Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), a présenté un grief de principe en vertu de l’article 220 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2), qui souligne que [traduction] « les renseignements présentés dans ce Bulletin sont contraires à la convention collective pour le groupe Vérification, finances et sciences (tous les employés) » – l’IPFPC a demandé que soit rendue une ordonnance déclarant que l’Agence du revenu du Canada (ARC) a violé la clause 17.21 de la convention collective du groupe Vérification, finances et sciences (VFS), de même qu’une ordonnance exigeant de l’ARC qu’elle interprète, applique et administre cette convention collective en conformité avec la première ordonnance, de manière rétroactive à la date de signature – la Commission a estimé que le contexte dans lequel la clause 17.21 de la convention collective de 2012 a été modifiée par rapport à celle de 2009, était dans le but de retirer l’ancienne clause sur le congé de bénévolat et de la remplacer par un congé personnel – la Commission a conclu que la façon dont l’ARC a interprété la clause 17.21 de la convention collective de 2012 allait au-delà de l’interprétation de cette clause, ou du contexte de la convention collective dans son ensemble, ce qui est interdit; la Commission a aussi conclu que l’ARC avait violé la convention collective en n’accordant pas aux employés de l’unité de négociation du groupe VFS les 15 heures de congé pour raisons personnelles désignées, tel qu’il est prévu par la convention collective de 2012.  Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20160818
  • Dossier:  569-34-139
  • Référence:  2016 CRTEFP 77

Devant un arbitre de grief


ENTRE

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

agent négociateur

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada


Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l’arbitrage


Devant:
John G. Jaworski, arbitre de grief
Pour l’agent négociateur:
Simon Ferrand, Institut professionnel de la fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Magdalena Persoiu et Michel Girard, avocats
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 20 octobre 2014 et le 28 janvier 2016.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief de principe renvoyé à l’arbitrage

1        Le 13 septembre 2013, l’agent négociateur, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« IPFPC »), a présenté un grief de principe en vertu de l’article 220 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi ») indiquant ce qui suit :

[Traduction]

Le ou vers le 9 août 2012, les employés de l’Agence du revenu du Canada ont reçu une copie du bulletin de négociation collective 2012-001, signée par Pat Lacelle et envoyée par l’Agence du revenu du Canada à ses directeurs de la rémunération et à ses directeurs régionaux des RH (ci-joint). Ce Bulletin vise à préciser le libellé de la convention collective pour le groupe Vérification, finances et sciences (tous les employés), signée par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada et l’Agence du revenu du Canada le 10 juillet 2012.

Les renseignements figurant dans ce Bulletin contredisent les dispositions de la convention collective pour le groupe Vérification, finances et sciences (tous les employés).

2        Le « Bulletin de négociation collective no 2012-001 » (le « Bulletin 2012-001 ») précisait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La convention collective pour le groupe Vérification, finances et sciences (AFS) conclue entre l’Agence du revenu du Canada (ARC) et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) a été signée le 10 juillet 2012. Cette convention sera en vigueur pour une période de trois (3) ans, soit du 22 décembre 2011 au 21 décembre 2014.

[…]

Congé personnel ou congé de bénévolat (clauses 17.21 et 17.22)

Le congé de bénévolat pour les employés de l’IPFPC a été converti en un deuxième congé personnel et le congé de bénévolat (article 17.22) a été retiré de la convention collective. Seul le solde du congé de bénévolat à la date de la signature sera transféré dans la banque de congés personnels. Au cours des années suivantes, les employés de l’IPFPC auront droit à quinze (15) heures de congé personnel.

[…]

3        À titre de réparation, l’IPFPC a demandé une ordonnance déclarant que l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC » ou l’« employeur ») a violé la clause 17.21 de la convention collective du groupe Vérification, finances et sciences (« VFS »), et une ordonnance enjoignant l’ARC d’interpréter ou d’appliquer la convention collective de groupe VFS conformément à la première ordonnance, rétroactivement à la date de la signature.

4        Le 4 octobre 2013, l’ARC a rejeté le grief et, le 14 novembre 2013, l’agent négociateur l’a renvoyé à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») pour arbitrage.

5        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission »), qui remplace l’ancienne CRTFP et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 396 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, un arbitre saisi d’un grief avant le 1er novembre 2014 continue d’exercer ses pouvoirs prévus par la Loi dans sa version antérieure à la date d’entrée en vigueur.

6        L’audience a commencé le 20 octobre 2014. J’ai entendu les arguments sur la demande de l’employeur d’admettre une preuve extrinsèque relativement à la convention collective, ce à quoi s’est opposé l’agent négociateur. À l’appui de cet argument, Delios c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 133, une décision de la CRTEFP qui était alors en attente d’un contrôle judiciaire devant la Cour fédérale, est pertinente.J’ai ajourné l’audience du grief sur le fond en attendant ma décision sur les questions permettant la preuve extrinsèque et la procédure de contrôle judiciaire dans Delios.

7        Le 14 novembre 2014, la Cour fédérale a annulé la décision dans Delios. Cependant, l’agent négociateur a interjeté appel de cette décision devant la Cour d’appel fédérale. Cette dernière a accueilli l’appel, annulé la décision de la Cour fédérale, et rétabli la décision de la CRTFP (voir Delios c. Procureur général du Canada, 2015 CAF 117 (« Delios CAF »)).

8        L’audience a repris le 28 janvier 2016, et l’employeur a fait valoir que je devrais entendre la preuve contextuelle et en tenir compte.J’ai accepté d’entendre les témoins de l’employeur et j’ai différé ma décision quant au poids à accorder, s’il y a lieu, à la preuve contextuelle proposée.  

II. Résumé de la preuve

9        Le 6 novembre 2009, l’IPFPC et l’ARC ont signé une convention collective pour tous les employés de l’unité de négociation du groupe VFS (l’« unité de négociation ») qui expirait le 21 novembre 2011 (la « convention collective de 2009 »).

10        Aux clauses 17.21 et 17.22 de la convention collective de 2009, il était prévu que les employés de l’unité de négociation devaient, à chaque exercice, recevoir et utiliser un congé personnel de 7,5 heures et un congé de bénévolat de 7,5 heures. Ces clauses précisaient ce qui suit :

17.21 Congé personnel

  1. Sous réserve des nécessités du service déterminées par l’Employeur et sur préavis d’au moins cinq (5) jours ouvrables, l’employé se voit accorder, au cours de chaque année financière, sept virgule cinq (7,5) heures de congé payé pour des raisons de nature personnelle.
  2. Ce congé est pris à une date qui convient à la fois à l’employé et à l’Employeur. Cependant, l’employeur fait tout son possible pour accorder le congé à la date demandée par l’employé.

17.22 Congé de bénévolat

  1. Sous réserve des nécessités du service telles que déterminées par l’Employeur, l’employé se voit accorder, au cours de chaque année financière, sept virgule cinq (7,5) heures de congé payé pour travailler à titre de bénévole pour une organisation ou une activité communautaire ou de bienfaisance, autre que les activités liées à la Campagne de charité en milieu de travail du Gouvernement du Canada;
  2. Ce congé est pris à une date qui convient à la fois à l’employé et à l’Employeur. Cependant, l’Employeur fait tout son possible pour accorder le congé à la date demandée par l’employé.

11        Le 10 juillet 2012, l’IPFPC et l’ARC ont signé une nouvelle convention collective pour tous les employés de l’unité de négociation du groupe VFS, dont les dispositions sont entrées en vigueur le 10 juillet 2012 et ont expiré le 21 décembre 2014 (la « convention collective de 2012 »).

12        Les clauses 17.21 et 17.22 de la convention collective de 2012 sont différentes de celles de la convention collective de 2009.La clause 17.21 de la convention collective 2012 s’intitulait toujours « Congé personnel »; toutefois, la clause 17.22 ne s’intitulait plus « Congé de bénévolat », et portait dorénavant sur le congé de soignant.La disposition sur le congé de bénévolat qui figurait dans la convention collective de 2009 avait été complètement retirée de la convention collective de 2012.  

13        La clause 17.21 de la convention collective de 2012 prévoyait ce qui suit :

17.21        Congé personnel

  1. Sous réserve des nécessités du service déterminées par l’Employeur et sur préavis d’au moins cinq (5) jours ouvrables, l’employé se voit accorder, au cours de chaque exercice financier, quinze (15) heures de congé payé pour des raisons de nature personnelle.
  2. Ce congé est pris à une date qui convient à la fois à l’employé et à l’Employeur. Cependant, l’Employeur fait tout son possible pour accorder le congé à la date demandée par l’employé.

14        La seule différence entre la clause 17.21 de la convention collective de 2009 et celle de la convention collective de 2012, est que l’expression « sept virgule cinq (7,5) heures » a été changée pour « quinze (15) heures ».

15        Dans la fonction publique fédérale, un exercice commence le 1er avril d’une année donnée, et se termine le 31 mars de l’année suivante.  

16        Avant la signature de la convention collective de 2012, l’agent négociateur a envoyé une note de service en date du 21 mars 2012, intitulée « Sommaire de l’entente de principe du groupe VFS » (la « note de service de mars de l’IPFPC »), qui a été affichée dans son site « InfoZone ».La partie pertinente de cette note de service précise ce qui suit : [traduction] « La conversion du Congé de bénévolat en Congé personnel augmente la durée du congé personnel à 15 heures et élimine le congé de bénévolat que beaucoup de membres avaient de la difficulté à utiliser » [le passage en évidence l’est dans l’original].

17        La note de service de mars de l’IPFPC a été jointe au grief.

18        Le 9 août 2012, l’ARC a publié le Bulletin 2012-001.  

19        Todd Burke était, au moment de son témoignage, le négociateur en chef pour l’ARC.Il occupe ce poste depuis 2009. Ses fonctions et responsabilités en tant que négociateur en chef consistent à superviser et à négocier deux conventions collectives pour environ 40 000 employés syndiqués de l’ARC, dont environ 12 000 sont des membres de l’unité de négociation du groupe VFS.

20        M. Burke a fait valoir que la convention provisoire qui est devenue la convention collective de 2012 a été signée en mars 2012. Au moyen de la preuve qu’il a présenté, il a également confirmé qu’il avait vu la note de service de mars de l’IPFPC affichée sur le site Web de l’IPFPC, avant la signature de la convention collective de 2012.

21        M. Burke a déclaré que les employés de l’unité de négociation du groupe VFS qui avaient demandé des heures du congé de bénévolat en vertu de la clause 17.22 de la convention collective de 2009, entre le 1er avril 2012 et le 10 juillet 2012, se sont vu accorder ce congé; toutefois, ils étaient limités à seulement 7,5 heures de congé personnel pour le reste de l’exercice 2012-2013, plutôt que d’avoir droit aux 15 heures prévues à la clause 17.21 de la convention collective de 2012.  

22        M. Burke a déclaré que les membres de l’unité de négociation du groupe VFS ont présenté entre 2 100 et 2 150 griefs pour réclamer 7,5 heures supplémentaires de congé personnel.Ils avaient déjà utilisé leurs heures relatives au congé de bénévolat en vertu de la clause 17.22 de la convention collective de 2009, entre le 1er avril 2012 et le 10 juillet 2012, et ils demandaient 15 heures de congé personnel qu’ils auraient pris au cours de l’exercice 2012-2013, en plus des 7,5 heures de congé de bénévolat.

23        M. Burke a déclaré que le coût de ces griefs, s’ils étaient payés, serait d’environ 700 000 $, en fonction du salaire quotidien moyen de 340 $ par employé.  

24        M. Burke a confirmé en contre-interrogatoire que les seules restrictions prévues à la clause 17.21 de la convention collective de 2012 en ce qui concerne l’utilisation des 15 heures du congé personnel, sont les nécessités du service et le fait que les employés qui souhaitent prendre le congé doivent donner à l’ARC un préavis d’au moins cinq jours ouvrables.  

III.Résumé de l’argumentation

A. Demande d’admission de la preuve extrinsèque

A. Pour l’agent négociateur

25        Entre le 1er avril 2012 et le 10 juillet 2012, certains employés de l’unité de négociation du groupe VFS ont demandé et obtenu des heures de congé de bénévolat en vertu de la clause 17.22 de la convention collective de 2009.Durant cette période, les dispositions en matière de gel prévu par l’art. 107 de la Loi étaient en vigueur.

26        Le Bulletin 2012-001 a tenté de restreindre l’utilisation des 15 heures de congé personnel en vertu de la clause 17.21 de la convention collective de 2012, en limitant le congé personnel à seulement 7,5 heures si un membre de l’unité de négociation du groupe VFS avait pris des heures de congé de bénévolat en vertu de la clause 17.22 de la convention collective de 2009, entre le 1er avril 2012 et le 10 juillet 2012.

27        L’ARC souhaite déposer une preuve extrinsèque dans le but de démontrer qu’il existait un accord consensuel de limiter l’octroi des 15 heures de congé personnel si un employé avait pris des heures de congé de bénévolat en vertu de la clause 17.22 de la convention collective de 2009, entre le 1er avril 2012 et le 10 juillet 2012.

28        Le Bulletin 2012-001 représente l’intention subjective de l’ARC.Les parties n’y ont jamais consenti.

29        La règle générale de l’interprétation des contrats consiste à employer le sens ordinaire des mots et à appliquer ce sens.L’examen de la convention collective de 2012 démontre que rien n’indique que les parties ont abordé cet écart entre le 1er avril et le 10 juillet 2012.  

30        L’agent négociateur m’a renvoyé au paragraphe 3:4400 de Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 3e éd., qui précise ce qui suit :

[Traduction]

Un témoignage oral ou une preuve extrinsèque, présenté de vive voix ou au moyen de documents, est une preuve extérieure, ou distincte, du document écrit visé par l’interprétation et le champ d’application d’un organe de décision. Même s’il existe de nombreuses exceptions, la règle générale en common law est que la preuve extrinsèque ne peut pas être admise pour contredire ou modifier la convention collective écrite, y ajouter des modalités ou en retirer. Si la convention collective est ambiguë, cependant, une telle preuve est admissible pour faciliter l’interprétation de la convention afin d’en expliquer l’ambiguïté, et non pour modifier les termes de la convention. Les deux formes les plus courantes d’une telle preuve dans les cas d’arbitrage en matière de relations de travail sont l’historique des négociations entre les parties qui ont mené à la convention collective et les pratiques antérieures et postérieures à la conclusion de la convention. En plus de son utilisation pour faciliter l’interprétation d’une convention collective ou d’une entente de règlement, ou pour établir une préclusion, elle peut être déposée au soutien d’une demande de rectification. Toutefois, cette preuve, pour qu’elle soit invoquée, doit être « consensuelle ». C’est-à-dire qu’il ne doit pas s’agir du « souhait unilatéral » de l’une des parties. Elle ne doit pas être non plus aussi vague et imprécise que la convention écrite elle-même.

31        L’article 229 de la Loi précise que la décision d’un arbitre de grief ou de la Commission ne peut avoir pour effet d’exiger la modification d’une convention collective.  

32        La preuve extrinsèque ne peut que contredire le libellé de la convention collective de 2012, qui précise plutôt clairement que les employés de l’unité de négociation du groupe VFS ont droit à 15 heures de congé personnel par exercice.

33        Dans Delios, une employée a obtenu son congé personnel en vertu de la convention collective régissant une unité de négociation (représentée par l’Alliance de la Fonction publique du Canada), mais s’est vu refuser le même congé personnel lorsqu’elle l’a demandé en vertu de la convention collective du groupe VFS en vigueur au cours de l’exercice 2007-2008. Le paragraphe 22 de Delios précise ce qui suit :

[22] […] dans les cas où les parties à la négociation collective ont convenu d’imposer une limite temporelle ou autre au droit à un congé prévu par une convention collective, elles l’ont fait explicitement. Comme ce n’est pas ce qu’ont fait les parties en ce qui concerne la clause 17.21 de la convention collective, je n’ai aucun motif d’aller au-delà du sens ordinaire dont les parties ont convenu dans cette clause. Aucun fondement solide n’est ressorti de la convention collective et encore moins dans le préambule de la convention collective, comme l’a fait valoir l’employeur, qui me convaincrait d’en venir à une autre conclusion. De même, je ne peux interpréter cette disposition comme si elle renfermait une limite implicite qui aurait le même effet que les clauses citées précédemment.

34        Le sens ordinaire de la convention collective de 2012 tient compte l’intention des parties; il n’est pas nécessaire de recourir à une preuve extrinsèque.

35        L’agent négociateur m’a renvoyé à Canadian Labour Arbitration, au paragraphe 4:2100, qui précise ce qui suit :

[Traduction]

On a souvent dit que l’objet fondamental de l’interprétation des termes d’une convention collective consiste à découvrir l’intention des parties qui y ont consenti. […]

[…]

Cependant, l’intention doit être déduite de l’instrument écrit. Le rôle de la Cour consiste à déterminer ce que les parties voulaient dire par les mots qu’elles ont employés; à déclarer le sens de ce qui est écrit dans l’instrument, non de ce qui était censé y avoir été écrit; de donner effet à l’intention exprimée, le sens exprimé étant, aux fins de l’interprétation, équivalent à l’intention.

En conséquence, pour établir l’intention des parties, la présomption cruciale est que les parties sont censées avoir voulu dire ce qu’elles ont dit et que le sens d’une disposition de la convention collective doit être cherché dans ses dispositions exprès.

36        Le libellé doit être interprété ainsi qu’il a été écrit, à moins que cette approche n’entraîne une absurdité.Il faut donner effet au sens, même s’il semble injuste.Il n’y a aucune incohérence dans la clause 17.21 de la convention collective de 2012.

37        L’agent négociateur m’a renvoyé aux clauses 15.07c) et d) de la convention collective de 2012, entre lesquelles les parties ont inséré une disposition transitoire.

38        Les deux parties savaient qu’un gel prévu par la loi était en vigueur au moment où les employés du groupe VFS demandaient, et se sont vus accorder, les heures de congé de bénévolat en vertu de la clause 17.22 de la convention collective de 2009.Les deux parties savaient que l’exercice de l’employeur commence le 1er avril d’une année donnée.Si l’ARC souhaitait limiter l’utilisation des heures du congé de bénévolat en vertu de la clause 17.22 de la convention collective de 2009 ou l’octroi des 15 heures du congé personnel dans la convention collective de 2012, elle aurait dû faire des démarches pour l’intégrer dans la convention collective de 2012.

39        Les employés du groupe VFS avaient le droit de demander et d’utiliser les heures de congé de bénévolat en vertu de la clause 17.22 de la convention collective de 2009.L’employeur ou l’IPFPC ne pouvait dire à un employé du groupe VFS de ne pas demander et de prendre ce congé; cela aurait contrevenu à la disposition en matière de gel prévu par la loi.

40        L’agent négociateur m’a également renvoyé à Taticek c. Agence des services frontaliers du Canada, 2014 CF 281, qui établit la règle générale en ce qui concerne l’interprétation des contrats (même s’il s’agit d’une entente de règlement) et qui précise ce qui suit aux paragraphes 58 à 61 :

58 Ainsi, même si la direction et le demandeur étaient fondés à exprimer leurs convictions respectives quant à ce que devait réaliser l’arrangement amiable, la preuve de l’intention subjective d’une partie est sans intérêt en l’occurrence. La Cour suprême du Canada s’était exprimée ainsi dans l’arrêt Eli Lilly, précité :

[54] […] L’intention des parties contractantes doit être déterminée en fonction des mots qu’elles ont employés en rédigeant le document, éventuellement interprétés à la lumière des circonstances du moment. La preuve de l’intention subjective d’une partie n’occupe aucune place indépendante dans cette décision.

59 La jurisprudence arbitrale en droit du travail montre aussi que la règle fondamentale d’interprétation des ententes écrites dans le contexte des relations de travail est la même que celle qui régit l’interprétation des lois ou des contrats. Plus précisément, il faut donner aux mots employés leur sens clair et ordinaire à moins qu’il n’en résulte une absurdité ou qu’il ne soit évident, d’après la structure d’une disposition ou de l’entente considérée dans sa globalité, que l’on songeait à un sens différent ou spécial. […]Le libellé d’un contrat puise son sens dans le contexte propre au contrat ainsi que dans l’intention des parties (arrêt Eli Lilly, précité).

60 Ainsi, selon moi, les conclusions présentées après coup par les parties à la décideuse concernant leurs intentions subjectives n’ont guère d’intérêt et n’auraient pas dû constituer l’unique fondement de la décision. La décideuse aurait dû plutôt fonder sa décision sur une interprétation des termes de l’arrangement amiable et sur le contexte dans lequel cet arrangement avait été conclu. Même si le libellé n’était pas clair, et si pour cette raison il était acceptable de s’appuyer sur une preuve extrinsèque, il n’y a, lorsque l’interprétation préconisée par une partie n’est a priori pas meilleure que celle préconisée par l’autre, aucune raison d’adopter tout simplement celle de la direction.

61 Par conséquent, selon moi, la présente affaire devrait être renvoyée parce que la décideuse a commis une erreur en fondant sa décision uniquement sur la manière dont la direction avait interprété l’arrangement amiable, une interprétation qui n’était pas suffisamment étayée par le dossier. En outre, s’agissant du pouvoir de la décideuse d’examiner les griefs, les motifs qu’elle expose ne rendent pas compte de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité qui doit s’attacher au processus décisionnel, et ils ne permettent pas à la Cour de dire si la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit […]  

41        L’agent négociateur m’a renvoyé à United Nurses of Alberta, Local 121-R. v. Calgary Regional Authority, [2000] A.G.A.A. No. 69 (QL) (« United Nurses »), qui précise ce qui suit aux paragraphes 24 et 25 :

[Traduction]

24 Nous sommes également d’avis que le pouvoir arbitral nécessite un libellé clair pour « priver les employés de tout droit découlant de la convention collective lorsqu’ils reçoivent des paiements de la WCB »[…]

25 La première observation que nous formulerions en ce qui concerne cette convention collective est qu’il n’y a aucune disposition explicite qui indique que les employés qui reçoivent des paiements en vertu de la clause 20.01 n’accumuleront pas de crédit de vacances en vertu de la clause 17.02. Dans cette convention collective, il y a des expressions claires d’une telle intention dans d’autres circonstances. Par exemple, la clause 19.09 prévoit que « les crédits de congé de maladie ne s’accumuleront pas pendant les périodes de maladie ou de blessure ». On peut ainsi soutenir que l’omission d’indiquer une telle intention claire et précise, compte tenu de la protection accordée aux travailleurs blessés à la clause 20.01, signifie qu’il n’y avait aucune intention de priver les travailleurs qui reçoivent des prestations d’indemnisation des accidents du travail de leurs congés annuels.

42        On m’a renvoyé à Klock c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 99. Dans cette affaire, un employé a demandé un congé de préretraite selon lequel, en guise de condition, l’employé devait compter au moins 30 années de service et avoir atteint l’âge de 55 ans pour être admissible.Le terme « service » n’était pas défini dans la convention collective et bien que l’employé comptait 30 années de service, ce dernier n’était pas continu ou n’ouvrait pas droit à pension.L’ARC a refusé le congé à l’employé et a invoqué ses bulletins d’interprétation internes.La CRTFP a rejeté l’interprétation de l’ARC, déclarant ce qui suit au paragraphe 23 :

[23] L’employeur a fait valoir également que sa position trouve appui sur l’interprétation de longue date qu’énoncent plusieurs bulletins publiés en 2000, 2001 et 2004. Ces bulletins peuvent être utiles aux gestionnaires de l’employeur en leur permettant d’assurer une interprétation uniforme de la convention collective, mais ils ne sont d’aucune utilité dans la présente affaire, car ils ne sont pas des documents négociés. L’interprétation qu’offrent ces bulletins n’est rien de plus que l’interprétation qu’avance une partie à la convention collective et, à cet égard, elle n’a pas plus de poids que l’interprétation donnée par l’autre partie.

43        L’agent négociateur a fait valoir que la situation dans Klock est très semblable à celle de la présente affaire. L’ARC tente de restreindre ou de limiter la prise du congé en fonction d’un libellé qui n’était pas défini dans la convention collective.

44        Dans Foote c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2009 CRTFP 142, la CRTFP a conclu que l’ajout de dispositions restrictives à une convention collective peut être risqué; de tels changements devraient être traités à la table de négociation.

45        L’agent négociateur m’a demandé de respecter l’approche établie dans General Spring Products Ltd. v. International Union, United Automobile, Aerospace and Agricultural Implement Workers of America, Local 1524 (1971), 23 L.A.C. 73, où l’arbitre de différends a conclu que la doctrine de l’acceptation de la preuve extrinsèque afin d’empêcher une partie de faire valoir un argument fondé sur le sens ordinaire des mots d’une convention collective devrait être appliquée avec la plus grande prudence.

2. Pour l’employeur

46        La convention collective de 2012 contient trois critères d’admissibilité auxquels l’IPFPC a renvoyé pour qu’un employé de l’unité de négociation du groupe VFS prenne un congé personnel : d’abord, le membre doit être un employé; deuxièmement, un avis d’au moins cinq (5) jours ouvrables est requis; et troisièmement, le congé doit être pris à une date qui convient mutuellement à l’employé et à l’employeur (sous réserve des nécessités du service). En réalité, il y a deux autres critères d’admissibilité : le congé ne doit pas être cumulatif (il vise uniquement l’exercice en cours) et il doit être d’un maximum de 15 heures.

47        Le libellé de la convention collective de 2012 laisse place à l’interprétation. Il est différent. L’interprétation de l’employeur est fondée sur chaque exercice et sur un maximum de 15 heures ou deux jours ouvrables.

48        L’agent négociateur a déclaré qu’il ne conteste pas le fait que les heures du congé de bénévolat en vertu de la clause 17.22 de la convention collective de 2009 ont été converties. Cela démontre l’intention des parties, soit qu’il convenait d’ajouter un jour de congé personnel.

49        L’employeur a fait valoir qu’il avait une entente avec l’agent négociateur à la table de négociation quant à la façon dont la nouvelle clause 17.21 de la convention collective de 2012 serait mise en œuvre et, après la signature de la convention collective de 2012, l’agent négociateur a dit [traduction] « Non ».

50        La preuve extrinsèque est permise pour divulguer la véritable intention des parties.

51        En ce qui concerne United Nurses et Foote, le libellé doit prévoir clairement qu’il prive une partie d’un droit. Il n’existe pas de libellé clair en l’espèce.

52        Dans Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55, au paragraphe 27, on indique ce qui suit : « Tout d’abord, un avantage qui comporte un coût financier pour l’employeur, doit avoir été clairement et expressément stipulé dans la convention collective […] »

53        En vertu de l’article 229 de la Loi, ni un arbitre de grief ni la Commission ne peut rendre une décision ayant pour effet d’exiger la modification d’une convention collective. L’agent négociateur demande à la Commission de modifier la convention collective en accordant un jour de congé supplémentaire.

54        L’employeur m’a également renvoyé au paragraphe 11 de Wamboldt, déclarant que les faits de cette affaire sont semblables à ceux en l’espèce. Ce paragraphe précise ce qui suit :

[11] Or, au contraire, la clause 14.06a) de la convention collective est large et aucune restriction n’y est prescrite. Les seules considérations dont il y a lieu de tenir compte en accordant un tel congé sont les suivantes :

a.  les nécessités du service de l’employeur;

b.  l’employé est une partie à un arbitrage;

c.  il est prévu qu’une audience d’arbitrage aura lieu.

55        L’employeur a également renvoyé à Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112; Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 30 v. Irving Pulp & Paper Limited, 2002 NBCA 30; Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2011 CRTFP 46 (« IPFPC 2011 »); Stevens c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel), 2004 CRTFP 34.

B. Violation de la convention collective

1. Pour l’agent négociateur

56        La convention collective de 2012 a été signée le 10 juillet 2012 et elle a expiré le 21 décembre 2014. La clause 47.02 prévoit que ses dispositions entrent en vigueur à la date de la signature; par conséquent, la clause 17.21 de la convention collective de 2012 est entrée en vigueur le jour de la signature. Ainsi, à compter de ce jour, les membres de l’unité de négociation du groupe VFS assujettis à la convention collective de 2012 avaient droit à 15 heures de congé personnel.

57        Même si ces membres avaient droit à 15 heures du congé personnel, le 9 août 2012, l’ARC a publié le Bulletin 2012-001, qui limitait le congé personnel au cours de l’exercice 2012-2013 à seulement 7,5 heures si un membre de l’unité de négociation du groupe VFS avait déjà utilisé les heures du congé de bénévolat en vertu de la clause 17.22 de la convention collective de 2009, entre le 1er avril 2012 et le 10 juillet 2012. L’ARC était d’avis que ces membres de l’unité de négociation qui avait pris des heures du congé de bénévolat en vertu de la clause 17.22 de la convention collective de 2009, entre le 1er avril 2012 et le 10 juillet 2012, ne pouvaient pas prendre les 7,5 heures [traduction] « supplémentaires ». Le Bulletin 2012-001 contredit clairement les dispositions de la convention collective de 2012.

58        Au paragraphe 54 d’Eli Lilly & Co. c. Novopharm Ltd., [1998] 2 R.C.S. 129, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit :

54  Le juge de première instance semble avoir considéré que, d’après l’arrêt Consolidated Bathurst, l’interprétation du contrat devrait viser en définitive à vérifier l’intention véritable des parties au moment de conclure le contrat et que, ce faisant, le juge des faits peut admettre des éléments de preuve extrinsèques concernant les intentions subjectives des parties à ce moment-là. À mon avis, cela n’est pas tout à fait exact. L’intention des parties contractantes doit être déterminée en fonction des mots qu’elles ont employés en rédigeant le document, éventuellement interprétés à la lumière des circonstances du moment. La preuve de l’intention subjective d’une partie n’occupe aucune place indépendante dans cette décision.    

59        Lorsqu’elle a négocié et conclu la convention collective de 2012, l’ARC pouvait avoir à l’esprit que, si un employé du groupe VFS avait pris un congé de bénévolat en vertu de la convention collective de 2009, il ne recevrait pas les 15 heures du congé personnel en vertu de la convention collective de 2012. Toutefois, interpréter ainsi la clause 17.21 de la convention collective de 2012 serait contraire à la loi.

60        L’agent négociateur m’a renvoyé à Foote, où l’arbitre de grief, au paragraphe 26, a cité la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick dans Irving Pulp & Paper Ltd. ainsi :

[…]

[…] Il est reconnu que la tâche d’interpréter une convention collective n’est pas différente de celle des autres arbitres de grief appelés à interpréter des lois ou des contrats privés : voir D.J.M. Brown & D.M. Beatty, Canadian Labour Arbitration, (3rd Ed.), broché (Aurora, Ont.) : Canada Law Book, Inc., 2001) pp. 4-35. Dans le contexte contractuel, on commence par la proposition que l’objet fondamental de la démarche d’interprétation consiste à déterminer l’intention des parties. On suppose alors que les parties sont censées avoir voulu dire ce qu’elles ont dit et que le sens d’une disposition d’une convention collective doit d’abord être cherché dans ses dispositions expresses. En cherchant l’intention des parties, les auteurs déclarent que les arbitres ont généralement supposé que la disposition en question devrait être interprétée dans son sens normal ou ordinaire à moins que cette interprétation n’aboutisse à une absurdité ou à une incompatibilité avec les autres dispositions de la convention collective : voir Canadian Labour Arbitration, aux pp. 4-38. Bref, il faut donner aux mots d’une convention collective leur sens ordinaire normal à moins d’avoir une raison valable d’en adopter un autre. De même, les mots doivent être interprétés dans leur contexte immédiat et dans le contexte de la convention prise dans son ensemble. Autrement, l’interprétation basée sur le sens normal pourrait être incompatible avec une autre disposition.

[…]

61        Foote fait référence à la proposition établie à l’article 229 de la Loi, qui précise que la décision d’un arbitre de grief ou de la Commission ne peut avoir pour effet d’exiger la modification d’une convention collective. Il n’y a aucune raison d’intervenir, même s’il semble injuste que certains membres de l’unité de négociation du groupe VFS ont reçu l’équivalent de trois jours de congé personnel et de congé de bénévolat au cours de l’exercice 2012-2013, et que d’autres n’ont reçu que deux jours. Très franchement, il est plus injuste de punir ceux qui ont réellement consacré leurs heures de congé de bénévolat à une cause de bienfaisance.

62        Un arbitre de grief ne peut modifier la convention collective de 2012 afin d’ajouter une restriction à la clause 17.21 au motif que certains membres de l’unité de négociation du groupe VFS ont pris des heures du congé de bénévolat en vertu de la clause 17.22 de la convention collective de 2009, entre le 1er avril 2012 et le 10 juillet 2012. L’agent négociateur m’a renvoyé à Delios, de la CAF, qui a confirmé la décision de la Commission dans Delios.

63        Lorsque les parties souhaitent limiter le droit à un congé, elles le font par écrit. En réalité, la clause 17.21 contient deux restrictions. Tout d’abord, le congé doit être accordé ou refusé en fonction des nécessités du service et, en deuxième lieu, le membre de l’unité de négociation du groupe VFS doit donner un préavis d’au moins cinq jours ouvrables. L’ARC peut refuser le congé demandé en fonction des nécessités du service ou si l’avis minimal de cinq jours n’a pas été donné. Dans Delios, au paragraphe 19, la CRTFP a abordé les questions des restrictions imposées aux dispositions relatives aux congés, déclarant ce qui suit :

[19] […] dans les cas où les parties entendaient limiter le cumul des droits à des congés en vertu de la convention collective, elles l’ont fait assez explicitement. À titre d’exemple, la clause 14.08 de la convention collective illustre une telle approche :

14.08 L’employé n’acquiert aucun crédit de congés en vertu de la présente convention collective au cours d’un mois à l’égard duquel un congé a déjà été porté à son crédit en vertu des conditions d’une autre convention collective à laquelle l’Employeur est partie, ou en vertu des autres règles ou règlements édictés par l’Employeur.

[Je souligne]

64        Le paragraphe 22 de Delios précise ce qui suit :

[22] […] dans les cas où les parties à la négociation collective ont convenu d’imposer une limite temporelle ou autre au droit à un congé prévu par une convention collective, elles l’ont fait explicitement. Comme ce n’est pas ce qu’ont fait les parties en ce qui concerne la clause 17.21 de la convention collective, je n’ai aucun motif d’aller au-delà du sens ordinaire dont les parties ont convenu dans cette clause. Aucun fondement solide n’est ressorti de la convention collective et encore moins dans le préambule de la convention collective, comme l’a fait valoir l’employeur, qui me convaincrait d’en venir à une autre conclusion. De même, je ne peux interpréter cette disposition comme si elle renfermait une limite implicite qui aurait le même effet que les clauses citées précédemment.

65        L’agent négociateur m’a renvoyé aux clauses 15.07c) et d) de la convention collective de 2012, qui sont des exemples de la façon dont les parties ont abordé les situations concernant des congés pour lesquelles des dispositions provisoires sont requises et traitées. Ces clauses précisent ce qui suit :

15.07        Report et/ou épuisement des congés annuels

[…]

c) Nonobstant l’alinéa 15.07a) ci-dessus et sujet de l’alinéa 15.07d), si à la date de signature de cette convention collective ou à la date où devient assujetti un employé à cette dernière, un employé a accumulé plus de deux cent soixante-deux virgule cinq (262,5) heures de crédits de congés annuels non-utilisés et acquis antérieurement, un minimum de soixante-quinze (75) heures seront accordés, mis à l’horaire par consentement mutuel ou bien payés en argent le 31 mars de chaque année, ceci débutant le 31 mars 2001, jusqu’à ce que tous les crédits des congés annuels en sus de deux cent soixante-deux virgule cinq (262,5) heures aient été épuisés. Le paiement est effectué une (1) fois par année et est calculé en utilisant le taux horaire de la classification de l’employé stipulé dans son certificat de nomination à son poste d’attache en date du 31 mars de l’année de congé en cours.

L’alinéa 15.07d) s’applique aux employés classifiés AU et MG-AFS (AU) (tel qu’indiqué à l’annexe E) qui ont un solde de crédits de congés annuels accumulés, mais inutilisés dépassant deux cent soixante-deux virgule cinq (262,5) heures à la date de la signature de la présente convention collective seulement.

d) Les employés qui ont un solde de crédits de congés annuels accumulés, mais inutilisés dépassant deux cent soixante-deux virgule cinq (262,5) heures verront ces heures placées dans une banque de crédits de congés annuels distincte en vue d’être utilisées, liquidées, sous réserve des nécessités du service, sur demande de l’employé et avec l’accord de l’Employeur. Avant la cessation d’emploi ou le départ à la retraite, un employé peut liquider jusqu’à un tiers (1/3) de sa banque de congés annuels distincte au cours de chaque exercice financier. Ces crédits de congés annuels liquidés seront payés au taux de rémunération horaire de l’employé, calculé selon la classification indiquée sur son certificat de nomination à son poste d’attache à la date de la demande. Cette demande ne peut être refusée sans motif valable.

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

66        L’agent négociateur m’a également renvoyé à la clause 15.17 de la convention collective de 2012, qui remplace l’ancienne disposition relative au congé de mariage, qui a été convertie en une clause de congé unique de cinq jours. Elle contenait également des dispositions transitoires. La clause 15.17 est ainsi rédigée :

15.17

a)       L’employé a droit une seule fois à un crédit de trente-sept virgule cinq (37,5) heures de congé annuel payé le premier jour du mois suivant l’anniversaire de sa deuxième (2e) année de service, comme le précise le paragraphe 15.03.

Dispositions transitoires

b)       Les crédits de congé annuel prévus aux paragraphes 15.17 a) ci-dessus sont exclus de l’application des alinéas 15.07 a), b) et c) visant le report et épuisement des congés annuels.

67        L’ARC a l’expérience de la négociation et de la rédaction de conventions collectives.

68        L’agent négociateur a demandé ce qui suit à la Commission :

  1. Qu’elle déclare que l’ARC a violé la convention collective de 2012 en limitant le congé personnel, en vertu de la clause 17.21, à 7,5 heures pour tout membre de l’unité de négociation du groupe VFS qui a pris des heures du congé de bénévolat en vertu de la clause 17.22 de la convention collective de 2009, entre le 1er avril 2012 et le 10 juillet 2012;
  2. Qu’elle déclare que les membres de l’unité de négociation du groupe VFS avaient le droit de prendre 15 heures de congé personnel en vertu de la clause 17.21 de la convention collective de 2012 au cours de l’exercice 2012-2013;
  3. Qu’elle déclare que les membres de l’unité de négociation du groupe VFS ont le droit d’être rémunérés pour leurs heures inutilisées, jusqu’à concurrence de 7,5 heures;
  4. Qu’elle ordonne à l’ARC de rémunérer tous les membres touchés de l’unité de négociation du groupe VFS dans les 120 jours de la date de la présente décision;
  5. Qu’elle demeure saisie de l’affaire en attendant l’exécution des modalités de son ordonnance.

69        L’agent négociateur m’a renvoyé à Canada (Procureur général) c. Guilde de la marine marchande du Canada, 2009 CF 344, qui porte sur les pouvoirs de redressement de la Commission et de ses arbitres de grief en vertu de l’art. 232 de la Loi. Dans cette affaire, la Cour s’est penchée sur une décision de rémunération rétroactive. Elle a déclaré, au paragraphe 17, que l’art. 232 de la Loi permet une telle décision.

2. Pour l’employeur

70        L’employeur m’a renvoyé à Waterloo Region Board v. Unifor Local 87-M, [2014] O.L.A.A. No. 416 (QL; « Waterloo »), qui a adopté une approche générale et admis la preuve contextuelle quant à la question de savoir s’il existait une ambiguïté. Au paragraphe 33, la cour a indiqué ce qui suit :

[Traduction]

33 Compte tenu particulièrement de Sattva, de Dumbrell et d’Air Canada, à mon avis, il ne serait pas approprié d’écarter le contexte de la présente affaire. Sauf le respect que je vous dois, il me semble que l’approche adoptée dans Sattva, Dumbrell, Air Canada quant à l’admissibilité de circonstances factuelles (contexte et contexte factuel) est attrayante parce qu’elle est pratique, directe et sensée. Bien qu’à l’origine le résultat puisse comporter une forte ressemblance avec les aspects de Leitch, l’approche n’est pas restreinte par une nécessité officielle de démontrer d’abord l’ambiguïté ou une certaine présence d’ambiguïté comme condition préalable à l’admission d’une preuve par ailleurs révélatrice. Il convient également de noter que le libellé utilisé dans ces jugements ressemble également à l’analyse fournie dans Consolidated Bathurst indiquée ci-dessus au paragraphe 18, où le juge Estey a renvoyé à un « climat commercial » et au fait de favoriser « un résultat commercial raisonnable ».

71        Au paragraphe 34, l’arbitre de différends fait valoir que les décideurs doivent faire preuve de retenue lorsqu’ils admettent une preuve extrinsèque. Ce paragraphe précise ce qui suit :

[Traduction]

34 Sattva et Dumbrell fournissent également une orientation quant au moment où la preuve contextuelle devrait être admise. Les deux jugements précisent qu’un décideur devrait faire preuve de retenue. L’analyse ne devrait pas porter sur ce qu’auraient été les intentions subjectives des parties. Cela signifie que les mots utilisés par les parties pour exprimer leur intention devraient conserver leur importance présumée, mais le contexte ne devrait pas être écarté.

72        L’ARC a fait valoir que cette approche générale à l’égard de la preuve externe comprend les pratiques et les circonstances qui existaient à l’époque. L’arbitre de différends a adopté l’approche établie dans Air Canada v. Air Canada Pilots Association, [2012] O.L.A.A. No. 164 (QL).

73        Le paragraphe 31 de Waterloo renvoie à Air Canada, où l’arbitre de différends a déclaré ce qui suit aux paragraphes 39 et 40 :

[Traduction]

39 […] Comme pour toute question d’interprétation, je dois donner effet au libellé utilisé par les parties, même s’il est lu dans le contexte de la clause ou de la disposition précise, lu dans le contexte de la convention dans son ensemble et lu dans le contexte dans lequel la lettre contestée a été ajoutée à la convention à la suite de négociations. L’omission de tenir compte de ces facteurs contextuels fait en sorte que l’arbitre de différends joue le rôle d’un technicien linguistique. Toutefois, un arbitre de différends est plus que cela. Il doit mettre à profit une connaissance spécialisée des relations de travail en général et de l’application des conventions collectives en particulier afin de déchiffrer le sens du libellé contesté lu dans son contexte. L’objectif doit toujours être de découvrir le sens du libellé contesté dans le contexte des rapports particuliers en matière de négociation collective.

40 S’il y a un doute qu’une analyse contextuelle est la bonne façon de fonctionner, ce doute est dissipé à la lecture du jugement de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Dumbrell. […] Dans cette affaire, la Cour d’appel, examinant un jugement d’une cour inférieure en ce qui concerne la question de savoir si le contrat d’emploi fourni pour rémunération de projets réalisés après la date de sa résiliation, témoigne clairement et avec vigueur de la nécessité de procéder à une analyse contextuelle distincte d’une analyse linguistique. Tout en concluant que l’analyse doit porter sur le sens des mots, lequel se distingue de l’intention subjective des parties, la Cour a prévenu qu’il « convient de distinguer la signification du contrat écrit de la signification lexicographique et syntaxique des termes qui y sont employés ». La Cour a également affirmé ce qui suit :

Certes, la signification lexicale et grammaticale des termes employés par les parties (parfois appelée « sens ordinaire ») sera importante et souvent décisive dans l’établissement de la signification du document. Cependant, on ne peut assimiler l’une à l’autre. La signification d’un document ne réside pas seulement dans ses termes, mais aussi dans le contexte factuel ou les circonstances de leur emploi […]

Il faut lire le texte de l’accord écrit dans son ensemble en tenant compte des circonstances où il a été conclu. Ces circonstances comprennent les faits que les parties connaissaient ou auraient raisonnablement pu connaître au moment où elles ont conclu l’accord […]

L’examen du contexte dans lequel l’accord écrit a été conclu fait partie intégrante du processus d’interprétation et n’est pas une opération à laquelle on recourt seulement lorsque les termes considérés isolément présentent une certaine ambiguïté […]

Les avis divergent sur la question de savoir jusqu’à quel point il convient d’examiner le contexte aux fins de l’interprétation des contrats […]

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

74        L’agent négociateur a laissé entendre que le libellé de la convention collective de 2012 n’était pas ambigu, mais l’ARC a fait valoir que cette question était plus complexe que le simple examen du libellé. Lorsqu'on lit le contexte de la convention collective de 2012 dans son ensemble, il ne signifie pas ce que l’agent négociateur suggère.

75        L’ARC m’a renvoyé à IPFPC 2011, qui portait sur l’application de la clause 15.18 d’une convention collective. Cette clause accordait un congé annuel unique de 37,5 heures à tous les employés, lequel avait pour but de remplacer le congé de mariage unique de 37,5 heures. Cette décision porte sur les situations où un employé s’est vu accorder ce congé supplémentaire alors qu’il faisait partie d’une unité de négociation visée par une convention collective différente, et qui est devenu membre d’une unité de négociation où ce droit est également accordé. Aux paragraphes 38, 39 et 46, l’arbitre de grief a déclaré ce qui suit :

38 L’agent négociateur affirme que la clause 15.18 de la convention collective est une disposition non ambiguë, dont le sens ordinaire révèle l’intention des parties de conférer un droit au congé annuel de « trente-sept virgule cinq (37,5) » heures à l’employé qui est ou qui devient membre de l’unité de négociation du groupe AV et qui compte deux années de service dans la fonction publique, selon la définition de la clause 15.03a). Il maintient que la clause 15.18 ne prescrit aucune limite au droit « une seule fois » à un crédit de congé qui pourrait naître de l’application de dispositions semblables d’autres conventions collectives. Selon l’agent négociateur, l’arbitre de grief n’a aucune raison de déroger à une interprétation littérale des termes de la clause 15.18, et il doit maintenir son interprétation sur ce fondement.

39 Au paragraphe 2 de l’« Exposé conjoint des faits », les parties ont affirmé que la clause 15.18 de la convention collective a été adoptée pour « […] remplacer le libellé précédent se rapportant au congé de mariage […] ». En des termes plus familiers, la preuve produite indique fortement qu’un marché a été conclu au cours des négociations. Les parties ont retiré de la convention collective le droit qui existait auparavant à un congé de mariage et l’ont remplacé à la clause 15.18 par le droit spécial « une seule fois » à un congé annuel de 37,5 heures. Le même résultat figure dans chacune des trois autres conventions collectives conclues entre les parties qui ont été produites en preuve (pièces G-1 à G-3) – aucune d’elle ne contient aujourd’hui de disposition sur le congé de mariage; chacune d’elle contient une disposition qui, essentiellement, est identique à la clause 15.18.

[…]

46 Bien que cela ne soit pas nécessaire aux fins de mon analyse, mon opinion sur le sens de la clause 15.18 de la convention collective est renforcée par un sens très pratique de ce qui s’est produit dans le cadre de la relation de négociation entre les parties. Par l’entente qui a apparemment été conclue, les employés ont abandonné le droit qu’ils avaient auparavant à un congé de mariage et obtenu en remplacement un droit une seule fois à un congé annuel de 37,5 heures, à condition qu’ils comptent deux années de service dans la fonction publique, ou à la date d’anniversaire de leur deuxième année de service. Dans le contexte de l’affaire dont je suis saisi et des conventions collectives que les parties ont fournies, il semble des plus improbable qu’un employé ait pu être contraint à abandonner le congé de mariage à deux reprises. Comment alors devrait-il obtenir l’équivalent en congé annuel spécial à deux reprises du fait qu’il passe d’une convention collective à une autre?

76        En l’espèce, il est question de la conversion d’un type de congé, soit le congé de bénévolat, qui figurait à la clause 17.22 de la convention collective de 2009, à en un congé personnel de 7,5 heures supplémentaires, qui est visé par la clause 17.21 de la convention collective de 2012, pour un total de 15 heures (congé qui, en vertu de la clause 17.21 de la convention collective de 2009, correspondait à 7,5 heures uniquement).

77        Manifestement, il y a eu regroupement des 15 heures des congés figurant aux clauses 17.21 et 17.22 de la convention collective de 2009 pour le congé personnel et le congé de bénévolat. Par conséquent, les 7,5 heures du congé de bénévolat sont devenues 7,5 heures supplémentaires de congé personnel; l’ancienne clause 17.22 de la convention collective de 2009 a été supprimée. Aucun autre congé ne devait y être ajouté. Il n’y avait aucune intention d’imposer à l’ARC une perte de productivité ou une perte financière de 700 000 $. L’ARC m’a renvoyé à Wamboldt, aux paragraphes 27 et 28, qui précise ce qui suit :

27 Tout d’abord, un avantage qui comporte un coût financier pour l’employeur, doit avoir été clairement et expressément stipulé dans la convention collective […]

28 Ensuite, les parties à une convention collective sont généralement réputées avoir voulu en arriver à une entente qui soit aisément applicable dans le cours ordinaire des choses. Partant, une interprétation produisant un résultat non équivoque est généralement préférée à une interprétation qui produirait un résultat équivoque ou incertain, si ce n’est pour la simple raison qu’un résultat non équivoque est davantage de nature à produire et à maintenir des « […] rapports harmonieux et mutuellement avantageux entre l’Employeur, l’Alliance et les employé-e-s […] », soit l’un des objectifs poursuivis par la convention collective; voir la clause 1.01. En résumé, une interprétation qui rend plus facile à appliquer une disposition de manière courante doit en principe être préférée à une interprétation qui en rendrait l’application difficile, voire illusoire.

78        Selon l’employeur, l’agent négociateur ne pouvait avoir eu l’intention que les employés soient traités différemment par la convention collective de 2012.

79        Selon l’employeur, l’interprétation par l’agent négociateur de la convention collective de 2012 causerait une perte de productivité, ce qui n’était pas son intention.

80        L’employeur a soutenu que l’agent négociateur ne s’était pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait et qu’à ce titre, le grief devrait être rejeté.

3. Réponse de l’agent négociateur

81        En ce qui concerne l’argument selon lequel l’interprétation suggérée de l’agent négociateur est absurde en raison des répercussions financières, M. Burke a déclaré qu’il y avait environ 12 000 membres dans le groupe VFS qui gagnaient environ 340 $ par jour. Selon une période estimée de 250 jours de travail par personne par année, l’enveloppe salariale pour ce groupe serait d’environ 1 milliard de dollars, et la somme de 700 000 $ représente 0,0007 % du coût de l’enveloppe salariale pour l’ARC.

82        Il n’y aurait aucune perte de productivité, puisque d’autres employés remplaceraient les employés en congé, comme pour toute autre forme de congé lorsqu’un employé est absent.

83        Le paragraphe 24 de Delios précise ce qui suit en ce qui concerne les questions d’injustice et d’iniquité :

24 […] L’employeur a fait valoir que le résultat de l’interprétation de la fonctionnaire en ce qui concerne la clause 17.21 créait une situation inéquitable et injuste puisqu’il faisait en sorte que la fonctionnaire bénéficierait de deux congés personnels au cours d’une même année financière. C’est peut-être le cas, mais il ne s’agit pas, à mon avis, d’un motif valable de ne pas appliquer le sens ordinaire du libellé de la convention collective. Toute injustice ou iniquité apparente qui découle de l’application de la convention collective devrait être réglée à la table de négociation.

84        Contrairement à la situation dans Delios, où des employés pouvaient changer d’unité de négociation en tout temps et, par conséquent, accumuler un nouveau congé personnel, en l’espèce, il ne s’agissait que d’un événement unique qui ne se produirait pas au cours d’un autre exercice.

85        Rien dans la preuve n’indique que l’intention ne consistait pas à offrir un jour supplémentaire et que le congé personnel devait être limité si un employé de l’unité de négociation du groupe VFS avait déjà pris le congé de bénévolat avant la signature de la convention collective de 2012.

86        Si l’ARC souhaitait limiter l’utilisation du congé personnel, il lui revenait de le négocier et de faire en sorte qu’un libellé transitoire soit inséré dans la convention collective de 2012; elle ne l’a pas fait, malgré le fait que la convention collective contenait des dispositions transitoires relatives à d’autres questions.

87        L’ARC a invoqué Waterloo et Eli Lilly pour tenter d’inclure la preuve contextuelle. Selon l’agent négociateur, il doit y avoir des éléments – des mots ou des expressions qui ne sont pas clairs – pour permettre de tenir compte du « contexte ». Dans Waterloo, l’expression utilisée était [traduction] « toutes les ventes », et l’arbitre de différends devait déterminer le sens de [traduction] « toutes les ventes » dans le contexte de la convention. Cette situation n’existe pas en l’espèce.

88        Aucun élément de preuve n’appuie autre chose qu’une intention subjective voulant que le congé personnel serait limité si le congé de bénévolat antérieur avait déjà été pris. La note de service de mars de l’IPFPC ne traite pas de la transition et, à ce titre, elle ne peut laisser entendre une restriction lorsque la convention collective prévoit expressément un avantage ou un droit.

89        L’agent négociateur m’a renvoyé au paragraphe 32 de Waterloo, qui cite en partie le paragraphe 57 de Sattva Capital Corp. c. Creston Molly Corp., 2014 CSC 53, comme suit :

[…]

Bien que les circonstances soient prises en considération dans l’interprétation des termes d’un contrat, elles ne doivent jamais les supplanter [jurisprudence omise]. Le décideur examine cette preuve dans le but de mieux saisir les intentions réciproques et objectives des parties exprimées dans les mots du contrat. Une disposition contractuelle doit toujours être interprétée sur le fondement de son libellé et de l’ensemble du contrat [jurisprudence omise]. Les circonstances sous-tendent l’interprétation du contrat, mais le tribunal ne saurait fonder sur elles une lecture du texte qui s’écarte de ce dernier au point de créer dans les faits une nouvelle entente [jurisprudence omise]. […]

90        Ce paragraphe fait référence aux mêmes éléments indiqués dans Eli Lilly – l’arbitre de grief ne peut créer une nouvelle convention. Même si une preuve contextuelle peut être invoquée, elle ne peut l’être afin de créer une restriction qui n’existe pas.

IV. Motifs

A. Demande d’admission d’une preuve extrinsèque

91        L’employeur a fait valoir que la preuve extrinsèque devrait être admise pour permettre l’interprétation de la convention collective de 2012, et pour aider l’arbitre de grief à comprendre l’intention des parties en ce qui concerne la clause 17.21 de la convention collective de 2012.

92        Dans les affaires d’interprétation de conventions collectives, les autorités doctrinales et jurisprudentielles ont constamment conclu que les arbitres de grief et les commissions des relations de travail devraient d’abord examiner les mots utilisés dans la convention collective, non seulement dans le contexte d’une clause donnée, mais également dans l’ensemble de la convention collective.

93        Dans Canadian Labour Arbitration, le paragraphe 3:4400 sur la [traduction] « preuve extrinsèque » indique ce qui suit :

[Traduction]

Un témoignage oral ou une preuve extrinsèque, présenté de vive voix ou au moyen de documents, est une preuve extérieure, ou distincte, du document écrit visé par l’interprétation et le champ d’application d’un organe de décision. Même s’il existe de nombreuses exceptions, la règle générale en common law est que la preuve extrinsèque ne peut pas être admise pour contredire ou modifier la convention collective écrite, y ajouter des modalités ou en retirer. Si la convention collective est ambiguë, cependant, une telle preuve est admissible pour faciliter l’interprétation de la convention afin d’en expliquer l’ambiguïté, et non pour modifier les termes de la convention. Les deux formes les plus courantes d’une telle preuve dans les cas d’arbitrage en matière de relations de travail sont l’historique des négociations entre les parties qui ont mené à la convention collective et les pratiques antérieures et postérieures à la conclusion de la convention. En plus de son utilisation pour faciliter l’interprétation d’une convention collective ou d’une entente de règlement, ou pour établir une préclusion, elle peut être déposée au soutien d’une demande de rectification. Toutefois, cette preuve, pour qu’elle soit invoquée, doit être « consensuelle ». C’est-à-dire qu’il ne doit pas s’agir du « souhait unilatéral » de l’une des parties. Elle ne doit pas être non plus aussi vague et imprécise que la convention écrite elle-même.

[…]

94        La Cour suprême du Canada dans Eli-Lilly a déclaré ce qui suit aux paragraphes 54 à 56 :

54  Le juge de première instance semble avoir considéré que, d’après l’arrêt Consolidated Bathurst, l’interprétation du contrat devrait viser en définitive à vérifier l’intention véritable des parties au moment de conclure le contrat et que, ce faisant, le juge des faits peut admettre des éléments de preuve extrinsèques concernant les intentions subjectives des parties à ce moment-là. À mon avis, cela n’est pas tout à fait exact. L’intention des parties contractantes doit être déterminée en fonction des mots qu’elles ont employés en rédigeant le document, éventuellement interprétés à la lumière des circonstances du moment. La preuve de l’intention subjective d’une partie n’occupe aucune place indépendante dans cette décision.

55 En fait, il n’est pas nécessaire de prendre en considération quelque preuve extrinsèque que ce soit lorsque le document est, à première vue, clair et sans ambiguïté. Pour reprendre les propos de lord Atkinson dans Lampson c. City of Quebec (1920), 54 D.L.R. 344 (C.P.), à la p. 350 :

[…] l’intention qu’il faut rechercher en interprétant l’acte est celle des parties telle qu’elle se dégage des termes qu’elles ont utilisés dans l’acte lui-même […] [S]i la signification de l’acte, selon le sens ordinaire des mots qui y sont employés, est claire et sans ambiguïté, il n’est pas permis aux parties à cet acte, aussi longtemps qu’il n’est pas modifié, de venir affirmer devant une cour de justice : « Notre intention était tout à fait différente de celle qui est exprimée par les termes de l’acte […] »

56 Quand le texte du document est sans ambiguïté, l’idée exprimée dans Consolidated Bathurst, selon laquelle il y a lieu de retenir l’interprétation qui assure un « résultat équitable » ou un « résultat commercial raisonnable », n’est pas déterminante. Certes, il serait absurde d’adopter une interprétation nettement incompatible avec les intérêts commerciaux des parties, si l’objectif est de vérifier leur véritable intention au moment de contracter. Toutefois, il n’est pas difficile d’interpréter un document clair conformément à l’intention véritable des parties contractantes, si l’on présume que les parties voulaient les conséquences juridiques des mots qu’elles ont employés. Cela est conforme à l’opinion incidente de notre Cour dans Joy Oil Co. c. The King, [1951] R.C.S. 624, à la p. 641 :

[…] en interprétant un document, il s’agit non pas de chercher à comprendre ce que les mots seulement veulent dire, ni ce que le rédacteur seulement a voulu dire, mais plutôt de chercher ce que les mots employés par le rédacteur veulent dire.

95        Aux paragraphes 57 et 58 d’Eli-Lilly, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’y avait aucune ambiguïté dans le contrat entre les parties et que l’intention était claire selon le sens ordinaire du contrat. À ce titre, la Cour n’a pas eu recours à la preuve extrinsèque soumise relativement aux intentions subjectives des parties au moment de rédiger le contrat.

96        La difficulté en ce qui concerne la position de l’employeur réside dans le fait que la clause 17.21 de la convention collective de 2012 n’est pas du tout imprécise. Elle est formulée exactement comme la clause de la convention collective de 2009, sauf que les mots « sept virgule cinq (7,5) heures » ont été remplacés par « quinze (15) heures ». La clause ne comporte aucune ambiguïté. Chaque employé visé par la convention collective de 2012 a droit à 15 heures de congé personnel, qu’il peut prendre au cours de chaque exercice, dans la mesure où les nécessités du service de l’employeur le permettent et où l’employé donné un préavis d’au moins cinq jours ouvrables.

97        En vertu de l’article 107 de la Loi, les parties à la convention collective de 2009 sont liées par les modalités de cette convention, dans le cadre de laquelle ils ont convenu que chaque membre de l’unité de négociation du groupe VFS avait droit à 7,5 heures du congé personnel et à 7,5 heures du congé de bénévolat. La convention collective de 2012 est entrée en vigueur le 10 juillet 2012, selon la clause 47; un écart en a découlé parce que l’ancienne clause 17.22 de la convention collective de 2009, qui accordait à chaque employé de l’unité de négociation du groupe VFS 7,5 heures de congé de bénévolat, était toujours une condition exécutoire d’emploi entre le 1er avril 2012 et le 10 juillet 2012 et, à ce titre, selon la preuve, entre 2 100 et 2 150 employés de l’unité de négociation du groupe VFS ont utilisé le congé de bénévolat figurant à la clause 17.22 de la convention collective de 2009.

98        Il n’y a pas de disposition transitoire pour aborder cet écart. Toutefois, cela ne rend pas la clause 17.21 de la convention collective de 2012 imprécise ou ambiguë ou qu’elle a mené à un résultat absurde. À ce titre, je ne suis pas convaincu qu’il y a une raison de s’écarter de la règle et d’appliquer l’exception. On ne m’a pas convaincu qu’il fallait permettre la présentation d’une preuve extrinsèque, je conclus donc qu’elle ne peut être déposée.

B. Le grief

99        L’écart entre le début de l’exercice de l’employeur, le 1er avril 2012, et l’entrée en vigueur de la convention collective de 2012, le 10 juillet 2012, a créé un problème qui a mené à la présentation de ce grief. Dans la convention collective de 2012, la clause 17.22 de la convention collective de 2009, qui accordait à chaque employé de l’unité de négociation du groupe VFS 7,5 heures du congé de bénévolat a été retirée. À son tour, dans la convention collective de 2012, la clause sur le congé personnel (figurant à la clause 17.21 des conventions collectives de 2009 et 2012) a été modifiée lorsque la disposition relative au congé personnel est passée de 7,5 heures à 15 heures de congé. En dehors de ce changement, les clauses 17.21 des conventions collectives de 2009 et de 2012 sont presque identiques.

100        Tel qu’il a été indiqué plus tôt dans la présente décision, la difficulté tient au fait que les employés de l’unité de négociation du groupe VFS (de 2 100 à 2 150) ont demandé et reçu leurs 7,5 heures du congé de bénévolat entre le 1er avril 2012 et le 10 juillet 2012. Il s’agissait d’un avantage qu’ils avaient le droit de demander et de recevoir, conformément à la convention collective de 2009 et en vertu de l’article 107 de la Loi, qui précise ce qui suit :

107 Une fois l’avis de négocier collectivement donné, sauf entente à l’effet contraire entre les parties aux négociations et sous réserve du paragraphe 125(1), les parties, y compris les fonctionnaires de l’unité de négociation, sont tenues de respecter chaque condition d’emploi qui peut figurer dans une convention collective et qui est encore en vigueur au moment où l’avis de négocier a été donné, et ce, jusqu’à la conclusion d’une convention collective comportant cette condition ou :

101        Le 9 juillet 2012, chaque employé de l’unité de négociation du groupe VFS qui n’avait pas par ailleurs demandé, obtenu et utilisé ses heures de congé de bénévolat en vertu de la convention collective de 2009 (clause 17.22) avait toujours ce congé et, le 10 juillet 2012, il avait disparu.

102        Les faits en l’espèce sont semblables à ceux de Delios. Il convient de noter que Delios portait aussi sur l’interprétation de la clause 17.21, qui concernait le congé personnel, de la convention collective conclue entre l’ARC et l’IPFPC de l’unité de négociation du groupe VFS, et qui était en vigueur immédiatement avant l’entrée en vigueur de la convention collective de 2009. Delios concernait une nouvelle employée au sein de l’unité de négociation du groupe VFS; elle y avait été transférée d’une autre unité de négociation au sein de l’ARC. Elle avait utilisé un jour de congé personnel lorsqu’elle était membre de cette autre unité de négociation (qui était visée par une autre convention collective négociée et conclue entre l’ARC et un autre agent négociateur), puis, lorsqu’elle est passée à l’unité de négociation du groupe VFS, elle a demandé un congé personnel en vertu de la clause 17.21. La demande a été refusée au motif qu’elle avait déjà pris un jour de congé personnel.

103        L’arbitre de grief a conclu que le terme « employé », aux fins de la convention collective dans Delios, signifiait un employé tel que défini par la Loi et un membre de l’unité de négociation précise visée par la convention collective applicable (l’unité de négociation du groupe VFS), et non à l’ensemble de l’employeur. L’arbitre de grief a établi une distinction entre le congé personnel de la clause 17.21 et d’autres congés comme les congés pour des obligations personnelles et les congés pour besoins familiaux (figurant aux clauses 17.11 et 17.14, respectivement, de la convention collective en question), ce qui limitait la capacité des employés d’y avoir recours, en fonction de la « durée totale d’emploi de l’employé dans la fonction publique […] ». Après avoir comparé le libellé des clauses 17.11 et 17.14 à celui de la clause 17.21, l’arbitre de grief a déclaré ce qui suit au paragraphe 22 :

22 Je comprends de cette comparaison des libellés que dans les cas où les parties à la négociation collective ont convenu d’imposer une limite temporelle ou autre au droit à un congé prévu par une convention collective, elles l’ont fait explicitement. Comme ce n’est pas ce qu’ont fait les parties en ce qui concerne la clause 17.21 de la convention collective, je n’ai aucun motif d’aller au-delà du sens ordinaire dont les parties ont convenu dans cette clause. Aucun fondement solide n’est ressorti de la convention collective et encore moins dans le préambule de la convention collective, comme l’a fait valoir l’employeur, qui me convaincrait d’en venir à une autre conclusion. De même, je ne peux interpréter cette disposition comme si elle renfermait une limite implicite qui aurait le même effet que les clauses citées précédemment.

104        Même si les faits de la présente affaire ne sont pas exactement les mêmes que ceux dans Delios, l’employeur dans cette affaire donne à penser qu’une restriction est implicite dans l’interprétation de la clause 17.21, même s’il n’y a pas de restriction explicite. Il est manifeste que les parties à la convention collective de 2012 ont imposé des restrictions ou des précisions relativement aux clauses relatives sur les congés. Les congés en général sont visés par l’article 14, les congés annuels sont visés par l’article 15, les congés de maladie sont visés par l’article 16, et les autres congés, payés ou non, sont visés par l’article 17.

105        Tel qu’il est mentionné dans Delios, dans les clauses 17.11 et 17.14 de la convention collective, les parties ont imposé des restrictions au congé en utilisant les expressions « […] pendant la durée totale de son emploi dans la fonction publique » (clause 17.11) et « […] pendant sa période d’emploi totale dans la fonction publique » (clause 17.14). À la clause 15.03, traitant du congé annuel, la convention collective de 2012 utilise l’expression « […] toute période de service au sein de la fonction publique, qu’elle soit continue ou discontinue, entre en ligne de compte dans le calcul des crédits de congé annuel […] ».

106        Aux termes de la clause 15.17 de la convention collective, l’employé a droit une seule fois à un congé de 37,5 heures (l’objet de la décision dans IPFPC 2011), qui remplace l’ancien congé de mariage. À la clause 15.17, une restriction à la restriction des alinéas 15.07 a), b) et c) est établie, indiquant que ce congé est exclu de l’application des alinéas 15.07 a), b) et c), qui vise le report et l’épuisement de certains crédits de congé annuel excédentaires.

107        À mon avis, il ressort clairement que, dans la convention collective de 2012, lorsque les parties ont souhaité imposer des restrictions, des exclusions, ou encore des exclusions aux restrictions, sur les congés, elles l’ont fait.

108        De plus, il ressort clairement que, lorsque les parties ont souhaité inclure une disposition transitoire à la convention collective de 2012, elles l’ont fait. La clause 15.07 contient les alinéas c) et d), qui portent sur les dispositions transitoires relatives au report de crédits de congés annuels inutilisés, qui traitent certains sous-ensembles d’employés de l’unité de négociation du groupe VFS différemment et qui prévoient une transition à la date de la signature de la convention collective. La clause 15.07c) contient la disposition transitoire suivante : « Nonobstant l’alinéa 15.07a) ci-dessus et sujet de la clause 15.07d), si à la date de signature de cette convention […] » [je souligne]. De plus, entre les clauses 15.07c) et d) de la convention collective de 2012, se trouve la disposition transitoire suivante :

L’alinéa 15.07d) s’applique aux employés classifiés AU et MG-AFS (AU) (tel qu’indiqué à l’annexe E) qui ont un solde de crédits de congés annuels accumulés, mais inutilisés dépassant deux cent soixante-deux virgule cinq (262,5) heures à la date de la signature de la présente convention collective seulement.

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

109        Je me penche maintenant sur l’observation de l’employeur quant au contexte. Dans Air Canada, le contexte entre en ligne de compte quant à l’utilisation du terme [traduction] « aéronef » qui pourrait ou non comprendre des aéronefs à hélice plutôt que des aéronefs à réaction. Le terme était ambigu. Dans Waterloo, qui a tenu compte d’Air Canada, de Sattva et de Dumbrell, l’expression ambiguë était [traduction] « toutes les ventes ». À mon avis, la seule expression qui peut être considérée comme ambiguë dans la clause 17.21 de la convention collective de 2012 est « nécessités du service »; toutefois, cette expression ne fait pas l’objet du grief et les parties n’ont pas laissé entendre qu’elles considéraient cette expression comme ambiguë ou comme un problème en l’espèce.

110        Je ne suis pas convaincu que l’expression « […] l’employé se voit accorder, au cours de chaque exercice financier, quinze (15) heures de congé payé pour des raisons de nature personnelle » est ambiguë. Cette expression n’est ni ambiguë ni imprécise. Selon leur sens clair et ordinaire, ils signifient que tous les employés ont droit, pendant chaque exercice, à 15 heures de congé qu’ils utilisent comme ils l’entendent.

111        Le congé de bénévolat, ainsi qu’il figurait dans la convention collective de 2009, n’est pas la même chose que le congé personnel. Même s’il comprenait le même nombre d’heures que le congé personnel dont il est question à la clause 17.21 de la convention collective de 2009, le congé de bénévolat n’était pas un congé qu’un employé de l’unité de négociation du groupe VFS pouvait utiliser comme il l’entendait. Il ne s’agissait pas d’un congé pour des raisons personnelles, mais pour agir à titre de bénévole pour une organisation ou une activité communautaire ou de bienfaisance (autre que des activités liées à la Campagne de charité en milieu de travail du Gouvernement du Canada). En supposant que les gestionnaires traitaient correctement le congé de bénévolat, il aurait été accordé uniquement pour sa fin prévue. Si un employé n’avait pas l’intention de l’utiliser pour faire du bénévolat pour une organisation ou une activité communautaire ou de bienfaisance, alors le congé ne devait pas être accordé.

112        La preuve contextuelle de M. Burke n’est pas particulièrement utile à l’employeur. Il a déclaré qu’il y avait environ 12 000 employés de l’unité de négociation du groupe VFS qui gagnaient environ 340 $ par jour. Ceci étant, il a laissé entendre que si les 2 100 ou 2 150 employés de l’unité de négociation du groupe VFS qui avaient déjà utilisé le congé de bénévolat se voyaient accorder les 15 heures du congé personnel plutôt que de simplement convertir le congé de bénévolat inutilisé que les employés de l’unité de négociation du groupe VFS auraient eu (s’il n’avait pas été utilisé) pour l’exercice 2012-2013, le coût pour l’employeur aurait été d’environ 700 000 $.

113        Le congé personnel et l’ancien congé de bénévolat sont les heures que chaque employé reçoit au cours d’un exercice et qui doivent être utilisées pendant cet exercice donné. Ces congés ne peuvent être reportés ou transférés. Si un employé les utilise au cours de chaque exercice, il reçoit alors son avantage; cependant, s’il ne les utilise pas, à la fin de l’exercice, l’employé perd la valeur du congé. Il s’agit d’un avantage éventuel pour l’employé et d’un passif éventuel pour l’employeur. En ce sens, il est semblable au congé de maladie. Bien que les employés accumulent les congés de maladie à un taux fixe et qu’ils ont droit de les accumuler et de les reporter, ils ne peuvent les utiliser que pour un congé de maladie approuvé. Si un employé quitte la fonction publique (à la suite d’un licenciement, de la retraite ou d’un décès) et qu’il a accumulé des crédits de congé de maladie, ces crédits ne sont pas épuisés et payés; ils sont perdus et, à leur tour, ils ne coûtent rien à l’employeur.

114        Au moins depuis le 6 novembre 2009, soit la date à laquelle la convention collective de 2009 a été signée, l’employeur et l’agent négociateur ont convenu que chaque employé de l’unité de négociation du groupe VFS avait droit à 7,5 heures de congé personnel et à 7,5 heures de congé de bénévolat. Si j’extrapole le témoignage de M. Burke, ce qu’ont fait l’employeur et l’agent négociateur, il s’agirait de 12 000 employés, à raison de 340 $ par jour, multiplié par deux, ou 8 160 000 $ pour chaque année de la durée de la convention collective de 2009. Toutefois, il s’agit d’un montant éventuel qui suppose que chacun des employés de l’unité de négociation du groupe VFS prend toutes ses heures de congé personnel et de congé de bénévolat. Il n’y a aucune preuve des chiffres réels. Sans ces renseignements, il est impossible de savoir quels sont le coût et la responsabilité réels pour l’employeur en ce qui concerne les heures de congé de bénévolat et de congé personnel. Il est également impossible de dire si l’employeur subirait réellement un coût et devrait payer de l’argent ou s’il réaliserait un profit et économiserait de l’argent, en supposant qu’il a réellement prévu au budget le montant total.

115        L’employeur m’a renvoyé à IPFPC 2011, qui portait sur la conversion des anciennes dispositions sur le congé de mariage des conventions collectives, qui ont été remplacées par une disposition relative à un congé annuel unique de 37,5 heures. IPFPC 2011 se distingue du présent grief en raison de la nature du congé. À l’époque de l’ancienne disposition relative au congé de mariage, qui s’appliquait en cas de mariage, celle-ci n’était pas soumise à des contraintes de temps; en d’autres termes, si on ne l’utilisait pas, on ne le perdait pas. Dans la mesure où la personne demeurait employée et se mariait, cet employé avait le droit d’utiliser le congé de mariage. Lorsqu’il a été converti à un droit à un congé annuel unique, le congé a complètement changé et aucune condition n’y était rattachée; en effet, ce congé pouvait être reporté et, en fait, en vertu de la convention collective de 2012, il n’était pas assujetti aux clauses d’épuisement ou de report portant sur le congé annuel.

116        Le congé personnel et le congé de bénévolat prévus aux conventions collectives de 2009 et de 2012 étaient et continuent d’être éventuels, tant à titre d’avantage pour l’employé qu’à titre de coût pour l’employeur.

117        Je conclus que la clause 17.21 de la convention collective de 2012 est claire et non ambiguë.

118        Je suis disposé à accepter que le contexte dans lequel la clause 17.21 de la convention collective de 2012 a été modifiée, à partir de la convention collective de 2009, découlait d’un souhait de retirer l’ancienne clause relative au congé de bénévolat et de le transformer en un congé personnel. Toutefois, je conclus que l’interprétation soumise par l’ARC de la clause 17.21 de la convention collective de 2012, va au-delà de l’interprétation de cette clause ou du contexte de la convention collective dans son ensemble, et que cela revient à ajouter un terme à la convention collective, ce que je n’ai pas le droit de faire en vertu de l’art. 229 de la Loi.

119        J’accueille le grief et je déclare que l’employeur a violé la convention collective en n’accordant pas à tous les employés de l’unité de négociation du groupe VFS 15 heures de congé personnel désigné, tel qu’il a été convenu dans la convention collective de 2012.

120        L’agent négociateur a fait valoir que Canada (Procureur général) c. Guilde de la marine marchande du Canada établit que j’ai le pouvoir d’ordonner une rémunération rétroactive en vertu de l’art. 232 de la Loi et, qu’à ce titre, je devrais ordonner à l’ARC de rémunérer tout membre de l’unité de négociation du groupe VFS qui a utilisé les heures du congé de bénévolat en vertu de la clause 17.22 de la convention collective de 2009, qui s’est vu refuser les 15 heures du congé personnel demandées au cours de l’exercice 2012-2013, pour des raisons autres que les nécessités du service ou la remise de l’avis obligatoire d’au moins cinq jours ouvrables (les deux exigences se trouvent à la clause 17.21).  

121        L’article 232 de la Loi impose des limites lorsqu’un grief de principe aurait pu être l’objet ou est l’objet d’un grief individuel ou d’un grief collectif. Cette limite s’applique à la réparation à accorder. Aux paragraphes 17 et 18 de Canada (Procureur général) c. Guilde de la marine marchande du Canada, la Cour précise que l’al. 232c) accorde à la Commission le pouvoir de faire une déclaration selon laquelle une interprétation est faite et enjoignant à l’employeur ou l’agent négociateur, selon le cas, d’interpréter ou d’appliquer la convention collective de la façon précisée. La Cour poursuit en précisant que l’utilisation du mot « enjoindre » à l’al. 232c) est différente du libellé des al. 232a) et b) et qu’il signifie donc davantage que le simple pouvoir de donner une interprétation ou de conclure, et que l’une des façons d’appliquer la convention collective consiste à payer les personnes qu’elle régit de la manière établie par l’arbitre de grief. La Cour a déclaré que le fait de permettre seulement une déclaration et de forcer les parties à s’occuper des conséquences de la décision ou possiblement de devoir passer par un grief individuel ou collectif subséquent pour obtenir le paiement rendrait le processus futile et absurde. La Cour a conclu que l’expression « enjoindre à l’employeur […] d’appliquer la convention collective est d’assez large portée pour que soit visée une ordonnance de paiement rétroactif ». Je souscris au raisonnement de la Cour.

122        Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

123        Le grief est accueilli.

124        Je déclare que la clause 17.21 de la convention collective de 2012 est claire et non ambiguë.

125        Je déclare que l’ARC a violé la convention collective en n’accordant pas les 15 heures de congé personnel désigné à tous les employés de l’unité de négociation du groupe VFS, tel qu’il a été convenu dans la convention collective de 2012.

126        L’ARC devra rémunérer tout membre de l’unité de négociation du groupe VFS qui a utilisé des heures de congé de bénévolat en vertu de la clause 17.22 de la convention collective de 2009, et qui ne s’est pas vu accorder les 15 heures de congé personnel demandées au cours de l’exercice 2012-2013, pour des raisons autres que les nécessités du service ou la remise de l’avis obligatoire d’au moins cinq jours ouvrables (les deux exigences se trouvent à la clause 17.21).

127        La rémunération à verser à chaque membre de l’unité de négociation du groupe VFS qui y a droit en vertu de la présente ordonnance se fera au taux de rémunération qu’il aurait obtenu pour le congé demandé.

128        Je demeure saisi de cette affaire pendant 90 jours pour traiter toute question de mise en œuvre relativement à cette ordonnance.

129        Les parties doivent communiquer avec le greffe de la Commission dans les 30 jours ouvrables de la présente décision, pour indiquer s’ils ont convenu d’un délai de paiement de la rémunération établie dans la présente décision, ou si elles prendront des dispositions à un moment mutuellement convenable pour tenir une conférence téléphonique avec l’arbitre de grief pour discuter de ce délai.

Le 18 août 2016.

Traduction de la CRTEFP

John G. Jaworski,

arbitre de grief

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