Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés affirment qu’ils n’ont pas reçu les droits relatifs aux congés annuels appropriés, conformément aux articles de la convention collective pertinente – ils ont demandé que l’employeur respecte la clause de la convention collective pertinente, qu’il reconnaisse leurs années de service continu en tant que membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et en tant qu’employés de la fonction publique en ce qui concerne les droits aux congés annuels, et qu’il rétablisse leurs droits aux congés annuels – la Commission a conclu que, si les deux fonctionnaires s’estimant lésé avaient quitté la fonction publique et reçu une indemnité de départ avant de se joindre de nouveau à la fonction publique, elle aurait souscrit à la position de l’employeur voulant qu’ils aient droit à des crédits de congé annuel au même titre que s’ils n’avaient jamais servi dans la fonction publique – cependant, même si les deux fonctionnaires ont effectivement pris leur indemnité de départ, ils n’ont jamais quitté la fonction publique; ils sont simplement passés de la GRC à Transports Canada – les fonctionnaires s’estimant lésés auraient dû accumuler des crédits de congé annuel et ces crédits auraient dû leur être accordés, conformément à leur convention collective, en fonction de leurs années de service dans la fonction publique, ce qui comprenait leurs années en tant que membres de la GRC – par conséquent, la Commission a conclu que l’employeur avait violé les termes de la convention collective en ne leur créditant pas les crédits de congé qu’ils avaient légitimement accumulés.   Griefs accueillis.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20160819
  • Dossiers:  566-02-7901 et 7902
  • Référence:  2016 CRTEFP 78

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ROBERT FIELDS ET RICHARD TYEFISHER

fonctionnaires s'estimant lésés

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Ministère des Transports)

employeur

Répertorié
Fields c. Conseil du Trésor (ministère des Transports)


Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage


Devant:
John G. Jaworski, arbitre de grief
Pour le fonctionnaires s'estimant lésés:
Goretti Fukamusenge, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Allison Sephton, avocate
Affaire entendue à Edmonton (Alberta),
Les 10 et 11 mars 2015.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1        Les fonctionnaires s’estimant lésés, Robert Fields et Richard Tyefisher (les « fonctionnaires »), étaient au service de Transports Canada (« TC » ou l’« employeur »).

2        Le 18 août 2011, M. Fields a déposé un grief, dans lequel il indiquait qu’il : [traduction] « […] n’avait pas reçu les droits appropriés de congé annuel, comme le prévoit la clause 38.02 et toutes les dispositions de la convention collective ». En guise de réparation, il a demandé à ce que l’employeur se conforme à la clause 38.02 de la convention collective pertinente, qu’il reconnaisse ses années de service continu tant comme membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) que de la fonction publique aux fins de l’octroi des congés annuels, et qu’il rétablisse son droit à des congés annuels.

3        Le 23 août 2011, M. Tyefisher a déposé un grief de nature semblable à celui déposé par M. Fields, dans lequel il a allégué que, le 25 juillet 2011, l’employeur avait recouvré des crédits de congé qui lui avaient été octroyés. En guise de mesure de réparation, M. Tyefisher a demandé que les crédits de congés annuels qui avaient été retirés soient rétablis, que tous les crédits de congé à venir auxquels il a droit lui soient octroyés et que les crédits de congés annuels déjà accordés et utilisés ne lui soient pas retirés.

4        L’employeur a rejeté les deux griefs. Le 17 décembre 2012, ils ont été renvoyés à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) aux fins d’arbitrage.

5        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission ») qui remplace l’ancienne CRTFP et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont également entrées en vigueur (SI/2014-84). En vertu de l’article 396 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, un arbitre saisi d’un grief saisi d’une affaire avant le 1er novembre 2014 continue d’exercer les pouvoirs prévus par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), dans sa version antérieure à cette date.

II. Résumé de la preuve

6        Au début de l’audience, les parties m’ont présenté un exposé conjoint des faits (l’« ECF »). Les deux fonctionnaires ont témoigné et l’employeur a appelé un témoin.

7        Avant de se joindre à TC, les deux fonctionnaires étaient membres de la GRC. M. Tyefisher a commencé sa carrière à la GRC le 23 avril 1979. Le 28 février 2006, il a quitté la GRC de son plein gré, après avoir effectué près de 27 ans de service. M. Fields s’est joint à la GRC le 22 novembre 1993. Le 3 janvier 2005, il a quitté la GRC de son plein gré, après un peu plus de 11 ans de service. Les deux fonctionnaires ont touché une indemnité de départ lorsqu’ils ont quitté la GRC. Ils ont tous deux fait valoir qu’ils n’avaient pas eu le choix de recevoir cette indemnité de départ ou pas; elle leur a été donnée à leur départ.

8        Au moment de leur départ de la GRC, les deux fonctionnaires ont immédiatement commencé à travailler à TC. M. Fields a commencé le 4 janvier 2015, en tant qu’inspecteur de la sécurité de l’aviation civile, classifié au groupe et au niveau TI-06, à Winnipeg, au Manitoba. M. Tyefisher a commencé à travailler à TC le 1er mars 2016, à l’entretien régional des aéronefs, classifié au groupe et au niveau EG-05, à Edmonton, en Alberta.

9        Au moment de l’audience, M. Fields était toujours au service de TC, à Winnipeg, et il occupait un poste de chef d’équipe technique dans le Groupe Navigabilité de Winnipeg. En 2012, M. Tyefisher a été informé que son poste était devenu excédentaire et il a choisi de démissionner, et ce, à compter du 22 juin 2012.

10        À tous les moments pertinents après s’être joints à TC, les deux fonctionnaires étaient membres de l’unité de négociation Services techniques (ST), représentés par l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’ « AFPC »). Leurs conditions d’emploi étaient partiellement régies par une convention collective conclue le 27 novembre 2007 entre le Conseil du Trésor (le « CT ») à titre d’employeur, et l’AFPC; la convention collective est arrivée à échéance le 21 juin 2011 (la « convention collective de TC »).

11        L’article 38 de la convention collective du groupe ST s’intitule « Congé annuel payé ». La clause 38.02 se trouve sous l’en-tête « Acquisition des crédits de congé annuel » et indique ce qui suit :

38.02 Pour chaque mois civil pour lequel il ou elle a touché au moins soixante-quinze (75) heures de rémunération, tout employé-e acquiert des crédits de congé annuel à raison de :

  1. neuf virgule trois sept cinq (9,375) heures jusqu’au mois où survient son huitième (8e) anniversaire de service;
  2. douze virgule cinq (12,5) heures à partir du mois où survient son huitième (8e) anniversaire de service;
  3. treize virgule sept cinq (13,75) heures à partir du mois où survient son seizième (16e) anniversaire de service;
  4. quatorze virgule quatre (14,4) heures à partir du mois où survient son dix-septième (17e) anniversaire de service;
  5. quinze virgule six deux cinq (15,625) heures à partir du mois où survient son dix-huitième (18e) anniversaire de service;
  6. seize virgule huit sept cinq (16,875) heures à partir du mois où survient son vingt-septième (27e) anniversaire de service;
  7. dix-huit virgule sept cinq (18,75) heures à partir du mois où survient son vingt-huitième (28e) anniversaire de service;
  8. aux fins du présent paragraphe seulement, toute période de service au sein de la fonction publique, qu’elle soit continue ou discontinue, entrera en ligne de compte dans le calcul des crédits de congé annuel sauf lorsque l’employé-e reçoit ou a reçu une indemnité de départ en quittant la fonction publique. Cependant, cette exception ne s’applique pas à l’employé-e qui a touché une indemnité de départ au moment de sa mise en disponibilité et qui est réaffecté dans la fonction publique dans l’année qui suit la date de ladite mise à pied.

[…]

12        Au moment de commencer leur emploi à TC, les deux fonctionnaires ont commencé à accumuler des crédits de congé annuel en vertu de la clause 38.02a) de la convention collective du groupe ST au taux de 9,375 heures par mois.

13        Le 4 mai 2010, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (le « SCT ») a publié un bulletin d’information à l’intention des cadres de la rémunération et des relations de travail, dont la ligne d’objet indiquait « Service comme membre de la GRC – L’octroi de congé annuel » (le « bulletin d’information »). Il indiquait ce qui suit :

Dans la majorité des conventions collectives, l’acquisition des crédits de congé annuel est basée sur les années de « service au sein de la fonction publique» et «fonction publique» est définie sous la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) comme étant les ministères figurant à l’annexe I, les autres secteurs de l’administration publique fédérale à l’annexe IV et les organismes distincts à l’annexe V de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP).

La LRTFP exclut spécifiquement les membres de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) de la définition de «fonctionnaire». Pour ces motifs, aux fins de l’octroi des crédits de congé annuel, les années de service comme membre de la GRC n’ont pas été historiquement reconnues.

Cependant, la GRC figure à l’annexe IV de la LGFP et dans la décision Gingras c. Canada (2 C.F. 734), la Cour d’appel fédérale a identifié un membre de la GRC comme une personne employée dans la fonction publique, dans le cadre de la prime au bilinguisme. Conséquemment, le Secrétariat du Conseil du trésor (SCT) a révisé l’interprétation courante concernant le service comme membre de la GRC dans le contexte de l’octroi de crédits de congé annuel.

Dès le 1er avril 2010, les employés ayant du service antérieur comme membre de la GRC verront leurs années de service reconnues comme étant du service au sein de la fonction publique et seront octroyés les crédits de congé annuel applicables de la convention collective pertinente. Donc, les employés admissibles peuvent recevoir des crédits de congé annuel additionnels en date du 1er avril 2010.

Afin d’entreprendre cette révision, nous demandons aux ministères d’aviser les employés qui ont du service antérieur comme membre de la GRC, de contacter leur conseiller en rémunération qui effectuera la révision de leur dossier personnel et apportera les ajustements nécessaires.

Tel que mentionné, les crédits de congé annuel ajustés s’appliqueront rétroactivement au début de la présente année financière, soit le 1er avril 2010. Il n’y aura aucun recalcul d’octroi de crédits de congé annuel des années antérieures.

Veuillez prendre note que ce bulletin d’information ne s’applique pas au service avec les forces armées puisque celui-ci n’est pas reconnu comme étant du «service au sein de la fonction publique».

Toutes questions doivent être adressées aux agents ministériels responsables.

Les agents ministériels des Relations de travail et de la rémunération devront acheminer toutes demandes d’interprétation à l’adresse courriel suivante : Interpretations@tbs-sct.gc.ca.

Original signé
Marc Thibodeau
Directeur
Opérations de rémunération
Administration publique centrale
Rémunération et relations du travail
Bureau de la dirigeante principale des ressources humaines

14        Marc Thibodeau, au nom de qui le bulletin d’information a été envoyé, n’a pas témoigné.

15        Le 20 mai 2010, conformément au bulletin d’information, M. Tyefisher a envoyé un courriel à sa section de la paie et de la rémunération de TC, afin de lui indiquer des détails sur son service à la GRC et à TC.

16        Le 9 juin 2010, M. Tyefisher a reçu un courriel de la paie et de la rémunération de TC, dans lequel on lui indiquait que, conformément à l’information provenant du SCT, son service en tant que membre de la GRC serait ajouté au calcul de ses crédits de congé annuel en tant qu’employé de TC. Le courriel indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

· Date d’anniversaire aux fins de congé, avant l’ajout du service à la GRC : le 1er mars 2006

· Nouvelle date d’anniversaire aux fins de congé en incluant le service à la GRC : le 23 avril 1979

Cela étant, au départ, vous accumuliez 9,375 heures par mois de congé annuel. À compter du 1er avril 2010, vous accumulerez désormais 18,75 heures de congé annuel par mois.

Nous avons mis à jour votre compte LEX afin de tenir compte de la nouvelle date d’anniversaire et nous avons rajusté vos crédits de congé annuel.

[…]

17        Le 25 mai 2010, conformément au bulletin d’information, M. Fields a envoyé un courriel à sa section de la paie et de la rémunération de TC, afin de lui indiquer des détails sur son service à la GRC et à TC.

18        Le 28 juin 2010, M. Fields a reçu un courriel de la paie et de la rémunération de TC, l’informant que, conformément à l’information provenant du SCT, son service en tant que membre de la GRC serait ajouté au calcul de ses crédits de congé annuel en tant qu’employé de TC. Le courriel indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

  • Date d’anniversaire aux fins de congé, avant l’ajout du service à la GRC : le 4 janvier 2005
  • Nouvelle date d’anniversaire aux fins de congé en incluant le service à la GRC : le 22 novembre 1993

Cela étant dit, au départ, vous accumuliez 9,375 heures par mois de congé annuel. À compter du 1er avril 2010, vous accumulerez 13,75 heures par mois en tout, d’avril 2010 à octobre 2010, puis, de novembre 2010 à mars 2011, 14,4 heures de congé annuel par mois en tout.

Nous avons mis à jour votre compte LEX afin de tenir compte de la nouvelle date d’anniversaire et nous avons rajusté vos crédits de congé annuel.

[…]

19        Le 19 juillet 2010, Chantal Nadon, gestionnaire de la rémunération à TC, a envoyé un courriel à l’adresse « Interprétation CT », relativement au bulletin d’information, dans lequel elle indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Après avoir lu le bulletin d’information qui nous a été envoyé en mai 2010, on ne renvoie aucunement à l’indemnité de départ. Pourriez-vous confirmer si, dans le cas d’un employé qui fait partie du groupe AO, qui a effectué un service précédent à la GRC et qui a reçu une indemnité de départ, nous devrions comptabiliser la totalité de son service à la GRC ou si nous devrions soustraire le service pour lequel il a reçu une indemnité de départ?

En vertu de la convention collective pour le groupe PA, nous faisons référence à l’indemnité de départ, mais pas dans la convention collective visant le groupe AO.

a) Aux fins de la clause 34.02 seulement, toute période de service au sein de la fonction publique, qu’elle soit continue ou discontinue, entrera en ligne de compte dans le calcul des crédits de congé annuel sauf lorsque l’employé-e reçoit ou a reçu une indemnité de départ en quittant la fonction publique. Cependant, cette exception ne s’applique pas à l’employé-e qui a touché une indemnité de départ au moment de sa mise en disponibilité et qui est réaffecté dans la fonction publique dans l’année qui suit la date de ladite mise à pied.

[…]

20        Le 6 août 2010, une personne non identifiée des Interprétations du CT a répondu ce qui suit au courriel de Mme Nadon :

[Traduction]

[…]

Le bulletin d’information fait référence aux conventions collectives qui prévoient le calcul des crédits de congé annuel en fonction du nombre d’années de «service au sein de la fonction publique». Dans la convention collective pour le groupe AO, les employés accumulent leurs crédits de congé annuel en fonction de leur «emploi continu» défini dans la Directive sur les conditions d’emploi.

La disposition visant l’indemnité de départ prévue à la clause 34.03a) de la convention collective visant le groupe PA s’appliquerait aux employés visés par cette convention qui possèdent des années de service antérieures à la GRC.

Pour un employé visé par la convention collective du groupe AO, qui compte des années de service antérieures à la GRC, ces années seraient comptabilisées en tant que service continu, tant que les conditions prévues à la clause 20.1(iii) de la Directive sur les conditions d’emploi sont réunies.

[…]

21        Mme Nadon a répondu ce qui suit à la personne non identifiée des Interprétations du CT, le 10 août 2010 :

[Traduction]

[…]

Je comprends, à moins de manquer quelque chose, et voici ce que je veux savoir : comptabilisons-nous l’année de service même si la personne (dans notre cas, un employé du groupe AO) a reçu une indemnité de départ lorsqu’elle a quitté la GRC?

[…]

22        Le 12 août 2010, la personne non identifiée des Interprétations du CT a répondu ce qui suit à Mme Nadon :

[Traduction]

Contrairement aux dispositions des conventions collectives qui prévoient le calcul des crédits de congé annuel selon le nombre d’années de «service au sein de la fonction publique», le fait que l’employé a reçu une indemnité de départ de la GRC n’a aucune incidence sur le calcul de son octroi de congé en fonction de l’«emploi continu».

Comme il est indiqué ci-dessous, vous devriez comptabiliser les années de service antérieures à la GRC en tant qu’emploi continu aux fins du calcul de congé annuel, tant que l’employé répond aux conditions prévues à l’alinéa 20.1(iii) de la Directive sur les conditions d’emploi, soit :

1. Il a été libéré honorablement;

2. Il a eu une nomination indéterminée dans la FP au cours des trois (3) mois précédant son départ de la GRC :

3. Il a fait un choix valide d’abandonner sa pension de la GRC.

[…]

23        Le 1er décembre 2010, l’employeur a informé les deux fonctionnaires que l’indemnité de départ qu’ils avaient reçue au terme de leur emploi à la GRC pourrait avoir une incidence sur leur accumulation de crédits de congé annuel et leurs dates de base de service ouvrant droit à congé. On a demandé aux deux fonctionnaires de remplir le formulaire approprié de la GRC afin de valider leur service auprès de cette dernière.

24        Le 7 décembre 2010, Josee Thellend, une conseillère principale en rémunération à TC, a informé M. Fields par courriel que, conformément à la convention collective et à l’information reçue du CT, son accumulation de crédits de congé annuel et sa date de base de service ouvrant droit à congéseraient rajustées aux chiffres initiaux. On a informé M. Fields que, puisqu’il avait reçu une indemnité de départ lorsqu’il a quitté la GRC, la période pendant laquelle il a travaillé à la GRC (du 22 novembre 1993 au 3 janvier 2005) ne pouvait plus être prise en considération. On a également informé M. Fields que sa date de base de service ouvrant droit à congé serait fixée au 4 janvier 2005 et que son accumulation de crédits de congé annuel correspondait à 9,375 heures par mois. Il a été informé que 55,75 heures de crédits de congé annuel seraient récupérées et on lui a demandé d’informer l’employeur de la période durant laquelle il aimerait que ce recouvrement ait lieu.

25        Le 17 décembre 2010, M. Fields a répondu à Mme Thellend et lui a indiqué qu’il avait quitté de son plein gré la GRC et qu’il avait été obligé d’accepter son indemnité de départ, et qu’il n’avait pas reçu l’intégralité de son indemnité de départ. Mme Thellend a répondu le même jour et lui a indiqué qu’elle se pencherait davantage sur cette situation et qu’elle lui fournirait une réponse.

26        Le 21 décembre 2010, Mme Thellend a envoyé un courriel à M. Fields, l’informant que ses recherches supplémentaires n’avaient pas modifié la position de TC. M. Fields lui a répondu par courriel en indiquant qu’il avait été employé en tant que membre régulier de la GRC et qu’il n’avait pas fait partie de la fonction publique. Il a laissé entendre que la politique sur l’indemnité de départ de la fonction publique ne s’appliquait pas à lui.

27        Le 14 janvier 2011, Mme Thellend a répondu à M. Fields par courriel et lui a indiqué ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Voici des renseignements tirés de l’avis d’information du Conseil du Trésor daté du 4 mai 2010, sur le «Service comme membre de la GRC - L’octroi de congé annuel» :

La LRTFP exclut spécifiquement les membres de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) de la définition de «fonctionnaire». Pour ces motifs, aux fins de l’octroi des crédits de congé annuel, les années de service comme membre de la GRC n’ont pas été historiquement reconnues.

Dès le 1er avril 2010, les employés ayant du service antérieur comme membre de la GRC verront leurs années de service reconnues comme étant du service au sein de la fonction publique et se verront octroyer les crédits de congé annuel applicables de la convention collective pertinente. Donc, les employés admissibles peuvent recevoir des crédits de congé annuel additionnels en date du 1er avril 2010.

[…]

h)       aux fins du présent paragraphe seulement, toute période de service au sein de la fonction publique, qu’elle soit continue ou discontinue, entrera en ligne de compte dans le calcul des crédits de congé annuel sauf lorsque l’employé-e reçoit ou a reçu une indemnité de départ en quittant la fonction publique. Cependant, cette exception ne s’applique pas à l’employé-e qui a touché une indemnité de départ au moment de sa mise en disponibilité et qui est réaffecté dans la fonction publique dans l’année qui suit la date de ladite mise à pied.

Précision que nous avons reçue du Conseil du Trésor sur ce qui précède :

Service comme membre de la GRC - L’octroi de congé annuel

Le terme «fonction publique» n’est pas défini dans les conventions collectives. Toutefois, comme il est indiqué à l’article 2 des conventions collectives : «Sauf indication contraire dans la présente convention, les expressions qui y sont employées, si elles sont définies dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, ont le même sens que celui qui leur est donné dans ladite loi».

Dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, on entend par fonction publique les ministères nommés à l’annexe I, les autres secteurs du gouvernement fédéral indiqués à l’annexe IV et les organismes distincts indiqués à l’annexe V de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP).

La GRC est indiquée à l’annexe IV de la LGFP. Par conséquent, l’indemnité de départ que l’employé a reçue est considérée comme une indemnité de départ reçue en quittant la fonction publique.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

28        M. Fields a répondu le même jour par courriel à Mme Nadon et a demandé à cette dernière une copie de l’interprétation du CT relativement à la décision, comme il est indiqué dans le courriel envoyé par Mme Thellend, le 14 janvier 2011.

29        Le 14 juillet 2011, dans un courriel envoyé par Diane Richer, une conseillère principale en rémunération, l’employeur a confirmé à M. Fields qu’il modifierait sa date de base de service ouvrant droit à congé à l’ancienne date du 4 janvier 2005. Par conséquent, pour l’exercice en cours (2011-2012), il recevrait de 112,5 heures de crédits de congé annuel, au lieu de 178,925 heures. Il l’a informé qu’à la date du courriel, son solde de 223,675 heures serait réduit de 66,425 heures, ce qui lui laisserait un solde de 157,25 heures.

30        Dans le courriel, on informait aussi M. Fields que, pour l’exercice précédent (2010-2011), il avait reçu 168,25 heures de congé annuel, mais qu’il n’aurait dû recevoir que 112,50 heures. Par conséquent, il devait 55,75 heures supplémentaires. L’employeur lui a présenté trois options pour recouvrer les 55,75 heures. Il a aussi été informé qu’à défaut de choisir une des trois options, l’option par défaut de recouvrer les 55,75 heures pendant trois ans serait mise en œuvre.

31        M. Fields a fait valoir qu’il n’avait jamais reçu l’interprétation du CT à laquelle Mme Thellend faisait référence dans le courriel qu’elle lui a envoyé le 14 janvier 2011.

32        M. Fields a fait valoir que l’employeur avait recouvré les crédits de congé annuel qu’il a dit qu’il recouvrerait.

33        M. Fields a fait valoir qu’à un moment donné après le mois d’avril 2010, il avait prévu prendre des vacances et d’emmener sa mère. En raison des mesures prises par l’employeur, il a repoussé le voyage. Il a toutefois avoué que le dépôt qu’il avait effectué pour le voyage lui avait été remboursé.

34        M. Tyefisher a fait valoir que, lorsqu’il a pris sa retraite de la GRC, il accumulait six semaines de congé annuel par année. Il a indiqué qu’au cours de l’exercice 2010-2011 (avec TC), il avait accumulé six semaines de congé annuel, qu’il avait toutes utilisées.

35        Le 25 juillet 2011, l’employeur a informé M. Tyefisher qu’étant donné que le formulaire de la GRC dûment rempli ne lui avait pas été retourné, il modifierait sa date de service au 1er mars 2006 et qu’il recouvrerait auprès de lui 112,50 heures de crédits de congé annuel. Comme M. Fields, trois options de recouvrement ont été présentées à M. Tyefisher. S’il n’en choisissait aucune, l’option par défaut d’un recouvrement pendant trois ans serait mise en œuvre.

36        En contre-interrogatoire, M. Tyefisher a reconnu qu’il avait utilisé les congés dans sa banque de congé annuel avant de prendre sa retraite de TC, malgré le fait que l’employeur l’avait déjà informé qu’il estimait qu’il lui avait accordé par erreur une avance de congés annuels supplémentaires auxquels il n’avait pas droit.

37        Mme Nadon a présenté au témoignage pour le compte de l’employeur. On lui a demandé d’identifier l’article 23 de la convention collective visant le groupe Navigation aérienne (la « convention collective du groupe AO »). Elle a fait valoir que cet article ne contient pas la clause 38.02h) de la convention collective du groupe TS dans la partie relative aux crédits de congé annuel, qui indique ce qui suit :

Aux fins du présent paragraphe seulement, toute période de service au sein de la fonction publique, qu’elle soit continue ou discontinue, entrera en ligne de compte dans le calcul des crédits de congé annuel sauf lorsque l’employé-e reçoit ou a reçu une indemnité de départ en quittant la fonction publique. Cependant, cette exception ne s’applique pas à l’employé-e qui a touché une indemnité de départ au moment de sa mise en disponibilité et qui est réaffecté dans la fonction publique dans l’année qui suit la date de ladite mise à pied.

38        Dans le cadre de l’interrogatoire principal, Mme Nadon a été renvoyée à l’article 23 de la convention collective du groupe AO. On lui a souligné que la convention collective ne possède pas de disposition semblable à la clause 38.02h) de la convention collective. À la question de savoir « Comment s’appliquerait-elle à des personnes comme les fonctionnaires? », Mme Nadon a affirmé que la convention collective du groupe AO se fonde sur l’« emploi continu » et que ce critère doit être respecté. Pendant qu’on lui posait des questions à ce sujet, on lui a demandé de consulter les trois critères indiqués dans le courriel du 12 août 2010, qui lui a été envoyé par la personne non identifiée des Interprétations du CT, qui indiquait que l’employeur devrait comptabiliser les années de service antérieures à la GRC en tant qu’emploi continu aux fins du calcul des crédits de congé annuel, tant que l’employé répond aux conditions prévues à la clause 20.1(iii) de la « Directive sur les conditions d’emploi », soit que l’employé :

  1. a été libéré avec certificat de bonne conduite;
  2. a été nommé pour une période indéterminée dans la fonction publique au cours des trois mois précédant son départ de la GRC;
  3. a fait un choix valide d’abandonner sa pension de la GRC.

39        Le 17 mai 2013, une personne non identifiée des Interprétations du CT a envoyé le courriel suivant à Mme Nadon, qui indique ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Les conditions prévues à la clause 20.1 des conditions d’emploi pour l’emploi continu sont toujours indiquées et n’ont pas été supprimées de la Directive :

(iii) la période de service effectué immédiatement avant dans les Forces canadiennes ou dans la Gendarmerie royale du Canada, à condition que la personne ait été libérée avec certificat de bonne conduite et qu’elle se soit prévalue ou se prévale d’une option de rachat en vertu de la Loi sur la pension de la fonction publique (la date du début de la période correspondra à la date où l’option est finalisée),

à condition que des interruptions de plus de trois mois ne séparent pas ces périodes de service;

[…]

40        Mme Nadon a témoigné en disant que les trois critères doivent être respectés et qu’autrement, le service n’est pas comptabilisé. Elle a affirmé que, lorsqu’elle a examiné les situations des fonctionnaires, rien ne répondait aux critères, ce qui explique pourquoi elle n’avait pas besoin de communiquer avec le CT pour obtenir des précisions.

41        L’article 2 de la convention collective du groupe TS s’intitule « Interprétation et définitions ».

42        Le terme « emploi continu » est défini à la clause 2.01 de la convention collective du groupe TS comme ayant le sens attribué à cette expression dans la « Directive sur les conditions d’emploi » de l’employeur à la date de la signature de la convention collective. Cette directive n’a pas été présentée à l’audience.

43        À la clause 2.01 de la convention collective du groupe TS, le terme « employé-e » désigne toute personne définie comme fonctionnaire en vertu de la Loi et qui fait partie de l’unité de négociation indiquée à l’article 9.

44        L’article 9 de la convention collective du groupe TS correspond à la clause de reconnaissance syndicale. On y indique que l’employeur reconnaît l’AFPC comme agent négociateur exclusif de tous les employé-e-s visés dans le certificat délivré par l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) le 10 juin 1999 à l’égard des employé-e-s du groupe Services techniques.

45        La clause 2.02 de la convention collective du groupe TS indique que, sauf indication contraire dans la présente convention, les expressions qui y sont employées, si elles sont définies dans la Loi, ont le même sens que celui qui leur est donné dans ladite loi et que, si elles sont définies dans la Loi d’interprétation (L.R.C., 1985, ch. I-21), mais non dans la Loi, ont le même sens que celui qui leur est donné dans la Loi d’interprétation.

46        Le terme « service » n’est pas défini dans la convention collective du groupe TS, dans la Loi ou dans la Loi d’interprétation.

47        Au paragraphe 2(1) de la Loi, on définit le terme « fonctionnaire » comme suit :

fonctionnaire Sauf à la partie 2, personne employée dans la fonction publique, à l’exclusion de toute personne :

[…]

d) qui est membre ou gendarme auxiliaire de la Gendarmerie royale du Canada, ou y est employée sensiblement aux mêmes conditions que les membres de la Gendarmerie;

[…]

48        Au paragraphe 2(1) de la Loi, on définit le terme « fonction publique » comme suit :

fonction publique Sauf à la partie 3, l’ensemble des postes qui sont compris dans les entités ci-après ou qui en relèvent :

a) les ministères figurant à l’annexe I de la Loi sur la gestion des finances publiques;

b) les autres secteurs de l’administration publique fédérale figurant à l’annexe IV de cette loi;

c) les organismes distincts figurant à l’annexe V de la même loi […]

49        La GRC figue à l’annexe IV de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C., 1985, ch. F-11, la « LGFP »).

50        Le terme « poste » n’est pas défini dans la convention collective du groupe TS, dans la Loi ou dans la Loi d’interprétation.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour les fonctionnaires

51        Les fonctionnaires font valoir que, lorsque l’on tient compte de la clause 38.02h) de la convention collective du groupe TS, l’ensemble de ses mots et de ses expressions doit être mis en application. Il y a une raison et une fin derrière le choix de ces mots et expressions. L’employeur veut tenir compte uniquement d’une partie de cette clause plutôt que de la lire dans son ensemble. Lorsqu’elle est lue dans son ensemble, on ne peut conclure qu’une seule chose, soit que cette clause ne s’applique pas aux agents de la GRC parce qu’ils ne sont pas des fonctionnaires.

52        La clause 38.02h) de la convention collective du groupe TS indique en partie ce qui suit : « aux fins du présent paragraphe seulement, toute période de service au sein de la fonction publique, qu’elle soit continue ou discontinue, entrera en ligne de compte dans le calcul des crédits de congé annuel sauf lorsque l’employé-e reçoit ou a reçu une indemnité de départ en quittant la fonction publique. » Les fonctionnaires n’étaient pas des employés de la fonction publique au sens de la convention collective; ils n’ont pas quitté la fonction publique et leur service a été effectué en vertu d’une loi du Parlement différente, qui leur exigeait de prendre l’indemnité de départ.

53        Le bulletin d’information reconnaît précisément que le terme « fonction publique » est défini dans la Loi, que la Loi exclut spécifiquement les membres de la GRC et que, par le passé, aux fins du congé annuel, les années de service à titre de membre de la GRC n’étaient pas reconnues.

54        Les fonctionnaires m’ont renvoyé à Gingras c. Canada [1994], 2 C.F. 734 (C.A.), qui est la décision à laquelle on renvoie dans le bulletin d’information. Dans Gingras, il n’est pas indiqué que les membres de la GRC sont des fonctionnaires; toutefois, dans le bulletin d’information, on indique que le CT avait ignoré les membres de la GRC qui étaient passés à la fonction publique et que le problème serait réglé.

55        La décision dans Gingras a été rendue lorsque la loi antérieure à la Loi, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C., 1985, ch. P-35, la «LRTFP ») était en vigueur. En 2005, le Parlement a promulgué la Loi et, à l’instar de son ancienne version, elle excluait de nouveau les membres de la GRC de la définition du terme « fonctionnaire ». Les membres de la GRC n’ont jamais été reconnus comme membres de la fonction publique. Ils ne sont pas des fonctionnaires. On ne peut être à moitié dans la fonction publique et à moitié à l’extérieur de cette dernière.

56        À la clause 38.02h) de la convention collective du groupe TS, les parties ont utilisé le terme « fonction publique », tel qu’il est défini dans la Loi.

57        M. Thibodeau, la personne au nom de qui le bulletin d’information a été envoyé, n’a pas soumis de preuve quant à ce que le bulletin d’information voulait dire.

58        Les fonctionnaires sont d’avis que les mots utilisés dans le bulletin d’information qui renvoient à une « convention collective pertinente », où il est indiqué que : « […] les employés ayant du service antérieur comme membre de la GRC verront leurs années de service reconnues comme étant du service au sein de la fonction publique et seront octroyés les crédits de congé annuel applicables de la convention collective pertinente », renvoient uniquement à la détermination du montant de congé annuel qu’un employé doit recevoir.

59        Les fonctionnaires sont d’avis que l’employeur ne peut recouvrer les crédits de congé annuel en vertu du paragraphe 155(3) de la LGFP, parce que cette disposition porte sur la paie, le traitement et le salaire, ce que les crédits de congé annuel ne sont pas.

60        Les fonctionnaires m’ont renvoyé à Combe c. Combe [1951], 2 KB 2515. Le bulletin d’information correspondait à une promesse inconditionnelle et l’employeur ne pouvait pas recouvrer les crédits de congé annuel auprès d’eux.

61        Même si la promesse a été faite aux employés et que l’AFPC n’a pas été consultée, étant donné qu’elle représente l’ensemble des employés de l’unité de négociation, la promesse a été faite à l’AFPC et l’employeur y est lié.

B. Pour l’employeur

62        L’employeur affirme qu’il y a deux questions à trancher :

  1. l’interprétation appropriée de la convention collective du groupe TS;
  2. la question de savoir si l’employeur était préclus de recouvrer les crédits de congé annuel.

63        Dans l’éventualité où les arguments des fonctionnaires voulant que les membres de la GRC ne fassent pas partie de la fonction publique étaient accueillis, leurs années de service ne devraient pas être comptabilisées. Les fonctionnaires veulent avoir les avantages des deux situations – ils veulent que les anciens membres de la GRC soient visés pour une partie de la clause 38.02 h) de la convention collective du groupe TS, mais pas dans son ensemble.

64        Le bulletin d’information, même s’il ne fait pas partie de la convention collective, offre des précisions. Le terme « fonction publique », tel qu’il est défini dans la Loi, exclut les membres de la GRC. Toutefois, la GRC est incluse à l’annexe IV de la LGFP. La convention collective parle d’années de service dans la fonction publique, tel qu’il est défini dans la Loi.

65        Le sens ordinaire de la convention collective du groupe TS prévoit une exception selon laquelle les années de service ne sont pas comptabilisées, ce qui correspond au moment où l’indemnité de départ est prise. La seule exception à cette exception vise les employés qui ont reçu une indemnité de départ, qui ont été mis à pied et nommés de nouveau. Dans le présent cas, les fonctionnaires ont démissionné de leur plein gré.

66        L’employeur et l’agent négociateur ont négocié la convention collective du groupe TS et cette dernière doit être appliquée uniformément. Les fonctionnaires y sont assujettis. S’ils avaient été des fonctionnaires et qu’ils avaient reçu leur indemnité de départ, leurs années de service n’auraient pu être comptabilisées pour accumuler des crédits de congé annuel.

67        L’employeur m’a renvoyé à la publication Collective Agreement Arbitration in Canada, cinquième édition, par Ronald M. Snyder, particulièrement au chapitre 2, [traduction] « Interprétation de la convention collective », à la partie 2 [traduction] « Règles d’élaboration utilisées à titre d’aide à l’interprétation », à la section A, [traduction] « Termes auxquels il faut accorder leur sens ordinaire », à la section D, [traduction] « Chaque terme doit avoir un sens : la règle pour éviter la redondance », ainsi qu’à la partie 4, [traduction] « Utilisation des lois dans l’interprétation et l’application de la convention collective » et sa section A, [traduction] « La loi peut être utilisée comme outil d’interprétation ».

68        L’employeur a le droit de recouvrer des sommes auprès des fonctionnaires en vertu du paragraphe 155(3) de la LGFP. La décision rendue dans Murchison c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2010 CRTFP 93, prévoit que si le paragraphe 155(3) n’est pas disponible ou applicable, l’employeur a le pouvoir de récupérer les crédits de congé annuel ou leur valeur pécuniaire en vertu de la disposition relative aux droits de direction.

69        En ce qui concerne l’argument de préclusion invoqué par les fonctionnaires, les quatre éléments qui suivent sont requis pour établir une préclusion en common law :

  1. Une représentation claire et sans équivoque.
  2. La représentation claire et sans équivoque a pour but de toucher les relations juridiques entre les parties.
  3. La conduite ou les mots d’une partie sont destinés à être utilisés par la personne ou les personnes envers qui la conduite est dirigée ou les mots sont dits.
  4. La personne à qui la représentation claire et sans équivoque est faite a compté sur cette dernière à son détriment.

70        À l’appui de sa position relativement à la préclusion, l’employeur m’a renvoyé à Maracle v. Travellers Indemnity Co. of Canada, [1991] 2 S.R.C. 50; Canada (Conseil du Trésor) c. Association canadienne du contrôle du trafic aérien, [1984] 1 C.F. 1081 (C.A.); Dubé c. Canada (Procureur général), 2006 CF 796; Telus Communications Inc. v. Telecommunications Workers Union, 2010 BCSC 1429 et Baranyi c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2012 CRTFP 55.

71        Le bulletin d’information ne visait pas à avoir une incidence sur la relation juridique entre l’employeur et l’AFPC, étant donné qu’elle représentait ce groupe.

72        L’employeur a affirmé que le bulletin d’information ne faisait pas une promesse claire et précise. Il m’a renvoyé à Pronovost c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2007 CRTFP 93, au paragr. 75, qui précise ce qui suit :

[75] […] Pour que cette théorie puisse recevoir application, il doit y avoir promesse entre les parties à la convention collective, tel que le précisent MM. Brown et Beatty […] Les parties à la convention collective sont l’employeur et l’agent négociateur et eux seuls peuvent valablement s’engager à interpréter ou à appliquer la convention collective d’une certaine façon. Bien qu’elle soit membre du syndicat, Mme Pronovost n’est pas pour autant une partie à la convention collective et à ce titre elle ne peut pas baser son grief sur une promesse de l’employeur relativement à l’interprétation ou l’application, à son endroit, de l’article 34 de la convention collective.

73        L’employeur affirme que le bulletin d’information ne visait pas une convention collective en particulier, mais qu’il s’appliquait potentiellement à de nombreuses conventions collectives. Par conséquent, le bulletin doit être lu conjointement avec la convention collective en question et doit être mis en application. La preuve présentée par Mme Nadon n’était pas que toutes les conventions collectives sont identiques; la convention collective pour le groupe AO est différente de celle du groupe TS.

74        La convention collective du groupe TS traite de la question de l’indemnité de départ.

75        L’employeur affirme aussi qu’il est impossible d’établir qu’il y a eu préclusion, parce que personne n’a subi de préjudice par suite d’une promesse. Lorsque l’on examine les dossiers de congé des fonctionnaires, on constate qu’ils ont obtenu des crédits de congé annuel qui ont ensuite été récupérés. Aucun des deux fonctionnaires n’a vu sa banque de congé afficher un solde négatif; en fait, les deux ont reporté des congés d’une année à l’autre. Si leurs soldes de congés demeuraient positifs après que l’employeur a récupéré des crédits de congé, il n’y a eu aucune perte et aucun préjudice.

76        Même si M. Fields a témoigné en disant qu’il avait réservé un voyage avec sa mère, il n’a jamais perdu d’argent à cet égard.

77        Dans Prosper c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2011 CRTFP 140, le fonctionnaire avait effectivement réservé un voyage. L’arbitre de grief a conclu que, lorsqu’un employé constate une erreur de l’employeur, il a l’obligation d’atténuer dans la mesure du possible les dommages causés par cette erreur.

78        En ce qui concerne M. Tyefisher, non seulement il ne s’est pas appuyé sur la promesse, à son détriment, mais, lorsqu’il a appris que les crédits étaient récupérés à même sa banque de congé, il les a tous utilisés, de sorte que l’employeur a été obligé de récupérer la valeur pécuniaire à même son indemnité de départ. M. Tyefisher n’a pas atténué les dommages comme il était tenu de faire, tel qu’il est indiqué dans Prosper.

79        L’employeur m’a renvoyé à Prévost c. Bureau du surintendant des institutions financières, 2011 CRTFP 119, qui affirme que le fardeau de la preuve incombe à la partie qui allègue la préclusion.

80        L’employeur m’a aussi renvoyé à Bolton c. Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord Canada), 2003 CRTFP 39; Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112, et Hamilton c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 91.

81        L’employeur affirme qu’il n’y a eu aucune violation de la convention collective du groupe TS et aucune préclusion. Le bulletin d’information n’a rien changé aux relations juridiques entre les parties à la convention collective du groupe TS, puisque personne n’a subi de préjudice du fait d’avoir agi sur la foi de l’engagement de l’autre.

C. Réponse des fonctionnaires

82        Le fait que les fonctionnaires pourraient avoir reporté des heures supplémentaires n’est pas pertinent. Ils croyaient qu’ils avaient droit à un avantage et cet avantage leur a été retiré.

83        Le préjudice est une question d’équité; lorsque leurs congés supplémentaires leur ont été retirés, il y a eu des répercussions financières. Peu importe s’il y avait 500 heures dans leurs banques de congés – il était déraisonnable de les récupérer.

84        En ce qui concerne M. Fields, cette situation a eu des répercussions sur ses plans familiaux, ce qui représente plus qu’une simple répercussion financière. Lorsqu’il y a récupération de sommes d’argent à même les poches d’une personne, il s’agit d’un préjudice

IV. Motifs

85        Un arbitre de grief tire sa compétence de la Loi. Étant donné qu’il ne s’agit pas d’une affaire portant sur une mesure disciplinaire, une rétrogradation ou un licenciement, ma compétence doit découler de l’alinéa 209(1)a) de la Loi, et porter sur l’interprétation ou l’application, à l’égard de l’employé, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale.

86        Les fonctionnaires affirment qu’il y a eu violation de la convention collective du groupe TS. La disposition en question est la clause 38.02 de la convention collective, qui  énonce l’entente entre l’employeur et l’AFPC sur la façon dont les congés annuels doivent être accumulés ou gagnés pour les employés qui font partie de l’unité de négociation des TS.

87        La clause 38.02 de la convention collective commence comme suit : « Pour chaque mois civil pour lequel il ou elle a touché au moins soixante-quinze (75) heures de rémunération, tout employé-e acquiert des crédits de congé annuel à raison de […] ». Dans les sept sous-paragraphes qui suivent, le nombre de crédits de congés accumulés en fonction du nombre d’années de service d’un employé est présenté de façon détaillée.

88        Le nombre initial de crédits de congé d’un employé qui ne possède aucune année de service antérieur ou moins de huit années de service, correspond à 9,375 heures par mois. Au cours d’une année, cela correspond à 112,5 heures, ou 15 jours de travail de 7,5 heures. Au cours du mois où l’employé atteint huit années de service, le nombre de crédits de congé accordé augmente. Les clauses 38.02b), c), d), e), f) et g) établissent l’augmentation des crédits de congé annuel en fonction de l’atteinte successive de jalons de service. En résumé, plus l’employé possède d’années de service, plus il accumule des crédits de congé annuel. Un employé qui possède 28 années de service ou plus accumule des crédits de congé annuel au double du taux d’un employé ayant huit années de service ou moins.

89        Le bulletin d’information indique en partie ce qui suit :

[…]

La LRTFP exclut spécifiquement les membres de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) de la définition de «fonctionnaire». Pour ces motifs, aux fins de l’octroi des crédits de congé annuel, les années de service comme membre de la GRC n’ont pas été historiquement reconnues.

Cependant, la GRC figure à l’annexe IV de la LGFP et dans la décision Gingras c. Canada (2 C.F. 734), la Cour d’appel fédérale a identifié un membre de la GRC comme une personne employée dans la fonction publique, dans le cadre de la prime au bilinguisme. Conséquemment, le Secrétariat du Conseil du trésor (SCT) a révisé l’interprétation courante concernant le service comme membre de la GRC dans le contexte de l’octroi de crédits de congé annuel.

Dès le 1er avril 2010, les employés ayant du service antérieur comme membre de la GRC verront leurs années de service reconnues comme étant du service au sein de la fonction publique et seront octroyés les crédits de congé annuel applicables de la convention collective pertinente. Donc, les employés admissibles peuvent recevoir des crédits de congé annuel additionnels en date du 1er avril 2010.

[…]

90        Lorsque les fonctionnaires ont commencé à travailler à TC, ils ont commencé à accumuler des crédits de congé annuel au taux établi à la clause 38.02a) de la convention collective du groupe TS, c’est-à-dire 9,375 heures par mois. Lorsqu’ils ont reçu le bulletin d’information, ils ont suivi le processus requis et se sont vus accorder, rétroactivement au mois d’avril 2010, un congé annuel, conformément au sous-paragraphe approprié de la clause 38.02, en tenant compte des années de service qu’ils avaient accumulées pendant leur emploi à la GRC.

91        M. Fields, a commencé à travailler à la GRC en 1993. En date d’avril 2010, il est entré dans la catégorie prévue à la clause 38.02c) et il a commencé à accumuler des crédits de congé annuel au taux de 13,75 heures par mois. M. Tyefisher, a commencé à travailler à la GRC en 1979. En date d’avril 2010, il est entré dans la catégorie prévue à la clause 38.02g) et il a commencé à accumuler des crédits de congé annuel au taux de 18,75 heures par mois. TC a rajusté leurs banques de crédits de congé annuel rétroactivement au 1er avril 2010, en leur donnant des crédits de congé supplémentaires, de sorte que leur banque de crédit de congé respective représenterait l’accumulation de crédits de congé au 1er avril 2010, au taux de 13,75 heures par mois pour M. Fields, et de 18,75 heures par mois pour M. Tyefisher, plutôt que le taux de 9,375 heures par mois auquel ils recevaient leurs crédits.

92        Le 1er décembre 2010, après avoir reçu un crédit de congé annuel fondé sur l’inclusion de leurs années de service passées à la GRC, l’employeur a indiqué aux fonctionnaires que puisqu’ils ont reçu l’indemnité de départ au moment de quitter la GRC, il pourrait y avoir une incidence sur leur capacité à accumuler des crédits de congé annuel en fonction de leur nombre d’années de service combinées, à TC et à la GRC.

93        Le 14 juillet 2011, M. Fields a été informé que son accumulation de crédits de congé annuel serait rajustée aux chiffres initiaux en vertu de la clause 38.02a) de la convention collective du groupe TS. Le 25 juillet 2011, la même information a été transmise à M. Tyefisher. Dans le cas de M. Fields, des crédits de congé annuel ont été récupérés à même sa banque de congé d’un montant égal à celui des crédits de congé annuel rajustés qu’il avait reçus à la suite du rajustement apporté par l’employeur, en modifiant son accumulation de congé annuel de 9,375 heures par mois à 13,75 heures par mois.

94        M. Tyefisher a démissionné de la fonction publique en juillet 2012. Préalablement, il avait utilisé la totalité de ses crédits de congé annuel. Par conséquent, l’employeur n’a pas pu récupérer les crédits de congé annuel qui, selon lui, constituaient un excédent. L’employeur a plutôt déduit à même son indemnité de départ (au moment de son départ de TC) la valeur pécuniaire égale aux crédits de congé annuel qu’il avait reçus selon le rajustement qu’il avait apporté, en modifiant son accumulation de congé annuel de 9,375 heures à 18,75 heures par mois.

95        Les fonctionnaires ont affirmé qu’ils n’étaient pas des fonctionnaires lorsqu’ils travaillaient à la GRC. S’ils n’avaient pas été des fonctionnaires, ils n’auraient pas pu faire partie de la fonction publique. Donc, on ne peut leur tenir rigueur d’avoir reçu une indemnité de départ de la GRC au moment de leur départ en vertu du bulletin d’information et de la clause 38.02 h) de la convention collective du groupe TS.

96        Selon la clause 2.02 de la convention collective du groupe TS, les expressions qui ne sont pas définies dans la convention collective, si elles sont définies dans la Loi, ont le même sens que celui qui leur est donné dans ladite loi et, si un terme n’est pas défini dans la convention collective ou dans la Loi, il a le même sens que celui qui lui est donné dans la Loi d’interprétation.

97        Pour accumuler des crédits de congé en vertu de la clause 38.02 de la convention collective du groupe TS, une personne doit correspondre à la définition du terme « fonctionnaire » prévue dans ladite convention collective et dans la Loi.

98        Dans la convention collective du groupe TS, le terme « fonctionnaire » désigne toute personne définie comme fonctionnaire en vertu de la Loi et qui fait partie de l’unité de négociation indiquée à l’article 9, qui est l’article sur la reconnaissance syndicale. On y indique que l’employeur reconnaît l’AFPC comme agent négociateur exclusif de tous les employé-e-s visés dans le certificat délivré par l’ancienne CRTFP le 10 juin 1999 à l’égard des employé-e-s du groupe TS.

99        La version de la Loi en vigueur au moment pertinent présente une définition du terme « fonctionnaire » en deux parties distinctes. La première, qui se trouve dans la section intitulée « Interprétation », indique ce qui suit :

fonctionnaire Sauf à la partie 2, personne employée dans la fonction publique, à l’exclusion de toute personne :

  1. nommée par le gouverneur en conseil, en vertu d’une loi fédérale, à un poste prévu par cette loi;
  2. recrutée sur place à l’étranger;
  3. qui ne n’est pas ordinairement astreinte à travailler plus du tiers du temps normalement exigé des personnes exécutant des tâches semblables;
  4. qui est membre ou gendarme auxiliaire de la Gendarmerie royale du Canada, ou y est employée sensiblement aux mêmes conditions que les membres de la Gendarmerie;
  5. employée par le Service canadien du renseignement de sécurité et n’exerçant pas des fonctions de commis ou de secrétaire;
  6. employée à titre occasionnel;
  7. employée pour une durée déterminée de moins de trois mois ou ayant travaillé à ce titre pendant moins de trois mois;
  8. employée par la Commission;
  9. occupant un poste de direction ou de confiance;
  10. employée dans le cadre d’un programme désigné par l’employeur comme un programme d’embauche des étudiants.

100        La partie 2 de la Loi en vigueur au moment pertinent, intitulée « Griefs », et le paragraphe 206(1) définissent le terme « fonctionnaire » comme suit :

fonctionnaire S’entend au sens de la définition de ce terme au paragraphe 2(1), compte non tenu des exceptions prévues aux alinéas e), h) et i) de celle-ci et des mots «sauf à la partie 2».

101        Les fonctionnaires étaient tous deux membres de la GRC jusqu’à ce qu’ils soient nommés à leur poste à TC.

102        Une nomination à la GRC est effectuée en vertu de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (L.R.C., 1985, ch. R -10; la « Loi sur la GRC »).

103        Le paragraphe 2(1) de la Loi sur la GRC définit le terme « membre » comme une personne nommée en vertu de l’article 5 (commissaire de la GRC) ou des paragraphes 6(3) ou (4) ou 7(1) et employée au sein de la Gendarmerie. Le terme « officier », en vertu du paragraphe 2(1), s’entend d’un membre nommé en vertu de l’article 5 (le commissaire de la GRC) ou des paragraphes 6(3) ou (4).

104        Le paragraphe 6(3) de la Loi sur la GRC porte sur la désignation, par le gouverneur en conseil, de personnes au rang de sous-commissaire de la GRC. Le paragraphe 6(4) porte sur la désignation, par le gouverneur en conseil, de personnes à tout autre rang dans la GRC. Le paragraphe 7(1) accorde au commissaire de la GRC le pouvoir de nommer les membres qui ne sont pas officiers et, par voie de promotion, de nommer un membre qui n’est pas officier à un grade ou échelon supérieur, autre qu’au grade de sous-commissaire, pour lequel il existe une vacance.

105        Le paragraphe 2(1) de la Loi définit le terme « fonctionnaire » comme une personne employée dans la fonction publique, mais prévoit ensuite plusieurs exclusions de personnes qui ne sont pas des employés à ces fins. L’une de ces exclusions touche les membres de la GRC. Il ne fait aucun doute qu’avant de se joindre à TC, les deux fonctionnaires étaient membres de la GRC, comme le définit l’alinéa 2(1)d) de la Loi. Par conséquent, en vertu de l’exclusion prévue à cet alinéa, ils n’étaient pas considérés comme des fonctionnaires au sens de la Loi pendant qu’ils travaillaient à la GRC. Ils ont toutefois affirmé qu’étant donné qu’ils n’étaient pas des fonctionnaires au sens de la Loi lorsqu’ils occupaient leur poste à la GRC, ils ne faisaient pas partie de la fonction publique. Je n’accepte pas cette partie de leur argument.

106        Même s’il n’est pas défini dans la convention collective du groupe TS, le terme « fonction publique » est défini ainsi au paragraphe 2(1) de la Loi :

fonction publique Sauf à la partie 3, l’ensemble des postes qui sont compris dans les entités ci-après ou qui en relèvent :

a) les ministères figurant à l’annexe I de la Loi sur la gestion des finances publiques;

b) les autres secteurs de l’administration publique fédérale figurant à l’annexe IV de cette loi;

c) les organismes distincts figurant à l’annexe V de la même loi.

107        La GRC se trouve à l’annexe IV de la LGFP.

108        Le terme « poste » n’est pas défini dans la convention collective du groupe TS, dans la Loi, dans la LGFP, dans la Loi d’interprétation ou dans la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, par. 12 et 13). Les postes sont créés, définis et modifiés exclusivement par l’employeur, qu’il s’agisse du CT ou d’un organisme distinct figurant aux annexes I, IV et V de la LGFP. Tout secteur donné de l’employeur peut posséder plusieurs sections ou divisions différentes, organisées de leur propre façon précise et comportant de nombreux postes différents pour s’acquitter de différentes fonctions. Les postes peuvent être propres à une partie précise d’une organisation ou peuvent être semblables parmi un éventail de parties différentes de l’employeur. Les postes sont toutefois des créations abstraites, occupées par des personnes en vue d’accomplir des tâches prévues pour chacun. Ils sont occupés par des personnes qui accomplissent les tâches au nom de l’employeur en échange d’une rémunération.

109        Cependant, les postes qu’un employeur peut avoir créés ne sont pas tous occupés par une personne qui effectue le travail. Les personnes qui accomplissent le travail ne correspondent pas toutes à la définition du terme « fonctionnaire » (au sens indiqué en vertu de la Loi et de la convention collective pour le groupe TS). De nombreuses personnes sont employées et payées pour accomplir des tâches indiquées relatives à des postes au sein des différentes organisations indiquées aux annexes I, IV et V de la LGFP, qui sont des employés nommés pour une période indéterminée de la fonction publique, mais qui ne sont pas considérées comme des employés aux fins de la Loi. Le fait que ces personnes ne correspondent pas à la définition du terme « fonctionnaire » prévu dans la Loi ne signifie pas qu’elles ne font pas partie de la fonction publique.

110        La difficulté ne réside pas dans la définition du terme « fonctionnaire » et dans le fait de déterminer si un membre de la GRC était un fonctionnaire au sens de la Loi; elle se trouve plutôt dans la définition du terme « fonction publique », dans le sens où on y fait référence dans la convention collective pour le groupe TS. Ce terme, tel qu’il apparaît à la clause 38.02h) de la convention collective pour le groupe TS, impose une limite quant aux crédits de congé annuel qu’un fonctionnaire peut gagner, puisqu’il y est indiqué ce qui suit :

Aux fins du présent paragraphe seulement, toute période de service au sein de la fonction publique, qu’elle soit continue ou discontinue, entrera en ligne de compte dans le calcul des crédits de congé annuel sauf lorsque l’employé-e reçoit ou a reçu une indemnité de départ en quittant la fonction publique. Cependant, cette exception ne s’applique pas à l’employé-e qui a touché une indemnité de départ au moment de sa mise en disponibilité et qui est réaffecté dans la fonction publique dans l’année qui suit la date de ladite mise à pied.

111        L’ECF indique que les deux fonctionnaires se sont joints à TC immédiatement après avoir quitté la GRC; M. Fields a quitté la GRC le lundi 3 janvier 2005 et il a commencé à travailler à TC le mardi 4 janvier 2005, tandis que M. Tyefisher a quitté la GRC le mardi 28 février 2006 et a commencé à travailler à TC le mercredi 1er mars 2006.

112        L’employeur a affirmé que, même si les membres de la GRC ne sont pas inclus dans la définition du terme « fonctionnaire » prévue dans la Loi (pendant qu’ils étaient membres de la GRC), ils sont inclus dans la définition du terme « fonction publique » tel qu’il est défini, qui comprend les membres de la GRC, comme l’indique le paragraphe 2(1) de la Loi. Je suis d’accord et j’accepte cet argument.

113        L’employeur a affirmé en tout premier lieu que le bulletin d’interprétation n’a pas modifié la convention collective du groupe TS. Je suis d’accord et j’accepte cet argument. Je crois que le bulletin d’information n’est rien de plus qu’une distraction. Il n’a pas modifié la convention collective de quelque façon que ce soit. À la lumière de cette conclusion, les arguments relatifs à la préclusion ne sont pas pertinents.

114        Dans Collective Agreement Arbitration in Canada, au chapitre 2, qui porte sur l’interprétation de la convention collective et sa deuxième partie, sur les règles d’interprétation utilisées pour faciliter l’interprétation, à la section A, portant sur les mots qui doivent avoir une connotation ordinaire, on indique ce qui suit au paragraphe 2.10 :

[Traduction]

En guise de règle d’interprétation, les mots clairs d’une convention collective doivent avoir leur connotation ordinaire. Dans certaines des affaires, on y fait référence comme le «sens grammatical original» ou la «définition dans le dictionnaire». La règle et sa justification ont été exprimées ainsi :

[…] Nous devons déterminer le sens de ce qui est écrit dans un paragraphe et appliquer l’intention des signataires à l’entente telle qu’exprimée. Si, à première vue, le paragraphe est logique et sans ambiguïté, nous devons appliquer son texte dans le sens apparent selon lequel il est utilisé, peu importe si le résultat peut être odieux pour un côté ou l’autre. Dans ce genre de cas, nous aurions tort de supposer qu’un certain effet autre que ce qui est indiqué dans le texte contenu était escompté ou d’ajouter des mots pour en arriver à un résultat différent.

115        M. Snyder, toujours au chapitre 2, à la section D de la partie 2, sur le fait que chacun des mots doit avoir une connotation (la règle pour éviter la redondance), indique ce qui suit à la clause 2.17 :

[Traduction]

Cette règle a été exprimée ainsi :

Il s’agit d’une règle d’interprétation reconnue qu’au moment d’interpréter des documents, il faut le faire de manière à donner effet à chacun des mots et on ne devrait pas ignorer un mot s’il est possible de lui donner un sens raisonnable. On a aussi soutenu, en tant que bonne règle générale, qu’une personne qui lit un document juridique, qu’il soit public ou privé, ne doit pas attribuer rapidement – à moins d’une nécessité ou l’attribution d’un certain motif valable – à la tautologie ou au caractère superflu de sa formulation.

116        Enfin, M. Snyder, à la partie 4 du chapitre 2, qui porte sur l’utilisation de loi dans l’interprétation et l’application de la convention collective et sa section A, qui indique que la loi peut être utilisée comme outil d’interprétation, indique ce qui suit à la clause 2.40 :

[Traduction]

Il est depuis longtemps accepté que les arbitres peuvent utiliser la loi de façon adéquate en tant qu’outil pour interpréter des conventions collectives. En guise de règle générale, la convention collective devrait être interprétée de façon à ne pas entrer en conflit avec les lois pertinentes, puisqu’il y a présomption selon laquelle les parties n’entendaient pas enfreindre la loi.

117        La première partie de la clause 38.02h) de la convention collective indique ce qui suit : « […] toute période de service au sein de la fonction publique, qu’elle soit continue ou discontinue, entrera en ligne de compte dans le calcul des crédits de congé annuel […] ». Si la clause se terminait après le mot « annuel », tout simplement, étant donné qu’ils sont membres de la GRC (et par conséquent de la fonction publique), le service des fonctionnaires pendant leur emploi à la GRC serait comptabilisé aux fins de l’octroi des crédits de congé annuel ou de leur accumulation aux clauses 38.02a) à g). La clause ne se termine toutefois pas là et continue avec le terme « sauf », qui a été utilisé pour lier la première partie de la clause à la deuxième partie, où est mentionné : « […] sauf lorsque l’employé-e reçoit ou a reçu une indemnité de départ en quittant la fonction publique ».

118        Le Canadian Oxford Dictionary, deuxième édition, définit le terme « sauf » ainsi : [traduction] « afin d’exclure d’une déclaration générale ou d’une condition, etc. ».

119        Dans le contexte de la clause 38.02h), le terme « sauf » signifie que tout service continu ou discontinu sera comptabilisé dans le calcul de l’accumulation de crédits de congé, à moins que l’événement indiqué après le mot « sauf » soit survenu, c’est-à-dire lorsque la personne qui aurait autrement le droit d’utiliser la totalité de son service dans la fonction publique pour calculer ses droits de crédit de congé « […] reçoit ou a reçu une indemnité de départ en quittant la fonction publique » [je souligne].

120        L’employeur a fait valoir que les deux fonctionnaires ont reçu leur indemnité de départ. Les fonctionnaires ont souligné qu’ils avaient été obligés de la prendre. L’employeur a aussi affirmé qu’étant donné que les fonctionnaires avaient accepté l’indemnité de départ, ils ne sont plus admissibles à l’augmentation de leurs crédits de congé annuel, comme il est indiqué dans le bulletin d’information, en raison de la clause 38.02 h) de la convention collective. Par conséquent, les crédits leur ont été avancés de façon inappropriée et ont donc été récupérés de façon appropriée auprès d’eux.

121        Je serais d’accord avec l’employeur, hormis le fait que sa position ignore les autres termes qui figurent dans la clause 38.02h) de la convention collective, et qui suivent le mot « sauf » : en quittant la fonction publique[je souligne]. Les fonctionnaires n’ont jamais quitté la fonction publique. Comme l’indique l’ECF, chacun des employés a quitté un poste dans la fonction publique (à la GRC) à un jour donné, uniquement pour commencer à occuper un nouveau poste dans la fonction publique (à TC) le lendemain. M. Fields a quitté la GRC le lundi 3 janvier 2005, et il a commencé à travailler à TC le mardi 4 janvier 2005, tandis que M. Tyefisher a quitté la GRC le mardi 28 février 2006, et il a commencé à travailler à TC le mercredi 1er mars 2006.

122        Comme il est indiqué dans Collective Agreement Arbitration in Canada, au chapitre 2, [traduction] « Interprétation de la convention collective », à la partie 2 [traduction] « Règles d’élaboration utilisées à titre d’aide à l’interprétation », à la section A, [traduction] « Termes auxquels il faut accorder leur sens ordinaire », et à la section D, [traduction] « Chaque terme doit avoir un sens : la règle pour éviter la redondance », l’expression « en quittant la fonction publique », qui suit le mot « sauf » à la clause 38.02 h) de la convention collective du groupe TS, doivent non seulement se voir accorder un sens, puisqu’ils ne sont pas redondants, mais doivent aussi se voir accorder leur sens ordinaire. La seule expression qui pourrait ne pas se voir accorder son sens ordinaire serait « fonction publique », puisque la convention collective du groupe TS a prévu une définition pour cette expression en vertu de la clause 2.02, qui indique que, sauf indication contraire dans la convention collective du groupe TS, les expressions qui y sont utilisées, si elles sont définies dans la Loi, ont le même sens que celui qui leur est donné dans ladite loi. L’expression « fonction publique » est définie à l’alinéa 2(1)b) de la Loi et comprend le service effectué dans des parties de l’administration publique fédérale figurant à l’annexe IV de la LGFP. La GRC est nommée ici. Ses membres font partie de la fonction publique fédérale.

123        Si les fonctionnaires avaient tous deux quitté la fonction publique et pris leur indemnité de départ, et qu’ils s’étaient ensuite joints de nouveau à la fonction publique, et si la clause 38.02h) figurait dans la convention collective régissant leurs conditions d’emploi, je serais d’accord avec la position de l’employeur et je conviendrais que les fonctionnaires ou que des personnes comme eux ont été destinés à accumuler des crédits de congé comme s’ils n’avaient pas d’années de service dans la fonction publique. Ce n’est toutefois pas ce qui s’est produit. Même si les deux fonctionnaires ont effectivement pris leur indemnité de départ, ils n’ont jamais quitté la fonction publique; ils n’ont fait que quitter la GRC.

124        La preuve présentée par Mme Nadon n’était pas utile. Elle a uniquement relevé ce qu’une personne inconnue du SCT lui avait dit sur l’interprétation du bulletin d’information et les dispositions sur le congé annuel de plusieurs conventions collectives. Même si le ouï-dire peut être déposé et accepté comme preuve et, de manière générale, dans le cadre d’audiences devant des tribunaux administratifs, les règles de preuve ne peuvent être exécutées aussi rigoureusement que devant un tribunal d’une compétence supérieure, la preuve qu’elle a présentée correspondait à de l’information provenant d’une personne ou de personnes inconnues qui peut ou non posséder une expertise dans le domaine en question.

125        Les fonctionnaires auraient dû accumuler des crédits de congés annuels et être crédités pour ces derniers, conformément à la clause 38.02 de la convention collective du groupe TS, en fonction de leur nombre d’années de service dans la fonction publique, y compris leurs années en tant que membres de la GRC. Pour M. Fields, ce service remonte à 1993, et pour M. Tyefisher, à 1979.

126        L’employeur a accordé des crédits de congé aux deux fonctionnaires conformément à la clause 38.02 de la convention collective du groupe TS rétroactivement au 1er avril 2010.

127        Je déclare donc qu’en juillet 2011, en rajustant les crédits de congé de M. Fields et en récupérant ceux qu’il avait gagnés à juste titre, l’employeur a violé la convention collective du groupe TS.

128        De même, je déclare qu’en juillet 2011, en rajustant les crédits de congé de M. Tyefisher et en déduisant des sommes égales à la valeur de ces crédits de congé à même son indemnité de départ, l’employeur a violé la convention collective du groupe TS.

129        Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

130        Les griefs sont accueillis.

131        Je déclare que l’employeur contrevient à la clause 38.02 de la convention collective du groupe TS relativement à son calcul des crédits de congé annuel des fonctionnaires en date du 1er avril 2010.

132        Je déclare que l’employeur a violé la convention collective du groupe TS en récupérant des crédits de congé que M. Fields avait accumulés à juste titre.

133        Je déclare que l’employeur a violé la convention collective du groupe TS en déduisant des sommes équivalant aux crédits de congé rajustés à tort, et ce, à même l’indemnité de départ de M. Tyefisher.

134        L’employeur devra, dans les 30 jours qui suivent la date de la présente décision, calculer, à partir du 1er avril 2010, le montant de congé annuel pour MM. Fields et Tyefisher en fonction de leurs années de service dans la fonction publique, y compris leurs années passées à la GRC et à TC, et leur accorder un crédit pour la différence entre ce qu’ils ont reçu en crédits de congé annuel et ce qu’ils auraient dû recevoir si l’employeur n’avait pas violé la convention collective. Dans le cas de M. Tyefisher, l’employeur devra lui verser la valeur en argent des crédits de congé, à son taux de rémunération le jour de son départ à la retraite.

135        Je demeurerai saisi de ce grief pendant 90 jours dans l’éventualité où des questions surviennent relativement à la mise en application de mon ordonnance.

Le 19 août 2016.

Traduction de la CRTEFP

John G. Jaworski,

arbitre de grief

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