Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé deux griefs liés à deux suspensions sans rémunération – il a déposé un grief supplémentaire contre la décision de l’employeur de mettre fin à son emploi – la Commission a conclu que la mesure disciplinaire dans les trois griefs était justifiée, si ce n’est pas le cas pour chaque allégation distincte, du moins c’est le cas pour l’effet cumulatif du comportement inacceptable du fonctionnaire s’estimant lésé – la Commission a établi que le fonctionnaire s’estimant lésé avait fait preuve d’insubordination et de manque de respect à l’endroit de la direction et de ses collègues, ce qui viole le code de conduite de l’employeur et le Code de valeurs et d’éthique du secteur public – le fonctionnaire s’estimant lésé a admis avoir été en retard et absent du travail à des moments où il devait être présent – la Commission a estimé que le refus par le fonctionnaire s’estimant lésé d’effectuer les fonctions qui lui étaient attribuées, de même que de se présenter au travail et d’y rester était contraire à l’exigence qu’il agisse avec intégrité – les excuses qu’il a présentées manquaient de crédibilité – la Commission a établi que le fonctionnaire s’estimant lésé avait manifesté un manque de remords qui ne pouvait pas être ignoré et a estimé que les mesures disciplinaires imposées se situaient dans les limites des mesures raisonnables – il n’y a aucune exigence que le processus de discipline progressive soit appliqué étape par étape à chaque infraction – la Commission a conclu que l’employeur avait clairement démontré que la relation d’emploi avait été brisée et que le licenciement était justifié dans cette situation. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-08-15
  • Dossier:  566-02-11372 à 11374
  • Référence:  2016 CRTEFP 74

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

JAMES CHARINOS

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Statistique Canada)

défendeur

Répertorié
Charinos c. Administrateur général (Statistique Canada)


Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage


Devant:
Margaret T. A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Goretti Fukamusenge, Alliance de la Fonction publique du Canada, et lui-même
Pour le défendeur:
Sean Kelly, avocat
Affaire entendue à Ottawa (Ontario)
du 25 au 27 janvier 2016 et le 3 mai 2016.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1        Le fonctionnaire s’estimant lésé, James Charinos, (le « fonctionnaire »), allègue que le défendeur, Statistique Canada, lui a imposé des mesures disciplinaires à trois reprises, et ce, sans motif juste et raisonnable. Les mesures disciplinaires étaient constituées d’une suspension sans rémunération de trois jours (dossier de la CRTEFP 566-02-11372), d’une suspension sans rémunération de cinq jours (dossier de la CRTEFP 566-02-11373) et de son licenciement (dossier de la CRTEFP 566-02-11374).

2        Le fonctionnaire a présenté les griefs relatifs aux suspensions en août et en septembre 2014. Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont également entrées en vigueur (TR/2014-84). Conformément à l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013. Ces dispositions transitoires n’ont aucune incidence sur le grief relatif au licenciement, puisque celui-ci a été présenté en janvier 2015, alors que les modifications étaient en vigueur.

II.Résumé de la preuve

3        Le fonctionnaire occupait un poste de commis à la distribution et il était classifié au groupe et au niveau CR-03. Au début de 2013, il a été affecté au centre de distribution du défendeur. Au début, aucun problème de comportement n’a été signalé. Environ six mois après avoir commencé à travailler à cet endroit, le fonctionnaire a commencé à avoir des comportements inappropriés, notamment des congés de maladie douteux, des retards et des absences non autorisées du travail, ainsi qu’une incapacité à exercer ses fonctions comme il a été demandé.

4        À l’origine, le défendeur a traité ces préoccupations au moyen d’une réprimande verbale. Comme aucun changement n’a été remarqué, le fonctionnaire a reçu une réprimande écrite, laquelle a été suivie d’une série de suspensions disciplinaires progressives, dont une suspension sans rémunération de 3 jours, une suspension de 5 jours, une suspension de 10 jours, une suspension de 20 jours et, ultimement, le licenciement. Les suspensions de 10 et de 20 jours n’ont fait l’objet d’aucun grief.

5        Le fonctionnaire a fait l’objet d’une suspension de trois jours parce qu’il a omis d’effectuer certaines parties de sa tournée de courrier, les 8 et 9 juillet 2014, qu’il n’a pas rempli les feuilles de suivi du courrier comme il a été demandé les 8, 9 et 10 juillet 2014, et qu’il est disparu, le 9 juillet 2014, après avoir effectué une partie de sa tournée de courrier.

6        Environ un mois et demi plus tard, le défendeur a imposé au fonctionnaire une suspension de cinq jours sans rémunération parce qu’il n’avait pas complété ses tournées de courrier, les 21 et 22 août 2014, parce qu’il n’avait pas, encore une fois, rempli les feuilles de suivi du courrier conformément aux directives du défendeur, et parce qu’il avait critiqué son gestionnaire au moyen d’un courriel qu’il a envoyé à la haute direction avec copie conforme au superviseur de ce dernier et au syndicat.

7        À la suite d’un accident en milieu de travail à la fin de l’été ou au début de l’automne de 2014, le fonctionnaire a demandé que des mesures d’adaptation soient prises à son égard. Il a été affecté aux fonctions de recherches d’adresses. Malgré ce changement de fonctions, son comportement dans le lieu de travail est demeuré inacceptable. Durant cette période, des suspensions sans rémunération de 10 et de 20 jours lui ont été imposées en raison de son comportement inacceptable. Comme il a été mentionné, il n’a déposé aucun grief à leur égard.

8        Vers le 11 décembre 2014, après la suspension de 20 jours, le comportement du fonctionnaire dans le lieu de travail a continué de poser problème au défendeur. Les 11 et 15 décembre 2014, le fonctionnaire n’a toujours pas effectué correctement les recherches d’adresses. Le 14 décembre 2014, il était en congé de maladie. Le 15 décembre 2014, le défendeur a entamé une enquête de recherche des faits pour connaître les raisons de son refus continu d’obtempérer aux directives. Le 16 décembre 2014, le fonctionnaire a envoyé un autre courriel dans lequel il critiquait son superviseur et, le même jour, il a téléphoné à son directeur adjoint à son domicile dans une tentative de l’intimider. Le directeur adjoint a reconnu la voix du fonctionnaire et il a signalé l’appel à la haute direction. Par conséquent, le fonctionnaire a été licencié pour ne pas s’être acquitté des fonctions qui lui avaient été attribuées, pour avoir envoyé le courriel vexatoire et pour avoir effectué un appel menaçant.

          Éléments de preuve de Guy Joly

9        Guy Joly était le gestionnaire du fonctionnaire en 2014. Il était chargé de la distribution du courrier qui entrait dans l’édifice dans lequel ils travaillaient. À tout moment, une équipe de trois à sept employés, dont le fonctionnaire, relevait de lui, selon le temps de l’année; Peter McClements était son superviseur.

10        Le fonctionnaire a commencé à travailler à titre de commis au centre de distribution du courrier, en janvier 2013. Ses fonctions consistaient à trier le courrier dans la matinée, à livrer le courrier aux étages appropriés et à récupérer le courrier sortant, ainsi qu’à faire les recherches d’adresses des employés sur Microsoft Outlook pour s’assurer que leur courrier était livré. Il a bénéficié d’une formation en milieu de travail et il a eu l’occasion d’être jumelé à un collègue. Il n’a jamais mentionné à M. Joly qu’il lui fallait plus de formation pour les tournées de courrier ou les recherches de courrier. À la question de savoir comment se passaient les choses, le fonctionnaire répondait toujours que tout allait bien et qu’il n’y avait pas de problème. La formation a duré deux semaines et elle a été donnée par deux employés différents.

11        Au cours de ses 18 mois passés au centre de distribution du courrier, le fonctionnaire a effectué plus de 100 tournées de courrier. Avant l’été 2014, aucun problème lié à son rendement relatif aux tournées de courrier n’a été signalé. Cependant, d’autres situations posaient problème et M. Joly a dû s’entretenir à maintes reprises avec le fonctionnaire concernant son utilisation des congés de maladie et ses retards.

12        Dans le cadre de l’examen de l’utilisation des congés de maladie par le fonctionnaire, M. Joly a remarqué une tendance à prendre un congé de maladie les lundis; toutefois, le fonctionnaire a affirmé qu’il n’avait aucun problème à travailler les lundis. M. Joly se demandait pourquoi le fonctionnaire prenait régulièrement un congé de maladie les lundis. Il aurait pu prendre un congé annuel s’il souhaitait avoir les lundis de congé. Le travail pour lequel le fonctionnaire a été embauché consistait à assurer la livraison du courrier le plus rapidement possible le matin. Il était important pour le défendeur que les employés se présentent au travail. De plus, les rendez-vous médicaux du fonctionnaire étaient toujours durant les heures de travail, et ce, même si, dans la mesure du possible, ceux-ci devaient être pris en dehors des heures de travail; selon le cas, une preuve de rendez-vous pouvait être exigée. Dans le cas du fonctionnaire, il était tenu de fournir une attestation en ce qui concerne les congés de maladie en raison de sa tendance manifeste à les utiliser les lundis.

13        Le fonctionnaire a attribué ses fréquents retards à OC Transpo, le système local de transport en commun à Ottawa, en Ontario. Au début, M. Joly avait l’impression que le fonctionnaire comprenait ses préoccupations quant à son assiduité, mais les choses ne se sont pas améliorées. L’horaire du fonctionnaire a été modifié afin d’accommoder ses problèmes de transport, mais il a continué d’arriver en retard. Ses excuses pour justifier ses retards étaient toujours les mêmes. Lorsque M. Joly a tenté de discuter de ses préoccupations avec le fonctionnaire, ce dernier n’en a pas tenu compte. Le fonctionnaire n’était pas préoccupé par ses retards. M. Joly lui a présenté un résumé de ses attentes voulant qu’il se présente au travail à temps (pièce 1, onglet 3).

14        En avril 2014, le défendeur a présenté une lettre au fonctionnaire soulignant que ce dernier devait se présenter au travail à temps et abordant la question de l’utilisation des congés (la « lettre relative aux conditions » (pièce 1, onglet 4). M. Joly et le fonctionnaire ont eu un entretien privé pour discuter de la lettre et des conditions qui y étaient présentées. Le fonctionnaire a été informé que le défendeur ne tolérerait plus sa tendance continue en ce qui concerne son assiduité. Le fonctionnaire a refusé de reconnaître qu’il avait reçu la lettre en question; il s’est simplement levé et est reparti sans sa copie. M. Joly lui a alors envoyé une copie par voie électronique.

15        Aucun élément nouveau n’a été discuté lors de cet entretien. Le fonctionnaire était au courant des préoccupations de M. Joly. En plus d’aborder la question de l’utilisation des congés de maladie par le fonctionnaire et de ses retards, la lettre relative aux conditions faisait également état des préoccupations du défendeur en ce qui a trait à l’habitude du fonctionnaire à disparaître alors qu’il était censé être au travail. L’obligation de signer et de respecter le code de valeurs et d’éthique du défendeur a également été soulevée. Le fonctionnaire a également été avisé que la façon dont il s’était exprimé verbalement en cette occasion avait été insolente et contraire au code.

16        Le 23 avril, le fonctionnaire a fait l’objet d’une réprimande écrite (pièce 1, onglet 6), à la suite d’une enquête disciplinaire et d’une audience disciplinaire, lesquelles ont mené à la conclusion qu’il avait enfreint le code d’éthique et les normes de conduite du défendeur lorsqu’il a refusé d’envoyer un courriel à son superviseur, les 17, 22, et 23 avril 2014, comme on lui avait demandé, et pour avoir fait preuve d’insubordination à l’endroit de son superviseur durant une conversation qui a eu lieu le 17 avril 2014. Richard Proulx, le directeur des opérations chargé du centre de distribution, a signé la lettre.

17        Le 18 juin 2014, l’ensemble de l’équipe du centre de distribution a été informé de la mise en œuvre d’un système de feuille de suivi du courrier, et que quiconque ramassant du courrier interne devait compter le nombre d’articles de courrier ramassés et noter où ils avaient été recueillis. Ces renseignements devaient être indiqués sur le formulaire fourni à cet égard et de la manière qui leur a été précisée. Cette information était importante puisque le défendeur voulait obtenir des statistiques sur lesquelles fonder ses plans de réorganisation. Il a été clairement précisé à tous les employés que le nombre d’articles de courrier devait être enregistré à chaque arrêt le long de leur itinéraire au moment même où l’arrêt en question était effectué. Le nombre exact d’articles de courrier devait être consigné, et si aucun article n’était ramassé, il fallait tout de même l’inscrire en indiquant un zéro.

18        Le fonctionnaire n’a pas suivi la directive. Les feuilles de suivi qu’il a présentées ne contenaient aucun nombre; il signalait simplement qu’il n’y avait rien à ramasser plutôt que de l’indiquer de la manière appropriée sur le formulaire. Il a été avisé que sa méthode de remplir ou de ne pas remplir les formulaires de suivi n’était pas acceptable, et les attentes du défendeur lui ont clairement été expliquées. Malgré tout, il a refusé de suivre les directives.

19        M. Joly a déposé des feuilles de suivi sur le pupitre du fonctionnaire, ainsi qu’une note lui indiquant de les remplir de manière appropriée et de les lui retourner. Le fonctionnaire devait indiquer son nom, ses initiales, s’il y avait lieu, et ajouter l’heure et la date d’achèvement de la tournée sur chaque feuille, en plus d’inscrire exactement le nombre d’articles de courrier ramassés à chaque arrêt. Les 2, 3, 7 et 8 juillet 2014, il a refusé de suivre les directives qui lui avaient été données. Un courriel a été envoyé à tout le personnel du centre de distribution pour réitérer le message du 18 juin 2014 (pièce 1, onglet 8). Le courriel a été envoyé à tout le personnel, même si le fonctionnaire était le seul à ne pas suivre la directive.

20        Le 9 juillet 2014, le directeur chargé de la distribution du courrier, M. Proulx, a reçu un courriel (pièce 1, onglet 9) dans lequel le moment de la livraison et de la levée du courrier au 11e étage de l’édifice Jean Talon, où travaillait le fonctionnaire, était remis en question. Selon ce courriel, aucune livraison ou levée du courrier n’avait été effectuée depuis deux jours. À la suite d’un examen des feuilles de suivi relatives à cet édifice, M. Joly s’est questionné à savoir si le fonctionnaire effectuait les tournées de courrier qui lui avaient été attribuées. Pour établir si ce doute était justifié et si le fonctionnaire effectuait réellement les tournées de courrier conformément aux directives, M. Joly a effectué les rondes d’étage et compté les articles de courrier préalablement aux rondes prévues à l’horaire du fonctionnaire. Lorsque le fonctionnaire a terminé ses rondes, M. Joly les a refaites afin de vérifier si le fonctionnaire avait ramassé le courrier antérieurement vérifié dans la journée. M. Joly a alors comparé ses résultats à ceux de la feuille de suivi remplie par le fonctionnaire.

21        Cette démarche a été répétée les 8 et 9 juillet 2014 (voir les feuilles de suivi, pièce 1, onglets 10 et 11). Selon les formulaires, absolument aucun article de courrier sortant n’avait été ramassé ou l’enregistrement de ce courrier n’avait pas été fait à plusieurs endroits. Les données enregistrées par le fonctionnaire ne concordaient pas avec les données relevées par M. Joly. Bien qu’il soit possible qu’une autre personne ait placé des articles de courrier dans le panier du courrier sortant après que le fonctionnaire l’eut vérifié, les chiffres inscrits par M. Joly lors de ses vérifications de l’assurance de la qualité avant et après que le fonctionnaire eut terminé ses rondes étaient les mêmes. Lorsqu’il a demandé au fonctionnaire s’il était certain de l’absence d’article à ramasser, ce dernier a haussé les épaules et a déclaré que tout le monde était en congé. Il s’est alors retiré du lieu où se trouvait M. Joly alors que ce dernier s’adressait toujours à lui.

22        Le 9 juillet 2014, le fonctionnaire devait effectuer la tournée du courrier de l’après-midi. Les heures des tournées de courrier sont affichées sur le site Intranet du défendeur et, par conséquent, les clients sont au courant des heures de livraison du courrier. Le fonctionnaire est parti exécuter la tournée du courrier de 13 h, laquelle aurait dû lui prendre entre 30 et 40 minutes. Comme il n’était pas revenu de sa tournée à 14 h, M. Joly est allé à sa recherche. Il est revenu à 14 h 10 et M. Joly lui a demandé s’il avait effectué deux tournées en même temps. Affichant un grand sourire, il a répondu que jamais il ne ferait cela. Le fonctionnaire savait que M. Joly était au courant qu’il n’était jamais revenu entre ses tournées comme il aurait dû. Lors de cette tournée, les articles de messagerie à faire signer n’avaient toujours pas été livrés, et les clients les attendaient.

23        Le fonctionnaire est arrivé juste à temps pour exécuter la prochaine tournée de l’après-midi. Puisqu’il n’était pas revenu à 15 h, M. Joly a demandé à Jim O’Connell, qui travaillait avec le fonctionnaire au centre de distribution du courrier au moment pertinent, de surveiller son retour. Il n’est jamais revenu cet après-midi-là. M. Joly est allé au bureau du fonctionnaire et a constaté que son manteau et ses chaussures de sécurité s’y trouvaient. Apparemment, le fonctionnaire était parti à 14 h 20 pour une pause cigarette et n’était pas revenu, ce qui signifie que l’édifice Jean Talon n’avait pas été desservi. Le fonctionnaire était tenu de demeurer au centre de distribution lorsqu’il n’était pas en train d’effectuer une tournée du courrier. Si, pour une raison ou une autre, il devait s’absenter, il était tenu d’obtenir l’autorisation de son superviseur, afin d’être remplacé.

24        Le lendemain, le 10 juillet 2014, la feuille de suivi du fonctionnaire ne contenait aucune donnée à la suite de la tournée du matin. M. Joly l’a prise du chariot du fonctionnaire, à 11 h 30, et a dit à ce dernier de ne pas faire la tournée de l’après-midi. Le même matin, M Proulx avait reçu un courriel d’un client lui demandant à quel moment il pouvait compter sur le service postal puisque, semble-t-il, aucune levée de courrier n’avait été effectuée depuis le 7 juillet 2014 (pièce 1, onglet 14). En conséquence de ces manquements, le 22 juillet 2014, le fonctionnaire a été suspendu sans rémunération pour trois jours (la « lettre de suspension »; pièce 1, onglet 16).

25        Encore une fois, en août 2014, M. Joly a dû vérifier les dénombrements du fonctionnaire parce que l’employeur craignait qu’il n’avait pas effectué ses tournées comme il se devait. Le 21 août 2014, il a effectué la tournée avec M. McClements. Le jour suivant, M. O’Connell et M. McClements ont effectué une vérification des tournées. En ce qui a trait à ces deux dates, les feuilles de suivi du fonctionnaire ne rapportaient pas fidèlement le nombre d’articles de courrier qu’il avait déplacés (voir pièce 1, onglets 19, 20, 21, et 22). Il n’a jamais indiqué à M. Joly qu’il ignorait comment effectuer les tournées ou remplir les feuilles de suivi ou encore qu’il lui était impossible d’effectuer son travail adéquatement en raison de troubles médicaux. Le fonctionnaire avait déjà été victime d’un accident de travail le forçant à s’absenter du travail pendant une semaine; son retour n’était assujetti à aucune restriction. Aucun motif de nature médicale ne l’empêchait d’effectuer ses tournées de courrier de la manière prescrite. La seule restriction le concernant remontait à l’automne 2014 lorsqu’il a été établi qu’il ne devait pas soulever des boîtes lourdes.

26        La relation entre le fonctionnaire et M. Joly était très bonne au cours des six premiers mois. Cette relation a cependant changé lorsque M. Joly a dû aborder la question des absences du fonctionnaire avec ce dernier. La qualité de cette relation se manifeste dans un courriel que le fonctionnaire a envoyé à Larry McNabb, le directeur adjoint chargé de la distribution du courrier (pièce 1, onglet 18). Aucune copie conforme n’a été envoyée à M. Joly, bien qu’une copie ait été envoyée à son superviseur immédiat ainsi qu’au président de la section locale du syndicat représentant le fonctionnaire. Dans ce courriel, le fonctionnaire accuse M. Joly de l’avoir piégé et de l’avoir fait paraître comme peu coopératif.

27        Les directives étaient acheminées au fonctionnaire par courriel, notamment celle sur les modifications au lieu de livraison du courrier entrant. Plutôt que de lire les courriels, il les supprimait, ce qui a été confirmé au moyen de la fonction d’accusé de réception générant un avis à M. Joly lui indiquant le traitement réservé à ces courriels par les divers destinataires lors de leur réception. Le fonctionnaire a été sommé de mettre un terme à cette pratique, mais, de toute évidence, il n’avait aucune intention de suivre cette directive, étant donné qu’il a également supprimé ce courriel sans le lire. Même la version électronique de la lettre relative aux conditions a été supprimée sans avoir été lue.

28        Même si ses débuts au centre de distribution du courrier ont été positifs, la relation du fonctionnaire avec ses collègues a commencé à se détériorer. Il s’est isolé des autres. Il portait un jugement négatif sur ses collègues parce qu’ils suivaient les directives du défendeur. Il savait que M. Joly n’avait pas une opinion très favorable de sa situation. Selon l’évaluation du rendement du fonctionnaire pour l’année précédant son transfert au centre de distribution du courrier, il était fiable et ponctuel. M. Joly a apposé sa signature aux évaluations du rendement puisqu’au moment où celles-ci ont été effectuées, le fonctionnaire se rapportait à lui. Néanmoins, elles étaient fondées sur l’évaluation produite par l’ancien gestionnaire du fonctionnaire. M. Joly ne s’est pas prononcé sur les commentaires de ce gestionnaire.

29        Au moment de conclure l’évaluation du rendement suivante, le 31 mars 2014, le changement négatif dans le comportement du fonctionnaire a été soulevé. Les préoccupations relatives à son assiduité et son manque de respect à l’égard des heures de travail ont également été soulignés. Le fait que son comportement ne pouvait être toléré lui a été communiqué de vive voix. M. Joly l’a rencontré à maintes reprises, de manière informelle et formelle. Le 29 novembre et à nouveau le 13 décembre 2014, un courriel faisant état des préoccupations du défendeur au sujet de l’assiduité du fonctionnaire (pièce 1, onglets 2 et 3) a été envoyé à ce dernier. La situation est demeurée inchangée, il a refusé de parler à M. Joly. Tous les problèmes n’ont pas été soulignés dans l’évaluation du rendement. M. Joly l’a rencontré chaque fois qu’un problème était soulevé dans le but d’en discuter.

          Éléments de preuve de Jim O’Connell et de Peter McClements

30        M. O’Connell travaillait avec le fonctionnaire. M. Joly lui a demandé de vérifier les allées et venues du fonctionnaire, le 9 juillet 2014, et de surveiller le moment de son retour dans la salle du courrier. Entre 14 h 25 et 15 h 28, le fonctionnaire n’était pas dans la salle du courrier et il n’y est pas retourné; M. O’Connell l’a signalé à M. Joly le lendemain.

31        Pendant toute la période pertinente, M. McClements était le superviseur du fonctionnaire au centre de distribution du courrier. Il relevait directement de M. Joly. Comme superviseur, M. McClements était chargé de veiller à ce que les tournées de courrier soient effectuées conformément à l’horaire et que le courrier soit livré à l’heure prévue. Si de nouvelles destinations de courrier étaient mises en place, il devait veiller à ce qu’elles soient ajoutées à l’horaire de livraison.

32        Le 21 août et à nouveau le 22 août 2014, M. McClements a effectué des rondes de contrôle de la qualité préalablement aux tournées de courrier du fonctionnaire. Le 21 août, il était accompagné de M. Joly et, le 22 août, il était accompagné de M. O’Connell. Les rondes ont été effectuées 15 minutes avant l’heure prévue de l’achèvement des tournées de courrier du fonctionnaire. À chaque arrêt le long de l’itinéraire, le nombre d’articles de courrier sortant était noté. M. McClements était au courant des plaintes reçues de la part des clients, le 9 juillet 2014 (pièce 1, onglet 9) et le 10 juillet 2014 (pièce 1, onglet 14) concernant la distribution du courrier lors des tournées du fonctionnaire. Il a également reçu le courriel du fonctionnaire dans lequel il a allégué que M. Joly l’avait piégé (pièce 1, onglet 19).

33        À l’automne 2014, le fonctionnaire effectuait des recherches d’adresses et mettait à jour des adresses incomplètes dans Outlook parce qu’il requérait des fonctions modifiées. Le 6 novembre 2014, M. McClements a envoyé un courriel à tous les employés du centre de distribution (pièce 1, onglet 25), les avisant d’un changement relatif au courrier entrant. Des recherches d’adresses seraient requises en raison de préoccupations liées au contrôle de la qualité. Le fonctionnaire a également reçu ce courriel.

34        Le 7 novembre 2014, M. McClements a envoyé un courriel au fonctionnaire dans lequel il a souligné les lacunes au sujet de son rendement (pièce 1, onglet 28). M. McClements a également rencontré le fonctionnaire pour discuter de son rendement et de la qualité du travail achevé. Le travail était souvent inachevé et son rendement était bien en deçà des normes acceptables, comme l’indiquent les chiffriers préparés à cet égard (pièce 1, onglet 27). Pour s’assurer que le fonctionnaire comprenait bien les attentes à son égard, M. McClements a organisé, avant le 2 novembre 2014, une formation sur les méthodes de recherche d’adresses. Durant cette formation, on a conclu que le fonctionnaire n’effectuait pas les recherches correctement; cette situation a été traitée lors de cette formation.

35        Le quota établi par le défendeur, lequel n’était pas satisfait par le fonctionnaire, était fondé sur l’assurance du défendeur qu’il pouvait réaliser deux recherches d’adresse à la minute. S’appuyant sur cette information, le défendeur a établi le quota à 1,5 à la minute. Le chiffrier dont il est question à la pièce 1 (onglet 27) indique clairement que le rendement du fonctionnaire était bien inférieur au quota. Le tableau indiquait le nombre de vérifications d’adresses qu’il avait accomplies les jours où il effectuait des fonctions modifiées. La qualité de celles qui avaient été achevées a également fait l’objet d’un examen, et le nombre de recherches qui ne satisfaisaient pas aux attentes a été souligné.

36        M. McClements a rencontré le fonctionnaire à nouveau pour discuter de cette question, le 15 décembre 2014. Cette rencontre avait encore une fois pour objet d’expliquer au fonctionnaire comment effectuer correctement les recherches d’adresse et de traiter des préoccupations du défendeur concernant la qualité et le nombre de recherches réalisées. Le fonctionnaire n’a fourni aucune explication pour justifier ses échecs; il a simplement esquissé un sourire. Il n’a pas indiqué qu’il ne comprenait pas la procédure ni n’a fourni de motif à savoir pourquoi il ne pouvait pas effectuer les tâches attribuées.

37        À la suite de cette rencontre, un autre courriel lui a été envoyé, le 16 décembre 2014, lequel précisait que le rendement du fonctionnaire et le travail de piètre qualité qu’il avait accompli posaient problème. Le jour même, le fonctionnaire a répondu que les éléments avec lesquels il travaillait ne pouvaient être analysés en terme de rendement puisqu’il ne créait rien et que M. McClements et M. Proulx faisaient de fausses déclarations et se comportaient de façon extrêmement préjudiciable (pièce 1, onglet 28).

          Éléments de preuve de Larry Mc Nabb

38        M. McNabb a déclaré que le fonctionnaire était un des employés de sa voie hiérarchique. M. McNabb relevait de Rock Lemay. En 2014, M. McNabb était chargé du centre de données, du centre de courrier et du centre de saisies de données. Environ 125 employés travaillaient dans ces secteurs. M. McNabb a imposé une suspension sans rémunération de trois jours, le 22 juillet 2014. Il en a décidé ainsi parce que le fonctionnaire avait omis ou refusé de remplir les feuilles de suivi contrairement à la directive du gestionnaire, qu’il n’avait pas ramassé le courrier comme il se devait, et qu’il avait disparu du milieu de travail, le 9 juillet 2014, ce qui est contraire à la lettre relative aux conditions qui lui a été présentée le 16 avril 2014 (pièce 1, onglet 5). Le fait de ne pas ramasser le courrier à l’heure prévue à l’horaire a une incidence directe sur la capacité de recueillir et de compiler des données provenant de clients externes, ce qui est un élément clé de ses affaires. Sa capacité à communiquer avec ses employés en a également été affectée.

39        M. Mcnabb et M. Proulx ont rencontré le fonctionnaire, le 10 juillet 2014, dans le cadre d’une réunion de recherche des faits organisée dans le but de discuter des préoccupations du défendeur. Lors de cette réunion, le fonctionnaire n’a pas assumé la responsabilité de ses actes.

40        La lettre relative aux conditions qui est mentionnée dans la lettre de suspension (pièce 1, onglet 16) établit explicitement le comportement attendu du fonctionnaire, conformément aux attentes du défendeur. M. McNabb était préoccupé par le fait que le fonctionnaire n’affichait pas le comportement attendu. Il avait contrevenu à la disposition relative au respect de ses heures de travail lorsqu’il a disparu à la fin d’une journée et également à la disposition exigeant qu’il demande l’autorisation de partir plus tôt. Le défendeur s’attend à savoir où se trouve un employé lorsque ce dernier est en fonction, et personne ne savait où le plaignant était l’après-midi du 9 juillet. Il avait antérieurement reçu une réprimande écrite pour avoir fait preuve d’insubordination (pièce 1, onglet 6).

41        M. McNabb a reçu le courriel du fonctionnaire, le 21 août 2014 (pièce 1, onglet 18), dans lequel il accusait M. Joly de tenter de le piéger. Il a été envoyé à la suite d’une séance de formation qui a eu lieu dans la salle de distribution et qui portait sur un nouvel appareil à rayon X qui devait être installé pour effectuer un balayage du courrier entrant dans l’édifice. Dans l’ensemble, le ton du courriel était empreint d’insubordination. M. McNabb en a été grandement préoccupé et il a remis en question les actes de M. Joly. Le fonctionnaire n’a produit aucun renseignement à l’appui de ses commentaires, lesquels ont été considérés comme futiles et vexatoires par M. McNabb. M. McNabb a estimé que les commentaires du fonctionnaire, tels qu’ils ont été exprimés, constituaient une violation de la politique du défendeur en matière de prévention du harcèlement et du Code de valeurs et d’éthique du secteur public.

42        Une réunion de recherche des faits liés à ces préoccupations a eu lieu, le 28 août 2014. En conséquence, le fonctionnaire a fait l’objet d’une suspension de cinq jours sans rémunération, qu’il n’a pas contesté. Le 14 octobre 2014, il a de nouveau été suspendu sans rémunération, cette fois pour dix jours. Les allégations d’actes répréhensibles étaient également liées à son refus de se conformer à la lettre relative aux conditions (voir la pièce 1, onglet 24). Il n’a déposé aucun grief lié à cette suspension. Une deuxième lettre relative aux conditions a été remise au fonctionnaire, le 30 juillet 2014, qu’il a par ailleurs signée (pièce 1, onglet 7).

43        Le fonctionnaire a de nouveau été suspendu sans rémunération pendant vingt jours, le 12 novembre 2014, parce qu’il n’avait pas exercé les fonctions qui lui avaient été attribuées et parce qu’il n’était pas revenu au travail à la suite de sa pause prévue à l’horaire. Il a indiqué qu’il avait tenu pour acquis que les encarts de courrier avaient été achevés lorsqu’il est revenu de sa pause, et qu’il avait donc poursuivi ses recherches d’adresses. Cependant, le travail relatif aux encarts de courrier n’avait pas été terminé, et le fonctionnaire n’avait rien fait pour savoir s’il y en avait d’autre à faire. Il n’a pas terminé le travail qui lui avait été attribué et il n’est pas retourné à son poste de travail après la pause comme il était tenu de le faire, contrevenant ainsi à sa lettre relative aux conditions, dans laquelle étaient clairement établies les attentes de la direction.

44        À la suite de cette suspension, le fonctionnaire est retourné au travail, le 11 décembre 2014. Il a été affecté aux recherches d’adresses puisque le défendeur attendait toujours les renseignements relatifs à ses restrictions physiques. Le défendeur était toujours préoccupé par le rendement et l’exactitude du fonctionnaire, soit les mêmes préoccupations que lorsque M. McClements a rencontré le fonctionnaire en novembre 2014. En guise de résumé de leur réunion du 15 décembre 2014, M. McNabb a envoyé une copie du courriel de M. McClements au fonctionnaire. Le fonctionnaire a répondu par un courriel irrespectueux et non professionnel (pièce 1, onglet 28). M. McNabb a alors convoqué M. Lemay, son directeur, et le fonctionnaire à une réunion de recherche des faits, le 17 décembre. L’objet de la réunion était de discuter de l’incapacité du fonctionnaire d’achever le travail qui lui était attribué ainsi que sa manière non professionnelle de communiquer avec la direction. La convocation par voie électronique a été envoyée le 16 décembre 2014, à 14 h 40.

45        Ce soir-là, vers 19 h 30, M. McNabb se préparait à se rendre à une partie de basketball quand il a reçu un appel téléphonique à son domicile provenant d’un téléphone public Bell. L’auteur de l’appel n’a pas été identifié. Son épouse a répondu à l’appel et on lui a demandé si « StatsCan Larry » était là. Lorsque M. McNabb a répondu, la personne à l’autre bout du fil lui a dit [traduction] « je t’ai eu », et a raccroché. M. McNabb a reconnu cette voix comme étant celle du fonctionnaire puisqu’il l’avait entendu plusieurs fois lors de leurs nombreuses réunions. M. McNabb était fâché, d’autant plus qu’il s’était donné beaucoup de mal pour assurer sa sécurité et celle de sa famille. À la suite de cet appel, il s’est procuré une photo du fonctionnaire et il l’a montrée aux membres de sa famille afin qu’ils puissent être aux aguets concernant la présence de ce dernier autour de leur maison.

46        Le soir où il a reçu l’appel téléphonique, M. McNabb a envoyé à son directeur des captures d’écran du téléphone et du propriétaire enregistré du téléphone ainsi que le numéro de téléphone. Il ne s’agissait pas de la première fois que M. McNabb recevait un appel mystérieux à la maison. Le 15 décembre 2014, il avait reçu un appel provenant d’un numéro de téléphone du gouvernement du Canada, lequel a été acheminé à sa boîte vocale. Aucun message n’avait été laissé par l’auteur de l’appel. M. McNabb a effectué une recherche au moyen des Services d’annuaires gouvernementaux électroniques (SAGE) et il a constaté que le numéro en question avait été attribué au fonctionnaire comme l’indiquaient la capture d’écran et les résultats de la recherche qui ont été produits en preuve (pièce 14, onglet 15).

47        Après le 17 décembre 2014, comme M. McNabb ne pouvait désormais plus être objectif dans ses rapports avec le fonctionnaire, il a décidé de se retirer du processus disciplinaire. Il a signalé les appels téléphoniques au Service de police d’Ottawa. M. Lemay, le directeur chargé notamment du centre de distribution du courrier où travaillait le fonctionnaire, a pris le contrôle du processus disciplinaire à la place de M. McNabb. La réunion de recherche des faits qui devait avoir lieu le 17 décembre 2014 n’a jamais eu lieu. Le fonctionnaire s’est absenté pour motif de maladie, ce matin-là. M. Lemay a plutôt enquêté sur les appels signalés par M. McNabb (pièce 1, onglet 31).

          Éléments de preuve de M. Lemay

48        M. Lemay a tenté de communiquer avec le fonctionnaire par téléphone vers 10 h 30, le 17 décembre 2014. Il a laissé plusieurs messages sur la boîte vocale du fonctionnaire au cours de cette journée. Il a informé le fonctionnaire que la réunion de recherche de faits aurait lieu le 18 décembre 2014, et qu’elle pouvait avoir lieu à 10 h 30, à 13 h ou à 15 h. Il a demandé au fonctionnaire de lui fournir un certificat médical relativement à son absence cette journée-là, et de le rappeler avec l’information demandée.

49        Après avoir enquêté sur les appels signalés par M. McNabb, M. Lemay a conclu qu’il était préférable que le fonctionnaire ne se présente pas au travail, le 18 décembre 2014, comme il était prévu. M. Lemay estimait que la question des appels téléphoniques était suffisamment grave pour que la réunion ait lieu dans un milieu contrôlé. Par conséquent, il a indiqué au fonctionnaire par téléphone qu’il le rencontrerait au bureau de la sécurité, à l’édifice Jean Talon. M. Lemay a laissé deux messages dans sa boîte vocale à cet égard et il a tenté d’en laisser un troisième, mais celle-ci était pleine. Le fonctionnaire n’a jamais répondu aux appels et il n’a jamais communiqué avec M. Lemay par courriel. La réunion de recherche de faits du 18 décembre 2014 n’a pas eu lieu.

50        Après avoir terminé ses enquêtes et en l’absence de toute communication avec le fonctionnaire, le 17 décembre 2014, M. Lemay a conclu qu’il y avait lieu d’imposer une mesure disciplinaire. Compte tenu des antécédents disciplinaires du fonctionnaire, de la régularité de ses infractions et de l’ensemble des incidents survenus entre le 16 et le 18 décembre 2014, il était évident, selon M. Lemay, que le fonctionnaire devait être licencié en raison de son comportement inacceptable, pour ne pas avoir exécuté son travail de la manière requise et pour ne pas avoir respecté le code de conduite et le code de valeurs et d’éthique du défendeur.

51        M. Lemay a conclu que le fonctionnaire n’avait pas effectué la totalité des recherches d’adresses qu’on lui avait demandé de faire, les 11 et 15 décembre 2014, qu’il avait envoyé des courriels inappropriés qui étaient irrespectueux, sarcastiques, et non professionnels et qu’il avait fait des appels téléphoniques au domicile de M. McNabb dans le but de l’intimider, ce que le fonctionnaire n’a, par ailleurs, jamais nié.

52        Dans le cadre de cette enquête, M. Lemay s’est entretenu avec son conseiller en relations du travail et avec M. McNabb. Il a examiné les appels sur le plan de la sécurité. Il a consulté le SAGE et a confirmé que l’appareil téléphonique utilisé pour appeler M. McNabb à partir du centre de distribution du courrier était celui attribué au fonctionnaire. L’ensemble des problèmes liés au rendement au travail, les courriels non professionnels et les appels dérangeants sont les éléments sur lesquels est fondé le licenciement du fonctionnaire.

          Éléments de preuve du fonctionnaire

53        Le fonctionnaire a passé les huit dernières années de sa carrière de 18 ans au sein de la fonction publique chez le défendeur. À titre de commis de distribution classifié CR-03 au centre de distribution du courrier, il recevait le courrier d’affaires retourné, le documentait et le distribuait comme il se devait. Il avait suivi une formation sur le traitement du courrier recommandé, sur l’exécution de recherches d’adresses et sur le fonctionnement des chariots élévateurs servant à livrer des boîtes. Selon sa description, il exerçait un [traduction] « métier inférieur » et [traduction] « dévalorisant ».

54        Il était au courant des préoccupations du défendeur à l’égard de son non-respect des heures de travail. En avril 2013, M. Joly lui a mentionné que son habitude de prendre un congé de maladie les lundis était une source de préoccupation. Il a indiqué à M. Joly qu’il avait une vie à vivre, que c’est le week-end que tout se passe, et qu’il serait raisonnable que M. Joly s’attende à ce qu’il prenne congé les lundis. M. Joly n’a pas aimé la façon dont le fonctionnaire l’a défié lorsqu’il a soulevé ses préoccupations. La question des congés de maladie a été soulevée à nouveau par l’employeur en novembre 2013.

55        La question des heures de travail a été soulevée durant une période où de nombreux travaux routiers étaient effectués sur le trajet d’autobus du fonctionnaire. Lorsqu’il a été informé que ses collègues n’aimaient pas qu’il soit en retard au travail, le fonctionnaire a répondu qu’[traduction] « ils n’avaient pas à s’inquiéter puisqu’ils repartent tôt ». Le fonctionnaire estimait qu’il n’y avait pas lieu de considérer comme problématique le fait qu’il arrive en retard puisque, s’il avait pris un autre autobus, il serait arrivé au travail 25 minutes plus tôt. Lorsqu’il en a discuté avec M. Joly, ce dernier ne comprenait pas son raisonnement. Soudainement, M. Joly n’était plus préoccupé par le problème du lundi; il a commencé à [traduction] « intimider » le fonctionnaire au sujet de ses retards, ce qui, de l’avis de ce dernier, était [traduction] « déraisonnable et hypocrite ». Il n’a pas essayé d’apporter des ajustements à son assiduité en réaction aux inquiétudes exprimées par le défendeur puisque, de son point de vue, celles-ci n’étaient pas fondées.

56        Le fonctionnaire se souvenait d’avoir reçu la lettre relative aux conditions. Il se souvenait d’avoir rencontré M. Joly, qui lui a lu la lettre, en faisant glisser son doigt le long du document à mesure qu’il lisait. Le fonctionnaire a déclaré que, de toute évidence, M. Joly [traduction] « ne pouvait lire l’anglais », ce qui, à ses yeux, démontre qu’il n’avait pas les compétences exigées par son poste. M. Joly a indiqué au fonctionnaire qu’il devait apposer sa signature à la lettre pour en accusé réception et ce dernier lui a répondu [traduction] « il n’en est pas question » et il a ensuite quitté la réunion. Il a été offusqué par le fait que M. Joly indique qu’ils avaient discuté des éléments de préoccupation soulevés dans la lettre relative aux conditions. Ils n’en avaient pas discuté plusieurs fois, mais plutôt à quelques occasions. Le fonctionnaire estimait que la lettre était une insulte.

57        Le fonctionnaire était au courant de la feuille de suivi mise en place par M. Joly. Il savait qu’il devait les remplir lors de l’exécution d’une tournée de courrier et il connaissait les attentes de M. Joly sur la façon de la remplir. Il n’avait pas de problème avec le concept, mais n’était pas d’accord avec la méthode préconisée par M. Joly pour la remplir. Il la remplissait de la manière qu’il estimait appropriée. Il a déclaré que M. Joly [traduction] « avait menti » lorsqu’il a affirmé que le fonctionnaire n’avait pas adéquatement rempli la feuille de suivi. Si le fonctionnaire ramassait du courrier, il mettait un crochet à l’endroit où le courrier avait été ramassé. Si aucun article de courrier n’était ramassé, il laissait la case vide, puisqu’il n’était pas requis d’indiquer quoi que ce soit. Il a déclaré : [traduction] « N’importe qui possédant le moindre Q.I. pourrait conclure que, si la case est vide, aucun article de courrier n’y a été ramassé ». À ce moment de son témoignage, la Commission a averti le fonctionnaire qu’aucune attaque personnelle de ce genre ne serait tolérée et qu’il devait faire preuve de retenue en livrant son témoignage.

58        Le fonctionnaire a attribué les écarts entre les données qu’il avait enregistrées et celles des contrôles de la qualité à quelqu’un [traduction] « qui passait derrière [lui] et qui jouait avec le courrier ». Il n’a, à aucun moment, laissé des articles de courrier dans une boîte d’articles de courrier sortant. S’il n’était pas certain de l’endroit où se trouvait une boîte, ou si une boîte semblait avoir été déplacée, il ne demandait à personne où celle-ci pouvait être. Selon les mots qu’il a utilisés, MM. Joly et McClements ont [traduction] « "commis des erreurs" puisqu’il ne lui était pas permis d’exprimer son opinion personnelle » lorsqu’ils ont rempli leurs feuilles de suivi. Le fonctionnaire a souligné qu’il n’était pas une des personnes préférées de M. Joly en raison du fait qu’il avait questionné la décision du défendeur d’installer le matériel de rayon X dans le centre de distribution du courrier, ce qui était au cœur même de toute cette attention négative à son égard.

59        Depuis son premier jour au centre de distribution, le fonctionnaire a écoulé son temps d’inactivité en naviguant sur Internet à la bibliothèque. Il a choisi de laisser les conducteurs utiliser son terminal dans le centre de distribution. Il n’a pas demandé l’autorisation d’aller à la bibliothèque, mais ses superviseurs savaient qu’il s’y trouvait. Il ne jouait pas à des jeux sur Internet, contrairement à ses collègues et à M. Joly. Il lisait les journaux et accumulait des connaissances sur des problèmes actuels causés, selon ses dires, par [traduction] « le terrible gouvernement de ce pays ». Il s’éduquait et s’améliorait. Lorsque le moment de sa prochaine tournée arrivait et qu’il n’avait pas fini de lire un article, il demeurait à la bibliothèque et il terminait sa lecture. Lorsqu’on lui a demandé de modifier ses heures afin d’aider sa collègue enceinte à effectuer la livraison du courrier à 15 h 30, il a accepté. S’il n’y avait pas de courrier à livrer, il quittait le lieu de travail, même son horaire était de 7 h 45 à 15 h 45.

60        Lorsque le fonctionnaire a commencé à travailler au centre de distribution du courrier, un appareil à rayon X était utilisé. M. Joly lui a dit qu’il n’avait pas à s’en approcher étant qu’il n’avait pas reçu de formation à cet égard. Dix-huit mois plus tard, un nouvel appareil a été installé; il devait suivre une formation pour cet appareil, ce qu’il a contesté. Le gouvernement fédéral a indiqué aux sociétés, comme le fabricant du nouvel appareil à rayon X, de s’autoréglementer. Il n’y avait plus d’inspecteurs du gouvernement dans les secteurs du transport aérien et du transport par rail. Lorsqu’on lui a dit qu’il devait suivre la formation concernant le nouvel appareil, le fonctionnaire a demandé à M. Joly s’il était sécuritaire. On lui a répondu que l’appareil satisfaisait à toutes les normes de sécurité. M. Proulx lui a remis un certificat de Santé Canada attestant que le fabricant avait l’obligation de s’assurer que l’appareil soit conforme aux lignes directrices de Santé Canada. En l’absence d’un examen de la part d’un tiers indépendant dans le but de s’assurer que l’appareil satisfaisait aux normes en matière de sécurité, le fonctionnaire a conclu que l’appareil n’y répondait pas.

61        Lorsque la formation relativement au nouvel appareil à rayon X a été donnée, le fonctionnaire est demeuré à dix pieds de l’appareil. M. Joly lui a demandé s’il participait à la formation. Le plaignant a indiqué qu’il y participait, mais sans s’approcher de l’appareil. Il a également indiqué qu’il ne l’utiliserait pas puisqu’il n’en était pas question dans sa description de poste. M. Joly lui a demandé s’il refusait d’effectuer du travail de rayon X. Le fonctionnaire lui a répondu par la négative, tout en ajoutant qu’il ne s’approcherait pas de la machine avant d’être convaincu qu’elle était sécuritaire et tant que les tâches à cet égard n’étaient pas inscrites dans sa description de poste. M. Joly a ensuite indiqué à M. Mcnabb que le fonctionnaire refusait de travailler.

62        Par la suite, le fonctionnaire a envoyé un courriel à M. McNabb, avec copie conforme à M. McClements. Dans ce courriel, le fonctionnaire a accusé M. Joly de le [traduction] « piéger ». M. McNabb a ensuite enfreint la vie privée du fonctionnaire lorsqu’il a acheminé le courriel en question à d’autres personnes. Le courriel a par ailleurs servi à la suspension du fonctionnaire. La rumeur selon laquelle il a refusé de travailler n’avait aucun fondement. Selon le fonctionnaire, M. Joly avait [traduction] « menti ».

63        Le fonctionnaire a apposé sa signature à la lettre relative aux conditions du 30 juillet 2014, laquelle était une reproduction de la lettre relative aux conditions produite antérieurement (pièce 1, onglet 17). Il l’a signé parce M. McNabb lui avait promis qu’en conséquence, il serait libéré de son environnement de travail toxique. Un examen de la situation devait avoir lieu le 10 novembre 2014, mais M. McNabb a annulé cette réunion sans préavis et sans en convoquer une autre. Le fonctionnaire a indiqué qu’il était peut-être [traduction] « fou, mais qu’[il] n’était pas stupide ». Cette lettre comprenait une promesse claire selon laquelle il serait relevé de ses fonctions au centre de distribution du courrier.

64        M. McNabb, appelé « Larry » par le fonctionnaire, n’était pas aussi [traduction] « casher » (terme utilisé par le fonctionnaire), qu’il prétendait l’être. Il n’avait jamais eu l’intention de respecter sa promesse. Le fonctionnaire a déclaré que le commentaire de M. McNabb selon lequel il n’avait pas promis quoi que ce soit ne [traduction] « méritait pas qu’il y réagisse », d’autant plus qu’il se devait de demeurer poli. Le fonctionnaire ne se souciait pas de ce que M. McNabb avait dit à la Commission ou de ce qu’il pensait. Il n’aurait pas signé la lettre du 30 juillet 2014, si on ne lui avait pas fait de promesse. Selon lui, M. McNabb était un [traduction] « menteur ».

65        La lettre relative aux conditions a eu peu d’incidence sur le travail du fonctionnaire en juillet 2014, bien qu’il se soit senti surveillé de très près. Il ne bénéficiait pas de la même liberté de mouvement que les autres. Il ne pouvait plus aller à la bibliothèque pour s’éduquer. Ses collègues pouvaient aller prendre le déjeuner au bar et en revenir [traduction] « à moitié ivres », alors que lui, il devait demeurer au travail et effectuer des vérifications d’adresses. C’était insultant et dégradant; il était ainsi empêché d’aller à la bibliothèque et d’y améliorer ses compétences et son éducation en vue de postuler à des concours. Selon lui, il était [traduction] « coincé dans un métier inférieur et dévalorisant » sans possibilité d’avancement ni de mutation latérale.

66        Le fonctionnaire a déclaré que la suspension de 10 jours en octobre 2014 était une [traduction] « farce ». Il n’avait pas manqué de respect ni n’avait fait preuve d’insubordination, et il n’avait pas non plus refusé de se conformer à la lettre relative aux conditions. Il s’était absenté du travail, le 29 septembre 2014, mais il n’avait pas été en mesure de signaler son absence en raison des antidouleurs, lesquels l’avaient plongé dans un profond sommeil. Il a consulté un médecin à 9 h 45. Il a pris d’autres antidouleurs et un relaxant musculaire avant de s’y rendre. Il a signalé au bureau du service à la clientèle du centre de distribution du courrier que le médecin lui avait prescrit quelques journées de congé du travail. Il a laissé un message sur la boîte vocale de M. Joly, lequel, selon le fonctionnaire, a été délibérément supprimé par M. Joly afin qu’il puisse se précipiter vers M. McNabb et se [traduction] « plaindre » à nouveau. Le fonctionnaire n’a pas discuté des allégations avec M. McNabb parce que, selon, [traduction] « c’était une perte de temps ». À partir de ce moment, le fonctionnaire a perdu tout le respect qu’il avait à l’égard de M. McNabb.

67        Lorsqu’il a fait l’objet d’une suspension sans rémunération de vingt jours, le fonctionnaire avait l’intention de présenter un grief, mais il n’a pas pu le faire parce qu’il n’avait pas trouvé de représentant syndical qui puisse l’aider. Il a dépassé l’échéancier pour déposer un grief de dix jours. Selon lui, le défendeur a trouvé une version préliminaire du grief pendant qu’il nettoyait son pupitre après son licenciement, et il l’aurait jeté au lieu d’y donner suite comme il aurait dû le faire. Il a fait l’objet d’une suspension de 20 jours parce que, sur demande, il était allé au centre de production afin d’y remplir des enveloppes. Il a passé 1,5 heure à le faire après le déjeuner, soit jusqu’à 14 h 15, une fois la table vidée. Il n’y avait personne d’autre que lui à cet endroit, alors il est retourné vérifier les adresses comme on lui avait antérieurement demandé de le faire.

68        Quelques jours plus tard, il a été sommé de se rendre à une réunion de recherche de faits avec M. Proulx parce que, selon les allégations, il avait terminé sa pause en retard, il n’avait pas effectué la tâche qui lui avait été attribuée et il s’était absenté du travail. Le fonctionnaire savait que toutes ces allégations n’étaient que des mensonges. M. NcNabb a fait valoir qu’il avait parlé de cette affaire à d’autres membres du personnel, mais il n’a rien fait de tel; c’est M. Proulx qui l’a fait.

69        Le fonctionnaire n’a jamais eu de copie de la feuille de calcul démontrant qu’il n’avait pas atteint les normes de rendement en ce qui a trait à la vérification des adresses. Il s’agit d’une fabrication et ces données ne devraient pas être prises en compte puisqu’il y est question d’heures allant jusqu’à 15 h 30. Puisque MM. Joly et McClements n’étaient jamais au travail à 15 h 30, comment pourraient-ils savoir ce qu’il a fait? Leurs préoccupations étaient non pertinentes et anodines.

70        Les vérifications de contrôle de la qualité effectuées par M. Joly visaient à mettre le fonctionnaire dans l’embarras et à l’humilier. Aucun ton particulier ne se dégageait des communications par courriel; le défendeur y a interprété ce qu’il voulait bien y voir. Le fonctionnaire a souligné qu’il avait le droit de s’exprimer, et qu’il exerçait ce droit indépendamment de l’opinion du défendeur. Le défendeur n’avait pas la moindre idée de ce qu’on entend par production, il pensait qu’il travaillait dans un secteur de la production. La [traduction] « production » consiste à créer quelque chose à partir de rien. Il effectuait le traitement du courrier poubelle, une tâche à laquelle il se consacrait lorsqu’il avait le temps, il ne créait rien à partir de rien. L’utilisation de termes inappropriés avait pour but de l’accuser de quelque chose de préjudiciable.

71        À ce point précis, la Commission a averti une fois de plus le fonctionnaire que le vocabulaire employé était inacceptable et irrespectueux à l’égard de ceux qui étaient présents, notamment le défendeur, les gens présents dans la salle, son représentant et la Commission. Il a fait l’objet d’un avertissement selon lequel l’audience serait ajournée s’il ne mettait pas un terme à ce type de comportements. Il n’a démontré aucun remords en ce qui a trait à son comportement et il a répondu que [traduction] « cela reflétait sa pensée et qu’[il] allait l’exprimer ». Il a conclu qu’indirectement, le défendeur tentait de le faire mal paraître.

72        Le fonctionnaire a été surpris d’apprendre son licenciement. Rien ne le justifiait, si ce n’est les appels téléphoniques douteux, auxquels rien ne le liait. Il n’a jamais entendu parler de la réunion de recherche de faits du 17 décembre. Il était en congé de maladie et il avait fermé son téléphone. Lorsqu’il l’a remis en marche, deux messages de M. Lemay y étaient enregistrés, et non plusieurs, comme il l’avait affirmé et, par conséquent, à son avis, M. Lemay était lui aussi un [traduction] « menteur ». Il n’a pas rappelé M. Lemay parce qu’il n’avait reçu son message qu’après les heures de bureau et que, par conséquent, le rappeler n’aurait rien donné. Le fonctionnaire ne savait pas quel travail il n’avait pas totalement effectué. Il n’avait pas téléphoné à M. McNabb et ne savait pas qui l’avait fait.

73        Toute la période passée par le fonctionnaire au centre de distribution du courrier a été tumultueuse. Bien que les choses se soient bien déroulées au début, en avril 2013, elles ont commencé à se détériorer lorsque M. Joly a sorti la feuille de temps sur 18 mois pour démontrer la tendance concernant les congés de maladie du fonctionnaire, laquelle était, semble-t-il, inacceptable, bien que ceux-ci aient été approuvés lorsqu’il travaillait ailleurs. Les critiques de M. Joly relativement à l’utilisation des congés de maladie du fonctionnaire étaient hors de proportion, mais ce dernier n’a pas réagi. Vers le mois de juin 2013, il en est venu à réaliser que ses collègues, selon lui, étaient [traduction] « insensibles et irrespectueux » et qu’ils faisaient des commentaires inappropriés à l’endroit des femmes. Le fonctionnaire prétend qu’il a été critiqué vigoureusement par un collègue allemand pour avoir porté des tee-shirts grecs au travail et qu’il s’était senti harcelé. Il ne respectait aucunement ses collègues, car ces derniers étaient loin d’être aussi intelligents que lui, d’après son évaluation personnelle de la situation. Ils étaient satisfaits de leur métier inférieur et ils ne cherchaient pas à s’améliorer.

74        En juillet 2013, le fonctionnaire a demandé un congé annuel à l’occasion de Noël, parce que Noël est une fête importante pour les Grecs. M. Joly lui a demandé de retirer sa demande parce qu’il était trop tôt et que la période de congé devait être répartie de manière équitable entre les employés. En septembre, il a réitéré sa demande. Cette fois, M. Proulx lui a demandé de retirer ses demandes.

75        En novembre 2013, le fonctionnaire a rencontré MM. McClements, Joly, et Proulx pour discuter du programme [traduction] « Des opportunités se présentent ». Le fonctionnaire estimait que M. Joly interprétait incorrectement le programme, il l’a par conséquent interrompu et il lui a dit. M. McClements l’a averti que la direction n’aimait pas les gens ambitieux, et qu’il devait se montrer prudent. Quoi qu’il en soit, le fonctionnaire est reparti avec l’impression qu’il serait envoyé au secteur des transports pour une période de six semaines.

76        En décembre 2013, le fonctionnaire a été convoqué à une réunion au bureau de M. Proulx à laquelle participait M. Joly. On lui a dit qu’il devait aller à la section des transports même s’il ne le voulait pas. Le lendemain, M. Proulx l’a de nouveau convoqué à son bureau. Il voulait savoir pourquoi le fonctionnaire refusait d’établir un contact visuel avec M. Joly. Le fonctionnaire a répondu en lui demandant pourquoi il devrait le faire. Il a indiqué qu’il n’était pas content de la manière dont on avait traité la question des congés de Noël et qu’il avait demandé un transfert parce qu’il était entouré de ce qu’il a appelé des [traduction] « bâtards insensibles peu instruits ». Il a indiqué à M. Proulx qu’il était arrivé que M. Joly se tienne debout derrière des femmes dont il aurait fixé les seins du regard. Il voulait sortir de là parce qu’il ne lui était pas permis d’apprendre des choses, que les possibilités d’avancement étaient inexistantes et que le centre de distribution du courrier était un cul-de-sac. Cet environnement ne lui était pas favorable. L’affectation n’a jamais eu lieu.

77        Une des conditions dans la lettre relatives aux conditions était qu’il devait envoyer un courriel à M. Joly chaque matin à son arrivée. Le fonctionnaire a affirmé s’être senti menacé lorsque, le 6 octobre 2014, M. Proulx lui a envoyé un courriel lui rappelant les exigences énoncées dans la lettre relative aux conditions (pièce 16). Le fonctionnaire estimait que M. Proulx n’était pas raisonnable, et il a récupéré le compte rendu de sécurité pour lui montrer qu’il n’était pas si en retard. Il a répondu au courriel de M. Proulx, a exprimé son désaccord avec la version des faits présentée par M. Proulx et il a menacé de déposer une plainte pour harcèlement contre lui. Il l’a traité d’hypocrite et a remis en question les motifs de ses actes.

78        Le plaignant a indiqué qu’il ne regrettait aucunement ses agissements. Il n’a rien fait de mal. Il a subi un préjudice et il a demandé que justice soit faite. Il était convaincu que M. Joly lui avait mis des bâtons dans les roues. Il ne ferait aucunement confiance aux contrôles de la qualité effectués par M. Joly et ceux qui, selon lui, étaient [traduction] « ses deux bons complices qui tentaient d’avoir [sa] peau ». Quelqu’un dans l’organisation passait derrière lui et mettait du courrier dans sa boîte de courrier sortant et donnait ainsi raison à M. Joly de lui imposer une mesure disciplinaire; possiblement M. Joly lui-même. Quand M. Joly lui compliquait la vie en ce qui a trait à la manière de remplir les feuilles de compte du courrier, le fonctionnaire indiquait dans les cases tout ce qui se produisait. Il se disait que, s’il cochait toutes les cases, M. Joly le laisserait tranquille.

79        Le fonctionnaire était préoccupé par le port des bottes à embout d’acier lorsqu’il était en pause ou lorsqu’il était à la bibliothèque. Il les enlevait aussitôt qu’il sortait de la zone de travail. Il estimait que le fait de porter ces bottes dans les escaliers constituait un danger de sécurité. Le simple fait que M. Joly avait vu les bottes du fonctionnaire dans son bureau ne signifiait pas qu’il était allé chez lui pour le reste de la journée.

80        M. McNabb n’était pas mieux. Selon le fonctionnaire, il était lui aussi un [traduction] « menteur ». Il a menti au fonctionnaire au sujet de l’examen de l’organisation du travail et de la lettre relative aux conditions en novembre 2014. Il a partagé les réflexions privées du fonctionnaire dans le but de donner l’impression qu’il avait refusé d’effectuer du travail. M. Joly et M. McNabb ne sont pas crédibles.

81        Le fonctionnaire n’a pas été en mesure d’identifier le code de conduite du défendeur. Il est possible qu’il en ait reçu une copie au début de son emploi à Statistique Canada, mais il ne s’en souvenait pas. Il n’estimait pas avoir l’obligation de traiter ses collègues avec respect. Il a affirmé qu’il respecterait ses collègues [traduction] « uniquement si ces derniers [le] traitaient avec respect ». Le fonctionnaire ne reconnaissait pas le Code de valeurs et d’éthique du secteur public. Il a souligné qu’il [traduction] « [n’avait pas] besoin d’un code de valeurs et d’éthique ». Il vivait selon son propre code d’éthique et sa conduite était honorable. Il se souvenait que M. McNabb avait mentionné le code de valeurs et d’éthique lors du renouvellement de son mandat. Le fonctionnaire a indiqué que M. Joly ne respectait aucun code, alors pourquoi devrait-il le faire? Il était hypocrite de la part de M. Joly de rappeler au fonctionnaire qu’il avait l’obligation des employés de se conduire d’une manière respectueuse du code de conduite et du code de valeur et d’éthique lorsque lui-même ne s’y conformait pas.

82        Le fonctionnaire a ignoré les nombreux avertissements que lui a donnés le défendeur (pièce 1, onglet 28) concernant le ton de ses courriels. Il a déclaré qu’il traitait ses gestionnaires de la même façon qu’eux le faisaient à son égard. Les commentaires qu’il a faits dans ses communications par courriel n’étaient aucunement répréhensibles, il ne faisait qu’exercer sa liberté d’expression. La direction savait que le fonctionnaire avait demandé à être muté ailleurs, mais elle a choisi d’ignorer ses demandes, afin de le garder là et de continuer à l’intimider.

83        Vers la fin du contre-interrogatoire, le fonctionnaire était très agité et en colère. De toute évidence, il était bouleversé par le déroulement du contre-interrogatoire et par la façon dont son avocate menait l’affaire. Il a été averti qu’il devait contrôler sa colère et s’adresser à la Commission et aux avocats avec courtoisie et respect, en utilisant strictement un langage approprié. Plutôt que de se poursuivre en après-midi, l’audience a été ajournée jusqu’au lendemain pour le réinterrogatoire. Lors de l’ouverture de l’audience le lendemain, l’avocate du fonctionnaire a annoncé à la Commission qu’elle ne pouvait continuer à le représenter de manière efficace et elle s’est retirée à titre de représentante. Elle a demandé un autre ajournement, ce à quoi la Commission a consenti.

84        Peu de temps après cet épisode, l’Alliance de la Fonction publique du Canada, l’agent négociateur, a annoncé à la Commission qu’elle se retirait à titre de représentante du fonctionnaire. La Commission lui a alors donné le choix de se trouver un avocat ou de poursuivre en se représentant lui-même. Il a choisi de se représenter lui-même. Avant le début de la prochaine journée d’audience, il a reçu des instructions quant au décorum relatif à la salle d’audience et il a fallu lui rappeler à maintes reprises durant la journée ce qui était attendu de lui, sans trop de succès.

85        Selon lui, ses superviseurs étaient [traduction] « caustiques ». Sa relation avec ses gestionnaires n’était pas très bonne parce qu’on le percevait comme un Monsieur Je-sais-tout. La salle de courrier n’était pas un milieu très encourageant, et le fonctionnaire avait demandé un transfert au moins quatre fois. Le défendeur avait mal exploité ses compétences dont aurait d’ailleurs pu bénéficier grandement le système de distribution du courrier. M. Joly et d’autres membres de la direction s’acharnaient sur lui et faisaient tout en leur pouvoir pour de se débarrasser de lui. Il n’était pas aimé de la direction parce qu’il contestait leurs décisions; on le voyait comme une menace.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le défendeur

86        Deux questions doivent être tranchées par la Commission : 1) y a-t-il eu inconduite et, si oui, 2) la mesure disciplinaire imposée était-elle raisonnable? Il incombait au fonctionnaire de démontrer que les suspensions sans rémunération de trois jours et de cinq jours et son licenciement étaient déraisonnables compte tenu des circonstances. Il n’y est pas parvenu. Le défendeur a démontré que l’élément essentiel sur lequel reposent les motifs de cette mesure disciplinaire imposée au fonctionnaire était son incapacité à exercer les fonctions qui lui étaient attribuées par le défendeur. Il ne réussissait pas à livrer le courrier tel que requis, il n’a pas rempli les documents requis, il n’exerçait pas les autres fonctions, notamment effectuer les recherches d’adresses, tel qu’il était requis, et il naviguait sur Internet à des fins personnelles plutôt que d’effectuer ses fonctions. De plus, il n’a pas respecté le code de conduite, le code de valeurs et d’éthique et les directives qui lui ont été données par la direction.

87        Le fait de naviguer sur Internet plutôt que d’exercer ses fonctions a été soulevé comme défense relative aux allégations de conduite inappropriée. On ne peut avoir recours à un comportement inapproprié pour excuser un autre comportement inapproprié. Il a été irréfutablement démontré que le fonctionnaire n’avait pas ramassé le courrier conformément aux directives du défendeur, qu’il a refusé de remplir les feuilles de suivi conformément aux directives du défendeur et qu’il s’est absenté de son milieu de travail sans autorisation, le 9 juillet 2014. Les explications qu’il a fournies pour justifier ses omissions sont improbables eu égard aux éléments de preuve irréfutables présentés par le défendeur. Sa preuve manque de crédibilité.

88        Le critère qui permet d’établir la crédibilité d’un témoin est présenté dans Faryna c Chorney, [1952] 2 DLR 354, et dans F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53. Le véritable critère de la véracité de ce que raconte un témoin dans une affaire déterminée doit être la compatibilité de ses dires avec la prépondérance des probabilités qu’une personne éclairée et douée de sens pratique peut d’emblée reconnaître comme raisonnable. La preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités. Selon les éléments de preuve produits par le fonctionnaire, il ne pouvait même pas identifier les feuilles de suivi du courrier mises en place par le défendeur. Les témoins du défendeur ont produit une preuve claire et convaincante des attentes, de ce qu’ils ont fait et de la façon dont ils l’ont fait. Le défendeur s’est acquitté du fardeau de la preuve de démontrer l’inconduite dans les trois cas qui ont mené  à une mesure disciplinaire.

89        Il a été établi que le fait de ne pas livrer ni ramasser le courrier était un comportement qui justifiait l’imposition d’une mesure disciplinaire (voir Société canadienne des postes c. Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes [2003] C.L.A.D. no 233 (QL), tout comme le fait de ne pas remplir les formulaires requis (voir Saint-Jacques et le Conseil du Trésor (Cour suprême du Canada), dossier de la CRTFP 166-02-20619 (19910527), [1991] C.R.T.F.P.C. no 116), de ne pas effectuer les fonctions requises pendant les heures de travail (voir Mandel et le Conseil du Trésor (ministère des Postes), [1982] C.R.T.F.P.C. 136 (QL), et de naviguer sur Internet à des fins personnelles durant les heures de travail (voir Andrews c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2011] C.R.T.F.P. 100) (QL).

90        La preuve incontestée a clairement établi que, le matin du 8 juillet 2014, le fonctionnaire n’a pas ramassé le courrier sur plusieurs étages de l’édifice Jean Talon (pièce 1, onglet 10). Le matin du 9 juillet 2014, il n’a toujours pas ramassé le courrier à cet endroit (pièce 1, onglet 12). Les 8, 9 et 10 juillet 2014, il n’a pas rempli les feuilles de suivi de la tournée de courrier exigées par le défendeur conformément à ses instructions. La preuve relative à l’absence du fonctionnaire sans autorisation, le 9 juillet 2014, n’a également pas été contestée. En ce qui concerne ses inconduites, le défendeur a imposé une suspension sans rémunération de trois jours, alors qu’il avait antérieurement donné au fonctionnaire des réprimandes de vive voix et par écrit pour des infractions similaires.

91        Dans Cooper c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 119, et dans Ranu c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), [2014] C.R.T.F.P.C. no 89, l’ancienne Commission a indiqué que la détermination d’une mesure disciplinaire appropriée est un art et non une science. L’arbitre de grief devrait s’abstenir de modifier une mesure disciplinaire à moins que celle-ci soit manifestement déraisonnable ou erronée. De plus, il est bien établi qu’il n’est pas exigé que la progression des mesures disciplinaires se déroule par échelons préétablis (voir King c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2010 CRTFP 125). De plus, cette affaire est semblable à Laurin et le Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-2-15100 (19860610) [1986] C.R.T.F.P.C. no 145, dans laquelle une suspension sans rémunération de trois jours a été confirmée en tant que mesure disciplinaire imposée dans le cas d’une exécution négligente d’une tâche par un commis à la saisie de données.

92        Dans les circonstances, il n’y avait rien de déraisonnable dans la façon de faire du défendeur consistant à passer progressivement de la réprimande écrite à une suspension sans rémunération de trois jours. Quoi qu’il en soit, une suspension de trois jours dans ces circonstances était tout de même une mesure disciplinaire raisonnable pour chacun des actes d’inconduite, en tant que tels.

93        La nature répétée du refus du fonctionnaire d’exercer ses fonctions comme on lui demandait et d’être présent à son lieu de travail à moins d’en avoir été autrement autorisé justifiait l’imposition d’autres mesures disciplinaires, en août 2014. Son inconduite a été aggravée en raison d’une inconduite supplémentaire où il a critiqué son gestionnaire dans un courriel envoyé le 21 août 2014, concernant M. Joly. Les arbitres de griefs ont de façon constante fait valoir que les fonctionnaires sont coupables d’une inconduite grave lorsqu’ils envoient des communications dans lesquels ils critiquent leurs superviseurs (MacLean c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes, Accise et Impôt), dossier de la CRTFP 166-02-27968 (19990107) [1999] C.R.T.F.P.C. no 1 (QL) et Fontaine-Ellis c. Conseil du Trésor (Santé Canada), dossier de la CRTFP 166-02-27804 (19980114), [1998] C.R.T.F.P.C. no 3 (QL)

94        En fin de compte, c’est une suspension sans rémunération de cinq jours qui a été imposée. En l’espèce, les facteurs aggravants, qui consistent en l’omission sérieuse de ne pas ramasser le courrier, l’envoi d’un message courriel contenant des critiques à l’endroit de ses gestionnaires, les antécédents disciplinaires du fonctionnaire, la nature répétée des infractions, l’incidence du courriel sur M. Joly et le refus par le fonctionnaire d’assumer la responsabilité de son inconduite justifiaient l’imposition d’une suspension de cinq jours. Il n’existait aucun facteur atténuant pouvant justifier une sanction moins sévère. Il n’y avait rien de déraisonnable dans l’application de mesures disciplinaires progressives par le défendeur, ni dans le fait que les mesures disciplinaires ont augmenté, passant d’une suspension de trois jours à une suspension de cinq jours.

95        Malgré les suspensions de trois jours et de cinq jours, lesquelles ont été visées par le dépôt de griefs de la part du fonctionnaire, ainsi que les suspensions de dix et de vingt jours, lesquelles n’ont fait l’objet d’aucun grief, l’inconduite du fonctionnaire s’est poursuivie. La preuve a démontré clairement que, les 11 et 15 décembre 2014, le fonctionnaire a fait un nombre inacceptable d’erreurs lors des recherches d’adresses et qu’il n’a pas réussi à atteindre ses quotas quotidiens. Qui plus est, il a envoyé un autre courriel de critiques à l’endroit de son superviseur, le 16 décembre 2014. Plus tard au cours de cette journée, après avoir été convoqué à une réunion disciplinaire qui devait avoir lieu le lendemain, le fonctionnaire a fait un appel d’intimidation anonyme à son directeur adjoint. Par conséquent, il existait des motifs suffisants pour que le défendeur impose d’autres mesures disciplinaires au fonctionnaire.

96        Le fonctionnaire n’a pas réussi à démontrer que son licenciement était de toute évidence déraisonnable ou injuste. Les facteurs aggravants, dont son dossier disciplinaire, renforcent le caractère raisonnable de la décision du défendeur de mettre fin à son emploi. De plus, il n’a aucunement assumé la responsabilité de son inconduite. En l’absence de tout facteur atténuant, la pénalité était justifiée. Chaque inconduite constitue un incident déterminant qui, pris isolément, justifie le licenciement.

B. Pour le fonctionnaire

1. Grief relatif à la suspension de trois jours

97        En ce qui concerne les allégations selon lesquelles le fonctionnaire a omis de ramasser le courrier, à chaque palier de la procédure de grief, il a demandé à quel étage il avait omis de ramasser le courrier. Le défendeur ne lui a jamais dit. Il est absolument impossible de savoir à qui le courrier restant était destiné. Le courrier n’est pas assujetti à un délai de livraison critique et il peut être livré à tout moment. Si le fonctionnaire a noté le nombre d’articles ramassés et que d’autres sont demeurés non ramassés, alors quelqu’un doit les avoir déposés après qu’il soit passé, dans le but de le piéger.

2. Le grief relatif à la suspension de cinq jours

98        Le défendeur s’est appuyé sur les mêmes motifs pour imposer cette mesure disciplinaire que dans le cas de la suspension de trois jours. À nouveau, les motifs étaient généraux et manquaient de précision, comme l’étage visé par l’omission et le nombre d’enveloppes en cause. La lettre vexatoire envoyée par le fonctionnaire portait sur l’introduction d’un nouvel appareil à rayon X dans le milieu de travail. Ni l’utilisation de cet appareil ni le ramassage du courrier ne faisaient partie de la description de travail du fonctionnaire, seule la distribution du courrier s’y trouvait et il avait donc le droit de contester M. Joly à cet égard.

99        Lorsque le fonctionnaire a commencé à travailler au centre de distribution, M. Joly lui a montré l’appareil à rayon X et lui a indiqué qu’il n’avait pas à l’utiliser parce qu’il n’avait pas reçu de formation à cet égard. Par la suite, lorsque cet appareil a été remplacé, on s’attendait à ce qu’il suive une formation relativement au nouvel appareil. Lors de la formation, il est demeuré à une distance de 10 pieds de l’appareil. Interrogé quant à savoir s’il participait à la formation, il a répondu « Oui ». Ensuite, M. Joly a commencé à utiliser un langage indiquant que le fonctionnaire avait refusé d’effectuer le travail. Le courriel envoyé à M. McNabb et à M. McClements portait sur la déclaration de M. Joly selon laquelle le fonctionnaire n’avait pas à utiliser l’appareil à rayon X. M. Joly a fait allusion à un refus de travailler; il tentait de piéger le fonctionnaire.

100        M. Joly a également alimenté la rumeur selon laquelle le fonctionnaire aurait supprimé les courriels de M. Joly sans les lire, ce qui constituait un autre mensonge, puisqu’il est impossible de supprimer des courriels sans y avoir préalablement jeté un coup d’œil. Il faut surligner le courriel afin de le supprimer. M. Joly a également déclaré qu’il reconnaissait l’écriture du fonctionnaire, ce qui est impossible, puisque toutes les communications entre eux sont par courriel.

101        Le fonctionnaire a reçu une lettre relative aux conditions, dans laquelle il était allégué qu’il était toujours en retard. Il n’était pas toujours en retard; entre août et novembre, il n’est arrivé en retard que quatre fois. Ce nombre pourrait paraître excessif aux yeux de certains, comme M. Joly, mais, pour le fonctionnaire, ce ne l’était pas. Aucune autre date n’a été produite en ce qui concerne les retards du fonctionnaire et les collègues de travail de ce dernier n’ont jamais fait l’objet de mesures disciplinaires en raison d’un retard.

102        Les évaluations du rendement du fonctionnaire ont révélé qu’il s’entendait bien avec tout le monde. Toutefois, le défendeur a indiqué qu’il ne s’entendait avec personne au centre de distribution. Si tel était le cas, le défendeur aurait pu muter le fonctionnaire, mais il ne l’a pas fait.

103        Le fonctionnaire a le droit d’exprimer ses opinions par écrit ou autrement, sur toute question que ce soit. Il a droit à la liberté d’expression. Si le défendeur estimait que le ton employé par le fonctionnaire dans ses communications était critique, le problème était le sien et non celui du fonctionnaire. Aucun élément de preuve n’a été produit relativement aux appels de menace supposément faits par le fonctionnaire. Aucun rapport de police n’a été produit. Le fait que le numéro attribué au fonctionnaire dans le SAGE a été utilisé pour téléphoner à M. McNabb n’est pas pertinent, puisque le fonctionnaire n’a jamais demandé que ce numéro lui soit attribué dans le système de gestion des appels.

104        Le défendeur a souligné dans ses réponses au grief que le fonctionnaire n’avait démontré aucun remords. Il ne pouvait avoir de remords puisqu’il n’avait rien à se reprocher.

105        Le fonctionnaire n’a jamais été informé des lignes directrices du défendeur en matière de mesures disciplinaires. Il n’a jamais fait l’objet de réprimandes de vive voix. M. Joly lui a seulement demandé s’il avait ramassé tous les articles. M. Joly aurait dû lui préciser à quel endroit il avait omis de ramasser un article. Il y a lieu de souligner que la description de travail du fonctionnaire ne comprenait pas le ramassage du courrier, mais uniquement la distribution. La distribution du courrier comprend le traitement du courrier entrant et non du courrier sortant. Le fonctionnaire a reçu une réprimande écrite pour ne pas avoir envoyé de courriel à M. Joly contrairement à ce qui était prévu dans la lettre relative aux conditions. Un suivi relatif à chaque infraction aurait dû être effectué tout au long du processus disciplinaire. Sans quoi, la préparation des lignes directrices de la part du défendeur aura été une perte de temps.

106        Le fonctionnaire a été suspendu à plusieurs reprises sans être informé des motifs, ce qui constitue du harcèlement et contrevient au paragraphe 3.1 de la politique du défendeur en matière de prévention du harcèlement.

107        Le fonctionnaire s’est montré respectueux à l’égard du défendeur jusqu’au moment où on a manqué de respect envers lui et qu’on l’a obligé de signer la lettre relative aux conditions et à rester sur le lieu de travail jusqu’à 15 h 30, alors que ses collègues pouvaient partir plus tôt. Ses collègues ne méritaient pas son respect, car ils étaient insensibles, ignorants et satisfaits de leurs métiers inférieurs, contrairement au fonctionnaire. Même M. McClements partait à 15 h, alors pourquoi devait-il rester jusqu’à 15 h? Il a même fait l’objet de harcèlement lorsqu’il a été informé qu’il devait respecter les objectifs du défendeur. Il a abordé avec les gestionnaires la question de quitter le centre de distribution du courrier, mais sa demande n’a jamais été présentée par écrit. Il ne voulait pas qu’on le considère comme un cas problématique.

108        M. Joly n’a pas été vigilant en ce qui concerne le climat de travail. Il n’a pas démontré les aptitudes de direction requises par le défendeur. Il a également contrevenu au code d’éthique. Il n’a jamais communiqué au fonctionnaire les éléments qui lui étaient reprochés et il n’a jamais permis à ce dernier de remédier à la situation. Tout au long du processus disciplinaire, M. Joly n’a jamais précisé au fonctionnaire les éléments répréhensibles qui lui étaient reprochés. M. Lemay aurait dû vérifier auprès de M. Joly si le défendeur s’était acquitté de toutes ses obligations prévues dans les lignes directrices en matière de mesures disciplinaires en ce qui concerne le fonctionnaire; il se serait alors rendu compte que M. Joly n’avait pas suivi les règles. M. Joly n’a pas su bâtir une division sûre, saine et respectueuse. Ayant permis que les choses se passent ainsi, M. Lemay n’y est pas parvenu non plus. M. Joly est celui qui aurait dû faire l’objet d’une mesure disciplinaire et non le fonctionnaire.

109        Les motifs sur lesquels est fondée la lettre relative aux conditions de M. Joly sont fabriqués et c’est pourquoi le fonctionnaire a refusé d’y apposer sa signature. Avant d’apposer sa signature à la deuxième lettre relative aux conditions, il a demandé à M. McNabb de lui expliquer comment sa signature permettrait de régler le problème. Il y a apposé sa signature uniquement après avoir eu l’assurance de M. McNabb qu’il pourrait ainsi sortir du centre de distribution du courrier. M. McNabb aussi a menti; il a annulé la date d’évaluation du 10 novembre 2014, et ne l’a jamais reportée. Aucun perfectionnement professionnel ou appui n’a été offert relativement aux plans de carrière du fonctionnaire, et c’est notamment la raison pour laquelle il a décidé de parfaire son éducation au moyen d’Internet. Puisqu’il tentait de s’éduquer et de se préparer en vue d’une meilleure carrière chez le défendeur, il était approprié que ses efforts pour s’éduquer soient effectués pendant les heures de travail.

110        Le manque d’éthique reproché à M. Joly pouvait également être observé à tous les paliers de la direction. M. McClements ne distribuait pas les tâches de manière équitable. Le fonctionnaire devait effectuer les vérifications d’adresses alors que les autres pouvaient prendre un verre lors de la pause repas et quitter le lieu de travail plus tôt.

111        Compte tenu de tous ces éléments, il ne fait aucun doute que c’est sans motif valable que le fonctionnaire a fait l’objet de mesures disciplinaires et qu’il a été licencié.

112        Il ne faudrait pas lui reprocher la qualité de la représentation qu’il a reçue de sa représentante syndicale; il ne devrait pas sortir perdant de cette affaire parce que son avocate était incompétente et qu’elle refusait de suivre ses instructions.

113        En ce qui a trait au résumé présenté ci-dessus des arguments du fonctionnaire, la Commission souligne que le fonctionnaire n’était plus représenté par une avocate à l’étape de l’argumentation. Durant l’argumentation du défendeur, le fonctionnaire n’était pas attentif et il n’écoutait pas les arguments avancés par l’avocat du défendeur et ne prenait pas de notes. Le fonctionnaire a choisi de ne présenter aucune jurisprudence en guise d’appui à son argumentation ou pour réagir à celle citée par le défendeur, bien qu’il ait eu la possibilité de l’examiner et de préparer ses commentaires, puisqu’il n’était pas payé à l’heure, contrairement aux autres personnes présentes. De plus, il a fallu en deux occasions au moins rappeler au fonctionnaire qu’il devait se montrer respectueux envers les autres personnes présentes, y compris envers le défendeur et la Commission.

C. Réponse du défendeur

114        Dans ses observations, le fonctionnaire n’a fait que souligner ce que la direction n’avait pas fait pour lui. Il connaît la preuve présentée contre lui par le défendeur, et malgré tout, il ne l’a pas abordé ni démontré le moindre remords à cet égard. Toutes les anomalies procédurales liées au processus d’imposition des mesures disciplinaires de la part du défendeur ont été corrigées par la présente audience de novo (voir Patanguli c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CAF 291). Ses allégations ne sont appuyées par aucun élément de preuve. Aucun élément de preuve n’a été présenté démontrant qu’il y a eu violation de la convention collective; en fait, l’agent négociateur a retiré son appui à ces griefs et, sans cet appui,  et s’ils avaient été des griefs liés à la convention collective, cette affaire ne pourrait pas être poursuivie.

115        Contrairement aux arguments du fonctionnaire, le défendeur n’est pas obligé de suivre toutes les étapes des lignes directrices en matière de mesures disciplinaires. Il est clairement indiqué au paragraphe 4 de ces lignes directrices qu’il y a lieu de faire preuve de souplesse, tel qu’il est confirmé dans Shaver c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences) 2011 CRTFP 43.

116        Tous les articles de courrier que le fonctionnaire ramassait devaient être indiqués sur les feuilles de suivi. Le motif de cette directive n’est pas pertinent. Le défendeur a le droit d’établir les fonctions à accomplir et la façon de le faire. Le fonctionnaire n’est pas crédible; les éléments de preuve établissant ses infractions sont importants. De toute évidence, ses déclarations étaient inexactes.

IV. Motifs

117        Les éléments de preuve dont je suis saisie ont établi que toutes les mesures disciplinaires imposées dans les trois griefs étaient justifiées, peut-être pas en ce qui a trait à chaque allégation énumérée dans les différentes lettres relatives aux mesures disciplinaires prises séparément, mais certes en ce qui concerne l’effet cumulatif du comportement inacceptable du fonctionnaire. Il a fait preuve d’insubordination, il a été irrespectueux et même méprisant à l’endroit de la direction et de ses collègues, et il a clairement contrevenu au code d’éthique et aux normes de conduite en milieu de travail.

118        Dans son témoignage et dans ses arguments, le fonctionnaire a admis qu’il avait manqué de respect envers la direction, tout particulièrement à l’égard de M.Joly. Il a refusé d’exercer les fonctions qui lui avaient été attribuées et que le défendeur lui avait demandé de faire. Il a également admis avoir été en retard et absent du travail à des moments où il aurait dû être présent. De plus, de la manière dont il s’est comporté envers les personnes présentes à l’audience, il a clairement démontré le comportement à l’origine des mesures disciplinaires qui lui ont été imposées. Le meilleur élément de preuve défavorable au fonctionnaire a été son témoignage, au cours duquel il a admis son inconduite. Les excuses qu’il a avancées manquaient de crédibilité, compte tenu de la nature diffamatoire de l’ensemble de son témoignage. Il n’a nié aucune des allégations contre lui, à l’exception de l’appel à M. McNabb, y compris le fait d’avoir été irrespectueux. En fait, il ressort de son témoignage qu’il était fier de ses actes et qu’il estimait que son comportement était justifié.

119        Selon le code de conduite, les employés sont tenus de démontrer du respect envers tout le monde et de s’abstenir d’exprimer leur opinion personnelle ou de faire des commentaires à l’endroit de l’organisation, de son personnel, ou du gouvernement fédéral (pièce 1, onglet 33). De toute évidence, les éléments de preuve produits par le défendeur et le fonctionnaire ont établi qu’il ne s’était pas acquitté de cette obligation. Le manque de respect qu’il a affiché par écrit et lors de sa description de ses collègues est irréfutable. De plus, son comportement constituait clairement un manquement aux comportements attendus qui sont énumérés dans le Code de valeurs et d’éthique du secteur public (pièce 1, onglet 34), en particulier traiter chaque personne avec respect et équité, et travailler ensemble dans un esprit d’ouverture, d’honnêteté et de transparence qui favorise l’engagement, la collaboration et la communication respectueuse. Le refus du fonctionnaire d’exercer les fonctions qui lui ont été attribuées comme elles lui ont été précisées par le défendeur, le refus de se présenter au travail comme prévu et le refus de ne pas s’absenter du travail contrevenaient également à l’obligation qui lui incombait de se comporter en tout temps avec intégrité et d’une façon qui puisse résister à l’examen public le plus minutieux.

120        Il a également été clairement établi que le fonctionnaire ne remplissait pas les feuilles de suivi du courrier conformément aux directives, qu’il ne suivait pas les conditions établies dans la lettre, qu’il se présentait au travail en retard, qu’il s’absentait du travail sans y avoir été autorisé et qu’il quittait le lieu de travail plus tôt si aucun article de courrier n’avait besoin d’être livré.

121        Contrairement à l’argument du fonctionnaire selon lequel toutes les étapes du processus de discipline progressive doivent être appliquées à l’égard de chaque infraction, la réalité est toute autre (voir King, par. 200) et les lignes directrices du défendeur en matière de mesures disciplinaires ne prévoient pas non plus que celles-ci doivent être appliquées ainsi.

122        L’absence de remords démontrée clairement par le fonctionnaire tout au long du processus, y compris lors de l’audience arbitrale, ne peut être ignorée. À maintes reprises, il a nié toute conduite répréhensible et n’a fourni aucun éclairage quant à ses actes et à leur incidence sur sa situation. Le défendeur n’a pas été déraisonnable. Pour quelqu’un qui se pense plus intelligent que la majorité, il a fait preuve d’un manque flagrant de connaissance de soi et d’introspection. Malgré sa position selon laquelle son avocate était incompétente et que c’est pour cette raison que la présente démarche pourrait avoir un dénouement qui lui serait défavorable, ce sont ses agissements qui l’ont mené à la situation dans laquelle il se trouve actuellement. Le défendeur a fait preuve d’une assez grande tolérance quant à sa façon d’imposer des mesures disciplinaires au fonctionnaire. Ce dernier a eu plusieurs occasions de rétablir sa relation d’emploi. Il a plutôt préféré l’envenimer jusqu’au point de non-retour, et c’est exactement ce qui s’est produit.

123        Je suis d’accord avec l’avocat du défendeur qui soutient que les mesures disciplinaires imposées, compte tenu des facteurs aggravants et atténuants, notamment la nature répétitive des infractions et l’attitude de défi du fonctionnaire tout au long du processus, se situaient dans les limites des mesures raisonnables et qu’elles ne devraient pas être modifiées. Le défendeur a clairement démontré que la relation d’emploi a été rompue et que le licenciement était justifié dans les circonstances. Toutes les autres mesures disciplinaires qui ont été imposées, jusqu’au moment du licenciement, n’étaient pas déraisonnables ni erronées dans les circonstances.

124        Pour tous ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

125        Les griefs liés aux dossiers 566-02-11372, 566-02-11373 et 566-02-11374 sont rejetés.

Le 15 août 2016.

Traduction de la CRTEFP

Margaret T.A. Shannon,
une formation de la Commission des relations de travail
et de l’emploi dans la fonction publique
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.