Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a déposé une plainte dans laquelle il a allégué que le défaut du défendeur d’utiliser ses politiques relatives aux règlements des différends et aux mesures disciplinaires constituait une pratique déloyale de travail – le plaignant a confirmé dans son témoignage qu’il n’avait été ni expulsé ni suspendu à titre de membre du défendeur – il a fait valoir devant la Commission que, lors d’une conversation téléphonique, un membre du comité exécutif du défendeur avait tenté de l’intimider et d’utiliser des mesures coercitives à son égard dans le but de lui faire retirer sa plainte de harcèlement en échange du retrait de deux plaintes déposées contre lui – toutefois, la Commission a conclu qu’aucune coercition n’avait été usée à l’égard du plaignant et que ce dernier n’avait pas été intimidé par les propos tenus lors de la conversation téléphonique – le plaignant n’a présenté aucune autre preuve à l’appui de son allégation selon laquelle le défendeur avait contrevenu aux alinéas 188b), c), d), ou e) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

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  • Date:  20160830
  • Dossier:  561-02-676
  • Référence:  2016 CRTEFP 82

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

GARY CORBETT

plaignant

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

Répertorié
Corbett c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada


Affaire concernant une plainte présentée en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique


Devant:
Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour le plaignant:
John Courtney
Pour le défendeur:
Steven Welchner, avocat
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 27 juin 2016.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Plainte devant la Commission

1        Gary Corbett (le « plaignant ») a déposé une plainte le 27 février 2014 contre le défendeur, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, soutenant que ce dernier, ses employés et ses membres s’étaient livrés à une pratique déloyale de travail, en violation avec les alinéas 188b), c), d) et e) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »). Le plaignant a également demandé à la Commission des relations de travail dans la fonction publique la permission de poursuivre le défendeur, ses employés et ses membres en vertu des articles 200 et 202 de la Loi. Cette demande a été retirée à l’audience.

2        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. En vertu de l’article 393 de la Loi no2 sur le plan daction économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no2 sur le plan daction économique de 2013.

II. Résumé de la preuve

3        Le plaignant est la seule personne à avoir témoigné à l’audience.

4        Le plaignant a allégué que le défaut du défendeur d’utiliser ses politiques sur le règlement des différends et les mesures disciplinaires constituait une pratique déloyale de travail. Pendant toutes les périodes en question, il était président et premier dirigeant du défendeur. Son mandat est venu à échéance le 31 décembre 2013, et lorsqu’il n’a pas réussi à être réélu, Debbie Daviau l’a remplacé. Elle avait également été membre du comité exécutif du défendeur auparavant.

5        À l’été 2013, le plaignant a été l’objet d’une plainte de harcèlement déposée par Shannon Bittman (la « plainte Bittman ») qui, comme Mme Daviau, était membre du comité exécutif du défendeur. Le plaignant croyait que cette plainte, qui a été déposée vers la fin du mandat pour lequel il avait été élu à titre de président et premier dirigeant du défendeur, avait pour but de l’embarrasser devant les membres du défendeur et de veiller à ce que Mme Daviau soit élue à sa place. Mme Bittman était une proche alliée et sympathisante de Mme Daviau. À son tour, le plaignant a déposé une plainte contre Mme Bittman. Ces plaintes étaient encore en suspens en novembre 2013, lorsque le plaignant est parti en congé prolongé à l’extérieur du pays après avoir échoué sa tentative de réélection.

6        Le 10 décembre 2013, le plaignant a reçu un appel téléphonique de Don Burns, également membre du comité exécutif, qui l’informait que Mme Daviau souhaitait prendre un nouveau départ, sans qu’il y ait des plaintes en instance, lorsqu’elle entrerait en fonction le 1er janvier 2014, ce qui signifiait qu’elle souhaitait que les plaintes soient réglées avant cette date.

7        Au cours de l’appel, le plaignant a aussi été informé qu’une deuxième plainte de harcèlement avait été déposée contre lui par un autre membre du comité exécutif, Shirley Friesen (la « plainte Friesen »). Comme Mme Bittman, Mme Friesen était une forte sympathisante de Mme Daviau et l’avait aidée dans le cadre de son élection au poste de présidente. M. Burns a indiqué au plaignant que, s’il retirait sa plainte contre Mme Bittman, les plaintes que Mmes Bittman et Friesen avaient déposées contre lui seraient toutes les deux retirées. En recevant cette information, le plaignant était contrarié et en colère, particulièrement parce qu’il n’avait pas été adéquatement informé de l’existence de la plainte Friesen, conformément à la politique sur le règlement des différends du défendeur.

8        Les mesures que le défendeur avait prises pour traiter les plaintes indiquaient au plaignant que ses politiques n’avaient pas été suivies. Étant donné qu’il avait donné satisfaction à titre de président et qu’il avait mis en œuvre de nombreux changements, cette omission du défendeur a eu un effet important sur lui. Ayant bien rempli son rôle de président, il avait apporté bon nombre de changements, y compris la mise en place de diverses politiques. Il s’estimait maltraité par l’organisation qu’il avait dirigée et souhaitait être reconnu pour ses réussites. Le retrait de la plainte Friesen n’a pas effacé la douleur causée par la façon dont le défendeur l’avait traité. Il souhaitait obtenir la reconnaissance pour le bon travail qu’il avait accompli au nom du défendeur; il s’attendait à être traité de loin différemment.

9        Bien que, dans sa plainte, le plaignant ait initialement allégué que les alinéas 188b), c), d) et e) avaient été enfreints, il a uniquement invoqué les alinéas 188b), c) et e) à l’audience. Il ne croyait pas que les employés du défendeur s’étaient livrés à une pratique déloyale de travail. Le conseil d’administration du défendeur était responsable des actes de ses employés et de ses directeurs. La plainte visait le défendeur, pas chacun des membres du comité exécutif, même si le plaignant les avait nommés dans sa plainte. Aucun d’eux ne s’était livré à une pratique déloyale de travail, mais ils étaient tous responsables sur le plan organisationnel.

10        Selon les politiques du défendeur, quiconque était nommé dans une plainte devait en être informé, comme cela est indiqué dans la politique sur le règlement des différends; pourtant, le plaignant n’avait pas entendu parler de la plainte Friesen avant que M. Burns essaie de l’utiliser pour régler la plainte Bittman de façon informelle. Le plaignant s’est senti menacé par l’appel de M. Burns; s’il n’exauçait pas les souhaits de Mme Daviau, il devrait se défendre lui-même contre deux plaintes de harcèlement, qu’il jugeait futiles l’une comme l’autre. De ce fait, il a été très contrarié pendant ses vacances. Il était outré du fait que le défendeur n’a pas suivi sa politique qui exigeait de l’informer de la plainte Friesen. Le lendemain, il a informé M. Burns qu’il n’était pas prêt à retirer sa plainte contre Mme Bittman et qu’il déposerait aussi une plainte contre Mme Friesen.

11        Le comité exécutif du défendeur a affirmé qu’il y avait un conflit d’intérêts, et son conseil d’administration a pris en charge le traitement des plaintes. Un enquêteur tiers a été embauché pour enquêter sur les deux plaintes, à la suite de quoi la plainte Friesen et la plainte réciproque ont été rejetées. Aucune mesure disciplinaire n’avait été imposée au plaignant; toutefois, celui-ci a indiqué que le fait de subir le processus d’enquête constituait une mesure disciplinaire. Il n’a pas été relevé de ses fonctions de gestion, et il n’a pas été expulsé, ni suspendu en tant que membre. Toutefois, aux yeux des membres du défendeur, son statut avait diminué. Il y avait des rumeurs selon lesquelles il aurait consommé des drogues illicites, alors qu’en réalité, il était malade. Il n’a pas été réélu, selon lui, en raison de la « campagne de terreur » menée contre lui. Le défendeur l’évitait; par conséquent, dans son esprit, il avait fait l’objet d’une mesure disciplinaire. Il ne s’est senti victime de discrimination d’aucune manière.

12        Le défendeur a choisi de ne présenter aucune preuve et a présenté une motion de non-lieu; il a également introduit une requête pour que la plainte soit rejetée pour absence de preuve.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le défendeur

13        L’article 12 de la Loi autorise la Commission à exercer les attributions que celle-ci lui confère ou qu’implique la réalisation de ses objets. Le plaignant n’a pas rempli les conditions prévues à l’article 188. En conséquence, compte tenu de l’insuffisance de la preuve pour que le défendeur puisse répondre, la plainte doit être rejetée. Si aucune sanction et aucune mesure disciplinaire n’ont été imposées au plaignant, et que celui-ci n’a pas été victime de discrimination, la Loi n’a été violée d’aucune façon.

14        Le plaignant s’est fondé sur les alinéas 188b), c) et e), mais ces dispositions ne s’appliquent pas à la situation de fait qu’il a décrite. En vertu de l’alinéa 188c), une sanction quelconque doit avoir été imposée au plaignant ou des mesures disciplinaires doivent avoir été prises contre lui. La plainte de harcèlement déposée par Mme Friesen a été rejetée sans qu’une sanction soit imposée ou qu’une mesure disciplinaire soit prise. En l’absence de conclusion qu’une inconduite a été commise, aucune mesure disciplinaire ou autre mesure n’a été prise contre le plaignant. Le fait que le plaignant a fait l’objet d’une plainte de harcèlement ne signifie pas qu’il a reçu une sanction. La tenue d’une enquête sur la plainte n’était pas une mesure disciplinaire. L’alinéa 188c) ne peut pas être invoqué, sauf si une mesure disciplinaire ou une sanction réelle a été imposée (voir Dumont c. Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada, 2010 CRTFP 37 au paragr. 16; Veillette c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 64 au paragr. 32; Island Tug & Barge Limited (1997), 104 di 1 au paragr. 51; Gordon v. Health Sciences Association of British Columbia, [2002] B.C.L.R.B.D. No. 89 (QL) aux paragraphes 32 à 39).

15        Le plaignant a soutenu avoir été contrarié d’être informé de la plainte de Mme Friesen d’une façon qui, selon ses allégations, allait à l’encontre de la « Politique sur le règlement des différends et les mesures disciplinaires » du défendeur. Même s’il a indiqué dans son témoignage qu’il s’était senti menacé par l’appel de M. Burns, le lendemain, il a informé celui-ci qu’il avait l’intention de déposer une plainte de harcèlement contre Mme Friesen au lieu d’accepter le règlement informel qu’il lui avait proposé. Il ne s’agit pas de mesures prises par une personne qui se sentait menacée. Malgré tout, étant donné la manière dont le plaignant a réagi à la façon dont il a été informé de la plainte Friesen, on ne peut pas raisonnablement considérer qu’il s’agit d’une mesure disciplinaire ou d’une sanction quelconque.

16        Le plaignant a reconnu qu’aucune mesure disciplinaire ou sanction ne lui avait été imposée, comme le défendeur l’a compris. Dans Veillette, l’ancienne Commission avait adopté la définition de « sanction » suivante : une peine établie ou infligée par une loi ou une autorité quelconque pour réprimer un acte défendu. Conformément à cette définition, on ne peut raisonnablement soutenir que la façon dont le plaignant a été informé de la plainte Friesen constituait une sanction.

17        Malgré tout, l’alinéa 188c) est pertinent uniquement si le défendeur a appliqué ses normes disciplinaires d’une manière discriminatoire pour le plaignant. En aucun cas il n’a appliqué des normes disciplinaires contre lui, et encore moins d’une manière discriminatoire.

18        L’affaire Bremsak c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 103, aux paragraphes 85 à 87, traitait de mesures disciplinaires discriminatoires et dressait la liste de certains principes à appliquer lorsqu’il s’agit de déterminer si une personne a fait l’objet d’une mesure disciplinaire discriminatoire. L’un des principes clés mentionnés est que ce ne sont pas toutes les mesures ni toutes les sanctions qui sont interdites. Il faut que la mesure ou la sanction soit imposée d’une manière discriminatoire. L’essence de la discrimination est le caractère arbitraire de son incidence négative. La Commission doit tenir compte non seulement du résultat de l’application des normes disciplinaires, mais également des motifs pour lesquels elles ont été appliquées et la façon dont elles l’ont été.

19        Dans le présent contexte, le terme « discriminatoire » signifie l’application de règles d’adhésion visant à établir une distinction entre des personnes ou des groupes, pour des motifs illégaux, arbitraires ou déraisonnables. Le plaignant a le fardeau de prouver que le défendeur a adopté une conduite discriminatoire.

20        Le Parlement n’a pas doté la Commission du pouvoir de siéger en appel d’une décision concernant une organisation syndicale ou de contrôler le contenu de la constitution d’une organisation syndicale (Beaven c. Syndicat des travailleurs en télécommunications (1996), 100 di 96 aux paragraphes 40 et 41, et Mangatal c. Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada)(1997), 105 di 1 au paragr. 19). Il ne suffit pas de prétendre, de façon abstraite, qu’il y a eu discrimination, menace ou coercition. L’allégation doit être rattachée au témoignage, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. En conséquence, la Commission n’est pas tenue d’évaluer les allégations de traitement injuste du plaignant et doit rejeter cette plainte.

B. Pour le plaignant

21        Les éléments de preuve montrent que les alinéas 188b), c) et e) de la Loi s’appliquent en l’espèce. L’alinéa 188b) s’applique parce que le plaignant n’a pas eu la possibilité de donner suite aux plaintes de harcèlement étant donné qu’elles ont été déposées et retirées à maintes reprises. Le fait de permettre aux membres du défendeur de déposer et de retirer des plaintes était une mesure disciplinaire, constituait du harcèlement et visait à discréditer le plaignant. Le dépôt constant de plaintes de harcèlement l’a empêché de poursuivre son travail auprès du défendeur. On le fuyait et le harcelait.

22        L’alinéa 188e) s’applique parce que le plaignant a été menacé, puis il a perdu sa réputation. Le défendeur a utilisé la coercition afin de lui faire retirer sa plainte de harcèlement contre Mme Bittman en échange du retrait de la plainte de cette dernière et de celle de Mme Friesen. Ce qui se produit au niveau des cadres du conseil d’administration du défendeur a des retombées sur les membres. Sa réputation en a été touchée.

IV. Motifs

23        La motion de non-lieu du défendeur est accueillie. Le pouvoir d’entendre une demande de non-lieu est discrétionnaire et est rattaché aux pouvoirs qu’une formation de la Commission possède. Il ne s’agit pas d’une pratique habituelle de la Commission; elle n’est pas non plus facilement acceptée. Il revient aux parties seules de présenter les éléments de preuve permettant d’atteindre le niveau de preuve requis dans leur cas. Mis à part les exposés conjoints des faits et les décisions d’autres tribunaux compétents, et peut-être dans les cas où la préclusion pour même question en litige pourrait s’appliquer, tous les autres faits doivent être prouvés à l’aide d’une preuve documentaire ou d’un témoignage oral (voir United Steelworkers, Local 958 v. Consolidated Canadian Faraday Ltd. (1969), 20 L.A.C. 425), ce qui ne s’est pas produit en l’espèce.

24        Le fardeau de la preuve revenait au plaignant, qui devait établir, selon la prépondérance des probabilités, que le défendeur avait enfreint l’article 188. Étant donné qu’il a allégué que les alinéas 188b), c) et e) avaient été violés, il devait établir qu’il avait été expulsé ou suspendu du groupe de membres du défendeur ou qu’on lui avait refusé l’adhésion, en appliquant d’une manière discriminatoire les règles du défendeur relatives à l’adhésion, pour réussir à faire appliquer l’alinéa 188b). Pour réussir à faire appliquer l’alinéa 188c), il devait établir que le défendeur avait pris des mesures disciplinaires contre lui ou lui avait imposé une sanction quelconque en appliquant d’une manière discriminatoire ses normes de discipline. Pour réussir à faire appliquer l’alinéa 188e), il devait établir qu’il avait été victime de discrimination en ce qui concerne l’adhésion de l’organisation du défendeur, qu’on avait usé de menaces ou de coercition à son égard, ou que le défendeur lui avait imposé une sanction, pécuniaire ou autre, parce que 1) il avait participé, à titre de témoin ou autrement, à une procédure prévue par la partie 1 ou la partie 2 de la Loi ; 2) il avait présenté une demande ou déposé une plainte sous le régime de la partie 1, ou déposé un grief sous le régime de la partie 2 ; ou 3) il avait exercé un droit prévu par la partie 1 ou la partie 2.

25        En ce qui concerne l’alinéa 188b), le plaignant n’a présenté aucune preuve à l’appui de son allégation. Au contraire, le plaignant a confirmé dans son témoignage qu’il n’avait été ni expulsé ni suspendu du groupe de membres du défendeur. De façon analogue, bien qu’il ait indiqué dans son témoignage qu’il avait eu l’impression que son statut auprès des membres avait diminué, il n’a présenté aucune preuve pour montrer que le défendeur lui avait refusé l’adhésion. En conséquence, étant donné qu’aucun de ces trois résultats ne s’est concrétisé en l’espèce, il m’est inutile d’analyser la question de savoir si les règles relatives à l’adhésion du défendeur ont été appliquées « d’une manière discriminatoire » à l’égard du plaignant. Quoi qu’il en soit, le plaignant a indiqué dans son témoignage qu’il ne s’est senti victime de discrimination d’aucune manière.

26        En ce qui concerne l’alinéa 188c), rien ne me permet de penser que le défendeur a pris des mesures disciplinaires contre le plaignant ou qu’il lui a imposé une sanction quelconque. Le plaignant a indiqué dans son témoignage que le fait de subir un processus d’enquête constituait une mesure disciplinaire. Je ne peux pas être d’accord. Je considère plutôt comme un fait établi que, selon les éléments de preuve présentés, aucune mesure disciplinaire n’a été imposée au plaignant. En conséquence, je me rallie au passage suivant, cité par l’ancienne Commission dans Dumont au paragr. 16 :

À la suite de la réception en 2007 d’une plainte de harcèlement contre la plaignante déposée par une autre employée, le défendeur a mis en place un comité d’enquête […] L’alinéa 188c) de la Loi ne me donne compétence que pour intervenir dans des situations où l’organisation syndicale aurait agi d’une manière discriminatoire en imposant une mesure disciplinaire. Or, dans la présente affaire, aucune mesure disciplinaire n’a été imposée. 

27        Enfin, l’expression « user de menace ou de coercition » à l’alinéa 188e) n’est pas utilisée à la légère (voir, par exemple, Re Cowess First Nation #73, [2015] C.I.R.B.D. No. 48 (QL) au paragr. 29.) À mon avis, le passage cité ci-après dans Atlas Specialty Steels, [1991] OLRB Reports June 728, au paragr. 12, est tout aussi à propos lorsqu’il s’agit de tenir compte du sens de cette expression prévue à l’alinéa 188e) de la Loi :

[Traduction]

[…] il faut établir l’existence de menaces ou de mesures coercitives telles qu’elles visent à obliger notamment une personne à s’abstenir d’exercer des droits que lui accorde la Loi. Une contrainte, sinon la menace d’une contrainte, doit avoir été exercée, qu’il s’agisse d’une contrainte physique ou non physique […]

28        Le plaignant a bien indiqué dans son témoignage qu’il s’était senti menacé par l’appel de M. Burns le 10 décembre 2013. À cette date, le plaignant avait une plainte en instance contre Mme Bittman qui n’avait pas été réglée. Le plaignant m’a indiqué que le défendeur avait utilisé l’intimidation et usé de coercition afin de tenter de lui faire retirer sa plainte de harcèlement en échange du retrait des deux plaintes déposées contre lui. Pourtant, en contre-interrogatoire, on a montré au plaignant un courriel daté du 11 décembre 2013 qu’il avait écrit à M. Burns. Dans ce courriel, le plaignant fait référence à [traduction] « une tentative de [l]’intimider », et il poursuit avec le passage suivant : [traduction] « Don, je vous informe que non seulement je donnerai suite aux allégations de Mme Frieson, mais que je déposerai aussi moi-même une plainte contre elle, dans laquelle je mentionnerai ses tentatives de vous utiliser pour m’intimider. » Cette preuve me convainc que le plaignant ne se sentait pas menacé par la conversation téléphonique du 10 décembre 2013. Qui plus est, même s’il s’était senti menacé, les éléments de preuve qui m’ont été présentés sont nettement insuffisants pour établir que, par cet incident seulement, le défendeur cherchait à obliger le plaignant à s’abstenir d’exercer des droits que lui aurait accordés la Loi. Le plaignant n’a présenté aucune autre preuve à l’appui de son allégation selon laquelle le défendeur était contrevenu à l’alinéa 188e).  

29        En conclusion, j’ai déterminé que les éléments de preuve présentés par le plaignant sont insuffisants et qu’il ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve en vertu de l’alinéa 188b), c) ou e) de la Loi. Étant donné qu’il ne s’est pas acquitté de ce fardeau de la preuve, le défendeur n’était pas tenu de présenter ses propres éléments de preuve pour réfuter les allégations du plaignant.

30        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

31        La plainte est rejetée.

Le 30 août 2016.

Traduction de la CRTEFP

Margaret T.A. Shannon,
une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique

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