Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’Association des employés du Conseil de recherches (AECR) a renvoyé à l’arbitrage un grief de principe et des griefs individuels relatifs à la pratique de l’employeur visant à réduire le total des prestations au titre du réaménagement des effectifs (RE) à payer aux employés de l’unité de négociation de la catégorie Technique du montant de l’indemnité de fin d’emploi versée à ces employés conformément à un article de la convention collective – l’AECR a déposé un grief selon lequel cela était contraire à deux autres articles et à la politique sur le RE comprise dans la convention collective – la politique sur le RE prévoit que les prestations maximales de mise en disponibilité auxquelles un fonctionnaire excédentaire a droit en vertu de la politique ne peuvent pas dépasser l’équivalent de 70 semaines de rémunération (le « plafond de rémunération de 70 semaines ») – l’AECR a adopté la position selon laquelle le montant net de l’indemnité de fin d’emploi versé à la mise en disponibilité après la déduction des paiements anticipés de l’indemnité de fin d’emploi devait être utilisé lors du calcul du plafond de rémunération de 70 semaines – l’employeur a adopté la position selon laquelle les paiements déjà versés aux employés qui ont choisi de monnayer leur indemnité de fin d’emploi en avance et qui ont par la suite été mis à pied devaient être inclus dans le calcul du plafond de rémunération de 70 semaines – la Commission a confirmé que les conventions collectives doivent être interprétées sans recourir à une preuve extrinsèque, sauf si elles sont ambiguës – la Commission a déterminé que la convention collective n’était pas ambiguë – la Commission a estimé que la position de l’AECR suscitait la disposition du cumul – puisque la convention collective interdit expressément le cumul des avantages, en n’incluant pas les paiements de l’indemnité de fin d’emploi précédemment versés aux employés visés par une mise en disponibilité au moment de calculer les prestations maximales de mise en disponibilité, le montant de l’indemnité de fin d’emploi à payer serait artificiellement réduit, ce qui augmenterait le montant à payer au titre de la période de préavis.Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20160817
  • Dossier:  569-09-147, 566-09-9655 et 9616 à 9619
  • Référence:  2016 CRTEFP 76

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

BRIAN ALLEN, DAVID DUNCAN, JOLANTA MALGORZATA KANABUS-KAMINSKA, DAVID O’NEIL, DARWIN REED ET L’ASSOCIATION DES EMPLOYÉS DU CONSEIL DE RECHERCHES

demandeurs et fonctionnaires s’estimant lésés

et

CONSEIL NATIONAL DE RECHERCHES DU CANADA

défendeur et employeur

Répertorié
Allen c. Conseil national de recherches du Canada


Affaire concernant un grief de principe et des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage


Devant:
David Olsen, arbitre de grief
Pour les fonctionnaires s’estimant lésés et demandeurs:
Christopher Rootham, avocat
Pour l’employeur et défendeur:
Michel Girard, avocat
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 20 au 22 juillet 2015.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief de principe et griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1        Le 4 mars 2014, l’Association des employés du Conseil de recherches (AECR ou l’« agent négociateur ») a renvoyé à l’arbitrage un grief de principe daté du 9 décembre 2013, qui se lit comme suit :

[Traduction]

L’Association des employés du Conseil de recherches (AECR) présente un grief contre la pratique de l’employeur qui consiste à réduire le total des indemnités liées au réaménagement des effectifs (« RE ») payables aux employés dans l’unité de négociation de la catégorie Technique par le montant de l’indemnité de départ versée à ces employés aux termes de la clause 56.9 de la convention collective. Selon le grief de l’AECR, cette pratique va à l’encontre des clauses 56.7, 56.1 et 55.1 de la convention collective, ainsi qu’aux modalités de la Politique sur le réaménagement des effectifs intégrée à la convention collective au moyen de la clause 55.1 de ce même document.

2        L’AECR demandait une ordonnance déclarant ce qui suit :

[Traduction]

[] que l’employeur a contrevenu à la convention collective; que l’employeur interprète correctement la convention collective à l’avenir et qu’il cesse de réduire le total des indemnités liées au RE payables aux employés dans l’unité de négociation de la catégorie Technique par le montant de l’indemnité de départ versée à ces employés en vertu de la clause 56.9 de la convention collective; et que l’employeur recalcule les indemnités liées au RE pour les employés dans la catégorie Technique qui ont été mis en disponibilité depuis le 15 janvier 2013.

3        Le Conseil national de recherches du Canada (CNRC ou l’« employeur ») a déclaré que les articles pertinents de la convention collective de la catégorie Technique pour les agents techniques (AT) avaient été adéquatement interprétés et appliqués au moment où les calculs des indemnités liées au réaménagement des effectifs (RE) ont été faits. La convention collective a été conclue entre le Conseil national de recherches (CNRC) et l’AERC, et elle a expiré le 31 mars 2014 (la « convention collective »).

4        Le 21 février 2014, l’employeur a répondu au grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

À la suite de la décision arbitrale du 15 janvier 2013, la clause 56.7.1 de la convention collective AT est rédigée en ces termes :

« L’indemnité de départ payable à un employé aux termes du présent article doit être réduite par toute période d’emploi continu pour laquelle l’employé a déjà reçu une forme quelconque d’indemnité de cessation d’emploi comme une indemnité de départ, un congé de retraite, un congé de réadaptation ou une gratification en espèces de la fonction publique, d’une société d’État fédérale, des Forces canadiennes ou de la Gendarmerie royale du Canada.

En aucun cas, les indemnités de départ prévues à l’article 56 ne doivent être cumulées.

Pour plus de précision, les paiements effectués en vertu des clauses 56.9 à 56.12 ou de dispositions similaires d’autres conventions collectives doivent être considérés comme des indemnités de cessation d’emploi dans le cadre de l’application de la présente clause. »

« Peu importe le motif de la cessation d’emploi, le total de l’indemnité de cessation d’emploi applicable à chacune des circonstances tiendra compte des paiements déjà effectués en application des clauses 56.9 à 56.12. Dans le cas d’un réaménagement des effectifs, les trois éléments (indemnité, replacement, avis) ont été calculés et continueront d’être calculés en fonction du maximum de 70 semaines, tel qu’il est indiqué à l’article 3.6.13.4 de la Politique sur le RE du CNRC.

Par conséquent, je considère que le traitement de l’indemnité de départ et des indemnités de mise en disponibilité liées au RE par le CNRC ne contreviennent pas aux clauses 55.1, 56.1, 56.7 et 56.9 de la convention collective AT ni à l’article 3.6.13 de la Politique sur le RE du CNRC. Je conclus également que le CNRC a correctement interprété et appliqué les dispositions liées à l’indemnité de départ de la convention collective AT et la politique sur le RE du CNRC en ce qui a trait à l’application de l’indemnité de départ de l’indemnité de cessation d’emploi liée au RE. »

5        Le 26 février 2014, l’agent négociateur a renvoyé un certain nombre de griefs individuels à l’arbitrage relativement à l’interprétation ou à l’application de ces mêmes dispositions de la convention collective citées dans le grief de principe. Les griefs sont présentés de façon détaillée dans les paragraphes qui suivent.

6        Brian Allen a déposé un grief, daté du 12 décembre 2013. Il y a allégué que l’employeur avait commis une erreur dans son calcul de la valeur du traitement aux fins des indemnités liées au RE, conformément à l’annonce qui lui avait été faite, le 26 novembre 2013.

7        David O’Neil a déposé un grief, daté du 9 décembre 2013. Il y a allégué que l’employeur avait commis une erreur dans son calcul de la valeur du traitement aux fins des indemnités liées au RE, conformément à l’annonce qui lui avait été faite le 4 décembre 2013.

8        Darwin Reed a déposé un grief, daté du 6 décembre 2013. Il y a allégué que l’employeur avait commis une erreur dans son calcul de la valeur du traitement aux fins d’indemnités liées au RE, conformément à l’annonce qui lui avait été faite le 4 décembre 2013.

9        Le 21 février 2014, l’employeur a répondu à ces trois griefs au dernier palier, affirmant que les articles pertinents de la convention collective avaient été adéquatement interprétés et appliqués au moment d’effectuer le calcul des indemnités liées au RE des fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »).

10        David Duncan a déposé un grief, daté du 9 décembre 2013. Il y a allégué que l’employeur avait commis une erreur dans son calcul de la valeur du traitement aux fins d’indemnités liées au RE, conformément à l’annonce qui lui avait été faite le 19 juin 2013.

11        Le 21 février 2014, l’employeur a répondu au grief au dernier palier, soulignant qu’il avait été avisé de son statut d’employé excédentaire et qu’il avait reçu des renseignements relatifs à l’exercice de RE, y compris son indemnité de cessation d’emploi liée au RE, le 19 juin 2013, et que son grief n’avait pas été déposé dans les délais prescrits de 35 jours comme il est prévu dans la convention collective, et par conséquent en retard. L’employeur a rejeté le grief pour ce motif.

12        Malgré le problème du respect des délais, l’employeur a indiqué que les dispositions pertinentes de la convention collective avaient été correctement interprétées et appliquées lors du calcul de ses indemnités liées au RE.

13        La Dre Jolanta Malgorzata Kanabus-Kaminska a déposé un grief, daté du 10 décembre 2013. Elle y a allégué que l’employeur avait commis une erreur dans son calcul de la valeur du traitement aux fins d’indemnités liées au RE, conformément à l’annonce qui lui avait été faite le 24 octobre 2013.

14        Le 21 février 2014, l’employeur a répondu au grief au dernier palier, soulignant qu’elle avait été avisée de son statut d’employé excédentaire et qu’elle avait reçu des renseignements relatifs à l’exercice de RE, y compris son indemnité de cessation d’emploi liée au RE, le 24 octobre 2013, et que son grief n’avait pas été déposé dans les délais prescrits de 35 jours comme il est prévu dans la convention collective, et par conséquent en retard. L’employeur a rejeté le grief pour ce motif.

15        Encore une fois, malgré le problème du respect des délais, l’employeur a indiqué que les dispositions pertinentes de la convention collective avaient été correctement interprétées et appliquées lors du calcul de ses indemnités liées au RE.

16        Le 27 mars 2014, l’AECR a présenté, en vertu de l’art. 12 du Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique (DORS/2005-79, l’« ancien Règlement »), une demande de prorogation du délai pour déposer les griefs de M. Duncan et de la Dre Kanabus-Kaminska.

17        Le 10 avril 2014, l’employeur a communiqué à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») sa décision en vertu de laquelle il maintenait sa position selon laquelle les délais relatifs aux griefs n’ont pas été respectés et qu’il était prêt à présenter son argumentation liée à la question des délais à respecter.

18        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique a été proclamée en vigueur (TR/2014-184) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission »), qui remplace l’ancienne Commission et le Tribunal de la dotation de la fonction publique.

19        Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur, lesquelles prévoyaient qu’une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 doit se poursuivre en vertu de la Loi telle qu’elle est modifiée. De plus, conformément à l’article 395 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, un commissaire de l’ancienne Commission saisi de cette affaire avant le 1er novembre 2014 a les mêmes pouvoirs et exerce les mêmes fonctions qu’une formation de la Commission.

          Les demandes de prorogation du délai

20        Dans le cadre d’une décision publiée en même temps que la présente décision, j’ai accueilli les demandes formulées par M. Duncan et la Dre Kanabus-Kaminska concernant des prorogations du délai pour présenter leurs griefs individuels.

III. Contexte et nature des questions en litige relativement à l’ensemble des griefs

21        Avant le 15 janvier 2013, on versait aux employés comptant plus de 10 années de service une indemnité de départ de 0,5 semaine par année de service, jusqu’à concurrence de 26 années de service s’ils démissionnaient de leur emploi, ou d’une semaine par année de service, jusqu’à concurrence de 30 semaines de rémunération, s’ils étaient admissibles à la retraite.

22        Depuis le 15 janvier 2013, en raison d’une décision arbitrale, les dispositions traitant de l’indemnité de départ pour les départs volontaires ont été éliminées de la convention collective.

23        En échange de l’élimination de ces dispositions, la décision arbitrale donnait aux employés la possibilité d’encaisser l’indemnité de départ qu’ils avaient accumulée en vertu des dispositions existantes immédiatement comme s’ils étaient admissibles à raison d’une semaine par année de service jusqu’à concurrence de 30 semaines en fonction de leur taux de rémunération actuel, ou d’attendre jusqu’à ce qu’ils démissionnent ou prennent leur retraite et être rémunérés en fonction de leurs taux de rémunération à ce moment.

24        Il s’agissait de la première fois qu’une indemnité de départ était versée à des AT sans qu’il y ait cessation d’emploi.

25        Dans un article portant sur les mises en disponibilité, la convention collective prévoit un droit à une indemnité de départ ainsi qu’une formule permettant de la calculer dans l’éventualité où un employé serait mis en disponibilité.

26        La décision arbitrale prévoyait également que les prestations de départ payables à un employé aux termes de la clause sur la mise en disponibilité devaient être réduites par toute période d’emploi continu pour laquelle l’employé avait déjà reçu une forme quelconque d’indemnité de cessation d’emploi, comme une indemnité de départ.

27        La décision arbitrale prévoyait expressément que les paiements effectués aux termes des dispositions donnant aux employés la possibilité d’encaisser jusqu’à 30 semaines d’indemnité de départ devaient être considérés comme une indemnité de cessation d’emploi.

28        La Politique sur le RE du CNRC, entrée en vigueur le 1er juillet 2004, et négociée entre l’employeur et l’agent négociateur, établit les indemnités pour les employés qui sont désignés comme excédentaires.

29        Ces prestations comprennent une période de préavis de 20 semaines plus une semaine pour chaque année de service continu composée d’une période travaillée ou d’un paiement forfaitaire au lieu d’un préavis, une prestation de remplacement équivalant au montant le plus élevé entre 8 semaines de rémunération ou 8 000 $, et une indemnité de départ lors de la mise en disponibilité, selon les modalités prévues à la convention collective pertinente.

30        La Politique sur le RE prévoit que l’indemnité maximale à laquelle un employé excédentaire a droit en vertu de la politique ne peut être supérieure à un montant correspondant à 70 semaines de rémunération.

31        Dans l’éventualité où l’indemnité calculée au moyen de cette formule est supérieure à un montant correspondant à 70 semaines de rémunération, le droit à une période de préavis, composé d’une période travaillée ou d’un paiement forfaitaire au lieu d’un préavis, doit être réduit dans la mesure nécessaire afin de maintenir un maximum de 70 semaines.

32        La position de l’employeur est que les paiements déjà versés aux employés qui ont exercé leur option d’encaisser jusqu’à 30 semaines d’indemnité de départ et qui ont été mis en disponibilité par la suite doivent être inclus dans le calcul du maximum de 70 semaines de rémunération.

33        La position de l’AECR est que seules les prestations de départ payables en vertu de la convention collective doivent être réduites par les montants versés précédemment au titre d’une indemnité de départ; c’est-à-dire, le montant net de l’indemnité de départ versée lors de la mise en disponibilité doit être utilisé dans le calcul du maximum de 70 semaines de rémunération.

34        Tous les fonctionnaires ont eu la possibilité d’encaisser leur indemnité de départ avant d’être assujettis à une mise en disponibilité et ils ont tous exercé cette option à différents degrés.

35        L’agent négociateur a déposé un aide-mémoire auprès de la Commission présentant le calcul des indemnités liées au RE avant le 15 janvier 2013, une description de la situation après le 15 janvier 2013, une comparaison des calculs des indemnités liées au RE pour des employés hypothétiques d’après lui et l’employeur, ainsi que les différences dans le libellé de la convention collective entre le groupe AT et tous les autres groupes. En outre, à l’annexe 1 de la présente décision, l’agent négociateur a déposé une comparaison des différences réelles entre les parties en ce qui a trait aux calculs liés au RE pour les fonctionnaires.

A. Preuve extrinsèque en ce qui concerne le bien-fondé du grief de principe

36        Joan Van Den Bergh s’occupe de toutes les questions de relations de travail de l’AECR et a participé à l’arbitrage de différends qui a mené à la conclusion de la convention collective en litige. Elle a livré un témoignage portant sur les antécédents de négociation avant la publication de la décision arbitrale, ce qui comprenait une proposition de l’employeur concernant l’ajout d’un libellé à la clause 56.7.1 de la convention collective proposée. Elle a également témoigné à propos de la preuve qui a été présentée à l’occasion de l’audience portant sur le mandat et à propos des renseignements généraux sur la Politique sur le RE.

37        Benoit Chartrand est le conseiller principal en relations de travail pour le CNRC et est son représentant dans le cadre des négociations collectives avec l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) et avec l’AECR. Il a présenté une preuve à propos du contexte du présent litige et à propos de l’audience portant sur le mandat.

38        En dehors d’une preuve de contexte, la preuve portant sur les antécédents de négociation est qualifiée comme une preuve extrinsèque sur laquelle la Commission pourrait s’appuyer afin d’aider à l’interprétation dans l’éventualité où la Commission arrive à la conclusion que le libellé utilisé dans la convention collective est ambigu.

39        Aucune des parties ne s’est opposée à la présentation d’une preuve de cette nature par l’autre partie. Aucun argument n’a été présenté lorsque la preuve a été présentée quant à savoir si le libellé de la convention collective était ambigu ou non. L’employeur et l’agent négociateur ont tous deux abordé cette question dans l’argument final.

B. Preuve concernant le contexte du litige

40        M. Chartrand a fait référence à la convention collective, plus particulièrement aux clauses 56.2.1 et 56.3.1.

41        Il a expliqué que la clause 56.2.1, intitulée « Démission », prévoyait qu’un employé qui comptait 10 ans ou plus de service continu avait droit, en cas de démission, à une indemnité de départ égale à la moitié de sa rémunération hebdomadaire multipliée par le nombre d’années complètes de service continu jusqu’à un maximum de 26 semaines.

42        La clause 56.3.1, intitulée « Retraite », prévoyait qu’au terme de son emploi, l’employé à temps plein qui avait droit à une pension ou à une allocation annuelle à jouissance immédiate selon la Loi sur la pension de la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P-36), ou l’employé à temps partiel qui travaillait régulièrement 12 heures ou plus par semaine, mais moins de 30 heures par semaine, avait droit à une indemnité de départ à l’égard de la période complète d’emploi continu de l’employé d’une semaine pour chaque année d’emploi continu, jusqu’à concurrence de 30 semaines de rémunération.

43        En conséquence de la décision arbitrale datée du 15 janvier 2013, en vigueur à compter de cette date, les deux types volontaires d’indemnités de départ ont cessé d’exister et ont été supprimés de la convention collective. Cela a été fait en échange du fait que l’on versait des prestations de départ aux employés.

44        Les employés nommés pour une période indéterminée le 16 janvier 2013 avaient droit à une indemnité de départ égale à une semaine de rémunération pour chaque année d’emploi continu, jusqu’à concurrence de 30 semaines.

45        On a donné aux employés l’option, à leur discrétion, de recevoir un paiement unique en fonction du taux de rémunération de leur poste d’attache en date du 16 janvier 2013 ou un paiement unique au moment de leur cessation d’emploi, selon le taux de rémunération à la date de la cessation d’emploi, ou une combinaison de ces deux options.

46        On a donné aux employés six mois à compter de la date d’entrée en vigueur de la signature de la convention collective pour exercer leurs options. Les employés qui n’avaient fait aucune sélection étaient réputés avoir choisi de recevoir leur indemnité de départ au moment de leur cessation d’emploi.

47        M. Chartrand a affirmé que ce qui était unique à propos de ces dispositions était qu’il s’agissait de la première fois qu’une indemnité de départ était versée à des employés sans qu’il y ait une cessation d’emploi. On a agi ainsi, car l’employeur souhaitait éliminer les dispositions de la convention collective qui conféraient aux employés le droit de recevoir une indemnité de départ à l’égard d’une cessation d’emploi volontaire, par exemple dans le cas d’une démission ou de la retraite.

48        Dans les négociations collectives qui ont précédé la décision arbitrale, l’employeur avait déposé un libellé proposant de supprimer les deux types d’indemnités de départ volontaires ainsi qu’un libellé proposant de donner le droit aux employés d’encaisser leur indemnité de départ. Un libellé avait également été déposé dans une clause 56.7.1 proposée en vue de réduire l’indemnité de départ au moment d’une mise en disponibilité en fonction des montants versés précédemment au titre de prestations de départ, y compris une indemnité de départ.

49        Mme Van Den Bergh a affirmé que, pour la première fois, pendant la médiation en juin 2012, l’employeur avait soulevé une proposition en vue d’ajouter un libellé à celui proposé précédemment.

50        La nouvelle proposition était rédigée en ces termes : [traduction] « Ce paiement doit également être compris dans les calculs relatifs au réaménagement des effectifs (RE) en ce qui a trait au total maximal des indemnités de mise en disponibilité auquel peut avoir droit un employé excédentaire sous le régime de la Politique sur le réaménagement des effectifs du CNRC. »

51        Elle a affirmé que la médiation avait eu lieu après que l’agent négociateur a présenté une demande d’arbitrage de différend. L’employeur a présenté le libellé ainsi que l’article sur l’indemnité de départ dès le premier jour de la médiation. Elle a désigné la modification comme une modification qui ne figurait pas dans les propositions précédentes.

52        Elle a demandé au négociateur du CNRC, Gerry Bauder, quel était l’objet du nouveau libellé et ce qu’il signifiait. Il a prétendument expliqué que l’employeur était préoccupé à propos d’une faille dans l’article sur l’indemnité de départ proposé selon laquelle une personne puisse faire valoir qu’elle n’était pas mise en disponibilité si elle n’avait pas reçu précédemment une indemnité de départ.

53        Elle a indiqué que cette explication n’avait pas beaucoup de sens pour elle. Elle a insisté auprès du négociateur du CNRC, qui a finalement reconnu que le CNRC voulait un libellé visant à assurer que l’indemnité maximale que les employés pouvaient recevoir par l’intermédiaire d’une combinaison d’indemnité de départ pour un motif quelconque et les situations de RE équivaudrait à 70 semaines.

54        Elle a déclaré qu’elle a soulevé un scénario auprès de lui à propos d’un employé hypothétique qui encaisse son indemnité de départ aujourd’hui, puis qui est mis en disponibilité 20 ans plus tard et lui a demandé si le montant versé au titre de l’indemnité de départ aujourd’hui serait pris en considération dans le calcul des 70 semaines. Il a répondu par l’affirmative.

55        L’agent négociateur n’était pas d’accord avec l’inclusion du libellé supplémentaire proposé dans la convention collective AT; il n’était pas non plus d’accord avec le fait de permettre à l’employeur d’inclure le libellé supplémentaire proposé dans le mandat de l’arbitrage.

56        Elle a fait référence à la décision de l’ancienne Commission sur le mandat, Association des employés du Conseil de recherches c. Conseil national de recherches du Canada, 2012 CRTFP 115 (la « décision sur le mandat »), datée du 23 octobre 2012, qui établissait les questions en litige sur lesquelles le conseil d’arbitrage devait rendre une décision arbitrale.

57        Dans cette décision, le vice-président de la CRTFP a exclu la phrase indiquée ci-dessus de la proposition de l’employeur concernant la clause 56.7.1 de la convention collective des questions en litige à l’égard desquelles le conseil d’arbitrage pouvait rendre une décision arbitrale.

58        L’employeur a ensuite proposé l’ajout du même libellé aux cinq autres conventions collectives régissant les relations entre l’AECR et le CNRC. L’AECR n’a pas accepté de l’inclure dans ces conventions collectives.

59        L’AECR a présenté une demande d’arbitrage concernant les autres conventions collectives. Les conseils d’arbitrage pour les cinq autres conventions collectives ont décidé d’inclure le libellé dans ces conventions.

60        M. Chartrand a répondu au témoignage de Mme Van Den Bergh concernant le libellé supplémentaire que le CNRC voulait ajouter à la clause 56.7.1 de la convention collective et l’explication concernant ce libellé présentée par M. Bauder, le négociateur du CNRC.

61        Il a fait référence à la Politique sur le RE du CNRC qui était en vigueur le 1er juillet 2004 et, notamment, aux indemnités qu’un employé qui est désigné comme excédentaire a le droit de recevoir au moment d’une mise en disponibilité qui sont indiquées à l’article 3.6.13.1, comme suit :

  • une période de préavis de 20 semaines plus une semaine pour chaque année d’emploi continu ou l’équivalent pour une année partielle;
  • une indemnité de replacement équivalente à 8 semaines de salaire ou à 8 000 $, le montant le plus élevé;
  • une indemnité de départ au moment de la mise en disponibilité selon les modalités prévues à la convention collective pertinente ou au régime de rémunération pertinent (dans le cas d’un employé non représenté).

62        Le montant maximal des indemnités auquel un employé excédentaire a droit en vertu de la Politique sur le RE ne peut pas être supérieur à un montant correspondant à 70 semaines de rémunération. Dans les cas où l’employé excédentaire a choisi de recevoir 8 000 $ plutôt que l’indemnité d’aide au replacement équivalente à 8 semaines de salaire, le montant de 8 000 $ est considéré comme l’équivalent de 8 semaines de rémunération aux fins d’établissement du montant de l’allocation maximum de 70 semaines de rémunération.

63        M. Chartrand a ensuite fait référence à l’art. 3.6.13.4, qui prévoit ce qui suit : « La période de préavis de l’employé, qu’elle soit travaillée, payée sous forme d’un paiement forfaitaire ou une combinaison des deux, sera réduite, si cela est nécessaire, afin de ne pas dépasser l’allocation des 70 semaines de salaire. »

64        Il a ensuite fait référence aux dispositions pertinentes de la convention collective qui ont été modifiées par la décision arbitrale du 15 janvier 2013.

65        La décision arbitrale indique que les parties ont réglé la question liée à la suppression de l’indemnité de départ au moment d’une démission ou de la retraite de la convention collective, et qu’elles ont accepté les modifications apportées à ces articles indiquées à l’annexe A de la décision.

66        Les parties ont convenu de modifier la clause 56.7 de la convention collective.

67        La convention collective qui a expiré le 31 mars 2011 comprenait des droits à une indemnité de départ dans le cas d’une démission visée à la clause 56.2 et dans le cas d’un départ à la retraite visé à la clause 56.3.

68        La clause 56.7 contenait une disposition interdisant le cumul des indemnités de départ et le taux de rémunération déterminé auquel l’employé aurait droit en date de la cessation d’emploi.

69        Comme il a été indiqué, la décision arbitrale prévoyait qu’à compter du 15 janvier 2013, les clauses 56.2, sur la démission, et 56.3, sur la retraite, devaient être supprimées de la convention collective.

70        La décision arbitrale a également modifié la clause 56.7 pour qu’elle soit rédigée en ces termes :

56.7.1 **L’indemnité de départ payable à un employé aux termes du présent article doit être réduite par toute période d’emploi continu pour laquelle l’employé a déjà reçu une forme quelconque d’indemnité de cessation d’emploi comme une indemnité de départ, un congé de retraite, un congé de réadaptation ou une gratification en espèces de la fonction publique, d’une société d’État fédérale, des Forces canadiennes ou de la Gendarmerie royale du Canada. En aucun cas, les indemnités de départ prévues à l’article 56 ne doivent être cumulées. Pour plus de précision, les paiements effectués en vertu des clauses 56.9 à 56.12 ou de dispositions similaires d’autres conventions collectives doivent être considérés comme des indemnités de cessation d’emploi dans le cadre de l’application de la présente clause. »

71        M. Chartrand a affirmé que l’employeur avait proposé d’ajouter le libellé suivant, pour plus de précisions : [traduction] « Ce paiement doit également être compris dans les calculs relatifs au réaménagement des effectifs (RE) en ce qui a trait au total maximal des indemnités de mise en disponibilité auquel peut avoir droit un employé excédentaire sous le régime de la Politique sur le réaménagement des effectifs du CNRC. »

72         La Politique sur le RE contient un lien vers le paiement d’une indemnité de départ. Il convient de faire la distinction avec la Politique sur le RE du Conseil du Trésor, qui ne contient aucune référence à une indemnité de départ.

73         Le libellé n’a pas été ajouté au motif du moment, car il n’avait pas été introduit pendant les négociations.

74        Ce libellé a été ajouté aux conventions collectives pour les neuf autres unités de négociation et pour les cadres. L’ensemble des 10 unités de négociation ainsi que les cadres sont visés par la même Politique sur le RE. Les indemnités de mise en disponibilité sont calculées de la même façon. En ce qui concerne le CNRC, les principaux éléments étaient l’uniformité, la justice et l’équité. Il s’agit d’un gardien des fonds publics.

75        M. Chartrand a expliqué que toutes les parties avaient négocié l’art. 3.6.13.4 de la Politique sur le RE, qui établit le maximum du droit d’un employé à une période de préavis à 70 semaines. Il s’agit d’un mécanisme de soutien à la transition. Plus le nombre d’années de service est élevé, plus le montant de l’indemnité est important, mais il atteint un plateau. Il a fait référence à la Directive sur le RE du Conseil national mixte, notamment à l’annexe C, qui décrit les mesures de soutien à la transition en ce qui a trait aux paiements par semaines de rémunération.

76         La mesure de soutien à la transition en cas de mise en disponibilité atteint un maximum de 52 semaines de rémunération après 16 années de service; après 29 années de service, elle commence à diminuer, à 34 semaines après 35 années de service, puis à 4 semaines après 45 années de service. Il s’agit d’une courbe en cloche qui atteint un plateau après 16 années de service. Plus le nombre d’années de service est élevé, moins le besoin d’un soutien à la transition est important et plus la probabilité est grande d’être admissible à une pension de retraite.

77        Après avoir examiné la méthode de l’AECR, M. Chartrand a fait valoir que sa méthode ne correspondait pas à l’interprétation de la convention collective, car l’intention des parties n’était pas de créer un avantage éventuel pour les employés.

78        Il a ensuite mentionné deux exemples qui s’étaient passés au cours de l’année précédente à l’intérieur du groupe AT, et ces exemples tenaient compte des différences importantes entre la méthode de calcul proposée par l’AECR et la méthode du CRN qui était utilisée à l’heure actuelle pour calculer l’indemnité de départ et les indemnités liées au RE.

79        Les exemples concernaient deux employés comptant un nombre d’années de service similaires, plus ou moins, 42 ans.

80        Sur le plan factuel, la seule différence est qu’un employé a choisi de recevoir des paiements au titre d’une indemnité de départ avant la cessation d’emploi alors que l’employé en a eu la possibilité et que l’autre employé a choisi de recevoir une indemnité de départ uniquement lors de la cessation d’emploi.

81        Les deux premiers exemples reflètent la méthode du CNRC et les deux exemples qui suivent représentent la méthode de l’AECR, comme suit :

Méthode du CNRC

Nom de l’employé Années de service Indemnité de départ :
Versement anticipé ou versement lors de la cessation d’emploi
Indemnité de mise en disponibilité au titre du RE reçue
Employé A 42 années de service Versement anticipé :
30 semaines
Période de préavis : 17 de semaines
Replacement : 8 semaines
Indemnité de départ :
45 semaines

Droit à la rémunération totale : 70 semaines, d’après le libellé du RE

Rémunération reçue lors de la cessation d’emploi : 40 semaines
(70 semaines moins le versement anticipé de 30 semaines)

Versement anticipé reçu au moment de l’abandon de l’indemnité de départ : 30 semaines

L’employé reçoit un total de 70 semaines de rémunération
Employé B 42 années de service Aucun versement anticipé Période de préavis : 17 semaines
Replacement : 8 semaines
Indemnité de départ : 45 semaines

Droit à la rémunération totale : 70 semaines – maximum d’après le libellé du RE

Rémunération reçue lors de la cessation d’emploi : 70 semaines

Versement anticipé reçu au moment de l’abandon de l’indemnité de départ : 0 semaine

L’employé reçoit un total de 70 semaines de rémunération

Méthode de l’AECR

Nom de l’employé Années de service Indemnité de départ :
Versement anticipé ou versement lors de la cessation d’emploi
Indemnité de mise en disponibilité au titre du RE reçue
Employé A 42 années de service Versement anticipé :
30 semaines
Période de préavis : 47 semaines
Replacement : 8 semaines
Indemnité de départ : 15 semaines (de 45 à 30 semaines de versement anticipé)

Droit à la rémunération totale : 70 semaines – maximum d’après le libellé du RE

Rémunération reçue lors de la cessation d’emploi : 70 semaines

Versement anticipé reçu au moment de l’abandon de l’indemnité de départ : 30 semaines

L’employé reçoit un total de 100 semaines de rémunération
Employé B 42 années de service Aucun versement anticipé Période de préavis : 17 semaines
au moment de l’abandon de l’indemnité de départ Replacement : 8 semaines
Indemnité de départ : 45 semaines

Droit à la rémunération totale : 70 semaines – maximum d’après le libellé du RE

Rémunération reçue lors de la cessation d’emploi : 70 semaines

Versement anticipé reçu au moment de l’abandon de l’indemnité de départ : 0

L’employé reçoit un total de 70 semaines de rémunération

82        M. Chartrand a observé que, selon les mêmes exemples, pour un employé dans l’administration publique centrale qui applique la Politique sur le RE du Conseil du Trésor, la rémunération totale serait de 58 semaines, ce qui comprend 45 semaines d’indemnité de départ (qu’il s’agisse de 45 semaines lors de la cessation d’emploi si le versement est reporté ou de 30 semaines au moment de l’abandon de la disposition relative à l’indemnité de départ et de 15 semaines lors de la cessation d’emploi) et 13 semaines de mesure de soutien à la transition.

83         Il a déclaré que, d’après ces chiffres, le CNRC n’arrivait pas à comprendre pourquoi l’AECR prétendait que les versements au titre du RE du CNRC étaient inférieurs à ce qui était en vigueur dans le reste de l’administration publique centrale. Il a également remis en question pourquoi les employés du CNRC comptant le même nombre d’années de service s’attendraient à recevoir 100 semaines de rémunération totale, près du double de ce que leurs homologues de l’administration publique centrale recevraient.

84        En contre-interrogatoire, M. Chartrand a reconnu qu’il ne se trouvait pas à la table de négociation pour le groupe AT et qu’il était uniquement présent à la table de négociation pour les unités de négociation de l’IPFPC. Il a également reconnu qu’il n’était pas un conseiller en rémunération, mais un conseiller en relations de travail pour le CNRC et qu’il n’était pas à l’emploi du CNRC lorsque la Politique sur le RE a été négociée, en 2004.

85        On l’a renvoyé au paragraphe 16 de la décision sur le mandat, qui stipule : « L’employeur s’est entendu avec l’agent négociateur que le fait d’accepter la proposition tardive se traduirait, dans certaines circonstances, par une diminution des indemnités offertes aux employés mis en disponibilité dans le cadre de la politique sur le RE du CNRC. »

86        On lui a demandé s’il était d’accord avec cette affirmation. Il a répondu qu’il ne l’était pas. Il a ajouté que l’employeur n’était pas d’accord lorsque la décision a été publiée. On lui a demandé si le CNRC avait écrit au vice-président de la Commission pour corriger l’affirmation ou présenter une demande de contrôle judiciaire. Il a répondu par la négative.

87        On l’a ensuite renvoyé au paragraphe 26 de la décision, où le vice-président de la CRTFP a affirmé : « À cet égard, les parties ont convenu que l’inclusion à la convention collective de la proposition tardive aurait pour effet, dans certaines circonstances, de diminuer les indemnités de départ payables aux employés visés par un réaménagement des effectifs. »

88        On lui a demandé s’il était d’accord avec cette affirmation. Il a répondu qu’il était en désaccord avec celle-ci. Il a indiqué que le CNRC n’avait pas écrit au vice-président de la CRTFP afin de corriger cette affirmation, car cela n’aurait fait aucune différence sur le résultat, car le libellé contesté ne serait pas renvoyé au conseil d’arbitrage.

89        On l’a ensuite renvoyé au paragraphe 28 de la décision, où le vice-président de la CRTFP a affirmé :« En l’espèce, l’employeur a fait plus que simplement préciser ou clarifier sa position. Il a essentiellement augmenté la hauteur des concessions qu’il voulait obtenir de l’agent négociateur par rapport à sa dernière position avancée avant la présentation de la demande d’établissement d’un conseil d’arbitrage. »

90        M. Chartrand n’était pas d’accord avec cette affirmation.

91        Il a été questionné à propos de son affirmation selon laquelle les indemnités de mise en disponibilité étaient plus généreuses que celles offertes dans l’administration publique centrale. Il a qualifié sa réponse en indiquant qu’il avait eu l’intention de dire que, dans certaines circonstances, les indemnités du CNRC étaient plus généreuses.

92        Il a affirmé que la Politique sur le RE du CNRC est négociée en présence de tous les agents négociateur à une table de négociation et non pas dans le cadre des négociations portant sur les conventions collectives individuelles.

93        En contre-interrogatoire, on a renvoyé M. Chartrand à la dernière partie du paragraphe 16 de la décision sur le mandat, qui est rédigé en ces termes :

[16] […] L’employeur soutient toutefois que la proposition tardive n’est en réalité qu’une simple modification apportée à une proposition déjà présentée et faisait partie des négociations avant que l’agent négociateur ne présente sa demande d’arbitrage. L’employeur fait valoir que la proposition visait à éviter les situations de cumul des indemnités versées aux employés mis en disponibilité. Elle n’introduit aucunement de nouvelles conditions d’emploi en ce qui a trait aux propositions discutées durant les négociations entre les parties, mais consiste plutôt en une clarification de l’intention de l’employeur quant à sa proposition initiale sur la question des indemnités de départ. L’employeur soutient que la question des indemnités de départ et du cumul des avantages avait été abordée durant les négociations, et que la proposition tardive ne visait qu’à préciser l’intention de l’employeur en ce qui a trait à sa proposition initiale portant sur l’indemnité de départ.

94        M. Chartrand a affirmé qu’il convenait que la proposition visait à clarifier le libellé uniquement.

95        Mme Van Den Bergh a déclaré qu’elle avait participé à la négociation de la Politique sur le RE du CNRC en 2004. Elle a déclaré que le CNRC, l’IPFPC et l’AECR ont participé aux négociations et que celles-ci visaient 10 unités de négociation et, par conséquent, 10 conventions collectives distinctes. Les parties souhaitaient établir une politique qui s’appliquait à tous; cependant, la politique devait être négociée en dehors de la convention collective.

96        Elle a déclaré qu’on avait convenu que, pour maintenir un maximum de 70 semaines de rémunération, la période de préavis devait être réduite. Elle a rappelé que le maximum était en place avant 2004. À son avis, le maximum était propre aux indemnités de mise en disponibilité.

97        Elle a déclaré que l’élément de l’indemnité de départ lié à une mise en disponibilité mentionnée dans la Politique sur le RE renvoie aux dispositions dans les différentes conventions collectives. La politique ne prévoit aucun pouvoir de réviser les dispositions relatives à l’indemnité de départ dans la convention collective.

C. Résumé de l’argumentation sur le bien-fondé du grief de principe

1. Pour l’AECR

98        Le libellé de la convention collective est clair, sans équivoque et ne permet pas au CNRC de réduire les indemnités liées au RE en raison du fait qu’une indemnité de départ avait déjà été versée aux employés par l’intermédiaire de l’abandon du paiement d’une indemnité de départ au moment d’un départ volontaire.

99        La disposition importante dans la convention collective qui doit faire l’objet d’une interprétation est la clause 56.7.1.

100        La clause 56.1 traite de façon générale de l’indemnité de départ. La clause 56.1.3 traite du calcul de l’indemnité de départ au moment d’une mise en disponibilité. Par exemple, un employé comptant 30 années de service recevrait une indemnité de départ de quatre semaines à l’égard d’une mise en disponibilité pour la première année de service et d’une semaine pour chaque année de service subséquente.

101        Après avoir calculé l’indemnité de départ, il est nécessaire d’appliquer la clause 56.7.1, qui prévoit que toute prestation de départ payable doit être réduite par toute indemnité de départ déjà versée. Il ne peut y avoir aucun cumul. Il s’agit d’un nouveau libellé afin de tenir compte du fait que les paiements effectués en vertu des clauses 56.9 à 56.12 doivent être considérés comme des indemnités de départ aux fins de l’application de la clause 56.7.1.

102        Cette clause ne stipule pas que des paiements doivent être considérés comme des indemnités de cessation d’emploi à toutes fins et, plus particulièrement, elle ne stipule pas que tous les paiements effectués seront considérés comme des indemnités de cessation d’emploi aux fins de la Politique sur le RE.

103        Cette clause figure dans l’ensemble des conventions collectives dans la fonction publique. Un certain nombre de décisions l’ont interprétée. Deux d’entre elles adoptent des approches différentes. Aucune d’elles ne reprend la position de l’employeur.

104        Dans Martin c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-28191 (19981029), [1998] C.R.T.F.P.C. no 97 (QL), la question a été soulevée à propos de ce qu’il faut faire dans les circonstances où une indemnité de départ avait déjà été versée à l’égard du service militaire antérieur d’un employé. Lorsque M. Martin a été transféré à Transports Canada, il comptait 19 ans de service militaire. On lui a versé 9½ semaines d’indemnité de départ en vertu des règles en place pour l’armée. Il a travaillé pour Transports Canada pendant cinq ans. Lorsque NAV CANADA a été mis sur pied, son emploi a été réputé avoir pris fin pour l’indemnité de départ, même s’il a été nommé à un nouveau poste à cet endroit.

105        Il avait prévu recevoir une indemnité de départ de Transports Canada, calculée en fonction de son service continu à compter du jour où il s’est joint à l’armée, moins toute indemnité de départ déjà versée par le ministère de la Défense nationale. Il avait prévu recevoir 16 semaines d’indemnité de départ; c’est-à-dire, 25 semaines de rémunération moins les 9 semaines qu’il avait reçu au moment de quitter l’armée. Cependant, il n’avait reçu que six semaines de rémunération.

106        On a reconnu que les 19 années environ qu’il avait passées dans l’armée constituaient un emploi continu aux fins du calcul de son indemnité de départ de Transports Canada. Cependant, l’employeur a adopté la position selon laquelle la somme d’argent qu’il avait reçue à titre d’indemnité de cessation d’emploi de l’armée était négligeable, car la période pour laquelle on lui avait versé une indemnité de départ, c’est-à-dire toute la période passée au sein des Forces canadiennes, devait être déduite de ses prestations de départ.

107        L’arbitre de grief dans ce cas a interprété une clause identique à la clause 56.7.2. Elle a reconnu que le but de la clause en question était de prévenir le double paiement d’une indemnité de départ et le cumul. Elle a observé qu’une lecture littérale de la clause en question laissait entendre que les prestations de départ devaient être réduites par toute période d’emploi continu à l’égard de laquelle l’employé avait déjà reçu une forme quelconque d’indemnité de départ. Elle a observé qu’une application littérale de ces mots était impossible et a demandé comment on pouvait soustraire une période de temps (une période d’emploi continu) d’une somme d’argent (prestations de départ).

108        Elle est arrivée à la conclusion que la clause contenait une ambiguïté latente, ce qui devenait manifeste lorsqu’on tentait de l’appliquer. Elle a conclu que l’intention des parties (une semaine de rémunération par année d’emploi continu) et le but de la clause, qui était d’empêcher le double paiement d’une indemnité de départ et le cumul, pourraient être respectés en appliquant une interprétation de la clause fondée sur la prémisse logique selon laquelle l’indemnité est déduite de l’indemnité et elle ne peut pas être déduite d’une période de temps.

109         Dans les circonstances du présent cas, elle est arrivée à la conclusion que l’indemnité de départ aurait dû être calculée en réduisant le montant de l’indemnité de départ qui lui était due, selon son emploi continu, par le montant de l’indemnité de départ qu’il avait reçu lorsqu’il a quitté l’armée. À cet égard, consultez également Burzynski c. Conseil du Trésor (Agence canadienne de développement international), 2008 CRTFP 60.

110        En vertu de cette approche d’« équité salariale », le montant de l’indemnité de départ est calculé, puis est réduit par le montant qui a déjà été versé. Les indemnités liées au RE ne sont pas calculées, puis réduites au moyen de la clause 56.7.1.

111        L’avocat a fait référence au cas de M. Allen. L’avocat a indiqué que la clause 55.1 de la convention collective prévoit que la Politique sur le RE du CNRC doit faire partie de la convention collective.

112        M. Allen comptait plus de 42 ans de service continu avant d’être mis en disponibilité. Sa période de préavis dans le cadre du RE était de 20 semaines pour la première année et d’une semaine par année de service par la suite, pour un total de 61 semaines. On lui a versé huit semaines de rémunération au titre de replacement. Il a eu droit à une indemnité de départ lors de la mise en disponibilité en vertu de la clause 56.1.3; c’est-à-dire, 44,6 semaines.

113        En appliquant l’article dans son intégralité, les prestations de départ seront réduites par les indemnités de cessation d’emploi, comme l’indemnité de départ. Les termes « prestation de départ » et « indemnité de départ » sont des synonymes. Dans son cas, il avait déjà reçu 30 semaines, par conséquent, son indemnité de départ lors de la mise en disponibilité a été réduite à 14,6 semaines. Cela a donné lieu à un nombre total de semaines payables lors de la mise en disponibilité correspondant à 62 + 8 + 14,6, pour un total de 84,6 semaines. En vertu de la Politique sur le RE, le nombre maximum de semaines est de 70. Le total était donc excédentaire de 14,6 semaines par rapport au maximum.

114        Cela reflète l’approche adoptée dans Martin.

115        La position de l’employeur est que les prestations de mise en disponibilité en vertu de la Politique sur le RE doivent être réduites par le montant versé précédemment au titre d’une indemnité de départ, alors que la position adoptée par le syndicat est que seules les prestations de départ en vertu de la convention collective doivent être réduites par le montant versé précédemment au titre d’une indemnité de départ.

116        La position de l’agent négociateur est qu’il n’existe aucune ambiguïté à la clause 56.7.1 de la convention collective. Cependant, si la Commission arrive à la conclusion qu’il existe une ambiguïté, celle-ci pourrait être réglée en sa faveur en faisant référence au libellé que l’employeur avait proposé pour cette unité de négociation et qui n’avait pas été accepté.

117        Ce libellé proposé par l’employeur ne constituait pas seulement une clarification – il portait sur une condition d’emploi distincte. Le vice-président de la CRTFP a affirmé aux paragraphes 26 à 28 de la décision sur le mandat qu’il s’agissait d’une condition qui réduisait les prestations liées au RE. Le témoin de l’employeur est en désaccord. La présente Commission est liée par cette détermination.

2. Pour l’employeur

118        Le présent grief de principe soulève la question de savoir si la pratique de l’employeur qui consiste à inclure le montant de l’indemnité de départ déjà reçu par les employés, que l’on appelle « indemnité de départ » à la clause 56.9 de la convention collective, dans le calcul des prestations de mise en disponibilité décrites dans la Politique sur le RE, est conforme à la convention collective.

119        Le fardeau de la preuve incombait au fonctionnaire d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur avait contrevenu à la convention collective. Voir Campbell c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 57, au paragr. 27.

120        Au moment d’évaluer un litige lié à l’interprétation d’une convention collective, le rôle de la Commission consiste à déterminer l’intention réelle des parties en faisant référence au sens ordinaire des mots qu’elles ont utilisés. La Commission doit s’abstenir de modifier des conditions d’emploi claires.

121        Il faut examiner la convention collective dans son intégralité de façon à placer les mots utilisés dans celle-ci dans leur contexte. La Politique sur le RE est intégrée dans la convention collective par renvoi. On ne peut pas avoir une convention collective et deux documents. Ils doivent faire l’objet d’une lecture conjointe. Voir Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112 aux paragraphes 50 et 51.

122        Une expression de l’intention claire est requise pour conférer un avantage financier; voir Wallis c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2004 CRTFP 180 au paragr. 37.

123        La Politique sur le RE est réputée faire partie de la convention collective en vertu de la clause 55.1 de la convention.

124        L’article 3.6.13.1 de la Politique sur le RE prévoit des prestations pour les employés qui sont réputés être excédentaires, ce qui comprend une période de préavis, une indemnité d’aide au replacement et une indemnité de départ, selon les modalités prévues à la convention collective pertinente. Cet article ne mentionne ni une [traduction] « indemnité de départ nette » ni une [traduction] « fraction non versée d’une indemnité de départ ».

125        Le maximum des prestations qu’un employé excédentaire peut recevoir ne peut pas excéder l’équivalent de 70 semaines. Le calcul des trois éléments, soit la période de préavis, l’indemnité d’aide au replacement et l’indemnité de départ, ne peut pas être supérieur à 70 semaines. Si le total des prestations est supérieur à 70 semaines de rémunération, alors la période de préavis de l’employé doit être réduite de façon à respecter ce maximum de 70 semaines.

126        La clause 56.1 de la convention collective prévoit une indemnité de départ au moment d’une mise en disponibilité. L’indemnité de départ est calculée conformément à la clause 56.1.3 au moyen d’une formule qui est fondée sur le nombre d’années d’emploi continu d’un employé. L’employeur a insisté sur le mot [traduction] « continu » après le mot [traduction] « emploi ».

127        La convention collective contient un article intitulé Interprétation et définitions. La clause 4.1.5 prévoit que les termes « service continu » et « emploi continu » ont le même sens.

128        En faisant référence à l’exemple de l’employeur présenté dans la preuve, un employé comptant 42 années de service aurait droit à une indemnité de départ de 45 semaines au moment de sa mise en disponibilité; c’est-à-dire, 4 semaines de rémunération pour un employé comptant 20 années ou plus d’emploi continu plus une semaine de rémunération pour chaque année complète successive de service continu.

129        On a donné la possibilité aux employés d’encaisser leur indemnité de départ ou de la reporter à leur cessation d’emploi. L’encaissement volontaire est prévu à la clause 56.9 de la convention collective, qui est intitulée « Indemnité de départ ». Le maximum pouvant être encaissé correspond à 30 semaines. Tous les fonctionnaires qui ont présenté des griefs ont fait le choix d’encaisser leur indemnité de départ.

130        Un employé qui a pris un paiement volontaire en 2013 et qui a été mis en disponibilité par la suite en 2015 aurait tout de même droit à une indemnité de départ au moment de sa mise en disponibilité, calculée conformément à la clause 56.1.3.

131        Le nombre à utiliser en vertu de l’art. 3.6.13.1 de la Politique sur le RE correspond à l’indemnité de départ calculée en vertu de la clause 56.1.3 de la convention collective, qui est fondée sur le service continu.

132        Dans l’exemple, pour un employé comptant 42 années de service, le calcul de l’indemnité au moment de sa mise en disponibilité s’élèverait à 45 semaines, d’après la formule établie dans la clause, qui est fondée sur le nombre d’années de service continu. Le montant que l’employé recevrait serait inférieur à 45 semaines, car, en vertu de la clause 56.7.1, le paiement forfaitaire versé aux termes de la clause 56.9 doit être soustrait du montant total auquel l’employé aurait par ailleurs droit.

133        La clause 56.7.1 assure que les prestations de départ sont les seules pour lesquelles les autres formes de prestations de cessation d’emploi n’ont pas déjà été versées. Elle applique la règle contre le cumul des prestations dans le cas d’une indemnité de départ.

134        Contrairement aux arguments de l’agent négociateur, l’application de la convention collective de cette façon ne réduit pas le montant global des versements au titre d’une indemnité de départ d’un employé en fonction de ses années de service continu.

135        Pour calculer l’indemnité de départ au moment d’une mise en disponibilité en application de la Politique sur le RE, le montant global ou total est inclus à titre de prestation de mise en disponibilité. L’indemnité de 45 semaines est comprise, non pas le montant net calculé en vertu de la clause 56.7.1 de la convention collective.

136        La clause 56.7.1 ne s’applique pas au calcul visé dans la Politique sur le RE; cette clause dicte uniquement le paiement réel au titre de l’indemnité de départ que reçoit l’employé. Le paiement forfaitaire reçu est un paiement anticipé. Il faut tenir compte du versement global.

137        Si le paiement forfaitaire versé de façon anticipée n’est pas inclus dans le montant calculé au titre de la prestation de mise en disponibilité, alors le montant de l’indemnité de départ payable pour le service continu serait artificiellement réduit, augmentant ainsi le montant payable au titre de la période de préavis.

138        Tous les fonctionnaires comptaient plus de 20 années de service. L’approche de l’agent négociateur ignorerait le fait que, pour un employé qui a reçu un paiement forfaitaire, le paiement aurait une incidence sur le montant payable au titre de la période de préavis. Le fait de chercher à utiliser uniquement le paiement net au titre de l’indemnité de départ réduit grandement le calcul de l’indemnité de paiement pour le service continu.

139        L’agent négociateur souhaite diviser le calcul du service continu en deux périodes distinctes. Les indemnités de départ sont fondées sur la période totale de service continu.

140        La position de l’agent négociateur maintiendrait la période de préavis artificiellement courte. Le CNRC a soutenu que ce n’était pas l’intention des parties.

141        Au moment de calculer la période de préavis, l’agent négociateur demande que l’on tienne compte de toutes les années de service continu; mais, au moment de calculer l’indemnité de départ, il demande que l’on fractionne les années de service continu et que l’on ne tienne compte que du montant net versé lors de la mise en disponibilité, pas du montant versé de façon anticipée au titre des 30 semaines. Cette approche n’a pas de sens à la lumière de la clause sur l’indemnité de départ, la clause 56.1.3. L’agent négociateur tente de tirer profit d’un avantage offert à une petite minorité de ses membres.

142        Sur le plan technique, les mots de clarification que l’employeur souhaitait ajouter à la clause 56.7.1 ne figurent pas dans la convention collective AT. Étant donné que le libellé proposé n’a pas fait de discussion lors des négociations, il ne pouvait pas être inclus dans le mandat et, par conséquent, la question de pouvait pas être tranchée dans la décision arbitrale. La seule raison pour laquelle il n’a pas été inclus était que l’employeur n’avait pas respecté le délai. La décision arbitrale ne fait pas référence à cette phrase.

143        Entre-temps, le régime de rémunération pour les employés non représentés et les décisions arbitrales pour l’ensemble des autres unités de négociation ont inclus le libellé supplémentaire.

144        Pour assurer l’équité pour l’ensemble des employés du CNRC, l’interprétation fondamentale demeure la même. La même méthode de calcul est utilisée pour tous les employés touchés au CNRC, même pour les AT. L’absence de la phrase supplémentaire ne détourne pas de la bonne interprétation et de l’intention des clauses en question, soit éviter le cumul des indemnités.

145        La phrase supplémentaire a été proposée afin d’offrir une plus grande clarté et de saisir adéquatement les effets éventuels de l’indemnité de départ visée à la clause 56.9 de la convention collective, car il s’agissait de la première fois que les prestations de cessation d’emploi étaient versées en l’absence d’une cessation d’emploi – les employés continuaient à travailler tout en ayant le droit de recevoir des prestations de départ futures.

146        L’agent négociateur a fait valoir que, subsidiairement, si j’arrivais à la conclusion que le libellé n’était pas clair, je devrais me fier à la décision sur le mandat en ce qui a trait à la proposition selon laquelle le libellé proposé par l’employeur était plus qu’une simple clarification.

147        La doctrine de la chose jugée n’est pas appliquée de façon rigide dans les cas d’arbitrage en matière de relations de travail; les décideurs et les arbitres de griefs ne sont pas non plus liés par la doctrine du stare decisis. Les décideurs et les arbitres de griefs sont libres de rendre des décisions différentes si l’un d’eux estime qu’une décision antérieure est manifestement erronée. Cependant, il n’est pas nécessaire de conclure que la décision sur le mandat est manifestement erronée en raison de la distinction entre une audience sur le mandat et l’interprétation d’une convention collective par un décideur.

148        Dans Stoney Creek (City) v. Canadian Union of Public Employees, Local 1220 (1998), 71 L.A.C. (4e) 272, l’arbitre de grief Knopf a passé en revue le droit concernant le principe du stare decisis et a cité Phillips Cables Limited v. United Electrical, Radio and Machine Workers, Local 510 (1977), 16 L.A.C. (2e) 225 à 232, en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

À notre avis, par conséquent, il n’existe aucun appui réel concernant la proposition selon laquelle nous sommes absolument liés, en droit, à l’interprétation conférée à la clause 9.04 par un conseil d’arbitrage précédent.

Nous nous penchons alors sur la deuxième question : devrions-nous, eu égard à la courtoisie et à la politique publique, respecter la décision antérieure? […]

[…]

149        L’arbitre Swan a ensuite cité l’arbitre Laskin dans le contexte de Brewers Warehousing Company Limited v. International Union of Brewery, Flour, Cereal, Malt, Yeast, Soft Drink and Distillery Workers, Local 278C (1954), 5 L.A.C. 1797 à 1798, comme suit :

[Traduction]

[…]

Ce n’est pas une bonne politique pour un conseil d’arbitrage de refuser de respecter la décision d’un autre conseil dans un litige similaire entre les mêmes parties découlant de la même convention lorsque le litige porte sur l’interprétation de la convention. Néanmoins, si le deuxième conseil a la conviction claire que la première décision est erronée, il est de son devoir de trancher l’affaire dont il est saisi selon les principes qu’il estime applicables.

[…]

150        La décision sur le mandat concernait ce que l’on pourrait appeler un arbitrage de différend. Son rôle n’était pas de déterminer le sens du nouveau libellé proposé. Au paragraphe 16 de cette décision, le vice-président de la CRTFP a fait des affirmations contradictoires. Il a déclaré ce qui suit :

[16] L’employeur s’est entendu avec l’agent négociateur que le fait d’accepter la proposition tardive se traduirait, dans certaines circonstances, par une diminution des indemnités offertes aux employés mis en disponibilité dans le cadre de la politique sur le RE du CNRC. L’employeur soutient toutefois que la proposition tardive n’est en réalité qu’une simple modification apportée à une proposition déjà présentée et faisait partie des négociations avant que l’agent négociateur ne présente sa demande d’arbitrage. L’employeur fait valoir que la proposition visait à éviter les situations de cumul des indemnités versées aux employés mis en disponibilité. Elle n’introduit aucunement de nouvelles conditions d’emploi en ce qui a trait aux propositions discutées durant les négociations entre les parties, mais consiste plutôt en une clarification de l’intention de l’employeur quant à sa proposition initiale sur la question des indemnités de départ […]

151        Il s’agit de la position adoptée par l’employeur depuis le début. M. Chartrand était d’accord avec cette affirmation.

152        Au paragraphe 26, le vice-président de la CRTFP a déclaré ce qui suit :

[26] […] En l’espèce, l’employeur désire modifier substantiellement les dispositions portant sur les indemnités de départ prévues dans la convention collective. Il avait présenté à l’origine une proposition générale, pour ensuite présenter à l’agent négociateur une proposition plus précise. Après cela, une demande d’arbitrage a été présentée, et l’employeur a alors présenté une proposition tardive. Cette proposition portait également sur la question des indemnités de départ, mais elle demandait de la part de l’agent négociateur encore davantage de concessions que ce qui avait été demandé dans la proposition faite antérieurement par l’employeur. À cet égard, les parties ont convenu que l’inclusion à la convention collective de la proposition tardive aurait pour effet, dans certaines circonstances, de diminuer les indemnités de départ payables aux employés visés par un réaménagement des effectifs.

153        La décision sur le mandat contient une contradiction inhérente. L’employeur a toujours eu l’intention que le libellé supplémentaire soit une clarification et ne souhaitait pas modifier les conditions d’emploi.

154        La décision arbitrale concernant l’AECR et le CNRC touchant ces unités de négociation autres que le groupe AT et datée du 3 juin 2014, portant sur la question de l’indemnité de départ et renvoyé à la convention collective AT en partie comme suit :

[…]

[20] Le CNRC a proposé l’élimination du cumul des indemnités de départ advenant des départs volontaires (démission et retraite). La proposition de l’employeur préserverait les droits actuels et permettrait aux employés d’encaisser la totalité ou une partie de l’indemnité de départ ou de reporter la perception des indemnités actuelles jusqu’à leur départ du CNRC […]

[21] De plus, le CNRC a proposé l’ajout de la clause suivante […] afin de préciser que les versements au titre de l’indemnité de départ sont inclus dans les calculs relatifs au réaménagement des effectifs :

Pour plus de précision et aux fins de l’application du présent paragraphe, le montant versé en vertu des paragraphes […] ou de dispositions similaires contenues dans d’autres conventions collectives est considéré comme une indemnité de cessation d’emploi.  Ce paiement doit aussi être inclus dans les calculs de réaménagements des effectifs (RÉ) en ce qui concerne l’indemnité de mise en disponibilité maximum qu’un employé excédentaire peut recevoir, dans le cadre de la politique sur le RÉ du Conseil.

[…]

[23] L’agent négociateur a reconnu que l’élimination de l’indemnité de départ pour départ volontaire et les améliorations connexes qui seront apportées à la convention collective ont été établies comme tendance dans les négociations dans l’ensemble de la fonction publique fédérale. Il a fait observer que l’article supplémentaire proposé par l’employeur en ce qui concerne les calculs relatifs au réaménagement des effectifs ne s’inscrivait pas dans cette tendance. L’agent négociateur a soutenu que cette proposition ne coïncidait pas avec ce qui avait été convenu pour le groupe TO ni aux conventions collectives du noyau de la fonction publique et qu’elle était manifestement injuste et complètement injustifiée. L’agent négociateur a soutenu que l’employeur cherchait à obtenir une concession extraordinaire à l’arbitrage et qu’un conseil d’arbitrage n’est pas la tribune adéquate pour obtenir un tel changement […]

[24] L’employeur a soutenu que cette formulation n’était pas incluse dans la convention collective des TO car le conseil d’arbitrage avait déterminé que la proposition avait été présentée tardivement et qu’elle ne faisait pas partie du mandat établi par le Président de la CRTFP. L’employeur a aussi soutenu que les précisions qu’il cherchait à faire apporter n’étaient pas requises dans les conventions applicables au noyau de la fonction publique du fait que les dispositions sur le RE étaient différentes pour ces unités de négociation. Enfin, l’employeur a soutenu que le défaut d’inclure ces précisions pourrait se traduire par des employés rémunérés au-delà du plafond de 70 semaines prévu dans la Politique sur le réaménagement des effectifs.

[25] Le conseil d’arbitrage accepte la proposition de l’employeur en ce qui concerne l’élimination de l’indemnité de départ pour les départs volontaires, tel qu’indiqué à l’annexe 2 de chacun des mandats. De plus, il accepte les précisions proposées par l’employeur. L’intention de la Politique sur le réaménagement des effectifs est claire en ce qui a trait à la limite de 70 semaines de rémunération. Les précisions proposées par l’employeur sont conformes à cette intention et tiennent compte des indemnités de départ reçues.

[…]

155        Il est important que le conseil d’arbitrage soit arrivé à la conclusion que le libellé proposé par l’employeur était uniquement aux fins de clarification et qu’il était conforme à l’intention de la Politique sur le RE de limiter la rémunération à 70 semaines.

156        Les conventions collectives pour l’ensemble des autres unités de négociation contiennent ce libellé. Le libellé dans la convention collective AT est celui qui fait bande à part. Cependant, cela ne change pas la façon dont la convention collective devrait être interprétée. Le conseil d’arbitrage était une commission représentative tripartie composée de trois commissaires. Le représentant de l’agent négociateur n’avait pas une opinion dissidente.

157        Martin et Burzynski ne s’appliquent pas. La convention collective doit être appliquée en coordination avec la Politique sur le RE. Les prestations de départ font partie de cette politique. La raison pour laquelle la plupart des conventions collectives dans la fonction publique n’incluent pas la phrase en question est que leur indemnité de départ et leurs prestations de mise en disponibilité sont distinctes et n’ont pas de lien entre elles. Dans l’administration publique centrale, le libellé relatif à l’indemnité de départ se distingue entièrement de celui lié à la mise en disponibilité.

158        Au CNRC, la Politique sur le RE combine les versements liés au RE, comme un préavis de replacement et une indemnité de départ, et impose un paiement d’un maximum de 70 semaines. Ce libellé permet la réduction de la période de préavis concernant tout emploi continu de plus de 21 ans. Le but de la politique est assimilable à une mesure de soutien à la transition négociée dans la fonction publique afin de tenir compte de la courbe en cloche en vertu de laquelle les paiements augmenteraient jusqu’à atteindre un maximum de 52 semaines, pour diminuer après 30 années de service.

159        En guise de récapitulation, l’employeur considère que la phrase supplémentaire qu’il souhaitait ajouter à la clause 56.7.1 comme une clarification qui respecte l’article sur l’indemnité de départ et la Politique sur le RE. L’interprétation du libellé de la convention collective de la façon suggérée par l’AECR donnerait lieu à une augmentation de la rémunération pour un employé mis en disponibilité au-delà des 70 semaines prévues dans la politique, ce qui pourrait correspondre à une période supplémentaire aussi longue que 30 semaines, pour un total de 100 semaines. L’exemple de l’employé comptant 42 ans de service continu qui a reçu un paiement anticipé de 30 semaines équivaudrait à la conséquence de l’application de la clause selon l’AECR.

160        Dans le cadre de la fonction publique générale, il y a une obligation de veiller à ce que les fonds publics soient gérés et utilisés de façon appropriée.

161        Dans l’exemple de l’employé comptant 42 années de service continu, l’adoption de la méthode de l’agent négociateur aurait un effet pervers. L’employé qui a reçu un paiement anticipé de 30 semaines d’indemnité de départ recevrait un total de 100 semaines de rémunération au moment de sa mise en disponibilité, alors qu’un employé comptant le même nombre d’années de service continu qui a décidé de reporter le versement des prestations de départ jusqu’à la cessation d’emploi, dans le cas présent une mise en disponibilité, recevrait une rémunération totale équivalant à 70 semaines.

162        La convention collective ne contient aucune expression claire de conférer un tel avantage financier.

3. Arguments en réplique de l’AECR

163        On a soutenu que la clause 4.1.5 de la section de définitions de la convention collective prévoit que les termes « service continu » et « emploi continu » ont le même sens. Ce n’est pas ce qu’elle prévoit. On y indique que les termes ont le même sens que dans les règles et règlements existants du CNRC.

164        L’employeur a soutenu que le montant global de l’indemnité de départ doit être compris au moment de déterminer l’indemnité de départ lors de la mise en disponibilité visée à l’art. 3.6.13.1 de la Politique sur le RE. L’expression [traduction] « montant global » ne figure pas dans la convention collective ou dans la Politique sur le RE.

165        On a fait valoir que, dans son calcul, l’AECR souhaite ignorer le fait que les sommes antérieures reçues au titre d’une indemnité de départ ont une incidence sur la période de préavis. La question ne porte pas sur ce que souhaite l’AECR, mais plutôt sur ce qui est indiqué dans la convention collective.

166        On a soutenu que l’AECR souhaite cumuler les indemnités. Ce n’est pas sa position. Il est indiqué clairement dans la convention collective qu’il ne peut y avoir aucun cumul à l’égard des indemnités de départ.

167        On a également fait valoir que cela n’a aucun sens qu’une personne comptant 42 années de service ne reçoive que 15 semaines d’indemnité de départ au moment de sa mise en disponibilité. La raison qui a du sens est que l’employé a déjà reçu une indemnité de départ de 30 semaines.

168        On a fait valoir que l’AECR tente de tirer profit d’une formalité. Le fait que les mots de clarification ne figurent pas dans la convention collective AT n’est pas une formalité. Le libellé ne figure pas dans la convention collective.

169        On a fait valoir que le CNRC se conduit de cette façon, car il souhaite l’équité et l’uniformité pour l’ensemble de ses employés. Il existe 10 unités de négociation distinctes. Les conditions d’emploi diffèrent entre les différentes unités de négociation. Il n’y a aucune raison pour laquelle les règles concernant les prestations liées au RE ne peuvent pas différer entre différentes conventions collectives, plus particulièrement dans le présent cas, car le libellé de la convention collective est différent.

170        On a soutenu que le but des prestations de mise en disponibilité liées au RE consiste à créer une courbe en cloche similaire à celle dans l’administration publique centrale. C’est tout simplement inexact. La Politique sur le RE prévoit une augmentation constante des prestations jusqu’à ce qu’elles atteignent 70 semaines, point à partir duquel elles cessent d’augmenter.

171        En ce qui concerne le principe de l’interprétation de la convention collective, qui prévoit que le libellé confère un avantage financier doit être clair, l’AECR a indiqué qu’elle ne connaissait pas les cas appuyant ce principe. Wallis stipule autrement. Elle n’exige pas la catégorisation des prestations en tant que prestations financières ou non financières et l’application de règles d’interprétation différentes.

IV. Motifs de décision

A. Contexte

172        Le contexte factuel n’est pas en litige. Comme on l’a indiqué, avant le 15 janvier 2013, on versait aux employés du CNRC comptant plus de 10 années de service une indemnité de départ de 0,5 semaine par année de service, jusqu’à concurrence de 26 années de service s’ils démissionnaient de leur emploi, ou d’une semaine de rémunération par année de service, jusqu’à concurrence de 30 semaines de rémunération, s’ils étaient admissibles à la retraite et ont pris leur retraite.

173        Depuis le 15 janvier 2013, les dispositions traitant de l’indemnité de départ pour les départs volontaires ont été supprimées de la convention collective, en échange de quoi on a donné aux employés la possibilité d’encaisser leur indemnité accumulée à raison d’une semaine par année de service, jusqu’à concurrence de 30 semaines en fonction de leur taux de rémunération actuel ou, s’ils attendaient jusqu’à leur retraite ou mise en disponibilité, en fonction de leur taux de rémunération à ce moment.

174        La convention collective établit un droit à des prestations de mise en disponibilité de même qu’une formule dans une telle éventualité.

175        La décision arbitrale prévoyait que les prestations de départ payables à un employé en vertu de l’article sur les mises en disponibilité devaient être réduites par toute période d’emploi continu à l’égard de laquelle l’employé avait déjà reçu une forme quelconque de prestations de cessation d’emploi, comme une indemnité de départ; et, plus particulièrement, les paiements effectués en vertu des dispositions d’encaissement devaient être considérés comme des prestations de cessation d’emploi.

176        La Politique sur le RE qui est intégrée à la convention collective établit les avantages pour les employés désignés comme excédentaires. Ces prestations comprennent une période de préavis de 20 semaines plus une semaine pour chaque année de service continu ou un paiement forfaitaire au lieu d’un préavis, une prestation de remplacement équivalant au montant le plus élevé entre 8 semaines de salaire ou 8 000 $, et une indemnité de départ lors de la mise en disponibilité, selon les modalités prévues à la convention collective pertinente.

177        La Politique sur le RE prévoit que le maximum du total des prestations de mise en disponibilité auxquelles un employé excédentaire a droit en vertu de la politique ne peut être supérieur à un montant correspond à 70 semaines de rémunération, auquel cas la période de préavis, qu’elle soit travaillée ou sous forme d’un paiement forfaitaire, doit être réduit afin de maintenir le maximum de 70 semaines.

178        L’AECR adopte la position selon laquelle le montant net de l’indemnité de départ versée lors de la mise en disponibilité après la déduction des paiements anticipés d’une indemnité de départ doit être utilisé dans le calcul du maximum de 70 semaines de rémunération.

179        La position de l’employeur est que les paiements déjà versés aux employés qui ont exercé leur option d’encaisser leur indemnité de départ de façon anticipée et qui ont été mis en disponibilité par la suite doivent être inclus dans le calcul du maximum de 70 semaines de rémunération.

180        Le fardeau de la preuve incombait bien entendu à l’agent négociateur d’établir une contravention de la convention collective. Lorsqu’un agent négociateur invoque un droit à un avantage monétaire, il lui incombe le fardeau de démontrer qu’il existe un libellé précis dans la convention collective qui impose une obligation à l’égard de l’employeur de payer l’avantage en question; voir Re Wire Rope Industries Ltd. and United Steelworkers, Local 3910 (1982), 4 L.A.C. (3d) 323 aux paragraphes 19 et 20. Voir également la discussion dans Palmer et Snyder, Collective Agreement Arbitration in Canada, cinquième édition, au paragraphe 19.40, où les auteurs stipulent que [traduction] « […] le principe a été établi que les arbitres de différends ne devraient pas imposer une obligation monétaire à un employeur qu’il n’avait pas l’obligation de payer, notamment lorsque l’obligation présumée repose sur un libellé douteux ou ambigu ».

181        Il est bien établi en droit que l’objectif de la Commission au moment d’interpréter une convention collective consiste à découvrir l’intention des parties à la convention relativement à la question en litige. Cette intention doit être déduite de l’instrument écrit, soit la convention collective. La fonction de la Commission consiste à déterminer ce que les parties voulaient dire en interprétant les mots qu’elles ont utilisés.

182        Les décideurs ont élaboré un certain nombre de règles d’interprétation en guise d’aides à l’interprétation des conventions collectives. Certaines d’entre elles me semblent utiles afin de régler les questions dans le présent cas.

183        La règle d’interprétation de base est que les mots clairs de la convention collective doivent avoir leur sens ordinaire. Dans Re: Massey-Harris Co. and U.A.W., Local 458  (1953), 4 L.A.C. 1579 à 1580, la règle a été exprimée de cette façon :

[Traduction]

[…] nous devons déterminer le sens de ce qui est écrit dans un paragraphe et appliquer l’intention des signataires à l’entente telle qu’exprimée. Si, à première vue, le paragraphe est logique et sans ambiguïté, nous devons appliquer son texte dans le sens apparent selon lequel il est utilisé, peu importe si le résultat peut être odieux pour un côté ou l’autre. Dans ce genre de cas, nous aurions tort de supposer qu’un certain effet autre que ce qui est indiqué dans le texte contenu était escompté ou d’ajouter des mots pour en arriver à un résultat différent.

184        Une autre règle bien établie est que toutes les conditions de la convention collective doivent être lues conjointement. Voir Re United Steelworkers, Local 5046 & Construction Aggregates Corp. (1958), 9 L.A.C.187 à 190.

185         Dans Ontario (Ministry of Children and Youth Services) v. Ontario Public Service Employees Union, 2010 ONSC 4006 (QL), la Cour divisionnaire de l’Ontario a appliqué l’orientation et les commentaires de la Cour suprême du Canada sur l’interprétation des contrats dans Consolidated-Bathurst c. Mutual Boiler and Machinery Insurance Co., [1980] 1 R.C.S. 888, aux conventions collectives négociées dans le contexte des relations de travail. À la page 11 de Consolidated-Bathurst, la Cour suprême du Canada a déclaré : « Lorsque des mots sont susceptibles de deux interprétations, la plus raisonnable, celle qui assure un résultat équitable, doit certainement être choisie comme l’interprétation qui traduit l’intention des parties. »

186        Les arbitres de différends et les arbitres de griefs ont déterminé qu’une convention collective doit être interprétée dans son ensemble et que l’on doit conférer à chaque mot un certain sens; c’est-à-dire, il s’agit d’une règle contre la redondance. Voir Re Int’l Brotherhood of Electrical Workers, Local 1589, and Philips Electronics Industries Ltd.(1965), 15 L.A.C. 455.

187        Les conventions collectives doivent être interprétées sans avoir recours à une preuve extrinsèque, à moins qu’elles soient ambiguës. Voir Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d’Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd., [1993] A.C.S. no 56 (QL) aux paragraphes 42 et 43, comme suit :

42 La règle générale interdisant l’utilisation d’une preuve extrinsèque pour interpréter des conventions collectives tire son origine de la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque en droit des contrats.  Cette règle découle de la volonté que les obligations contractuelles soient définitives et certaines. On présume généralement que, lorsque les parties mettent un accord par écrit, elles y incluent toutes les conditions et détails nécessaires et elles veulent que le contrat écrit renferme la totalité des conditions.  En outre, la règle est destinée à empêcher l’utilisation de négociations extrinsèques fabriquées ou douteuses pour attaquer des contrats écrits en bonne et due forme.

43 Il a toujours été fait exception à la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque lorsque le contrat écrit lui-même comporte une ambiguïté, auquel cas des éléments de preuve extrinsèques peuvent être admis pour clarifier le sens du terme ambigu (voir Leggatt c. Brown (1899), 30 O.R. 225 (Cour div.).)  Cependant, il est loin d’être facile de déterminer quand s’applique cette exception, car on ne sait même pas clairement ce qui peut être qualifié d’ambiguïté manifeste.  Dans certaines décisions, on a conclu qu’il ne suffit pas que différentes interprétations de l’accord soient soutenables (Re Milk & Bread Drivers , Local 647, and Silverwood Dairies Ltd. (1969), 20 L.A.C. 406) alors que, d’après d’autres décisions, le critère approprié est celui de l’absence d’un sens nettement prépondérant qui se dégage du texte et de l’économie de l’accord (Re Int’l Ass’n of Machinists, Local 1740, and John Bertram & Sons Co. (1967), 18 L.A.C. 362).  Il faut distinguer l’ambiguïté de l’inexactitude, du résultat inédit ou de la simple difficulté d’interprétation.  Il y a aussi la question de savoir si l’ambiguïté doit être manifeste pour justifier la production d’une preuve extrinsèque ou s’il suffit qu’il y ait une ambiguïté latente comportant l’application incertaine de mots par ailleurs non équivoques aux faits de l’affaire. Si une ambiguïté latente est jugée suffisante, il faut alors se demander en outre si une preuve extrinsèque peut être produite pour établir l’existence de l’ambiguïté […]

188        Après avoir examiné les canons de l’interprétation, je me pencherai sur le libellé de la convention collective et de la Politique sur le RE.

B. Dispositions pertinentes de la Politique sur le RE et de la convention collective

189        Par souci de commodité, j’ai reproduit les dispositions suivantes de la Politique sur le RE et de la convention collective qui sont pertinentes en vue de trancher ces griefs :

[…]

[De la Politique sur le RE]

3.6.13.1 Un employé que l’on a déterminé comme excédentaire a le droit de recevoir des indemnités de mise en disponibilité qui comprennent :

  • une période de préavis de 20 semaines plus une semaine pour chaque année d’emploi continu ou l’équivalent pour une année partielle;
  • une indemnité de replacement équivalente à 8 semaines de salaire ou à 8 000 $, le montant le plus élevé;
  • une indemnité de départ au moment de la mise en disponibilité selon les modalités prévues à la convention collective pertinente ou au régime de rémunération pertinent (pour les employés non représentés).

L’indemnité maximum qu’un employé excédentaire peut recevoir, dans le cadre de la présente politique, ne devra pas excéder 70 semaines […]

[…]

3.6.13.4 La période de préavis de l’employé, qu’elle soit travaillée, payée sous forme d’un paiement forfaitaire ou une combinaison des deux, sera réduite, si cela est nécessaire, afin de ne pas dépasser l’allocation des 70 semaines de salaire.

[…]

3.6.16 Indemnité de départ

3.6.16.1 Un employé recevra une indemnité de départ pour la mise en disponibilité suivant les modalités prévues à la convention collective pertinente ou au régime de rémunération pertinent (pour les employés non représentés).

[…]

[De la convention collective]

Article 55 : Politique sur le réaménagement des effectifs

55.1 La politique sur le réaménagement des effectifs du CNRC fait partie de la présente convention collective […]

Article 56 : Indemnité de départ

**À compter du 16 janvier 2013, les clauses 56.2 et 56.3 sont supprimées de la convention collective.

56.1 Licenciement (mise en disponibilité)

56.1.1 Si le Conseil vient à décider qu’il faut mettre en disponibilité un ou plusieurs employés, les parties conviennent qu’elles se consulteront avant la mise en application des procédures de mise en disponibilité.

56.1.2 Tout employé qui compte un (1) an ou plus d’emploi continu à son actif et qui est mis en disponibilité a droit à une indemnité de départ aussitôt que possible après la mise en disponibilité.

56.1.3 **Dans le cas de la première mise en disponibilité de l’employé, l’indemnité de départ est de deux (2) semaines de rémunération pour la première (1ième) année complète d’emploi continu; de trois (3) semaines de rémunération pour les employés justifiant d’au moins dix (10) ans, mais de moins de vingt (20) années d’emploi continu; et de quatre (4) semaines de rémunération pour les employés ayant vingt années ou plus d’emploi continu, plus une (1) semaine de rémunération pour chacune des années complètes de service suivantes et, dans le cas d’une année partielle d’emploi continu, une (1) semaine de rémunération multipliée par le nombre de jours d’emploi continu et divisée par trois cent soixante-cinq (365).

56.2 Démission

56.2.1 **Sous réserve de la clause 56.3, l’employé qui compte dix (10) ans ou plus d’emploi continu a droit, en cas de démission de son poste au Conseil, à une indemnité de départ égale à la moitié de sa rémunération hebdomadaire au moment de la date effective de sa démission, multipliée par le nombre d’années complètes de service continu jusqu’à un maximum de vingt-six (26) semaines.

56.3 Retraite

56.3.1 Au terme de son emploi, l’employé qui a droit à une pension à jouissance immédiate selon la Loi sur la pension de la Fonction publique, où quand il a droit à une allocation annuelle à jouissance immédiate aux termes de la Loi sur la pension de la Fonction publique[…] recevra une indemnité de départ à l’égard de la période complète d’emploi continu de l’employé, à raison d’une (1) semaine de rémunération pour chaque année complète d’emploi continu et, dans le cas d’une année partielle d’emploi continu, une (1) semaine de rémunération multipliée par le nombre de jours d’emploi continu et divisée par 365, jusqu’à concurrence de trente (30) semaines de rémunération.

56.7 Généralités

56.7.1 **L’indemnité de départ payable à un employé aux termes du présent article doit être réduite par toute période d’emploi continu pour laquelle l’employé a déjà reçu une forme quelconque d’indemnité de cessation d’emploi comme une indemnité de départ, un congé de retraite, un congé de réadaptation ou une gratification en espèces de la fonction publique, d’une société d’État fédérale, des Forces canadiennes ou de la Gendarmerie royale du Canada. En aucun cas, les indemnités de départ prévues à l’article 56 ne doivent être cumulées. Pour plus de précision, les paiements effectués en vertu des clauses 56.9 à 56.12 ou de dispositions similaires d’autres conventions collectives doivent être considérés comme des indemnités de cessation d’emploi dans le cadre de l’application de la présente clause.

[…]

56.9 Indemnité de départ

a.       **Sous réserve de la clause 56.7 ci-dessus, les employés nommés pour une période indéterminée le 16 janvier 2013 sont admissibles à recevoir une indemnité de départ équivalente à une (1) semaine de rémunération pour chaque année complète d’emploi continu et, dans le cas d’une année partielle d’emploi continu, une (1) semaine de rémunération multipliée par le nombre de jours d’emploi continu et divisée par trois cent soixante-cinq (365), jusqu’à concurrence de trente (30) semaines.

**Modalités de paiement

56.10 **Options

**La somme à laquelle a droit un employé doit être payée de l’une des façons suivantes, à la discrétion de l’employé :

a. **Un paiement unique au taux de rémunération du poste d’attache de l’employé en date du 16 janvier 2013, ou

b. **Un paiement unique au moment de la cessation d’emploi de l’employé au Conseil, fondé sur le taux de rémunération du poste d’attache à la date de la cessation d’emploi au Conseil, ou

c. **Une combinaison de a. et b., conformément à la clause 56.11c.

56.11 **Choix de l’option

a. **L’employeur informera l’employé du nombre de ses années d’emploi continu au plus tard trois (3) mois après la date officielle de signature de la convention collective.

b. **L’employé doit informer l’employeur de l’option des modalités de paiement qu’il choisit dans les six (6) mois suivant la date d’entrée en vigueur de la convention collective.

c. **L’employé qui choisit l’option décrite à la clause 56.10c. doit préciser le nombre de semaines complètes qui doivent être payées conformément à la clause 56.10a. et le reste à payer conformément à la clause 56.10b.

d. **L’employé qui n’a fait aucun choix en vertu de la clause 56.11b. sera réputé avoir choisi l’option 56.10b.

[…]

C. Analyse

190        La clause 3.6.13.1 de la Politique sur le RE, qui est intégrée dans la convention collective, donne droit aux employés qui sont désignés excédentaires de recevoir des prestations de mise en disponibilité, comme suit :

a) une période de préavis de 20 semaines plus une semaine pour chaque année d’emploi continu ou l’équivalent pour une année partielle [l’article 3.6.13.4 stipule que la période de préavis doit être travaillée, payée sous forme d’un paiement forfaitaire ou une combinaison des deux];

b) une indemnité de replacement équivalente à 8 semaines de salaire ou à 8 000 $, le montant le plus élevé;

c) une indemnité de départ au moment de la mise en disponibilité selon les modalités prévues à la convention collective pertinente […]

191        La Politique sur le RE prévoit que l’indemnité maximale à laquelle un employé excédentaire a droit en vertu de celle-ci ne peut être supérieure à un montant correspondant à 70 semaines de salaire. Dans l’éventualité où les prestations maximales sont supérieures au maximum de 70 semaines, alors la période de préavis, qu’elle s’agisse d’une période travaillée, sous forme d’un paiement forfaitaire ou une combinaison des deux, est réduite.

192        À la clause 3.6.16.1, la Politique sur le RE réitère qu’un employé doit recevoir une indemnité au moment de la mise en disponibilité conformément à la convention collective qui s’applique.

193        La clause 56.1.2 de la convention collective, sous le titre « Licenciement (mise en disponibilité) », prévoit qu’un employé qui compte une année de service continu ou plus et qui est mis en disponibilité a droit à une indemnité de départ aussitôt que possible après la mise en disponibilité. La clause 56.1.3 établit une formule pour calculer le montant de l’indemnité de départ lors de la mise en disponibilité, qui augmente avec le nombre d’années d’emploi continu.

194        La clause 56.7.1 prévoit que les prestations d’indemnité payables à un employé en vertu de celle-ci doit être réduite par toute période d’emploi continu à l’égard de laquelle l’employé a déjà reçu une forme quelconque de prestation de cessation d’emploi, ce qui comprend une indemnité de départ en vertu des clauses 56.9 à 56.12 de la convention collective, si l’employé a fait le choix de recevoir jusqu’à 30 semaines d’indemnité de départ accumulée.

195        La question précise présentée aux fins de règlement du présent cas est ce en quoi consiste « […] [l’]indemnité de départ au moment de la mise en disponibilité selon les modalités prévues à la convention collective pertinente […] » visée à la Politique sur le RE à la clause 3.6.13.1 aux fins du calcul de « [l’]indemnité maximum qu’un employé excédentaire peut recevoir […] » en vertu de la politique, qui ne peut être supérieur « […] à un montant correspondant à 70 semaines de rémunération ».

196        Pour illustrer de façon graphique la position des parties, je reproduis les deux exemples qui tiennent compte des différences dans les calculs de chaque partie pour les deux employés comptant 42 semaines de service continu qui ont été mis en disponibilité. Aux fins de précisions, j’ai inclus le calcul arithmétique détaillé qui n’a pas été inclus dans la pièce originale.

197        Un employé (A), a choisi de recevoir de façon anticipée, 30 semaines d’indemnité de départ en vertu de la clause 56.10 a. dans les six mois à compter de la date d’entrée en vigueur de la signature de la convention collective à son taux de rémunération en date du 16 janvier 2013. Il a été mis en disponibilité par la suite.

198        L’autre employé (B) a choisi de recevoir l’intégralité de son indemnité de départ au moment de sa cessation d’emploi, lorsqu’il a été mis en disponibilité, au taux de rémunération en date de sa cessation d’emploi en application de la clause 56.10 b.

Type de prestation Les parties sont en désaccord
Employé A
42 années de service
Paiement anticipé de l’indemnité de départ de 30 semaines avant la mise en disponibilité
  Version du CNRC Version de l’AECR
Période de préavis
(RE 3.6.13.1)
20 semaines + 1 semaine par année de service continu
20 + 42 = 62 semaines

62 semaines
Indemnité d’aide au replacement
(RE 3.6.13.1)
8 semaines 8 semaines
Indemnité de départ au moment de la mise en disponibilité (convention collective 56.1.3) 4 semaines pour la 1re année + 1 semaine pour chaque année successive = 45 semaines
indemnité de départ brute, y compris le versement anticipé
45 semaines réduites par le versement anticipé de 30 semaines =
15 semaines (nettes)
Total partiel 115 semaines 85 semaines
Maximum de 70 semaines
calculé par la réduction de la « période de préavis » (RE 3.6.13.1 et 3.6.13.4)
115 semaines - 70 semaines
= 45 semaines de plus que le maximum de 70 semaines
85 semaines - 70 semaines = 15 semaines de plus que la maximum de 70 semaines
Période de préavis révisée si le total partiel > 70 Période de préavis réduite afin de maintenir le maximum de 70 semaines 62 semaines (période de préavis) - 45 semaines de plus que 70
= 17 semaines
62 semaines - 15 semaines = 47 semaines
Total Rémunération totale de 70 semaines
Prestations de mise en disponibilité reçues lors de la cessation d’emploi 40 semaines
+ 30 semaines versées de façon anticipée = 70
Rémunération totale de 100 semaines
Prestations de mise en disponibilité reçues lors de la cessation d’emploi 70 semaines + 30 semaines versées de façon anticipée
Type de prestation Les parties sont d’accord
Employé B
42 années de service
Aucun paiement anticipé avant la mise en disponibilité
Période de préavis
(RE 3.6.13.1)
20 semaines + 1 semaine par année de service continu
20 + 42 = 62 semaines
Indemnité d’aide au replacement
(RE 3.6.13.1)
8 semaines
Indemnité de départ au moment de la mise en disponibilité (convention collective 56.1.3) 4 semaines pour la 1re année + 1 semaine pour chaque année successive = 45 semaines
45 semaines
Total partiel 115 semaines
Maximum de 70 semaines calculé par la réduction de la « période de préavis » (RE 3.6.13.1 et 3.6.13.4) 115 semaines - 70 semaines = 45 semaines
Supérieur au maximum de 70 semaines
Période de préavis révisée si le total partiel > 70 Période de préavis réduite afin de maintenir le maximum de 70 semaines 62 semaines - 45 semaines = 17 semaines
Total Rémunération totale de 70 semaines

L’agent négociateur soutient que l’indemnité de départ au moment de la mise en disponibilité correspond à l’indemnité de départ nette versée à l’employé après avoir déduit l’indemnité de départ versée de façon anticipée, alors que l’employeur soutient qu’elle correspond au montant brut de l’indemnité de départ comprenant le montant de l’indemnité de départ anticipé.

          La convention collective

199        La clause 56.1, sous le titre « Licenciement (mise en disponibilité) », prévoit qu’un employé qui est mis en disponibilité a droit de recevoir une indemnité de départ dès que possible après la mise en disponibilité. La clause 56.1.3 établit expressément une formule pour calculer l’indemnité de départ lors de la mise en disponibilité. Les mots clés utilisés dans la clause sont « […] l’indemnité de départ est de […] ». Après cela, il récite la formule. La Politique sur le RE renvoie expressément aux employés ayant droit à une indemnité de départ lors de la mise en disponibilité selon les modalités prévues à la convention collective pertinente.

200        La clause 56.7.1 stipule que l’indemnité de départ payable à un employé aux termes de l’article doit être réduite par toute période d’emploi continu pour laquelle l’employé a déjà reçu une forme quelconque d’indemnité de cessation d’emploi (je souligne).

201        En interprétant ce libellé dans son ensemble, je conclus que le syntagme « […] une indemnité de départ au moment de la mise en mise en disponibilité selon les modalités prévues à la convention collective pertinente […] » tel qu’il est utilisé dans la Politique sur le RE aux fins de calculer le maximum des prestations de mise en disponibilité auxquelles un employé excédentaire a droit est le montant qui « doit être » (obligatoire) calculé conformément à la formule établie à la clause 56.1.3, qui correspond au montant brut de l’indemnité de départ payable à un employé selon la formule.

202        À mon avis, ce libellé clair est renforcé par le libellé utilisé à la clause 56.7.1, qui stipule que « […] [l’]indemnité de départ payable à un employé aux termes du présent article doit être réduite par toute période d’emploi continu pour laquelle l’employé a déjà reçu une […] indemnité de cessation d’emploi […] ».

203         Manifestement, la convention collective établit une distinction entre les prestations de départ payables à un employé en vertu de l’article portant sur la mise en disponibilité et le montant net calculé après la réduction des montants précédemment versés au titre d’une indemnité de départ.

204        En outre, la clause 56.7.1 prévoit que l’indemnité de départ payable à un employé aux termes de l’article doit être réduite par toute période d’emploi continu pour laquelle l’employé a déjà reçu une forme quelconque d’indemnité de cessation d’emploi. Le libellé ne fait pas référence à une réduction des prestations de départ en vertu de la Politique sur le RE.

205        Qui plus est, si les termes d’une convention sont susceptibles de deux interprétations, la plus raisonnable, qui assurerait un résultat équitable, devrait être choisie comme l’interprétation qui traduit l’intention des parties.

206        L’exemple des deux employés avec un service continu similaire de plus ou moins 42 semaines est instructif. Dans celui-ci, la seule différence était qu’un employé a choisi de recevoir une indemnité de départ avant la cessation d’emploi et l’autre a choisi de la recevoir uniquement lors de la cessation d’emploi.

207        L’application de la Politique sur le RE et de la convention collective par l’AECR ferait en sorte qu’un employé qui a choisi de recevoir des paiements au titre d’une indemnité de départ avant sa cessation d’emploi recevrait un total de 100 semaines de prestations de mise en disponibilité, alors que l’autre employé qui a choisi de recevoir une indemnité de départ lors de sa cessation d’emploi recevrait 70 semaines au titre des prestations de mise en disponibilité. Une telle application de la convention collective entraîne une distinction inéquitable entre des employés dans une situation analogue.

208        Je suis également d’avis que l’agent négociateur n’a pas réussi à signaler un libellé clair dans la convention collective qui justifiera de conférer cet avantage financier exceptionnel à quelques employés.

209        L’AECR a soutenu que je devrais adopter une approche d’équité salariale, de sorte que les montants déjà versés au titre d’une indemnité de départ soient déduits uniquement du total de l’indemnité de départ et non de la période de préavis établie dans la Politique sur le RE, qui est fondée sur le nombre d’années de service continu. Dans Martin, l’employeur a cherché à réduire l’indemnité de départ de l’employé à l’égard d’une mise en disponibilité réputée non pas par le montant qu’il avait précédemment reçu à titre d’indemnité de départ, mais par sa période d’emploi continu précédente.

210        Dans le présent cas, la Politique sur le RE établit qu’un employé qui est désigné comme excédentaire a droit à des prestations de mise en disponibilité, ce qui comprend une période de préavis de 20 semaines plus une semaine pour chaque année de service continu ou partie d’année de service continu. L’article 3.6.14.1 prévoit que si l’employé ne travaille pendant une partie ou l’intégralité de la période de préavis, un paiement forfaitaire équivalent à la rémunération régulière de l’employé pour la période de préavis qui n’a pas été travaillée sera versé.

211        Le présent cas ne présente pas le même problème conceptuel que dans Martin, dans laquelle l’ancienne CRTFP a éprouvé de la difficulté à soustraire une période de temps d’une somme d’argent. La Politique sur le RE prévoit la formule pour convertir une période de temps en somme d’argent et, à mon avis, elle ne pose aucune difficulté sur le plan mathématique en ce qui concerne le calcul du maximum des prestations lors de la mise en disponibilité si ce calcul comprend des montants versés précédemment au titre d’une indemnité de départ.

212        La clause 56.7.1 de la convention collective, sous le titre « Généralités », intègre expressément une règle contre le cumul des indemnités dans la convention collective. Comme il a été indiqué, le libellé est rédigé en ces termes : « En aucun cas, les indemnités de départ prévues à l’article 56 ne doivent être cumulées (je souligne) ».

213        Les décideurs ont élaboré une présomption contre le cumul des prestations. Cette présomption est réfutable. La présomption par exemple dans l’affaire classique suppose que les parties n’avaient pas l’intention, dans le libellé utilisé dans la convention collective, que les employés reçoivent plus d’une prime en plus de leur taux de rémunération régulier pour les mêmes heures de travail.

214        Les décideurs ont établi une distinction entre des primes qui avaient la même fin donnant lieu à la présomption et celles qui servaient des fins différentes et ne donnant pas lieu à la présomption. Voir Headwaters Health Care Centre v. Ontario Nurses’ Assn., [2004] O.L.A.A. No. 332 (QL).

215        Néanmoins, si une convention interdit expressément le cumul, les décideurs ont statué que la règle est plus qu’une présomption; voir Molson Breweries v. National Union of Public and General Employees, Local 325, [2002] O.L.A.A. No. 878 (QL).

216        L’agent négociateur a fait valoir que l’application de la clause 56.7.1 qui prévoit que l’indemnité de départ payable doit être réduite par une indemnité de départ déjà versée satisfait à la disposition interdisant le cumul des indemnités.

217        Cette interprétation donne lieu à une application très étroite de l’interdiction concernant le cumul des indemnités. Les parties ont convenu expressément à la clause 56.7.1 que l’indemnité de départ payable doit être réduite par toute indemnité de départ déjà versée. Conclure également que le même méfait fait l’objet de l’interdiction du cumul des indemnités ferait en sorte que la clause est redondante.

218        À mon avis, l’application privilégiée par l’agent négociateur des dispositions de la convention collective en question donne lieu à l’interdiction concernant le cumul des indemnités, qui est rédigée de façon générale par la phrase suivante : « En aucun cas, les indemnités de départ ne doivent être cumulées (je souligne) ».

219        En n’incluant pas l’indemnité de départ déjà versée aux employés visés par une mise en disponibilité au moment de calculer le maximum des prestations de mise en disponibilité, le montant de l’indemnité de départ payable serait artificiellement réduit, augmentant ainsi le montant payable au titre de la période de préavis.

220        Dans l’exemple de l’employé comptant 42 années de service continu qui a reçu un paiement anticipé de 30 semaines au titre d’une indemnité de départ, l’employé recevrait un total de 100 semaines de rémunération lors de la mise en disponibilité, ce qui correspondrait à 30 semaines de plus que le montant auquel il aurait droit en vertu de la Politique sur le RE. Le résultat est que l’employé reçoit deux paiements de 30 semaines de rémunération au titre du total des prestations de mise en disponibilité. J’ai de la difficulté à conclure qu’il ne s’agit pas du type de cumul interdit selon les modalités de la convention collective.

221        Aucune des parties n’a adopté la position selon laquelle la convention collective est ambiguë, les deux faisant valoir que leur interprétation des termes de la convention collective devait être privilégiée. La position de l’agent négociateur était qu’il n’y avait aucune ambiguïté dans la convention collective et que, si j’arrivais à la conclusion qu’il y avait une ambiguïté, celle-ci devrait être tranchée en sa faveur en faisant référence au libellé proposé par l’employeur pour cette unité de négociation et qui n’avait pas été accepté.

222        Comme il en a été question, les conventions collectives doivent être interprétées sans avoir recours à une preuve extrinsèque, à moins qu’elles soient ambiguës. À mon avis, la convention collective dans le présent cas n’est pas ambiguë. Cependant, ce qui est en litige, ce sont les arguments opposés quant à l’interprétation de la convention collective.

223        Néanmoins, l’agent négociateur a fait référence à la décision sur le mandat pour appuyer son interprétation de la convention collective. Étant donné que j’ai conclu que la convention collective n’est pas ambiguë, j’estime que cette décision est peu utile.

224        La question dont était saisi le président de la CRTFP consistait à déterminer si la proposition tardive de l’employeur pouvait être comprise dans le mandat du conseil d’arbitrage. Pour trancher cette question, le président devait déterminer si les parties avaient négocié la proposition tardive avant la demande d’arbitrage.

225        Le président est arrivé à la conclusion que la proposition tardive n’avait jamais fait l’objet d’une discussion avec l’agent négociateur avant qu’il présente une demande d’arbitrage, que la proposition constituait une condition d’emploi et que l’inclusion de la proposition dans le mandat du conseil d’arbitrage irait à l’encontre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. En aucun temps le président n’a cherché à interpréter la clause 56.7.1 de la convention collective proposée.

226        Pour ces motifs, je conclus que l’employeur n’a pas contrevenu à la convention collective et je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

227        Je rejette le grief de principe dans le dossier 569-09-147 ainsi que tous les griefs individuels (dossiers 566-09-9655 et 9616 à 9619) sur le bien-fondé.

Le 17 août 2016.

Traduction de la CRTEFP

David Olsen,
une formation de la Commission des relations
de travail et de l’emploi dans la fonction publique

Différences réelles entre les parties

Type de prestation Brian Allen
41,6 années de service
A encaissé 30 semaines
David Duncan
33,4 années de service
A encaissé 15 semaines
David O’Neil
27,3 années de service
A encaissé 12 semaines
M. J. Kanabus-Kaminska
28,3 années de service
A encaissé 5 semaines
Darwin Reed
32 années de service
A encaissé 30 semaines
  Version du
CNRC
Version
de l’AECR
Version
du CNRC
Version
de l’AECR
Version
du CNRC
Version
de l’AECR
Version
du CNRC
Version
de l’AECR
Version
du CNRC
Version de
l’AECR
Période de préavis
(RE 3.6.13.1)
62 semaines 62 semaines 53 semaines
*
54 semaines 48 semaines 48 semaines 48,7 semaines 49 semaines 52 semaines 52 semaines
Indemnité d’aide au replacement
(RE 3.6.13.1)
8 semaines 8 semaines 8 semaines 8 semaines 8 semaines 8 semaines 8 semaines 8 semaines 8 semaines 8 semaines
Indemnité de départ (convention collective 56.1.3) 44,6 semaines 14,6 semaines (nettes) 37,4 semaines* 21,4 semaines (nettes) 30,3 semaines 19,3 semaines (nettes) 31,3 semaines 26,3 semaines (nettes) 35 semaines 5 semaines (nettes)
Total partiel 114.6 84.6 98.4 83.4 86.3 75.3 88 83.3 95 65
Maximum de 70 semaines calculé par la réduction de la « période de préavis » (RE 3.6.13.1 et 3.6.13.4)                    
Période de préavis révisée si le total partiel > 70 Période de préavis moins (total partiel moins 70) 17,4 semaines
(62 - 44,6)
48,4 semaines
(62 - 14,6)
24,6 semaines
(62- 14,6)
40,6 semaines
(53 - 13,4)
31,7 semaines
(48 - 16,3)
42,7 semaines
(48 - 5,3)
30,7 semaines
(48,7 - 18)
35,7 semaines
(49 - 13,3)
57 semaines
(52 - 25)
52 semaines
(aucune réduction)
Total 70 semaines 70 semaines 70 semaines 70 semaines 70 semaines 70 semaines 70 semaines 70 semaines 70 semaines 70 semaines
Déduction de l’indemnité « volontaire »
(CNRC seulement)
(30 semaines) s.o. (15 semaines) s.o. (12 semaines) s.o. (5 semaines) s.o. (30 semaines) s.o.
Total définitif 40 semaines 70 semaines 55 semaines 70 semaines 58 semaines 70 semaines 65 semaines 70 semaines 40 semaines 65 semaines

*cela semble être une erreur technique, il manque une semaine au préavis, mais il y a une semaine de trop dans l’indemnité – toutefois, cela ne change rien en fin de compte

**on ignore pourquoi le CNRC a utilisé des semaines partielles pour le préavis dans ce cas uniquement – mais cela ne change rien en fin de compte

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