Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur a présenté un grief de principe dans lequel il contestait le refus de l’employeur d’appliquer les dispositions sur la protection salariale des conventions collectives des groupes Services des programmes et de l’administration (PA), Services de l’exploitation (SV) et Services techniques (TC), à l’égard des fonctionnaires qui ont été transférés de leur ancien poste au sein d’organismes distincts, soit l’Agence du revenu du Canada (ARC) et la Commission de la capitale nationale (CCN), à des postes au sein de ministères du gouvernement fédéral qui font partie de l’administration publique centrale (APC), soit Services partagés Canada et le ministère du Patrimoine canadien – après le transfert, un grand nombre de fonctionnaires ont été classifiés dans un groupe et un niveau dont l’échelle de rémunération était inférieure à celle de leurs anciens régimes de classification auprès de l’ARC et de la CCN – l’employeur a affirmé que les dispositions de protection salariale en cas de reclassification ne s’appliquaient pas, puisqu’il n’a pas reclassifié, remplacé ou par ailleurs modifié les postes des fonctionnaires – leurs anciens postes ont été éliminés et ils ont été transférés à des postes nouvellement créés et classifiés de l’APC – la Commission a conclu que la preuve démontrait clairement que les fonctionnaires avaient été reclassifiés et que, par conséquent, leur salaire était protégé – le gouvernement fédéral a transféré le travail anciennement effectué dans les organismes distincts, ainsi que les titulaires de ces postes, aux nouveaux employeurs de l’APC – il ressort de l’ensemble de la preuve documentaire que les fonctionnaires touchés continuaient d’exercer leurs anciens rôles au sein d’une nouvelle organisation – leur place dans la nouvelle organisation était déterminée par rapport à leurs anciennes fonctions.Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-07-04
  • Dossier:  569-02-151
  • Référence:  2016 CRTEFP 61

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR

employeur

Répertorié
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor


Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Michael F. McNamara, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
David Yazbeck et Morgan Rowe, avocats
Pour l'employeur:
Martin Desmeules, Conseil du Trésor
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 10 décembre 2014.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief de principe renvoyé à l’arbitrage

1       Le présent grief de principe concerne l’interprétation et l’application appropriées des dispositions sur la protection salariale de trois conventions collectives distinctes, que l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« AFPC ») et le Conseil du Trésor (l’« employeur ») ont signées relativement aux fonctionnaires qui ont été transférés à l’administration publique centrale (l’« APC ») à partir d’organismes distincts.

2       Le 12 décembre 2013, Robyn Benson, la présidente de l’AFPC, a signé un grief de principe contestant le refus de l’employeur d’appliquer les dispositions sur la protection salariale des conventions collectives des groupes Services des programmes et de l’administration (PA), Services de l’exploitation (SV) et Services techniques (TC), à l’égard des fonctionnaires qui ont été transférés de leur ancien poste au sein d’organismes distincts, soit l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») et la Commission de la capitale nationale (la « CCN »), à des postes au sein de ministères du gouvernement fédéral qui font partie de l’APC, soit Services partagés Canada (SPC) et le ministère du Patrimoine canadien (« Patrimoine canadien »).

3       Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « LRTFP ») avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

4       Les parties ont accepté de poursuivre la procédure sur la base d’un exposé conjoint des faits de sept pages, auquel un grand nombre de documents ont été joints. Après leur témoignage dans le cadre de l’audience, les parties m’ont également soumis des arguments écrits. Plutôt que de répéter l’exposé conjoint des faits et les arguments écrits des parties, j’ai résumé les faits et les arguments pertinents.

II. Résumé de la preuve

A. De l’ARC à SPC

5       En août 2011, le gouvernement fédéral a créé un nouveau ministère, Services partagés Canada (SPC), énuméré à l’annexe IV de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11; la « LGFP ») et relevant du ministre des Travaux publics. Le nouveau ministère a été créé afin de consolider la gestion de l’infrastructure de technologie de l’information du gouvernement fédéral. L’annonce du gouvernement fédéral précisait que les fonctionnaires de 43 ministères et organismes qui offraient certains services de courriel, de centre de données et de réseau seraient transférés vers le nouveau ministère.

6       Les fonctionnaires de l’ARC ont été avisés de ce processus au moyen d’un courriel envoyé le 4 août 2011, qui précisait qu’ils faisaient partie de l’étape II du projet, laquelle devait être mise en place environ deux mois plus tard.

7       Le 19 août 2011, l’ARC a envoyé un autre courriel à tous ses fonctionnaires en guise de mise à jour du courriel précédent. Elle les informait qu’elle avait entamé des discussions avec SPC sur la meilleure façon de mettre en œuvre la décision du gouvernement fédéral et que les détails du changement n’avaient pas encore été établis. Une autre mise à jour a été promise pour le mois suivant et, le 29 septembre 2011, l’ARC a fait parvenir un autre courriel à ses fonctionnaires, les informant qu’un certain nombre d’entre eux seraient transférés vers SPC et que le processus de détermination des secteurs et des personnes visés ne faisait que commencer. Il était également mentionné que l’employeur s’engageait à tenir les fonctionnaires et les agents négociateurs au courant du déroulement des événements. Toutefois, selon le paragraphe 6 de l’exposé conjoint des faits, l’ARC [traduction] « a refusé de négocier les modalités du transfert avec l’AFPC ».

8       En octobre 2011, l’ARC a publié un document de type Foire aux questions (FAQ) qui fournissait des détails sur le transfert des fonctionnaires touchés. En réponse à la question [traduction] « Comment la décision de transférer les postes et les titulaires vers la nouvelle organisation sera-t-elle prise? », le document précisait ce qui suit : [traduction] « les postes des fonctionnaires exerçant directement des fonctions qui appuient la prestation de ces services, ainsi qu’une part représentative des fonctionnaires des directions générales d’appui organisationnel sont également transférés vers la nouvelle organisation ».

9       À la page 2, à la question : [traduction] « Y aura-t-il un impact sur les conditions d’emploi et mon salaire? », la réponse suivante a été fournie :

[Traduction]

Des dispositions seront prises afin de s’assurer que les fonctionnaires de l’Agence conservent leurs conditions d’emploi et leur salaire qui étaient en vigueur immédiatement avant leur transfert possible, y compris leurs prestations cumulatives (p. ex. crédit de congé, reconnaissance de services continus et emploi) jusqu’à ce qu’une nouvelle convention collective soit signée. Les fonctionnaires exclus et non représentés continueront d’être assujettis à leurs conditions d’emploi actuelles jusqu’au moment où il sera déterminé que les nouvelles conditions d’emploi s’appliquent.

10       La question suivante laisse entendre que l’enjeu au coeur du présent grief de principe a déjà été examiné avant le transfert. Elle est rédigée comme suit : [traduction] « en tant que fonctionnaire de l’Agence qui est transféré vers Services partagés Canada, qu’arrive-t-il si mon taux de salaire est supérieur au taux maximal pour le groupe et le niveau auxquels je serai intégré? ». La réponse est ainsi rédigée :

[Traduction]

Les fonctionnaires dont le taux de salaire immédiatement antérieur au transfert dépasse le maximum alloué par la structure de paie du Conseil du Trésor pour le niveau correspondant verront leur salaire actuel gelé à leur taux actuel, et ce, jusqu’à la signature d’une nouvelle convention collective.

11       Le 14 novembre 2011, la veille du transfert, l’AFPC a présenté un grief de principe alléguant que le transfert allait à l’encontre de l’annexe sur le réaménagement des effectifs figurant dans la convention collective conclue entre l’Agence du revenu du Canada et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« AFPC ») pour le groupe Exécution des programmes et des services administratifs, dont la date d’échéance est le 31 octobre 2010 (la « convention collective de l’ARC »). Le 14 mars 2013, un arbitre de grief de l’ancienne Commission a rendu une décision rejetant le grief (voir Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 23 (« AFPC-1 »)).

12       Le 15 novembre 2011, environ 80 fonctionnaires de l’ARC, qui étaient également membres de l’AFPC, ont été transférés vers SPC en vertu d’un décret en conseil (C.P. 2011-1297) et de la Loi sur les restructurations et les transferts d’attributions dans l’administration publique (L.R.C. (1985), ch. P-34; la « LRTAAP »). Les parties ont joint à l’exposé conjoint des faits une copie du décret ainsi qu’une copie du Règlement sur le transfert (Règlement sur le transfert de secteurs de l’Agence du revenu du Canada, à l’onglet F, DORS/2011-246), qui précise, sous le titre « Transfert en bloc », que l’art. 132 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12, 13; LEFP) s’applique aux fonctionnaires de l’ARC. Essentiellement, cette disposition souligne que le transfert des fonctionnaires ne sera pas interprété comme modifiant leur [traduction] « statut » antérieur.

13       L’ARC a sa propre norme de qualification, appelée la norme « SP », qui compte dix niveaux différents (de SP-1 à SP-10). Lorsqu’ils ont été transférés, les anciens fonctionnaires de l’ARC ont conservé leur classification SP et ils ont été payés conformément aux dispositions de la convention collective SP, en plus d’être temporairement assujettis à ses modalités.

14       Entre le transfert en novembre 2011 et celui de l’été 2013, SPC a examiné les descriptions de travail des fonctionnaires qui avaient été transférés à partir des organismes distincts afin de déterminer les groupes et niveaux professionnels appropriés de l’APC auxquels ils devraient être classifiés.

15       À l’été 2013, SPC a tenu des séances d’information à l’intention de tous les fonctionnaires transférés à partir d’organismes distincts, y compris les anciens fonctionnaires de l’ARC. Ils ont été avisés que leur salaire serait intégré aux échelles salariales pour leurs groupe et niveau professionnels respectifs de l’APC.

16       Une copie de la présentation PowerPoint de ces séances a été jointe à l’exposé conjoint des faits en tant que pièce. La quatrième diapositive souligne que [traduction] « tout le travail doit être évalué dans le contexte de l’APC », et reconnaît que même si les organismes distincts peuvent avoir des normes de classification et des systèmes de rémunération différents de ceux de l’APC, tous les postes des organismes distincts sont [traduction] « […] évalués pour le groupe et le niveau professionnel de l’APC » et que les [traduction] « fonctionnaires deviennent ainsi assujettis aux modalités respectives visant le groupe professionnel et la convention collective applicable ». Au bas de la même page se trouve l’énoncé suivant : [traduction] « Cette action est considérée comme un transfert de poste et non un exercice de conversion ni une reclassification [le passage en évidence l’est dans l’original] ».

17       Après les séances d’information, les fonctionnaires ont reçu des lettres les informant que leur poste avait été [traduction] « transféré vers Services partagés Canada », que leur poste avait subi un [traduction] « […] examen de classification par rapport au système d’évaluation de classification de l’APC » dans le cadre du processus de transition, et que leur groupe et niveau professionnel au sein de l’APC avait été confirmé. Les lettres soulignaient le groupe et le niveau professionnels de chaque employé, ainsi que le taux de salaire applicable à ce groupe et niveau donnés, et précisaient que le salaire de l’APC serait en vigueur à compter du 15 novembre 2013.

18       Sur les quelque 80 fonctionnaires qui ont été transférés à partir de l’ARC, la plupart avaient des taux de salaire à l’ARC supérieurs à ceux compris dans les nouvelles classifications de l’APC qui s’appliquaient à ces postes.

B. De la CCN à Patrimoine canadien

19       En mars 2013, le gouvernement fédéral a annoncé son intention, dans le cadre du budget fédéral, de transférer certaines fonctions de la CCN à Patrimoine canadien; la CCN est un organisme distinct, comme l’ARC. Ce changement est entré en vigueur le 30 septembre 2013. Comme pour les fonctionnaires de l’ARC, le transfert a eu lieu à la suite d’un décret en conseil en vertu de la LRTAAP. Les fonctionnaires touchés sont devenus des fonctionnaires de Patrimoine canadien, donc de l’APC. Les fonctionnaires de la CCN ont été avisés du transfert annoncé au moyen d’un courriel envoyé le 21 mars 2013 par le président et le premier dirigeant de la CCN.

20       Comme pour l’ARC, la CCN a sa propre norme de qualification, appelée la norme « RE », qui compte sept niveaux différents. Les descriptions de travail des fonctionnaires à être transférés ont été rédigées de nouveau en préparation du transfert.

21       Le 1er mai 2013, Manon Rochon, la vice-présidente des ressources humaines de la CCN, a fait parvenir un courriel à tous les directeurs de la CCN, indiquant les étapes nécessaires pour effectuer le [traduction] « transfert de personnel ». Elle a déclaré qu’au début, Patrimoine canadien devait créer les postes auxquels les fonctionnaires de la CCN seraient transférés. À cette fin, la CCN devait communiquer ses résumés des fonctions à Patrimoine canadien. Les descriptions de travail des fonctionnaires touchés ont ensuite été rédigées de nouveau en préparation du transfert.

22       Tout au long de cette période, l’AFPC a tenté de consulter la CCN et Patrimoine canadien au sujet du transfert. Le 14 juin 2013, l’AFPC a présenté un grief de principe auprès de la CCN, alléguant que la CCN avait violé la lettre d’intérêt du 17 août 2012 qui abordait la question de la [traduction] « Politique sur la transition des employés » et qui était réputée faire partie de la convention collective.

23       La réponse de la CCN, en date du 31 juillet 2013, précisait que la Politique de transition ne s’appliquait en aucun cas aux circonstances, qui découlaient d’une initiative législative comportant des dispositions claires. La CCN a conclu en précisant qu’elle s’était engagée à avoir une communication ouverte avec l’AFPC.

24       Durant cette même période, la CCN a affiché sur son site intranet de nombreuses mises à jour au sujet des conséquences du transfert. Des mises à jour en date des 11, 18 et 25 avril, du 9 mai, des 13 et 20 juin, du 25 juillet et du 5 septembre 2013, sont jointes à l’exposé conjoint des faits. La mise à jour du 18 avril précisait que des représentants des ressources humaines de la CCN et de Patrimoine canadien allaient [traduction] « […] commencer à déterminer l’approche à adopter pour examiner la classification de tous les postes transférés ». La mise à jour du 20 juin avisait les fonctionnaires que des discussions étaient en cours [traduction] « […] afin d’obtenir des renseignements sur le processus nécessaire aux fins de la confirmation des conditions d’emploi des fonctionnaires transférés ».

25       Au début de juillet 2013, les membres de l’unité de négociation ont avisé l’AFPC qu’ils étaient conviés à des rencontres avec leurs superviseurs et qu’on leur fournirait un document contenant de l’information au sujet du transfert. Le document informait les fonctionnaires qu’un ou plusieurs postes comme le leur seraient transférés à SPC, que l’employeur souhaitait fonctionner sur une base volontaire et qu’il cherchait des volontaires. Le document précisait ensuite que [traduction] « les renseignements concernant votre salaire et vos conditions d’emploi devraient faire l’objet d’une présentation au Conseil du Trésor », mais aucune indication n’était fournie quant au contenu de la présentation.

26       Le 17 septembre 2013, Mme Benson a envoyé une lettre au sous-ministre adjoint de la rémunération et des relations de travail de l’époque, Conseil du Trésor, Marc-Arthur Hyppolite, pour l’inviter à discuter du transfert à venir et de l’application de la protection salariale aux fonctionnaires transférés.

27       Dans sa lettre, elle a commencé par déclarer que l’AFPC était au courant que le Conseil du Trésor avait pris une décision initiale en ce qui concerne les descriptions de travail et la classification des fonctionnaires à être transférés et que, selon les renseignements de l’AFPC, [traduction] « le CT ne fournit pas de protection salariale à ses fonctionnaires ». L’AFPC a ensuite déclaré que, même si elle n’avait pas de données précises au sujet des personnes touchées, elle comprenait que la majorité des fonctionnaires transférés seraient affectés négativement. L’AFPC a rappelé à l’employeur qu’elle avait été proactive sur cette question depuis le début, mais que l’employeur avait choisi de fonctionner unilatéralement, ajoutant qu’il [traduction] « […] est inacceptable que l’on demande à des fonctionnaires qui travaillent fort d’accepter des réductions salariales à la suite d’une mesure du gouvernement, et ce, malgré eux ».  À la fin de la lettre, l’AFPC a demandé à ce qu’une rencontre soit prévue pour discuter de la question de la protection salariale.

28       Le 26 septembre 2013, tous les fonctionnaires touchés ont été avisés qu’ils auraient de brèves rencontres le 27 septembre 2013, afin de discuter de leurs salaires et conditions d’emploi à Patrimoine canadien. Le lendemain, avant les rencontres, les fonctionnaires touchés ont été réunis et informés que leurs salaires seraient protégés.

29       Au cours des rencontres individuelles, les fonctionnaires ont été informés que leur salaire serait gelé pendant quatre ans, sous réserve d’un plafond de 12 000 $ par exercice, ce qui signifie qu’une différence salariale maximale de 12 000 $ seulement serait protégée et que, si elle était supérieure, la portion au-delà de ce plafond ne serait pas protégée. Ils ont également été informés de leurs nouveaux groupe et niveau de classification après le transfert. Les fonctionnaires touchés ont reçu des lettres indiquant en détail les classifications de leurs postes et les conséquences salariales; un exemple a été joint à l’exposé conjoint des faits.

30       Le 30 septembre 2013, les fonctionnaires ont été transférés de la CCN à Patrimoine canadien. À la date du transfert, sur les quelque 72 membres de l’AFPC transférés, 44 avaient un salaire supérieur à la CCN que celui visé par leur nouvelle classification et nouveau niveau à l’APC. Pour ce qui est des autres fonctionnaires, certains étaient classifiés à des niveaux qui offraient des taux de salaire maximaux supérieurs à la CCN.

31       L’annexe R de l’exposé conjoint des faits est un document de l’employeur intitulé [traduction] « Information sur la classification de votre poste et votre salaire », qui a été fourni aux fonctionnaires touchés. Il précisait que leur description de travail de la CCN avait été revue et que leur nouveau groupe professionnel avait été établi. Le document établissait également les mesures transitoires ou temporaires pour procéder à la [traduction] « transition » vers la réduction salariale qui découlait de l’examen de l’employeur. Pour chaque employé, il était précisé que leur poste avait été classifié au groupe et au niveau PM-06, pour un salaire de 101 892 $; le salaire des anciens postes, à la CCN, était de 116 697 $, soit une différence de 14 805 $.

III. Discussions entre les parties entre septembre 2013 et le 12 mai 2014

32       Le 25 septembre 2013, au cours d’une réunion du Comité national de consultation sur le réaménagement des effectifs, l’AFPC a soulevé des préoccupations au sujet des transferts. Le procès-verbal de la réunion indique que M. Hyppolite avait dit que la question [traduction] « […] relève davantage de la négociation collective ».

33       Le 18 octobre 2013, M. Hyppolite a répondu à la lettre de l’AFPC du 17 septembre 2013. Il a enjoint à l’AFPC de collaborer avec l’employeur pour mettre en œuvre la décision du Conseil du Trésor au sujet de la protection salariale pour les fonctionnaires transférés de la CCN à Patrimoine canadien.

34       À la fin octobre, l’AFPC et le Conseil du Trésor se sont rencontrés afin de discuter de la question de la protection salariale. La discussion s’est poursuivie jusqu’à ce que l’AFPC présente son grief de principe.

35       Le 20 novembre 2013, SPC a envoyé aux agents négociateurs une communication qui précisait que ses discussions avec le Conseil du Trésor avaient entraîné un [traduction] « changement de direction » et que les fonctionnaires transférés à SPC depuis des organismes distincts conserveraient leurs anciennes conditions d’emploi, y compris les salaires, jusqu’à ce qu’une nouvelle convention collective soit signée pour leur nouveau groupe professionnel de l’APC.

36       Le 28 novembre 2013, l’employeur a envoyé un message aux fonctionnaires pour les informer du [traduction] « changement de direction » et leur garantir que [traduction] « jusqu’à nouvel ordre », ils conserveraient les conditions d’emploi de leur poste au moment de leur transfert à SPC, y compris leur salaire. L’employeur a conclu le message en précisant que les décisions prises relativement à leur groupe et niveau de classification de l’APC demeureraient valides.

37       L’AFPC a présenté le grief de principe le 12 décembre 2013. Le grief a été entendu au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 20 février 2014, et une décision le rejetant a été rendue le 14 avril 2014. Il a été renvoyé à l’arbitrage le 12 mai 2014.

38       Au début de 2014, le Conseil du Trésor a signifié un avis de négociation à l’égard des conventions collectives pertinentes, ce qui a entraîné un gel législatif des conditions d’emploi des fonctionnaires touchés transférés de l’ARC et de la CCN, y compris leur taux de salaire.

39       Le 14 février 2014, Manon Brassard, sous-ministre adjointe de la rémunération et des relations de travail, Conseil du Trésor, a écrit à l’AFPC au sujet de la question de la protection salariale des fonctionnaires de la CCN.

40       Mme Brassard a déclaré qu’en octobre 2013, les fonctionnaires du Conseil du Trésor ont rencontré les représentants de l’AFPC afin de discuter de l’approche à l’égard de la protection salariale. Elle a ajouté que, le 8 novembre 2013, le Conseil du Trésor a présenté une offre à l’AFPC. L’employeur a proposé que (1), jusqu’au 31 mars 2014, les fonctionnaires conservent leur taux de salaire de la CCN et que (2), pour la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2018, leur ancien taux de salaire du niveau de titularisation soit maintenu [traduction] « […] à un maximum de 12 000 $ du taux de salaire de l’administration publique centrale », et que (3), au 1er avril 2018, les taux de salaire soient [traduction] « […] complètement intégrés à la convention collective pertinente ».

41       La lettre précisait ensuite qu’une entente n’avait pas été conclue avec l’AFPC, puisque ses représentants étaient d’avis que les fonctionnaires transférés avaient droit aux dispositions sur la protection salariale figurant dans la convention collective. Selon l’employeur, les postes en question étaient nouveaux. En guise de conclusion, il était précisé qu’en l’absence d’une entente, l’employeur n’avait pas le pouvoir de payer les fonctionnaires au-delà des taux de salaire de leurs nouveaux groupes et niveaux, et qu’il devrait ainsi récupérer quatre mois de paiement en trop puisque leur date de nomination était le 30 septembre 2013.

42       Mme Benson a répondu le 19 février 2014, au moyen d’une lettre dans laquelle elle s’est opposée au fait que la lettre de Mme Brassard menaçait de procéder au recouvrement des salaires par suite de l’omission de l’AFPC d’accepter son plan d’introduire progressivement les nouveaux taux de salaire. Elle a informé Mme Brassard que l’employeur avait obtenu l’approbation de l’AFPC de verser aux employés des taux de salaire supérieurs à leur nouveau niveau, et que la question en litige était celle de savoir si la protection salariale complète s’appliquait. Selon l’AFPC, les modalités de la proposition de l’employeur [traduction] « […] n’ont jamais fait l’objet d’une véritable consultation ou négociation », mais avaient été créées par l’employeur et [traduction] « […] annoncées aux fonctionnaires touchés avant qu’il y ait discussion ou négociation avec l’AFPC ». La lettre qualifiait les actions de l’employeur de [traduction] « forme flagrante d’intimidation » et de [traduction] « négociation de mauvaise foi ». À la fin de la lettre, l’AFPC informait l’employeur que, selon elle, rien ne permettait à ce dernier de procéder au recouvrement et qu’elle contesterait une telle mesure.

43       Le 7 mai 2014, Mme Brassard a écrit une lettre à Mme Benson dans laquelle elle offre à l’AFPC une nouvelle mise à jour sur la question de la protection salariale liée aux transferts. La lettre précisait qu’étant donné qu’aucune entente n’avait été conclue, aucune modification salariale ne serait mise à jour puisque les dispositions de gel prévues par la loi étaient en vigueur étant donné que l’avis de négocier avait été signifié pour les groupes PA, SV et TC.

44       Les membres de l’AFPC transférés à SPC depuis l’ARC et la CCN ont été informés qu’ils seraient assujettis aux classifications de l’APC dans le groupe professionnel PA, SV ou TC.

45       Les conventions collectives PA, SV et TC contiennent toutes un protocole d’entente en date du 9 février 1982, intitulé « Protocole d’entente entre le Conseil du Trésor du Canada et l’Alliance de la Fonction publique du Canada concernant la revue et la conception de la structure des groupes professionnels et la réforme de la classification » (le « Protocole de 1982 ») qui, selon l’exposé conjoint des faits, aborde la question de la protection salariale. Sous la section « Généralités », au deuxième paragraphe, il est souligné que le Protocole de 1982 « […] prévaut sur le Règlement sur la rémunération lors de la reclassification ou de la transposition lorsque celui-ci entre en contradiction avec le protocole d’entente ». La partie I précise qu’elle s’applique aux « […] titulaires de postes qui […] seront reclassifiés dans un groupe et (ou) un niveau comportant un taux de rémunération maximal accessible inférieur […] » et elle prévoit que les personnes qui sont transférées à ces postes bénéficieront de la protection salariale.

46       De plus, la clause 64.05 de la convention collective de l’ARC aborde la question de la protection salariale en intégrant le Protocole de 1982 à la convention collective. De même, la clause 44.07 de la convention collective conclue entre la Commission de la capitale nationale et l’Alliance de la Fonction publique du Canada, dont la date d’expiration est le 31 décembre 2014 (la « convention collective de la CCN »), aborde la question du statut de protection salariale relativement à une reclassification à la baisse au moyen de l’inclusion d’un protocole d’entente intitulé « Conversion à des niveaux, plans de classification ou structures salariales nouveaux ».

47       La protection salariale est également abordée dans un document du Conseil du Trésor intitulé « Directive sur les conditions d’emploi » (la « Directive »), dont la date d’entrée en vigueur est le 1er avril 2009. Le Conseil du Trésor a également publié des politiques et des lignes directrices sur la classification, que les parties ont déposées en preuve comme pièce jointe à l’exposé conjoint des faits.

48       Comme mesure de réparation, l’AFPC a demandé une déclaration selon laquelle l’employeur a violé les dispositions sur la protection salariale des conventions collectives des groupes PA, SV et TC et une [traduction] « […] déclaration selon laquelle l’employeur respectera pleinement le libellé relatif à la protection salariale […] » de ces trois conventions collectives en ce qui concerne les fonctionnaires touchés.

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’AFPC

49       Tel qu’il est indiqué dans le grief de principe, l’AFPC est d’avis que l’employeur a reclassifié les fonctionnaires transférés et que les dispositions sur la protection salariale figurant dans le Protocole de 1982, qui a été intégré à chaque convention collective en litige, devraient s’appliquer à chacun d’eux.

50       L’AFPC n’a pas contesté le pouvoir de l’employeur de faire ce qu’il a fait. En effet, elle a commencé ses arguments en renvoyant à l’al. 2a) de la LRTAAP, qui prévoit que le gouverneur en conseil peut procéder « […] à tout transfert d’attributions, ou de responsabilité […] entre ministres ou entre ministères ou secteurs de l’administration publique fédérale […] ».

51       Toutefois, l’AFPC a également fait remarquer que l’art. 132 de la LEFP confirme qu’une situation d’emploi d’un fonctionnaire n’est pas touchée par le transfert en vertu de la LRTAAP, dans la mesure où le fonctionnaire occupait un poste dans l’APC avant le transfert, ainsi :

Transferts en bloc

Transfert de fonctionnaires

132 (1) Les décrets pris en application de la Loi sur les restructurations et les transferts d’attributions dans l’administration publique ne changent rien à la situation des fonctionnaires qui, à l’entrée en vigueur de ces décrets, occupaient un poste dans l’administration publique centrale dont la responsabilité a été transférée d’un ministère ou secteur de l’administration publique centrale à un autre ou dans l’un ou l’autre des ministères qui ont été regroupés, à la différence près que, à compter de cette entrée en vigueur, ils occupent le poste dans le ministère ou secteur auquel la responsabilité a été transférée ou dans le ministère qui résulte du regroupement, selon le cas.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

52       L’AFPC a reconnu que cet article s’applique uniquement au poste de l’APC, mais elle s’est penchée sur la jurisprudence de la Commission pour faire valoir que dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence canadienne d’inspection des aliments,2004 CRTFP 155, aux paragr. 14 et 15, un prédécesseur de la Commission a conclu que le gouverneur en conseil a le pouvoir, en vertu de la LEFP, d’adopter des règlements où l’art. 132 est appliqué à d’autres secteurs de la fonction publique, y compris des organismes distincts. La Cour d’appel fédérale a confirmé cette décision dans Alliance de la fonction publique du Canada c. Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2005 CAF 366 (« AFPC-2 »). Les parties ont inclus à titre d’annexe F à l’exposé conjoint des faits une copie du règlement qui s’applique au transfert et qui précise que le paragr. 132(1) de la LEFP s’applique aux fonctionnaires de l’ARC.

53       L’AFPC a renvoyé au paragraphe 27 de la décision de la Cour d’appel fédérale et a fait valoir que lorsque l’art. 132 de la LEFP s’applique à un transfert en vertu de la LRTAAP, il est bien établi que la situation d’emploi des fonctionnaires touchés ne change pas. Ils sont simplement réputés occuper le même poste dans un ministère différent à la date d’entrée en vigueur du transfert.

54       L’AFPC a ensuite invoqué la décision de l’ancienne Commission dans AFPC-1, qui a été mentionnée antérieurement dans la présente décision, dans laquelle un arbitre de grief de l’ancienne Commission a rejeté le grief de principe de l’AFPC qui alléguait que le transfert de fonctionnaires de l’ARC à SPC violait les dispositions sur le réaménagement des effectifs de la convention collective. Elle a soutenu qu’en rejetant le grief, l’arbitre de grief a accepté la position de l’ARC, mentionnée au paragraphe 6 de la décision, selon laquelle le transfert ne constituait pas un réaménagement des effectifs puisque la situation d’emploi des fonctionnaires touchés n’avait pas changé. L’AFPC a également renvoyé aux paragraphes 6, 12, 18 et 19 de la même décision à l’appui de sa position selon laquelle l’arbitre de grief a conclu que la situation d’emploi des fonctionnaires était demeurée constante tout au long du transfert, sans interruption, et que leurs postes originaux avaient simplement été transférés de l’ARC à SPC, sans changement au poste, aux fonctions ou au statut.

55       L’AFPC a ensuite porté son attention sur les conventions collectives en litige, précisant que chacune prévoyait la protection salariale des fonctionnaires, sous réserve d’une reclassification à la baisse vers un groupe et un niveau professionnels ayant un taux de salaire maximal accessible inférieur.

56       Comme les parties l’ont indiqué dans leur exposé conjoint des faits, les conventions collectives PA, SV et TC intègrent toutes le Protocole de 1982, lequel prévoit ce qui suit relativement aux reclassifications régressives :

                   […]

(1) Avant qu’un poste soit reclassifié dans un groupe et (ou) un niveau comportant un taux de rémunération maximal accessible inférieur, le titulaire de ce poste doit en être avisé par écrit.

(2) Nonobstant la reclassification régressive, un poste occupé est réputé avoir conservé à toutes fins utiles, son ancien groupe et niveau. En ce qui concerne la rémunération du titulaire, on peut citer cette disposition comme régime de protection salariale et, sous réserve du paragraphe 3b) ci-dessous elle s’applique jusqu’à ce que le poste devienne vacant ou jusqu’à ce que le taux maximal accessible du nouveau niveau de classification, révisé de temps à autre, dépasse celui applicable de l’ancien niveau, également révisé de temps à autre. Le calcul du taux maximal de rémunération qu’il peut obtenir sera effectué conformément aux règlements sur la rémunération avec effet rétroactif.

[…]

57       L’AFPC a fait remarquer que la convention collective de la CCN prévoyait également la protection salariale à la clause 44.07(b), comme suit :

44.07 b) Lorsque les tâches et fonctions de l’employé-e sont reclassifiées à un niveau de rémunération maximal inférieur au niveau auquel il ou elle est rémunéré-e, les dispositions suivantes s’appliquent :

i. Malgré la rétrogradation du poste, le titulaire est réputé, à toutes fins utiles, avoir conservé son ancien niveau. Cela peut être cité comme une situation de protection salariale et sous réserve de la division (ii)(B) de la présente directive pendant une période d’un an qui suit la note de notification, il jouit de cet avantage tant qu’il occupe le poste ou jusqu’à ce que le taux de rémunération maximal du niveau résultant de la reclassification devienne supérieur à celui qui s’applique à l’ancienne classification, lequel est révisé périodiquement. Un an après l’avis, le salaire du titulaire sera assujetti à un taux de retenue, tel que décrit au sous-alinéa (iv) de la présente directive.

[…]

(iv) Après la période d’un an de protection salariale, l’employé-e dont le poste a été retrogradé sera rémunéré-e à un taux de retenu pour le poste reclassifié qui est le plus proche, sans y être inférieur, du taux de rémunération en vigueur de l’employé-e ou, si ce taux n’existe pas, le taux de rémunération en vigueur de l’employé-e, à titre de taux de retenue, jusqu’au moment où le taux de rémunération maximal du poste reclassifié équivaut à celui du taux de retenue ou le dépasse. À ce moment-là, le taux de rémunération de l’employé-e devient celui de l’échelle de rémunération du poste reclassifié et est régi par le nouveau plan des échelles de taux de rémunération.

58       L’AFPC a ensuite fait référence à un protocole d’entente annexé à la convention collective de la CCN intitulé « Conversion à des niveaux, plans de classification ou structures salariales nouveaux », mentionné plus tôt dans la présente décision. Elle a fait valoir qu’en vertu de ce document, un employé a aussi droit à la protection salariale lorsqu’il fait l’objet d’une conversion à un nouveau niveau, ou qu’il est assujetti à un nouveau régime de classification ou à une nouvelle structure de rémunération.

59       Enfin, l’AFPC a fait valoir que, dans les situations où aucune disposition de la convention collective ne s’applique, la Directive prévoyait également la protection salariale au motif suivant :

[…]

4.1 Les personnes nommées à l’administration publique centrale dont le poste est, selon le cas,

a. reclassifié à un niveau de classification dont le taux de rémunération maximal accessible est inférieur,

b. reclassifié à un niveau de classification dont le taux de rémunération maximal est supérieur, ou

c. converti à un nouveau groupe ou niveau professionnel, ou aux deux, ou à un nouveau plan de classification ou une nouvelle structure de rémunération, ou aux deux,

sont assujetties au protocole d’entente applicable ou, en l’absence d’un tel protocole, aux dispositions de la présente annexe.

4.2 Reclassification à un niveau de classification dont le taux de rémunération maximal accessible est inférieur

4.2.1 Avant qu’un poste soit reclassifié à un niveau de classification dont le taux de rémunération maximal accessible est inférieur, le titulaire doit être avisé par écrit de la date d’entrée en vigueur de la reclassification.

4.2.2 Malgré la reclassification à la baisse du poste, le titulaire est réputé, à toutes fins utiles, avoir conservé son ancien niveau de classification. En ce qui concerne la rémunération, cette mesure peut constituer une mesure de protection salariale qui, conformément à l’article 4.2.4 ci-dessous, s’applique tant que le titulaire occupe le poste ou jusqu’à ce que le taux de rémunération maximal accessible du niveau résultant de la reclassification devienne supérieur à celui qui s’applique à l’ancienne classification, les taux de rémunération étant révisés périodiquement.

[…]

60       L’AFPC a fait valoir que, dans tous les cas, ces dispositions exigent un préavis écrit d’une reclassification à la baisse du poste, ce qui est conforme à la position établie dans la jurisprudence selon laquelle une reclassification à la baisse du poste ne peut être mise en œuvre rétroactivement : voir Gallop c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans), dossiers de laCRTFP 166-02-21420 à 21422 (19911030), [1991] C.R.T.F.P.C. no 266 (QL). Dans cette décision, le vice-président de l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique a mentionné ce qui suit dans ses motifs : « L’employeur a aussi concédé qu’une reclassification régressive ne pouvait être rétroactive ».

61       Ensuite, l’AFPC a porté son attention sur la Directive et les définitions suivantes qu’elle contient :

[…]

Conversion de classification […]

S’entend d’un changement apporté à la méthode d’établissement de la valeur relative du travail d’un groupe professionnel donnant lieu à l’adoption d’une nouvelle structure de rémunération.

[…]

Reclassification […]

Désigne la modification du groupe professionnel ou du niveau, ou des deux, qui découle d’un examen ou d’une vérification du travail accompli dans le poste.

[…]

Protection salariale […]

Désigne le taux de rémunération applicable à l’ancienne classification prescrite en fonction du niveau de titularisation de la personne avant la reclassification, la conversion de la classification ou le réaménagement des effectifs.

[…]

62       L’AFPC a soutenu que la définition de « reclassification » est conforme à la définition de « reclassification » qui figurait antérieurement dans le Règlement sur l’emploi dans la fonction publique (DORS/2005-334; le « Règlement »)et la jurisprudence applicable. À l’appui de sa prétention, elle a invoqué la décision de la Cour fédérale dans Johnson c. Canada (Agence des Douanes et du Revenu),2004 CF 646, au paragr. 16, où la Cour a déclaré ce qui suit lorsqu’elle a renvoyé à la définition de « reclassification » du Règlement :

[…] Ainsi qu’il ressort à l’évidence de cette définition, seule une reclassification qui vise l’ensemble d’un groupe professionnel et n’entraîne aucun changement dans les fonctions exercées peut être considérée comme une conversion. Bien que les employés de l’ADRC ne relèvent plus de la LEFP, il n’y a aucune raison qui justifierait de ne pas appliquer cette définition de façon générale à toutes les reclassifications qui sont effectuées dans la fonction publique, y compris celles auxquelles procède l’ADRC.

63       Ensuite, l’AFPC s’est tournée vers les décisions de la Cour suprême du Canada, faisant valoir que la Cour a expliqué à maintes reprises que l’intention de l’employeur ou la description qu’il donne d’une action n’est pas déterminante en ce qui concerne la nature véritable de cette action. Une analyse doit aller au-delà de l’intention énoncée afin de vérifier ce qui s’est réellement produit, ce qui, selon l’AFPC, est clairement établi par la Cour dans Doré c. Canada, [1987] 2 R.C.S. 503. Dans cette affaire, la Cour devait trancher la question de savoir si un nouveau poste avait été créé, de sorte que le principe du mérite s’appliquait à une nomination subséquente, malgré la position de l’employeur selon laquelle il s’agissait d’une affectation et non d’une nomination. Au paragraphe 7 de sa décision, la Cour a déclaré ce qui suit

[…] l’application du principe du mérite et le droit d’appel que prévoit l’art. 21 de la Loi sur l’emploi dans la Fonction publique ne peuvent dépendre de la question de savoir si le Ministère choisit de considérer ce qui a été fait comme la création d’un poste et une nomination à celui-ci au sens de la Loi. En réalité, c’est ce que le Ministère a objectivement fait et non ce qu’il a, en droit, eu l’intention de faire ou l’interprétation qu’il en avait qui doit déterminer l’application du principe du mérite et du droit d’appel.

64       L’AFPC a soutenu que la Cour fédérale avait également employé l’approche adoptée dans Doré pour aller au-delà de la création apparente d’un nouveau poste dans Chander c. Canada, [1983] A.C.F. no 319 (1re inst.) (QL), afin d’établir si les actions de l’employeur étaient en fait plus précisément qualifiées de reclassification, activant ainsi la protection salariale.Lorsqu’elle a conclu qu’un nouveau poste avait objectivement été créé, la Cour fédérale s’est appuyée comme suit sur le témoignage d’un expert du Conseil du Trésor au sujet de la définition de « reclassification » :

                   […]

[…] le témoin expert a posé que trois possibilités pouvaient être envisagées dans le cadre du processus de classification : la transposition, la classification et la reclassification. Il a défini les trois termes comme suit;

i. La transposition - Évaluation d’un ensemble de postes par suite de l’introduction d’une norme de classification nouvelle ou notablement révisée.

ii. Classification - Évaluation d’un poste nouveau ou notablement révisé. On a normalement recours à cette mesure à la suite de changements organisationnels, de la création d’un ou de plusieurs nouveaux postes ou de l’attribution de nouvelles fonctions exigeant des compétences et une formation passablement différentes de celles qui sont exigées dans une organisation existante. Par définition, un nouveau poste est créé lorsque la modification des fonctions d’un poste existant est telle qu’il faut attribuer à ce poste un nouveau groupe, par exemple faire passer un poste du groupe RES au groupe VS, ou encore lui attribuer un niveau plus élevé au sein du groupe. Cette définition est assujettie aux conditions visées dans la définition de la reclassification.

iii. Reclassification - En ce qui concerne les postes occupés, ce terme s’applique aux situations où un niveau inférieur ou supérieur ou encore un nouveau groupe est attribué à un poste par suite d’un grief de classification présenté par un titulaire du poste, ou en raison d’une révision ou vérification du ministère relativement au poste occupé. Dans de tels cas, le titulaire assume des fonctions rattachées au poste et sanctionnées par la direction. Ces fonctions ne comprennent pas les fonctions d’autres postes qu’une personne peut assumer à titre intérimaire ou temporaire.

[…]

65       La Cour fédérale a également invoqué le témoignage du même expert en ce qui concerne les caractéristiques qui distinguent la création d’un nouveau poste d’une reclassification. L’expert a cerné les facteurs suivants qui, selon l’AFPC, concernent la création d’un nouveau poste : 1. De nouvelles fonctions sont créées; 2. Le nouveau poste et l’ancien poste peuvent coexister sans qu’il y ait chevauchement des fonctions ou des responsabilités; 3. Une formation est nécessaire pour occuper le nouveau poste; 4. Il n’y a aucune évolution de l’ancien au nouveau poste; 5. Le nouveau poste est assujetti à une période de stage.

66       L’AFPC s’est ensuite penchée sur la décision de la Cour fédérale dans Johnson, déclarant que la Cour avait appliqué une approche semblable à celle que la Cour suprême avait appliquée dans Doré en ce qui concerne une conversion alléguée de certains postes de direction au sein de l’ancienne Agence des douanes et du revenu du Canada. Dans cette affaire, l’employeur a créé une nouvelle classification par profession pour les employés cadres, soit le groupe MG, et y a transféré certains postes du groupe AU. La Cour fédérale, aux paragraphes 14 à 18, est allée au-delà de la conversion alléguée et a conclu que le changement de classification constituait réellement une reclassification plutôt qu’une conversion. Elle a plus particulièrement noté que les fonctions n’avaient pas changé et que le changement n’avait pas touché l’ensemble du groupe professionnel.

67       L’AFPC a déclaré que l’objet de la protection salariale ou le [traduction] « blocage de poste » avait été clairement défini à plusieurs reprises. De telles dispositions ont pour but de protéger le salaire des fonctionnaires, qui peuvent subir des conséquences négatives lorsqu’ils sont nommés à des postes dont le statut a été affecté par un processus de reclassification. En d’autres termes, ces dispositions [traduction] « […] fournissent une mesure de protection au fonctionnaire qui a été déplacé en raison d’une mesure de l’employeur […] »; voir Overlander Extended Care Hospital v. British Columbia Nurses » Union (2002), 105 L.A.C. (4th) 310, au paragr. 61, et Canada (Procureur général) c. Jones,[1978]2 C.F. 39 (C.A.), au paragr. 44.

68       En s’appuyant sur d’autres décisions, l’AFPC a soutenu que la nouvelle Commission, son prédécesseur ainsi que la Cour fédérale ont conclu à maintes reprises que le critère qui déclenche la protection salariale doit se voir accorder une même interprétation générale et téléologique. Tel qu’il a été mentionné ci-dessus, les décideurs ont régulièrement fait enquête sur la véritable nature d’une mesure mise en place par un employeur, et ils ont rejeté la position qu’ils devraient simplement accepter la qualification que l’employeur accorde à la mesure au moment de décider si la protection salariale s’applique. En particulier, l’AFPC a invoqué les décisions suivantes : Jones,aux paragr. 44 et 49; Fok c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans), dossiers de laCRTFP 166-02-25912 et 25913 (19950830),[1995] C.R.T.F.P.C. no 84 (QL); et Poole c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossiers de laCRTFP 166-02-19019 (19900109), [1990] C.R.T.F.P.C. no 2 (QL).

69       L’AFPC a ensuite abordé la décision dans Fok, et a fait valoir que, dans cette affaire, l’arbitre de grief avait appliqué une approche fondée sur le but quant à l’interprétation des termes « poste » et « vacant » dans le protocole d’entente sur la protection salariale. Dans cette affaire, le poste de la fonctionnaire avait été rétrogradé à la fin d’un de ses contrats pour une période déterminée. L’employeur a soutenu qu’elle n’était pas la titulaire du poste aux fins de la protection salariale, puisque son contrat avait pris fin avant la reclassification et qu’elle venait d’être nommée au poste nouvellement classifié. L’arbitre de grief a rejeté l’argument de l’employeur et a conclu que la fonctionnaire était la titulaire de son poste et que, en conséquence, elle avait droit à la protection salariale, comme suit :

                   […]

G. Dion, dans le Dictionnaire canadien des relations du travail, deuxième édition, Les Presses de l’Université Laval, 1986, définit le terme poste comme suit :

[…] ensemble des tâches, obligations et responsabilités régulièrement confiées à un seul individu et accomplies par lui dans la réalisation d’un travail à l’intérieur d’une organisation. Le poste de travail subsiste même lorsqu’il est sans occupant. On dit alors qu’un poste est vacant.

D’une part, je conclus donc que le terme « poste », tel qu’il est utilisé dans la pièce G-5, fait référence aux tâches exécutées par un employé plutôt qu’à un chiffre ou un titre. D’autre part, le terme « vacant », tel qu’il est utilisé dans le Protocole d’entente, fait manifestement référence à une situation où un employé cesse d’exécuter les tâches propres au poste. Le fait que Mme Stromotich a occupé le poste d’inspectrice du poisson à la suite d’une série de nominations pour « une durée déterminée » ne change rien au fait qu’elle occupe le même poste de travail sans interruption depuis 1989. En d’autres termes, lorsqu’un employé occupe un poste pour une période déterminée, le poste ne devient pas vacant à l’expiration de la période si celle-ci est immédiatement suivie d’une autre période sans qu’il y ait interruption de service.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

70       Enfin, l’AFPC a invoqué Poole et a fait remarquer que dans cette affaire, comme dans Fok, l’arbitre de grief avait appliqué une approche fondée sur le but au moment de décider si les fonctionnaires en affectation intérimaire étaient les titulaires de postes intérimaires aux fins de la protection salariale.

B. Pour l’employeur

71       L’employeur a fait valoir que le transfert d’employés à partir d’organismes distincts ne constituait pas une reclassification de leur ancien poste et n’y menait pas non plus, et que les dispositions sur la protection salariale dans le contexte des reclassifications ne s’appliquaient donc pas. Il a soutenu que même si les parties doivent ou peuvent négocier les clauses de protection salariale ou de [traduction] « maintien du salaire » particulières aux transferts, en l’absence de telles clauses négociées, il n’existe pas de protection salariale dans le contexte d’un transfert.

72       La création de SPC a touché 44 organisations, y compris des employeurs distincts. Le Conseil du Trésor a décidé, de bonne foi, de conserver temporairement les conditions que les employés avaient conclues avec leur employeur distinct. Son intention était de conserver ces conditions en attendant que de nouvelles conventions collectives soient mises en oeuvre en ce qui concerne les fonctionnaires transférés, afin de s’assurer qu’ils ne subissent pas de conséquences négatives et d’assurer une transition en douceur. Toutefois, l’employeur a déclaré qu’il ne s’agissait pas d’une reconnaissance de sa part que les employés transférés à l’APC conserveraient leurs anciennes conditions d’emploi ou un acquiescement à cet égard; leurs nouveaux postes n’avaient pas encore été créés et classifiés. Plus précisément, l’employeur a fait valoir qu’il ne s’agissait pas d’une [traduction] « reconnaissance, de l’acquiescement ou de l’acceptation, implicite ou explicite, de la classification des postes auparavant occupés par des employés d’employeurs distincts ».

73       L’ARC, la CCN et le Conseil du Trésor ont tous un pouvoir législatif différent et distinct de classifier des postes. L’employeur a invoqué l’art. 51 de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (L.C. 1999, ch. 17), leparagr. 8(3) de la Loi sur la capitale nationale (L.R.C. (1985), ch. N-4), et l’art. 11.1 de la LGFP,à titre de sources de ce pouvoir pour les trois employeurs. Par conséquent, pour l’employeur, la façon dont un employeur distinct exerce son pouvoir ne lie pas les autres employeurs.

74       L’employeur a rejeté la notion voulant qu’il ait accepté les classifications et les conditions d’emploi accordées aux postes par les autres employeurs pour ensuite reclassifier les postes. Le Conseil du Trésor a plutôt eu besoin d’un certain temps pour créer les postes au sein de l’APC et a fait preuve de bonne foi en assurant une transition en douceur en attendant les négociations.

75       L’employeur a soutenu avoir toujours été prêt à négocier la « protection salariale » pour les fonctionnaires transférés depuis des employeurs distincts, et qu’il avait toujours la volonté de le faire. Il a simplement déclaré qu’il ne s’agissait pas d’une reclassification de postes qui déclencherait l’application des dispositions sur la protection salariale invoquées par l’AFPC. En d’autres termes, l’employeur a fait valoir qu’il n’avait pas reclassifié, remplacé ou par ailleurs modifié les postes; les postes n’existaient pas à l’APC et ils étaient nouvellement créés et classifiés. L’exercice qui a été mené avait pour but de classifier de nouveaux postes au sein de l’APC. L’employeur a fait valoir que, dans les circonstances, des postes avaient été éliminées à l’ARC (et au sein d’autres employeurs distincts) et des postes ont été créés à l’APC. Il n’y a pas eu reclassification.

76       L’employeur a soutenu qu’il y a reclassification lorsqu’un employeur donné reclassifie des postes au sein de son système de classification, et non lorsque des postes sont transférés d’un employeur à un autre.

77       L’employeur a ensuite porté son attention sur la jurisprudence. Il a déclaré que la question de savoir si un poste était nouveau ou reclassifié avait fait l’objet de nombreuses décisions. La plus récente était celle de la Cour suprême du Canada dans Canada (Procureur général) c. Kane, 2012 CSC 64. Même si cette Cour n’a pas fourni de définition de « reclassification », elle a conclu ce qui suit : « À tout le moins, il ressort d’une interprétation raisonnable du dossier que la question de savoir s’il s’agissait d’un poste nouveau ou reclassifié était susceptible de susciter un désaccord raisonnable parmi des gens raisonnables ». L’employeur a donc fait valoir que la question de savoir si un poste est [traduction] « nouveau » ou [traduction] « reclassifié » est une conclusion de fait qui doit être conforme aux règles, politiques, directives et précédents actuels. Il a fait valoir qu’en l’espèce, il n’y a pas eu reclassification.

78       L’employeur a ensuite porté son attention sur la définition suivante de « reclassification » qui figure dans la Directive : « Reclassification […] la modification du groupe professionnel ou du niveau, ou des deux, qui découle d’un examen ou d’une vérification du travail accompli dans le poste [le passage en évidence l’est dans l’original] ».

79       Il a soutenu que la réalisation d’un exercice de classification après un transfert d’employeurs distincts ne correspondait pas à cette définition. Dans un tel cas, l’arrivée des employés transférés et la création de leur poste déclenchent l’exercice de classification. L’employeur a fait valoir que ce qui est arrivé ne découlait pas d’un examen ou d’une vérification du travail accompli dans des postes qui n’existaient pas au sein de l’APC auparavant.

80       Dans le cadre d’un transfert à l’APC, les employés ne conservent pas leur classification pour ensuite être reclassifiés. Ils sont transférés. Il ne s’agit pas d’une reclassification, mais bien d’un transfert.

81       L’employeur m’a ensuite renvoyé à la décision de la Cour fédérale dans Hagel c. Procureur général du Canada, 2009 CF 329 (confirmée dans 2009 CAF 364). Elle est ainsi rédigée aux paragraphes 42 et 43 :

[42] De plus, je suis d’avis que la conclusion est défendable au chapitre des faits et du droit. Comme l’ont souligné les parties, les Conditions d’emploi (Politique) du Conseil du Trésor contiennent une disposition qui prévoit que « […] tout employé a le droit de toucher, pour services rendus, le taux de rémunération prévu dans la convention collective applicable ». De plus, la politique définit la « convention collective applicable » comme la convention collective applicable à l’unité de négociation à laquelle l’employé est affecté ou serait affecté s’il n’était pas exclu. Le défendeur soutient que, puisque l’unité de négociation à laquelle les auteurs des griefs auraient été affectés (le groupe MG) n’a jamais négocié avec l’employeur (le Conseil du Trésor) ni conclu de convention avec lui, il n’y a pas de « convention collective applicable ». Selon le défendeur, [Traduction] « [l]’objet de cette politique ne pouvait pas être que les conditions énoncées dans la convention collective d’un employeur distinct (avec un régime de classification différent et des taux de rémunération différents) déterminent les taux de rémunération des employés du Conseil du Trésor ». Cette interprétation de la politique est certainement raisonnable et, à mon avis, correcte.

[43] Dans le même ordre d’idées, le défendeur fait valoir que le Règlement concernant la rémunération lors de la reclassification ou de la transposition du Conseil du Trésor doit être interprété à la lumière des définitions de « reclassification » et de « transposition » dans le Lexique des termes et des définitions du Conseil du Trésor. Dans le lexique, « transposition » désigne l’établissement d’un nouveau groupe ou niveau, ou lorsqu’on adopte un nouveau système de classification et/ou une nouvelle structure de rémunération pour un groupe donné. « Reclassification » désigne un examen ou une vérification d’un ou de plusieurs postes qui occasionne une modification du groupe ou du niveau ou des deux. Le défendeur prétend, et je suis d’accord avec lui, que ces définitions n’englobent pas la situation des auteurs des griefs. Encore une fois, il s’agit d’une interprétation raisonnable de la politique.

[Je souligne]

82       L’employeur a fait valoir qu’en l’espèce, le transfert à partir d’employeurs distincts ne correspondait simplement pas à la définition de « reclassification ».

83       L’employeur a également soutenu que, dans les cas où une partie demande un avantage pécuniaire, le libellé de la convention collective doit être clair et sans équivoque lorsqu’il confère cet avantage. Une expression claire de l’intention est requise; voir Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, au paragr. 4:2120; Wire Rope Industries Ltd. v. United Steelworkers, Local 3910, [1982] B.C.C.A.A.A. No. 317 (QL); Golden Giant Mine v. United Steelworkers of America, Local 9364,[2004] O.L.A.A. No. 600 (QL), au paragr. 19; Nigel Services for Adults with Disabilities Society v. Construction and Specialized Workers Union, Local 1611 (2013), 230 L.A.C. (4th) 400. L’employeur a fait valoir que le libellé de la convention collective en l’espèce n’appuie pas la prétention de l’AFPC, puisqu’aucun libellé clair ne vise les transferts.

84       Selon l’employeur, lorsque des employés d’un organisme distinct ou d’une autre organisation qui ne fait pas partie de l’APC sont embauchés par le ministère dont le Conseil du Trésor est l’employeur, leur emploi auprès de l’organisme distinct ou d’une autre organisation prend habituellement fin, et ils sont nommés chez le nouvel employeur. Par conséquent, ils sont assujettis aux taux de salaire, aux normes de classification et aux conditions d’emploi du nouvel employeur, comme le prévoient les conventions collectives pertinentes.

85       L’employeur a fait valoir que les employés étaient intégrés aux groupes professionnels pertinents de l’APC au moment de leur transfert à parti d’un organisme distinct, et que leurs postes étaient classifiés conformément à la norme de classification pertinente qui s’appliquait. L’employeur a fait valoir qu’en l’espèce, aucune classification n’a eu lieu jusqu’à ce qu’elle soit déterminée par les règles de l’APC du Conseil du Trésor. Aucune classification et reclassification subséquente n’ont eu lieu. Il s’agissait plutôt d’une période de transition au bénéfice des anciens fonctionnaires des employeurs distincts. Cette période devait prendre fin au moment de la signature des nouvelles conventions collectives par leur unité de négociation respective de l’APC.

V. Motifs

86       L’affaire dont je suis saisi découle de la décision de l’employeur de regrouper, au sein de SPC et de Patrimoine canadien, des employés provenant d’organismes distincts. Lorsqu’il a transféré les employés, l’employeur devait gérer le fait qu’ils étaient régis par un régime de classification différent de celui qui s’appliquait aux employés de l’APC. L’employeur souhaitait intégrer ces employés à SPC et à Patrimoine canadien en les assujettissant au régime de classification qui s’applique aux employés de l’APC. Ainsi, les fonctionnaires transférés ont été assujettis au régime de l’APC, et ont été classifiés dans les groupes professionnels PA, SV ou TC.

87       En conséquence des actions de l’employeur, de nombreux fonctionnaires ont vu leur salaire réduit puisqu’ils ont été classifiés dans un groupe et un niveau dont le salaire est inférieur à celui auquel ils avaient droit en vertu de leur ancien régime de classification auprès de l’ARC ou de la CCN. En outre, l’employeur a refusé d’appliquer les dispositions sur la protection salariale figurant dans leur convention collective antérieure conclue avec leur organisme distinct ou dans la convention collective applicable aux employés de l’APC faisant partie des groupes professionnels PA, SV ou TC. Comme l’employeur l’a fait valoir dans ses observations, il était d’avis que [traduction] « […] la façon dont un employeur distinct exerce son pouvoir ne lie pas les autres employeurs ».

88       Mon rôle consiste à décider si ces dispositions sur la protection salariale auraient dû s’appliquer aux fonctionnaires de l’ARC et de la CCN, qui ont été visé par le transfert à SPC et à Patrimoine canadien. L’AFPC a soutenu qu’un transfert a eu lieu, ce qui a entraîné une reclassification; par conséquent, la protection salariale aurait dû s’appliquer. Selon l’employeur, aucune reclassification ne s’est produite et la protection salariale n’aurait donc pas dû s’appliquer. Je conclus que les employés avaient droit à la protection salariale pour les motifs indiqués ci-dessous dans la décision.

89       En tant que formation de la nouvelle Commission, ma compétence m’est accordée par la LRTFP, entre autres autorités. Même si les parties ne l’ont pas fait valoir, je suis tout de même obligé de respecter les dispositions de cette loi, y compris son préambule, qui fait la promotion de la collaboration, de la communication et du dialogue soutenu, ainsi que de la résolution juste, crédible et efficace des problèmes liés aux conditions d’emploi. De plus, il reconnaît que les agents négociateurs « représentent les intérêts des fonctionnaires ». J’ai gardé à l’esprit ces notions importantes pendant mon examen de ce grief de principe.

90       L’AFPC a fait valoir que l’art. 132 de la LEFP est la principale disposition législative que je dois prendre en considération en l’espèce. J’accepte cet argument en ce qui concerne les anciens fonctionnaires de l’ARC, soit que le cadre réglementaire du transfert était tel qu’ils ont été transférés sans changement à leur situation d’emploi. Tel qu’il a été mentionné dans l’exposé conjoint des faits et AFPC-1, environ 80 membres de l’AFPC ont été transférés vers SPC en vertu d’un décret en conseil et d’un règlement pris en application de la LEFP, lesquels ont été déposés en preuve devant moi.Le libellé du Règlement sur le transfert de secteurs de l’Agence du revenu du Canada précise clairement que le paragr. 132(1) de la LEFP « s’applique aux personnes employées » au sein de l’ARC et qui ont été transférées à SPC.

91       Comme l’a souligné l’AFPC, la décision de la Cour d’appel fédérale dans AFPC-2 a établi que la situation d’emploi des fonctionnaires ne changeait pas en raison du transfert. Je remarque que l’employeur ne m’a fourni aucun argument pour réfuter l’affirmation du syndicat à ce sujet.

92       Ma décision sur cette question est appuyée par la décision de l’ancienne Commission dans AFPC-1. Cette affaire découle précisément des faits en litige : la création de SPC et le transfert des fonctionnaires de l’ARC.

93       Après l’annonce que des employés de l’ARC seraient transférés à SPC, l’AFPC a présenté un grief de principe alléguant que l’ARC avait contrevenu à l’annexe sur le réaménagement des effectifs de la convention collective, notamment en refusant de déclarer qu’il existait une situation de réaménagement des effectifs. L’ARC a fait valoir que l’art. 132 de la LEFP s’appliquait, car le gouverneur en conseil avait exercé son pouvoir prévu au paragr. 123(1) de formuler des règlements autorisant l’application de l’art. 132 de l’ARC.

94       L’AFPC a fait valoir que l’art. 132 [traduction] « […] fait valoir explicitementqu’un décret pris en application de la LRTAAP ne change rien à la situation des fonctionnaires ». Elle a également fait valoir que les fonctionnaires touchés [traduction] « […] continuaient d’occuper les mêmes postes le 15 novembre 2011 qu’ils occupaient le 14 novembre 2011, mais au sein d’une autre organisation ».

95       Je me pencherai maintenant sur le Protocole de 1982 et son interprétation. L’AFPC et le Conseil du Trésor l’ont négocié et il est inclus dans les conventions collectives des groupes PA, SV et TC qui s’appliquent au présent grief. L’AFPC a fait valoir que le Protocole aurait dû être appliqué aux fonctionnaires qui font l’objet du présent grief de principe.

96       En plus du Protocole de 1982, la preuve a révélé que l’ARC et la CCN avaient abordé, de manière similaire ou identique, la protection salariale dans leurs conventions collectives conclues avec l’AFPC. La clause 64.05 de la convention collective de l’ARC intègre le Protocole; la clause 44.07 de la convention collective de la CCN comprend également un protocole d’entente intitulé « Conversion à des niveaux, plans de classification ou structures salariales nouveaux ».

97       Étant donné que les anciens employés de l’ARC et de la CCN étaient transférés à l’APC et étaient des employés de SPC ou de Patrimoine canadien au moment du dépôt du présent grief, je conclus que je dois tenir compte des modalités du Protocole de 1982, plutôt que des articles relatifs à la protection salariale dans les conventions collectives de la CCN et de l’ARC.

98       Même si les dispositions sur la protection salariale de l’ARC et de la CCN offrent aux fonctionnaires de ces employeurs distincts une protection salariale dans l’éventualité d’un exercice de reclassification ou de conversion, je conclus que le Protocole de 1982 est pertinent au présent grief.

99       Les fonctionnaires en question ont été transférés de la CCN et de l’ARC à l’APC et sont devenus assujettis aux conventions collectives des groupes PA, SV et TC. Le Conseil du Trésor, et non la CCN ou l’ARC, a refusé d’appliquer les dispositions sur la protection salariale aux fonctionnaires en question. Quoi qu’il en soit, même si les dispositions sur la protection salariale de la CCN et de l’ARC peuvent ne pas s’appliquer aux fonctionnaires dans la présente affaire, elles indiquent une volonté à l’échelle de l’appareil gouvernemental, que ce soit au sein de l’APC ou d’employeurs distincts, de protéger les salaires des fonctionnaires qui sont, pour des raisons indépendantes de leur volonté, reclassifiés ou assujettis à un exercice de conversion.

100       Il semble que cette approche est adoptée depuis longtemps dans la sphère fédérale, car Hagel, présentée par l’employeur, renvoie au Règlement sur la rémunération lors de la transposition et subséquente à la transposition, promulgué en 1967, qui prévoyait une protection salariale pour les titulaires de postes qui ont été classifiés à la baisse.

101       Sous l’en-tête « Partie I » du Protocole de 1982, on mentionne que le Protocole s’applique « […] aux titulaires de postes qui […] seront classifiés dans un groupe et (ou) un niveau comportant un taux de rémunération maximal accessible inférieur » [je souligne]. L’article 2 de la partie I indique ce qui suit : « Nonobstant la reclassification régressive, un poste occupé est réputé avoir conservé à toutes fins utiles, son ancien groupe et niveau » [je souligne] » et que, en ce qui concerne la rémunération du titulaire « […] on peut citer cette disposition comme régime de protection salariale […] ». L’article 2 précise ensuite que ce statut « […] s’applique jusqu’à ce que le poste devienne vacant ou jusqu’à ce que le taux maximal accessible du nouveau niveau de classification, révisé de temps à autre, dépasse celui applicable de l’ancien niveau, également révisé de temps à autre. » [Je souligne]

102       L’intention du Protocole de 1982 est claire : les fonctionnaires de l’APC devraient être protégés dans l’éventualité où, indépendamment de leur volonté, leurs postes soient reclassifiés à un groupe et niveau dont le taux de rémunération maximum est moins élevé, ce que les parties n’ont pas contesté. Je suis d’accord avec la position de l’AFPC que la Cour fédérale (Section des appels) a confirmé ce principe au paragraphe 44 de Jones. Les parties sont en désaccord quant à savoir si les modalités du Protocole de 1982 s’appliquent à la présente affaire. L’employeur a fait valoir que ses modalités ne s’appliquent pas, car il n’y a eu aucune reclassification. Il a fait valoir qu’un transfert avait eu lieu et que, dans le cas des transferts, les dispositions sur la protection salariale et la retenue de salaire propres à de tels cas doivent faire l’objet d’une négociation.

103       Même s’il est vrai que le Protocole de 1982 ne mentionne pas directement l’intégration ou le transfert d’employés provenant d’employeurs distincts dans l’APC, je constate qu’il n’indique pas que ses modalités ne s’appliquent pas dans de tels cas. Le Protocole de 1982 n’indique pas que ses modalités s’appliquent uniquement aux titulaires de postes qui font et ont toujours fait partie de l’APC.

104       En outre, je ne trouve rien qui laisse entendre que les reclassifications et les transferts sont mutuellement exclusifs, faisant en sorte qu’une reclassification selon les modalités du Protocole de 1982 ne puisse découler d’un transfert à partir d’un organisme distinct. Le Protocole de 1982 indique simplement que la partie I (soit la partie du document qui est visée par la présente affaire) « […] s’applique aux titulaires de postes qui […] seront reclassifiés dans un groupe et (ou) un niveau comportant un taux de rémunération maximal accessible inférieur ». Bien que la LRTFP m’interdise de modifier les modalités de la convention collective, mon rôle en qualité de formation de la Commission exige que j’interprète le Protocole, et j’arrive à la conclusion que son libellé est ambigu et vague.

105       Les parties ont également inclus à l’exposé conjoint des faits, en guise d’annexe, sous l’en-tête [traduction] « Dispositions pertinentes de la convention collective et de la politique », une copie de la Directive, qui prévoit à l’article 4 une protection salariale pour les fonctionnaires de l’APC dont les postes sont reclassifiés ou convertis à un poste comportant un taux de rémunération maximal accessible inférieur.

106       À la lecture du Protocole de 1982 et de la Directive, l’intention de protéger les employés contre les effets d’une baisse de salaire en raison des actions de l’employeur devient manifeste. Malheureusement, comme on l’a indiqué plus tôt, les employés d’employeurs distincts qui, indépendamment de leur volonté, ont été intégrés à l’APC ne sont pas directement mentionnés dans l’un ou l’autre de ces documents. Toutefois, comme je l’ai soutenu, ils ne sont pas non plus exclus expressément du champ d’application du Protocole de 1982.

107       L’employeur a soutenu que, bien que les employés de l’APC ou d’employeurs distincts soient assujettis à une protection salariale dans l’éventualité où ils seraient reclassifiés à un niveau inférieur ou feraient l’objet d’un exercice de conversion de la classification au sein de l’APC ou de leur organisme distinct, aucune protection de ce genre ne s’applique dans l’éventualité où l’employeur ordonne le transfert de fonctionnaires provenant d’organismes distincts à l’APC. Au paragraphe 16 de ses arguments écrits, l’employeur a écrit ce qui suit : [traduction] « l’employeur fait valoir qu’une “reclassification” a lieu lorsqu’un employeur “reclassifie” des postes, dans le cadre de son propre régime de classification, et pas lorsque les postes sont transférés d’un employeur à un autre ».

108       Pour l’employeur, le libellé utilisé dans les dispositions sur la protection salariale du Protocole de 1982 et la Directive ne correspond pas aux circonstances actuelles, car aucune reclassification n’a eu lieu, seul un transfert suivi d’un exercice de classification initial en vue de classifier les employés transférés dans les groupes professionnels appropriés de l’APC et de déterminer leur niveau n’a eu lieu.

109       Je constate que l’argument de l’employeur ci-dessus, qui décrit l’exercice comme un transfert d’employés, semble contredire son argument figurant au paragraphe 26 de ses arguments écrits, où il indique que les employés qui font l’objet du présent grief ont effectivement été licenciés par leurs organismes distincts et réembauchés par l’APC :

[Traduction]

Lorsque des personnes employées par un organisme distinct ou par un autre organisme ne faisant pas partie de l’APC sont embauchées par un ministère pour lequel le CT est l’employeur, leur emploi auprès de l’organisme distinct ou de l’organisme ne faisant pas partie de l’APC prend habituellement fin et ils sont nommés auprès du nouvel employeur. Par conséquent, ils deviennent assujettis aux taux de rémunération, aux normes de classification et aux conditions d’emploi du nouvel employeur, conformément aux conventions collectives pertinentes.

110       L’argument selon lequel les employés en cause ont, d’une part, été transférés et, d’autre part, été licenciés et réembauchés est, à mon avis, incohérent. Si c’est ce que l’employeur fait valoir, sauf le respect que je lui dois, je rejette l’argument selon lequel les anciens employés de l’ARC et de la CCN ont été licenciés par leurs organismes distincts et renommés par l’APC. Je n’ai été saisi d’aucune preuve documentaire pour appuyer une allégation voulant que des licenciements aient eu lieu et, effectivement, tous les éléments de preuve dont je suis saisi renvoient à des transferts.

111       En ce qui concerne les employés de l’ARC, la preuve documentaire est accablante et me porte à la conclusion qu’un transfert, et non pas un licenciement, a eu lieu. L’annexe C de l’exposé conjoint des faits est un courriel du commissaire de l’ARC à l’intention des employés qui indique que [traduction] « […] un certain nombre d’employés de l’ARC de la TI et des fonctions organisationnelles […] seront transférés à SPC ». L’annexe D, soit un document de type Foire aux questions préparé pour les employés de l’ARC, établit la deuxième question comme suit : [traduction] « Comment la décision de transférer les postes et les titulaires vers la nouvelle organisation sera-t-elle prise? ». Le document utilise le terme [traduction] « transfert » à de nombreuses reprises, mais ne mentionne jamais le licenciement d’employés, c’est également le cas de la Foire aux questions de SPC (annexe H de l’exposé conjoint des faits). L’annexe E, le décret utilisé pour transférer les employés de l’ARC à SPC, et l’annexe F, le règlement s’appliquant aux événements en cause, renvoient toutes deux au transfert de fonctions et d’employés. L’annexe I est une copie d’une présentation PowerPoint de SPC intitulée [traduction] « Employés d’organismes distincts transférés à SPC ». L’annexe J comprend une lettre type adressée à un fonctionnaire non identifié, qui, selon l’exposé conjoint des faits, a été envoyée aux employés de l’ARC touchés. Elle commence comme suit : [traduction] « Dans le contexte du décret du 15 novembre 2011, votre poste anciennement situé à l’ARC a été transféré à Services partagés Canada […] ».

112       La preuve à l’égard des anciens employés de la CCN n’est pas moins évidente. À l’annexe L, les parties ont inclus un courriel du premier dirigeant de la CCN à l’intention de tous les employés les informant que [traduction] « [l]’ensemble des activités, des programmes, des services et du personnel de la Direction générale de l’expérience de la capitale […] seront transférés ». À l’annexe O, les parties ont inclus plusieurs mises à jour générées par l’employeur sur les répercussions du budget de 2013; les six premières mises à jour contiennent un sujet intitulé [traduction] « La CCN après le transfert ». De plus, les mises à jour font référence au [traduction] « transfert » d’employés à venir, le terme [traduction] « licenciement » ou tout autre équivalent n’y figurent pas. L’annexe P est un document que la CCN a remis à ses employés à l’occasion de réunions. À la première ligne de ce document, on y indique ce qui suit : [traduction] « Un ou plusieurs postes comme le vôtre seront transférés ».

113       L’employeur a reconnu qu’un transfert a eu lieu dans ce cas, mais a nié qu’on avait également procédé à une reclassification. Bien que le Protocole de 1982 prévoie une protection salariale dans l’éventualité d’une reclassification, il ne comprend aucune définition de ce terme. Cependant, les parties m’ont remis une copie de la Directive qui, dans sa section de définitions comprend des définitions pour les termes « Protection salariale », « Conversion de la classification » et « Reclassification ». D’après la définition du terme « Protection salariale », celle-ci est accordée aux employés dont les postes ont fait l’objet d’une reclassification ou d’une conversion. La définition de « Conversion de la classification » est rédigée en ces termes : « [s’]entend d’un changement apporté à la méthode d’établissement de la valeur relative du travail d’un groupe professionnel donnant lieu à l’adoption d’une nouvelle structure de rémunération ». La définition de « Reclassification » stipule qu’un tel événement désigne « […] la modification du groupe professionnel ou du niveau, ou des deux, qui découle d’un examen ou d’une vérification du travail accompli dans le poste ».

114       Lorsque les anciens employés de la CCN et de l’ARC ont été intégré à SPC et Patrimoine canadien, SPC a été tenu de modifier la méthode selon laquelle la valeur de leur travail serait reconnue et rémunérée. Même si le but de la Directive pouvait avoir été de fournir des lignes directrices aux ministères au sein de l’APC dans l’éventualité de reclassifications ou d’exercices de conversion menés au sein de ces ministères, rien dans la Directive n’indique que celle-ci ne s’applique pas aux employés qui sont transférés à l’APC. Je conclus que l’on peut raisonnablement dire que la définition du terme « Conversion de la classification » s’applique aux employés en question, car rien dans la définition ne me porte à conclure que les circonstances actuelles peuvent être exclues de son champ d’application. Du point de vue des employés touchés par le présent grief, ils ont été transférés à l’APC et la méthode d’évaluation de leur travail a ensuite été modifiée, ce qui répond à la définition que l’employeur a établie dans sa Directive. Même s’il s’agit d’un point important, l’AFPC n’a présenté aucun argument en ce sens et ses arguments portaient principalement sur la question de la reclassification.

115       Quant au terme « Reclassification », tel qu’il est défini dans la Directive, je conclus qu’on l’on pourrait raisonnablement dire qu’il s’applique aux employés visés par le présent grief de principe, puisqu’ils ont été obligés de changer de groupes professionnels lorsque, pour reprendre les termes de la Directive, l’employeur a examiné la situation à laquelle il était confronté en raison de sa décision de créer SPC. La Directive ne comprend aucune définition de ce qui constitue un examen, et j’estime qu’il s’agit d’un terme général, pas d’un terme technique, et qu’il signifie étudier, examiner, tenir compte ou examiner de nouveau. En ce sens, l’employeur a été obligé d’examiner l’affectation au groupe professionnel des employés et il l’a fait, selon son admission, en comparant les descriptions de travail fournies par les organismes distincts au régime de classification applicable aux employés de l’APC, et en intégrant les employés transférés au régime de l’APC.

116       Les documents de l’employeur confirment cette conclusion et décrivent ce qui s’est passé en ayant recours aux termes [traduction] « examen » et [traduction] « examen de la classification ». On a annexé à l’exposé conjoint des faits, à l’annexe J, une lettre échantillon de SPC envoyée aux anciens employés de l’ARC en juillet 2013, indiquant ce qui suit :

[Traduction]

Dans le contexte du décret du 15 novembre 2011, votre poste anciennement situé à l’ARC a été transféré à Services partagés Canada (SPC) à compter de cette date. À titre d’étape essentielle à l’achèvement du processus de transition de votre employeur précédent à SPC, votre poste a fait l’objet d’un examen de la classification par rapport au plan d’évaluation de la classification de l’administration publique centrale (APC). À la suite de cet examen[…].

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

117       Les lettres envoyées aux anciens employés de l’ARC confirment qu’à l’époque, selon l’employeur même, un examen de la classification a effectivement eu lieu à la suite du transfert des employés à SPC.

118       Les documents communiqués aux gestionnaires de la CCN abondent dans le même sens. Dans un courriel adressé aux directeurs de la CCN, daté du 1er mai 2013, la vice-présidente des ressources humaines de la CCN a présenté le processus en vue d’examiner les résumés des fonctions touchées aux fins du transfert de son mandat relativement aux événements et activités à Patrimoine canadien. Dans le courriel, elle a souligné que, pour que les nouveaux postes soient créés, les résumés des fonctions des employés devaient être [traduction] « examinés » et réécrits en prévision du transfert.

119       Je prends une pause pour signaler qu’en ce qui concerne l’interprétation des conventions collectives, il est bien est établi en droit que ma tâche consiste à découvrir l’intention des parties. Pour donner suite à cet objectif, les arbitres de grief ont endossé certains principes ou certaines règles d’interprétation. La première règle que je souligne exige que l’on attribue aux mots leur sens ordinaire, sous réserve de certaines qualifications, la première étant que si le sens ordinaire mène à un résultat absurde, les arbitres de griefs modifieront ce sens littéral afin d’éviter une absurdité, mais pas dans le but d’éviter une difficulté ou un résultat imprévu. Deuxièmement, selon Palmer et Snyder, Collective Agreement Arbitration in Canada, 5e édition, au paragr. 2.15 :

[Traduction]

[…] une contrainte ne constitue pas un motif pour modifier un sens clair, il s’agit d’un motif pour choisir l’un de deux sens tout aussi plausibles […] Par conséquent, lorsque deux interprétations d’une disposition sont possibles, celle qui s’harmonise le mieux avec le document dans son ensemble devrait être choisie. C’est-à-dire que l’interprétation qui produit un résultat juste devrait être prise comme celle faisant la promotion de l’interprétation des parties.

120       En conséquence, je conclus que l’employeur a examiné les classifications des anciens employés de l’ARC et de la CCN conformément au sens prévu par la Directive. Bien que les employés en question soient couverts par le Protocole de 1982 plutôt que par la Directive, les définitions de la Directive, même si elles ne sont pas exécutoires, sont néanmoins éclairantes, car elles révèlent la définition des termes en cause dans la présente affaire de l’employeur. Étant donné que l’employeur a abordé la question de ce en quoi consiste une reclassification dans sa Directive, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que les employés en cause ont été reclassifiés conformément à l’intention du Protocole de 1982, et qu’ils sont, par conséquent, protégés par les dispositions sur la protection salariale.

121       En soutenant que ni une reclassification ni une conversion n’ont eu lieu, l’employeur a fait valoir qu’il avait créé de nouveaux postes au sein de l’APC et qu’il y avait transféré les anciens employés de l’ARC et de la CCN. Il a fait valoir que, dans la présente affaire, les postes à l’ARC et à la CCN avaient tout simplement été éliminés et que de nouveaux postes au sein de l’APC avaient été créés. L’employeur a soutenu que la question de savoir si un poste est nouveau ou [traduction] « reclassifié » est une détermination de fait et que les faits dans la présente affaire indiquent que ce qui s’était produit ne correspondait tout simplement pas à une reclassification. À ce sujet, il a fait valoir que, dans Kane, la Cour suprême avait affirmé que la question de savoir si le poste examiné était nouveau ou reclassifié « […] était susceptible de susciter un désaccord raisonnable parmi des gens raisonnables ».

122       Même si la preuve et le contexte dans Kane justifiaient une telle conclusion, je conclus que le contexte de la preuve en l’espèce mène à la conclusion que les postes qui font l’objet du présent grief ne sont pas nouveaux. Après avoir examiné les documents présentés par les parties, je ne suis pas en mesure d’accepter la qualification de l’employeur quant à ce qui s’est produit comme étant l’élimination des postes au sein de la CCN et de l’ARC et la création de postes entièrement nouveaux au sein de SPC. La preuve révèle plutôt que le travail antérieurement effectué au sein des organismes distincts et été transféré, tout comme les titulaires de ces postes, aux nouveaux employeurs de l’APC.

123       Comme l’employeur l’a mentionné, il n’est pas lié par la façon dont les employeurs distincts exercent leur pouvoir. Cependant, il ne peut pas non plus ignorer que les employés en question travaillaient déjà pour l’État lorsqu’on a ordonné leur transfert d’un organisme distinct à l’APC. De toute façon, comme il en sera question plus tard dans la présente décision, la preuve documentaire dont je suis saisi me porte à conclure que les postes en question ont été transférés à l’APC et qu’il ne s’agissait pas réellement de nouveaux postes.

124       Un document créé par l’ARC est joint à l’exposé conjoint des faits à titre d’annexe D. Le document fournit des réponses aux employés relativement à leurs questions les plus courantes. L’extrait qui suit est pertinent :

[Traduction]

[…]

Q. Comment la décision de transférer les postes et les titulaires vers la nouvelle organisation sera-t-elle prise?

R. La décision sera prise selon les fonctions. La nouvelle organisation est axée sur la prestation d’une infrastructure de services partagés de la TI […] Les postes des fonctionnaires exerçant directement des fonctions qui appuient la prestation de ces services […] sont […] transférés vers la nouvelle organisation.

Q. Comment saurai-je si je suis censé être transféré à cette nouvelle organisation?

R. Votre gestionnaire ou superviseur immédiat vous informera si votre poste est transféré à la nouvelle organisation.

Q. Est-ce que j’aurai le choix d’être un employé de Services partagés Canada?

R. Non. Si votre poste fait partie des services désignés dans le décret, il sera transféré à Services partagés Canada et vous y serez également transféré.

Q. Des emplois seront-ils éliminés? Dans l’affirmative, comment cette situation sera-t-elle gérée?

R. Seul un changement dans la relation hiérarchique est envisagé en ce qui concerne les employés transférés à Services partagés Canada […]

[…]

 [Je souligne]

125       À la fin du document, il y a une section intitulée [traduction] « Messages clés, transfert d’employés à Services partagés Canada » et, sous l’en-tête [traduction] « Messages clés généraux », le premier message indique que SPC [traduction] est « […] mis sur pied afin de consolider et de rationaliser la prestation […] » de nombreuses ressources de TI à l’échelle du gouvernement du Canada. On y ajoute également que la plupart [traduction] « […] des ministères et organismes fédéraux ne fourniront plus ces services à l’interne. Au lieu de cela, nous les recevrons de la nouvelle organisation. » Le deuxième message clé général mentionne ce qui suit : [traduction] « Les employés assurant la prestation de ces services pour nous aujourd’hui en assureront la prestation demain, sous la direction de Services partagés Canada. » Finalement, sous la section intitulée [traduction] « Messages clés de l’ARC », on mentionne : [traduction] « Il ne s’agit pas d’une réduction du nombre d’emplois. Il s’agit d’un transfert d’emplois. »

126       Ceci étant, je peux uniquement conclure qu’il s’agit d’un transfert de postes et de leurs titulaires. Le document indique clairement que des services particuliers de TI seront centralisés à l’intérieur d’un nouveau ministère de l’APC et que les employés de l’ARC exerceront les mêmes fonctions au sein de SPC. Cependant, je reconnais que c’est l’ARC qui a envoyé ce document, pas l’employeur, qui a cependant publié son propre document sur la question, lequel était conforme à celui publié par l’ARC.

127       SPC a également créé son propre document de Foire aux questions, qui était plutôt similaire, que les parties ont annexé à l’exposé conjoint des faits à titre d’annexe H. Les extraits suivants sont d’intérêt :

Q5. Comment est mis sur pied Services partagés Canada?

R5.[…] La deuxième phase concerne le transfert des postes des employés qui fournissent des services d’infrastructure de la TI relativement aux courriels, aux centres de données ou aux services de réseau […]

[…]

Q8. Comment la décision de muter les postes et les titulaires vers le nouveau ministère a-t-elle été prise?

R8. La décision a été prise selon les fonctions. Le nouveau ministère est axé sur la prestation de services d’infrastructure de la TI dans les domaines opérationnels relatifs aux courriels, aux centres de données et aux réseaux. Les postes des fonctionnaires exerçant des fonctions qui appuient la prestation de ces services sont transférés au nouveau ministère.

Q9. Des emplois seront-ils éliminés? Dans l’affirmative, comment cette situation sera-t-elle gérée?

R9. Pour le moment, seul un changement dans la relation hiérarchique est envisagé en ce qui concerne les employés transférés à Services partagés Canada.

[…]

Q11. Je suis transféré à partir d’un organisme distinct à Services partagés Canada, qui est un ministère dans l’administration publique centrale. Que cela signifie-t-il pour moi?

R11. Comme toutes les personnes dont les postes sont transférés, votre description de travail n’a pas été modifiée.

[Je souligne]

128       À l’instar du document de l’ARC, ce document précise également que les fonctions transférées à SPC étaient celles anciennement exercées par les employés en question au sein de leur ancien organisme distinct. Le compte-rendu factuel de l’employeur, tel qu’il est question dans la Foire aux questions, correspond aux allégations de l’AFPC selon lesquelles un transfert de fonctions et de postes avait eu lieu, ainsi qu’une reclassification de ces postes, conformément au plan de classification de l’APC.

129       En outre, l’exposé conjoint des faits indique que SPC a tenu des séances d’information pour l’ensemble des employés d’organismes distincts à l’été 2013. Une copie de la présentation PowerPoint présentée lors de ces séances a été annexée à l’exposé conjoint des faits. À la page 4, il est souligné que [traduction] « [t]ous les travaux doivent être évalués dans le contexte de l’APC » et que tous les postes des organismes distincts [traduction] « […] sont évalués pour déterminer leur groupe et niveau professionnel de l’APC ». À la page 5, la présentation indique que pour intégrer les postes des organismes distincts à l’APC, [traduction] « [l]es descriptions de travail des organismes distincts » seront [traduction] « […] utilisées afin de déterminer les groupes et niveaux appropriés ».

130       Même si l’employeur a fait valoir que les nouveaux postes avaient été créés au sein de l’APC, la preuve à l’égard des employés de l’ARC révèle qu’il s’agissait simplement d’un transfert de fonction d’un employeur distinct à un nouveau ministère au sein de l’APC. Aucun nouveau poste n’a été créé, à tout le moins, pas dans le sens soutenu par l’employeur ou compris par toute personne raisonnable; les fonctions qui existaient anciennement au sein des employeurs distincts, ainsi que les titulaires de ces postes, ont simplement été transférées aux employeurs de l’APC.

131       Je constate également que la situation était la même en ce qui concerne le transfert des employés de la CCN à Patrimoine canadien. L’annexe L de l’exposé conjoint des faits est un message du premier dirigeant de la CCN aux employés annonçant l’intention du gouvernement fédéral de [traduction] « […] transférer le mandat de promouvoir la région de la capitale nationale » de la CCN à Patrimoine canadien. L’annexe M, une note de service de la section des Ressources humaines de la CCN aux gestionnaires de la CCN affirme que, alors que le [traduction] « transfert de personnel » commence, la CCN mettrait à jour et communiquerait les [traduction] « résumés des fonctions » au ministère de l’APC, car ce nouveau ministère [traduction] « […] créera les postes qui seront transférés ». Si les postes créés au sein du ministère étaient effectivement nouveaux, je n’arrive pas à voir la nécessité de fournir au ministère les résumés des fonctions des employés plutôt que leurs curriculum vitæ tout simplement. À l’annexe R de l’exposé conjoint des faits, les parties ont inclus un document qui était annexé aux lettres envoyées aux employés de la CCN touchés. Il indique au troisième paragraphe que les dirigeants de Patrimoine canadien [traduction] « […] ont examiné les descriptions de travail de vos postes d’attaches à la CCN et ont déterminé le groupe et le niveau professionnel du poste que vous occuperez à [Patrimoine canadien] ».

132       Cela confirme ma conclusion selon laquelle le travail des employés a simplement été transposé à un nouvel employeur. Comme pour les employés de l’ARC, il est manifeste qu’il s’agissait d’un transfert en bloc d’employés et de leurs postes à un employeur différent. La CCN n’a pas abandonné l’intégralité de ses secteurs d’activité et n’a pas convaincu une autre entité du gouvernement fédéral de prendre en pitié des employés qui, autrement, auraient été déclarés excédentaires. Il a clairement été démontré au moyen de la preuve que le gouvernement fédéral a simplement décidé de transférer le travail de la CCN à Patrimoine canadien, et les employés qui exerçaient ce travail ont été transférés en même temps que leurs postes.

133       Par conséquent, je rejette la position de l’employeur qu’aucune reclassification n’a eu lieu parce qu’il avait créé de nouveaux postes au sein de SPC et de Patrimoine canadien. Je conclus que les faits indiquent clairement que les postes existants à l’ARC et à la CCN ont simplement été transférés à l’APC. L’allégation de l’employeur voulant qu’il ait éliminé des postes à l’ARC et à la CCN et qu’il ait créé de nouveaux postes au sein de l’APC auxquels les employés ont été transférés ne correspond tout simplement pas aux faits et aux documents de l’employeur.

134       À l’appui de son argument voulant que le transfert à partir d’employeurs distincts ne corresponde pas à la définition de « reclassification », l’employeur m’a renvoyé à la décision de la Cour fédérale dans Hagel. Cette affaire découlait de la décision de l’employeur, en 2003, de consolider ses activités douanières dans un nouvel organisme au sein de l’APC et de transférer des employés d’un organisme distinct à l’APC au moyen d’un transfert en bloc. Comme en l’espèce, les employés ont été informés que toutes les conditions d’emploi existantes ainsi que les taux de rémunération et les niveaux de classification d’emploi actuels seraient [traduction] « […] acceptés et continués au sein de la nouvelle organisation jusqu’à ce que des processus appropriés soient en place afin d’établir les conditions d’emploi permanentes ». Lorsqu’une nouvelle convention collective a été signée pour le groupe professionnel dans lequel ils ont été classifiés, les employés ont découvert que leurs salaires avaient été revus à la baisse et qu’ils n’avaient plus droit à une prime de rendement en vertu de la convention collective de l’APC. Ils ont contesté la décision de ne pas protéger les conditions de leur emploi.

135       Dans Hagel, les questions dont était saisie la Cour fédérale étaient à trois volets. Deux de ces volets portaient sur l’équité procédurale et sur la question de savoir si le décideur était tenu participer à l’audience du grief au dernier palier. Ces questions n’ont aucune conséquence sur le grief dont je suis saisi. Cependant, la troisième question est d’intérêt et a été établie comme suit : Le décideur a-t-il omis d’examiner et d’appliquer la Politique sur les conditions d’emploi et le Règlement concernant la rémunération lors de la reclassification ou de la transposition du Conseil du Trésor, et l’article 37.3 de la LEFP?

136       La Cour a examiné la décision qui a été prise au dernier palier, dans laquelle on avait conclu que la politique et le règlement ne s’appliquaient pas. La Cour a conclu que le décideur les avait examinés et que sa conclusion selon laquelle ils ne visaient pas la situation dont il était saisi relevait clairement de son expertise et était raisonnable. L’employeur m’a plus particulièrement renvoyé au paragraphe 42 de la décision de la Cour, dans sa conclusion voulant que cette affirmation ait été non seulement raisonnable, mais exacte :

[] [l]’objet de cette politique ne pouvait pas être que les conditions énoncées dans la convention collective d’un employeur distinct (avec un régime de classification différent et des taux de rémunération différents) déterminent les taux de rémunération des employés du Conseil du Trésor.

137       J’aimerais d’abord signaler qu’au paragraphe 41, la Cour a affirmé que, dans l’affaire dont elle est saisie, le décideur a procédé en fonction du fait que la façon dont l’ASFC a été créée « […] constituait une situation unique que les politiques existantes en matière de ressources humaines ne visaient pas [le passage en évidence l’est dans l’original] » et qu’aucune des politiques existantes du Conseil du Trésor, citées par les demandeurs, ne s’appliquait. La situation dans la présente affaire est survenue près d’une décennie après celle dans Hagel et l’employeur n’a pas prétendu que cette situation était, de quelque façon, unique.

138       Malheureusement, les arguments déposés devant la Cour ne sont pas présentés en détail et il m’est impossible de déterminer si les questions ont été présentées de façon aussi exhaustive qu’elles l’ont été devant moi. Effectivement, je souligne qu’au paragraphe 44 de Hagel, la Cour a affirmé qu’elle ne fournirait aucune conclusion sur la question d’une contravention alléguée aux dispositions en matière de transfert en bloc dans la LEFP, puisqu’il n’existe aucune preuve que les fonctionnaires avaient soulevé un argument reposant sur la disposition pendant la procédure de règlement des griefs.

139       Dans la présente affaire, la disposition relative au transfert en bloc et le statut des employés visés par de tels transferts ont fait l’objet d’arguments et font partie de mon raisonnement. En outre, l’interprétation du Protocole de 1982, qui constitue la base de l’argument qui m’a été présenté, n’est aucunement mentionnée dans Hagel. Par conséquent, je conclus que, même si au premier coup d’œil, la décision dans Hagel est intéressante, les questions qui y sont tranchées sont fondamentalement différentes de celles en l’espèce.

140       L’employeur a consacré une partie importante de ses arguments écrits à faire valoir que sa décision de permettre le maintien provisoire des conditions d’emploi des employés touchés ne constituait pas son acquiescement de la classification des postes anciennement occupés par les employés auprès des employeurs distincts. Dans le même ordre d’idée, il a également fait valoir que les trois entités (l’ARC, la CCN et le Conseil du Trésor) ont toutes le pouvoir réglementaire distinct de classifier les postes, et que la façon dont un employeur distinct exerce son pouvoir ne lie pas les autres employeurs. Il m’a renvoyé à Hagel, à l’appui de son argument.

141       Je suis d’accord avec l’employeur que le statut des employés auprès de leurs anciens employeurs ne détermine pas leur statut au sein de l’APC. Toutefois, l’employeur, en transférant les employés d’organismes distincts à l’APC, était tenu de déterminer leur nouveau statut en faisant référence aux conventions collectives, aux lois, aux politiques, aux directives et aux précédents; cette question se trouve au cœur du présent grief, et je l’ai tranchée. Même si j’ai été en mesure de tirer une conclusion sans conclure que les anciens statuts des employés liaient l’employeur, je suis tout de même préoccupé par l’affirmation de l’employeur voulant qu’il puisse entièrement ignorer ces statuts dans les circonstances.

142       Je conclus que, comme dans Chander, la présente affaire comporte trois options : la conversion, la classification et la reclassification. J’ai déjà présenté mes commentaires sur la question relative à la conversion, mais, puisque l’AFPC ne l’a pas présenté, je n’ai pas fondé ma décision sur celle-ci, me concentrant plutôt sur la distinction entre classification et reclassification. Après avoir examiné les faits de l’affaire dont je suis saisi, je conclus que les facteurs identifiés par la Cour fédérale dans Chander appuient ma conclusion selon laquelle les postes en cause ne constituent pas réellement de nouveaux postes. Les documents que les parties ont présentés en guise de preuve n’indiquent pas l’exercice de nouvelles fonctions, plutôt le contraire. Tous les documents soulignaient que les employés touchés continuaient d’exercer leurs anciens rôles au sein d’une nouvelle organisation. La place de ceux-ci au sein de la nouvelle organisation était déterminée par rapport à leurs anciennes fonctions. Aucune discussion n’a eu lieu quant à la nécessité de suivre une formation une fois que les employés transférés ont commencé à assumer leurs fonctions au sein de SPC.

143       L’employeur a également soutenu que, dans les cas où une partie demande un avantage monétaire, le libellé de la convention collective doit être clair et sans équivoque lorsqu’il confère cet avantage. À l’appui de son argument, l’employeur a cité un certain nombre de décisions, dont la première était Wire Rope Industries Ltd. Au paragraphe 20 de cette décision, l’arbitre de grief a affirmé que la formation était d’avis que les arbitres de grief ne devraient pas imposer une obligation monétaire à l’égard d’un employeur [traduction] « […] [qu’il] n’avait manifestement pas l’obligation de payer ». Même si je suis d’accord avec ce principe, cela ne signifie pas que le Protocole de 1982 ne s’applique manifestement pas à la présente situation.

144       L’employeur m’a renvoyé au paragraphe 19 de Golden Giant Mine, où la déclaration de l’arbitre de griefs dans Wire Rope Industries Ltd. est citée. Toutefois, je remarque également que ce paragraphe indique que [traduction] « […] un employeur est tenu de payer uniquement ce qui est prévu dans la convention collective ». Ce que l’employeur et l’AFPC ont prévu dans la convention collective est la question dont je suis saisi et c’est celle que je tranche en fonction de la preuve.

145       Enfin, l’employeur a cité la décision dans Nigel Services for Adults with Disabilities Society, qui contestait l’omission de l’employeur de payer une indemnité de départ aux fonctionnaires qui étaient transférés à un employeur différent. L’employeur n’a mentionné aucun paragraphe ou partie en particulier et je remarque qu’au paragraphe 21, l’arbitre de grief a déclaré que [traduction] « […] la question principale à trancher consiste à déterminer quelle est la signification à accorder à “prend fin parce que les services du fonctionnaire ne sont plus requis en raison de la fermeture de l’établissement de soins de santé, d’un poste faisant double emploi, etc. […]” figurant à la clause 43.01(a)(3) ». Cette question est très différente de celle dont je suis saisi, et je conclus que cette décision ne s’applique pas en l’espèce. Fait intéressant, dans cette décision, l’employeur a fait valoir qu’aucun licenciement n’avait eu lieu et que ce qui s’était produit pouvait être qualifié de licenciement au sens technique seulement, ce qui est contraire à ce que l’employeur a soutenu devant moi.

146       Enfin, j’aborde l’affirmation de l’employeur, dans ses observations écrites, selon laquelle il a toujours été prêt à négocier la question en l’espèce. Certes louable et conforme au préambule de la LRTFP, la volonté de l’une ou l’autre des parties à négocier ce différend n’a aucune incidence sur l’essence du grief ou, à tout le moins, aucune ne m’a été soulevée. Si la volonté énoncée de l’employeur de négocier avait eu une incidence sur ma décision, j’aurais eu des préoccupations quant à la bonne foi de cette affirmation.

147       Il faut se rappeler que l’employeur a fait une offre à l’AFPC, qui était d’éliminer progressivement la protection salariale sur une période de quelques années seulement. Lorsque l’AFPC a refusé cette offre, comme il fallait s’y attendre, étant donné sa position en ce qui concerne la protection salariale, l’employeur a imposé sa propre interprétation du Protocole de 1982 aux fonctionnaires et leur a imposé les conditions d’emploi qu’il estimait appropriées.

148       Il est difficile de faire concorder ces actions avec l’intention du préambule de la LRTFP, en particulier avec sa reconnaissance des agents négociateurs à titre de représentants des employés en ce qui concerne l’établissement des conditions d’emploi. Les parties négocient depuis longtemps la protection salariale, qui revêt une importance fondamentale pour les membres de l’unité de négociation.

149       Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

150       J’accueille le grief et je déclare que l’employeur a violé les dispositions sur la protection salariale des conventions collectives PA, SV et TC, en refusant d’appliquer la protection salariale à l’égard des fonctionnaires qui ont été transférés de l’ARC et de la CCN à SPC et à Patrimoine canadien, respectivement.

Le 4 juillet 2016.

Traduction de la CRTEFP

Michael F. McNamara,
un membre de la Commission des relations de travail
et de l’emploi dans la fonction publique
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.