencontre au premier palier de la procédure de règlement des griefs individuels. Il n’était pas convaincu qu’elle était intéressée par une consultation à un palier autre que le dernier palier. Elle a répondu à son courriel avec colère. Selon M. Sutcliffe, elle avait mal compris le concept de la mise en suspens et la façon dont un grief placé en suspens était géré. Elle a clairement indiqué à M. Sutcliffe que la section locale 024 ne devait pas entreprendre d’autres mesures à l’égard du grief G12-3971-108705 et, en conséquence, le grief est demeuré en suspens.

24        M. Sutcliffe était préoccupé par les discussions continues avec la plaignante. Il n’était pas certain du palier de la procédure de règlement des griefs individuels qui devait être utilisé. Il ne connaissait pas l’intention de la plaignante, alors il a péché par excès de prudence, et l’affaire est demeurée en suspens jusqu’à ce jour. Tel qu’il a été mentionné dans la réponse de l’agent négociateur à la plaignante, il était toujours possible de donner suite à son grief si elle précisait son intention (pièce 1, onglet 3).

25        En 2015, on a demandé à M. Loranger d’évaluer 12 griefs individuels, y compris celui de la plaignante, afin de déterminer si l’agent négociateur devait retirer son soutien à leur égard. Il s’agissait tous de griefs relatifs à une description de travail qui auraient pu être réglés par la mise en application de la description de travail CRC456.

26        Les griefs sur le contenu de la description de travail ne sont pas traités de la même façon que les autres griefs individuels. Lorsque le bureau national de l’Élément reçoit un grief sur le contenu de la description de travail, une lettre est envoyée au fonctionnaire s’estimant lésé afin que tous les renseignements pertinents soient soumis à l’agent négociateur pour examen (pièce 1, onglet 15). Le grief est évalué en fonction de ces renseignements. De plus, l’employeur doit fournir à l’agent négociateur la description de travail actuelle et la justification de la classification (pièce 1, onglets 18A à D), lesquelles sont évaluées en fonction des renseignements du fonctionnaire s’estimant lésé.

27        La plaignante n’a pas présenté de renseignements en réponse à la lettre du 2 août 2012, ou aux demandes de suivi du 7 mars 2013, envoyées par courriel (pièce 1, onglet 15). Selon les renseignements obtenus d’autres fonctionnaires s’estimant lésés, il a conclu que ces derniers étaient d’avis qu’ils auraient dû être classifiés au niveau CR-05 plutôt qu’au niveau CR-04. M. Loranger a examiné la justification de la classification de l’employeur ainsi que les postes repères et les descriptions de travail, qui indiquaient que le travail des fonctionnaires s’estimant lésés n’avait pas la complexité exigée pour justifier une classification à la hausse. De plus, les documents des fonctionnaires s’estimant lésés ne mentionnaient aucune responsabilité de supervision. En conséquence, il a avisé les fonctionnaires s’estimant lésés, y compris la plaignante, que l’agent négociateur allait retirer son soutien à l’égard des griefs et que ces derniers étaient retirés (pièce 1, onglet 5, page 5). Dans sa lettre, il a informé les fonctionnaires s’estimant lésés qu’ils devaient communiquer avec lui au plus tard le 21 août 2015, s’ils croyaient qu’il avait omis des éléments.

28        La plaignante a répondu (pièce 1, onglet 5, page 14). Son ton était colérique et elle était clairement contrariée par M. Loranger, déclarant à deux endroits dans la lettre qu’elle ne souhaitait plus communiquer avec l’agent négociateur à ce sujet. Par conséquent, M. Loranger n’a plus communiqué avec elle.

29        Comme l’a expliqué M. Loranger, en vertu de l’article 54 de la convention collective, sur demande écrite, un employé doit recevoir un exposé complet et courant des fonctions et responsabilités de son poste, sans toutefois lui garantir une description de travail qui comprend une énumération exhaustive des fonctions. Selon M. Loranger, pour obtenir gain de cause en arbitrage, la description de travail doit différer considérablement des fonctions actuelles du fonctionnaire s’estimant lésé. M. Loranger a conclu que, en ce qui concerne les descriptions de travail CR3787 et CRC456, un tel écart n’existait pas. M. Loranger l’aurait expliqué à la plaignante mais, en raison du ton de son courriel et de ses directives de ne plus communiquer avec elle, il ne l’a pas fait.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la plaignante

1. Plainte 561-02-609

30        Le défendeur a agi de façon arbitraire et de mauvaise foi puisqu’il a renoncé aux étapes qui sont normalement suivies dans le cadre de la procédure de règlement des griefs individuels, ou les a remplacées par d’autres protocoles et ententes conclus avec l’employeur. Le défendeur a tenté de rendre la plaignante responsable du traitement des griefs, ce qui est arbitraire, conformément à Noël c. Société d’énergie de la Baie James, 2001 CSC 39 et à Ménard c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 95. Le fait d’accorder à la plaignante la responsabilité de l’application d’une entente conclue par l’employeur en dehors de la convention collective, laquelle entente n’était pas rédigée et connue uniquement par le défendeur, va dans le sens de la définition d’« arbitraire », figurant au paragraphe 22 de Ménard, citant Noël,au paragraphe 50 :

[…][L]es concepts d’arbitraire et de négligence grave définissent la qualité de la représentation […]. L’élément de l’arbitraire signifie que, même sans intention de nuire, le syndicat ne saurait traiter la plainte d’un salarié de façon superficielle ou inattentive. Il doit faire enquête au sujet de celle-ci, examiner les faits pertinents ou obtenir les consultations indispensables, le cas échéant, mais le salarié n’a cependant pas droit à l’enquête la plus poussée. […]

31        Lorsque la plaignante a indiqué son intention de donner suite à son grief individuel, M. Weber et M. Sutcliffe lui ont dit de s’adresser aux Relations de travail afin de faire avancer les choses. Les renseignements que le défendeur lui a fournis étaient exacts en ce qui concerne le délai de transmission des griefs, mais il a été inutilement négligent dans sa façon de lui assigner les tâches.

2. Plainte 561-02-766

32        L’examen par M. Loranger des griefs portant sur les descriptions de travail CR3787 et CRC456 n’a été mené qu’en vue de déterminer si un grief de classification serait accueilli. Il n’a pas tenu compte de l’incidence de sa décision sur la plaignante. Son examen était exhaustif, mais le fait qu’il ait focalisé sur la reclassification a empêché l’ajout de tâches, ce qui, bien que n’ayant pas d’incidence sur sa classification, était important pour la plaignante, même lorsqu’elle présentait des éléments de preuve à l’appui de son grief.

33        Dans Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, [1984] 1 R.C.S. 509, la Cour suprême du Canada a déclaré qu’au moment de décider s’il faut appuyer un grief, un agent négociateur doit tenir compte de la signification et de l’importance du grief pour le fonctionnaire s’estimant lésé. Des fonctions peuvent être ajoutées à une description de travail même lorsque cela n’entraîne pas une reclassification (voir Aphantitis c. Conseil du Trésor (ministère de la Justice), 2014 CRTFP 85).

34        Un agent négociateur a le droit de prendre la mauvaise décision, dans la mesure où elle n’est pas arbitraire (voir McFarlane c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2015 CRTEFP 27). Recourir à la possibilité de reclassification était arbitraire. La plaignante n’a pas présenté un grief de classification; le défendeur est complètement passé à côté de l’objet de son grief.

35        L’agent négociateur doit examiner tous les faits et les renseignements pertinents, pas seulement le volume de griefs (voir Judd v. Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 2000, 2003 CanLII 62912). L’éventualité d’une reclassification n’est pas pertinente à l’ajout de fonctions à une description de travail au moyen d’un grief relatif à une description de travail.

36        Le défendeur n’a pas tenu compte de la situation de la plaignante, il a plutôt appliqué de façon arbitraire une pratique générale. La décision a été prise sans tenir compte des conséquences en question, ce qui n’était pas raisonnable (voir Jakutavicius c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2005 CRTFP 70).

B. Pour le défendeur

37        La plaignante avait le fardeau d’établir l’existence d’une contravention au devoir de représentation équitable. Elle ne l’a pas fait. L’article 187 de la LRTFP codifie ce devoir. Il est interdit à un agent négociateur d’agir envers un employé de l’unité de négociation de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Au moment de décider s’il faut donner suite à un grief individuel, la décision doit être prise selon des considérations pertinentes au lieu de travail (voir Judd), mais un agent négociateur n’est pas tenu de donner suite à tous les griefs (voir Bahniuk c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 13).

38        L’agent négociateur est responsable des griefs (voir Guilde de la marine marchande du Canada). Un fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas un droit absolu à l’arbitrage. L’agent négociateur doit toujours tenir compte de l’intérêt supérieur de l’unité de négociation. Le rôle de la Commission dans le cadre d’une telle plainte n’est pas d’entendre un appel sur le processus décisionnel du défendeur (voir Centre Hospitalier Régina Ltée c. Tribunal du travail, [1990] 1 R.C.S. 1330).

1. Plainte 561-02-609

39        En l’espèce, il s’agit de savoir si le défendeur a contrevenu à son devoir de représentation équitable dans le cadre de son traitement du grief G12-3971-108705. La plaignante a demandé qu’il soit mis en suspens jusqu’au 28 décembre 2012; le défendeur a accepté.

40        Comme rien n’est survenu après cette date, le 8 janvier 2013, M. Sutcliffe a proposé un plan d’action que la plaignante n’a pas suivi. Il a fait un suivi auprès d’elle le 8 février 2013; de nouveau, elle n’a pas suivi sa recommandation.

41        Le 8 février 2013, M. Weber a avisé la plaignante que son grief demeurait en suspens et qu’elle devait communiquer avec les Relations de travail pour le retirer. L’agent négociateur ne voulait pas le faire si la plaignante n’était pas prête à collaborer, puisque les délais commencent à courir dès que le grief n’est plus en suspens. Le défendeur savait ce que l’employeur voulait, mais il n’était pas certain des intentions de la plaignante. Même après le dépôt de la présente plainte, le défendeur a indiqué qu’il était prêt à donner suite au grief si la plaignante communiquait avec l’agent négociateur et fournissait les renseignements demandés. Plutôt que de le faire, elle a déposé la présente plainte.

42        La prolongation des délais relatifs aux griefs ou la mise en suspens de griefs font partie de la procédure normale de règlement des griefs individuels (voir Bahniuk,au paragraphe 57; Jackson; et Rudakov c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2015 CRTEFP 69, au paragraphe 64).

43        En outre, un fonctionnaire s’estimant lésé doit collaborer avec l’agent négociateur dans le cadre de la procédure de règlement des griefs individuels. Un agent négociateur ne peut représenter un fonctionnaire s’estimant lésé si ce dernier ne coopère pas. L’omission de collaborer avec l’agent négociateur, qui entraîne l’incapacité de ce dernier à travailler de façon productive avec le fonctionnaire s’estimant lésé, signifie que l’agent négociateur peut avoir le droit de retirer le grief (voir Mississauga (City), [2006] O.L.R.D. No. 2421, au paragraphe 39). Les fonctionnaires s’estimant lésés doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger leurs intérêts et collaborer avec leur agent négociateur (voir Ouellet c. Luce St-Georges et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 107, au paragraphe 32).

44        Le défendeur est d’avis qu’il a rempli son obligation à l’égard de la plaignante. Il a demandé que son grief individuel, soit le grief G12-3971-108705, soit transmis au quatrième palier de la procédure de règlement des griefs, comme elle l’a demandé. Lorsque l’employeur a refusé, le défendeur a tenté de préciser la position de la plaignante et sa volonté de participer à une consultation au premier palier de la procédure de règlement des griefs. Il lui a fourni des conseils sur la façon d’agir afin d’atteindre son objectif énoncé conformément aux dispositions de la convention collective.

45        Selon la preuve, la plaignante n’a pas fait suite à leurs recommandations et elle devrait assumer la responsabilité des conséquences de ses actions. Même en réponse à la présente plainte, lorsque le défendeur a exprimé son souhait d’aller de l’avant avec le grief G12-3971-108705, elle n’a rien fait. Rien dans la preuve n’indique que le défendeur a agi de façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard de la plaignante. Au contraire, selon la preuve, la plaignante ne voulait pas collaborer avec lui dans la poursuite son grief.

2. Plainte 561-02-766

46        La plaignante n’était pas d’accord avec la décision du défendeur de retirer ses griefs relatifs à une description de travail, après qu’un examen approfondi fondé sur les renseignements présentés à l’agent négociateur par les fonctionnaires s’estimant lésés visés, y compris la plaignante, ait été effectué par un agent des relations de travail expérimenté. Elle n’a fourni aucun renseignement à l’appui de ses griefs lorsqu’on lui en a fait la demande dans le cadre de l’examen du grief. Lorsqu’elle a eu la possibilité de contester la décision du défendeur et de fournir des éléments preuve expliquant pourquoi sa description de travail était inexacte, elle n’a rien fait. Elle a plutôt dit au défendeur de ne prendre aucune autre mesure à son égard et de ne plus communiquer avec elle. Plutôt que de collaborer au processus, elle a déposé une plainte.

47        Le défendeur a le droit de refuser de donner suite à un grief dans la mesure où ses décisions ne sont pas arbitraires, discriminatoires ou de mauvaise foi (voir McFarlane, aux paragraphes 39 à 41). Le défendeur n’a pas omis de représenter la plaignante après l’examen complet et approfondi de son grief relatif à une description de travail. Une lettre détaillée expliquant la décision du défendeur a été envoyée à la fonctionnaire. Le travail de l’agent négociateur consiste à décider quels griefs individuels seront poursuivis et lesquels ne le seront pas. C’est le fondement de son autorité.

48        Même si le défendeur a eu tort dans sa conclusion concernant les griefs individuels de la plaignante, à moins que la décision ne soit arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi, il n’y a eu aucune contravention au devoir de représentation équitable (voir Jakutavicius, au paragraphe 125). Il incombait à la plaignante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le défendeur a manqué à son devoir. Il a été clairement établi au moyen de la preuve que la fonctionnaire a obtenu de l’attention et des conseils au sujet de ses griefs, et que ces derniers ont été examinés par un agent des relations de travail expérimenté. Le défendeur a examiné les renseignements pertinents disponibles sur lesquels il a fondé sa décision. Il n’appartient pas à la Commission de mettre en doute la décision de l’agent négociateur; son rôle consiste à examiner les mesures prises et à établir si elles étaient arbitraires, discriminatoires ou de mauvaise foi.

IV. Décision

49        Les deux plaintes doivent être rejetées. Rien dans la preuve ne m’a convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le défendeur a agi d’une façon qui serait considérée comme arbitraire ou discriminatoire ou qui indique d’une façon quelconque qu’il a fait preuve de mauvaise foi. La preuve indique plutôt que l’agent négociateur s’est efforcé de traiter avec un membre qui manquait de précision dans ses communications et qui a souvent formulé des commentaires désobligeants au sujet de ses représentants, par exemple :

[Traduction]

Sauf le respect que je vous dois, votre réponse ci-dessous ne précise rien, comme c’est fréquemment le cas en ce qui concerne les communications avec le SDI et la section locale 24 en particulier […]

Et comme je l’ai déjà expliqué, ad nauseam, je me moque éperdument de ce qu’est « la pratique normale dans cette région » ou de vos hypothèses condescendantes au sujet de ma soi-disant incompréhension de l’application de l’expression « en suspens » – en particulier puisque je n’ai pas demandé de « mise en suspens » de plus de deux jours ouvrables en août 2012 […] Ma compréhension de toute convention collective est principalement valable et a été démontrée à de nombreuses reprises, que les responsables du SDI le reconnaissent ou non.

50        Voici un autre exemple, provenant des courriels de la plaignante (pièce 1, onglet 5, page 15) :

[Traduction]

[…] Vous et vos collègues ignorants à l’exécutif du SDI national devez le comprendre avant que vos bureaux tentent de me contacter de nouveau en ce qui concerne cette question. […] Ainsi, contrairement aux affirmations formulées à la fin de votre lettre, les résultats de votre évaluation ne me déçoivent pas du tout, puisque cela était tout à fait à prévoir étant donné la mauvaise gestion des dossiers par votre syndicat à ce jour et, en outre, ils font déjà l’objet d’une plainte en vertu de l’article 190. […] En conséquence, aucune autre mesure en ce qui concerne ce dossier n’est nécessaire de ma part à ce moment-ci ou à tout autre moment.

51        La communication suivante qu’elle a eue avec son employeur au sujet de la question de savoir si son grief était mis en suspens ou non est tout aussi confuse et agressive (pièce 1, onglet 14, page 8) :

[Traduction]

Sauf tout le respect que je vous dois, aucun débat n’a jamais été nécessaire; en dehors de certaines interprétations révélatrices de ma convention collective en ce qui concerne ce que je devrais ou ne devrais pas faire en tant que fonctionnaire s’estimant lésé, pourquoi laisser entendre que j’en poursuivrai un maintenant? La direction a été « informée de mon intention » par mes formulaires de transmission et une prolongation n’est pas un synonyme de « mise en suspens » ni ne s’y apparente dans aucun forum dont j’ai entendu parler […] Si la direction et ses représentants avaient l’obligeance de changer ce type de formulation condescendante de ses autres communications avec moi, je l’apprécierais grandement […].

52        Malgré les problèmes de communication de la plaignante, le défendeur doit respecter ses obligations, tel qu’il est établi Guilde de la marine marchande du Canada et prescrit à l’article 187 de la LRTFP, ainsi :

187 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

53        Il incombait à la plaignante d’établir que le défendeur a agi d’une manière qui a contrevenu à l’article 187 de la LRTFP. Il ne lui suffisait pas de démontrer qu’elle était insatisfaite de ses décisions, qu’elle n’approuvait pas la façon dont ses griefs individuels étaient traités conformément à un processus de mise en suspens établi, ou si elle avait une forme de respect pour les représentants des niveaux national et de l’Élément. Elle devait démontrer que les actions ou les inactions du défendeur, qu’elle a contestées, étaient arbitraires, discriminatoires ou de mauvaise foi.

54        La plaignante a soutenu dans sa plainte (561-02-766) que le défendeur avait contrevenu à son devoir de représentation équitable parce que M. Loranger n’avait pas effectué un examen complet et de bonne foi portant sur le bien-fondé de son grief relatif à une description de travail avant de conclure qu’il ne l’appuyait pas.

55        Je dois examiner la façon dont la décision a été prise afin de déterminer si la plaignante a démontré que le défendeur a agi de façon arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi lorsqu’il a conclu qu’il n’appuierait pas son grief. Je souscris au passage suivant de Jakutavicius, au paragraphe 126 :

N’étant pas tenue de porter les griefs en arbitrage, et en l’absence d’arbitraire, de discrimination ou de mauvaise foi, l’AFPC devrait conserver son plein pouvoir discrétionnaire de prendre ces décisions, car elle possède des droits exclusifs concernant la convention collective.Il importe de préciser que la défenderesse a sérieusement envisagé la possibilité de porter ce grief en arbitrage et a procédé à une analyse minutieuse et équitable avant de décider de ne pas le faire.

56        En l’espèce, je suis convaincue que le défendeur a sérieusement envisagé la possibilité de renvoyer le grief à l’arbitrage et qu’il a procédé à une analyse minutieuse et équitable avant de décider de retirer son appui au grief.

57        Rien dans le traitement des griefs individuels par M. Loranger (dossier 561-02-766) n’était arbitraire ou discriminatoire; de plus, l’évaluation par l’agent négociateur de la question de savoir si son grief serait accueilli ou non n’a pas été faite de mauvaise foi. M. Loranger a suivi un processus très détaillé, qui comprenait la recherche d’information auprès de la plaignante à deux occasions (pièce 1, onglet 15) et l’obtention des descriptions de travail (pièce 1, onglet 18). Il n’aurait pas pu tenir compte de [traduction] « […] l’incidence importante sur la soumission de [la plaignante] dans le lieu de travail en temps qu’employée féminine racialisée » comme l’a écrit la plaignante parce qu’elle n’a fourni aucun renseignement pour appuyer ses griefs relatifs à une description de travail lorsqu’elle en a reçu la demande.

58        Dans le cadre de l’évaluation d’un grief, un agent négociateur doit examiner tous les faits et les renseignements pertinents et garder à l’esprit les conséquences pour le fonctionnaire s’estimant lésé (voir Jakutavicius et Judd). Toutefois, l’obligation du fonctionnaire s’estimant lésé de collaborer avec l’agent négociateur va de pair avec les obligations de ce dernier (voir Mississauga (City)) et, en l’espèce, il aurait fallu qu’elle fournisse à M. Loranger les renseignements requis pour évaluer son grief.

59        L’agent négociateur est responsable des griefs visant l’interprétation ou l’application d’une disposition d’une convention collective (voir Guilde de la marine marchande du Canada). Le pouvoir de prolonger les délais et de tenir les griefs en suspens fait partie de ce rôle (voir Bahniuk, Rudakov et Jackson). Lorsque le défendeur a appris que la plaignante souhaitait que son grief ne soit plus en suspens et qu’il soit transmis au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, il a eu des préoccupations légitimes en ce qui concerne ses communications et son absence de volonté de collaborer avec l’agent négociateur pour parvenir à cet objectif.

60        Plutôt que d’adopter un plan d’action qui aurait pu entraîner le non-respect des délais, l’agent négociateur a laissé le grief G12-3971-108705 en suspens, avec l’accord de l’employeur, jusqu’à ce que la plaignante indique si elle souhaitait une consultation au premier palier. Contrairement à son interprétation de la clause 18.11 de la convention collective (pièce 1, onglet 8), elle n’avait aucun droit de passer outre les paliers 1 à 3 du processus de règlement des griefs. Le défendeur a péché par excès de prudence et a laissé le grief en suspens, jusqu’à ce que le défendeur retire son appui après l’examen de M. Loranger.

61        La plaignante pouvait ne pas approuver le traitement par le défendeur de ses griefs et ne pas être satisfaite de ses décisions, mais cela ne signifie pas que le défendeur a manqué à son devoir de représentation équitable.

62        Pour toutes ces raisons, la plaignante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

63        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

64        Les plaintes 561-02-609 et 561-02-766 sont rejetées.

Le 20 juillet 2016.

Traduction de la CRTEFP

Margaret T.A. Shannon,
une formation de la Commission des relations de travail
et de l’emploi dans la fonction publique
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