Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a déposé une plainte en vertu des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP)concernant une affectation par rotation au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) – le défendeur a demandé que la plainte soit rejetée au motif que la Commission n’avait pas la compétence – la Commission a indiqué que le droit d’un employé de présenter une plainte en vertu de l’art. 77 de la LEFP est conditionnel au fait qu’une nomination ou une proposition de nomination a été effectuée – la Commission n’est pas habilitée en vertu de l’art. 77 de la LEFP à entendre des plaintes liées aux affectations – la Commission a conclu que, lorsqu’une mesure de dotation concerne un employé choisi dans le but d’être envoyé en missions à l’étranger afin de s’acquitter de façon temporaire des fonctions de son poste dans un autre milieu, la mesure de dotation est considérée comme une affectation et non une nomination, puisque le poste d’attache de l’employé demeure au Canada – la Commission a également conclu que, même s’il s’agissait d’une nomination intérimaire, la Commission n’aurait toujours pas compétence en vertu de l’exclusion car, selon l’art. 17 du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique (REFP), les déplacements de l’employé du MAECI, au Canada et à l’étranger, sont soustraits à l’application de l’art. 77 de la LEFP – toutefois, l’art. 17 du REFP ne s’appliquerait pas en l’espèce puisque l’employé a été affecté à un poste d’un niveau de classification inférieur, ce qui ne constituait pas une promotion et, par conséquent, ne constituait pas une nomination intérimaire. Requête accueillie.Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et
Loi sur l’emploi dans la
fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-07-29
  • Dossier:  2016-10497
  • Référence:  2016 CRTEFP 70

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

MICHAEL KACHMAR

plaignant

et

SOUS-MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL E

intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié
Kachmar c. Sous-ministre des Affaires étrangères et du Commerce international


Requête visant à faire rejeter une plainte d’abus de pouvoir qui a été déposée en vertu des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique


Devant:
Marie-Claire Perrault, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour le plaignant:
Lui-même
Pour l 'intimée:
Josée Deschambault, Chef, Projets nationaux RH
Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 23, 27 et 28 juin, ainsi que le 5 juillet 2016.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Requête de rejet

1        Le 9 juin 2016, le plaignant, Michael Kachmar, a déposé une plainte en vertu des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) concernant une affectation par rotation au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (actuellement connu sous le nom Affaires mondiales Canada). Le plaignant allègue qu’il y a eu abus de pouvoir lors du choix de processus et également en ce qui a trait à l’application du mérite.

2        Le 23 juin 2016, l’intimé a demandé que la plainte soit rejetée au motif qu’aucune nomination relative au poste en question n’avait été faite au sens de la LEFP, qu’il s’agissait plutôt d’une affectation.  

3        Le plaignant conteste la requête de l’intimé. 

4        La Commission de la fonction publique indique dans sa réponse à la requête de rejet que si les renseignements fournis par l’intimé sont justes, aucun droit de présenter une plainte ne serait conféré en vertu du paragraphe 77(1) de la LEFP.

5        Pour les motifs qui suivent, j’accueille la requête de rejet.

II. Contexte

6        En 2015, l’intimé a affiché sur son site intranet une annonce concernant des postes en affectation temporaire à l’étranger en 2016. L’intimé a également affiché sur son site Web les Lignes directrices de 2016 relatives aux affectations à des postes à l’étranger (« les lignes directrices ») dans le but d’expliquer comment les fonctionnaires du ministère pouvaient présenter leur candidature à des postes dans le cadre des missions à l’étranger.

7        Le plaignant soutient qu’il a présenté sa candidature à un poste du groupe et niveau CS-03 indiquant Tokyo, au Japon, comme son premier choix. En fin de compte, l’intimé a affecté Debbie Whippler au poste de « chef de l’équipe FSITP à Tokyo », un poste du groupe et niveau CS-03. Le plaignant allègue que l’intimé a abusé de son pouvoir lors du choix du processus et qu’il a [traduction] « attribué le poste à une employée d’un niveau d’emploi supérieur » puisque Mme Whippler est une CS-04. Les lignes directrices indiquent que les employés du niveau correspondant au poste seront choisis avant les candidats dont le niveau d’emploi est différent. Le poste du plaignant est du niveau CS-02.

8        Le plaignant soutient que le choix de personnes à des affectations par rotation est en fait un processus de nomination qui est annoncé et auquel il est possible de soumettre sa candidature; les candidats seront alors évalués en fonction de compétences préétablies. 

III. Question en litige

9        La question en litige dans la présente requête est de savoir si Mme Whippler a été affectée ou nommée au poste CS-03 à Tokyo.

IV. Analyse

10        La Commission a la compétence pour entendre une plainte déposée en vertu des alinéas 77(1)a) et b) lorsqu’une nomination ou une proposition de nomination a été faite.

77 (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement de la Commission des relations de travail et de l’emploi, présenter à celle-ci une plainte selon laquelle elle na pas été nommée ou fait lobjet dune proposition de nomination pour lune ou lautre des raisons suivantes :

a) abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

b) abus de pouvoir de la part de la Commission du fait qu’elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé […]

11        En d’autres mots, comme il a été établi par l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique (TDFP), le droit de porter plainte dont disposent les employés en vertu de l’art. 77 de la LEFP est conditionnel au fait qu’une nomination ou une proposition de nomination ait été effectuée (voir Czarnecki c. Administrateur général de Service Canada, 2007 TDFP 1, et Tennant c. Président de l’Agence canadienne de développement international, 2007 TDFP 6). 

12        Les affectations au sein de la fonction publique fédérale ne sont pas définies ni mentionnées dans la LEFP ni dans le Règlement sur l’emploi dans la fonction publique (REFP). Cependant, la question des affectations a été traitée dans Ait Lahcen c. Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2009 TDFP 13. Dans ce cas, il était évident que la situation faisant l’objet de la plainte était une affectation et non une nomination. Le protocole d’affectation avait clairement été établi, et la personne affectée au poste n’avait jamais perdu son poste d’attache. Le TDFP a statué qu’il n’avait pas la compétence pour entendre l’affaire.

13        Pareillement, la Commission conclut que la mesure de dotation visée par la plainte en l’espèce est une affectation et non une nomination. Les employés sont choisis dans le but d’être envoyés en missions à l’étranger afin de s’acquitter de façon temporaire des fonctions de leurs postes dans un autre milieu. Leur poste d’attache demeure au Canada.

14        Les candidats doivent sans aucun doute posséder les compétences requises pour s’acquitter des tâches du poste auquel ils sont affectés; néanmoins, ces éléments ne constituent pas le critère permettant de conclure qu’une affectation est en fait une nomination, comme ce l’était dans Beyak c. Sous-ministre de Ressources naturelles Canada, 2009 TDFP 7. Dans ce cas, l’intimé soutenait qu’une période de nomination intérimaire était en fait une affectation et que par conséquent, elle ne pouvait faire l’objet d’une plainte en vertu de l’art. 77. Cependant, le TDFP a conclu que l’affectation alléguée avait tous les éléments d’une nomination.Un nouveau poste avait été créé et celui-ci était devenu le poste d’attache de la personne nommée.Ce n’est pas le cas en l’espèce.(Voir également Doré c. Canada, [1987] 2 R.C.S. 503.)

15        La Commission est convaincue que le poste de Mme Whippler est une affectation au cours de laquelle elle s’acquitte de tâches à son niveau (bien que dans son cas, le niveau de classification est inférieur). Comme il est indiqué dans Beyak, au paragr. 90 :

90 Une affectation peut se définir comme le déplacement temporaire d’un employé, au sein d’un ministère du gouvernement, afin d’exercer les fonctions d’un poste existant ou pour réaliser un projet spécial. Pendant son affectation, l’employé conserve son poste d’attache et exerce des fonctions au même groupe et niveau. L’employé n’est pas titularisé au poste d’affectation; il est prévu qu’il retourne ensuite à son poste d’attache […]

16        Il peut arriver que, dans certains cas, le poste à l’étranger soit d’un niveau de classification supérieur au poste d’attache de la personne affectée, situation qui à ce moment-là peut être considérée comme une nomination intérimaire comme il est défini à l’art. 1 du REFP qui se lit comme suit :

1 […] nomination intérimaire Le fait pour un fonctionnaire d’exercer temporairement les fonctions d’un autre poste, dans le cas où l’exercice de ces fonctions aurait constitué une promotion, si ce fonctionnaire avait été nommé à ce poste […]

17        Il n’en demeure pas moins que la Commission n’aurait pas eu la compétence pour entendre une plainte en vertu de l’art. 77 de la LEFP dans le cas d’une nomination comme celle en cause en raison de l’art. 17 du REFP qui se lit comme suit :

17 Malgré les articles 14 à 16, les nominations intérimaires à tout poste établi dans le cadre d’un système de permutation créé par l’administrateur général afin de pourvoir au déplacement au Canada et à l’étranger des fonctionnaires des administrations ci-après sont soustraites à l’application des articles 30 et 77 de la Loi :

a) le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration;

b) le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international;

c) l’Agence des services frontaliers du Canada.

18        La Commission conclut que l’art. 17 du REFP ne s’applique pas aux circonstances en l’espèce. Il vise les situations où une affectation a comme conséquence de produire une promotion. En l’espèce, la personne dont l’affectation est visée par la contestation est en fait affectée à un poste d’un niveau de classification inférieur. Par conséquent, il n’y a pas eu de promotion, et l’affectation ne peut être considérée comme une nomination intérimaire. Si le plaignant avait été affecté à un poste CS-03, cette affectation aurait constitué une nomination intérimaire comme il est défini dans le REFP, mais n’aurait pu faire l’objet d’aucun recours comme le précise l’art. 77 de la LEFP en raison de l’art. 17 du REFP.

19        Le poste de Mme Whippler à Tokyo est une affectation. La Commission ne se prononce pas sur la question à savoir si le plaignant était justifié de déposer une plainte à l’égard de l’affectation mise en œuvre par l’intimé. Cette décision est simplement fondée sur le fait que la Commission n’est pas le forum approprié pour entendre l’affaire puisque selon l’art. 77 de la LEFP, elle n’est pas habilitée à entendre des plaintes liées aux affectations.

20        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

21        La requête est accueillie. La plainte est rejetée.

Le 29 juillet 2016.

Traduction de la CRTEFP

Marie-Claire Perrault,
une formation de la Commission des relations de travail
et de l’emploi dans la fonction publique
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