Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

En octobre 2015, le demandeur a présenté une demande de révocation de l’accréditation en vertu de l’article 94 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique – la convention collective de l’unité de négociation en question était venue à échéance en juin 2015 et le défendeur et l’intervenant étaient en cours de négociation au moment où la Commission a reçu la demande – la Commission a informé les parties qu’une question relative au respect des délais avait été soulevée en ce qui concerne la demande de révocation et elle leur a demandé de présenter des arguments sur la capacité de présenter une demande de révocation alors que l’avis de négocier a déjà été signifié – même si, selon la jurisprudence de l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique, les demandes de révocation doivent être produites avant la signification d’un avis de négocier, les articles de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique traitant de la révocation d’accréditation ont été reformulés et restructurées depuis, et l’obligation d’avoir une convention collective en vigueur et établissant une période ouverte uniforme pour tous les types de demandes a été supprimée – l’article parle maintenant de l’« application » de la convention collective à l’égard des employés de l’unité de négociation – selon l’article 55, la période de présentation d’une demande de révocation n’est pas limitée aux deux derniers mois d’application de la convention collective – les demandes de révocation peuvent être présentées durant les deux derniers mois d’application de la convention collective et à n’importe quel moment par la suite, jusqu’à la signature d’une nouvelle convention collective. Objection rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

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  • Date:  2016-07-04
  • Dossier:  550-18-10
  • Référence:  2016 CRTEFP 60

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

AJAY LALA

demandeur

et

LES TRAVAILLEURS UNIS DE L’ALIMENTATION ET DU COMMERCE, SECTION LOCALE 401

défendeur

et

PERSONNEL DES FONDS NON PUBLICS, FORCES CANADIENNES

défendeur

Répertorié
Lala c. Les travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 401 et Personnel des Fonds non publics, Forces canadiennes


Affaire concernant une demande de révocation d’accréditation en vertu de l’article 94 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Décision provisoire sur le délai de présentation de la demande


Devant:
David Olsen, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour le demandeur:
Lui-même
Pour le défendeur:
Robert Szollosy, avocat
Pour le défendeur:
Adrian Scales, Personnel des Fonds non publics, Forces canadiennes
Décision rendue sur la base d’arguments écrits déposés
le 31 mars 2016 et le 1er avril 2016.
(Traduction de la CRTEFP)

DÉCISION PROVISOIRE SUR LE DÉLAI DE PRÉSENTATION DE LA DEMANDE

I. Demande devant la Commission

1        L’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) prévoit que la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission ») peut trancher toute affaire ou question dont elle est saisie sans tenir d’audience. Après avoir examiné tous les documents au dossier, la Commission est convaincue que les documents qui lui ont été présentés suffisent pour lui permettre de trancher cette affaire sans audience.

II. Nature de la demande

2        Le 26 octobre 2015, Ajay Lala (le « demandeur ») a déposé une demande de révocation d’accréditation en vertu de l’article 94 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « LRTFP ») en ce qui concerne l’unité de négociation pour laquelle le défendeur, Les travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 401 (l’« agent négociateur »), était accrédité. Le motif cité à l’appui de la demande était que l’organisation syndicale ne représentait plus une majorité des employés de l’unité de négociation.

3        Le 26 septembre 1985, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») a accrédité l’agent négociateur à titre d’agent négociateur pour tous les employés de la catégorie Exploitation, au service de la base des Forces canadiennes à Edmonton, en Alberta (la « BFC »), hormis les gestionnaires et les employés de catégorie II.

4        L’employeur est Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le Personnel des Fonds non publics, Forces canadiennes, BFC d’Edmonton.

5        L’unité de négociation comprend des employés qui travaillent à la salle à manger, au centre de conditionnement physique, à l’aréna, au CANEX Expressmart, aux magasins des alcools et aux commerces de détail, ainsi qu’aux clubs de golf et de curling de la BFC d’Edmonton.

6        L’agent négociateur et l’employeur étaient des parties à une convention collective, laquelle est entrée en vigueur le 1er juillet 2012, et est venue à échéance le 30 juin 2015 (la « convention collective »). L’agent négociateur a signifié à l’employeur un avis de négocier le 4 mars 2015.

7        Le 14 mars 2016, la Commission a écrit aux parties afin de les informer que, dans le cadre des délibérations sur les questions soulevées par l’agent négociateur afin de rejeter la demande de façon préliminaire, qui fait l’objet d’une autre décision provisoire en date du 4 juillet 2016, une question a été soulevée quant au délai de présentation de la demande de révocation.

8        La lettre comprenait une liste des faits pertinents au délai de présentation qui, selon la Commission, n’étaient pas contestés. Les articles 94 et 55 de la LRTFP étaient également cités dans la lettre. Enfin, on y informait les parties que la Commission était au courant des décisions rendues par son prédécesseur, l’ancienne CRTFP, le Conseil canadien des relations de travail (le « CCRT »), qui était le prédécesseur du Conseil canadien des relations industrielles (le « CCRI ») et d’autres conseils de relations de travail qui ont abordé la question du délai de présentation d’une demande de révocation.

9        En particulier, la jurisprudence de la CRTFP est contradictoire relativement à l’interprétation de dispositions législatives pratiquement identiques visant à restreindre les demandes de révocation aux deux derniers mois d’une convention collective existante, tout en permettant les demandes d’accréditation et de déplacement, non seulement au cours des deux derniers mois d’une convention collective, mais jusqu’à la signature d’une nouvelle convention collective.

10        La Commission a demandé aux parties de présenter leurs observations sur le délai de présentation de la demande au plus tard le 24 mars 2016. Chacune des parties a ensuite eu l’occasion de répondre aux observations initiales au plus tard le 1er avril 2016.

11        En vertu d’une lettre en date du 21 mars 2016, la date limite pour présenter les observations a été prolongée jusqu’au 1er avril 2016, et jusqu’au 8 avril 2016 pour les réponses.

12        Le 31 mars 2016, le demandeur a présenté ses observations.

13        Le 1er avril 2016, l’employeur a présenté ses observations.

14        Le 1er avril 2016, l’agent négociateur a informé la Commission qu’il ne présenterait aucune observation sur la question du délai de présentation de la demande.

III. Les dispositions législatives actuelles

15        Le 16 juin 2015, les dispositions sur la révocation de la LRTFP ont été modifiées par la Loi sur le droit de vote des employés (L.C. 2014, ch. 40, la « LDVE ») et sont désormais libellées comme suit :

[…]

94 (1) Quiconque affirme représenter au moins quarante pour cent des fonctionnaires d’une unité de négociation régie par une convention collective ou une décision arbitrale encore en vigueur peut demander à la Commission de déclarer non représentative l’organisation syndicale accréditée pour cette unité.

(2) La demande ne peut être présentée qu’au cours de la période pendant laquelle il est permis, aux termes de l’article 55, de solliciter l’accréditation à l’égard des fonctionnaires de l’unité de négociation.

[…]

16        L’article 55 de la LRTFP établit les délais pour présenter les demandes d’accréditation.

17         La convention collective avait une durée supérieure à deux ans, mais n’était pas en vigueur pour une période indéfinie.

18         Dans le cas d’une convention collective dont le mandat est de plus de deux ans, sans être indéfini, le paragraphe 55(2) prévoit ce qui suit :

55(2) L’organisation syndicale qui veut demander à la Commission de l’accréditer comme agent négociateur d’une unité de négociation comprenant des fonctionnaires déjà régis par une convention collective ou une décision arbitrale d’une durée supérieure à deux ans ne peut le faire que :

a) soit entre le début du vingt-troisième mois et celui du vingt-cinquième mois d’application de la convention ou de la décision;

b) soit pendant les deux derniers mois de chaque année d’application de la convention ou de la décision, à partir de la troisième année;

c) soit après le début de l’avant-dernier mois d’application de la convention ou de la décision.

IV. La demande a-t-elle été présentée dans les délais impartis?

19        Le délai de présentation de la demande donne lieu au rapprochement d’intérêts différents.

20        Tout d’abord, en vertu de l’article 5 de la LRTFP, les employés sont libres d’adhérer à l’organisation syndicale de leur choix et de prendre part à leurs activités licites. En vertu de l’article 96, lorsque les employés d’une unité de négociation concluent que l’agent négociateur accrédité ne représente plus une majorité d’entre eux, ils peuvent déposer une demande auprès de la Commission afin de révoquer l’accréditation de l’agent négociateur.

21        Les intérêts divergents résident dans le fait qu’il devrait y avoir une mesure de stabilité dans la relation entre l’employeur, l’agent négociateur et les employés de l’unité de négociation appropriée, lorsque cette relation est régie par une convention collective. Le Parlement a abordé la façon de réussir à rapprocher ces intérêts dans les dispositions de la LRTFP, qui ont changé et évolué au fil des ans.

V. Observations sur la question du délai de présentation de la demande

A. Pour le demandeur

22        Le demandeur affirme qu’il a déposé sa demande de bonne foi. Il est d’avis qu’il agissait conformément aux délais appropriés.

B. Pour l’agent négociateur

23        L’agent négociateur et défendeur n’a présenté aucune observation quant à la question du délai de présentation de la demande et il n’a pas répondu aux observations du demandeur ou de l’employeur.

C. Pour l’employeur

24        Dans les faits, cette demande de révocation a été présentée après l’arrivée à échéance de la convention collective et avant l’entrée en vigueur de la nouvelle convention collective.

25        Dans Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex [2002] 2 RCS 559, la Cour suprême du Canada a confirmé la formulation de Elmer Driedger quant à l’approche à l’égard de l’interprétation des lois, comme suit : « Aujourd’hui, il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur ». Il est aussi soulevé que, dans le contexte fédéral, l’approche de M. Driedger est renforcée par l’article 12 de la Loi d’interprétation (L.R.C. (1985), ch. I-21), qui indique ce qui suit : « Tout texte est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet ».

26        Ces principes devraient orienter l’analyse de la LRTFP.

27        Le droit et les politiques du travail à l’échelle du Canada reconnaissent le droit d’un employé à sélectionner un agent négociateur de son choix. La loi prévoit des processus exhaustifs pour permettre aux employés d’exercer ce droit. Les dispositions auxquelles on renvoie le plus souvent sont celles liées aux processus et aux procédures de demande d’accréditation.

28        Le droit des membres de l’unité de négociation de présenter une demande en vue de révoquer l’accréditation de leur agent négociateur est une composante importante des politiques sociales et du travail. Par conséquent, les lois en matière de travail leur accordent le droit d’annuler l’accréditation de leur agent négociateur, conformément aux règles et aux règlements prescrits.Un agent négociateur qui fait du maraudage syndical peut aussi présenter une demande en vue de déplacer un agent négociateur actuel ou accrédité et d’accréditer des membres de l’unité de négociation dans des circonstances particulières, qui sont souvent parallèles au droit d’annuler la certification.

29        L’article 94 de la LRTFP accorde aux membres d’une unité de négociation le droit de révoquer l’accréditation de leur agent négociateur dans des circonstances où une personne qui affirme représenter au moins 40 p. 100 des employés d’une unité de négociation régie par une convention collective ou une décision arbitrale peut demander à la Commission de déclarer que l’organisation syndicale accréditée pour cette unité ne représente plus une majorité des employés de l’unité de négociation. La demande ne peut être présentée qu’au cours de la période pendant laquelle il est permis, aux termes de l’article 55, de solliciter l’accréditation d’une organisation syndicale.

30        Dès l’obtention d’une preuve selon laquelle le seuil exigé d’appui parmi les membres de l’unité de négociation est atteint, un demandeur peut présenter une demande de révocation de l’accréditation.

31        Afin d’assurer la stabilité des relations de travail dans un milieu de travail, la LRTFP établit le délai à l’intérieur duquel une demande de révocation de l’accréditation est présentée.

32        Le paragraphe 55(2) indique qu’une demande d’accréditation peut être présentée si une convention collective dont la durée est de plus de deux ans s’applique aux employés de l’unité de négociation proposée pour laquelle une organisation syndicale cherche à être accréditée.

33        Conformément à l’alinéa 55(2)c), une demande est présentée à l’intérieur des délais prescrits « […] après le début de l’avant-dernier mois d’application […] » et après l’arrivée à échéance de la convention collective. Il convient de souligner que cet article ne mentionne pas que pour que la demande de révocation de l’accréditation soit considérée comme ayant été présentée dans les délais impartis, elle doit être présentée dans les derniers mois d’application de la convention collective.

34        Une fois que l’avis de négocier est signifié, une convention collective continue de s’appliquer à ses signataires au-delà de son arrivée à échéance, en vertu de l’article 107 de la LRTFP, qui maintient en vigueur l’application de chacune des conditions d’emploi de la convention collective jusqu’à la signature d’une nouvelle convention collective, qu’une décision arbitrale soit rendue ou qu’une grève légale soit déclarée ou autorisée.

35        Le libellé de l’alinéa 55(2)c) et de l’article 107 rendent une demande de révocation d’accréditation opportune dès le début des deux derniers mois d’application de la convention collective, jusqu’à ce que l’un des événements indiqués dans le paragraphe précédent survienne.

36        Si le législateur avait eu l’intention de limiter la période ouverte aux deux derniers mois d’application d’une convention collective, il aurait inclus un libellé clair dans la LRTFP, qui délimiterait cette période. Il n’y a aucun libellé dans la LRTFP qui limite la présentation d’une demande de révocation de l’accréditation aux deux derniers mois d’application de la convention collective.

37        Il y a une différence entre une convention collective qui « s’applique » et une qui est « en vigueur ». Tel qu’il a été mentionné, une convention collective et ses modalités s’appliquent au-delà la période négociée pendant laquelle elle est en vigueur, conformément à l’article 107 de la LRTFP.Une convention collective est en vigueur pendant sa durée prévue, tel qu’il a été négocié par les parties.La différence entre une convention collective qui « s’applique » et une qui est « en vigueur » est amplifiée par l’utilisation des termes ailleurs dans la LRTFP.À titre d’exemple, l’alinéa 194(1)b) de la LRTFP prévoit qu’aucune organisation syndicale ou aucun représentant de l’organisation ne peut autoriser une grève, ou encore la participation de fonctionnaires à une telle grève si « une convention collective est en vigueur pour l’unité de négociation […] » [je souligne].

38        Une grève n’est pas légale lorsqu’une convention collective qui s’applique aux parties est en vigueur. La LRTFP reconnaît qu’il faut établir une distinction entre ces deux termes.Une convention collective peut continuer de s’appliquer à ses signataires même si elle n’est pas en vigueur.

39        On doit également renvoyer au paragraphe 105(2) de la LRTFP, qui prévoit le moment où l’avis de négociation collective peut être signifié, comme suit :

                   105 (2) […]

a) n’importe quand, si aucune convention collective ni aucune décision arbitrale n’est en vigueur et si aucune des parties n’a présenté de demande d’arbitrage au titre de la présente partie;

b) dans les douze derniers mois d’application de la convention collective ou de la décision arbitrale qui est alors en vigueur.

[Je souligne]

Il est possible de signifier un avis de négociation lorsqu’une convention collective est en vigueur, c’est-à-dire pendant sa durée négociée, ou une fois qu’elle n’est plus en vigueur, c’est-à-dire après l’arrivée à échéance de sa durée négociée. Un examen des lois antérieures qui ont été des précurseurs de la LRTFP renforce cet argument.

40        L’article 42 de l’ancienne LRTFP, qui contenait les dispositions de révocation d’accréditation, stipulait que, lorsqu’une convention collective ou une décision arbitrale était en vigueur pour une unité de négociation, quiconque affirme représenter une majorité des employés de négociation pouvait présenter une demande de révocation de l’accréditation.

41        Le paragraphe (2) prévoyait que, dans le cas d’une convention collective dont le mandat est des plus de deux ans, la demande pouvait être présentée uniquement après le début du 23e mois et avant le 25e mois, au cours de la période de deux mois qui précède immédiatement la fin de chaque année où elle continue de s’appliquer après la deuxième année de son application, ou après le début de ses deux derniers mois d’opération.

42        Une convention collective qui était « en vigueur » conformément à l’article 42 de l’ancienne LRTFP en était une dont la durée d’application n’était pas arrivée à échéance. Par conséquent, et conformément à l’alinéa 42(2)b) de la LRTFP, une demande était opportune lorsqu’elle était déposée au cours des deux derniers mois d’application de la convention collective.

43        On doit donner effet au libellé que les rédacteurs ont utilisé lorsqu’ils ont modifié l’article 55 de la LRTFP. Le législateur aurait pu inclure l’expression « en vigueur » dans cet article, mais il ne l’a pas fait.Il aurait pu le faire avec l’avantage de connaître son interprétation, fondée sur les interprétations de la jurisprudence pour ce terme en vertu de l’ancienne LRTFP. Le législateur a plutôt choisi d’utiliser le terme « s’applique ».

44        Qui plus est, les politiques de relations de travail exigent une interprétation large de la LRTFP. Une interprétation étroite de son article 55 limiterait le droit des employés de choisir l’agent négociateur de leur choix et limiterait le droit des syndicats de présenter une demande d’accréditation.Une interprétation large est conforme aux politiques sociales et de relations de travail.

45        À la lumière de ces faits, l’employeur laisse entendre qu’une demande de révocation d’accréditation est présentée en temps opportun tant que la convention collective s’applique et que la demande est présentée n’importe quand après le début des deux derniers mois d’application de la convention collective.

46        La demande en l’espèce a été déposée après le début des deux derniers mois d’application de la convention collective. La convention collective continuait de s’appliquer à l’employeur et à l’agent négociateur le 26 octobre 2015, soit la date à laquelle la demande a été présentée.Étant donné que le renouvellement de la convention collective n’avait été signé au moment de la présentation de la demande, cette dernière a été présentée dans les délais impartis.

VI. Discussion et analyse

Les faits ne sont pas contestés. L’agent négociateur et l’employeur sont des parties à une convention collective qui a été ratifiée le 1er décembre 2012, et qui est arrivée à échéance le 30 juin 2015. L’agent négociateur a signifié à l’employeur un avis de négocier le 4 mars 2015.

47        Le 26 octobre 2015, le demandeur a présenté une demande de révocation de l’accréditation en vertu de l’article 94 de la LRTFP.

A. Évolution législative et jurisprudentielle

1. Décisions de la CRTFP en vertu des dispositions de l’ancienne LRTFP

a. Délai de présentation de la demande de révocation

48        Dans Lansey et Alliance de la fonction publique du Canada, une décision en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique [1987] C.P.S.S.R.B. no 40, l’ancienne Commission devait interpréter les dispositions relatives à la révocation de l’accréditation de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qui étaient prévues à l’article 41 et qui indiquaient ce qui suit :

          41(1) Lorsqu’une convention collective ou une décision arbitrale est en vigueur relativement à une unité de négociation, toute personne faisant valoir qu’elle représente la majorité des employés de cette unité de négociation peut, conformément au paragraphe (2), demander à la Commission de déclarer que l’association d’employés accréditée à titre d’agent négociateur de cette unité de négociation ne représente plus la majorité des employés de celle-ci.

(2) Une demande prévue au paragraphe (1) peut être faite :

a) si la convention collective ou la décision arbitrale a une durée d’au plus deux ans, seulement après le début de l’avant-dernier mois de son application;

b) si la convention collective ou la décision arbitrale a une durée de plus de deux ans, seulement après le début du vingt-troisième mois de son application et avant le début du vingt-cinquième mois de son application, pendant la période de deux mois qui précède immédiatement la fin de chaque année de son application au-delà de la seconde année ou après le début de l’avant-dernier mois de son application, selon le cas; et

c) si la convention collective dispose qu’elle continuera d’être appliquée après l’expiration du terme y spécifié, pendant un autre terme ou plusieurs termes consécutifs, dans l’hypothèse où aucune des parties ne donne à l’autre un avis de dénonciation ou de son désir de négocier soit le renouvellement, avec ou sans modifications, de la convention, soit l’établissement d’une nouvelle convention collective, à tout moment permis par l’alinéa a) ou l’alinéa b), selon le cas, ou pendant la période de deux mois précédant immédiatement la fin de chacune des années d’application de la convention qui sont postérieures au terme y spécifié.

[…]

49        La CRTFP a accueilli l’argument de l’agent négociateur titulaire selon lequel la formule introductive du paragraphe 41(1), « […] [l]orsqu’une convention collective ou une décision arbitrale est en vigueur relativement à une unité de négociation […] » constituait une condition préalable à laquelle il fallait satisfaire avant que le demandeur puisse présenter une demande de révocation. Étant donné que la convention collective dans cette affaire était arrivée à échéance, elle a conclu que la demande n’avait pas été présentée en temps opportun.

50        La CRTFP a indiqué ce qui suit à la page 14 : « Étant donné la clarté du libellé du paragraphe 41(1), il n’y a vraiment pas lieu de nous demander si cette condition suspensive est réellement utile du point de vue des relations de travail ou de tenter de déterminer pourquoi le Parlement l’a adoptée ».

51        Dans Danyluk c. Union internationale des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 832,2004 CRTFP 76,la Commission des relations de travail dans la fonction publique a suivi le même raisonnement que dans Lansey.Mis à part la renumérotation de l’article dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique à l’article 42, le libellé de l’article était identique à celui examiné dans Lansey.

52        Toutefois, au moment de l’interprétation d’un libellé semblable relativement aux demandes d’accréditation et aux demandes de déplacement (incursions), la CRTFP est arrivée à la conclusion opposée.

b. Délai de présentation des demandes d’accréditation en vertu de la LRTFP

53        La CRTFP a rejeté l’argument selon lequel une demande d’accréditation pouvait uniquement être produite pendant la période où une convention collective était en vigueur au moment d’interpréter les articles de la LRTFP qui régissaient le moment où une demande d’accréditation pouvait être présentée.

54        Dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) c.Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 142-02-286 (19881214), [1988] C.R.T.F.P.C.no. 361 (QL), l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) a demandé une accréditation pour des employés du groupe Vérification. Depuis sa première accréditation, l’Alliance de la fonction publique du Canada (l’AFPC) était l’agent négociateur.Une convention collective conclue entre l’employeur et l’AFPC, qui a été prolongée en vertu de la Loi sur les restrictions salariales du secteur public, était arrivée à échéance le 20 avril 1987.

55        L’IPFPC a présenté une demande d’accréditation le 24 juin 1988, après l’arrivée à échéance de la convention collective.L’AFPC et l’employeur dans cette affaire ont signé une nouvelle convention collective le 19 août 1988.

56        L’AFPC a déclaré qu’étant donné que la demande avait été présentée après l’arrivée à échéance de la convention collective, elle ne pouvait être reçue.

57        L’article 27 et le paragraphe 30(2) de l’ancienne LRTFP indiquaient en partie ce qui suit :

          27. Une association d’employés désirant être accréditée à titre d’Agent négociateur pour un groupe d’employés qui, à son avis, constitue une unité d’employés habile à négocier collectivement peut, sous réserve de l’article 30, demander à la Commission, de la manière prescrite, d’être accréditée à titre d’agent négociateur de l’unité de négociation proposée.

[…]

          30. (2) Lorsqu’une convention collective ou une décision arbitrale d’une durée de plus de deux ans est en vigueur, une association d’employés ne peut demander à la Commission d’être accréditée, à titre d’agent négociateur pour tout employé de l’unité de négociation à laquelle s’applique la convention ou la décision arbitrale, que 

a) après le début du vingt-troisième mois et avant le début du vingt-cinquième mois d’application de la convention ou la décision arbitrale;

b) pendant la période de deux mois qui précède immédiatement la fin de chaque année d’application de la convention ou de la décision arbitrale au-delà de la seconde année; ou

c) après le début de l’avant-dernier mois d’application de la convention.

58        L’AFPC a fait valoir qu’étant donné quel’article 27 de la LRTFP était assujetti à l’article 30, et que l’article 30 faisait référence à une convention collective ou une décision arbitrale en vigueur, une demande ne peut être déposée que pendant l’existence d’une convention collective et pendant les périodes indiquées dans cette dernière.

59        L’AFPC m’a renvoyé à ce qu’elle considérait comme la situation analogue étudiée par la LRTFP pour les demandes de révocation de l’accréditation où il est évident qu’une convention collective doit être en vigueur lorsque la demande est présentée.Elle a affirmé que le régime législatif pour une demande présentée en vertu de l’article 27 de la LRTFP, sous réserve des dispositions prévues à l’article 30, était identique à celui dans le cas d’une demande de révocation présentée en vertu de l’article 41, comme la CRTFP l’avait conclu dans Lansey.

60        L’IPFPC a affirmé qu’il n’y avait aucune condition préalable pour une demande de déplacement et que l’article 30 prévoyait une période ouverte afin qu’une demande de déplacement soit présentée pendant l’existence d’une convention collective à certains moments donnés. L’IPFPC a ajouté que, selon l’article 30, une demande pouvait être présentée après l’arrivée à échéance de la convention collective.

61        La CRTFP a rejeté l’objection relative au délai et a indiqué ce qui suit, à l’article 34 :

34. La Comission croit que la condition préalable figurant à l’article 41 de la Loi, traitant des demandes de révocation de certificats délivrés par la Commission, ne s’applique pas aux demandes d’accréditation fondées sur l’article 27 […]. Les dispositions de l’article 30 s’appliquent et le moment auquel une demande fondée sur l’article 27 peut être présentée est assorti de conditions uniquement lorsqu’une convention collective est en vigueur. En l’espèce, la demande a été présentée après l’expiration de la convention collective et avant la conclusion d’une nouvelle convention. Par conséquent, elle est recevable. L’objection présentée par l’intervenante, à savoir que la demande est irrecevable, est donc rejetée.

2. Conséquences de la jurisprudence contradictoire ayant fait l’objet de décisions en vertu de la LRTFP

62        En raison de cette jurisprudence contradictoire, les agents négociateurs qui souhaitaient présenter des demandes de déplacement pouvaient le faire au cours des deux derniers mois d’application de la convention collective, jusqu’à la signature d’une nouvelle convention collective. Toutefois, les employés qui cherchent à révoquer l’accréditation de leur agent négociateur étaient limités à la période qui précède immédiatement l’arrivée à échéance de la convention collective, malgré le fait que les libellés portant sur la période ouverte étaient pratiquement identiques.

3. Modifications à l’ancienne LRTFP, qui est devenue la LRTFP actuelle le 1er avril 2005                                                                                                  

63        L’ancienne LRTFP a été modifiée et a été renommée la nouvelle LRTFP. Elle est entrée en vigueur le 1er avril 2005.

64        Les dispositions sur la révocation de l’accréditation ont été modifiées et adoptées de nouveau auxarticles 94 et 55. L’article 94 est libellé comme suit :

          94 (1) Quiconque affirme représenter la majorité des fonctionnaires d’une unité de négociation régie par une convention collective ou une décision arbitrale encore en vigueur peut demander à la Commission de déclarer non représentative l’organisation syndicale accréditée pour cette unité.

          (2) La demande ne peut être présentée qu’au cours de la période pendant laquelle il est permis, aux termes de l’article 55, de solliciter l’accréditation à l’égard des fonctionnaires de l’unité de négociation.

65        Les dispositions relatives aux moments où des demandes d’accréditation peuvent être présentées ont également été modifiées et adoptées de nouveau au paragraphe 55(2), comme suit :

55(2) L’organisation syndicale qui veut demander à la Commission de l’accréditer comme agent négociateur d’une unité de négociation comprenant des fonctionnaires déjà régis par une convention collective ou une décision arbitrale d’une durée supérieure à deux ans ne peut le faire que :

a) soit entre le début du vingt-troisième mois et celui du vingt-cinquième mois d’application de la convention ou de la décision;

b) soit pendant les deux derniers mois de chaque année d’application de la convention ou de la décision, à partir de la troisième année;

c) soit après le début de l’avant-dernier mois d’application de la convention ou de la décision.

4. Modifications à la LRTFP par suite de la LDVE, en vigueur à partir du 16 juin 2015

66        Tel qu’il a été indiqué plus tôt, le 16 juin 2015, les dispositions sur la révocation de la LRTFP ont été modifiées par la LDVE et prévoient maintenant ce qui suit :

[…]

94 (1) Quiconque affirme représenter au moins quarante pour cent des fonctionnaires d’une unité de négociation régie par une convention collective ou une décision arbitrale encore en vigueur peut demander à la Commission de déclarer non représentative l’organisation syndicale accréditée pour cette unité.

(2) La demande ne peut être présentée qu’au cours de la période pendant laquelle il est permis, aux termes de l’article 55, de solliciter l’accréditation à l’égard des fonctionnaires de l’unité de négociation.

[…]

67        La LDVE n’a pas modifié l’article 55 de la LRTFP.Il demeure identique aux dispositions indiquées plus tôt dans la présente décision.

5. Résumé des modifications législatives

68        Avant 2005, les articles 41 et 42 de l’ancienne LRTFP établissaient les périodes pendant lesquelles des demandes de révocation de l’accréditation pouvaient être présentées.

69        Par suite des modifications de 2005, les articles de la LRTFP portant sur la révocation de l’accréditation ont été entièrement reformulés et restructurés.

70        La formule introductive de l’article, qui indique « [l]orsqu’une convention collective ou une décision arbitrale est en vigueur » a été supprimée de l’introduction de l’article.

71        L’article décrit maintenant les circonstances où les employés peuvent présenter une demande de révocation de l’accréditation, notamment que quiconque affirme représenter au moins quarante pour cent des fonctionnaires d’une unité de négociation régie par une convention collective peut demander à la Commission une déclaration de révocation de l’accréditation.

72        Le rédacteur législatif qui a rédigé les articles 41 et 42 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique avait utilisé une clause restrictive. L’ancienne Commission a interprété cette clause comme signifiant que la mesure dans la clause principale, c’est-à-dire la présentation de la demande de révocation, ne pouvait avoir lieu qu’une fois la condition satisfaite.

73        Le rédacteur législatif n’a pas utilisé une clause restrictive dans la rédaction de l’article 94.

74        Le moment où une demande de déclaration de révocation peut être présentée ne figure plus dans un article qui traite précisément de la révocation, mais plutôt à l’article 55 de la LRTFP, qui prévoit les moments où il est possible de présenter des demandes d’accréditation et de déplacement.

75        L’article 30, qui portait sur les délais dans l’ancienne LRTFP, faisait référence à une convention collective ou une décision arbitrale en vigueur, tandis que l’article 55 fait maintenant référence à une convention collective ou une décision arbitrale qui s’applique relativement aux employés de l’unité de négociation.

6. Évolution législative

76        Dans Gravel c. Cité de St-Léonard, [1978] 1 RCS 660 à la page 667, le juge Pigeon a conclu que les décideurs peuvent se fier à l’évolution législative pour faciliter l’interprétation : « L’historique d’une législation peut servir à l’interpréter parce que les textes antérieurs sont de nature à jeter de la lumière sur l’intention qu’avait le législateur en les abrogeant, les modifiant, les remplaçant ou y ajoutant ».

7. Présomptions d’interprétation

77        Ruth Sullivan, dans son texte Sullivan on the Construction of Statutes, sixième édition, indique ce qui suit à la page 662 :

[Traduction]

On suppose que les modifications apportées au libellé d’une disposition législative visent une certaine fin compréhensible : préciser la signification, corriger une erreur ou modifier la loi. Une législature ne se donnerait pas tout ce mal et n’engagerait pas toutes ces dépenses pour modifier une disposition sans motif.

78        Elle indique également ce qui suit, à la page 205 :

[Traduction]

La législature est réputée savoir tout ce qui est requis pour produire une loi rationnelle et efficace. Cette présomption a une très vaste portée. Elle attribue à la législature le vaste ensemble de connaissances connu sous le nom de faits législatifs, de même que la maîtrise du droit actuel, de la common law et du Code civil du Québec, ainsi que toute autre loi ordinaire, et de la jurisprudence qui interprète ces lois.

79        Même s’il est reconnu que les présomptions ne sont pas absolues et qu’elles peuvent être réfutées à la lumière de connaissances portées à l’attention de la législature, je conclus qu’il est approprié, dans les circonstances entourant la présente affaire, de les mettre en application.

80        Il y a une présomption d’interprétation selon laquelle la législature était au courant de la jurisprudence de la CRTFP lorsqu’elle a adopté la LRTFP en 2003, qui limitait les demandes de révocation aux deux mois précédant l’arrivée à échéance de la convention collective, tandis que les agents négociateurs pouvaient présenter une demande d’accréditation ou de déplacement au cours des deux mois précédant l’arrivée à échéance de la convention collective, jusqu’au moment de la signature d’une nouvelle convention.

81        La législature a entièrement reformulé la disposition sur la révocation : elle a supprimé la référence à la nécessité d’avoir une convention collective en vigueur, coupé de l’article la disposition portant sur les moments où une demande de révocation peut être présentée et lié la disposition aux dispositions générales qui établissent les moments où des demandes d’accréditation et de déplacement peuvent être présentées.

82        Selon moi, en procédant ainsi, la législature est réputée avoir changé la loi en ce qui concerne les demandes de révocation, afin de les traiter de la même manière que les demandes d’accréditation et de déplacement en établissant une période ouverte uniforme pour tous les types de demande.

83        L’article 55 de la LRTFP établit les périodes où il est possible de présenter une demande d’accréditation ou de déplacement. Il régit également les moments où il est possible de présenter une demande de révocation.Il a également été modifié en 2005, mais la modification ne visait pas les échéances pour présenter des demandes; par suite de la modification, le renvoi au fait que la convention collective devait être en vigueur a été supprimé.L’article parle maintenant d’une convention collective ou d’une décision arbitrale qui s’applique aux employés de l’unité de négociation.C’est l’article 30 antérieure de l’ancienne LRTFP, soit leprédécesseur de l’article 55,que l’ancienne Commission a interprété comme ne constituant pas une condition préalable à la présentation d’une demande de déplacement.

84        Je suis d’accord avec cette explication. Les articles 94 et 55 ont pour but d’établir une période ouverte, pendant laquelle les employés peuvent choisir de remplacer leur agent négociateur actuel ou d’annuler son accréditation.

85        Selon moi, l’ensemble de ces circonstances ne constitue pas l’établissement de conditions préalables à la présentation d’une demande. À l’article 94, la législature ne fait que décrire les circonstances factuelles, et à l’article 55, les dispositions opérationnelles, afin d’établir les échéances pour la période ouverte pendant laquelle une demande d’accréditation, d’annulation d’accréditation ou de révocation peut être présentée.

86        Que la législature parle d’une convention collective en vigueur, des parties liées par une convention collective ou qu’une convention collective s’applique, elle décrit l’une des circonstances qui déclenchent le début d’une période ouverte.

87        Le libellé du Code canadien du travail est intéressant, en ce qu’il utilise des termes pratiquement identiques et qu’il n’a jamais été interprétée comme établissant des conditions préalables à la présentation d’une demande d’accréditation, de déplacement ou de révocation, dont j’aborderai la jurisprudence dans la prochaine section.

88        Je conclus que, selon la Loi, telle qu’elle est modifiée, la législature est réputée avoir eu l’intention de changer la loi pour supprimer toute condition préalable à la présentation d’une demande de révocation.

8. Interprétation de l’article 55, délais de présentation des demandes de révocation

89        L’article 55 de la Loi limite-t-il la présentation de demandes de révocation, d’accréditation ou de déplacement aux deux derniers mois d’application de la convention collective?

90        L’interprétation des dispositions analogues du Code canadien du travail, qui précisent quand les demandes d’accréditation ou de déplacement peuvent être présentées, a donné lieu à des litiges. La Commission n’est au courant d’aucune de ses décisions ou de celles rendues par ses prédécesseurs sur cette question.

91        L’article 55 prévoit que, si une convention collective ou une décision arbitrale d’une durée supérieure à deux ans s’applique pour laquelle une organisation syndicale cherche à être accréditée, la demande d’accréditation peut être présentée seulement après le début du vingt-troisième mois et avant le début du vingt-cinquième mois de sa durée, pendant les deux mois qui précèdent immédiatement la fin de chaque année au cours de laquelle la convention ou la décision demeure en vigueur après la deuxième année d’application, ou après le début de l’avant-dernier mois d’application.

B. Analyse comparative avec les dispositions de révocation du Code canadien du travail

92        Les dispositions sur la révocation prévues dans le Code canadien du travail et dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique sont très semblables en qui concerne leur structure et le libellé de leurs dispositions opérationnelles.

93        Le paragraphe 38(1) du Code prévoit en partie ce qui suit :

38(1) Tout employé prétendant représenter au moins quarante pour cent des employés d’une unité de négociation peut, sous réserve du paragraphe (5), demander au Conseil de révoquer par ordonnance l’accréditation du syndicat à titre d’agent négociateur de l’unité.

(2) La demande visée au paragraphe (1) peut être présentée :

a) si l’unité de négociation est régie par une convention collective, seulement au cours de la période pendant laquelle il est permis, aux termes de l’article 24, de solliciter l’accréditation, sauf consentement du Conseil pour un autre moment;

[…]

94        Ces deux dispositions établissent un lien entre le délai de présentation d’une demande de révocation et le moment où une demande d’accréditation peut être présentée aux conseils respectifs. Elles sont parallèles et leur libellé est pratiquement identique, hormis le fait que le Code fait référence à une période ouverte de trois mois, tandis que la LRTFP renvoie à une période ouverte de deux mois.

95        Le Code prévoit au paragraphe 24(2) qu’un syndicat peut présenter une demande d’accréditation comme suit :

24 (2) […]

[…]

c) si l’unité est régie par une convention collective d’une durée maximale de trois ans, uniquement après le début des trois derniers mois d’application de la convention;

d) si la durée de la convention collective régissant l’unité est de plus de trois ans, uniquement au cours des trois derniers mois de la troisième année d’application de la convention et, par la suite, uniquement :

(i) au cours des trois derniers mois de chacune des années d’application suivantes,

(ii) après le début des trois derniers mois d’application.

96        Il y a une jurisprudence uniforme du CCRT et du CCRI, qui conclut qu’une demande d’accréditation peut être présentée au début des trois derniers mois d’application et n’importe quand par la suite, jusqu’à ce qu’une nouvelle convention collective soit conclue.

97        Dans Bell Canada, [1979] 2 Can L.R.B.R. 429, Claude Foisy, vice-président du CCRT, devait traiter la question relative au délai de présentation d’une demande d’accréditation en vue de déplacer un agent négociateur actuel une fois la convention collective expirée. À ce moment, le Code indiquait ce qui suit :

          124 (2) Une demande d’accréditation d’un syndicat à titre d’agent négociateur d’une unité peut être présentée :

[…]

          c) lorsqu’une convention collective qui est afférente à l’unité et dont la durée est de deux ans au plus est en vigueur, uniquement après le début de la période couvrant les trois derniers mois d’application de la convention.

98        Le vice-président Foisy a indiqué ce qui suit à la page 5 de la décision :

Comme nous l’avons mentionné, nous sommes d’opinion que l’article 124(2)c) n’a pas pour effet de restreindre aux trois derniers mois d’application d’une convention collective le temps durant lequel une requête en accréditation peut être présentée. Le texte parle de la période après le début de la période et non pas durant la période. Une requête en accréditation peut donc être présentée en n’importe quel temps après la période couvrant les trois derniers mois d’application d’une convention collective, et ce jusqu’à la date du renouvellement d’une telle convention collective. […]

99        Afin de confirmer son interprétation de l’alinéa 124(2)c), le vice-président Foisy a ensuite fait référence à l’alinéa 124(2)d), qui indiquait ce qui suit à ce moment :

d) lorsqu’une convention collective qui est afférente à l’unité et dont la durée est de plus de deux ans est en vigueur, uniquement

(i) après le début du vingt-deuxième mois et avant le début du vingt-cinquième mois d’application de la convention;

(ii) pendant la période de trois mois qui précède la fin de chaque année d’application de la convention au-delà de la seconde année, ou

(iii) après le début de la période couvrant les trois derniers mois d’application de la convention.

100        Dans leur texte intitulé Politiques et procédures du Conseil canadien des relations de travail, M. Foisy, Daniel Lavery et Luc Martineau, dans la section qui porte sur le délai de présentation des demandes d’accréditation, indiquent ce qui suit relativement aux conventions collectives d’une durée de trois ans :

[Traduction]

[…]

Dans cette situation, il est possible de présenter une demande après le début des trois derniers mois d’application de la convention. Cela signifie en fait qu’il est possible de présenter la demande n’importe quand à partir de cette date, jusqu’au renouvellement de la convention collective, et n’est pas limité aux trois derniers mois […]

[…]

101        Dans Delta Air Lines Inc. (1988), 73 di 13 (CLRB 673), le vice-président du CCRT, Hugh R. Jamieson, a confirmé que, lorsqu’une convention collective a une durée de moins de trois ans, il est possible de présenter des demandes d’accréditation après le début des trois derniers mois de la convention collective et après, jusqu’à ce qu’une nouvelle convention collective soit conclue.

102        Il indique ce qui suit à la page 13 de la décision :

Le syndicat a prétendu que le Conseil devrait interpréter « uniquement après le début de la période couvrant les trois derniers mois de l’application de la convention » de façon restrictive, comme si l’alinéa 124(2)c) était rédigé ainsi : « uniquement pendant les trois derniers mois d’application de la convention ». D’après le syndicat, toute autre interprétation équivaudrait à permettre aux employeurs d’éterniser les négociations et de retarder la signature des conventions collectives dans l’espoir d’obtenir des employés une requête en révocation d’accréditation.

Dans le passé, le Conseil a rejeté des arguments analogues à ceux du syndicat, il a toujours interprété l'alinéa 124(2)c) littéralement. Quand la durée des conventions collectives est inférieure à trois ans, les requêtes en révocation d'accréditation - et en accréditation, étant donné que les deux sont régies par l'alinéa 124(2)c) - peuvent être présentées après le début de la période couvrant les trois derniers mois d'application de la convention collective et par la suite, jusqu'à ce qu'une nouvelle convention collective ait été conclue. Bien entendu, cette interprétation est sous réserve des paragraphes 124(3) et 137(5), qui interdisent la présentation d'une requête en accréditation et en révocation au cours des six premiers mois d'une grève légale, sauf avec le consentement du Conseil. (Voir J. Phillips et autres (1978), 34 di 603; et [1979] 1 Can LRBR 180 (CCRT no 168).) L'interprétation du Conseil est étayée par le libellé de l'alinéa 124(2)d), qui fixe les conditions de présentation des requêtes dans les cas où une convention collective d'une durée de plus de trois ans est en vigueur.

  […]  

          « Le paragraphe 124(2) indique qu’une demande      d’accréditation d’un syndicat à titre d’agent       négociateur peut être présentée :

[…]

          d) lorsqu’une convention collective qui est afférente à l’unité et dont la durée est de plus de trois ans est en vigueur, uniquement après le début du trente-quatrième mois et avant le début du trente-septième mois d’application, et par la suite, uniquement :

          (i) pendant la période de trois mois qui précède la fin de chaque année d’application de la convention au-delà de la troisième année, et

          (ii) après le début de la période couvrant les trois derniers mois d’application de la convention.

[…]

Si le législateur avait eu l'intention de créer une période de trois mois précédant l'expiration des conventions collectives, en limitant les requêtes en révocation à cette période, comme le syndicat le prétend, le sous-alinéa (ii) de l'alinéa 124(2)d) serait sans objet. En effet, la "période de présentation" aurait déjà été établie par le sous-alinéa 124(2)d)(i).

103        Ce rapport s’applique avec une force équivalente, selon moi, à l’interprétation du paragraphe 55(2) de la LRTFP, dont la structure est parallèle. Si une demande d’accréditation ne peut être présentée que durant les deux mois qui précèdent la fin de chacune des années où une convention collective demeure en vigueur, après sa deuxième année d’application, l’alinéa 55(2)c) serait superflu.

104        Comme Graham Clarke l’indique dans son article intitulé Clarke’s Canada Industrial Relations Board, en faisait allusion à Bell Canada, à I- 8-16.1 :

[Traduction]

 L’utilisation des termes après et pendant à des endroits différents confirme l’interprétation de l’alinéa 24(2)c), selon laquelle une demande d’accréditation peut être présentée n’importe quand après les trois derniers mois d’application d’une convention collective et pas uniquement pendant ces trois derniers mois.

105        Encore une fois, l’utilisation des termes « après » et « pendant » à l’article 55 est alignée avec le libellé utilisé au paragraphe 24(2) du Code, ce qui porte à conclure qu’il est possible de présenter une demande d’accréditation n’importe quand après les deux derniers mois d’application de la convention collective, et pas uniquement pendant ces deux mois.

106        À mon avis, du point de vue des politiques, l’état du droit avant les modifications de 2003 comportait des conclusions contradictoires en ce qui concerne la période ouverte pour présenter des demandes d’accréditation et de déplacement ainsi que des demandes de révocation et, par conséquent, était problématique si l’on se fie au libellé de la loi.

107        L’état du droit a également donné lieu à une situation possiblement indéfendable, puisque les employés seraient contraints à présenter des demandes d’annulation d’accréditation uniquement pendant la période précédant immédiatement l’arrivée à échéance de la convention collective et ils se verraient refuser le droit de présenter une demande d’annulation d’accréditation dans l’éventualité où leur agent négociateur cessait de représenter leurs intérêts pendant le processus de négociation.

108        Selon moi, le législateur avait l’intention de créer une période stable, pendant la durée de la convention collective, exempte de demandes de déplacement ou de révocation, conformément à l’article 55. Le fait de limiter la période ouverte, toutefois, à seulement deux mois à la fin de la convention collective, signifierait que les employés qui souhaitent changer d’agent négociateur ou présenter une demande d’annulation d’accréditation devraient attendre non seulement le processus de négociation, mais également deux années supplémentaires ou plus avant de présenter leur demande.

109        Je conclus qu’il est possible de présenter une demande de révocation pendant les deux derniers mois d’application de la convention collective, mais aussi n’importe quand par la suite, jusqu’à la signature d’une nouvelle convention collective.

110        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

VII. Ordonnance

111        Pour l’ensemble des motifs susmentionnés, je conclus que la demande de révocation a été présentée dans les délais impartis.

Le 4 juillet 2016.

Traduction de la CRTEFP

David Olsen,,
une formation de la Commission des relations
de travail et de l’emploi dans la fonction publique
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