Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés ont déposé des griefs alléguant que la mise en œuvre de la Politique sur la gestion des présences nationale de l’employeur (la « Politique ») était discriminatoire en raison de la situation familiale et de l’incapacité – l’employeur a soulevé une objection préliminaire affirmant que la Commission n’a pas de compétence inhérente pour examiner son exercice des droits de l’employeur, sauf si la politique contestée était expressément incorporée à la convention collective – la Commission a décidé que l’article 209 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique lui permettait de déterminer si la Politique violait la convention collective, y compris sa disposition d’élimination de la discrimination – la Politique distinguait les employés qui avaient obtenu un congé lié à une situation familiale ou à une incapacité et ils étaient visés par la Politique de manière accélérée, ce qui pouvait avoir un effet néfaste sur leur emploi continu et ce qui pouvait éventuellement comprendre le licenciement – la Commission a conclu que la Politique était discriminatoire à première vue, puisqu’elle ne faisait pas de distinction entre des absences coupables et non coupables lors de l’évaluation de la quantité de congés qu’un employé prenait en comparaison d’un seuil calculé en fonction de l’utilisation de congés par groupe professionnel à l’échelle nationale, sans être évalué au cas par cas – l’employeur n’a pas été en mesure d’établir une défense d’exigence professionnelle de bonne foi, puisqu’il ne pouvait pas prouver que le fait de tenir compte de la situation des fonctionnaires s’estimant lésés lui causerait un préjudice indu en fonction de la santé, de la sécurité ou des coûts – la Commission a conclu que l’employeur a, de manière délibérée et inconsidérée, ignoré ses obligations prévues par la convention collective et la Loi canadienne sur les droits de la personne et elle a accordé aux fonctionnaires s’estimant lésés une indemnité spéciale, conformément au paragraphe 53(3) de cette loi, de même que des dommages pour préjudice moral selon l’alinéa 53(2)e).Griefs accueillis.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-08-09
  • Dossier:  566-02-8408, 8410 à 8414, 8418 et 8419
  • Référence:  2016 CRTEFP 71

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

RANDI BODNAR, BONITA EBELHER, KENDRA HALDORSON, RON HARRISON, GALLAGHER KEOUGH, MANDELLE MITCHELL-HIMLER, KEVIN WILLIAMS ET CANDICE WESTBURY

fonctionnaires s'estimant lésés

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Bodnar et al. c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)


Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage


Devant:
Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
Douglas Hill, Alliance de la Fonction publique du Canada, et David Yazbeck, avocat
Pour l'employeur:
Sean Kelly, avocat
Pour la Commission canadienne des droits de la personne:
Giacomo Vigna, avocat
Affaire entendue à Calgary (Alberta),
du 10 au 12 février et les 12 et 13 novembre 2015.
(Arguments écrits déposés le 2 novembre et le 14 décembre 2015, et les 15 et 20 janvier 2016.)
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1        Dans la présente décision, les fonctionnaires s’estimant lésés sont Randi Bodnar, Bonita Ebelher, Kendra Haldorson, Ron Harrison, Gallagher Keough, Mandelle Mitchell-Himler, Kevin Williams et Candice Westbury (les « fonctionnaires »).Ils ont tous déposé un grief au motif que l’employeur, le Service correctionnel du Canada (l’« employeur »), a violé l’article 19 « Élimination de la discrimination » de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour le groupe Services des programmes et de l’administration (tous les employés), qui est venue à échéance le 20 juin 2014 (la « convention collective »), et que, à titre individuel, l’employeur a également violé l’article 35 « Congé de maladie payé » ou l’article 43 « Congé payé pour obligations familiales » de cette même convention collective.

2        Tous les fonctionnaires ont signifié un avis à la Commission canadienne des droits de la personne (la « CCDP »), l’informant que leurs griefs concernaient l’interprétation de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. 1985, ch. H-6; la « LCDP »). Conformément au paragr. 210(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), la CCDP a qualité pour présenter des arguments dans le cadre des procédures d’arbitrage de griefs et, par conséquent, elle a déposé un mémoire sur l’application de la LCDP à ces griefs auprès de la Commission.

3        Les griefs ont été renvoyés à l’arbitrage en 2013. Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été promulguée (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

II. Résumé de la preuve

4        Tous les fonctionnaires travaillaient à l’établissement Bowden (l’« établissement »), situé à Bowden, en Alberta. Chaque employé a été, à sa façon, touché par la mise en œuvre de la « Politique nationale de gestion des présences » (la « PNGP ») de l’employeur, en octobre 2011. Chaque fonctionnaire a allégué que l’employeur avait appliqué la PNGP de manière discriminatoire à leur égard et qu’il avait violé l’article 19 de la convention collective relativement à un ou à plusieurs des motifs de distinction illicite énumérés dans la LCDP. En outre, dans le cadre de son application de la PNGP, l’employeur a également violé l’article 35 ou 43 de la convention collective.

5        En tant que groupe, les fonctionnaires ont allégué avoir fait l’objet d’une discrimination systémique en raison de l’utilisation des taux moyens d’absentéisme pour établir le seuil d’application de la PNGP. Les fonctionnaires ont allégué que lorsque la PNGP est appliquée à la situation factuelle de chacun de ces cas, l’employeur est coupable de discrimination systémique. Ils ont fait valoir que, en raison de l’application de la PNGP, l’employeur surveillait en tout temps les fonctionnaires afin d’identifier les abus en ce qui concerne les droits aux congés et que, par conséquent, il ne s’était pas acquitté de son obligation de tenir compte de leurs déficiences ou de leurs obligations relatives à leur situation familiale, et qu’il s’agissait donc de discrimination. La combinaison des absences volontaires et involontaires, même une fois le congé approuvé, pour déterminer le seuil relatif à l’application de la PNGP est discriminatoire.

6        Selon l’employeur, la PNGP a pour but d’assurer une communication efficace entre un employé et son gestionnaire au sujet des absences, de cerner les besoins en matière d’adaptation et de permettre à l’employeur de s’acquitter de son obligation de prendre des mesures d’adaptation pour répondre à ces besoins. À l’exception de Mme Ebelher, aucun des fonctionnaires n’a fait l’objet d’un programme de gestion de l’assiduité en vertu de la PNGP. Mme Ebelher a été visée en raison de son refus de rencontrer la direction au sujet de ses absences. La PNGP, de même que sa mise en œuvre ou son application, ne viole ni la convention collective ni la LCDP.

7        Afin d’établir le contexte de la politique en ce qui concerne les griefs, Nathalie Dufresne-Meek, directrice, Mieux-être en milieu de travail et bien-être des employés, de l’employeur, a présenté son témoignage en premier, par suite d’un accord des parties. Mme Dufresne-Meek est chargée du programme de retour au travail de l’employeur, du programme de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, de la PNGP et du programme de prévention du harcèlement. Avant d’occuper ce poste, elle était la coordonnatrice nationale du retour au travail de l’employeur. Selon sa description, la PNGP a pour but d’assurer une gestion uniforme, auxiliaire et équitable de l’assiduité des employés tout en respectant l’[traduction] « esprit des conventions collectives », et ce, afin de permettre une communication entre l’employeur et l’employé, ainsi qu’une intervention individuelle, dans le contexte du mieux-être.

8        La PNGP a été mise en œuvre en octobre 2011. Un courriel (pièce 5) a été envoyé à tous les employés et agents négociateurs pour annoncer son lancement. La PNGP vise à aider les employés en permettant d’assurer l’amélioration de leur assiduité. Un gestionnaire ou un superviseur et un employé peuvent discuter de toute préoccupation relative à l’utilisation des congés par l’employé. La PNGP doit être appliquée au cas par cas. Elle n’a pas pour but d’obtenir des diagnostics médicaux des employés et les gestionnaires sont avisés de ne pas les demander.

9        À l’article 3, page 2 (pièce 3), la PNGP porte principalement sur les possibilités d’améliorer l’assiduité et de déterminer si un soutien de l’employeur est nécessaire pour améliorer l’assiduité et le mieux-être de l’employé. Lorsque l’employeur connaît les motifs de l’absence d’un employé, il est alors possible, à l’aide d’une discussion, de déterminer la façon dont il peut aider l’employé.

10        Les superviseurs et les gestionnaires sont tenus d’examiner, mensuellement, l’utilisation des congés par leurs employés. Ils doivent identifier les tendances. Une fois qu’une tendance est ciblée, le superviseur doit interroger l’employé afin d’étudier les motifs de l’absence. Les entrevues sont consignées en tant que notes au dossier et elles sont placées dans les dossiers d’assiduité des employés. Les entrevues sont confidentielles et ne sont mises à la disposition du superviseur qu’au besoin. Ces discussions informelles ont été officialisées afin que les employés n’aient pas à se répéter à d’autres superviseurs qui ont accès aux notes. Afin d’éviter des discussions ultérieures au sujet d’une période particulière visée, une note donnée peut indiquer que toute question liée aux congés a été traitée et qu’elle n’était pas particulièrement préoccupante. Le dossier n’est pas reporté à la prochaine période de congé aux fins de discussion.

11        Si un besoin relatif à une mesure d’adaptation est cerné, le congé qui s’y rapporte n’est pas inclus dans le calcul pour déterminer si l’employé a franchi le seuil requis aux fins de l’application de la PNGP. L’employeur examine l’utilisation combinée des congés de maladie et des congés pour obligations familiales de l’employé. Chaque situation est évaluée sur le fond. Les gestionnaires et les superviseurs ne doivent pas appliquer la PNGP de manière arbitraire. Chaque cas est individuel. Le fait qu’un employé ait franchi le seuil n’est pas un précurseur de l’application de la PNGP. Une discussion avec le gestionnaire de l’employé est requise et, par la suite, une recommandation est mise en ce qui concerne l’application de la PNGP.

12        Le seuil qui doit être franchi est calculé pour chaque groupe professionnel en fonction de l’utilisation des congés, et ce, pour tous les employés de l’employeur. Le seuil est établi annuellement, le 1er juillet, en divisant le nombre total des heures de congé de maladie et de congé pour obligations familiales utilisées par tous les employés d’un groupe professionnel au cours d’un exercice par le nombre d’employés membres du groupe professionnel au 31 mars (pièce 3, annexe A). L’agent négociateur des fonctionnaires a soulevé une préoccupation quant au fait que l’utilisation des congés était calculée par emplacement. Selon lui, l’utilisation pourrait varier énormément selon le groupe et l’emplacement. L’employeur a mené une enquête relativement à cette préoccupation et a déterminé que de telles anomalies n’étaient pas assez importantes pour changer le calcul des seuils homologues. L’employeur reconnaît les différences entre les groupes et il estime qu’il s’agit d’une façon équitable et raisonnable d’établir les seuils.

13        La première étape de la PNGP est la surveillance mensuelle, la deuxième est la détermination d’une tendance et la troisième est l’entrevue avec les gestionnaires. Par la suite, l’application de la PNGP cessera si le gestionnaire estime que l’utilisation des congés était justifiée. Si un employé s’approche du seuil ou si une irrégularité survient, l’employé pourrait être interrogé une ou plusieurs fois. Si, après l’entrevue, le superviseur est convaincu que l’utilisation des congés était effectivement justifiée, ou s’il conclut qu’une mesure d’adaptation ou d’appui doit être prise à l’égard de l’employé, l’entrevue prend fin.

14        Si aucune mesure d’adaptation n’est nécessaire, le superviseur envoie un courriel au coordinateur de la PNGP, avec copie conforme à l’employé. Dans ce courriel, le superviseur fait valoir ses préoccupations quant à l’assiduité de l’employé et formule des recommandations quant à la meilleure façon de les aborder. Une fois que le coordonnateur de la PNGP reçoit le courriel, il ou elle organise une autre réunion avec l’employé au cours de laquelle les circonstances du cas particulier sont passées en revue en présence du superviseur et d’un représentant syndical, au choix de l’employé. L’entrevue est de nature corrective et vise à améliorer l’assiduité. Le coordonnateur de la PNGP consigne l’entrevue dans le dossier personnel de l’employé, même si l’employé ne sera pas visé par la PNGP.

15        Si le coordonnateur de la PNGP estime qu’aucune mesure d’adaptation ou d’appui n’est nécessaire, il ou elle prépare un plan d’action qui est communiqué à l’employé au cours d’une quatrième réunion. À cette étape, l’employé est considéré comme étant visé par la PNGP pendant une période de trois, six ou neuf mois.

16        Toute maladie chronique sérieuse qui peut affecter l’assiduité d’un employé doit être confirmée par un médecin (pièce 3, page 4). Le superviseur collaborera avec l’employé une fois que les renseignements médicaux ont été reçus afin de déterminer la nature de la mesure d’adaptation nécessaire. Si des renseignements médicaux clairs sont présentés, une autre entrevue ne sera pas nécessaire. En l’absence d’un diagnostic, l’employeur doit demander au médecin traitant de lui recommander une mesure d’adaptation convenable. L’employeur peut également demander une évaluation des limitations fonctionnelles.

17        Pendant la période visée par le certificat médical, l’employeur s’attend à ce que le gestionnaire ou le superviseur consulte régulièrement l’employé pour savoir comment se passe son rétablissement et pour veiller à ce que ce dernier soit au courant de l’existence des programmes de retour au travail, de mesures d’adaptation et d’aide aux employés.

18        Les calculs du seuil de la PNGP, faits dans un tableur intitulé [traduction] « Seuil de la PNGP par emplacement » (pièce 6), sont fondés sur l’utilisation des congés par tous les employés, y compris les congés de maladie utilisés par ceux qui sont atteints d’une déficience. Les calculs ne sont utilisés qu’aux fins du seuil; si un employé est atteint d’une maladie chronique, s’il est handicapé ou s’il a besoin d’une mesure d’adaptation, il ne sera pas pris en compte aux fins de la PNGP.

19        La même période de congé ne devrait pas faire l’objet d’un autre examen si des préoccupations continues surviennent tout au long de l’année. Le congé ne doit pas être consigné plus d’une fois, sauf si plus d’une réunion a été tenue avec l’employé. Si le congé est justifié, il n’est consigné qu’une seule fois. Lorsque le congé est justifié, il est soustrait du calcul du seuil à l’égard de cet employé, peu importe s’il est fautif. Si l’employeur croit que le congé est fautif, un autre programme sera utilisé pour le traiter, et le congé fautif sera déduit du calcul du seuil après la réunion. Le coordonnateur de la PNGP a le pouvoir discrétionnaire d’exclure ou non un congé d’accident du travail du calcul du seuil.

A. Mme Ebelher

20        Mme Ebelher était une employée classifiée CR-04. Elle a travaillé à l’établissement à partir de 2003, jusqu’à sa retraite en 2013. Le 25 avril 2012, elle a reçu un courriel de son superviseur (pièce 10) l’informant qu’elle devait le rencontrer en vue de discuter de son assiduité. Elle a refusé, au moyen d’un courriel de renvoi, et lui a expliqué verbalement que ses motifs ne concernaient qu’entre elle et son médecin. Elle s’est décrite comme une personne privée qui ne souhaitait pas discuter de sa situation puisqu’elle avait droit au congé en vertu de la convention collective. En raison de son refus d’en discuter, elle a été renvoyée à la PNGP. Son gestionnaire l’en a informée par courriel (pièce 11) le 27 avril 2012.

21        Entre le 17 mai et le 20 août 2012, Mme Ebelher s’est absentée du travail en raison d’une déficience. Aucun représentant de l’employeur ne l’a appelée ou ne l’a consultée pendant cette période.

22        Le 20 septembre 2012, à la suite d’une réunion très courte avec son gestionnaire, elle a reçu un courriel l’informant qu’elle devait rencontrer la sous-directrice, qui était la coordonnatrice de la PNGP à l’établissement, au sujet du renvoi à la PNGP faite par son superviseur en avril 2012. Tout au long de la réunion, le gestionnaire de la fonctionnaire n’a jamais mentionné que la rencontre avait pour objet de discuter de son assiduité pour l’exercice 2011-2012. Au contraire, les discussions ciblaient les raisons de son absence du travail d’avril à août, durant l’exercice 2012-2013. Tel qu’elle l’avait indiqué antérieurement à son gestionnaire, elle ne souhaitait pas discuter d’une absence à l’égard de laquelle elle avait fourni un certificat médical.

23        Mme Ebelher a rencontré la sous-directrice, tel qu’il était requis, et a fait l’objet d’un plan de gestion des présences, conformément à la PNGP, le 19 octobre 2012 (pièce 14). Par conséquent, elle devait présenter un certificat médical pour tout congé de maladie, et ce, dans un délai opportun, à défaut de quoi le congé serait considéré comme un congé non payé.

24        L’année au cours de laquelle le seuil a été dépassé, soit au cours de l’exercice 2011-2012 ou de l’exercice 2012-2013, n’a jamais été l’objet principal des discussions tenues entre la sous-directrice, le gestionnaire de Mme Ebelher et son représentant syndical. En 2011-2012, Mme Ebelher a pris cinq jours de congé pour obligations familiales et deux jours pour des raisons personnelles. Ses autres congés étaient des congés annuels ou des congés de maladie, tel qu’il est indiqué dans son rapport sur les congés (pièce 9). Au cours de l’exercice, elle n’a eu aucune discussion au sujet d’une mesure d’adaptation. Son gestionnaire était au courant d’une préoccupation relativement à sa santé personnelle et il n’a jamais soulevé la question de l’accommodement. En avril 2012, lorsque le renvoi à la PNGP a été effectué, le gestionnaire de la fonctionnaire était préoccupé par l’assiduité de Mme Ebelher, pour 2011-2012, soit la période avant son congé prolongé à l’été 2012.

25        Les représentants de l’employeur se sont davantage penchés sur le congé qu’elle venait de prendre à l’été 2012. La sous-directrice était au courant que Mme Ebelher avait fourni des certificats médicaux aux fins de ce congé et qu’ils avaient été acheminés à son gestionnaire et aux Ressources humaines. Selon la preuve, la sous-directrice avait fait référence au médecin traitant qui avait signé les certificats en utilisant son nom, ce que Mme Ebelher n’avait pas mentionné auparavant. La sous-directrice a demandé à Mme Ebelher si elle souhaitait discuter des motifs de son absence, ce qu’elle a refusé parce qu’elle estimait que les certificats médicaux auraient dû être suffisants.

B. M. Harrison

26        M. Harrison était au service de l’employeur depuis plus de 30 ans. Pendant cette période, et jusqu’à l’adoption de la PNGP, il n’a eu aucun problème d’assiduité. Il a deux filles adultes, dont une était atteinte de problèmes de santé mentale graves. Il a été nommé tuteur légal de sa fille par les tribunaux. Sa fille nécessite son attention continue. En raison de la santé mentale de sa fille, des situations critiques peuvent survenir nécessitant qu’il aille la retrouver, peu importe où elle est, et qu’il veille à sa santé et sa sécurité. Il doit également s’assurer qu’elle se présente à tous ses rendez-vous médicaux.

27         Un diagnostic de maladie cardiaque grave a également été prononcé à l’égard de son autre fille, qui était toujours mineure en 2011. Au cours de cette même année, elle a été hospitalisée en raison de cette condition médicale. Elle devait porter régulièrement un appareil électronique de surveillance cardiaque Holter et consulter son cardiologue. M. Harrison devait assister à tous ces rendez-vous puisque son épouse ne pouvait pas prendre congé. Lorsqu’il devait subvenir aux besoins de ses enfants, soit l’une ou l’autre de ses filles, M. Harrison prenait un congé pour obligations familiales ou un congé annuel. En 2011 et en 2012, il a utilisé 37,5 heures de congé pour obligations familiales, conformément à ce qui est prévu par la convention collective.

28        Le 25 avril 2012, son gestionnaire l’a informé qu’il avait dépassé le seuil prévu par la PNGP. Il a participé à une réunion au cours de laquelle il a discuté de son utilisation du congé pour obligations familiales, ainsi que des heures de congé de maladie qu’il avait utilisées en raison du stress découlant de sa situation familiale. Il a été renvoyé au coordonnateur de la PNGP, comme Mme Ebelher.

29        Il a rencontré la sous-directrice le 16 octobre 2012, et, sur la base des discussions tenues pendant cette réunion, il a été conclu qu’aucun plan d’action en matière d’assiduité n’était nécessaire, mais que son assiduité serait toutefois surveillée. Par conséquent, son gestionnaire devait contrôler ses allées et venues, identifier une tendance et surveiller le nombre d’heures de congé utilisé, et ce, bien que le gestionnaire soit au courant de la situation familiale de M. Harrison.

30        Pendant 27 ans, l’employeur n’a remarqué aucune tendance d’absentéisme de la part de M. Harrison qui nécessitait une intervention de sa part. Au cours de ses trois dernières années d’emploi, il a reçu des lettres au sujet de son utilisation des congés.

31        Au cours de l’exercice 2012-2013, alors qu’il se rapprochait du seuil prévu par la PNGP, il a été informé que son assiduité était encore surveillée. Il a déposé son grief au sujet de l’application de la PNGP à son égard pendant l’exercice 2012-2013.

C. Mme Haldorson

32        Mme Haldorson a utilisé 37,5 heures de congé pour obligations familiales lorsque sa fille a dû subir une chirurgie d’urgence, et 87,5 heures de congé de maladie. Elle a fait l’objet d’un renvoi aux fins de la PNGP par sa gestionnaire, Nancy Gitzel. Mme Haldorson a dû participer à une réunion avec la sous-directrice. Durant cette réunion, elle a été questionnée à savoir si elle était atteinte d’un trouble médical ou si un membre de sa famille l’était, ce qui pourrait expliquer ses absences. Mme Haldorson a alors informé la sous-directrice au sujet de sa fille et du fait que Mme Gitzel lui avait dit qu’étant donné les circonstances, elle pouvait utiliser ses propres congés de maladie pour le temps qu’elle devait passer avec sa fille pendant la maladie de cette dernière et son rétablissement. Mme Gitzel n’a pas recommandé qu’elle fasse l’objet d’un plan d’action.

D. Mme Westbury

33        Mme Westbury a également fait l’objet d’un renvoi aux fins de la PNGP par Mme Gitzel lorsqu’elle a dépassé le seuil de 111,8 heures en raison d’une combinaison de ses congés de maladie et de ses congés pour obligations familiales. Pendant la période visée, elle avait utilisé 228,5 heures, dont plus de 52 en congé de maladie avec certificat. En 2010, elle a été en congé d’invalidité pendant sept mois. En 2011, lorsqu’elle est retournée au travail, elle avait un solde négatif de crédits de congé de maladie et, par conséquent, elle dépassait le seuil prévu par la PNGP. À la réunion qu’elle a eue avec Mme Gitzel, avant qu’une lettre (pièce 20) ne lui soit envoyée, Mme Gitzel l’a informé qu’il n’était pas juste de la renvoyer à la PNGP en raison de sa maladie chronique et que Mme Westbury avait tenu sa gestionnaire au courant de sa situation.

34        Mme Westbury a dû rencontrer la sous-directrice pour lui expliquer les circonstances, et ce, même après que Mme Gitzel l’ait informé que ce ne serait pas nécessaire. À la réunion, Mme Gitzel lui a dit qu’elle n’avait pas à motiver ses absences. Après la réunion, elle a été informée par la sous-directrice que son assiduité ferait l’objet d’une surveillance.

E. M. Keough

35        M. Keough s’est fracturé le pied et a dû subir une chirurgie. Par conséquent, il a été en congé pendant huit semaines, ce qui dépassait le seuil prévu par la PNGP. Il est retourné au travail pendant trois mois et il a été de nouveau en congé pendant un mois en raison d’une chirurgie supplémentaire. Il a rencontré son gestionnaire pour discuter de son congé et il a été informé qu’elle n’avait aucune préoccupation en raison de sa maladie. Toutefois, il a reçu une lettre de son gestionnaire, laquelle comprenait un compte rendu de la réunion (pièce 21). La lettre a été placée dans son dossier personnel et y est demeurée pendant un an. Il n’avait jamais eu de problème relativement à ses congés dans le passé et il était évident qu’un congé était nécessaire en raison de son pied fracturé. Il avait un certificat pour tous les congés de maladie liés à cette situation.

F. Mme Bodnar

36        Mme Bodnar a reçu une note de service en date du 3 juillet 2012 (pièce 22), l’informant qu’elle devait rencontrer la sous-directrice. Elle avait rencontré Mme Gitzel plus tôt le même jour et avait discuté des motifs de ses absences. Elle avait alors informé Mme Gitzel que sa mère était affaiblie et alitée en raison d’une maladie dégénérative évolutive. Sa mère refusait de résider dans un foyer et Mme Bodnar était donc chargée de ses soins et de ses intérêts commerciaux personnels. Elle avait utilisé des congés pour obligations familiales et des congés annuels. Elle avait également utilisé souvent des congés de maladie puisqu’elle était souvent exposée aux maladies au travail. Dès le premier signe de maladie, elle prenait un congé afin d’éviter d’exposer sa mère à une maladie plus grave.

37        Mme Bodnar a été convoquée à une réunion avec la sous-directrice. Aucune note n’a été discutée et, par conséquent, elle croyait que tout était correct. Elle a été informée que son assiduité ferait l’objet d’une surveillance, ce qui a été confirmé dans une lettre en date du 19 octobre 2012 (pièce 23). Elle n’a pas vérifié son dossier personnel pour déterminer si la lettre y avait été placée, mais elle l’a fait pour savoir s’il était indiqué qu’elle faisait l’objet d’une gestion des présences. Son conseiller syndical l’a informé qu’elle était la seule personne visée par une gestion des présences en vertu de la PNGP.

G. Mme Mitchell-Himler

38        Mme Mitchell-Himler a reçu une lettre de son superviseur relativement à son assiduité, en date du 18 juin 2012, moment auquel la combinaison de ses congés de maladie et de ses congés pour obligations familiales s’élevait à 186,75 heures. Son superviseur a recommandé qu’elle ne soit pas visée par la PNGP parce que plus de 100 heures des 186,75 heures correspondaient à des congés de maladie avec certificat et les autres 86,75 heures correspondaient à des congés imprévus qui étaient inférieurs au seuil de l’employeur de 111,8 heures.

39        L’époux de Mme Mitchell-Himler travaillait dans les champs de pétrole. Elle était donc seule avec son fils. Son fils avait besoin d’un cathéter et de médicaments en raison d’un problème de vessie. Elle a pris des congés pour obligations familiales afin d’être avec lui. Son superviseur était au courant de sa situation familiale.

40        Après avoir reçu la lettre de son superviseur (pièce 24), elle a rencontré la sous-directrice deux fois. À la première réunion, sa superviseure a informé la sous-directrice qu’elle était au courant des motifs de l’utilisation de congé par Mme Mitchell-Himler et elle a indiqué qu’elle était d’avis que la fonctionnaire ne devrait pas être visée par la PNGP. Malgré cela, Mme Mitchell-Himler a reçu un avis de la sous-directrice pour l’informer qu’elle ferait l’objet d’une surveillance de son assiduité pendant une période de trois mois (pièce 25).

H. M. Williams

41        M. Williams a reçu une lettre semblable de son superviseur lorsque la combinaison de ses congés de maladie et congés pour obligations familiales s’élevait à 148,725 heures. Tout comme Mme Mitchell-Himler, le superviseur de M. Williams a recommandé à la sous-directrice que M. Williams ne fasse pas l’objet d’une gestion des présences. Son superviseur savait qu’il avait pris 37,5 heures au titre de congés pour obligations familiales motivées et la raison pour laquelle il avait besoin d’un congé de maladie pendant les autres 111,225 heures.

42        À sa réunion avec la sous-directrice, M. Williams a été informé qu’une surveillance de son assiduité n’était pas nécessaire à l’avenir. Toutefois, la lettre provenant de son superviseur (pièce 26) serait placée dans son dossier personnel. Même s’il n’a jamais vérifié si elle était dans son dossier, la réponse de l’employeur à son grief indiquait qu’elle y avait été enlevée.

I. Mme Nancy Shore

43        Mme Shore est la directrice adjointe des Opérations à l’établissement. Au moment où les griefs sont survenus, elle agissait à titre de sous-directrice intérimaire. Elle était chargée de l’administration, de la dotation, des relations de travail, des ressources humaines et de la sécurité, ainsi que de tout problème survenant dans ces secteurs à l’établissement. Elle était la coordonnatrice de la PNGP à l’établissement. Elle examinait l’assiduité de tout le personnel chaque mois, elle recevait les renvois provenant des gestionnaires et décidait si les employés devaient faire l’objet d’une gestion des présences en vertu de la PNGP. Elle rencontrait tous les employés qui dépassaient le seuil prévu par la PNGP, peu importe les recommandations de leur gestionnaire.

44        Elle n’avait aucune relation personnelle avec les fonctionnaires, même si elle les a rencontrés individuellement après avoir reçu les renvois aux fins de PNGP de leur gestionnaire. Chacune des réunions avait pour objet de discuter de leur utilisation des congés et d’expliquer que le programme n’était pas de nature disciplinaire. La réunion avait pour but d’élaborer un plan pour aider les fonctionnaires qui éprouvent des difficultés à l’extérieur du travail qui les empêchent de se présenter au travail régulièrement.

45        La PNGP était un nouveau programme et visait à surveiller l’assiduité. Mme Shore souhaitait s’assurer que ses gestionnaires appliquent le programme et abordent la question de l’assiduité de manière appropriée. Par conséquent, elle a rencontré M. Harrison malgré le fait que son gestionnaire avait recommandé qu’il ne soit pas visé par la PNGP (pièce 16). M. Harrison a été convoqué à une réunion pour qu’elle puisse l’informer, ainsi que son gestionnaire, au sujet de la PNGP. Bien qu’elle n’ait pas demandé à M. Harrison d’apporter des renseignements sur ses filles, ce dernier a apporté leurs renseignements médicaux. Mme Shore a examiné rapidement les documents, mais elle n’en a conservé aucun. M. Harrison n’a pas fait l’objet d’un plan d’action.

46        Mme Gitzel est la gestionnaire qui a rédigé les lettres sur la PNGP à l’intention de Mme Haldorson (pièce 19), de Mme Westbury (pièce 20), de Mme Bodnar (pièce 22), de Mme Mitchell-Himler (pièce 24) et de M. Williams (pièce 26). Mme Shore a rencontré tous ces employés afin de s’assurer que Mme Gitzel appliquait la PNGP de manière appropriée. Aucun des employés n’a fait l’objet d’un plan d’action. Chacun avait ses propres motifs pour prendre congé, lesquels ont été traités par leur gestionnaire de manière appropriée. Mme Shore a imposé une période de surveillance de trois mois à l’égard de Mme Mitchell-Himler. Dans sa lettre à l’intention de Mme Bodnar (pièce 23), Mme Shore a confirmé sa pratique d’examiner mensuellement tous les congés des employés.

47        La situation de Mme Ebelher était en cours lorsque Mme Shore a accepté son affectation intérimaire. Mme Shore savait que Mme Ebelher avait pris un congé de maladie antérieurement à la réunion visant à discuter de son assiduité. Mme Shore a rencontré Mme Ebelher en septembre 2012, à la suite de la recommandation de son gestionnaire voulant qu’elle fasse l’objet d’une gestion des présences. La note de service du gestionnaire constituait les seuls renseignements qu’elle avait lorsqu’elle a rencontré Mme Ebelher; le gestionnaire n’avait fourni aucun autre renseignement.

48        À la réunion, Mme Ebelher et Mme Shore avaient l’intention de discuter de l’assiduité de Mme Ebelher durant l’exercice précédent, soit 2011-2012. Mme Ebelher a indiqué à Mme Shore qu’elle avait droit au congé et qu’elle l’utiliserait au besoin. Les congés de Mme Ebelher pendant l’exercice 2012-2013 en raison d’une maladie pourraient avoir été discutés en raison du calendrier continu que Mme Shore utilisait pour évaluer l’assiduité des employés.

49        Mme Shore a ensuite expliqué l’objectif de la PNGP, mais Mme Ebelher a refusé de discuter de son congé. Mme Shore ne se souvenait pas si Mme Ebelher avait présenté une demande de mesure d’adaptation ou si elle avait fourni une explication relativement à ses congés. Après la réunion, Mme Shore ne comprenait pas bien les motifs du congé de Mme Ebelher.

50        Mme Shore a accepté la suggestion du gestionnaire et a exigé que Mme Ebelher fournisse un certificat médical pour chaque absence en raison d’une maladie à compter du 19 octobre 2012 (pièce 14). À défaut de fournir un tel certificat, le congé serait inscrit en tant que congé non payé. Au moment de prendre cette décision, seul le congé pris avant le 1er avril 2012 a été pris en considération; le congé pris à l’été 2012 n’a pas fait l’objet de discussion étant qu’elle n’avait aucun renseignement à ce sujet lors de la réunion.

51        Malgré l’exigence de la PNGP selon laquelle toutes les entrevues doivent être consignées dans une note qui devait être conservée dans le dossier de l’employé (pièce 2, page 4), toutes les lettres envoyées aux fonctionnaires après les réunions sur la PNGP (pièces 11, 14, 16, 17, et 19 à 26) ont été conservées dans des relieurs rangés dans le bureau de Mme Shore. Aucune copie n’a été conservée ailleurs ou n’a été placée dans les dossiers personnels des fonctionnaires. Mme Shore n’avait pas accès à un représentant des ressources humaines à l’établissement et elle ne pouvait consulter les dossiers personnels. Aux fins de commodité, elle a conservé les documents dans son bureau, ce qui était contraire à la politique. Elle n’a jamais communiqué ces renseignements aux fonctionnaires, sauf s’ils lui demandaient expressément où elle conservait les dossiers.

52        Les relieurs dans lesquels ces lettres étaient conservées n’ont jamais été épurés. Si une réunion était tenue sans aboutir à la prise d’une mesure quelconque, les lettres étaient placées dans un relieur inactif et y étaient conservées. En ce qui concerne ceux qui ont fait l’objet de programmes de gestion des présences, les lettres étaient placées dans un relieur actif et y étaient conservées. Les fonctionnaires avaient l’impression que les lettres qui leur avaient été envoyées avaient été placées dans leurs dossiers personnels.

53        Les lettres placées dans ces relieurs, actifs et inactifs, étaient ensuite utilisées à titre de référence lorsque Mme Shore effectuait ses examens mensuels de l’assiduité. Les relieurs étaient consultés au besoin afin de s’assurer que les employés obtenaient les progrès prévus pour améliorer leur assiduité.

54        Lorsqu’elle a rencontré Mme Mitchell-Himler, Mme Bodnar, Mme Westbury et M. Williams, Mme Shore a expliqué que la réunion avait pour objet de s’assurer que leur gestionnaire s’acquittait de ses responsabilités en vertu de la PNGP. Si un superviseur avait recommandé l’imposition de restrictions à l’utilisation des congés par un employé, Mme Shore interrogeait quand même l’employé et demandait une divulgation complète de ses problèmes de santé. Elle décidait ensuite de la mesure à prendre en fonction de chaque cas. La nature de sa décision était variable et pouvait, selon le cas, ne comprendre aucune mesure applicable ou, à l’autre extrême, comprendre la surveillance ou la mise en œuvre d’un plan d’action à l’égard de l’employé en vertu de la PNGP. Après un examen de trois mois, elle examinait de nouveau sa décision et apportait les changements qu’elle jugeait nécessaires.

55        Mme Shore ne se souvenait pas d’avoir discuté de la possibilité qu’une mesure d’adaptation soit nécessaire à l’égard de Mme Bodnar. Elle ne se souvenait pas d’avoir rencontré M. Keough. Elle se souvenait d’avoir rencontré Mme Westbury, malgré la recommandation de son superviseur. Elle se souvenait aussi d’avoir rencontré Mme Haldorson et de ne pas avoir tenu compte de la recommandation formulée par son superviseur. M. Harrison avait fourni des renseignements concernant la santé de ses filles à cette réunion, mais Mme Shore avait décidé de surveiller son assiduité chaque mois. Mme Shore considérait que seuls les employés qui ont fait l’objet d’un plan d’action, comme Mme Ebelher, [traduction] « étaient visés par la PNGP ». La surveillance de l’assiduité n’équivalait pas à être visé par la PNGP.

56        Le traitement accordé à Mme Mitchell-Himler n’était pas le même que celui accordé à M. Harrison, étant donné que ce dernier avait fourni des documents à l’appui de ses congés. Mme Mitchell-Himler s’attendait à ce que l’employeur se fie uniquement à sa parole que son enfant éprouvait des problèmes médicaux. L’ampleur de la divulgation faite par un employé correspondait directement au type de décision que Mme Shore prenait. Mme Ebelher a refusé de discuter de ses problèmes et, par conséquent, elle a été visée par la PNGP, malgré le fait qu’elle avait présenté des certificats médicaux pour justifier son utilisation des congés auprès de son superviseur. Mme Shore n’a pas vu ces certificats et n’a pas demandé au superviseur ni à l’agent des ressources humaines responsable à l’établissement s’ils étaient au courant de tels documents.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour les fonctionnaires

57        La conception et l’administration de la PNGP par l’employeur ont créé une norme arbitraire qui était discriminatoire envers les fonctionnaires pour deux motifs de distinction illicite, soit la déficience et la situation familiale. L’employeur n’a aucunement tenté de prendre une mesure d’adaptation à l’égard des employés dans le cadre de la norme établie; les employés ont été visés par la PNGP avant que l’employeur ne fasse un effort quelconque pour déterminer si leurs absences étaient attribuables à l’un des motifs de distinction illicite prévus à la LCDP. Par conséquent, la PNGP violait clairement la convention collective et les fonctionnaires ont droit aux réparations que la Commission peut ordonner.

58        Dans Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 SCR 3 (« Meiorin »), la Cour suprême du Canada a établi un critère en trois étapes pour déterminer si un employeur a établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’une norme discriminatoire à première vue est une exigence professionnelle justifiée (« EPJ »). Une fois qu’un employé a établi une preuve prima facie de discrimination, il incombe à l’employeur de démontrer que la norme est une EPJ. Pour ce faire, l’employeur doit démontrer ce qui suit :

(1) La norme a été adoptée dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause.

(2) La norme a été adoptée en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour la réalisation de ce but légitime.

(3) La norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail.

59        La norme n’est raisonnablement nécessaire que s’il était impossible de prendre des mesures d’adaptation à l’égard des besoins des employés sans que l’employeur subisse une contrainte excessive. Si une solution raisonnable existe qui évite d’imposer une règle donnée aux membres d’un groupe, cette règle ne sera pas considérée comme une EPJ. Lors de l’élaboration d’un programme comme la PNGP, l’employeur doit tenir compte des individus (voir Meiorin, au paragr. 55). Des évaluations individuelles ne doivent pas être refusées de façon déraisonnable (voir Coast Mountain Bus Company Ltd. v. Canadian Auto Workers, Local 111,[2004] B.C.C.A.A.A. No. 325(QL), au paragr. 199).

60        Conformément à la règle de droit mentionné dans Meiorin, les tribunaux et les arbitres de grief ont conclu qu’un programme de gestion des présences ne doit pas être structuré ou appliqué de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi (voir York University v. York University Staff Association, 2012 CanLII 41233, au paragr. 32, et Coast Mountain Bus Company Ltd. v. National Automobile, Aerospace, Transportation and General Workers of Canada (CAW - Canada), Local 111, 2010 BCCA 447, aux paragr. 32 et 96 (« Coast Mountain 2010 »)). Un programme de gestion des présences est nul et non exécutoire dans la mesure où il n’est pas compatible avec la convention collective conclue entre les parties (voir York University, au pararagr. 32, Kirby c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 92, aux paragr. 45 et 47, et London (City) v. CUPE, Local 101, [2009] O.L.A.A. No. 425 (QL) (« London (City) 2009 »).

61        La PNGP créait une norme qui était discriminatoire envers les employés sur la base des motifs de distinction illicite. La norme est à la fois formulée et appliquée de manière discriminatoire et n’accommode par les besoins des groupes protégés jusqu’à en subir une contrainte excessive. Un programme de gestion des présences ne doit pas être structuré de façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. L’employeur doit démontrer que l’intégration de l’adaptation individuelle à la norme choisie est impossible, sans subir une contrainte excessive (voir York University, au paragr. 32, et Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 RCS 868, au paragr. 42 (« Grismer »)).

62        La PNGP ne fait aucune distinction entre les absences volontaires et les absences involontaires. Le fait de combiner les absences involontaires et les absences volontaires aux fins du calcul pour déterminer si un employé se situe au-dessus ou en dessous du seuil prévu par la PNGP est discriminatoire. Les absences involontaires et les motifs de distinction illicite de discrimination, comme la déficience et la situation familiale, se recoupent habituellement. Puisqu’il n’y a eu aucune tentative de distinguer les absences volontaires et les absences involontaires pour déterminer si un employé a dépassé le seuil de l’employeur, les personnes handicapées et celles ayant des obligations familiales, comme c’est le cas des fonctionnaires, étaient essentiellement traités, dès le début, comme ayant des problèmes en matière d’assiduité et ont fait l’objet d’un traitement accéléré en ce qui concerne la PNGP.

63        Dans Coast Mountain 2010, l’employeur n’a pas réussi à démontrer que les mesures d’adaptation constituaient une contrainte excessive lorsque les absences attribuables à la déficience d’un employé ont été incluses au calcul de la norme pour transférer le dossier des employés au prochain échelon dans le cadre du programme de gestion des présences. La combinaison des absences volontaires et des absences involontaires signifiait que les employés aux prises avec des déficiences devenaient admissibles au programme et, ultimement, sujets au licenciement, à une vitesse accélérée par rapport à leurs collègues n’ayant aucune déficience (voir Coast Mountain 2010, aux paragr. 76 à 78 et 96).  

64        De même, en combinant les absences volontaires et les absences involontaires pour déterminer si un employé franchit le seuil aux fins d’inclusion à la PNGP, les employés avec des déficiences étaient visés par la PNGP tandis que les employés ayant des taux élevés d’absences volontaires pouvaient ne jamais l’être, ce qui correspond à un traitement négatif systémique.

65        Le seuil, tel qu’il a été calculé par l’employeur, est en soi discriminatoire. Le taux moyen d’absentéisme utilisé pour établir le seuil comprend les absences volontaires et les absences involontaires. Ce manque de nuance crée une norme qui est, en soi, arbitraire. Cette façon d’établir la moyenne des absences ne tient pas compte des circonstances particulières qui ont un lien avec les motifs de distinction illicite. Si la norme adoptée par l’employeur est discriminatoire à première vue, il lui incombe de démontrer que l’intégration d’éléments liés aux mesures d’adaptation individuelles à la norme était impossible sans subir une contrainte excessive (voir Mountain Bus Company Ltd.,au paragr. 199, Desormeaux c. Commission de transport régionale d’Ottawa-Carleton, 2003 TCDP 2, au paragr. 46, confirmée dans 2005 CAF 11, et Grismer, au paragr. 42). Dans Coast Mountain 2010, au paragr. 76, la Cour a conclu que l’employeur avait fait preuve de discrimination envers des employés handicapés lorsqu’il a utilisé des taux moyens d’absentéisme pour établir les paramètres de l’assiduité sans égard aux déficiences des employés.

66        Les programmes de gestion des présences ne doivent pas être appliqués de manière discriminatoire (voir York University, au paragr. 32). Puisque les calculs du taux moyen et du seuil de la norme utilisés par l’employeur sont discriminatoires, l’application de cette norme est nécessairement discriminatoire. Les employés handicapés sont surveillés et convoqués à des réunions, et leurs rencontres dans le cadre de la PNGP sont documentées par suite de leur accès accéléré. Par conséquent, le mélange des absences volontaires et des absences involontaires mène à une norme discriminatoire dont l’application est, à son tour, discriminatoire. La PNGP vise à surveiller des tendances d’absentéisme sans établir de distinction entre les absences volontaires et les absences involontaires. Dans Kirby,au paragr. 45, l’ancienne Commission a indiqué que les absences qui sont indépendantes de la volonté du fonctionnaire ne devraient pas être réputées constituer une tendance, à quelque fin que ce soit.

67        De même, la façon dont l’employeur tient et consigne les réunions obligatoires pour tous les employés qui approchent ou qui dépassent le seuil prévu par la PNGP est également arbitraire. Le seuil ne fait aucune distinction entre les absences volontaires et les absences involontaires. L’initiation à la PNGP au moyen d’une réunion obligatoire était déclenchée sans égard à la question de savoir si un employé pouvait attribuer ses absences à un motif de distinction illicite, comme une déficience ou une situation familiale (voir Ottawa (City) v. Ottawa Carleton Public Employees Union, Local 502, [2008] O.L.A.A. No. 207 (QL), au paragr. 64, et Sobeys Milton Retail Support Centre v. United Food and Commercial Workers Canada, Local 175,2010 CanLII 41119).

68        Les gestionnaires devraient avoir le pouvoir discrétionnaire de prendre des décisions relativement aux conséquences qui découlent de l’événement déclencheur. Dans la PNGP, l’événement déclencheur mène à une réunion obligatoire qui doit être documentée et ajoutée au dossier personnel de l’employé, et ce, à perpétuité. Les conséquences qui découlent de l’événement déclencheur en vertu de la PNGP sont non discrétionnaires (voir David Thompson Health Region v. United Nurses of Alberta, Local 2, [2009] A.G.A.A. No. 57, au paragr. 56, Ontario Public Service Employees’ Union, Local 256 v. Hamilton (City), [2009] O.L.A.A. No. 383 (QL), au paragr. 27, et London (City) 2009, au paragr. 32 et 35).

69        Même si, selon la PNGP, les rencontres avec la direction sont informelles, les employés sont invités à demander à ce qu’un représentant de l’agent négociateur soit présent. Toutes les réunions sont consignées officiellement et placées dans leur dossier personnel. Même lorsqu’un employé établit que son taux d’absentéisme supérieur à la moyenne découle d’une déficience ou d’une situation familiale, une note consignant la réunion de l’employé aux fins de la PNGP est placée dans son dossier personnel. À ce stade du processus de la PNGP, l’employeur a connaissance du motif de distinction illicite, néanmoins, les possibilités de promotion ou de mutation de l’employé sont quand même être à risque parce que sa déficience (ou sa situation familiale) a donné lieu à une rencontre en vertu de la PNGP. Cela s’apparente à un processus disciplinaire plutôt qu’à des discussions officieuses au sujet d’un absentéisme involontaire (voir London (City) 2009,au paragr. 33; World Color v. CEP, Local 525-G, 2010 Carswell BC 4026, au paragr. 24 et 28 à 31, et St. Michael’s Extended Care Centre v. CHCG, 1994 Carswell 1101, au paragr. 51).

70        En ce qui concerne Mme Ebelher, elle avait remis à l’employeur des documents attestant sa déficience. L’employeur savait que ses absences étaient liées directement à son incapacité. Il a néanmoins refusé de reconnaître sa déficience et a appliqué la PNGP à l’égard de Mme Ebelher. Le fait que l’employeur exige qu’un employé participe à un programme de gestion des présences sans égard à la déficience de l’employé ou à la nécessité d’une mesure d’adaptation est discriminatoire (voir Hamilton (City) v. Canadian Union of Public Employees, Local 5167, [2003] O.J. No. 657 (QL), aux paragr. 6 et 8, et Coast Mountain Bus Company Ltd.,au paragr. 201 et 216). L’employeur a soutenu qu’il n’était pas au courant de la déficience de Mme Ebelher puisqu’elle avait refusé de discuter des motifs de son absence à sa réunion aux fins de la PNGP.

71        La Cour suprême du Canada a décrit une approche multidimensionnelle et souple pour définir une déficience aux fins des lois sur les droits de la personne (voir Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville), 2000 CSC 27, aux paragr. 76 et 77). À la suite de cette approche souple, le Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP) a indiqué qu’une déficience au sens juridique consiste en une affection physique ou mentale qui occasionne une limitation fonctionnelle ou qui est associée à une perception d’affectation (Mellon c. Développement des Ressources humaines Canada, 2006 TCDP 3, aux paragr. 84, 88 et 89). Aucune distinction ne doit être faite entre les employés atteints de déficiences chroniques ou récurrentes et les employés dont la déficience ne répond pas à la définition de chronique ou de récurrente (voir Coast Mountain Bus Company Ltd., aux paragr. 111 et 112). Dans Mellon, le TCDP a conclu que ce ne sont pas seulement les déficiences qui constituent une déficience permanente qui doivent être prises en compte.

72        La façon dont l’employeur a exercé ses droits en vertu de la PNGP était mécanique et ne tenait pas compte des circonstances des fonctionnaires. Chaque fonctionnaire a reçu une lettre l’informant qu’il ou elle avait franchi le seuil, ce qui était en soi discriminatoire. Par la suite, chaque fonctionnaire a été visé par la PNGP, touchant ainsi son emploi continu. L’employeur a choisi de combiner les absences volontaires et les absences involontaires lorsqu’il a tenté de contrôler l’absentéisme au lieu de travail. La participation des fonctionnaires à la PNGP a été déclenchée par leur utilisation des congés de maladie et des congés pour obligations familiales, lesquels sont garantis en vertu de la convention collective et, par conséquent, il s’agissait d’une violation de la convention (voir Kirby,aux paragr. 40 à 43).

73        Selon la PNGP (pièce 3), les superviseurs doivent examiner les absences et d’autres tendances. Toutefois, la politique ne définit pas clairement ce que le superviseur doit chercher. La recherche de tendances ne nous permet pas de savoir ce qui se passe avec un individu. Le ton de la PNGP est disciplinaire. Les lettres envoyées aux fonctionnaires font partie de leur dossier d’emploi permanent et pourraient avoir un effet préjudiciable sur leur emploi futur en raison des pratiques discriminatoires de l’employeur. Même si, à l’étape de la discussion, le processus vise à être informel, les lettres ont été rédigées en vue de diriger les fonctionnaires vers la PNGP, ce qui pourrait avoir effet préjudiciable sur leur emploi. Le ton de la PNGP, y compris l’offre de représentation syndicale, les notes de service, la consignation des réunions, la recherche de tendances, la surveillance des employés et l’élaboration de plans d’action, laisse entendre que la PNGP est un processus de nature disciplinaire lié à l’utilisation des congés pour obligations familiales et des congés d’invalidité.

74        L’employeur a l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. En cas de maladie, il importe peu qu’elle soit chronique ou grave. Il est illégal de limiter les mesures d’adaptation aux seuls cas de maladies graves ou chroniques. L’application mécanique du programme et l’inclusion de motifs de distinction illicite ont entraîné une discrimination contre les fonctionnaires en cours d’emploi. En ce qui concerne Mme Ebelher, il s’agissait à la fois d’une discrimination directe et systémique. En ce qui concerne les autres, il s’agissait d’une discrimination systémique.

75        La Commission a le pouvoir d’accorder des dommages aux fonctionnaires, ce qui permettrait de reconnaître la discrimination dont a fait preuve l’employeur à leur égard. En l’espèce, la mise en œuvre par l’employeur d’une politique discriminatoire était délibérée, volontaire et téméraire.

B. Pour la CCDP

76        La CCDP n’a pas assisté à l’audience. Elle a présenté ses arguments par écrit dans un mémoire portant sur le droit aux fins d’examen par la Commission. Le mémoire a ensuite été présenté aux autres parties pour commentaires, lesquels ont été pris en considération aux fins de leur argumentation. De même, les mémoires préparés ont été présentés à la CCDP aux fins de commentaires.

77        La compétence de la Commission de trancher la question de savoir si l’application de la PNGP est discriminatoire est limitée aux motifs de discrimination énumérés dans la convention collective, conformément à ce qui a été indiqué par l’employeur. Chamberlain c. Canada (Procureur général), 2015 CF 50, peut être écarté. Cette décision portait sur la nature de la compétence d’un arbitre de grief en vertu de l’art. 226 de la Loi en l’absence d’une convention collective. La Cour fédérale a confirmé la décision de l’arbitre de grief selon laquelle l’art. 26 ne lui conférait pas compétence relativement à une allégation « autonome » de violation des droits de la personne.

78        En l’espèce, les fonctionnaires avaient une convention collective qui incluait une clause de non-discrimination; dans leurs griefs, ils ont allégué que la discrimination découlait de violations de la convention collective. Ils ont présenté des griefs en vertu de l’article 19 de la convention collective, conformément à l’art. 208 de la Loi, et ils les ont ensuite renvoyés à l’arbitrage en vertu de l’art. 209. Par conséquent, la Commission est proprement saisie de la compétence pour instruire ces griefs.

79        Dans leurs griefs collectifs, les fonctionnaires ont formulé une allégation de discrimination fondée sur la déficience ou la situation familiale dans l’application de la PNGP, en violation de l’article 19 de la convention collective. Selon le libellé des articles 208 et 209 de la Loi, la Commission a uniquement compétence à l’égard des griefs renvoyés à l’arbitrage et cette compétence se limite aux motifs de discrimination qui y sont énumérés.

80        Les questions concernant les droits de la personne soulevés par ces griefs exigent que la Commission réponde aux deux questions suivantes :

1. Chacun des fonctionnaires a-t-il établi une preuve prima facie selon laquelle il ou elle a été traité de façon différente et de manière négative sur la base d’un ou de plusieurs des motifs de distinction illicite lorsqu’ils ont été assujettis à la PNGP de l’employeur?

 

2. L’employeur a-t-il un motif de bonne foi pour appliquer la PNGP?

81        Les dispositions pertinentes de la LCDP sont les articles 3 et 7.

82        Le fardeau initial incombait aux fonctionnaires. Ils devaient établir une preuve prima facie de discrimination fondée sur au moins un des motifs allégués. Le seuil pour établir une telle preuve est extrêmement faible. Une preuve prima facie porte sur les allégations qui ont été faites et, si on leur donne foi, est complète et suffisante pour justifier une décision voulant que les fonctionnaires aient été victimes de discrimination et, par conséquent, nécessite une réplique de l’employeur (voir Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpson-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536 (« O’Malley »), à la page 558). Une fois que les fonctionnaires ont établi une preuve prima facie, ils ont droit à un redressement en l’absence de justification de la part de l’employeur (voir Commission ontarienne des droits de la personne c. Etobicoke, [1982] 1 RCS 202, à la page 208).

83        Lorsqu’une preuve prima facie de discrimination est établie, le fardeau de la preuve est transféré à l’employeur afin d’établir que la discrimination alléguée était justifiée en fonction d’une EPJ. Le critère pour conclure qu’une preuve prima facie de discrimination fondée sur une déficience a été établi a été énoncé comme suit dans Health Employers Association of British Columbia (Kootenay Boundary Regional Hospital) v. British Columbia Nurses’ Union, 2006 BCCA 57, au paragr. 38 :

[Traduction]

[38] […] Par conséquent, selon l’alinéa 13(1)a), afin d’établir une preuve prima facie de discrimination, un employé doit établir qu’il ou elle avait (ou a été perçu comme ayant) une déficience, qu’il ou elle avait fait l’objet d’un traitement négatif et que sa déficience constituait un facteur du traitement négatif qu’il a subi […]

84        Afin d’établir une preuve prima facie de discrimination, les fonctionnaires devaient établir qu’ils ont été traités différemment et de manière négative, contrairement à l’art. 7 de la LCDP,lorsqu’ils ont été assujettis à la PNGP et à la façon dont elle a été appliquée. Les fonctionnaires n’avaient pas à établir que la discrimination était volontaire (Bhinder c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [1985] 2 RCS 561, à la page 570). La norme de preuve dans les affaires concernant la discrimination est la norme civile régulière de la prépondérance des probabilités.

85        Lorsqu’une preuve prima facie de discrimination est établie, un fonctionnaire a droit à un redressement en l’absence de justification de la part de l’employeur. Selon Meiorin, en ce qui concerne la justification, l’employeur doit établir ce qui suit selon la prépondérance des probabilités :

  1. l’employeur a adopté la norme dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause;
  2. l’employeur a adopté la norme particulière en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime;
  3. la norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail, en ce qu’il est impossible d’accommoder les personnes qui ont les mêmes caractéristiques que le fonctionnaire sans que l’employeur ne subisse une contrainte excessive.

86        Une norme discriminatoire prima facie peut être justifiée uniquement si l’employeur s’est acquitté de son fardeau de démontrer qu’il a examiné et rejeté raisonnablement toute forme possible d’accommodement aux motifs qu’elle lui causerait une contrainte excessive.

87        La jurisprudence n’a pas déterminé qu’une politique de gestion des présences obligatoire était automatiquement discriminatoire. Toutefois, un programme de gestion des présences promulgué unilatéralement est nul et non exécutoire dans la mesure où il n’est pas compatible avec une convention collective ou toute loi applicable. En outre, un programme de gestion des présences ne doit pas être structuré ou appliqué de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi (voir York University, aux paragr. 31 et 32).

88        Dans Coast Mountain Bus Company Ltd.,la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a rejeté la prétention que les entrevues aux niveaux 1 et 2 du programme en litige dans cette affaire étaient discriminatoires, puisque les entrevues au niveau 1 étaient tenues en vue d’informer les employés des préoccupations de l’employeur relativement à leur dossier d’assiduité et qu’aucun traitement néfaste n’en découlait. Au niveau 2, l’entrevue avait pour objet d’obtenir une évaluation médicale afin de déterminer si l’employé en question était atteint d’une déficience médicale. La Cour d’appel a confirmé qu’il n’était pas discriminatoire d’exiger d’un employé qu’il démontre que ses absences découlaient d’une déficience. Toutefois, lorsque l’emploi de l’employé est menacé, le programme de gestion des présences devient discriminatoire.

89        Coast Mountain 2010 a établi qu’un programme de gestion des présences comportant un régime de niveau par étape doit faire en sorte d’exclure les absences découlant d’une déficience dont les employés sont atteints avant de franchir le niveau critique du seuil. Si les absences liées aux déficiences des employés avant de franchir le niveau d’absences critique ne sont pas écartées, alors le fait que les employés qui dépassent le seuil d’absentéisme puissent être licenciés constitue un traitement préjudiciable fondé sur la déficience qui est discriminatoire. Enfin si, pendant l’année suivante, le taux d’absence d’un employé atteint d’une déficience et d’un autre employé sans déficience est plus élevé que le taux moyen, et ce, pour des motifs non liés à la déficience, l’employé atteint d’une déficience sera assujetti à un licenciement pour avoir omis de respecter les paramètres de l’assiduité, ce qui est discriminatoire.

90        En plus des absences liées à une déficience, il est important qu’un programme de gestion des présences prévoie l’exclusion des absences involontaires fondée sur tout motif de distinction illicite. Le programme de gestion des présences de l’employeur ne doit pas avoir un effet préjudiciable sur un employé relativement à l’un des motifs de distinction illicite. Il doit établir un bon équilibre entre le besoin de respecter l’objectif valable de se présenter au travail et l’obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard des employés dont les absences sont liées à un motif de distinction illicite. Le programme doit exclure les absences liées à tout motif de distinction illicite. Il doit s’assurer que l’employeur ne considère pas un absentéisme innocent, comme une absence liée à un motif de distinction illicite, avant de prendre une mesure d’adaptation à l’égard de l’employé jusqu’au point d’une contrainte excessive. Dans le cadre du programme, l’employeur doit tenir compte uniquement des absences volontaires afin d’imposer une mesure disciplinaire. Tout programme de gestion des présences doit respecter la LCDP. La politique de l’employeur, tel qu’elle est rédigée, ainsi que la façon dont elle est appliquée, doit être examinée afin de déterminer si le programme de gestion des présences est discriminatoire.

91        Le libellé général de la PNGP de l’employeur en l’espèce est large et général et n’explique pas suffisamment les principes des droits de la personne qui exigent qu’un équilibre soit établi entre les objectifs de la politique et l’exclusion des motifs de distinction illicite du calcul du seuil. À la page 4 de la PNGP (pièce 3), il est indiqué ce qui suit : [traduction] « […] la nécessité de prendre des mesures d’adaptation devrait être prises en compte » et [traduction] « […] des mesures d’adaptation peuvent être prises en compte dans les cas où les employés éprouvent des difficultés de nature personnelle ». Le libellé devrait plutôt énumérer expressément les motifs de distinction illicite et indiquer de manière absolue que des mesures d’adaptation doivent être prises en compte.

92        Il est possible que la PNGP de l’employeur réponde aux deux premières étapes du critère Meiorin, mais la politique, telle qu’elle est rédigée et appliquée, pourrait ne pas répondre à la troisième étape du critère. Le libellé précisant tous les motifs de discrimination qui doivent être exclus de l’examen n’est pas suffisant. En outre, la politique ne prévoit pas l’exclusion de toutes les absences liées au motif de distinction illicite du calcul total des absences en tant que forme de mesure d’adaptation.

93        La PNGP en litige souligne la nécessité d’enquêter sur les absences, mais ne prévoit pas de manière suffisante la nécessité d’exclure les absences relatives aux motifs de distinction illicite. Elle n’offre aux superviseurs qui appliquent la PNGP aucune ligne directrice pour assurer, en pratique, le respect complet des principes établis par la jurisprudence concernant les droits de la personne. Puisque la PNGP ne tient pas clairement et entièrement compte des principes énoncés par la jurisprudence, et qu’elle ne prévoit pas l’exclusion des absences liées à tous les motifs de distinction illicite, elle semble être discriminatoire et est susceptible d’avoir un effet préjudiciable sur les employés sur la base des motifs de distinction illicite énumérés à l’art. 3 de la LCDP.

C. Pour l’employeur

94        Aucun des fonctionnaires ne s’est acquitté de son fardeau d’établir une preuve prima facie de discrimination fondée sur la déficience ou la situation familiale. De plus, on ne peut reprocher à l’employeur d’avoir fait preuve de discrimination à l’égard de Mme Ebelher étant donné le refus de cette dernière de collaborer dans le cadre de la PNGP. La demande qu’elle présente un certificat pour toute absence ultérieure pendant une période de trois mois ne constituait pas une étape automatique en vertu de la PNGP, mais plutôt une décision discrétionnaire découlant de ses circonstances particulières.

95        Il faut répondre aux quatre questions suivantes dans la détermination de l’issue appropriée pour ces griefs :

(1) La Commission a-t-elle compétence pour examiner l’allégation de la CCDP selon laquelle la PNGP doit préciser tous les motifs de distinction illicite?

(2) L’un des fonctionnaires a-t-il établi une preuve prima facie de discrimination fondée sur la déficience ou la situation familiale?

(3) Mme Ebelher a-t-elle collaboré dans le cadre de la PNGP?

(4) L’employeur a-t-il donné une explication raisonnable pour avoir exigé que Mme Ebelher présente un certificat pour tout congé de maladie futur pendant une période de trois mois? Dans l’affirmative, Mme Ebelher a-t-elle établi que cette explication ne constituait qu’un simple prétexte pour la discrimination?

96        En ce qui concerne la première question, l’employeur a soutenu que la Commission n’avait pas compétence pour examiner les allégations de la CCDP selon lesquelles la PNGP devrait énumérer tous les motifs de distinction illicite étant donné qu’il s’agit d’une prospection et que cette question n’a pas été soulevée par un des fonctionnaires pendant la procédure de règlement des griefs.

97        En ce qui concerne la deuxième question, aucun fonctionnaire n’a établi une preuve prima facie de discrimination.

98        En ce qui concerne la troisième question, Mme Ebelher n’a pas collaboré pendant le processus et, par conséquent, on ne peut reprocher à l’employeur d’avoir fait preuve de discrimination, le cas échéant.

99        En dernier lieu, en ce qui concerne la quatrième question, l’employeur a donné une explication raisonnable quant à l’exigence voulant que Mme Ebelher fournisse des certificats médicaux. Elle n’a pas établi que cette explication ne constituait qu’un simple prétexte pour la discrimination.

100        Les articles 7 et 11.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. 1985, ch. F-11; la « LGFP ») confèrent au Conseil du Trésor de vastes pouvoirs pour établir les politiques administratives générales pour la fonction publique fédérale, pour organiser la fonction publique fédérale et pour déterminer et contrôler la gestion du personnel de la fonction publique fédérale. Il est bien établi que, dans le cadre de l’exercice de toute fonction de gestion conférée par la LGFP, l’employeur peut prendre toute mesure qui n’est pas explicitement interdite par une convention collective ou par une loi (voir les articles 7 et 11 de la LGFP; les articles 6 et 7 de la Loi; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère des Anciens Combattants), 2013 CRTFP 165, au paragr. 83, confirmée par la Cour d’appel fédérale dans 2014 CF 1152; et Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2014 CRTFP 18, au paragr. 48).

101        Lorsqu’elle évalue un conflit lié à une convention collective, la Commission doit respecter les limites de son pouvoir légal qui lui est conféré par la Loi et elle ne peut outrepasser ce pouvoir en examinant des questions à l’égard desquelles le législateur ne lui a pas conféré un pouvoir exprès. Contrairement aux tribunaux, la compétence de la Commission n’est pas inhérente (voir Wray c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), 2012 CRTFP 64, au paragr. 22, et Chamberlain,aux paragr. 39 à 42). Le paragraphe 209(1) de la Loi exige que seuls les griefs portés jusqu’au dernier palier de la procédure applicable peuvent être renvoyés à l’arbitrage. Par conséquent, la Commission n’a pas compétence pour examiner les allégations de la CCDP selon lesquelles la PNGP est viciée parce qu’elle n’énumère pas tous les motifs de distinction illicite de discrimination au motif qu’il s’agit d’une question prospective et qu’elle n’a pas été soulevée pendant la procédure de règlement de grief, et ce, jusqu’au dernier palier, y compris ce dernier.

102        En outre, l’al. 209(1)a) de la Loi limite la compétence de la Commission aux griefs qui se rapportent à l’interprétation ou à l’application d’une disposition d’une convention collective à l’égard d’un employé. En conséquence, la Commission n’a pas compétence pour interpréter une politique de l’employeur établie en vertu de son pouvoir qui lui a été conféré par la LGFP, sauf si cette politique a été expressément intégrée à la convention collective ou expressément interdite par la convention collective. Autrement, la Commission n’a pas compétence pour examiner les allégations autonomes se rapportant à la politique en litige (voir Canada (Procureur général) c. Lâm, 2008 CF 874, au paragr. 28, et Chamberlain,aux paragr. 39 à 42).

103        L’élément essentiel de ces griefs est une allégation selon laquelle les mesures prises par l’employeur, lesquelles découlent toutes de l’application de la PNGP, sont discriminatoires et contraires à la clause 19.01 de la convention collective. La PNGP n’a pas été intégrée à la convention collective. Par conséquent, la compétence de la Commission se limite à déterminer si l’application de la PNGP viole la clause 19.01 et rien de plus. La Commission doit évaluer si les mesures de l’employeur étaient discriminatoires au sens de la convention collective.

104        L’article 7 de la LCDP, qui a été intégré à la clause 19.01 de la convention collective, prévoit qu’il est discriminatoire de défavoriser les employés en cours d’emploi sur la base d’un motif de distinction illicite (voir Taticek c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2015 CRTEFP 12, au paragr. 102). Afin d’établir qu’un employeur a fait preuve de discrimination, le fonctionnaire doit d’abord établir une preuve prima facie de discrimination, ce qui englobe les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, sont complètes et suffisantes pour justifier une conclusion en faveur du fonctionnaire en l’absence de réplique de la part de l’employeur (voir Taticek, au paragr. 103).

105        Afin d’établir une preuve prima facie de discrimination, il incombe au fonctionnaire de démontrer qu’il ou elle avait une incapacité, qu’il ou elle a subi un effet préjudiciable relativement à son emploi, et que l’incapacité a constitué un facteur dans la manifestation de cet effet préjudiciable (voir McLaughlin c. Agence du revenu du Canada, 2015 CRTEFP 83, aux paragr. 153 et 154, et Chênevert c. Conseil du Trésor (ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire), 2015 CRTEFP 52, au paragr. 137).

106        L’employeur ne conteste pas le fait que les fonctionnaires, Mme Mitchell-Himler, M. Keogh et Mme Westbury, s’étaient absentés en raison d’une déficience au sens de la LCDP. Toutefois, aucun autre fonctionnaire n’a démontré que ses absences découlaient d’une déficience. Toute maladie physique ou émotionnelle ne constitue pas une déficience au sens de la CHRA (voir Riche c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2013 CRTFP 35, aux paragr. 130 et 131). Pour se prévaloir de la protection de la LCDP à l’arbitrage, un employé doit fournir un diagnostic détaillé et étayé. À l’audience, on ne peut établir l’existence d’une déficience simplement au moyen d’une affirmation de l’employé à cet égard ou par la production d’un bref billet médical sans le témoignage du médecin (voir Halfacree c. Canada (Procureur général), 2014 CF 360, aux paragr. 35 à 40 et 45 (confirmé dans 2015 CAF 98), Riche, aux paragr. 130 et 131 et Gibson c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2008 CRTFP 68, au paragr. 30 et 33).

107        Bon nombre de personnes souffrent de dépression et de stress dans le cadre de leur vie au travail; toutefois, cela ne rend ni l’un ni l’autre invalidant. Le fait qu’une personne souffre de telles conditions ne permet pas d’établir une preuve prima facie de déficience ou de discrimination fondée sur la déficience (voir Halfacree, aux paragr. 35 à 40 et 45, et Rich, aux paragr. 130 et 131). 

108        Mme Bodnar et M. Harrison n’ont fourni aucune preuve à l’appui de leur prétention respective qu’ils étaient atteints d’une déficience. La preuve de Mme Bodnar se limitait à une déclaration selon laquelle elle avait demandé un congé de maladie lorsqu’elle se sentait malade et elle n’a fourni aucun détail sur la maladie en question. De même, M. Harrison a affirmé que son congé de maladie découlait du stress, sans fournir de détail. Le manque de preuve est fatal à leur prétention respective.

109        Du même coup, il n’y a aucune preuve que les absences de Mme Ebelher, au cours de l’exercice 2011-2012, étaient liées à une déficience au sens de la LCDP. Rien dans la preuve n’a démontré que ses absences au cours de cette période ont été évaluées en vertu de la PNGP. En outre, une note vague d’un médecin (pièce 12), sans le témoignage dudit médecin, ne fournit pas le diagnostic nécessaire contenant les détails permettant de démontrer que la maladie constituait une déficience au moment où l’évaluation en vertu de la PNGP a été effectuée ou que ces absences ont été examinées rétroactivement.

110        Aucun des fonctionnaires n’a démontré qu’il ou elle avait subi un effet préjudiciable en raison de sa participation au processus en vertu de la PNGP. Chaque distinction ne constitue pas une discrimination. L’article 7 de la LCDP qualifie la différence de traitement à l’aide du terme « défavoriser », lequel, dans son sens ordinaire, a le sens de « préjudiciable ».

111        Enfin, le traitement néfaste doit être fondé sur un motif de distinction illicite de discrimination (voir Cheung c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTEFP 1, aux paragr. 63 et 65, et McLaughlin, aux paragr. 128, 153, et 154). Il ne suffit pas que le fonctionnaire croit ou ait l’impression d’avoir subi un effet préjudiciable et que la caractéristique protégée soit un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable, il faut le démontrer (voir Chênevert, au paragr. 143). De même, un préjudice moral ne constitue pas un effet préjudiciable (voir Cheung,au paragr. 75).

112        En l’espèce, la preuve a clairement démontré que l’employeur avait examiné la situation de chaque fonctionnaire de manière individuelle et que, chaque fois, il avait dispensé les fonctionnaires, sauf Mme Ebelher, du processus de renvoi de la PNGP en raison de leurs circonstances médicales ou leur situation familiale individuelles. Rien dans la preuve n’a démontré qu’un fonctionnaire s’était vu refuser quoi que ce soit, encore moins que l’un des fonctionnaires avait subi un effet préjudiciable en cours d’emploi fondé sur un motif de distinction illicite. Plusieurs heures de congés payés ont été accordées à chaque fonctionnaire, conformément à leurs demandes, sans égard au fait que ces absences auraient pu ne pas être admissibles aux prestations en question en vertu de la convention collective, ce qui, de fait, constituait la mesure d’adaptation demandée (voir Honda Canada Inc. c. Keays, 2008 SCC 39, et McLaughlin, au paragr. 154).

113        Ce qui précède constitue une analyse suffisante permettant de rejeter les griefs. Toutefois, la CCDP a soulevé des allégations précises, ce qui exige d’autres commentaires.

114        La loi est claire qu’un employeur a le droit de s’attendre à ce que les employés se présentent régulièrement au travail (voir Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), 2008 SCC 43, au paragr. 15, Riche, au paragr. 117, et Toronto (City) v. Toronto Civic Employees Union, Local 416, [2015] O.L.A.A. No. 337, aux paragr. 323, 325, et 328).

115        Par conséquent, un employeur a un droit inhérent de surveiller et de traiter les situations où le taux d’absentéisme des employés est inacceptable. Il peut aborder ces situations à l’aide d’une approche personnalisée ou, de manière plus large, à l’aide d’une politique de gestion des présences (voir London (City) v. Canadian Union of Public Employees, Local 101 (2013), 234 L.A.C. (4th) 321, aux paragr. 81 et 86 (« London (City) 2013 »), Canadian Union of Public Employees, Local 391 v. Vancouver Public Library, [2015] B.C.C.A.A.A. No. 88 (QL), au paragr. 98, York University, aux paragr. 30 et 36, et Toronto (City), au paragr. 340).

116        Un employé n’est pas relevé de son obligation de se présenter au travail selon une régularité raisonnable, et il n’est pas exempté des conséquences relatives à l’omission de s’acquitter de cette obligation (voir Hydro-Québec, aux paragr. 17 à 19, York University, aux paragr. 34, 35 et 48, Toronto (City), aux paragr. 324, 327 et 328, et Vancouver Public Library, au paragr. 98). 

117        Il est bien établi que le fait de comparer initialement l’absentéisme d’un employé relativement aux motifs de distinction illicite à la norme des paires, et ce, sans un ajustement pour les absences liées aux motifs de distinction illicite, ne constitue pas un traitement préjudiciable. L’exclusion des absences liées aux motifs de distinction illicite éliminerait presque toutes, sinon toutes, les absences involontaires et rendrait la PNGP superflue (voir Coast Mountain 2010, aux paragr. 68 et 69, Vancouver Public Library, aux paragr. 107, 123 et 124, York University,aux paragr. 44; United Food and Commercial Workers Canada Local 175 v. Cargill Value Added Meats London, [2015] O.L.A.A. No. 196 (QL) aux paragr. 21 et 23, et Toronto (City), aux paragr. 333 et 334).

118        Selon le témoignage non contesté de Mme Dufresne-Meek, l’employeur avait exclu les absences liées aux motifs de distinction illicite et les absences volontaires du processus de renvoi à la PNGP. Le témoignage des fonctionnaires a permis de confirmer que la PNGP a été appliquée de cette façon. Aucune preuve d’absentéisme volontaire de la part des fonctionnaires n’a été présentée. Sept des huit fonctionnaires n’ont jamais été renvoyés à la PNGP après leur entrevue avec Mme Shore, par suite de leurs allégations relatives à leurs besoins d’accommodement. Seule Mme Ebelher a été renvoyée à la PNGP en raison de son refus de fournir des renseignements utiles au sujet de ses absences involontaires qui ne sont pas liées aux motifs de distinction illicite pendant l’exercice 2011-2012. Elle a été renvoyée au processus en vertu de la PNGP parce qu’elle n’a fourni aucun renseignement qui aurait permis à l’employeur de conclure que ses absences, pendant l’exercice 2011-2012, étaient liées de quelque façon que ce soit à un motif de distinction illicite.

119        Un seuil relatif à un programme de gestion des présences n’est pas fondamentalement contraire aux droits de la personne. Il est approprié que la direction établisse un seuil pour déterminer quand la politique connexe s’appliquera à un employé. Un seuil aux fins de la participation est à la fois fondamental à la bonne structure et essentiel à la bonne administration d’un programme de gestion des présences (voir Lakeridge Health Corp. v. Canadian Union of Public Employees, Local 1999, [2009] O.L.A.A. No. 681 (QL), aux paragr. 16 et 24, et York University, au paragr. 37).

120        L’employeur établit le seuil le 1er juillet chaque année en prenant le nombre total d’heures de congé de maladie et de congés pour obligations familiales utilisés par tous les employés d’un groupe professionnel au cours de l’exercice précédent. La moyenne est calculée en fonction du nombre d’employés de ce groupe de travail au 31 mars de cette année. Il n’y a rien de mal à examiner régulièrement le seuil prévu aux fins de l’accès à la PNGP. Il s’agit d’un élément approprié d’un programme de gestion des présences bien structuré et bien administré (voir York University, au paragr. 46).

121        Il ressort clairement de la preuve que l’employeur n’a pris aucune mesure automatique simplement parce que le seuil de la PNGP avait été déclenché. Au contraire, le seuil a été utilisé comme un moyen de déterminer quand il était approprié d’examiner le dossier d’assiduité général d’un employé et d’en discuter avec lui ou elle.

122        Il est bien établi en droit qu’un employé qui est convoqué à une réunion pour discuter d’un absentéisme excessif ne subira aucun effet préjudiciable. La PNGP renforce et oblige plutôt les parties à s’acquitter de leurs obligations en vertu de la LCDP.L’employeur avait le droit d’informer les fonctionnaires de ses préoccupations au sujet de leur assiduité au travail, de discuter de solutions possibles, d’offrir une aide et un soutien, au besoin, et de s’enquérir des mesures d’adaptation nécessaires ou des questions liées à une déficience (voir Coast Mountain Bus Company Ltd., aux paragr. 68 et 69, Vancouver Public Library, aux paragr. 98, 100, 101, 107, 111, 112 et 115, Cargill Value Added Meats, aux paragr. 21 à 23, London (City) 2013, aux paragr. 119, 121 et 123 à 126, et McLaughlin, aux paragr. 150, 153 et 154).

123        L’employeur n’a pas appliqué la PNGP de manière mécanique. Il a exercé son pouvoir discrétionnaire et les circonstances particulières des fonctionnaires, ainsi que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, ont été prises en considération. Le fait de documenter les réunions n’a pas créé un effet préjudiciable. Au contraire, selon la jurisprudence, le fait de documenter les réunions constitue un avantage pour les employés puisque ces derniers sont avertis lorsqu’ils ont franchi un niveau d’absence préoccupant pour l’employeur et qu’ils ont alors l’occasion de discuter de solutions possibles (voir Oshawa (City) v. Canadian Union of Public Employees, Local 250 (1996), 56 L.A.C. (4th) 335, aux paragr. 31 et 33, et Spartech Color (Stratford), a Division of Spartech Canada Inc. v. International Association Of Machinists and Aerospace Workers, Local 103, [2008] O.L.A.A. No. 381 (QL), au paragr. 43).

124        Rien dans la preuve n’indique un effet préjudiciable découlant du fait de documenter les réunions ou de placer de tels documents dans un dossier. Selon les éléments de preuve non contestés, Mme Shore a conservé toutes les notes de service (pièces 10, 11, 13, 14, 16, 17 et 19 à 25) dans un dossier PNGP dans son bureau, malgré le libellé contraire de la PNGP. Aucun document lié à la PNGP n’a réellement été placé dans le dossier personnel des fonctionnaires.

125        L’exigence de fournir un certificat médical ne crée pas un effet préjudiciable. Une telle exigence avait pour but d’offrir à Mme Ebelher la possibilité de prendre un congé de maladie, soit une forme de mesure d’adaptation. L’employeur avait des motifs légitimes d’aborder la question de son assiduité et il était raisonnable qu’il lui demande de présenter des certificats médicaux, compte tenu de son absentéisme excessif et de son refus répété d’en discuter avec l’employeur.

126        Afin d’établir une preuve prima facie de discrimination fondée sur la situation familiale, un fonctionnaire doit démontrer qu’il assume la garde et la supervision d’un membre de la famille, que l’obligation familiale en question déclenche sa responsabilité légale envers cette personne (par opposition à un choix personnel), que l’employé a déployé des efforts raisonnables pour s’acquitter de ses obligations familiales en explorant des solutions de rechange raisonnables qui se sont avérées ne pas être raisonnablement réalisables, et que les règles en litige concernant le milieu de travail entravent d’une manière plus que négligeable ou insignifiante sa capacité de s’acquitter de ses obligations (voir Canada (Procureur général) c. Johnstone, 2014 CAF 110, au paragr. 93, et Flatt c. Conseil du Trésor (ministère de l’Industrie), 2014 CRTEFP 2, au paragr. 177).  

127        Contrairement aux enfants, les adultes sont présumés être indépendants et être en mesure de subvenir à leurs propres besoins essentiels, sauf si les circonstances permettent d’établir le contraire. Les fonctionnaires qui ont allégué être responsables de membres de leur famille n’ont pas fourni la source de la responsabilité légale envers ces membres de la famille (voir Ontario Public Service Employees Union v. Ontario (Ministry of Natural Resources and Forestry) (2015), 253 L.A.C. (4th) 79, au paragr. 15). 

128        L’employeur a reconnu que M. Harrison et Mme Haldorson avaient satisfait en partie le critère concernant la question de savoir si un fonctionnaire a une obligation légale envers un membre de la famille, tel qu’il est établi dans Johnstone, au paragraphe 94. Seule Mme Haldorson avait l’obligation légale de subvenir aux besoins de son enfant pendant son traitement médical

D. Réplique des fonctionnaires

129        La préoccupation des fonctionnaires en l’espèce était qu’ils n’auraient pas dû être assujettis à la PNGP. Leur situation familiale et leurs déficiences les ont menés au point de départ de la PNGP. L’admission au processus en vertu de la PNGP était en soi un effet préjudiciable de la discrimination de l’employeur. L’admission à la PNGP ne se limitait pas une rencontre avec la coordonnatrice de la PNGP. Elle comportait une série de résultats possibles, y compris la surveillance des absences et un licenciement possible.

130        Selon Meiorin, il y a discrimination lorsque les circonstances personnelles ne sont pas prises en compte. L’employeur a le droit de mettre en œuvre un programme de gestion des présences, à condition que celui-ci ne soit pas discriminatoire envers les employés. La question est la suivante : un employeur peut-il inclure les congés de maladie et les congés pour obligations familiales au moment de déterminer le seuil relatif à l’admission à la PNGP? Au moment de mettre en œuvre un programme de gestion des présences, l’employeur ne doit pas tenir compte des circonstances personnelles.

IV. Motifs

131        Les parties m’ont présenté de nombreuses affaires à l’appui de leurs arguments, dont bon nombre étaient communes aux trois parties concernées. Même si je les ai tous lues, je ne mentionnerai que celles qui sont d’importance primordiale.

132        La PNGP (pièce 2), telle qu’elle est décrite par Mme Dufresne-Meek, prétend promouvoir le principe selon lequel l’ouverture des voies d’une communication constructive entre les employés et leurs superviseurs au sujet de l’assiduité des employés permettrait de régler les causes sous-jacentes de leurs absences. Il s’agit d’un principe louable qui fait la promotion de bonnes relations de travail dans le lieu de travail.

133        Mensuellement, les superviseurs doivent examiner les rapports d’utilisation des congés relativement à la dernière période de 12 mois (selon un calendrier continu et non un calendrier régulier ou fiscal), afin d’identifier les tendances d’utilisation de congés de maladie, ce qui comprend plusieurs éléments, comme l’utilisation des congés de maladie et des congés pour obligations familiales. Ces rapports comprennent tout congé utilisé par un employé en raison d’une déficience ou d’une maladie chronique, violant ainsi l’obligation de ne pas combiner les absences volontaires et les absences involontaires dans la politique de gestion des présences, tel qu’il est établi dans Kirby.

134        Une fois qu’un employé dépasse le seuil et qu’il n’a pas besoin d’une mesure d’adaptation, l’employé est convoqué à une réunion obligatoire avec la coordonnatrice de la PNGP, le superviseur et un représentant syndical, à son gré. Le seuil en litige est calculé le 1er juillet de chaque année et représente la moyenne du nombre total des heures de congé de maladie et des heures de congé pour obligations familiales utilisées par les employés d’un groupe professionnel pendant un exercice. Aucune disposition ne prévoit une distinction entre les absences en raison d’une maladie chronique ou celles découlant d’un accident ou d’une catastrophe unique ou d’une chirurgie dans le calcul du seuil.

135        L’employeur a absolument raison de dire que l’art. 7 de la LGFP lui confère le pouvoir d’établir des politiques qui régissent le lieu de travail. Tel que je l’ai indiqué dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada, au paragr. 48

[48]    Les responsabilités et les pouvoirs du Conseil du Trésor sont énoncés aux articles 7 et 11.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques. Les articles 7 et 11.1 de la LGFP confèrent à l’employeur le vaste pouvoir d’énoncer une politique administrative générale pour la fonction publique fédérale, d’organiser la fonction publique fédérale, et de déterminer et contrôler la gestion du personnel de la fonction publique fédérale. L’alinéa 7(1)b) de la LGFP accorde à l’employeur le pouvoir exclusif sur toutes les questions qui ont trait à « […] l’organisation de l’administration publique fédérale ou de tel de ses secteurs ainsi que la détermination et le contrôle des établissements qui en font partie […] ». Dans l’exercice de ces fonctions, notamment la sous-traitance de services, l’employeur peut faire tout ce qui n’est pas expressément ou implicitement interdit par la loi ou la convention collective. (Voir par exemple Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 1993 CanLII 125 (CSC), [1993] 1 R.C.S. 941, au paragr. 56; et A.F.P.C. c. Canada (Commission canadienne du grain) à la page 12). […]

136        L’employeur a soutenu que je n’avais pas compétence pour interpréter la PNGP puisqu’elle a été établie en vertu du pouvoir de gestion de l’employeur qui lui a été conféré par la LGFP, à moins qu’elle ait été intégrée expressément à la convention collective ou interdite expressément par celle-ci. Il s’agit d’un énoncé très général concernant les droits de la direction et je n’y souscris pas. La direction a le droit, tel qu’il a été indiqué antérieurement, de mettre en œuvre une politique, mais elle est limitée non seulement par ce qui est prévu par la convention collective, mais également par tout ce qui a pour effet de violer les dispositions de celle-ci. Je suis habilitée, conformément à l’art. 209 de la Loi, à déterminer si la politique contestée viole la convention collective, y compris la question de savoir si elle viole l’article « Élimination de la discrimination » prévu à cette convention. La Commission a tranché cette question dans Souaker c. Commission canadienne de sûreté nucléaire, 2009 CRTFP 145, aux paragr. 124 à 128 (voir également LaBranch c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce extérieur), 2010 CRTFP 65, au paragr. 120) :

124. Je conviens que le droit d’un fonctionnaire de renvoyer un grief à l’arbitrage prend sa source dans la Loi et non dans la convention collective. Le législateur a prévu à l’article 209 de la Loi, de façon expresse et limitative, les matières qui peuvent être renvoyées à l’arbitrage et, en principe, un licenciement à l’encontre d’un renvoi en cours de stage n’est pas arbitrable. Cette conclusion ne suffit toutefois pas, à mon avis, à régler la question de ma compétence. Outre les griefs à l’encontre des mesures qui sont expressément mentionnées aux alinéas 209(1)b), c) et d) de la Loi, le législateur a aussi prévu, à l’alinéa 209(1)a) de la Loi, que les griefs mettant en cause l’application ou l’interprétation de la convention collective sont arbitrables. Or, M. Souaker soutient que son licenciement a été fait en violation de l’article 6 de la convention collective. La clause 6.01 de la convention collective se lit comme suit :

Il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un employé du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son état civil, son incapacité mentale ou physique, sa situation matrimoniale, ou une condamnation pour laquelle il a obtenu son pardon ou son adhésion à l’institut ou son activité dans celui-ci. [Je souligne]

Cette disposition est sans équivoque : elle prévoit le droit pour chaque employé d’être traité en toute égalité et de ne pas faire l’objet de discrimination. Elle impose à l’employeur l’obligation correspondante de traiter ses fonctionnaires en toute égalité et sans discrimination. Je ne vois pas sur quelle base je pourrais conclure que cette clause n’accorde pas de droits substantifs aux employés et qu’elle ne peut servir d’assise à un grief.

125. Lorsqu’un fonctionnaire allègue, dans un grief, qu’une décision qui affecte ses conditions d’emploi ou met en cause la survie même de son lien d’emploi a été motivée par des considérations discriminatoires et que la convention collective prévoit spécifiquement l’absence de toute discrimination en milieu de travail, il s’agit, à mon sens, d’un grief qui met en cause l’application de la convention collective au sens de l’alinéa 209(1)a) de la Loi et un arbitre de grief est compétent pour disposer de l’allégation de discrimination.

126. Contrairement aux prétentions de l’employeur, je considère que permettre le renvoi à l’arbitrage, en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la Loi, du renvoi en cours de stage d’un fonctionnaire qui allègue que son licenciement a été motivé par des considérations discriminatoires en violation de la convention collective, ne viole pas l’intention du législateur, parce que le législateur n’a certainement pas souhaité qu’une violation de la convention collective échappe à l’examen d’un arbitre de grief.

127. Il est également utile de noter que les alinéas 226(1)g) et h) de la Loi accordent expressément compétence à un arbitre de grief pour « interpréter et appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne » et « rendre les ordonnances prévues à l’alinéa 53(2)e) et au paragraphe 53(3) de la Loi canadienne des droits de la personne. »

128. Je rejette donc l’objection à ma compétence soulevée par l’employeur et conclus que j’ai compétence pour disposer du grief de M. Souaker, qui a été valablement renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la Loi.

137        Les fonctionnaires ont allégué avoir été victimes de discrimination en cours d’emploi, en violation de l’article 19 de la convention collective, laquelle disposition comprend les motifs énumérés au paragr. 3(1) de la LCDP en tant qu’interdiction, à savoir :

3.(1) Pour l’application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation familiale, l’état de personne graciée ou la déficience.

[Je souligne]

138        Selon la définition prévue à l’article 25 de la LCDP, une déficience est une déficience physique ou mentale, qu’elle soit présente ou passée, y compris le défigurement ainsi que la dépendance, présente ou passée, envers l’alcool ou la drogue.

139        En outre, les fonctionnaires allèguent que la PNGP de l’employeur viole les articles 3, 7 et 10 de la LCDP, qui décrivent les actes discriminatoires comme suit :

7 Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;

b) de le défavoriser en cours d’emploi.

140        L’article 10 de la LCDP porte sur les politiques et les actes discriminatoires comme suit :

10 Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite et s’il est susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’individus, le fait, pour l’employeur, l’association patronale ou l’organisation syndicale :

a) de fixer ou d’appliquer des lignes de conduite;

b) de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l’engagement, les promotions, la formation, l’apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d’un emploi présent ou éventuel.

141        Afin d’établir qu’un employeur a fait preuve de discrimination, le fonctionnaire doit d’abord établir une preuve prima facie de discrimination, ce qui englobe les allégations formulées et qui, si on leur ajoute foi, sont complètes et suffisantes pour justifier une conclusion en faveur du fonctionnaire en l’absence de réplique de la part de l’employeur (voir O’Malley, au paragr. 82). La Commission ne peut examiner la réponse de l’employeur avant de déterminer si une preuve prima facie de discrimination a été démontrée (voir Lincoln c. Bay Ferries Ltd., 2004 CAF 204, au paragr. 22, et Taticek, au paragr. 102).

142        Le fonctionnaire doit établir qu’il existe un lien entre un motif de distinction illicite de discrimination et la distinction, l’exclusion ou la préférence dont il ou elle se plaint ou, en d’autres termes, que le motif en cause était un facteur dans la distinction, l’exclusion ou la préférence. Il n’est pas essentiel que ce lien soit exclusif : aux fins d’une décision ou d’une mesure particulière pour être considéré comme discriminatoire, il est suffisant que le motif de distinction illicite y ait contribué (voir Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 SCC 39, aux paragr. 48 et 52).

143        Un employeur partie à une affaire prima facie peut éviter une conclusion préjudiciable en déposant des éléments de preuve qui permettent de fournir une explication raisonnable établissant que ses mesures n’étaient pas réellement discriminatoires, ou en établissant un moyen de défense prévu par la loi qui justifie la discrimination.Si une explication raisonnable est fournie, il incombe au fonctionnaire de démontrer que l’explication n’est qu’un prétexte pour exercer de la discrimination (voir Taticek, au paragr. 104).

144        La conduite de l’employeur ne sera pas considérée comme discriminatoire si on peut établir que ses refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences découlent d’une EPJ (al. 15(1)a) de la LCDP). Afin qu’un acte soit considéré comme une EPJ, il doit être démontré que les mesures prises en vue de répondre aux besoins d’une personne ou d’une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité (art. 15(2) de la LCDP).

145        Tel que je l’explique ci-dessous, je conclus que les fonctionnaires ont établi une preuve prima facie que la PNGP discrimine systématiquement contre les personnes de leur catégorie d’individus (c.-à-d. les employés qui avaient besoin de congés en raison d’une déficience ou d’une situation familiale). Je conclus également que l’employeur n’a pas donné une explication raisonnable relativement à la pratique discriminatoire et, plus particulièrement, qu’il n’a pas établi une EPJ pour justifier la façon dont la PNGP a été appliquée. En conséquence, les prétentions des fonctionnaires sont étayées.

146        Il est approprié pour l’employeur de déterminer quand la PNGP sera appliquée à l’égard d’un employé et, par conséquent, comme l’a fait valoir l’avocat de l’employeur, un seuil aux fins de l’admission est à la fois fondamental à sa bonne structure et essentiel à sa bonne administration. Toutefois, la façon dont ce seuil est déterminé pourrait faire en sorte que la PNGP soit discriminatoire et, par conséquent, violer la convention collective. En l’espèce, l’employeur a choisi d’imposer un seuil calculé à l’aide de la moyenne de l’absentéisme, y compris l’absentéisme autorisé en vertu de la convention collective et l’absentéisme qui est directement attribuable aux motifs de distinction illicite de discrimination fondée sur la déficience et la situation familiale. Ce calcul de la moyenne ne tient pas compte des circonstances personnelles et est, à première vue, discriminatoire (voir Coast Mountain Bus Company Ltd., au paragr. 199, Desormeaux, au paragr. 46 et Grismer, au paragr. 42). En outre, dans tous les cas, les fonctionnaires ont été renvoyés à la PNGP pour des absences involontaires. Le seuil élaboré par l’employeur est fondé largement sur la combinaison de l’utilisation des congés de maladie et des congés pour obligations familiales. Toutefois, il ne fait aucune distinction entre les utilisations de congés de maladie liés à une déficience et comprends les heures utilisées par les employés relativement à leur situation familiale sans aucune disposition pour évaluer le seuil en fonction de chaque cas.

147        La norme est raisonnablement nécessaire seulement s’il est impossible d’accommoder les besoins des employés sans que l’employeur ne subisse une contrainte excessive. Si une solution raisonnable existe qui évite d’imposer une règle donnée aux membres d’un groupe, cette règle ne sera pas considérée comme une EPJ. Au moment d’élaborer la PNGP, l’employeur doit tenir compte des individus (voir Meiorin, au paragr. 55). Des évaluations individuelles ne doivent pas être refusées de façon déraisonnable (voir Coast Mountain Bus Company Ltd. v. Canadian Auto Workers, Local 111, [2004] B.C.C.A.A.A. No. 325 (QL), au paragr. 199).

148        L’inclusion des congés pour obligations familiales, qui sont liés directement à la situation familiale, est discriminatoire. Un employé n’a le droit d’utiliser le congé pour obligations familiales seulement lorsqu’il y a une situation familiale particulière. Selon la convention collective, l’employeur n’est pas tenu d’offrir ce type de congé aux employés qui ne sont pas d’abord admissibles au statut d’obligations familiales. Un employé ne devrait pas être pénalisé pour l’utilisation d’un tel congé, même s’il l’est par suite du calcul du seuil par l’employeur. L’inclusion des congés pour obligations familiales dans le calcul du seuil de la PNGP a pour effet d’accélérer l’admission à la PNGP des employés qui demandent le statut de famille, y compris toutes les conséquences liées à l’emploi qui en découlent.

149        Il y a un lien entre l’utilisation des congés pour obligations familiales et la situation familiale de l’employé. En conséquence, la politique est discriminatoire, non seulement dans son application à l’égard des employés ayant une famille et aux fonctionnaires qui ont utilisé les congés pour obligations familiales, mais également à première vue. Elle isole les employés qui ont obtenu un congé qui est lié à leur situation familiale et les assujettit à une admission accélérée à la PNGP, ce qui constitue un effet préjudiciable qui a une incidence directe sur l’emploi continu de ces employés et des fonctionnaires, y compris la possibilité de licenciement. De plus, la manière dont Mme Shore a appliqué la PNGP à l’établissement a isolé les employés qui ont demandé un congé pour obligations familiales et les a assujettis à un processus qui s’apparente à un processus disciplinaire dans le cadre duquel ils devaient justifier leur utilisation des congés, à défaut de subir des conséquences négatives.

150        Ayant établi que la PNGP est discriminatoire à première vue en raison de l’inclusion d’un motif de distinction illicite fondé sur la situation familiale dans le calcul du seuil aux fins de l’admission à la PNGP, l’argumentation de l’employeur selon lesquels il n’a pas fait preuve de discrimination envers les fonctionnaires au motif qu’un fonctionnaire doit tout d’abord démontrer une obligation légale de subvenir aux besoins d’une personne afin de réclamer la protection contre la discrimination fondée sur la situation familiale, est théorique. N’eût été le fait que tous les fonctionnaires, à l’exception de Mme Ebelher et de M. Keough, avaient utilisé des congés pour obligations familiales, ils n’auraient pas été visés par la PNGP. L’inclusion du motif de distinction illicite dans le calcul constitue non seulement une discrimination en défavorisant ceux qui utilisent le congé pour obligations familiales, mais l’inclusion non discrétionnaire des employés qui utilisent ce type de congé viole également les dispositions de la convention collective portant sur ce congé, et possiblement les dispositions portant sur les mesures disciplinaires.

151        L’employeur a le pouvoir, en vertu de la clause 35.02 de la convention collective, d’enquêter sur l’utilisation des congés de maladie par ses employés et de demander qu’ils fournissent des certificats médicaux dans les situations où l’employeur a des motifs de remettre en question les demandes de congés de maladie. Il a également le droit de s’attendre à ce que les employés se présentent au travail, tel qu’il est exigé. Toutefois, un congé de maladie en raison d’une déficience, qu’elle soit temporaire ou permanente, ne devrait pas être inclus pour déterminer si un employé sera visé par la PNGP. Selon le témoignage même de l’employeur, des situations de cette nature sont traitées en vertu de la politique sur les mesures d’adaptation et ne doivent pas être incluses aux fins de la PNGP. Toute discussion de déficiences doit être distincte du processus de la PNGP et, apparemment, selon le témoignage de l’employeur, il s’attend à ce qu’il en soit ainsi.

152        L’employeur n’a pas remis en question le caractère légitime des demandes de congé de maladie des fonctionnaires dont l’utilisation de congés de maladie dépassait la moyenne, y compris Mme Ebelher, mais chacun d’eux a été convoqué à une réunion avec Mme Shore. À l’exception de Mme Ebelher, le gestionnaire ou le superviseur pertinent n’a pas recommandé l’admission du fonctionnaire à la PNGP. Toutefois, Mme Shore a appliqué rigoureusement et avec acharnement les dispositions de la PNGP et a ignoré les recommandations des gestionnaires et des superviseurs chargés de l’assiduité des fonctionnaires. Le manque de discrétion et l’application rigoureuse de la PNGP équivalaient à une approche arbitraire dans le cadre du processus de la PNGP, et cette approche isolait les individus qui avaient une déficience prouvée, même si elle était temporaire dans bon nombre de cas. L’approche rigide de Mme Shore quant à la maladie de Mme Ebelher a fait en sorte que cette dernière a fait l’objet d’un traitement préjudiciable de la part de l’employeur, et violait donc l’article 19 de la convention collective, tout en étant discriminatoire à première vue.

153        En ce qui concerne Mme Ebelher, il n’y a aucun doute qu’elle était atteinte d’une déficience et son gestionnaire était au courant. Elle a fourni des certificats médicaux pour justifier ses absences. L’employeur a soutenu que puisqu’aucun diagnostic médical ou qu’aucune preuve médicale n’a été présentée par un professionnel à l’audience pour étayer son argument selon lequel elle était handicapée, elle ne l’était pas. Toutefois, Mme Ebelher a déposé, à titre de pièce 12, une note provenant de son psychologue indiquant qu’entre mai et août 2012, elle souffrait d’une forme modérée de dépression. Évidemment, au moment de la réunion avec Mme Shore, Mme Ebelher était atteinte d’une déficience.

154        La preuve dont je suis saisie appuie manifestement la conclusion selon laquelle Mme Ebelher était atteinte, à première vue, pendant toute la période visée, y compris la période pendant laquelle le seuil de la PNGP a été calculé, d’une déficience et que ses absences liées à sa déficience constituaient des facteurs de son isolement aux fins de son admission à la PNGP. Dans sa réplique, l’employeur n’a pas établi un moyen de défense fondé sur une EPJ. L’employeur n’a pas prouvé qu’il subirait une contrainte excessive s’il prenait une mesure d’adaptation à son égard.

155        Les absences de Mme Ebelher découlant de sa déficience constituaient la totalité du calcul du seuil utilisé pour déterminer si elle avait dépassé le seuil; peu importe s’il s’agissait de l’exercice 2011-2012 ou 2012-2013. Le témoignage de Mme Shore était très ambigu quant à la période de congé de maladie visée par son enquête. L’inclusion du congé de maladie lié à une déficience dans le calcul du seuil était discriminatoire une fois que l’existence de la déficience a été établie. Toutefois, Mme Ebelher a aussi sa part de responsabilité. Elle a refusé catégoriquement de divulguer sa déficience ou de discuter de mesures d’adaptation quelconques qui pourraient être prises à son égard. La Commission et ses prédécesseurs ont indiqué à maintes reprises que les employés doivent collaborer pleinement avec l’employeur en vue de déterminer si une déficience existe et, dans l’affirmative, de déterminer la mesure d’adaptation appropriée, le cas échéant (voir Halfacree, Taticek, et Riche).

156        Étant donné le refus de Mme Ebelher de participer avec l’employeur à la détermination d’une mesure d’adaptation appropriée, la manière la moins envahissante de traiter sa déficience était de surveiller son assiduité pendant une période de trois mois et de demander un certificat médical pour chaque période de congé de maladie. Cela ne constituait pas un fardeau lourd pour elle puisqu’elle avait toujours fourni à l’employeur des certificats médicaux. La surveillance de l’assiduité de Mme Ebelher pendant une période de trois mois n’était pas discriminatoire; la surveillance ne violait pas non plus la convention collective. Elle était victime de discrimination en ce qui concerne le calcul du seuil qui a suscité sa convocation à une réunion avec Mme Shore. Peu importe les manquements de Mme Ebelher, la façon dont Mme Shore a continué d’assurer la présence continue de Mme Ebelher au travail, tout en ayant connaissance qu’elle était atteinte d’une déficience, ne constitue pas une pratique acceptée lorsque l’on traite avec une personne atteinte d’une déficience.

157        L’employeur n’a fourni aucune preuve pour étayer une EPJ quant à la façon dont la PNGP a été rédigée ni à la façon dont Mme Shore l’a appliquée dans le cadre de son rôle de coordonnatrice de la PNGP de l’établissement. L’approche rigoureuse et arbitraire qu’elle a décrite, conformément à ce qu’elle a été mandatée de faire par l’employeur par l’intermédiaire de son administration centrale, ne lui accordait aucun pouvoir discrétionnaire, pouvoir qui est requis dans de tels cas. Un intérêt opérationnel légitime ne constitue pas en soi une EPJ sans minimiser l’incidence du programme sur les droits de la personne des employés (voir Meiorin et Coast Mountain Bus Company Ltd.). Le défendeur n’a pas démontré qu’il ne pouvait pas prendre une mesure d’adaptation à l’égard des fonctionnaires sans subir une contrainte excessive en matière coûts, de santé et de sécurité. L’employeur n’a pas démontré non plus qu’il ne pouvait pas traiter ses préoccupations quant à l’assiduité au milieu de travail de manière à ne pas discriminer contre les employés ayant une famille ou atteints d’une déficience.

158        Même si l’intention de l’employeur dans la création de la PNGP était sans malice et qu’il n’avait pas l’intention de faire preuve de discrimination à l’égard des fonctionnaires, son application au niveau de l’établissement a eu un effet discriminatoire. Dans sa quête d’assurer un niveau d’assiduité qu’il estimait approprié, l’employeur n’a pas tenu compte des droits des fonctionnaires garantis par la convention collective et les dispositions législatives. Les parties offensantes de la PNGP pourraient être radiées et la politique pourrait alors continuer de s’appliquer sans discrimination contre les fonctionnaires. Toutefois, la façon arbitraire qu’elle a été mise en œuvre à l’établissement a créé une discrimination de type systémique qui ne peut être remédié par une simple reformulation.

159        Contrairement aux arguments de l’employeur et à la preuve présentée par Mme Dufresne-Meek, je conclus que la coordonnatrice de la PNGP à l’établissement a adopté une approche automatique et mécanique pour appliquer la PNGP. Mme Shore a régulièrement rencontré les fonctionnaires, même lorsque leurs gestionnaires ont indiqué qu’il n’y avait aucune préoccupation quant à leur congé et recommandé qu’ils ne participent pas au processus en vertu de la PNGP, malgré le fait qu’il n’existait aucune exigence à savoir si le superviseur était convaincu que l’absence était justifiée (voir la pièce 3, la PNGP, à la page 4).

160        Même si une certaine jurisprudence appuie l’argument de l’employeur selon lequel les réunions aux niveaux 1 et 2 d’une politique de gestion des présences n’étaient pas discriminatoires (voir, par exemple, Coast Mountain 2010), je suis d’avis contraire en l’espèce. Les réunions du niveau 1, en l’espèce, étaient superflues et n’avaient aucun objectif puisque chacun des fonctionnaires devait assister à une réunion avec la coordonnatrice de la PNGP malgré toute recommandation contraire. Mme Shore a indiqué dans son témoignage qu’elle souhaitait s’assurer que les gestionnaires s’acquittent de leurs obligations en vertu de la PNGP et, ce faisant, elle a créé une approche rigoureuse et arbitraire en ce qui concerne la PNPG qui était discriminatoire à l’égard des fonctionnaires.

161        En outre, la nature des réunions, telle qu’elle a été décrite par Mme Shore, y compris le choix d’avoir un représentant syndical présent, ce qui est habituellement réservé aux problèmes disciplinaires, indiquait clairement que l’emploi continu des fonctionnaires était à risque en raison de la préoccupation de l’employeur quant à leur assiduité. Ces réunions ont toutes été documentées et conservées à perpétuité dans les dossiers de la PNGP de Mme Shore qu’elle gardait dans son bureau, contrairement à la PNGP et, selon son témoignage, ces documents n’étaient pas épurés. Son approche arbitraire et rigoureuse et l’élimination de tout pouvoir discrétionnaire au niveau des superviseurs afin d’empêcher le transfert de dossier au niveau de la PNGP ne permettaient aucune évaluation individuelle, sans égard aux motifs des absences. Mme Shore avait peut-être un motif de gestion légitime pour vérifier si ses subalternes s’acquittaient de leurs obligations en vertu de la PNGP, mais ce motif ne pouvait pas être satisfait au détriment des droits des fonctionnaires qui ont été négociés collectivement et de leurs droits de la personne.

162        Tel qu’il a été indiqué à maintes reprises par l’employeur, si je conclus que la PNGP est discriminatoire, alors les fonctionnaires n’ont subi aucun effet préjudiciable en raison de son application. Tous les fonctionnaires ont obtenu les congés avant d’être assujettis à la PNGP. Seule Mme Ebelher a fait l’objet d’un plan d’action. Le fait que les fonctionnaires ont obtenu les congés qu’ils ont demandés n’annule pas l’existence de la nature discriminatoire de la PNGP. Contrairement aux arguments de l’employeur, il ressort de la preuve que certains des fonctionnaires ont été informés que leur assiduité serait surveillée pendant trois mois.

163        La Cour suprême du Canada a reconnu, dans Bombardier, au paragr. 32, que les effets préjudiciables peuvent se manifester sous diverses formes, à savoir :

Depuis plus de 30 ans, notre Cour reconnaît que la discrimination peut se manifester sous diverses formes, qu’elle peut notamment être « indirecte » ou résulter « d’un effet préjudiciable » : Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536 (« O’Malley »), p. 551. La Cour a reconnu que le concept de discrimination indirecte est visé par la Charte en raison du libellé de l’art. 10, qui énonce, entre autres, ce qui suit : « Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre [le droit à l’égalité] » (Commission scolaire régionale de Chambly c. Bergevin, [1994] 2 R.C.S. 525, p. 540; voir aussi Forget c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 90; Ford c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 712). Notre Cour a également reconnu que la discrimination peut être systémique : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1987] 1 R.C.S. 1114.

164        Dans Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1987] 1 S.C.R. 1114, la Cour suprême a décrit la discrimination systémique. Elle s’entend des pratiques ou des attitudes qui, de par leur conception ou par voie de conséquence, gênent l’accès des particuliers ou des groupes à des possibilités d’emplois, en raison de caractéristiques qui leur sont prêtées à tort. L’accent est mis sur la question de savoir si le plaignant a subi des effets préjudiciables arbitraires fondés sur un motif de distinction illicite, et je conclus que les fonctionnaires ont subi de tels effets en raison de la façon dont le seuil aux fins de l’admission à la PNGP a été calculé et de la façon dont la PNGP a été appliquée à l’établissement. Même si l’employeur avait l’intention d’être neutre dans sa rédaction de la PNGP, sa mise en œuvre a eu pour effet d’entraîner une discrimination systémique à l’égard des fonctionnaires.

165        Le renvoi constant par l’avocat de l’employeur à l’approbation des congés négociés collectivement pour les fonctionnaires sert uniquement à banaliser et à marginaliser l’importance du processus d’accommodement et de l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’un employé jusqu’au point de contrainte excessive. Lorsque l’employeur et l’agent négociateur concluent une convention collective, ils ont tous les deux l’obligation contractuelle de s’acquitter de leurs obligations qui y sont indiquées. Le fait de s’acquitter de ses obligations contractuelles n’équivaut pas une mesure d’adaptation. Les mesures d’adaptation dans le contexte des droits de la personne s’ajoutent à toute obligation contractuelle qu’un employeur pourrait avoir.

166        Les fonctionnaires ont établi une preuve prima facie de discrimination de la part de l’employeur à l’égard de laquelle l’employeur n’a établi aucun moyen de défense fondé sur une EPJ. Par conséquent, l’article 19 de la convention collective a été violé. L’employeur n’a pas violé les articles 35 et 43 de la convention collective puisque les congés des fonctionnaires n’ont pas été refusés en vertu de ces dispositions.

167        Les fonctionnaires demandent des dommages en vertu de l’art. 53 de la LCDP. À titre de formation de la Commission, j’ai le pouvoir, en vertu de l’al. 226(2)b) de la LRTFP, d’accorder des dommages aux fonctionnaires en raison de l’acte discriminatoire de l’employeur en vertu de l’alinéa 53(3)e) et du paragraphe (3) de la LCDP qui prévoient ce qui suit :

53 (2) À l’issue de l’instruction, le membre instructeur qui juge la plainte fondée, peut, sous réserve de l’article 54, ordonner, selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d’un acte discriminatoire :

[]

e) indemniser jusqu’à concurrence de 20 000 $ la victime qui a souffert un préjudice moral.

 (3) Outre les pouvoirs que lui confère le paragraphe (2), le membre instructeur peut ordonner à l’auteur d’un acte discriminatoire de payer à la victime une indemnité maximale de 20 000 $, s’il en vient à la conclusion que l’acte a été délibéré ou inconsidéré.

168        Les fonctionnaires ont également demandé une déclaration selon laquelle la PNGP de l’employeur est discriminatoire; elle sera émise. La question relative aux dommages n’est pas aussi facilement tranchée. Il est vrai, conformément à ce que l’avocat de l’employeur a soutenu, que les congés que les fonctionnaires ont demandés leur ont tous été accordés, mais ces congés ont fait en sorte qu’ils ont été visés par le seuil de la PNGP. Les fonctionnaires ne peuvent pas être indemnisés pour un préjudice moral mineur de la même manière qu’une personne qui n’a pas fait l’objet d’une mesure d’adaptation ou qui a été victime d’une forme de discrimination flagrante.

169        Tous les fonctionnaires ont indiqué qu’ils étaient contrariés et offensés par la convocation à une réunion avec Mme Shore pour examiner leur assiduité. Aucun élément de preuve quant à la gravité de ce bouleversement n’a été déposé. En l’absence d’une telle preuve, je conclus que le bouleversement était négligeable et équivalait à un désagrément. L’attribution de dommages doit tenir compte du niveau de préjudice moral subi par les fonctionnaires. La gamme de dommages pour un préjudice moral est précisée dans la LCDP et elle est jusqu’à concurrence de 20 000 $ pour la violation la plus grave des droits de la personne d’une personne. Il n’est pas approprié d’indemniser les fonctionnaires pour autre chose qu’un préjudice moral négligeable, ainsi, l’employeur devra verser 250 $ à chaque fonctionnaire au titre de préjudice moral, conformément à l’alinéa 53(2)e) de la LCDP, puisque chacun d’eux a été victime d’une discrimination fondée sur la situation familiale ou sur la déficience.

170        Les fonctionnaires demandent également des dommages aux termes de la disposition d’indemnité spéciale prévue au paragr. 53(3) de la LCDP. Les dommages accordés en vertu de cette disposition visent à indemniser une personne qui a été victime d’une discrimination de la part d’un employeur si celui-ci est l’auteur d’un acte discriminatoire délibéré ou inconsidéré. L’employeur a démontré qu’il a exercé ses droits de gestion pour établir un seuil qui était discriminatoire à première vue dans la mesure où il a inclus dans son calcul un motif de distinction illicite fondé sur la situation familiale. L’inclusion du congé de maladie lié à une déficience dans le calcul du seuil était également discriminatoire. L’employeur a promulgué une politique et a encouragé son utilisation de manière arbitraire et rigoureuse et il n’a pas tenu compte ou fait une distinction entre son application aux employés dont l’examen de l’assiduité était justifié et son application à ceux dont l’assiduité était touchée directement par une situation familiale ou une déficience.

171        Je n’ai aucun doute en ce qui concerne le fait que l’employeur était en droit de créer une politique régissant le lieu de travail, conformément à l’art. 7 de la LGFP, à condition que cette politique ne viole pas la convention collective ou qu’elle n’ait pas un effet discriminatoire sur certains employés à qui elle s’appliquait. La décision d’inclure des motifs de distinction illicite dans le calcul d’un seuil d’assiduité était délibérée. La PNGP renvoie à maintes reprises aux tendances des congés de maladie et à l’utilisation des congés pour obligations familiales sans aucune mention d’autres types de congés disponibles en vertu de la convention collective. En outre, la communication entre l’employeur et la coordonnatrice de la PNGP l’a laissée avec l’impression qu’elle n’avait d’autre choix que de l’appliquer sans exercer son pouvoir discrétionnaire, ce qui violait clairement la nécessité d’évaluer les circonstances individuelles, tel qu’il est prévu par les lois sur les droits de la personne. Pour ces motifs, l’employeur doit verser 500 $ à chaque fonctionnaire en vertu du paragr. 53(3) de la LCDP afin de reconnaître l’omission délibérée et inconsidérée de l’employeur eu égard à ses obligations en vertu de la LCDP et de l’article 19 de la convention collective.

172        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

173        Le grief figurant au dossier 566-02-8408 est accueilli.

174        L’employeur versera au fonctionnaire la somme de 250 $ en vertu de l’al. 53(2)e) de la LCDP dans les 60 jours de la présente décision.

175        L’employeur versera au fonctionnaire la somme de 500 $ en vertu du paragr. 53(3) de la LCDP dans les 60 jours de la présente décision.

176        Le grief figurant au dossier 566-02-8410 est accueilli.

177        L’employeur versera au fonctionnaire la somme de 250 $ en vertu de l’al. 53(2)e) de la LCDP dans les 60 jours de la présente décision.

178        L’employeur versera au fonctionnaire la somme de 500 $ en vertu du paragr. 53(3) de la LCDP dans les 60 jours de la présente décision.

179        Le grief figurant au dossier 566-02-8411 est accueilli.

180        L’employeur versera au fonctionnaire la somme de 250 $ en vertu de l’al. 53(2)e) de la LCDP dans les 60 jours de la présente décision.

181        L’employeur versera au fonctionnaire la somme de 500 $ en vertu du paragr. 53(3) de la LCDP dans les 60 jours de la présente décision.

182        Le grief figurant au dossier 566-02-8412 est accueilli.

183        L’employeur versera au fonctionnaire la somme de 250 $ en vertu de l’al. 53(2)e) de la LCDP dans les 60 jours de la présente décision.

184        L’employeur versera au fonctionnaire la somme de 500 $ en vertu du paragr. 53(3) de la LCDP dans les 60 jours de la présente décision.

185        Le grief figurant au dossier 566-02-8413 est accueilli.

186        L’employeur versera au fonctionnaire la somme de 250 $ en vertu de l’al. 53(2)e) de la LCDP dans les 60 jours de la présente décision.

187        L’employeur versera au fonctionnaire la somme de 500 $ en vertu du paragr. 53(3) de la LCDP dans les 60 jours de la présente décision.

188        Le grief figurant au dossier 566-02-8414 est accueilli.

189        L’employeur versera au fonctionnaire la somme de 250 $ en vertu de l’al. 53(2)e) de la LCDP dans les 60 jours de la présente décision.

190        L’employeur versera au fonctionnaire la somme de 500 $ en vertu du paragr. 53(3) de la LCDP dans les 60 jours de la présente décision.

191        Le grief figurant au dossier 566-02-8418 est accueilli.

192        L’employeur versera au fonctionnaire la somme de 250 $ en vertu de l’al. 53(2)e) de la LCDP dans les 60 jours de la présente décision.

193        L’employeur versera au fonctionnaire la somme de 500 $ en vertu du paragr. 53(3) de la LCDP dans les 60 jours de la présente décision.

194        Le grief figurant au dossier 566-02-8419 est accueilli.

195        L’employeur versera au fonctionnaire la somme de 250 $ en vertu de l’al. 53(2)e) de la LCDP dans les 60 jours de la présente décision.

196        L’employeur versera au fonctionnaire la somme de 500 $ en vertu du paragr. 53(3) de la LCDP dans les 60 jours de la présente décision.

197        Il est déclaré que la PNGP de l’employeur viole l’article 19 de la convention collective dans la mesure où elle est discriminatoire sur la base des motifs de distinction illicite fondés sur la situation familiale et la déficience.

Le 9 août 2016.

Traduction de la CRTEFP

Margaret T.A. Shannon,
une formation de la Commission des relations
de travail et de l’emploi dans la fonction publique
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