Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’intimé a présenté une requête visant le rejet de la plainte au motif que la plaignante n’avait pas l’intérêt personnel nécessaire envers le poste – la Commission a conclu que la plaignante n’avait pas un intérêt personnel pour le poste, mais qu’elle était plutôt préoccupée pour d’autres employés – la Commission a également conclu que la plaignante avait expressément affirmé qu’elle n’était pas intéressée à travailler dans le poste – la plaignante n’a pas contesté le point de l’intimé selon lequel elle n’avait pas répondu à une déclaration d’intérêt pour une mutation à un poste semblable.Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Loi sur la Commission des relations
de travail et de l’emploi dans la
fonction publique et
Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20160915
  • Dossier:  2015-9578
  • Référence:  2016 CRTEFP 86

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

PENNY SOO-MARKELL

demanderesse

et

LE COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

intimé

Répertorié
Soo-Markell c. Commissaire du Service correctionnel du Canada


Affaire concernant une plainte déposée en vertu de l’alinéa 77(1)b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.


Devant:
Chantal Homier-Nehmé, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour la demanderesse:
Elle-même
Pour l’intimé:
April Conn, parajuriste, Services juridiques du Secrétariat du Conseil du Trésor
Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 3 et 8 août 2016.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Demande devant la Commission

1        Le 5 février 2015, la plaignante, Penny Soo-Markell, a déposé une plainte en vertu de l’alinéa 77(1)b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (la « LEFP »), à la suite d’un processus de nomination interne non annoncé utilisé pour doter un poste d’analyste financier sur place par intérim, classifié au groupe et au niveau FI-01, du 15 septembre 2014 au 13 janvier 2016, à l’établissement Joyceville, situé à Kingston, en Ontario. Au moment où elle a présenté sa plainte, elle était analyste financière sur place, classifiée au groupe et au niveau FI-01, à l’administration régionale du SCC, à Kingston. Elle a allégué que le commissaire du SCC (l’« intimé ») avait abusé de son pouvoir lors de son choix de processus, plus précisément que le processus était biaisé et non transparent.

2        L’intimé a nié toutes les allégations d’abus de pouvoir. Le 18 février 2015, il a présenté une requête demandant le rejet de la plainte au motif que la plaignante n’avait pas l’intérêt personnel nécessaire pour présenter une plainte en vertu de l’article 77. Le 6 mars 2015, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission ») a conclu qu’elle n’était pas convaincue que l’intimé s’était acquitté de son obligation de démontrer que la plaignante n’avait pas un intérêt personnel dans le poste lorsqu’elle a déposé sa plainte.

3        Le 3 août 2016, conformément aux nouveaux renseignements obtenus durant la conférence préparatoire à l’audience, l’intimé a présenté une deuxième requête demandant le rejet de la plainte aux motifs que la plaignante n’avait pas d’intérêt personnel dans le poste.

4        La Commission de la fonction publique n’a pas adopté de position sur la question de l’intérêt personnel.

5        Pour les motifs qui suivent, la requête demandant le rejet de la plainte est accueillie.

II. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’intimé

6        Durant la conférence préalable à l’audience, la plaignante a expressément informé la Commission qu’elle n’avait aucun intérêt dans un poste classifié au groupe et au niveau FI-01, à l’établissement Joyceville. De plus, elle n’a présenté aucun argument ou preuve contredisant la position de l’intimé voulant qu’elle n’ait aucun intérêt personnel.

7        Selon l’intimé, le fait que la plaignante ne réponde pas à la déclaration d’intérêt qui a été envoyée le 19 janvier 2015, relativement à une mutation à un poste classifié FI-01 à l’établissement Joyceville, constitue une preuve supplémentaire qu’elle n’avait aucun intérêt personnel à travailler à cet établissement. Elle ne s’est pas plainte de ne pas avoir été nommée au poste classifié FI-01, mais elle a déposé cette plainte au nom d’autres personnes. Elle a allégué que d’autres auraient dû être nommés au bassin de candidats pour des postes classifiés FI-01.

8        Qui plus est, la réparation demandée par la plaignante n’est pas directement liée à la nomination intérimaire FI-01 à l’établissement Joyceville, mais vise plutôt à corriger un tort perçu qui a eu lieu près de quatre ans auparavant, lors de sa nomination intérimaire précédente au groupe et au niveau FI-02.

B. Pour la plaignante

9        La plaignante a fait valoir qu’elle n’aurait pas été prise en considération pour le poste d’analyste financier sur place par intérim à l’établissement Joyceville par ce que le chef des finances a actuellement une opinion biaisée à son sujet sur le plan professionnel. Elle conteste le fait que sa nomination intérimaire au groupe et au niveau FI-02, en date de 2013, n’a pas été prolongée. De plus, elle a souligné que la direction lui avait dit que son affectation intérimaire précédente, au groupe et au niveau FI-02, n’avait pas été prolongée parce que, à ce moment-là, elle avait une affaire devant la Commission et qu’il avait également été établi qu’elle n’était pas qualifiée pour faire partie du bassin de candidats FI-02.

10        En ce qui concerne la réparation, elle a demandé que des modifications soient apportées aux règles et aux pratiques en matière de dotation et que tous les employés soient traités équitablement. Elle a indiqué qu’elle avait un intérêt dans l’application juste et uniforme des affectations intérimaires pour tous les employés.

III. Analyse

C. La question

11        La question soulevée par cette requête consiste à déterminer si la plainte satisfait à l’exigence d’intérêt personnel prévue à l’article 77, c’est-à-dire si la plaignante prétend qu’elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination au poste d’analyse financier sur place par intérim, classifié au groupe et au niveau FI-01, du 15 septembre 2014 au 13 janvier 2016, à l’établissement Joyceville, en raison d’un abus de pouvoir.

12        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84), et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission ») qui remplace le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le « Tribunal ») et l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique. La Commission est maintenant responsable de traiter les plaintes déposées en vertu de la LEFP. Par conséquent, la présente décision a été rendue par une formation de la Commission. La Commission tient également compte de la jurisprudence de son prédécesseur, le Tribunal.

13        La Commission a compétence pour entendre une plainte en vertu de l’article 77 lorsqu’un plaignant a démontré un intérêt personnel dans une nomination ou une nomination proposée. Cet article est libellé comme suit :

77 (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement de la Commission des relations de travail et de l’emploi, présenter à celle-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

a) abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

b) Un abus de pouvoir de la part de la Commission du fait qu’elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé; […]

[Je souligne]

14        Le Tribunal a étudié cette question dans un certain nombre de ses décisions et il a de façon constante confirmé qu’un plaignant doit respecter l’exigence d’intérêt personnel pour avoir le droit de déposer une plainte en vertu de l’art. 77.

15        Ce principe a été établi dans Visca c. le sous-ministre de la Justice et al., 2006 TDFP 16, où le Tribunal a fait valoir ce qui suit :

Dans le paragraphe 77(1) de la LEFP, les mots « présenter au Tribunal une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination » indiquent clairement qu’une plainte doit se rapporter directement au plaignant concerné. Une personne ne peut porter plainte que si « elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination » et ne peut pas porter plainte contre le fait que d’autres personnes n’ont pas été nommées.

16        Dans Evans c. Sous-ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et al., 2007 TDFP 4, le Tribunal s’est penché sur une plainte déposée en vertu de l’article 77, concernant une nomination non annoncée, et s’est prononcé en ces termes : « Le Tribunal estime que le droit d’un plaignant de déposer une plainte en vertu de l’article 77 de la LEFP est assujetti à la condition préliminaire selon laquelle la personne portant plainte doit avoir un intérêt personnel en ce qui a trait à la nomination. »

17        Le Tribunal a conclu qu’il n’avait pas compétence pour entendre la plainte et pour rendre une décision à ce sujet, au motif que la plainte a été déposée au nom d’autres personnes qui auraient pu se prévaloir de cette occasion. Pour cette raison, la plaignante n’avait pas qualité pour agir et n’avait donc aucun droit de déposer une plainte devant le Tribunal en vertu de l’article 77 de la LEFP.

18        Dans Beyak c. le sous-ministre de Ressources naturelles Canada et al., 2009 TDFP 35, et dans Silke et al c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2010, TFDP 9, le Tribunal a soutenu qu’un plaignant doit affirmer qu’il n’a pas été nommé à un poste ou fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir.

19         Conformément aux faits qui m’ont été présentés, au moment de déposer sa plainte, la plaignante avait été nommée pour une période indéterminée à titre d’analyste financière sur place à l’administration régionale. Elle était classifiée au groupe et au niveau FI-01. Dans sa réponse à la requête de l’intimé, elle n’a pas indiqué qu’elle voulait être nommée au poste d’analyse financier sur place par intérim au groupe et au niveau FI-01, à l’établissement Joyceville, ou faire l’objet d’une proposition de nomination à l’égard de ce poste.

20        Dans sa plainte, elle a affirmé que le poste d’analyste financier sur place classifié au groupe et au niveau FI-01, à l’établissement Joyceville, offert au moyen d’un processus interne non annoncé, aurait dû être offert aux candidats faisant partie du bassin FI-01 de l’époque, créé par suite d’un processus interne annoncé. Dans sa réponse à la requête de l’intimé, elle n’a pas contesté les allégations selon lesquelles elle n’avait pas présenté sa candidature au bassin des FI-01 de l’époque.

21        Elle a également affirmé que d’autres employés de la communauté des finances de la région de l’Ontario du SCC auraient dû pouvoir profiter de cette possibilité de perfectionnement professionnel au groupe et au niveau FI-01, puisque la personne nommée était déjà qualifié pour le répertoire FI-02. Ces faits me poussent à croire qu’elle n’avait aucun intérêt personnel dans le poste d’analyste financier FI-01 par intérim à l’établissement Joyceville, mais qu’elle était plutôt préoccupée pour les autres employés.

22        Dans Beyak, au paragr. 80, le Tribunal a précisé que le critère permettant d’établir la présence d’un intérêt personnel envers un poste n’est pas plus rigoureux pour un processus non annoncé que pour un processus annoncé. La Commission remarque également qu’au paragraphe 16 de Doraiswamy, le plaignant a explicitement indiqué au Tribunal, lors d’une téléconférence, qu’il n’avait aucun intérêt à l’égard du poste.

23        Les faits en l’espèce sont semblables puisque, durant la téléconférence préalable à l’audience qui a eu lieu le 27 juillet 2016, la plaignante a expressément indiqué qu’elle ne souhaitait pas occuper un poste classifié au groupe et au niveau FI-01, à l’établissement Joyceville. De plus, elle n’a pas contesté les observations de l’intimé, selon lesquelles elle n’a pas répondu à une déclaration d’intérêt envoyée par courriel le 19 janvier 2015, relativement à une mutation à un poste FI-01 à l’établissement Joyceville.   

24        Pour ces motifs, je conclus que la plaignante n’avait pas un intérêt personnel dans la nomination intérimaire relative au poste d’analyste financier sur place, classifié au groupe et au niveau FI-01, à l’établissement Joyceville et que, en réalité, elle s’était plainte au nom d’autres personnes et au sujet du fait que son affectation intérimaire au groupe et au niveau FI-02 n’avait pas été prolongée. Pour ces motifs, je conclus que la Commission n’a pas compétence pour entendre cette plainte et la trancher.

25        Pour tous ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

26        La requête de l’intimé est accueillie et la plainte est rejetée. La Commission ordonne la fermeture du dossier.

Traduction de la CRTEFP

Le 15 septembre 2016.

Chantal Hormier-Nehmé
une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique

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