Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Un certain nombre de griefs individuels et un grief de principe ont été déposés contre l’employeur – chaque grief alléguait que l’employeur n’avait pas correctement calculé la valeur des prestations aux fins du RE – pour deux des fonctionnaires s’estimant lésés, l’employeur a refusé leurs griefs en se fondant sur le fait qu’ils n’avaient pas été déposés à temps – les deux fonctionnaires s’estimant lésés ont déposé des demandes devant la Commission pour des prorogations du délai en vue de déposer leurs griefs – en appliquant les critères énoncés dans Schenkman, la Commission a d’abord conclu que, dans toutes les circonstances, les retards liés au dépôt des griefs étaient justifiés par des raisons claires, logiques et convaincantes – la Commission a également conclu que, après avoir examiné la jurisprudence existante, la durée des retards n’était pas excessive – de plus, la Commission n’était pas convaincue que l’employeur subirait un préjudice en cas de prorogation du délai, surtout parce que la Commission est également saisie du grief de principe, de même qu’elle est saisie des autres griefs individuels déposés au sujet de la même question, qui ont tous été déposés à temps – enfin, la Commission était d’avis que les griefs présentés soulevaient une question grave qui devait être tranchée – par conséquent, elle a accordé les demandes de prorogation du délai prescrit pour déposer ces deux griefs.Demandes accueillies.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20160817
  • Dossier:  568-09-308 et 309
  • Référence:  2016 CRTEFP 75

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

DAVID DUNCAN ET JOLANTA KANABUS-KAMINSKI

DEMANDEURS

et

CONSEIL NATIONAL DE RECHERCHES DU CANADA

défendeur et employeur

Répertorié
Duncan c. Conseil national de recherches du Canada


Affaire concernant des demandes visant la prorogation d’un délai visée à l’alinéa 61b) du Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique


Devant:
David Olsen, arbitre de grief
Pour les fonctionnaires s'estimant lésés et demandeurs:
Christopher Rootham, avocat
Pour l'employeur et défendeur:
Michel Girard, avocat
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 20 au 22 juillet 2015.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Demandes de prorogation de délai

1        David Duncan a déposé un grief, en date du 9 décembre 2013. Il y a allégué que l’employeur avait commis une erreur dans son calcul de la valeur de ses prestations aux fins du réaménagement des effectifs (RE), conformément à ce qui lui avait été annoncé le 19 juin 2013.

2        Le 21 février 2014, l’employeur a répondu au grief au dernier palier. Il a fait valoir que le demandeur avait été avisé de son statut d’employé excédentaire et qu’il avait reçu des renseignements relatifs à l’exercice de RE, y compris sur ses prestations de cessation d’emploi aux fins du RE, le 19 juin 2013. Il a ajouté que le grief n’avait pas été déposé à l’intérieur du délai prescrit de 35 jours, comme il est prévu dans la convention collective, et que, par conséquent, il était en retard. Pour ce motif, l’employeur a refusé le grief.

3        Malgré la question du respect des délais, l’employeur a indiqué que les dispositions pertinentes de la convention collective avaient été correctement interprétées et appliquées lors du calcul de ses prestations aux fins du RE.

4        La Dre Jolanta Malgorzata Kanabus-Kaminska a déposé un grief en date du 10 décembre 2013. Elle y a allégué que l’employeur avait commis une erreur dans le calcul de la valeur de ses prestations aux fins du RE, tel qu’il lui avait été annoncé le 24 octobre 2013.

5        Le 21 février 2014, l’employeur a répondu au grief au dernier palier. Il a fait valoir qu’elle avait été avisée de son statut d’employée excédentaire et qu’elle avait reçu des renseignements relatifs à l’exercice des RE, y compris sur ses prestations de cessation d’emploi aux fins du RE, le 24 octobre 2013. Il a ajouté que le grief n’avait pas été déposé à l’intérieur du délai prescrit de 35 jours, comme il est prévu dans la convention collective, et que, par conséquent, il était en retard. Pour ce motif, l’employeur a refusé le grief.

6        Encore une fois, malgré la question du respect des délais, l’employeur a indiqué que les dispositions pertinentes de la convention collective avaient été correctement interprétées et appliquées lors du calcul de la valeur de ses prestations aux fins du RE.

7        Le 27 mars 2014, l’Association des employés du Conseil de recherches (l’« AECR ») a présenté une demande de prorogation de délai en vertu de l’article 12 du Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique (DORS/2005-79, l’« ancien Règlement »), relativement au dépôt des griefs de M. Duncan et de la Dre Kanabus-Kaminska.

8        Le 10 avril 2014, l’employeur a informé la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») qu’il maintenait sa position selon laquelle les délais relatifs aux griefs n’avaient pas été respectés, et qu’il était prêt à présenter son argumentation à cet égard.

9        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace l’ancienne Commission et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires contenues dans la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont également entrées en vigueur, et prévoyaient qu’une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014, doit se poursuivre en vertu de la Loi telle qu’elle est modifiée. De plus, conformément à l’article 395 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, un commissaire de l’ancienne Commission saisi de cette affaire avant le 1er novembre 2014 a les mêmes pouvoirs et exerce les mêmes fonctions qu’une formation de la Commission.

10        Joan Van Den Bergh, une négociatrice, M. Duncan et la Dre Kanabus-Kaminska, ont été cités à témoigner par l’agent négociateur, à l’appui des demandes visant la prorogation des délais prescrits. L’employeur a appelé un témoin, Benoit Chartrand, un conseiller principal en relations de travail, Conseil national de recherches du Canada (CNRC).

II. Résumé de la preuve

1. Mme Van Den Bergh

11         Mme Van Den Bergh s’occupe de toutes les questions de relations de travail de l’AECR. Elle a participé à l’arbitrage de différend qui a mené à la conclusion de la convention collective en litige. Elle a présenté un témoignage à l’appui des demandes de prorogation de délai.

12        Elle a mentionné deux documents, dont les titres sont respectivement [traduction] « Bilan de rentabilité – Réaménagement des effectifs au Conseil national de recherches – Infrastructure scientifique nationale » et [traduction] « Bilan de rentabilité – Réaménagement des effectifs au Conseil national de recherches – portefeuille Construction », lesquels présentent la justification opérationnelle pour les réductions de personnel.

13        Elle a expliqué que, selon la politique sur le RE du CNRC, une consultation avec l’AECR doit avoir lieu avant de procéder à un RE. Selon cette même politique, le CNRC doit produire un bilan de rentabilité qui comprend un exposé explicatif et justificatif relativement au RE pour chaque composante du CNRC.

14        Le bilan de rentabilité établit les implications en termes de ressources humaines, présente une liste des employés et membres de l’agent négociateur touchés, et précise les dates de réalisation de chaque étape du processus.

15        Elle a déclaré que le CNRC ne lui avait pas communiqué le montant qui serait versé aux employés touchés en guise de prestations aux fins du RE.

16        Le 4 décembre 2013, M. O’Neil, un agent technique et délégué syndical travaillant à Halifax, en Nouvelle-Écosse, a téléphoné à Mme Van Den Bergh pour l’informer qu’il avait été déclaré excédentaire et qu’un montant estimatif de ses prestations aux fins du RE lui avait été communiqué. Il l’a informé qu’il pensait que le CNRC n’appliquait pas correctement la convention collective.

17        Mme Van Den Bergh savait que M. O’Neill allait être déclaré excédentaire; mais elle n’avait vu aucun calcul relatif au RE. M. O’Neill lui a alors envoyé un courriel, dont un extrait est présenté ci-dessous :

[Traduction]

[…]

À vrai dire, je ne suis pas surpris. Veuillez trouver ci-joint une copie du relevé de mes prestations aux fins du RE ainsi que celui de Cindy Leggiadro. Ils ont effectué une déduction des 12 semaines de mon versement et, ensuite, ils ont effectué une autre déduction à partir du maximum de 70 semaines de rémunération [Cindy également]; ils l’ont retiré deux fois. Comment faut-il procéder?

18        Par la suite, Mme Van Den Bergh a consulté de nouveau ses dossiers et elle a vérifié quelles composantes de l’organisation avaient été touchées par des RE depuis le 15 janvier 2013.

19        Elle a décidé de communiquer avec les délégués syndicaux de tous les endroits visés par un RE. Elle voulait vérifier si les calculs relatifs au RE des autres agents techniques avaient été effectués selon la même méthode qui avait été utilisée à l’égard de M. O’Neill.

20        Le 5 décembre 2013, elle a eu une conversation avec Serge Carrier, le gestionnaire des relations de travail au CRNC, lors d’une réunion périodique de consultation nationale.

21        Elle lui a fait part de son indignation quant à la méthode utilisée par le CNRC pour calculer les prestations aux fins du RE des employés mis en disponibilité, et elle lui a demandé de lui fournir des renseignements sur le nombre d’agents techniques touchés.

22        Elle lui a envoyé un courriel de suivi relativement à cette conversation. Le même jour, M. Carrier lui a répondu par courriel et il s’est engagé à lui faire parvenir tous les renseignements qu’il était en mesure de lui envoyer, en tenant compte des dispositions de la Loi sur l’accès à l’information (L.R.C. 1985, ch. P-21).

23        Mme Van Den Bergh a alors expliqué de manière détaillée comment elle avait tenté de joindre les employés individuellement. Le 5 décembre 2013, elle a envoyé un courriel à Jim Jennings, le délégué syndical de l’AECR en Colombie-Britannique. Elle lui a demandé de trouver les coordonnées de deux employés qui avaient été mis en disponibilité afin que l’AECR puisse vérifier s’ils avaient reçu les prestations aux fins du RE auxquelles ils avaient droit.

24        Un des employés mis en disponibilité, M. Duncan, lui a fourni un numéro de téléphone. Elle lui a téléphoné, lui a expliqué la situation et lui a ensuite demandé de lui envoyer sa lettre lui communiquant son statut d’excédentaire, ainsi que le calcul des ajustements aux fins du RE, ce qu’il a fait. Il lui a également envoyé les formulaires de grief dûment remplis.

25        Mme Van Den Bergh a communiqué par courriel avec la Dre Kanabus-Kaminska et lui a demandé de lui faire parvenir une copie de sa lettre précisant ses prestations de cessation d’emploi aux fins du RE, afin que l’AECR puisse vérifier si elle avait reçu les prestations auxquelles elle avait droit. La Dre Kanabus-Kaminska lui a fait parvenir l’avis relatif à son statut d’employée excédentaire et au calcul des prestations de cessation d’emploi aux fins du RE, et elle a confirmé qu’elle consentait à participer à un grief.

26        En contre-interrogatoire, Mme Van Den Bergh a accusé réception des copies des bilans de rentabilité relatifs à plusieurs composantes de l’organisation ainsi que l’« annexe A », laquelle contenait une liste des employés excédentaires. Elle a convenu qu’elle avait été informée du nom des personnes mises en disponibilité, mais qu’on ne lui avait rien dit au sujet des accords d’indemnisation que ces personnes devaient recevoir.

27        Elle ne se souvenait pas d’avoir demandé au CNRC de lui fournir des renseignements concernant le calcul des prestations aux fins du RE. Elle a déclaré qu’à un moment donné, l’AECR recevait régulièrement cette information en même temps que les avis relatifs au RE, mais que le CNRC avait cessé de lui envoyer ces renseignements pour des motifs de confidentialité.

28        Elle a admis que, lorsque les employés sont déclarés excédentaires, ils reçoivent une ventilation des prestations. Toutefois, l’AECR ne reçoit pas de copie de la ventilation.

29        On l’a renvoyée à une lettre en date du 19 juin 2013, adressée à M. Duncan, par le directeur général de l’emplacement Herzberg du CNRC, lui communiquant son avis relatif au statut d’employé excédentaire. La lettre informait M. Duncan des dates de sa déclaration d’employé excédentaire et de sa mise en disponibilité.

30        La lettre précisait quelles seraient ses prestations conformément à la politique sur le RE. Mme Van Den Bergh a été principalement renvoyée au premier paragraphe de la page 2 de la lettre, lequel indiquait ce qui suit :

[Traduction]

Veuillez noter que la prestation maximale mentionnée ci-dessus ne devrait pas excéder l’équivalent de 70 semaines de rémunération régulière. Si vous avez déjà reçu des versements une indemnité de départ à la suite à l’élimination de l’indemnité de départ pour départ volontaire, le nombre de semaines pour lesquelles vous avez reçu un versement sera inclus dans le calcul lié au RE en ce qui a trait à la prestation de mise en disponibilité maximale de 70 jours.

31        Mme Van Den Bergh a reconnu que M. Duncan connaissait la position du CNRC lorsqu’il a reçu la lettre, mais elle a affirmé que ce dernier n’était pas au courant de l’existence d’un différend entre l’agent négociateur et la direction.

32        Mme Van Den Bergh a signé le grief de principe, le 9 décembre 2013; elle l’a déposé le 13 décembre 2013. Le 16 décembre 2013, l’AECR a demandé que les griefs soient entendus au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

2. M. Duncan

33        M. Duncan a travaillé au CNRC, à Victoria, en Colombie-Britannique, a titre de technologue en mécanique et photographe technique.

34        Le 19 juin 2013, il a été convoqué au bureau de son directeur général. Le chef des ressources humaines était également présent. Son directeur général lui a expliqué qu’en raison de réductions budgétaires, son poste avait été désigné comme excédentaire, et qu’il serait mis en disponibilité le 28 août 2013. Une lettre intitulée [traduction] « Avis de statut d’excédentaire » lui a été présentée. Une lettre présentant les prestations de cessation d’emploi aux fins du RE était annexée à la feuille.

35        On lui a demandé s’il avait lu la lettre. Il a répondu qu’il l’avait fait et qu’il s’était senti étourdi d’apprendre que la date de fin de son emploi serait le 28 août 2013.

36        On lui a demandé s’il avait d’autres questions au sujet de l’entente d’indemnisation. Il a répondu qu’il connaissait le directeur général et le chef des ressources humaines depuis de nombreuses années et qu’il avait confiance dans ce qui lui était présenté. Il a indiqué qu’il n’avait aucune raison de penser qu’il puisse y avoir des problèmes.

37        Il se souvenait que Mme Van Den Bergh avait communiqué avec lui pour parler d’un problème concernant le calcul des prestations aux fins du RE.

38        Il a indiqué qu’il n’avait pas déposé de grief avant le 13 décembre 2013, parce qu’il ne connaissait pas les tenants et les aboutissants de la convention collective et parce qu’il faisait confiance à son directeur général et à son chef des ressources humaines.

39        M. Duncan a signé le grief de principe le 9 décembre 2013. Le 10 décembre 2013, l’agent négociateur a approuvé le dépôt du grief. Le 13 décembre 2013, la réception du grief a été confirmée. Selon le grief, l’employeur aurait fait une erreur dans son calcul de la valeur des prestations aux fins du RE, tel qu’il lui a été annoncé le 19 juin 2013, ce qui est contraire aux clauses 56.7, 56.1 et 55.1 de la convention collective, ainsi qu’aux termes de la politique sur le RE.

3. Dre Kanabus-Kaminska

40        La Dre Kanabus-Kaminska est titulaire d’un doctorat en génie chimique. Elle a occupé le poste d’agente technique principale au Programme de recherche sur les incendies, à l’Institut sur la Recherche, au service de la construction de CNRC.

41        Le 24 octobre 2013, la Dre Kanabus-Kaminska a été informée par les Ressources humaines et le directeur général de l’Unité des incendies du portefeuille Construction, que son poste d’agent technique avait été désigné comme excédentaire et que la date de statut d’employée excédentaire était le 7 novembre 2013. Sa date de mise en disponibilité était le 8 janvier 2014.

42        La lettre intitulée Avis de statut d’excédentaire énonçait ses prestations de cessation d’emploi aux fins du RE.

43        Le même jour, la Dre Kanabus-Kaminska a écrit aux Ressources humaines. Elle a soulevé ce qu’elle a qualifié de mathématiques douteuses concernant les calculs de la table des prestations, plus particulièrement le calcul de la période tenant lieu de préavis.

44        Les Ressources humaines lui ont répondu le 25 octobre 2013, précisant en partie ce qui est présenté ci-dessous :

[Traduction]

Ce qui n’est pas expliqué dans la colonne 2 de cette feuille, mais qui est expliqué dans la politique sur le RE, c’est qu’en ce qui a trait aux 70 semaines de traitement de RE aux fins des prestations, comme il est indiqué ci-dessous :

[…]

3.6.1 3.1 Les employés qui sont désignés comme devenus excédentaires ont droit à l’indemnité de mise en disponibilité, ce qui inclut :

  • « une période de préavis de 20 semaines plus une semaine pour chaque année d’emploi continu ou l’équivalent pour une année partielle;
  • une prestation de replacement équivalente à huit semaines de salaire ou à 8 000 $, le montant le plus élevé;
  •  une indemnité de départ pour la mise en disponibilité conformément à la convention collective applicable. »

L’indemnité maximum qu’un employé, excédentaire peut recevoir, dans le cadre de la présente politique, ne devra pas excéder 70 semaines. [Traduction] Dans les cas où l’employé excédentaire a choisi de recevoir 8000 $ plutôt que la prestation de replacement équivalente à huit semaines de salaire, les 8000 $ seront considérés comme l’équivalent de 8 semaines de paie aux fins d’établissement de l’allocation maximum de 70 semaines.

« 3.6.13.4 La période de préavis de l’employé, qu’elle soit travaillée, payée sous forme de paiement forfaitaire ou une combinaison des deux, sera réduite, si cela est nécessaire, afin de ne pas dépasser l’allocation des 70 semaines de salaire. »

Le calcul est par conséquent très simple, j’ai confirmé avec Mary qui fournit les chiffres indiqués sur ce relevé relatif à l’allocation traitement et ses calculs sont vérifiés avant d’être envoyés. Dans votre cas, elle a revérifié et elle m’assure que les chiffres sont corrects.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

45        Elle a indiqué qu’elle était au courant de l’existence d’une période maximale de 70 semaines en ce qui a trait aux prestations; cependant, elle comprenait également qu’il semble y avoir plus d’une façon de faire les choses.

46        Elle a demandé une réunion en personne avec les Ressources humaines afin de discuter du calcul de ses prestations de cessation d’emploi aux fins du RE, ainsi que d’autres questions.

47        Le 5 décembre 2013, Mme Van Den Bergh lui a écrit et lui a demandé une copie de sa lettre relative à ses prestations de cessation d’emploi aux fins du RE, afin que l’AECR puisse vérifier si elle avait reçu les prestations auxquelles elle avait droit.

48        Elle a répondu le jour même, y joignant une version numérisée de son avis relatif à son statut d’employée excédentaire, y compris le calcul des prestations de cessation d’emploi aux fins du RE. La lettre indiquait en partie ce qui suit :

[Traduction]

J’aimerais attirer votre attention sur la période globale maximale de 70 semaines et sur le retrait du montant « normal » de l’indemnité de départ du paiement partiel que j’ai prise l’été dernier. Il semble que le versement de 5 semaines a été soustrait précipitamment de la période maximale de 70 semaines comme vous l’avez décrit ci-dessous […]

49        Avant de recevoir le courriel de Mme Van Den Bergh, la Dre Kanabus-Kaminska n’a pas demandé, à qui que ce soit à l’AECR, des renseignements concernant le calcul des prestations liées aux indemnités de départ. Elle a eu des discussions avec ses collègues, et elle s’attendait à ne pas être la seule à être touchée. Tous ceux qui ont été mis en disponibilité en ont été personnellement informés, et personne n’a partagé cette information avec quiconque.

50        Elle n’a pas déposé son grief plus rapidement parce qu’elle ne savait pas que le CNRC agissait d’une manière douteuse.

51        Elle a signé son grief le 10 décembre 2013. Le 11 décembre 2013, l’agent négociateur en a approuvé le dépôt. Le 13 décembre 2013, le grief a été déposé. Il est allégué dans son grief que l’employeur n’a pas correctement calculé la valeur de ses prestations aux fins du RE, tel qu’il a été annoncé le 24 octobre 2013. Il est également souligné que le calcul va à l’encontre des clauses 56.7, 56.1 et 55.1 de la convention collective ainsi qu’aux dispositions de la politique sur le RE.

4. M. Chartrand

52        M. Chartrand a reconnu que l’agent négociateur devait être au courant lorsque les employés étaient déclarés excédentaires, mais que, vraisemblablement, il ne serait pas être au courant du calcul des prestations aux fins du RE de chaque personne.

53        Il a indiqué qu’il était possible que ces renseignements aient été communiqués dans le passé, mais qu’il était pratiquement convaincu que ce n’était plus le cas aujourd’hui en raison de préoccupations relatives à la protection de la vie privée. Il a précisé qu’une fois les griefs déposés, le CNRC envoyait à l’agent négociateur des tableaux complets des calculs des prestations aux fins du RE.

54        M. Chartrand a admis que le CNRC n’a communiqué des renseignements significatifs au sujet du calcul des prestations aux fins du RE à chacun des fonctionnaires qu’en décembre 2013.

III. Arguments sur le non-respect du délai

1. Pour l’AECR

55        L’AECR a soutenu qu’il n’y avait pas lieu d’accorder une prorogation de délai en raison du libellé particulier de la convention collective à cet égard.

56        La clause 17.9 de la convention collective porte sur les délais prescrits. La clause 17.9.7 de la convention collective porte sur les griefs de principe. Il y est prévu que l’AECR peut déposer un grief de principe au plus tard le trente-cinquième (35e) jour après la date de notification verbale ou écrite ou du moment où elle a eu connaissance de l’action ou des circonstances menant à un tel grief. Le grief de principe a été présenté à temps.

57        La clause 17.9.4 de la convention collective prévoit que le grief individuel peut être présenté directement au dernier palier de la procédure de griefs individuels sans avoir été présenté aux paliers inférieurs, s’il a trait à une décision de classification, une rétrogradation ou à un licenciement.

58        Les deux griefs qui seraient hors délais, soit celui de M. Duncan et de la Dre Kanabus-Kaminska, portent sur les licenciements et ils ont été renvoyés au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. La convention collective ne prévoit aucun délai pour déposer de tels griefs individuels.

59        La Cour d’appel fédérale, dans Re Dunham, |1982| A.C.F. no 11, a déterminé qu’une disposition d’une convention collective qui comporte un libellé semblable à celui de la clause 17.9.4 de la convention collective ne prévoit pas un délai pour déposer un grief individuel.

60        Dans cette affaire, la convention collective applicable prévoyait un délai de 25 jours pour déposer des griefs au premier palier. Toutefois, elle ne prévoyait aucun délai pour déposer un grief relatif à une mesure disciplinaire entraînant un licenciement, grief qui doit être déposé uniquement au dernier palier.

61        Subsidiairement, si la Commission conclut que le grief a été déposé en vertu de la clause 17.9.1 de la convention collective, le libellé utilisé dans cette clause est à titre indicatif et non exécutoire.

62        Brown et Beatty, dans Canadian Labour Arbitration, ont indiqué ce qui suit au paragraphe 2:3128, lequel traite des délais :

[Traduction]

Cependant, plus souvent, la question de savoir si le délai est à titre indicatif ou exécutoire n’est pas tranchée explicitement et, pour déterminer son effet, il doit donc être interprété dans le contexte de la convention. Ce faisant, en général, les arbitres de griefs ont conclu que, lorsque le verbe « pouvoir » est utilisé dans les dispositions portant sur les délais est utilisé, l’omission de s’y conformer strictement ne fera pas en sorte que le grief ne soit pas arbitrable. Toutefois, lorsque l’indicatif présent est utilisé, la question est moins plus douteuse. Une jurisprudence a indiqué que l’indicatif présent est exécutoire ou obligatoire et que la non-conformité avec une telle disposition fait obstacle à l’arbitrage, plus particulièrement en ce qui concerne les dispositions portant sur les arbitrages accélérés en vertu de la loi. Cependant, selon le point de vue prépondérant, en dépit du caractère exécutoire de l’indicatif présent, la question de savoir s’il est exécutoire ou à titre indicatif dépendra de l’élaboration de chaque convention. […]

63        Les parties ont alterné entre des dispositions exécutoires et à titre indicatif, et elles ont utilisé délibérément le verbe « pouvoir » et l’indicatif présent dans différents contextes. Dans la clause 17.9.3a) de la convention collective, traitant du dépôt d’un grief individuel ou collectif aux divers paliers de la procédure de règlement de griefs, l’indicatif présent a été utilisé pour prévoir que la partie plaignante n’a pas le droit de déposer un grief à un palier supérieur lorsque 15 jours se sont écoulés suivant la date à laquelle la décision a été communiquée par écrit.

64        Dans Trenholm c. Personnel des fonds non publics des Forces canadiennes 2005 CRTFP 65, un arbitre de grief a examiné la question de savoir si les délais étaient exécutoires ou à titre indicatif. Le grief dans cette affaire portait sur une cessation d’emploi déposé à l’intérieur des délais prescrits par la convention collective. Le grief a été entendu au troisième palier de la procédure de règlement des griefs et il a été rejeté.

65        L’agent négociateur ne connaissait pas la procédure de renvoi d’un grief à l’arbitrage de l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP). Il a suivi la procédure habituelle pour établir un arbitrage en matière de relations de travail dans le secteur privé. L’employeur s’est opposé à la compétence de l’arbitre de grief d’entendre le grief, puisque l’agent négociateur n’avait pas suivi la procédure prévue dans le Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., 1993, DORS/93-348, et DORS/96-457 (le « Règlement »).

66        L’arbitre de grief a interprété les dispositions de la convention collective applicable, ainsi que les articles du Règlement, qui étaient libellés en partie comme suit :

[…]

[15] L’article 76 du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P.[…] établit les délais de renvoi d’un grief à l’arbitrage :

76. (1) Le fonctionnaire peut renvoyer un grief à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi en déposant auprès du secrétaire un avis en double exemplaire établi selon la formule 14 de l’annexe, ainsi qu’une copie du grief qu’il a présenté à son supérieur hiérarchique immédiat ou à son chef de service local conformément aux alinéas 71(1)a) ou b) ou aux alinéas 71(2)a) ou b), au plus tard 30 jours après le premier en date des jours suivants :

a) le jour où le fonctionnaire reçoit une réponse au dernier palier de la procédure applicable aux griefs;

b) le dernier jour du délai dans lequel le représentant autorisé de l’employeur est tenu selon la convention collective ou la décision arbitrale, ou selon l’article 74, de répondre au grief au dernier palier de la procédure applicable aux griefs.

[…]

67        L’arbitre de grief a soulevé que les parties avaient adopté la procédure prévue par la convention collective et il a indiqué que le libellé semblait exprimer clairement et expressément qu’un renvoi à l’arbitrage doit se faire conformément à la procédure prescrite par le Règlement et dans le délai prescrit par celui-ci. Ce libellé est exécutoire et non seulement à titre indicatif.

68        Le libellé que les parties ont utilisé dans la convention collective en l’espèce est exécutoire plutôt qu’à titre indicatif.

69        Subsidiairement, l’AECR a soutenu que la Commission devrait accorder une prorogation du délai pour déposer les deux griefs individuels en vertu de l’article 61 du Règlement,qui prévoit ce qui suit :

61. Malgré les autres dispositions de la présente partie, tout délai, prévu par celle-ci ou par une procédure de grief énoncée dans une convention collective, pour l’accomplissement d’un acte, la présentation d’un grief à un palier de la procédure applicable aux griefs, le renvoi d’un grief à l’arbitrage ou la remise ou le dépôt d’un avis, d’une réponse ou d’un document peut être prorogé avant ou après son expiration :

a) soit par une entente entre les parties;

b) soit par la Commission ou l’arbitre de grief, selon le cas, à la demande d’une partie, par souci d’équité.

70        L’un des critères de base pour déterminer si la présidente devrait exercer ses pouvoirs en vue de proroger un délai est la durée du délai en litige. Voir Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1.

71        Supposons, sans l’admettre, qu’il existe un délai de 35 jours pour déposer un grief individuel. M. Duncan a reçu sa lettre de mise en disponibilité le 19 juin 2013. Il a déposé son grief le 13 décembre 2013, soit environ 142 jours après la date l’expiration du délai. La Dre Kanabus-Kaminska a reçu sa lettre de mise en disponibilité le 24 octobre 2013. Elle a déposé son grief le 13 décembre 2013, soit 15 jours après l’expiration du délai.

72        L’un des critères de base établis dans Schenkman pour déterminer si la Commission doit exercer son pouvoir discrétionnaire pour proroger un délai est le préjudice causé à l’employeur. L’employeur n’a déposé aucun élément de preuve qui permettrait de croire qu’il subirait un préjudice en cas de prorogation du délai.

73        Un autre critère établi dans Schenkman est la question de savoir s’il existe des raisons claires, logiques et convaincantes justifiant le retard. Les deux fonctionnaires ont souligné les motifs pour lesquels ils n’ont pas déposé leur grief plus tôt. Ils ont indiqué qu’ils s’étaient fiés aux calculs des prestations aux fins du RE de leur employeur et qu’ils n’étaient pas au courant du conflit entre l’agent négociateur et l’employeur relativement aux calculs. L’AECR n’a pris connaissance le 4 décembre 2013 seulement du fait que le CNRC avait adopté l’approche choisie relativement aux calculs des prestations aux fins du RE. L’AECR a tenté de communiquer immédiatement avec son délégué syndical afin de déterminer qui étaient les membres touchés et d’obtenir des renseignements de l’employeur. Les griefs ont été déposés dans un délai de deux semaines et deux jours suivant la date à laquelle l’AECR a pris connaissance de la situation pour la première fois.

74        Il s’agit de dossiers appropriés pour lesquels la Commission peut exercer son pouvoir discrétionnaire et proroger le délai aux fins du dépôt des deux griefs.

2. Pour l’employeur

75        L’employeur a soutenu que les deux griefs en litige n’avaient pas été renvoyés à l’arbitrage en temps opportun. Il a ajouté qu’il avait été conclu qu’ils étaient hors délai lorsqu’il en a été question dans le cadre de la procédure interne de règlement des griefs.

76        Selon la clause 17.9.1 de la convention collective, les griefs individuels peuvent être déposés au plus tard le 35e jour après la date de notification ou de la date à laquelle la partie plaignante a eu connaissance de l’action ou des circonstances menant à un tel grief.

77        Contrairement aux arguments de l’agent négociateur, la clause 17.9.4 de la convention collective ne s’applique pas aux griefs individuels puisqu’ils ne concernent pas des licenciements. Les fonctionnaires ne contestaient pas leur licenciement, mais le calcul des prestations aux fins de mise en disponibilité en vertu de la convention collective.

78        Ces griefs ont été renvoyés au dernier palier sur consentement des parties, conformément à la clause 17.8.6 de la convention collective. Le délai de 35 jours s’applique lorsque les griefs sont renvoyés au dernier palier sur consentement. Dans ce cas, l’employeur accepte de renoncer au palier, mais estime que le délai qui s’applique normalement est encore en vigueur. En outre, l’agent négociateur comprend que le délai de 35 jours s’appliquait aux griefs.

79        Lorsqu’elle examine la question de savoir si elle devrait proroger le délai pour déposer un grief, la Commission doit tenir compte de la date à laquelle le fonctionnaire a pris connaissance de la décision de la direction qui lui a causé un préjudice, et de la date appropriée pour déposer un grief.

80        En l’espèce, les deux dates pertinentes sont les dates auxquelles les fonctionnaires ont reçu leurs avis de statut excédentaire respectifs, qui indiquaient les calculs de leurs prestations en vertu de la politique sur le RE du CNRC et les dates auxquelles ils ont déposé leur grief.

81        En ce qui concerne Dre Kanabus-Kaminska, il ressort de la preuve qu’elle a reçu son avis de statut excédentaire le 24 octobre 2013. Au bas de la première page, l’employeur a indiqué les prestations auxquelles elle avait droit en vertu de la politique sur le RE du CNRC, qui étaient indiqués dans un tableau figurant à la dernière page de la lettre. Au haut de la deuxième page, l’employeur a expliqué comment les prestations étaient calculées et a indiqué que [traduction] « l’indemnité maximale des prestations de mise en disponibilité ne devra pas excéder l’équivalent de 70 semaines de rémunération régulière. […] »

82        Si un employé avait déjà touché une indemnité de départ, le nombre de semaines pour lesquels il recevrait un versement était inclus dans le calcul lié au RE en ce qui a trait à l’indemnité de mise en disponibilité maximale de 70 semaines.

83        Évidemment, à la date de réception de cette lettre, Dre Kanabus-Kaminska avait eu connaissance des calculs que l’employeur avait utilisés pour déterminer le montant total des prestations de mise en disponibilité et elle avait le droit de déposer un grief concernant ce calcul dans les 35 jours civils suivant cette date.

84        Le grief de Dre Kanabus-Kaminska indique qu’elle l’a signé le 10 décembre 2013, et que l’agent négociateur l’a signé le 11 décembre 2013. Selon la clause 17.9.1 de la convention collective, le grief aurait dû être déposé au plus tard le 28 novembre 2013.

85        En ce qui concerne M. Duncan, la lettre indique qu’il a reçu son avis de statut excédentaire le 19 juin 2013. Sa lettre était structurée et comprenait un libellé semblable à celle de la Dre Kanabus-Kaminska. À la date de réception de sa lettre, il était au courant de ses prestations de mise en disponibilité et de la façon dont l’employeur les avait calculées.

86        M. Duncan a signé son grief le 9 décembre 2013, et il l’a déposé à la direction le 13 décembre 2013. Il aurait dû le déposer au plus tard le 24 juillet 2013, conformément au délai prescrit de 35 jours.

87        En tenant compte de tous ces faits, l’employeur a fait valoir que les griefs avaient été déposés bien après le délai de 35 jours prescrit.

88        En ce qui concerne les dispositions législatives applicables, selon l’alinéa 61b) du Règlement, des exceptions peuvent être faites en vue de proroger le délai si cette prorogation est par souci d’équité.

89        L’ancienne CRTFP a conclu à maintes reprises que la prorogation des délais doit être accordée avec modération et uniquement après un examen des faits pertinents; voir Grouchy c. Administrateur général (ministère des Pêches et des Océans), 2009 CRTFP 92, et Safire c. Conseil du Trésor (ministère des Anciens Combattants), 2013 CRTFP 97, au paragr. 31.

90        Puisqu’il s’agit de griefs individuels, il incombait aux fonctionnaires de déposer, en toute diligence, leur grief respectif à chaque niveau de la procédure de règlement des griefs. À titre d’employé, il leur incombait de déposer leur grief en temps opportun.

91        En l’espèce, il incombait aux fonctionnaires de justifier la raison pour laquelle ils n’avaient pas été en mesure de déposer leur grief dans le délai imparti par la convention collective; voir Lawrence c. Agence du revenu du Canada, 2007 CRTFP 65, au paragr. 44.

92        La jurisprudence antérieure, principalement Schenkman,a établi les critères de base pour déterminer si le pouvoir discrétionnaire peut être exercé en vue d’accorder une prorogation en vertu de l’alinéa 6b) du Règlement.

93        Il a été conclu à maintes reprises que les critères indiqués dans Schenkman n’ont pas nécessairement tous la même importance; voir Copp c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2013 CRTFP 33, au paragr. 22.

94        En ce qui a trait à la pondération des critères, dans Brassard c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2013 CRTFP 102, au paragraphe 26, le président de la CRTFP a conclu ce qui suit :

[26] […] En l’absence de motifs clairs, logiques et convaincants justifiant le retard, la durée du retard, le fait que le demandeur ait fait preuve de diligence ou que le rejet de la demande de la prorogation entraîne une injustice à l’égard du demandeur plus importante que le préjudice subi par le défendeur si la prorogation est accordée, ou encore que les chances de succès du grief soient bonnes ou non importe peu dans la plupart des cas. Il faut un motif sérieux pour justifier le retard. […]

95        Voir également Bertrand c. Conseil du Trésor, 2011 CRTFP 92, au paragr. 42; Lagacé c. Conseil du Trésor (Commission de l’immigration et du statut de réfugié), 2011 CRTFP 68, au paragr. 47, et Fontaine c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2012 CRTFP 39.

96        Ni l’un ni l’autre des fonctionnaires n’avait une raison convaincante justifiant pourquoi leur grief n’avait pas été déposé dans le délai prescrit.

97        L’avocat des fonctionnaires a soutenu qu’une prorogation devrait leur être accordée parce qu’ils ne savaient pas que le calcul par l’employeur de leurs prestations de licenciement était inexact, selon leur agent négociateur. Cela ne constitue pas une raison suffisamment convaincante justifiant les retards. Dans Safire, au paragr. 29, le président de la CRTFP a conclu que « […] les employés ne peuvent pas déposer de griefs au motif qu’ils ont ensuite appris que l’interprétation par l’employeur de la convention collective ou de la loi était erronée […] l’ignorance de la loi n’est pas une excuse [je souligne] ».

98        Le paragraphe 28 de Safire est particulièrement pertinent, le président de la CRTFP y mentionné ce qui suit :

[28] M. Safire ne m’a pas convaincu qu’il avait un motif clair, logique et convaincant pour expliquer le retard de deux ans de son grief. Son seul motif était qu’en février 2009, il avait appris d’un formateur qu’il avait droit au remboursement de ses frais de déplacement à Truro au cours de son affectation intérimaire. Je conviens avec lui qu’il a par la suite fait preuve de diligence, mais il n’a pas fait preuve de la même diligence lorsque la direction a pris sa décision sur les frais de déplacement en 2007; or, c’est cette dernière date qui importe pour déterminer si une prorogation du délai devrait être accordée. De nouvelles échéances ne sont pas créées par le simple fait qu’un employé apprend quelque chose concernant un droit dont il aurait pu bénéficier; si tel était le cas, il serait rare qu’on arrive à conclure une décision en matière de relations de travail. Voilà l’une des raisons qui justifient l’existence des dispositions comme la clause 18.15 dans les conventions collectives.

[Je souligne]

99         Similairement à Safire, la Commission devrait conclure que les deux fonctionnaires avaient suffisamment de temps pour effectuer une recherche ou pour consulter leur agent négociateur quant au calcul de leurs prestations de licenciement dans les 35 jours suivant leur avis de statut excédentaire.

100        Afin de déterminer si la prorogation du délai devrait être accordée, la période suivant la date à laquelle les fonctionnaires ont reçu leur lettre est pertinente, non la période après qu’ils aient eu connaissance des préoccupations du syndicat quant à la façon dont l’employeur calculait les prestations de mise en disponibilité.

101        En ce qui concerne le témoignage de Mme Van Den Bergh, elle n’a offert aucune raison convaincante pour justifier les retards de la Dre Kanabus-Kaminska et de M. Duncan relativement au dépôt de leurs griefs. Elle était au courant des dates auxquelles leur statut excédentaire entrait en vigueur et elle savait qu’ils recevraient une explication relativement au calcul de leurs prestations.

102         Elle aurait pu demander à l’employeur d’obtenir des copies des calculs des prestations, ce qu’elle n’a pas fait. L’employeur a soutenu respectueusement que la demande de prorogation de délai de l’AECR ne devrait pas être accordée parce qu’elle avait omis de prendre des mesures et d’informer ses membres des problèmes perçus relativement aux calculs des prestations aux termes de la politique sur le RE.

103        En ce qui concerne la Dre Kanabus-Kaminska, le courriel (déposé en tant que pièce 2, onglet 23) indique qu’en plus de l’explication qui lui a été fournie dans son avis de statut excédentaire, elle avait obtenu une autre explication de Nicole Giguère-Campbell quant au calcul de ses prestations de mise en disponibilité le 25 octobre 2013. Le courriel de Mme Giguère-Campbell indique l’article pertinent de la politique sur le RE, qui porte sur la période maximale de 70 semaines de rémunération.

104         Il ressort de la preuve que la Dre Kanabus-Kaminska avait eu des conversations avec les Ressources humaines du CNRC, et avec Mme Van Den Bergh, au sujet de son avis de statut excédentaire et de ses prestations de mise en disponibilité au cours des semaines suivant sa notification. Toutefois, après toutes ses consultations, elle a choisi de ne pas déposer un grief avant la mi-décembre 2013.

105        En ce qui concerne M. Duncan, il n’a donné à son agent négociateur son avis de statut excédentaire que le 9 décembre et, qui plus est, l’agent négociateur savait que l’employeur estimerait son grief hors délai.

106        Sur la base de tous ces faits, ni l’un ni l’autre des fonctionnaires n’a fait preuve de diligence relativement à son grief. Les deux disposaient d’un délai de 35 jours après la réception de leur avis de statut excédentaire pour déposer un grief.

107        Pour ce qui est de la durée des retards, la Dre Kanabus-Kaminska n’a pas déposé son grief avant 50 jours suivant la réception de l’avis de ses prestations de licenciement en vertu de la politique sur le RE. M. Duncan a attendu presque six mois avant de déposer son grief concernant le calcul de ses prestations de licenciement.

108        La durée des retards est importante et chacun des fonctionnaires doit fournir une explication claire, logique et convaincante. Le délai de 35 jours prévu à la convention collective a été considéré comme un délai suffisant au cours duquel un fonctionnaire peut demander des conseils du représentant de l’agent négociateur, étudier ses options et décider s’il doit déposer un grief.

109        En outre, l’alinéa 61b) du Règlement a pour objet de permettre à la Commission d’exercer son pouvoir discrétionnaire de proroger les délais dans des situations où le refus de la prorogation entraînerait une injustice. L’alinéa 61b) n’a pas pour objet de faire perdre tout le sens des délais négociés par les parties dans la convention collective.

110        La Commission a conclu qu’un demandeur, ainsi que son agent négociateur, aurait dû connaître les délais applicables pour déposer le grief du demandeur. Dans Schenkman, la CRTFP a conclu au paragraphe 77 que « […] dans un milieu syndiqué, on s’attend plutôt à ce que les employés assument la responsabilité de s’informer de leurs droits. Ils doivent donc notamment vérifier si les déclarations de la direction sont exactes, soit en consultant leur agent négociateur, soit en consultant leur convention collective […] »

111        Par conséquent, selon la position de l’employeur, les deux fonctionnaires auraient dû connaître le délai applicable et, s’ils souhaitaient contester le calcul de leurs prestations de mise en disponibilité, ils auraient dû déposer leur grief dans le délai de 35 jours.

112        Il a été souligné plus tôt qu’il n’y a pas lieu de traiter du préjudice causé à un employeur en l’absence de motifs clairs, logiques et convaincants justifiant le retard; voir Copp, au paragr. 22; Callegaro c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 110, au paragr. 19; Lagacé, aux paragr. 47 et 53; Fontaine, au paragr. 39 et Bertrand, au paragr. 42.

113        Quoi qu’il en soit, l’employeur a fait valoir qu’il subirait un préjudice si la prorogation du délai était accordée. Plus particulièrement, si la Commission accorde la demande de prorogation de délai, la décision qui en découle aurait une incidence négative sur la stabilité des relations de travail entre l’employeur et l’agent négociateur. En d’autres termes, les employés seront encouragés à déposer leurs griefs en dehors des délais prescrits au seul motif qu’ils ne savaient même pas qu’il existait une question susceptible de faire l’objet d’un grief.

114        Même si le rejet de la demande peut sembler malheureux du point de vue des fonctionnaires, il ne serait pas injuste, étant donné les faits de l’espèce.

115        Selon la position de l’employeur, la Commission ne devrait pas accorder la prorogation du délai, et ce, même si elle conclut que les deux griefs pourraient avoir un certain bien-fondé puisque les fonctionnaires n’ont présenté aucune raison claire et convaincante justifiant leur retard, voir Brassard, au paragr. 26.

116        En ce qui concerne les chances de succès des griefs, les anciens présidents de la CRTFP ont conclu antérieurement que, sans une raison claire, logique et convaincante pour justifier un retard, la prorogation ne sera pas accordée au motif que le grief pourrait être fondé, dans une certaine mesure.

117        L’employeur a fait valoir que, même si les griefs étaient fondés, la Commission ne devrait pas accueillir la demande de prorogation du délai parce que les fonctionnaires n’ont pas présenté des raisons claires, logiques et convaincantes pour justifier leur défaut de déposer leur grief à temps.

3. Motifs de la décision concernant la prorogation des délais

118        La clause 17.9 de la convention collective porte sur les délais prescrits. En voici des extraits :

[…]

17.9.1 Dans le cas d’un grief individuel ou collectif, la partie plaignante (un employé ou l’Association) peut présenter un grief au premier palier de la procédure applicable aux griefs de la manière prescrite au paragraphe 17.10, au plus tard le trente-cinquième (35e) jour après la date de notification verbale ou écrite ou du moment où la partie plaignante a eu connaissance de l’action ou des circonstances conduisant à un tel grief.

17.9.2 Le Conseil doit normalement répondre aux griefs individuels ou collectifs à tous les paliers de la procédure de griefs, sauf au palier final, au plus tard vingt (20) jours après la date de réception du grief et dans les trente-cinq (35) jours si le grief est présenté au palier final

17.9.3 Au-delà du premier palier, la partie plaignante peut présenter un grief individuel ou collectif à chaque palier de la procédure applicable aux griefs :

a. lorsque la décision ou le règlement ne lui donne pas satisfaction dans les quinze (15) jours qui suivent la date à laquelle le Conseil lui a communiqué par écrit la décision ou le règlement, mais n’a pas droit de le faire après les quinze (15) jours en question;

ou

b. lorsqu’elle ne reçoit pas de décision dans les vingt (20) jours après la réception du grief, elle peut présenter son grief pour fins d’examen au prochain palier supérieur dans les quarante (40) jours après le dernier jour où elle devait recevoir une réponse, mais ne peut le faire après les quarante (40) jours en question.

17.9.4 Le grief individuel peut être présenté directement au dernier palier de la procédure de griefs individuels sans avoir été présenté aux paliers inférieurs, s’il a trait à une classification, une rétrogradation ou à un licenciement.

[…]

17.9.7 Dans le cas d’un grief de principe, l’Association peut présenter un grief de la manière prescrite au paragraphe 17.10, au plus tard le trente-cinquième (35e) jour après la date de notification verbale ou écrite ou du moment où l’Association a eu connaissance de l’action ou des circonstances conduisant à un tel grief.

17.9.8 Dans le cas d’un grief de principe, le Conseil doit normalement répondre dans un délai ne dépassant pas vingt (20) jours après réception du grief.

17.9.9 Les délais stipulés dans la présente procédure peuvent être prolongés par accord mutuel entre le Conseil, l’employé et s’il y a lieu, l’Association.

119        L’AECR a soutenu que les griefs individuels ont été déposés en vertu de la clause 17.9.4 de la convention collective puisqu’ils se rapportent à des licenciements et qu’ils ont été déposés au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Étant donné que la clause 17.9.4 ne précise aucun délai pour déposer de tels griefs individuels, ils ne sont pas hors délai et il n’est pas nécessaire pour la Commission d’exercer son pouvoir discrétionnaire et proroger les délais.

120        L’employeur a fait valoir que la clause 17.9.4 de la convention collective ne s’applique pas aux griefs individuels puisqu’ils ne concernent pas un licenciement. Je suis d’avis que la clause 17.9.4 ne s’applique pas aux griefs puisqu’ils ne contestent pas le licenciement des fonctionnaires, mais plutôt les calculs des prestations aux termes de la politique sur le RE.

121        Les griefs ont été déposés en vertu de la clause 17.9.1 de la convention collective en tant que griefs individuels. Cette clause prévoit qu’un grief peut être déposé au premier palier de la procédure de règlement des griefs au plus tard le 35e jour après la date de notification verbale ou écrite ou à partir du moment où la partie plaignante a eu connaissance de l’action ou des circonstances menant à un tel grief. L’AECR a soutenu que, quoi qu’il en soit, le libellé de la clause 17.9.1 est à titre indicatif plutôt qu’exécutoire. L’employeur adopte la position selon laquelle le libellé est exécutoire. Le fait que les deux griefs ont été déposés après le délai prescrit de 35 jours n’est pas contesté.

122        Tel qu’il a été indiqué, la question de savoir si les délais sont à titre indicatif ou exécutoire n’est habituellement pas traitée de manière expresse dans une convention collective; cette détermination est faite dans le contexte de la convention collective.

123        Il faut remarquer que les parties ont utilisé le verbe « pouvoir » à la clause 17.9.1 de la convention collective. Les mots clés sont que les griefs « peuvent » être déposés « […] au plus tard le trente-cinquième (35e) jour après la date de notification […] » Je suis d’avis que l’utilisation du terme « peut » dans ce contexte renvoie à l’acte de déposer un grief, en ce qu’un employé n’est pas tenu de déposer un grief; c’est à la discrétion de l’employé de le faire ou non.

124        Le reste de la phrase, « […] présenté au plus tard le trente-cinquième (35e) jour après la date de notification verbale ou écrite ou du moment où la partie plaignante a eu connaissance de l’action ou des circonstances conduisant à un tel grief » traite de la question du délai dans lequel un grief peut être déposé. Elle impose un délai obligatoire de 35 jours pour déposer un grief.

125         La clause 17.9.9 de la convention collective appuie mon interprétation. Elle prévoit que les parties peuvent proroger le délai qu’il prescrit par entente. Si le délai prévu dans la convention collective était simplement à titre indicatif, une telle disposition ne serait pas nécessaire.

126        L’agent négociateur a soutenu que, subsidiairement, par souci d’équité, je devrais proroger le délai pour déposer des griefs prescrit dans la procédure de règlement des griefs en vertu de l’article 61 du Règlement.

127        Le fait que les griefs ont été déposés au dernier palier de la procédure de règlement des griefs n’est pas contesté; en ce qui concerne M. Duncan, environ 142 jours ou plus de 4 mois et demi après la date d’échéance du délai de 35 jours et pour ce qui est de la Dre Kanabus-Kaminska, environ 15 jours après l’échéance du délai.

128        J’ai conclu que les délais prévus dans la convention collective sont de nature normative et, comme le CNRC a soutenu, ce n’est qu’exceptionnellement qu’ils devraient être prorogés.

129        Dans Vidlak c. Conseil du Trésor (Agence canadienne de développement international), 2006 CRTFP 96, la CRTFP a élaboré des critères, dont il faut tenir compte lorsqu’il y a lieu de décider de proroger les délais prescrits, comme ils sont présentés dans Schenkman et ci-dessous :

  1. le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes;
  2. la durée du retard;
  3. la diligence du fonctionnaire s’estimant lésé;
  4. l’équilibre entre l’injustice causée à l’employé et le préjudice que subit l’employeur;
  5. les chances de succès du grief.

130        L’importance à accorder à chacun des critères n’est pas la même dans tous les cas et la pondération dépend de la situation, selon les faits de chaque affaire.

131        L’employeur a fait valoir le fait que la jurisprudence indique une pondération selon un facteur, notamment s’il existe des raisons claires, logiques et convaincantes justifiant le retard et si les motifs du retard ne sont pas convaincants, les autres facteurs n’auront que peu d’importance dans la plupart des cas. Il a invoqué de nombreuses décisions antérieures, tel qu’il est indiqué dans son argumentation.

132        Dans Chow c. Conseil du Trésor (Agence de la santé publique du Canada), 2015 CRTEFP 81, le président de la CRTEFP précise ce qui suit aux paragraphes 25 et 26 :

[25] Les cinq facteurs énoncés dans Schenkman sont pris en compte dans l’analyse de la nouvelle Commission de la question de savoir si l’équité exige qu’elle accorde une prorogation du délai. Dans chaque cas, elle examine les facteurs dans le contexte des faits particuliers et elle décide ensuite le poids à accorder à chaque facteur. Tel qu’il est indiqué ci-dessous dans Gill c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2007 CRTFP 81, au paragr. 51 :

51 L’importance accordée à chacun des critères n’est pas nécessairement la même. Les faits du cas déterminent comment ils sont appliqués et quelle valeur probante est accordée à chacun. Chaque critère est examiné et apprécié en fonction du contexte factuel. Il arrive que des critères ne s’appliquent pas ou qu’il y en ait seulement un ou deux qui pèsent dans la balance.

133        Dans une affaire plus récente portant sur les demandes de prorogation de délai, Apenteng c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2014 CRTFP 19, au paragr. 88, l’ancienne Commission a expliqué davantage la façon dont les critères s’appliquent à l’analyse :

88 L’analyse repose sur des faits et est effectuée selon le principe sous-jacent de l’article 61 du Règlement, soit « par souci d’équité ». Il en découle qu’il n’y a pas, dans les critères énoncés dans Schenkman, de formules forfaitaires ou de seuils qui empêchent un décideur de déterminer s’il y a lieu, par souci d’équité, d’accorder une prorogation de délai.

134        Voir Prior c. Agence du revenu du Canada, 2014 CRTFP 96, au paragr. 132, qui porte sur le même sujet.

135        L’agent négociateur a soutenu que le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes. Les fonctionnaires se sont fiés aux calculs de l’employeur quant aux prestations aux fins du RE et ils n’étaient pas au courant du conflit avec l’agent négociateur au sujet des calculs.

136        Lorsque l’AECR a pris connaissance de l’approche de l’employeur, soit le 4 décembre 2013, elle a tenté de communiquer immédiatement avec ses membres touchés. Le grief de principe et les griefs individuels ont été déposés dans les deux semaines suivant cette date.

137        L’employeur a soutenu que ni l’un ni l’autre des fonctionnaires n’avait une raison convaincante justifiant le dépôt en dehors des délais prescrits de leurs griefs.

138        L’employeur a soutenu que cela ne constitue pas une raison suffisamment convaincante pour les retards et il a invoqué Safire, puisque l’ignorance de la loi n’est pas une excuse.

139        Dans Safire, le vice-président de la CRTFP s’est fié à sa décision dans Copp, dans laquelle il a déterminé que les critères pour proroger les délais ne sont pas nécessairement d’une importance égale et que, si les motifs ne sont pas clairs, logiques et convaincants, les autres critères indiqués dans Schenkman n’auraient que peu d’importance dans la plupart des cas.

140         Il a conclu que, selon les faits, le fonctionnaire ne l’avait pas convaincu qu’il avait un motif clair, logique et convaincant pour expliquer le retard de deux ans de son grief. Son seul motif était qu’il avait appris d’un formateur, quelque deux ans après les événements en cause, qu’il avait droit au remboursement de ses frais de déplacement.

141        Je suis d’avis que la situation dans Safire se distingue des faits en l’espèce. Safire concernait un grief individuel lié au remboursement des frais de déplacement.

142        La présente affaire concerne essentiellement un conflit entre l’agent négociateur et l’employeur relativement à la négociation de la convention collective au cours de laquelle les parties étaient dans une impasse tout au long du processus de négociation collective, des négociations, de la médiation et à l’audience portant sur le mandat.

143        Les fonctionnaires individuels n’avaient aucune connaissance particulière du conflit. Toutefois, ils étaient touchés par ce conflit. L’agent négociateur n’a pris connaissance qu’en décembre 2013 de la façon dont le CNRC calculait les prestations aux fins du RE en vertu de la nouvelle décision arbitrale, ce qui était contraire à la position connue de l’agent négociateur.

144        Le CNRC a fourni à l’agent négociateur des renseignements utiles relativement au calcul des prestations aux fins du RE dans les cas d’employés individuels en décembre 2013 seulement, et ce, en raison de la protection des renseignements personnels.

145        L’agent négociateur a déposé son grief de principe et les griefs individuels dès qu’il a pris connaissance de la manière dont le CNRC calculait et appliquait les prestations aux fins du RE dans les cas individuels.

146        Aucune des parties n’a soutenu que le grief de principe était hors délai. Ce grief et les griefs individuels sont rédigés de manière identique et soulèvent la même question. Je conclus que, dans toutes les circonstances, des raisons claires, logiques et convaincantes ont été présentées pour justifier les retards et que, dans toutes les circonstances, l’agent négociateur et les fonctionnaires ont fait preuve de diligence raisonnable dans le cadre de leurs griefs.

147        La durée des retards, de quatre à cinq mois dans un cas et d’un peu plus de deux semaines dans l’autre, n’est pas excessive après avoir examiné la jurisprudence existante.

148        L’agent négociateur a également soutenu qu’aucun élément de preuve ne permettrait de croire que l’employeur subirait un préjudice en cas de prorogation du délai.

149        L’employeur a soutenu que la jurisprudence indique qu’il n’y a pas lieu de traiter du préjudice causé à un employeur en l’absence de motifs clairs, logiques et convaincants justifiant le retard. Néanmoins, il subirait un préjudice puisqu’une décision de proroger le délai aurait une incidence négative sur la stabilité des relations de travail.

150        Encore une fois, il n’y a aucun seuil présomptif. L’employeur n’a déposé aucun élément de preuve du préjudice réel ou de difficultés particulières qu’il subirait en cas de prorogation du délai pour déposer les deux griefs.

151        Je ne suis pas convaincue que l’employeur subirait un préjudice en cas de prorogation du délai dont disposaient ces deux fonctionnaires pour déposer des griefs individuels, surtout puisque la Commission est également saisie du grief de principe, ainsi que des autres griefs individuels déposés au sujet de la même question. En soupesant l’injustice aux employés en fonction du préjudice que subira l’employeur, je n’ai constaté aucun préjudice réel découlant de l’octroi de la prorogation, la balance penche en faveur de la prorogation du délai.

152        Le dernier critère énoncé dans Schenkman porte sur les chances de succès du grief. Dans Chow, au paragraphe 36, la Commission a statué ce qui suit :

[36] En dernier lieu, je ne peux déterminer, à ce stade, que le grief n’a aucune chance de succès. Par conséquent, je n’ai accordé aucun poids à ce critère. Étant donné que j’aborde une demande de prorogation de délai et que je ne rends pas une décision sur le fond, je souscris au raisonnement de l’ancienne Commission dans Schenkman, au paragr. 83, concernant le dernier critère, à savoir les chances de succès du grief :

[…] Il est difficile de déterminer si un grief a des chances « sérieuses » d’être accueilli sans entendre toute la preuve. Il conviendrait davantage de se demander si le grief n’a « aucune chance » d’être accueilli. Si, à première vue, le grief n’est pas du tout fondé, il peut s’agir d’un facteur à prendre en considération. […]

153        Je suis d’avis que les griefs, tel qu’ils ont été déposés, soulèvent une question importante qui doit être tranchée. En ce qui concerne les faits ayant trait à la demande de prorogation du délai, j’ai examiné tous les critères décrits dans Schenkman. À mon avis, ils étayent tous, à des niveaux différents, la demande. La plus grande partie du poids a été accordé au fait que je ne considère pas les retards comme excessifs dans les circonstances, et au fait que le CNRC ne subirait aucun préjudice réel à défendre les griefs individuels. La demande de prorogation du délai de déposer les deux griefs est accordée.

154        Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

155        J’accueille la demande de l’AECR de proroger le délai pour déposer les griefs hors délai dans les dossiers 568-09-308 et 309.

Le 17 août 2016.

Traduction de la CRTEFP

David Olsen,
une formation de la Commission des relations
de travail et de l’emploi dans la fonction publique

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