Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé occupait un poste classifié au groupe et au niveau CX-01 en tant qu’agent correctionnel – il avait reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique et a demandé une mesure d’adaptation au poste de préposé à l’entretien de l’équipement de sécurité (PEES) – l’employeur a refusé, car le poste de PEES était classifié au groupe et au niveau CX-02 – le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que l’employeur avait faire preuve de discrimination à son égard en refusant de prendre des mesures d’adaptation à son égard en raison de son invalidité et de son activité syndicale – il a également allégué qu’il avait été obligé de prendre sa retraite – la preuve a démontré que son objectif était uniquement le poste de PEES et qu’il n’envisageait aucun autre poste qu’il lui a été présenté, ce qui a retardé le processus – la Commission a conclu que l’employeur s’était acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation, car il lui avait offert plusieurs options de retour au travail, dont une qu’il a éventuellement acceptée – l’employeur a permis au fonctionnaire s’estimant lésé d’être en congé ou de quitter plus tôt que prévu, au besoin – il n’avait pas le droit de choisir sa mesure d’adaptation, mais seulement une mesure d’adaptation raisonnable – la Commission a également conclu qu’il n’y avait aucune preuve que l’employeur avait fait preuve de discrimination à l’endroit du fonctionnaire s’estimant lésé en raison de sa participation syndicale – en ce qui concerne son départ à la retraite, la preuve était claire sur le fait qu’il avait toujours eu l’intention de cesser volontairement son emploi en prenant sa retraite.Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2016-09-28
  • Dossier:  566-02-3649
  • Référence:  2016 CRTEFP 97

Devant un arbitre de grief


ENTRE

DENIS LECLAIR

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
Leclair c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Margaret T.A. Shannon, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Edward Kravitz, avocat
Pour le défendeur:
Joshua Alcock, avocat
Affaire entendue à Moncton (Nouveau-Brunswick)
le 28 avril et du 1er au 4 septembre 2015, et le 16 février 2016.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1        Denis Leclair, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a présenté un grief au motif que l’employeur, Service correctionnel Canada (« SCC » ou l’« employeur »), a violé l’article 37 de la convention collective conclue entre le Secrétariat du Conseil du Trésor et le Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN, pour le groupe Services correctionnels, qui est venue à échéance le 31 mai 2010 (la « convention collective »). Il a allégué que l’employeur avait fait preuve de discrimination, d’intimidation et de provocation à son égard et refusé de prendre des mesures d’adaptation à son égard en raison de son invalidité pour raison médicale et de son activité syndicale.

2        Le grief a été renvoyé à l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») en 2010, et j’en ai été saisie en 2013. Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace l’ancienne Commission ainsi que le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 396 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, un arbitre saisi d’un grief avant le 1er novembre 2014, continue d’exercer les pouvoirs prévus à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) dans sa version antérieure à cette date.

II. Résumé de la preuve

3        La majorité de la preuve présentée par les deux parties portait sur leurs actions à la suite de la présentation de ce grief. Puisqu’aucune des parties ne s’est opposée à ce type de preuve et puisqu’il était nécessaire, à mon avis, d’évaluer si l’employeur avait réellement refusé de prendre des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire, j’en ai tenu compte dans le cadre de la présente décision.

          Témoignage du fonctionnaire

4        Le fonctionnaire occupait le poste d’agent correctionnel (CX) à l’Établissement Springhill, à Springhill, en Nouvelle-Écosse (l’« établissement »). Il a commencé sa carrière en 1986 à l’Établissement Atlantique, situé à Renous, au Nouveau-Brunswick. En 2002, il a été transféré à Springhill. En 2011, pendant une courte période, il a été affecté à l’administration régionale de SCC à Moncton, au Nouveau-Brunswick. Le fonctionnaire a allégué qu’il avait été obligé de prendre sa retraite à la suite du refus du SCC de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de son invalidité pendant la période de 2009 à 2011.

5        Au cours de sa carrière, le fonctionnaire a pris part à un certain nombre d’incidents qu’il a qualifiés de traumatisants. Il a décrit des extractions de cellules où des détenus étaient couverts d’excréments ou de sang. Pendant la période où il a occupé le poste classifié CX, il a vu des détenus faire des surdoses et au moins un détenu est décédé pendant qu’il était en service. À Renous, le fonctionnaire était membre de l’équipe d’intervention en cas d’urgence lorsque des émeutes s’y sont déroulées. Il a fait valoir que davantage de détenus avaient été poignardés à Springhill qu’à Renous. Des détenus lui ont craché dessus et l’employeur n’a déposé aucune accusation contre eux. En décembre 2009, le fonctionnaire a confisqué une table qui était utilisée par les détenus pour le jeu et, par conséquent, 10 détenus lui ont lancé des injures et ont menacé sa famille. La femme du fonctionnaire travaillait également à cet établissement et les détenus auraient pu s’en approcher.

6        Le fonctionnaire a été président de la section locale de l’agent négociateur pendant environ six ans. Il a cessé sa participation en avril 2009, lorsqu’il a commencé à consulter un psychologue, le Dr Charles Emmrys. Le fonctionnaire a consulté le Dr Emmrys après avoir assisté à l’une de ses présentations sur le trouble de stress post-traumatique (TSPT). Le fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’il avait alors reconnu avoir les symptômes décrits par le Dr Emmrys dans sa présentation, notamment de l’agitation, de la colère, des changements de comportement, des sautes d’humeur, un manque de sommeil et de la fatigue. Sa première consultation avec le Dr Emmrys a eu lieu en mars 2009. Le Dr Emmrys lui a diagnostiqué un TSPT avec épuisement.

7        Le fonctionnaire a vécu une période sombre au cours de laquelle il était toujours en colère à propos de son travail. Il croyait pouvoir n’en parler qu’à sa femme. Entre les années 2009 et 2010, son assiduité au travail a dégringolé. Avant de se faire dire qu’il était atteint d’un TSPT, le fonctionnaire se présentait au travail; toutefois, après le diagnostic, il a commencé à avoir peur de perdre son emploi. Il s’habillait pour le travail et il était incapable de s’y rendre, alors il prenait un congé de maladie. Il conduisait pour se rendre au travail et plus il se rapprochait de l’établissement, plus il devenait anxieux. Il préférait retourner à la maison plutôt que de se présenter au travail. Certains jours, il réussissait à se rendre et à fonctionner pendant l’ensemble de son quart. Son anxiété l’empêchait de se présenter régulièrement au travail.

8        Pendant qu’il était à la maison, il passait ses journées à penser à aller travailler. Il prenait une semaine pour accomplir des corvées qu’il effectuait auparavant en une journée. Il passait son temps dans son cabanon à fumer et à boire du café. S’il avait un congé accumulé, il le prenait. Lorsqu’il a épuisé ses congés, il a pris un congé non payé.

9        À un certain moment après juin 2009, le fonctionnaire a demandé à Jeff Earle, le directeur de l’établissement, de prendre des mesures d’adaptation en milieu de travail à son égard. Lors de ces réunions avec M. Earle, il était accompagné par David Harrison, qui était délégué syndical à l’époque. Lors de ces réunions, le fonctionnaire a déterminé que le poste de préposé à l’entretien de l’équipement de sécurité (PEES) constituait une mesure d’adaptation convenable, puisqu’il savait qu’il y avait deux postes dans la région et qu’ils étaient situés à l’extérieur de la barrière de l’établissement. Il souhaitait occuper le poste pour la durée de sa récupération seulement. Puisque le poste en question était classifié CX-02 et qu’il occupait un poste classifié CX-01, il ne pouvait pas être accommodé à ce poste. Quoi qu’il en soit, le fonctionnaire ne comprenait pas pourquoi il ne pouvait pas occuper ce poste à titre de mesure d’adaptation en vertu de la politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation du SCC. Il a offert d’occuper le poste à titre de CX-01; l’employeur a refusé sa demande.

10        Lors de la troisième réunion avec M. Earle et M. Harrison, la question du poste de PEES a de nouveau été soulevée. Entre-temps, la situation relative aux congés du fonctionnaire a empiré. Le fonctionnaire a demandé à M. Earle de modifier son congé non payé en un congé payé, ce que M. Earl a refusé, puisqu’il ne pouvait pas justifier le versement d’un salaire au fonctionnaire pour rester à la maison.

11        Le fonctionnaire a fait valoir que M. Earle n’avait jamais proposé de mesures d’adaptation. M. Earle a dit au fonctionnaire qu’aucune mesure d’adaptation ne pourrait être prise à son égard sans qu’un certificat médical soit émis indiquant qu’il s’agissait d’une nécessité. Le fonctionnaire a affirmé que la politique du Conseil du Trésor accordait à l’employeur la possibilité de prendre des mesures d’adaptation à son égard pourvu que l’employeur sache ce qui était nécessaire. Il a finalement fourni un certificat médical (pièce 9). Encore une fois, selon lui, M. Earle a fait valoir que le certificat ne comprenait pas tous les renseignements requis.

12        Lors de la quatrième réunion, environ un mois plus tard, le fonctionnaire a rencontré M. Earl et Jeff Wilkins, le président de la section locale du syndicat à l’établissement entre 2009 et 2013. Lors d’autres réunions, le fonctionnaire a également rencontré Judy Amos, directrice adjointe des Opérations à l’établissement, et Lorne Breen, directeur adjoint à l’établissement. Lors de toutes ces réunions, le fonctionnaire a cherché à comprendre pourquoi la réponse de l’employeur à sa demande d’adaptation au poste de PEES était toujours « non ». Le fonctionnaire savait que le poste de PEES était idéal pour lui. Il a tenté de trouver autre chose, sans succès. Sa demande visant à faire du télétravail à partir de la maison a été refusée. Il a proposé de suivre une formation linguistique, ce qui lui a également été refusé puisqu’il ne s’agissait pas d’une exigence. L’employeur ne lui a attribué aucune tâche administrative qu’il aurait pu accomplir à la maison pendant son congé.

13        Finalement, le 7 janvier 2010, le fonctionnaire a demandé à M. Earle s’il pouvait prendre un congé payé en attendant la décision relative à sa demande de prestations d’accidents du travail. Dans l’éventualité où la demande n’était pas approuvée, le fonctionnaire a proposé de rembourser à l’employeur toute indemnité de départ qu’il aurait reçue au moment de son départ à la retraite. M. Earle a accepté d’examiner cette proposition et d’en rediscuter avec le fonctionnaire le lendemain. Le fonctionnaire n’a jamais reçu de réponse de M. Earle.

14        Entre-temps, le 8 janvier 2010, le gestionnaire correctionnel du fonctionnaire lui a dit de fouiller une cellule. Le fonctionnaire a dit au gestionnaire correctionnel qu’il avait une réunion avec le directeur à 14 h. Le gestionnaire correctionnel lui a ordonné d’effectuer la fouille quand même. Le fonctionnaire a refusé et a dit qu’il irait voir le directeur avant d’effectuer toute fouille de cellule. Le gestionnaire correctionnel lui a donné deux autres ordres directs, que le fonctionnaire a refusés. Il a été renvoyé à la maison pour avoir refusé d’obéir aux ordres. Le fonctionnaire avait peur que sa carrière soit terminée. À 46 ans, il était trop jeune pour être sans emploi. Il n’avait plus les idées claires.

15        L’employeur a envoyé une lettre au Dr Emmrys afin d’obtenir d’autres renseignements à propos de la capacité du fonctionnaire à exécuter ses fonctions (pièce 27). En date d’avril 2010, l’employeur n’avait proposé aucune mesure d’adaptation. Le fonctionnaire s’est senti abandonné. Ses symptômes s’étaient aggravés et il cherchait à obtenir de l’aide; il n’en a pas reçue. Il savait ce dont il avait besoin, c’est-à-dire le poste de PEES, et il ne pouvait pas comprendre pourquoi l’employeur ne l’y affectait pas. Il a été en congé de avril 2010 à mai 2011. Il a présenté une demande d’indemnité liée à un rapport d’accident de travail (pièce 48) afin d’être indemnisé pendant son congé. La demande a été acceptée et approuvée jusqu’au 2 mai 2011.

16        L’employeur a interjeté appel de la décision de la Commission d’indemnisation des accidentés du travail (CIAT) de la Nouvelle-Écosse d’accepter la demande du fonctionnaire (pièce 28). Le fonctionnaire avait des crises de panique et revivait les souvenirs de façon exagérée. Pour de nombreuses raisons, il était très en colère contre l’employeur à plusieurs égards, y compris l’appel de la décision de la CIAT. Il prenait des médicaments, ce qui provoquait des oublis, mais le rendait également très agressif. Le Dr Gosse, soit le psychiatre du fonctionnaire, a recommandé de la médication. Au départ, le fonctionnaire était réticent à les prendre, mais il a accepté de les essayer pendant six mois à un an. Il voulait être sevré de ces médicaments avant de retourner au travail. Il avait peur de faire quelque chose qu’il a qualifié de stupide s’il revenait au travail tout en prenant les médicaments. Le fonctionnaire a demandé au Dr Emmrys de transmettre ce message au Dr Gosse (pièce 12). Après six à huit semaines, le fonctionnaire était sevré de ses médicaments et pouvait retourner au travail.

17        En mai 2011, le fonctionnaire avait bon espoir de retourner au travail. Pendant qu’il était en congé, l’employeur a embauché un CX-01 pour occuper le poste de PEES. Il y avait un poste de PEES vacant et le fonctionnaire espérait y être affecté. Malheureusement, cela ne s’est pas produit. Le poste vacant n’a été doté que lorsqu’il a été affecté à l’administration régionale de l’employeur. Il a ensuite été pourvu comme un poste classifié CX-02. Aucun préparatif n’a été mis en place afin que des mesures d’adaptation soient prises à l’égard du fonctionnaire à son retour. Il a pris un congé annuel pour les deux premières semaines de mai 2011. Pendant le reste du mois de mai, le fonctionnaire n’est pas retourné au travail étant donné que les symptômes étaient revenus et qu’il n’était plus capable de se présenter au travail.

18        L’employeur a demandé au fonctionnaire s’il envisagerait de travailler dans d’autres établissements (pièce 44). Il a refusé au motif qu’il n’y avait aucun projet de l’affecter à un autre poste. Il aurait simplement été déplacé d’un établissement à l’autre. D’autres secteurs de travail pouvaient être envisagés en guise d’option, comme les secteurs des visites et de la correspondance, ou celui de l’admission et de la libération, dans lesquels le fonctionnaire avait déjà travaillé. Le meilleur endroit pour lui était le centre d’accueil régional, où il avait été affecté pendant 10 jours. Son horaire a été modifié pour quatre quarts de travail de 10 heures par semaine; auparavant, il travaillait un quart de travail normal de 8 heures.

19        Entre juin et août 2011, le fonctionnaire a commencé à souffrir des mêmes symptômes qu’auparavant. Il était certain que le poste de PEES n’était pas une option et, par conséquent, il fallait trouver autre chose. En juin 2011, lorsque les choses n’allaient pas bien, il a envoyé un courriel au Commissaire du SCC, qui a envoyé des membres du personnel du SCC rencontrer le fonctionnaire. Il croyait qu’ils venaient régler ses problèmes. Avant de le rencontrer, ils souhaitaient rencontrer sa femme puisqu’ils étaient préoccupés par la santé et la sécurité de cette dernière. Ils croyaient que le fonctionnaire la battait, ce que les deux ont nié.

20        L’employeur a élaboré un plan de retour au travail et d’adaptation (pièce 23). Il s’agissait de la première fois qu’il offrait une mesure d’adaptation au fonctionnaire. La mesure d’adaptation proposée n’a pas très bien fonctionné, puisqu’elle ne consistait qu’en un changement de la durée du quart de travail. Le nombre de jours où il devait se présenter au travail ne changeait pas.

21        Le 23 août 2011, l’employeur a soulevé la possibilité que le fonctionnaire travaille à son administration régionale. C’était la première fois que l’employeur mentionnait une telle mesure d’adaptation et il aurait pu le faire beaucoup plus tôt. L’employeur a également proposé un transfert à CORCAN, un programme de réhabilitation du SCC dans le cadre duquel les détenus reçoivent une formation en cours d’emploi dans des domaines comme la soudure, la fabrication de meuble, ou les services d’imprimerie, ou encore à un poste de chauffeur pour l’établissement; le fonctionnaire a refusé ces deux postes par courriel (pièce 42).

22        Le Dr Emmrys a fourni à l’employeur ses recommandations concernant la réintégration du fonctionnaire (pièce 19). Si elles avaient été suivies, le fonctionnaire n’aurait pas été pris en considération pour des travaux légers; on lui aurait plutôt présenté un horaire adapté afin de régler les problèmes liés à ses difficultés au sujet des quarts de travail de soir. Les postes isolés, comme les postes de chauffeur, devaient être évités. Selon les recommandations du Dr Emmrys, l’objectif était que le fonctionnaire retourne au travail uniquement pour des quarts de travail de jour.

23        Le fonctionnaire a reçu une lettre du directeur en date du 7 octobre 2011 (pièce 46), dans laquelle il a été informé que l’employeur ne tiendrait pas compte du poste de PEES à titre de mesure d’adaptation possible. Un plan d’adaptation a été élaboré et on l’a affecté à l’administration régionale du SCC à titre d’adjoint à l’agent de projet à la sécurité pour une période de cinq mois (pièce 19). Cette affectation s’est prolongée pendant près d’un an.

24        En octobre 2012, le fonctionnaire a été affecté à un poste de responsable de la livraison du courrier aux différents établissements de la région (pièce 20). Il a conservé ce poste pendant un an. En échange, il a accepté de remettre sa démission à la fin de l’affectation (pièce 54).

25        Le fonctionnaire s’est présenté au travail tous les jours pour exercer les fonctions de son poste de chauffeur responsable du courrier. Ce poste était différent d’un poste de chauffeur pour l’établissement, puisqu’il n’y avait aucun contact avec les détenus. Le Dr Emmrys lui avait dit qu’il pourrait être [traduction] « remis sur pied » dans les deux années suivant la date où il a accepté ce poste; le fonctionnaire avait besoin de mesures d’adaptation pour ce faire. Il devait rester dans le milieu correctionnel; c’est pourquoi il voulait autant le poste de PEES. Après être passé par ce processus d’adaptation, le Dr Emmrys a recommandé que le fonctionnaire envisage de prendre sa retraite. Puisqu’il ne pouvait pas retourner à l’établissement, il aurait fallu qu’il prenne une autre année sabbatique après la fin de l’affectation au poste de chauffeur. Il a plutôt pris sa retraite en avril 2013, même s’il avait précédemment indiqué qu’il la prendrait en novembre. La possibilité de faire de la pêche commerciale s’est présentée et il l’a prise. Il devait quitter son emploi en avril, sinon, il aurait perdu la possibilité de pêcher en mai.

26        La santé du fonctionnaire s’était beaucoup améliorée lorsqu’il travaillait tous les jours. Il avait retrouvé sa vie. Toutefois, il était en colère contre l’employeur en raison de l’omission de ce dernier de prendre des mesures d’adaptation à son égard. Il était dévasté et n’arrivait pas à comprendre pourquoi l’employeur n’avait pas pris les mesures d’adaptation nécessaires en l’affectant au poste de PEES. Il ne savait pas pourquoi il devait être à l’extérieur des murs de l’établissement, mais il savait qu’il ne pouvait pas avoir de contact avec les détenus et que le poste de PEES était l’endroit où il devait être. Il voulait le poste de PEES, et ce, depuis le diagnostic de TSPT. Le Dr Emmrys a reconnu que le fonctionnaire devait être affecté au poste de PEES.

27        Subsidiairement, puisque le fonctionnaire estimait qu’il pouvait exercer son emploi 90 % du temps, il avait besoin d’un horaire suffisamment souple pour lui permettre de prendre congé ou d’arriver en retard lorsqu’il le fallait. Il a été capable de le faire, mais il a ensuite commencé à se préoccuper de la menace financière que représentait pour lui le fait de prendre des congés non payés. Il voulait plutôt prendre des congés payés lorsqu’il ne pouvait pas se présenter au travail. Il ne cherchait pas à quitter son travail; il cherchait plutôt de l’aide pour prendre le temps dont il avait besoin pour guérir. Lorsqu’il était au travail, il composait avec l’emploi; son problème était de se présenter au travail. L’employeur a plutôt refusé de l’aider; le fonctionnaire s’est senti comme s’il avait été frappé tandis qu’il était déjà atterré.

28        Le retour au travail du fonctionnaire a été compliqué par des questions de longue date relatives aux relations de travail et non par ses activités syndicales, comme l’indique le rapport du Dr Gosse (pièce 8, page 4). Le Dr Gosse a également indiqué que le fonctionnaire estimait que le poste de PEES à l’établissement aurait été idéal pour lui (pièce 8, page 2). De plus, le fonctionnaire a dit au Dr Gosse qu’il estimait devoir être remboursé pour son congé de maladie et son congé annuel.

          Témoignage de David Harrison

29        M. Harrison a été le président de la section locale du syndicat pour l’établissement en 2012. Il a travaillé avec le fonctionnaire à la direction syndicale en 2009, alors que le fonctionnaire était membre du comité exécutif local. Il a également socialisé avec le fonctionnaire et sa femme. À partir de 2009, M. Harrison a agi à titre de représentant syndical du fonctionnaire lors de ses démarches avec l’employeur. À cette époque, le fonctionnaire s’absentait souvent du travail. Il était absent deux à trois jours de suite. Il arrivait également qu’il se présente en retard et quitte plus tôt. Ses rapports de congés (pièce 20) indiquaient qu’il avait épuisé ses congés accumulés. Certains des congés non payés consignés pourraient avoir été attribués aux activités syndicales du fonctionnaire. En mai 2009, l’employeur a commencé à récupérer les frais du congé payé au fonctionnaire après qu’il ait épuisé ses congés accumulés (pièce 21).

30        Le fonctionnaire a consulté M. Harrison au printemps 2009 et lui a demandé de l’aider à obtenir une mesure d’adaptation. Il a expliqué sa situation à M. Harrison et il lui a demandé d’approcher le directeur et de lui présenter une demande visant des mesures d’adaptation. Son médecin lui avait recommandé de passer davantage de temps à l’extérieur du travail et le poste d’assistant au PEES suggéré par le fonctionnaire semblait être idéal selon M. Harrison. M. Harrison a abordé M. Earle en mars 2009. Il a expliqué au directeur que le fonctionnaire avait reçu un diagnostic de TSPT et d’épuisement et qu’il avait besoin de passer plus de temps à l’extérieur de l’établissement. M. Harrison a suggéré que le fonctionnaire soit placé au poste de PEES. Aucun autre poste n’a été désigné auprès du SCC.

31        M. Earle a accepté d’examiner cette possibilité, mais, selon M. Harrison, il était préoccupé par la classification du poste de PEES, qui était classifié CX-02, tandis que le fonctionnaire occupait un poste CX-01. Le fonctionnaire a accepté d’être payé CX-01 advenant une affectation au poste classifié CX-02. L’idée était que le fonctionnaire agisse à titre de remplaçant pour le poste d’assistant au PEES pendant que le titulaire du poste était en formation à l’extérieur. M. Harrison et M. Earle se sont de nouveau rencontrés quelques semaines plus tard. Le directeur a informé M. Harrison qu’il était impossible pour le fonctionnaire d’être payé au niveau CX-01 tout en exécutant les fonctions de PEES. M. Harrison a indiqué au directeur que le fonctionnaire était également ouvert aux possibilités concernant des travaux qu’il pouvait effectuer à partir de la maison.

32        Étant donné tout cela, M. Harrison a tenté de suggérer d’autres options, comme effectuer du traitement de cas relativement aux détenus, examiner les procédures d’exploitation ou suivre des cours de correspondance en anglais. Le poste lié au traitement de cas relativement aux détenus était également classifié au groupe et au niveau CX-02. Le fonctionnaire n’avait pas les compétences requises pour examiner les politiques et les procédures, et le SCC a rejeté la demande de formation linguistique dans son cas, puisqu’elle n’était pas nécessaire étant donné qu’il satisfaisait le profil linguistique de son poste. Le directeur a demandé une confirmation médicale des restrictions du fonctionnaire. Au début, il a refusé de fournir les renseignements. Il a par la suite réexaminé sa décision et fourni les certificats médicaux demandés. À aucun moment le SCC ne l’a renvoyé à Santé Canada pour une évaluation. En juillet 2009, M. Wilkins est devenu le président de la section locale du syndicat et a commencé à agir à titre de nouveau représentant syndical du fonctionnaire.

          Témoignage de Jeff Wilkins

33        M. Wilkins a décrit le processus relatif aux mesures d’adaptation du syndicat dans le cas du fonctionnaire. La première demande d’adaptation en milieu de travail a été présentée à l’automne 2009 à la suite du diagnostic de TSPT du fonctionnaire par le Dr Emmrys. Le fonctionnaire a reçu un rapport médical en octobre 2009, lequel a été présenté au SCC en novembre 2009 (pièce 9). L’horaire de travail de M. Wilkins chevauchait celui du fonctionnaire en 2009, et il était au courant que le fonctionnaire semblait être souvent absent sans toutefois qu’il y ait de tendance. Le docteur du fonctionnaire a dit à ce dernier qu’il devrait prendre congé dès qu’il en ressentait le besoin.

34        M. Wilkins a parlé au directeur de la nécessité de prendre des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire. M. Earle ne connaissait pas très bien le processus, alors il a consulté son conseiller en relations de travail. Deux semaines plus tard, le groupe s’est rencontré de nouveau. Lors de cette rencontre, le poste de PEES a encore fait l’objet de discussions. Le poste a été financé pour 1,4 équivalent temps plein (ETP). Il n’y avait qu’un seul employé à temps plein; le reste du financement a été utilisé pour la formation et la couverture du congé. Le syndicat a proposé que le fonctionnaire reçoive une formation à titre de PEES et qu’il remplace le titulaire du poste pendant qu’il était en formation à l’extérieur. L’employeur a refusé parce que le poste était classifié à un groupe et à un niveau plus élevé que le poste occupé par le fonctionnaire; toutefois, en 2010, le poste a été affecté à un autre CX-01. Les circonstances de cette affectation n’ont pas été décrites lors de l’audience.

35        Selon M. Wilkins, après cette deuxième réunion, M. Earle n’a fait aucune autre proposition visant des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire. Aucun renvoi n’a été effectué à Santé Canada. Aucune possibilité d’horaire de travail souple comme l’a suggéré le Dr Emmrys dans sa lettre en date du 27 octobre 2009 (pièce 9) n’a été offerte. D’autres réunions ont eu lieu en décembre 2009 et en janvier 2010, dans le cadre desquelles le groupe a discuté de la possibilité que le directeur accorde au fonctionnaire un congé supplémentaire en plus de ses crédits de congé épuisés afin qu’il évite de prendre un congé non payé.

36        Entre-temps, le fonctionnaire a présenté une demande d’indemnité d’accident du travail, qui a été approuvée en avril 2010. Entre janvier et avril 2010, le SCC n’a présenté aucune offre visant des mesures d’adaptation au fonctionnaire. Aucun renvoi n’a été effectué à Santé Canada ou à tout autre médecin concernant cette question. Après l’approbation de la demande d’indemnité d’accident du travail, le fonctionnaire a été en congé payé jusqu’en mai 2011. Entre-temps, aucune proposition n’a été présentée concernant son retour au travail ou une quelconque mesure d’adaptation.

37        Lorsque le fonctionnaire a été prêt à retourner au travail en mai 2011, aucune mesure d’adaptation n’avait été préparée pour lui. M. Wilkins et Doug White, le vice-président du syndicat régional, se sont demandé si le fonctionnaire pouvait être affecté à l’administration régionale du SCC à titre de mesure d’adaptation, puisqu’il ne pouvait pas prévoir un retour au travail réussi pour lui à l’établissement. Le fonctionnaire était réticent à envisager de travailler à l’administration régionale, mais il a accepté de le faire.

38        M. Wilkins a discuté avec Dave Niles, sous-commissaire adjoint des opérations de l’établissement. M. Niles a accepté de voir si quelque chose pouvait être fait. Lorsqu’il a répondu à M. Wilkins, un mois plus tard, M. Niles a indiqué qu’il avait tenu compte de sa suggestion et qu’il était ouvert à l’idée que le fonctionnaire travaille à l’administration régionale du SCC, mais qu’au départ, il n’y avait rien d’offert au fonctionnaire.

39        En mai 2011, M. Wilkins a encore une fois discuté du poste de PEES avec M. Breen. Il a demandé pourquoi un CX-01 autre que le fonctionnaire avait été affecté au poste, ce à quoi on lui a répondu que cette personne n’occuperait plus ce poste très longtemps. Peu après, le poste était de nouveau vacant. Une fois que le fonctionnaire a commencé à travailler à l’administration régionale, le poste de PEES a de nouveau été pourvu. M. Breen n’avait aucune autre suggestion relativement à une mesure d’adaptation à l’égard du fonctionnaire.

40        M. Wilkins et M. White ont participé à une réunion avec le fonctionnaire et M. Niles le 26 mai 2011. M. Niles a soulevé la possibilité que le fonctionnaire travaille à un autre établissement dans la région de l’Atlantique du SCC, mais n’a pas mentionné que le fonctionnaire pourrait travailler à l’administration régionale. Entre mai et août 2011, le fonctionnaire était souvent absent du lieu de travail, soit en congé de maladie, soit en congé annuel. Aucun plan n’a été mis en place pour son retour au travail. Il a recommencé à éprouver de l’anxiété lorsqu’il est entré dans l’établissement.

41        En août 2011, M. Wilkins et le fonctionnaire ont une fois de plus rencontré la direction du SCC afin de discuter de la lettre du Dr Emmrys en date du 3 août 2011 (pièce 22), et de préparer un plan concernant une mesure d’adaptation (pièce 23) qui tenait compte des recommandations du Dr Emmrys. Le plan n’a pas été une réussite en raison de l’assiduité irrégulière du fonctionnaire. D’autres réunions ont eu lieu en août et en septembre 2011.

42        En octobre 2011, un nouveau plan d’adaptation a été élaboré (pièce 19) et le fonctionnaire a été affecté à l’administration régionale dans le secteur de la sécurité. Cette affectation a duré un an et l’employeur y a mis fin. Un autre plan de mesures d’adaptation a été élaboré (pièce 20) et le fonctionnaire a commencé à livrer le courrier dans toute la région. Il a occupé ce poste jusqu’à ce qu’il choisisse de prendre sa retraite en avril 2013, puisqu’il avait trouvé un autre emploi.

          Témoignage de Jeff Earle

43        M. Earle a une expérience de travail en psychologie. Il a géré plusieurs demandes de mesures d’adaptation présentées par des agents correctionnels, principalement pour des raisons psychologiques. Il connaît la politique sur les mesures d’adaptation en milieu de travail du Conseil du Trésor et la politique du SCC sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. De plus, au besoin, il a consulté son conseiller en relations de travail à ce sujet.

44        En 2009, il n’avait reçu aucune demande du fonctionnaire concernant une mesure d’adaptation au poste de PEES. Cette question n’a été soulevée qu’à l’automne 2011, lorsque l’employeur cherchait d’autres postes pour le fonctionnaire. M. Earle a tenu compte des fonctions du fonctionnaire, de ses restrictions, ainsi que des fonctions et du financement du poste. Il a conclu que les restrictions énumérées n’exigeaient pas que le fonctionnaire soit placé au poste de PEES et que, quoi qu’il en soit, ce poste ne lui convenait pas. Il a refusé la demande relative au poste de PEES en raison du niveau et de la nature du travail, de la nécessité d’intervenir rapidement, des exigences relatives à la formation pour que le fonctionnaire soit qualifié pour l’emploi, ainsi que du choix du moment. De plus, le poste de PEES était classifié CX-02 et aurait nécessité que le fonctionnaire soit promu. Les employés ne sont pas admissibles à des promotions dans le cadre du processus de mesures d’adaptation.

45        M. Earle était insatisfait de la lettre du Dr Emmrys en date du 27 octobre 2009 (pièce 9). De nombreuses questions étaient sans réponse. Par conséquent, il n’a pas offert au fonctionnaire un horaire de travail souple, même s’il s’agissait d’une possibilité en vertu de la politique sur les mesures d’adaptation. M. Earle se rappelait avoir discuté de la possibilité de renvoyer le fonctionnaire à Santé Canada, mais n’a pas ordonné que ce soit fait. Il a toutefois demandé au fonctionnaire de présenter une demande d’indemnité d’accident du travail, ce que le fonctionnaire a fait.

46        M. Earle a également demandé d’interjeter appel de l’approbation de la demande d’indemnité d’accident du travail du fonctionnaire. Il était préoccupé par le fait que les indemnités étaient approuvées rétroactivement, ce qui, selon lui, créait une obligation pour l’employeur et constituait un manque d’équité procédurale, puisque l’employeur n’a aucunement participé à la décision. La CIAT a fondé sa décision sur des documents que l’employeur n’avait jamais vus. De plus, le Dr Gosse a changé le diagnostic du fonctionnaire en cours de processus (pièces 5 et 6). L’employeur n’a reçu le rapport médical (pièce 6) qu’après que la CIAT ait rendu sa décision. Les motifs de l’appel concernaient l’existence d’un traumatisme lié au milieu de travail et le diagnostic. Il existait d’autres explications aux symptômes du fonctionnaire et la validité d’un incident en milieu de travail ayant causé un traumatisme au fonctionnaire n’a pas été étudiée.

47        À titre de directeur, M. Earle était responsable de la saine gestion financière de l’établissement, ce qui comprend la gestion des coûts liés aux congés. Les absences du fonctionnaire et les coûts entraînés par son remplacement avaient des répercussions financières sur l’établissement. M. Leclair voulait un congé payé lorsqu’il n’était pas en mesure de se présenter au travail, et ce, même s’il avait épuisé ses droits de congé. M. Earle a dit à M. Leclair que s’il n’était pas suffisamment en forme pour se présenter au travail, il ne devrait pas se présenter. De plus, il ne l’empêcherait pas de quitter son emploi plus tôt s’il le devait, mais il ne pouvait pas autoriser un congé payé au-delà de ceux que le fonctionnaire avait déjà épuisés. Même un congé non payé a des répercussions financières sur l’établissement, sous la forme des coûts liés au remplacement de l’employé qui le prend. L’établissement ne peut pas fonctionner sans les agents correctionnels; le remplacement d’agents manquants pourrait exiger des heures supplémentaires et des dépenses liées aux rappels, qui n’auraient pas été engagées autrement.

48        M. Earle a discuté des difficultés qu’il a éprouvées à trouver un travail rémunéré au fonctionnaire avec le Dr Emmrys, avec la permission du fonctionnaire. Selon M. Earle, le rôle du docteur n’était pas de lui dire quel poste offrir au fonctionnaire, ou l’endroit où il devait le placer aux fins d’adaptation, mais de décrire les restrictions du fonctionnaire. La discussion n’a fourni aucune autre précision.

49        En janvier 2010, M. Earle a reçu une lettre du syndicat (pièce 29) lui demandant d’intervenir entre le fonctionnaire et ses gestionnaires correctionnels à la suite de l’incident au cours duquel il a refusé d’obéir à l’ordre direct d’un gestionnaire correctionnel parce qu’il avait eu une réunion avec M. Earle. Non seulement la lettre lui demandait d’intervenir entre le fonctionnaire et les gestionnaires correctionnels, mais elle lui demandait également de prendre une mesure d’adaptation. Jusqu’à ce moment, de larges discussions avaient été tenues afin de trouver un autre poste pour le fonctionnaire. M. Earle s’est engagé à trouver une solution appropriée et à envisager d’autres postes dans les secteurs des visites et de la correspondance et de l’admission et de la libération, ainsi que d’autres postes de CX où les titulaires ne sont pas en contact avec les détenus.

50        M. Earle estimait que si le fonctionnaire acceptait un poste comportant moins de confrontation, sa récupération aurait une meilleure chance de réussite. Il a demandé au fonctionnaire d’envisager des postes à l’extérieur de l’établissement. Le fonctionnaire ne voulait pas travailler à l’extérieur du rôle en uniforme de CX. Il a dit à M. Earle qu’il lui restait 18 mois avant la retraite et qu’il ne voulait pas être obligé d’apprendre de nouvelles procédures à un nouvel endroit.

51        En janvier 2010, M. Earle a écrit une lettre au Dr Emmrys (pièce 30) afin d’obtenir des précisions sur la lettre précédente du docteur et déterminer si de nouvelles questions avaient été soulevées qui devaient être précisées. Il a posé des questions concernant les échéances, car il souhaitait qu’une mesure correspondant aux besoins du fonctionnaire soit mise en place, sans toutefois toucher d’autres postes ou engager des coûts financiers accrus. Le Dr Emmrys a répondu (pièce 10) que le fonctionnaire pouvait exécuter ses fonctions, ce qui indiquait à M. Earle qu’il n’avait aucune restriction autre que la nécessité possible de prendre congé lorsque ses symptômes s’aggravaient. Autrement, le fonctionnaire était en mesure de travailler et le défi de M. Earle était de faire en sorte qu’il demeure au travail et qu’il exécute ses fonctions.

52        M. Earle a discuté de cette lettre avec le fonctionnaire et ce dernier n’était pas content de son contenu. M. Earle a renforcé les discussions précédentes qu’ils avaient eues au sujet de ses attentes concernant l’assiduité du fonctionnaire au travail. Le fonctionnaire s’attendait à recevoir son plein salaire sans utiliser ses crédits de congé. Il n’était intéressé à aucune autre des possibilités dont ils avaient discuté, notamment d’autres postes CX-01 à l’établissement, comme le poste de chauffeur. Le fonctionnaire ne voulait pas non plus prendre en considération d’autres établissements, comme CORCAN ou l’administration régionale. La seule possibilité à laquelle il était intéressé, mis à part le congé payé, était le poste de PEES.

53        Pendant que le fonctionnaire était absent et recevait une indemnité d’accident du travail, M. Earle n’a eu aucune interaction avec lui.

54        En mai 2011, il a été déterminé que le fonctionnaire était apte à retourner au travail. Le Dr Emmrys a fourni une mise à jour sur son état de santé et a formulé deux recommandations pour un retour au travail. La première était hors du contrôle de l’employeur et la seconde recommandait que la direction tente de réduire le conflit de travail entre le fonctionnaire et ses gestionnaires correctionnels. Il était très difficile de traiter la deuxième préoccupation, puisque la position du fonctionnaire dans ce conflit était fondée sur le poste et qu’il ne démontrait aucune flexibilité dans toutes les discussions ou tentatives de le régler. Le contrôle unilatéral de M. Earle ne suffisait pas à le régler. Les gestionnaires doivent gérer et évaluer le rendement et le fonctionnaire n’était pas disposé à coopérer avec ses gestionnaires ou, quant à cela, avec les autres personnes dans le lieu de travail. Il avait des conflits avec de nombreuses personnes dans l’établissement. Toutefois, éventuellement, M. Earle a fini par trouver un gestionnaire correctionnel qui, de l’avis du fonctionnaire, était neutre et acceptable.

55        M. Earle a également accepté d’autoriser le fonctionnaire à travailler quatre quarts de travail de 10 heures, ce qui lui permettait d’avoir davantage de journées de congé. Le fonctionnaire a suggéré d’être affecté au centre d’accueil régional et M. Earle a accepté. Au début, le fonctionnaire a commencé en tant qu’employé de rechange, ce qui signifiait que le poste était en sureffectif. Il n’était pas sur la liste principale, ce qui lui donnait la souplesse nécessaire pour le conditionnement au travail, une période pendant laquelle le fonctionnaire réintégrerait le milieu de travail, mais il ne s’agissait que d’une mesure temporaire. Même dans ces circonstances, la présence du fonctionnaire au travail était, selon M. Earle, [traduction] « irrégulière au mieux ».

56        M. Earle a décrit le fonctionnaire comme étant [traduction] « tourmenté » par les questions liées aux relations patronales-syndicales. M. Earle a discuté avec le fonctionnaire des options en vue de régler les plaintes afin que le fonctionnaire puisse passer à autre chose. L’une des options était que le processus de retour au travail soit géré par le directeur ou le directeur adjoint plutôt que par le gestionnaire correctionnel du fonctionnaire, comme cela se produirait normalement. De plus, si le gestionnaire correctionnel à qui le fonctionnaire a accepté de se rapporter n’était pas disponible, il devait présenter ses préoccupations au directeur adjoint, ou au directeur si le directeur adjoint n’était pas disponible. Toutefois, il a été précisé qu’en cas de nécessité, il devrait communiquer avec les gestionnaires correctionnels et qu’il était tenu d’être civilisé et de suivre les directives. Il n’a exprimé aucune préoccupation par rapport au plan, mais M. Earle avait le sentiment que le fonctionnaire ne l’acceptait pas complètement.

57        Lorsque le fonctionnaire est revenu au travail, au début du mois d’août 2011, après ses vacances, un incident s’est produit; M. Earle a consigné cet incident dans un courriel (pièce 40). Le fonctionnaire n’était pas censé se présenter au travail pendant le jour férié, mais il l’a quand même fait. Il a refusé de coopérer avec le gestionnaire correctionnel en service et la directrice adjointe des Opérations, à la suite de quoi il a été renvoyé à la maison. Il a refusé de leur répondre, contrairement à l’exigence d’être réactif à la chaîne de commandement.

58        Les réunions visant à trouver une mesure d’adaptation convenable pour le fonctionnaire se sont poursuivies tout au long du mois d’août 2011. Une réunion a également été organisée pour le fonctionnaire et un représentant du bureau de résolution de conflits d’Ottawa, en Ontario, afin de tenter d’aider à la résolution de ses conflits en milieu de travail. Cela ne s’est pas très bien passé. Le fonctionnaire avait l’impression que certaines personnes qui n’avaient pas à se mêler de son retour au travail le faisaient, ce qui a fait en sorte que l’employeur est revenu sur les promesses qui lui avaient été faites pendant le processus de retour au travail. Le fonctionnaire a continué de refuser d’envisager tout poste sans uniforme, la patrouille motorisée, l’entrée principale, la cellule nue, et d’autres postes dans l’établissement. Il a continué de refuser d’envisager un autre établissement. Il a toutefois accepté d’envisager l’établissement de formation régionale de l’employeur et l’administration régionale, mais son principal objectif demeurait le poste de PEES.

59        Une réunion a été prévue pour le 15 septembre 2011, afin d’examiner la question du retour au travail du fonctionnaire. Lors de la réunion, le fonctionnaire a demandé un nouveau plan d’adaptation, plus précisément d’être affecté au poste de PEES. Jusqu’à ce moment, personne n’avait informé l’employeur d’une quelconque préoccupation concernant le plan précédent et personne n’avait indiqué qu’il ne répondait pas aux besoins du fonctionnaire en matière de retour au travail. Encore une fois, le fonctionnaire a refusé catégoriquement d’envisager d’autres postes dans l’établissement. Il a indiqué qu’il demeurerait à l’établissement jusqu’à ce que toutes ses questions en suspens soient réglées, puisque son travail consistait à s’assurer que les choses soient bien faites. M. Breen a résumé cette réunion pour M. Earle, qui ne pouvait être présent (pièce 42).

60        Le Dr Emmrys a répondu aux demandes d’information envoyées par M. Breen le 13 septembre 2011 (pièces 19 et 43). Le Dr Emmrys a exprimé l’intention du fonctionnaire de prendre sa retraite dans un futur rapproché et son désir de quitter l’établissement en bons termes. Le fonctionnaire souhaiter travailler de façon individuelle avec M. Earle, ce qui, selon M. Earle, était impossible. Il s’agissait de la première fois que cette exigence était exprimée dans le cadre du processus d’adaptation.

61        Le 26 septembre 2011, lors d’une réunion concernant des possibilités de placement afin de répondre aux besoins du fonctionnaire, il a accusé l’employeur de lui refuser l’emploi de PEES, le seul emploi qu’il pouvait exercer. Il ne voulait envisager aucun autre poste; l’ultimatum était qu’il soit affecté au poste de PEES ou rien. M. Earle a réitéré les problèmes liés à cette possibilité et a indiqué que l’employeur était prêt à envisager d’autres postes CX-01 sur place, à l’extérieur, au centre régional de traitement et à l’administration régionale. Le fonctionnaire a répondu en accusant M. Earle de lui refuser le seul emploi qu’il pourrait exercer et de tenter de le forcer à quitter son emploi. Le fonctionnaire était très en colère et, tel que l’a décrit M. Earle, devenait amer. Les tentatives de faire porter les discussions sur les options proposées et non le poste de PEES ont été sans lendemain. Le fonctionnaire n’y était pas disposé. Finalement, il a accepté une affectation temporaire à la section de la sécurité à l’administration régionale.

62        Paulette Léonard était la sous-commissaire adjointe des services corporatifs. Elle était notamment responsable des ressources humaines au SCC en 2011 et en 2012. Elle a rencontré le fonctionnaire en septembre 2012 afin de l’informer que son affectation à l’administration régionale se terminait bientôt et que l’employeur envisageait de l’affecter à la distribution du courrier entre les établissements, ce qui s’est avéré ne pas être une option étant donné que le fonctionnaire ne voulait pas s’engager à se présenter au travail quatre jours par semaine. Le fonctionnaire a de nouveau demandé à être affecté au poste de PEES à l’établissement. Il a également posé des questions au sujet du poste de PEES à l’établissement Westmorland, à Dorchester, au Nouveau-Brunswick. En raison de l’incidence du Plan d’action pour la réduction du déficit du gouvernement fédéral en 2012, les options offertes à l’employeur étaient très limitées. Il pouvait justifier le coût de l’affectation du fonctionnaire à la distribution du courrier, puisqu’un fournisseur de service embauché par contrat ne serait plus nécessaire, mais cette option ne serait pas viable si le fonctionnaire ne pouvait pas garantir qu’il se présenterait régulièrement au travail. La seule solution était de le retourner à son poste de CX à l’établissement.

63        Les représentants syndicaux du fonctionnaire ont rencontré le sous-commissaire régional, qui a accepté que le fonctionnaire soit affecté à titre de chauffeur à condition qu’il prenne sa retraite en novembre 2013. Mme Léonard a expliqué au fonctionnaire l’exigence de présenter une lettre de démission irrévocable afin que cet arrangement soit mis en place. Le fonctionnaire n’a exprimé aucune préoccupation par rapport à cette exigence. Pendant la durée de cette entente, le fonctionnaire semblait heureux. Il a dit à Mme Léonard qu’il aimait ce travail. Son assiduité au travail était excellente. Rien n’indiquait que cette décision le rendait malheureux. S’il n’avait pas voulu prendre sa retraite, il aurait trouvé un autre poste de CX quelque part dans la région.

         Témoignage de Dave Niles

64        M. Niles était sous-commissaire adjoint des opérations correctionnelles depuis 2009. Ses principales fonctions consistaient à superviser les opérations dans les établissements de la région. Dans le cadre de ses fonctions, il assiste aux réunions du comité patronal-syndical régional. À la suite de l’une de ces réunions, il a rencontré le fonctionnaire et son représentant syndical afin de discuter des problèmes rencontrés par le fonctionnaire dans le cadre de son retour imminent au travail à l’établissement.

65        Lors de la réunion de mai 2011, le fonctionnaire et son représentant ont expliqué que le fonctionnaire avait été en congé pendant environ 13 mois. Malgré le fait qu’il était encore malade, il était forcé de revenir au travail, puisque la CIAT avait déclaré qu’il était apte à retourner au travail et qu’il avait cessé de recevoir l’indemnité. Le fonctionnaire a demandé s’il pouvait retourner au travail sans avoir à communiquer avec le directeur et plusieurs autres gestionnaires de l’établissement. Étant donné ce conflit, M. Niles a demandé si le fonctionnaire avait envisagé de retourner au travail dans un autre établissement. Le fonctionnaire a indiqué qu’il ne travaillerait nulle part ailleurs qu’à l’Établissement Springhill, où il travaillerait jusqu’à sa retraite. Étant donné la préoccupation du fonctionnaire concernant le conflit qu’il percevait là-bas, M. Niles lui a rappelé que tous les employés du SCC étaient tenus d’obéir au code de conduite professionnelle du SCC. Comme tous les autres employés, le fonctionnaire devait interagir avec le directeur et les autres gestionnaires de l’établissement.

66        M. Niles et le fonctionnaire ont discuté de la retraite. Le fonctionnaire a indiqué à M. Niles que ce n’était pas une option, puisqu’il ne pouvait pas se le permettre. Il devait attendre au moins 18 à 24 mois, à partir de mai 2011, avant de prendre sa retraite. Le fonctionnaire a fait valoir que, selon lui, il n’était pas apte à retourner au travail, mais qu’il le devait puisqu’il n’avait aucun revenu. Il a demandé à M. Niles d’envisager de le placer en congé spécial payé afin qu’il puisse rester à la maison et quand même recevoir un salaire. Selon l’évaluation de M. Niles, cette situation ne justifiait pas le besoin faisant l’objet de la demande du fonctionnaire, alors elle a été refusée.

67        De l’avis de M. Niles, il n’y avait rien d’exceptionnel dans la situation du fonctionnaire. La CIAT avait déclaré qu’il était apte à retourner au travail et, en l’absence d’information médicale d’un expert démontrant le contraire, le fonctionnaire était apte à retourner au travail. Dans ce cas, il n’y avait pas lieu d’utiliser un congé spécial ou que M. Niles approuve, de façon exceptionnelle, le type de congé demandé par le fonctionnaire.

68        À la suite de la réunion du comité patronal-syndical régional tenue en octobre 2011, M. Niles a rencontré M. White. Ils ont convenu que les tentatives de retour au travail du fonctionnaire à l’établissement ne s’étaient généralement pas très bien passées et qu’un milieu différent serait bénéfique. Il a convenu avec M. White qu’une affectation à l’administration régionale permettrait au fonctionnaire de se concentrer sur un retour au travail à l’extérieur de l’environnement qui était à l’origine de son stress. Après plusieurs mois de tentatives de retour au travail à l’établissement et selon les renseignements fournis par M. Earle, M. Niles a décidé que le fonctionnaire serait amené à l’administration régionale afin d’exercer un poste classifié CX-01 et qu’il serait affecté à l’examen des incidents de recours à la force, des ordres permanents et des politiques sur la sécurité régionale. Il n’existait aucun budget pour ce poste, mais à titre de mesure d’adaptation, il a temporairement été autorisé à titre de poste non financé afin de faire le lien jusqu’à la retraite du fonctionnaire dans les 18 à 24 mois à venir.

69        M. White avait trois préoccupations par rapport à la proposition de M. Niles et a demandé que le fonctionnaire travaille entièrement à partir de la maison, ce qui a été refusé. Toutefois, M. Niles a accepté qu’à l’occasion, le fonctionnaire travaille à partir de la maison. La deuxième préoccupation consistait à déterminer si le fonctionnaire était en déplacement. Puisque son lieu de travail était relocalisé à l’administration régionale à Moncton, cet emplacement est devenu son lieu de travail et il n’avait pas le droit de présenter une demande de prestations de voyage. Toutefois, en dernier ressort, M. Niles a accepté de rembourser au fonctionnaire son kilométrage, ses frais de stationnement et les frais engagés en lien avec le déplacement jusqu’à Moncton. La troisième préoccupation était que le fonctionnaire avait épuisé ses banques de congés. Afin de prouver sa bonne foi, M. Niles a approuvé plusieurs journées de congé spécial afin de lui permettre de faire la transition entre l’établissement et son nouveau milieu de travail.

70        Une ébauche d’entente d’affectation a été préparée et présentée au fonctionnaire (pièce 60). Il ne l’a pas signée et a fourni à l’employeur une liste de neuf demandes qui devaient être respectées avant qu’il la signe (pièce 61). L’employeur a accepté certaines de ces demandes (pièce 62). Toutefois, chaque fois qu’il en acceptait une, d’autres demandes remplaçaient celles qui avaient été rayées de la liste. Il s’est écoulé plusieurs mois avant que l’entente d’affectation ne soit terminée (pièce 19).

71        L’entente conclue a été en place du 24 octobre 2011 au 30 septembre 2012, soit plus longtemps que les trois mois prévus au départ. Toutefois, en mai 2012, le SCC était au beau milieu de ses évaluations du Plan d’action pour la réduction du déficit et le fonctionnaire a été informé qu’en raison des réductions budgétaires, le financement utilisé à l’appui de sa mesure d’adaptation n’était plus disponible.

          Témoignage d’Alain Tousignant

72        Alain Tousignant était le directeur général des relations de travail à l’administration centrale du SCC en 2011. Il a commencé à participer aux demandes d’adaptation du fonctionnaire lorsque le commissaire du SCC a reçu une lettre du fonctionnaire décrivant sa frustration par rapport à la façon dont la région de l’Atlantique gérait ses demandes d’adaptation. M. Tousignant a parlé au fonctionnaire à deux reprises afin d’obtenir le contexte de ses préoccupations. Au cours de ces conversations avec le fonctionnaire, il est devenu clair pour lui que le fonctionnaire était frustré. M. Tousignant a été étonné par l’un des commentaires du fonctionnaire, soit qu’il ne battait pas sa femme. Il a trouvé ce commentaire bizarre et il en a été suffisamment préoccupé pour estimer qu’un suivi était nécessaire.

73        En juin 2011, il a rencontré le fonctionnaire et Fraser McCauley, le commissaire adjoint des ressources humaines du SCC, ce qui n’était pas pratique courante. M. McCauley et M. Tousignant ont également pris des dispositions pour rencontrer Beth Leclair, la femme du fonctionnaire, qui était gestionnaire correctionnelle à l’établissement. Ils ont estimé qu’il était important de s’assurer qu’elle avait l’aide et le soutien dont elle avait besoin en tant qu’employée et femme d’un agent correctionnel. Mme Leclair estimait qu’elle était en mesure de gérer tous les aspects de sa vie. Le groupe a discuté de la situation d’ensemble liée au fait d’être gestionnaire correctionnelle, de gérer au travail et de gérer la situation à la maison tandis que son mari était en conflit avec son employeur. Ils ont également discuté des difficultés du fonctionnaire avec ses médicaments, le fait qu’il se déplace à Halifax, en Nouvelle-Écosse afin de voir le Dr Gosse et sa relation avec son docteur.

74        L’objectif de la réunion n’était pas de discuter du fonctionnaire, mais d’aborder la question du bien-être de Mme Leclair. Elle était calme et très ouverte, sauf à un certain point, où elle est devenue très émotive. Plus tard au cours de la journée, M. Tousignant et M. McCauley ont rencontré le fonctionnaire. L’objectif de cette discussion portait sur la meilleure façon de prendre des mesures d’adaptation à son égard dans le milieu de travail.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire

75        À partir de 2009, le fonctionnaire est tombé malade, invalide, et il a eu besoin de mesures d’adaptation en milieu de travail. Pendant deux ans, l’employeur a travaillé très fort à ne rien faire pour l’aider. À la fin de 2011, lorsqu’il a finalement fait l’objet de mesures d’adaptation, l’employeur n’a rien fait qui n’aurait pu être fait en 2009. Ce faisant, il a omis de s’acquitter de son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de l’invalidité du fonctionnaire.

76        La preuve établit clairement que le fonctionnaire souffrait d’une invalidité qui l’a empêché d’exercer ses fonctions d’agent correctionnel à l’établissement. La décision de la CIAT l’a confirmé (pièce 53). Selon tous les renseignements médicaux, le fonctionnaire souffre d’un TSPT (pièces 53, 6 et 10). Si la CIAT détermine qu’un employé est invalide, l’employeur doit l’accepter comme un fait. Selon le Dr Gosse dans sa correspondance avec la CIAT, le TSPT du fonctionnaire est permanent. Il souffre d’anxiété chronique, qui constitue une déficience permanente. D’après le Dr Emmrys, le TSPT du fonctionnaire est lié à son travail. L’employeur n’a fourni aucune preuve du contraire. En fait, l’employeur l’a reconnu en prenant des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire en 2011.

77        Il ressort clairement des témoignages que le fonctionnaire avait un taux très élevé d’absentéisme. Il éprouvait de la difficulté à fonctionner en milieu de travail en raison de son invalidité. L’employeur n’a pris aucune mesure d’adaptation à son égard entre 2009 et 2011; par conséquent, il a fait preuve de discrimination à l’égard du fonctionnaire, ce qui va à l’encontre de l’article 37.01 de la convention collective.

78        Selon la Cour suprême du Canada dans Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3 (« Meiorin »), l’absence d’une mesure d’adaptation en milieu de travail constitue une preuve prima facie de discrimination. L’employeur a l’obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’un employé invalide; l’employé et son syndicat doivent collaborer avec l’employeur dans le cadre de ses tentatives de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de l’employé. En l’espèce, l’employeur est le mieux placé pour déterminer une mesure d’adaptation appropriée, puisqu’il connaît le milieu de travail, le budget et les besoins de l’employé et qu’il est responsable du fonctionnement de l’établissement. Puisque l’employeur a été capable de prendre des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire en 2011, pourquoi ne l’a-t-il pas fait en 2009? Aucune preuve ne peut expliquer ce délai.

79        Lorsqu’un employé a une déficience psychologique, il ne peut être traité de la même façon que les autres dans le cadre du processus d’accommodement, particulièrement lorsque les problèmes de communication et le manque de jugement sont les traits distinctifs de ce type d’invalidité. Le fonctionnaire ne peut être blâmé pour ne pas avoir participé entièrement avec l’employeur dans le cadre du processus de retour au travail, comme le décrit la politique (pièce 18), s’il en a été empêché en raison des symptômes de son invalidité.

80        Le témoignage de M. Earle était très faible et contredit par ceux de MM. Harrison, Wilkins et Leclair, ainsi que par la preuve documentaire. Ce qui est clair, c’est qu’au cours de sa carrière, le fonctionnaire a été exposé à un certain nombre d’événements horribles. En janvier 2009, il a assisté à une conférence sur le TSPT et a réalisé qu’il avait tous les symptômes, sauf un. Il a tenté de se présenter au travail au moment où il le devait. Il se levait, mettait son uniforme et conduisait jusqu’à l’établissement, mais il était souvent incapable d’y entrer. De toute évidence, il souffrait d’une invalidité et ne fonctionnait pas normalement.

81        En juin et en juillet 2009, le fonctionnaire a rencontré M. Harrison et M. Earle. M. Harrison a précisé que le fonctionnaire avait besoin d’être à l’extérieur des murs de l’établissement. Le fonctionnaire et lui ont proposé que le fonctionnaire soit transféré au poste de PEES, que le fonctionnaire a accepté d’exercer au niveau CX-01 afin d’éviter d’être promu. Ils ont également fait valoir que si ce n’était pas possible, le fonctionnaire pourrait être envoyé en formation linguistique ou affecté au travail de traitement de cas. Le fonctionnaire ne demande pas d’être affecté au poste de PEES; il cherche seulement à obtenir la reconnaissance que l’omission de l’employeur de l’affecter à ce poste démontre qu’il n’a pris aucune mesure d’adaptation à son égard. Plutôt que de l’accommoder, l’employeur a trouvé des excuses pour justifier le fait que les solutions n’étaient pas viables.

82        Au cours du printemps, de l’été et au début de l’automne 2009, l’employeur n’a offert aucune mesure d’adaptation au fonctionnaire. Il a refusé de fournir les renseignements médicaux demandés. Néanmoins, son refus découlait de ses symptômes et non pas d’un manque de volonté à collaborer. Son refus était tellement insignifiant que M. Earle ne s’en souvenait même pas. Tout au long de cette période, le syndicat et le fonctionnaire ont continué de suggérer une affectation au poste de PEES ou la possibilité que le fonctionnaire travaille à partir de la maison. La seule réponse fournie par M. Earle soulignait que le fonctionnaire avait besoin de formation pour l’un ou l’autre de ces emplois, sans toutefois pouvoir dire quel type de formation était nécessaire. Il est clair que l’employeur ne cherchait pas la meilleure mesure d’adaptation à prendre à l’égard du fonctionnaire.

83        Le fait que le poste de PEES était classifié CX-02 ne constituait pas une raison valable de refuser d’affecter le fonctionnaire à ce poste à titre de mesure d’adaptation. Rien dans la politique de l’employeur n’empêchait le fonctionnaire d’être affecté à un poste classifié à un niveau supérieur à titre de mesure d’adaptation. L’employeur a déclaré que le poste de PEES n’était pas financé, toutefois, un financement pour 1,4 ETP était partagé entre deux personnes, en plus d’un employé nommé pour une durée déterminée. Que le poste soit financé ou non n’est pas pertinent, puisque le fonctionnaire a finalement été affecté à des postes non financés à titre de mesure d’adaptation entre 2011 et 2013.

84        L’employeur n’avait aucune raison valable de refuser d’affecter le fonctionnaire au poste de PEES. M. Earle a admis que sa préoccupation était fondée sur la capacité du fonctionnaire à exercer les fonctions liées à l’emploi et, jusque-là, aucune évaluation de Santé Canada n’avait été demandée afin de confirmer s’il était apte à effectuer les fonctions du poste. Le Dr Emmrys avait déjà informé l’employeur en octobre 2009 (pièce 9) que le fonctionnaire avait conservé sa capacité de fonctionner assez bien au travail. Il était nonchalant eu égard à la santé du fonctionnaire. En janvier 2010, M. Earle a de nouveau communiqué avec le Dr Emmrys (pièce 27), afin d’obtenir des renseignements quant à l’aptitude du fonctionnaire au travail.

85        L’employeur a reconnu que le fonctionnaire ne fonctionnait pas bien, qu’il n’était pas apte au travail et qu’une mesure d’adaptation devait être prise à son égard. Il aurait dû faire preuve de bon sens, comme l’ont fait les représentants syndicaux du fonctionnaire, et proposer une idée visant à accommoder le fonctionnaire à l’extérieur des murs de l’établissement. L’employeur a l’obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’un employé, même si les suggestions du médecin traitant de l’employé ne sont pas pratiques. Si les directives du médecin ne sont pas claires ou si l’employeur a des raisons de remettre en question les recommandations du docteur, l’employeur est tenu de chercher à obtenir des précisions.

86        Finalement, le fonctionnaire a été autorisé à recevoir une indemnité de la CIAT et a été en congé d’avril 2010 à mai 2011. Au cours de cette année, l’employeur n’a rien planifié en guise de mesure d’adaptation à l’égard du fonctionnaire, même s’il savait que ce dernier reviendrait au travail. Lorsqu’il est retourné au travail en mai 2011, il a manqué 81 de ses 88 quarts de travail. Il était clair qu’il devait retourner au travail dans un poste autre que le poste CX-01 qu’il occupait auparavant au centre d’accueil régional.

87        En mai 2011, le syndicat et le représentant de l’employeur, M. Niles, ont reconnu que le fonctionnaire devait être retiré de l’établissement. Par conséquent, le 24 août 2011, le fonctionnaire a fait l’objet d’une première mesure d’adaptation, soit un retour structuré au centre d’accueil régional (pièce 5). À partir de ce moment, l’employeur a tenté de prendre des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire. Le fonctionnaire demande donc des dommages pour la période de juin 2009 au 24 août 2011.

88        L’employeur a tenté de dresser un portrait du fonctionnaire. Il l’a décrit comme une personne difficile et non coopérative en 2011 lorsqu’il tentait de lui trouver une mesure d’adaptation convenable. Il savait qu’il souffrait de sautes d’humeur et que cette colère, cette émotivité, cette hypersensibilité, cette agitation et cette agressivité étaient toutes des symptômes de sa maladie. L’employeur aimerait également me faire croire que le fonctionnaire avait une fixation sur le poste de PEES et qu’il ne voulait envisager rien d’autre. Toutefois, la preuve le contredit, puisqu’il a finalement accepté la mesure d’adaptation à l’administration régionale de l’employeur.

89        Un employeur a l’obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’un employé jusqu’au point de la contrainte excessive. Des preuves substantielles doivent être présentées pour établir la contrainte excessive. Elle ne peut pas être établie en se fondant sur une impression ou des évaluations subjectives selon lesquelles le poste de PEES ne convenait pas au fonctionnaire. Lorsque l’employeur a décidé de prendre des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire, aucun délai n’était nécessaire pour les mettre en place. Dans ce cas, pourquoi avoir attendu jusqu’en 2011 pour le faire? Il a choisi d’ignorer sa propre politique et n’a pris aucune mesure d’adaptation à l’égard du fonctionnaire pendant deux ans, entraînant ainsi deux ans de frustration, de douleur et de souffrance. En fait, l’employeur prévoyait aggraver la condition du fonctionnaire en interjetant appel de la décision de la CIAT et en organisant une réunion avec la femme du fonctionnaire afin d’assurer sa sécurité. Par conséquent, le fonctionnaire a droit aux montants maximaux pour dommages autorisés en vertu de l’alinéa 52(2)e) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. 1985, ch. H-6; la « LCDP »). De plus, en ignorant volontairement ses politiques, l’employeur a agi de manière téméraire et, par conséquent, le fonctionnaire a droit à des dommages en vertu du paragraphe 53(3) de la LCDP.

90        Le fonctionnaire a éventuellement pris sa retraite en 2013, mais seulement après avoir été informé par l’employeur que la mesure d’adaptation tirait à sa fin et que, à défaut de prendre sa retraite, il devrait retourner travailler à l’établissement. La prise de mesures d’adaptation à l’égard d’un employé invalide vise à garder l’employé dans le milieu de travail et non de le jeter en dehors. L’employeur tentait de se débarrasser de son problème, ce qui, en soi, est un comportement téméraire et volontaire.

91        La jurisprudence, notamment Meiorin, a décrit une approche unifiée pour l’arbitrage des allégations de discrimination en vertu de la législation relative aux droits de la personne. La distinction entre la discrimination directe et indirecte a été supprimée. Les employeurs et autres personnes régies par la législation relative aux droits de la personne sont maintenant tenus, dans tous les cas, de tenir compte des caractéristiques des groupes touchés dans la mesure de leurs normes, plutôt que de conserver des normes discriminatoires complétées par la prise de mesures d’adaptation à l’égard de ceux qui ne peuvent les respecter. L’intégration des mesures d’adaptation aux normes permet de veiller à ce que chaque personne soit évaluée selon ses habiletés personnelles, plutôt que jugée par rapport aux caractéristiques du groupe présumé. De telles caractéristiques sont souvent fondées sur un parti pris et des préjugés historiques et ne peuvent constituer le fondement de normes raisonnablement nécessaires. (Voir Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868, (« Grismer »)).

92        L’employeur doit être flexible dans son application de ses politiques et de ses normes (voir Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), 2008 CSC 43). Il doit faire preuve d’efforts véritables, au point de la contrainte excessive (voir Holmes c. Canada (Procureur général), 1997 CanLII 5101 9CF)). Entre juin 2009 et août 2011, les efforts de l’employeur n’ont même pas été négligeables – ils étaient inexistants. Même si les renseignements médicaux fournis par le fonctionnaire n’étaient pas suffisants, l’employeur n’avait aucune raison de ne rien faire (voir Pannacci c. Conseil du Trésor du Canada (Agence des services frontaliers du Canada), 2011 CRTFP 2).

B. Pour l’employeur

93        L’employeur n’a pas contesté le fait que le fonctionnaire était atteint d’une invalidité pendant la période au cours de laquelle il a touché une indemnité d’accident du travail, soit du 9 janvier 2009 au 1er mai 2011. La question en l’espèce concerne la période commençant le 2 mai 2011. Le fonctionnaire soutient qu’il souffrait toujours d’une invalidité à cette époque, bien que la CIAT ait déclaré qu’il pouvait retourner au travail sans restrictions.

94        Une invalidité est un obstacle précis qui empêche le fonctionnaire d’exercer ses fonctions. En l’absence de renseignements médicaux identifiant un tel obstacle, aucune invalidité n’a été établie. Afin d’obtenir gain de cause, le fonctionnaire devait établir l’existence d’une invalidité selon la prépondérance des probabilités; ce qu’il n’a pas fait. Il aurait pu et aurait dû appeler ses médecins traitants pour fournir la preuve médicale nécessaire en vue d’établir son invalidité pour la période postérieure au 1er mai 2011.

95        L’employeur a laissé entendre qu’il fallait tirer une inférence négative de la question de savoir si le témoignage du Dr Gosse aurait été utile au fonctionnaire. Le fonctionnaire a mentionné le rapport du Dr Gosse un an après son retour au travail à l’administration régionale du SCC (pièce 8). Dans ce rapport, le Dr Gosse a indiqué une faible déficience permanente de 10 %, qu’il n’a pas décrite comme étant une invalidité. Il n’a pas indiqué non plus une mesure d’adaptation quelconque devant être prise à l’égard du fonctionnaire. Il existe très peu de renseignements médicaux pour la période commençant le 2 mai 2011, mais des renseignements sont nécessaires.

96        Une mesure d’adaptation au travail ne constitue pas un ensemble de solutions générales non définies relativement à une invalidité. Si un employé a une invalidité, le processus d’accommodement a pour objet de déterminer quelles sont les caractéristiques de l’invalidité et dans quelles mesures elles invalident l’employé, et de trouver des solutions qui lui permettront d’exercer ses fonctions sans que son invalidité ne l’en empêche.

97        En 2009, le SCC ne savait pas que le fonctionnaire devait travailler à l’extérieur de l’établissement. Ce n’est qu’entre janvier 2009 et le 27 octobre 2009 que le fonctionnaire a constaté pour la première fois qu’il avait une invalidité et qu’il a fourni à l’employeur les renseignements médicaux pour l’étayer. Ses discussions avec l’employeur au sujet de son invalidité ont débuté en juin 2009. À l’époque, M. Earle lui a demandé de fournir des renseignements médicaux à l’appui de sa prétention selon laquelle il souffrait d’une invalidité; ce qu’il a refusé de faire. Il existe certaines hypothèses voulant que son refus de fournir des renseignements médicaux pour étayer sa demande constituait un symptôme de sa maladie, mais aucun élément de preuve n’a été fourni à cet égard. Le fonctionnaire n’a pas mentionné un tel symptôme dans son témoignage. En vérité, il n’était pas disposé à fournir les renseignements médicaux à l’employeur; il s’attendait à ce que l’employeur le croie sur parole. Le fonctionnaire a tenté de faire porter le blâme sur l’employeur en raison de l’omission de ce dernier de demander une évaluation de Santé Canada mais, en vérité, l’employeur ne pouvait le faire sans une appréciation claire de la situation médicale du fonctionnaire.

98        Un employé est tenu de fournir des renseignements médicaux afin d’aider l’employeur à mettre en place une mesure d’adaptation. Sans ces renseignements, l’employeur n’a aucun fondement pour appuyer une telle mesure. Si l’employeur avait pris une mesure en fonction de ce que le fonctionnaire lui avait fourni, il l’aurait fait sur la base de spéculations. En outre, le refus du fonctionnaire de fournir les renseignements médicaux pertinents a retardé le processus d’accommodement.

99        L’employeur a reçu les renseignements médicaux demandés entre le 27 octobre 2009 et le 6 avril 2010. Les premiers renseignements auxquels l’employeur pouvait se fier figuraient dans une lettre provenant du Dr Emmrys en date du 27 octobre 2009 (pièce 9). Ces renseignements constituent le fondement de ce qui s’est produit par la suite dans le cadre du processus d’accommodement. Le Dr Emmrys a indiqué qu’un arrêt de travail du fonctionnaire n’était pas nécessaire, et qu’il pourrait continuer de travailler s’il était autorisé à prendre des congés au besoin. M. Earle a autorisé les congés lorsque le fonctionnaire appelait pour signaler qu’il était malade. Il a également permis au fonctionnaire de partir plus tôt, au besoin. Ces mesures étaient ennuyantes pour l’employeur, mais ne constituaient pas une contrainte excessive. Un employeur n’est pas tenu de prendre une mesure d’adaptation jusqu’au point de la contrainte excessive si une mesure d’adaptation peut être prise à l’égard de l’employé sans occasionner une telle contrainte.

100        Avec la permission du fonctionnaire, M. Earle a discuté avec le Dr Emmrys. Il lui a parlé à titre de directeur de l’établissement et non à titre d’homologue. En mai 2011, lorsque le fonctionnaire était apte à retourner au travail, selon la CIAT, M. Earle a demandé des précisions auprès du Dr Emmrys (pièce 13). Le docteur a indiqué qu’il n’y avait aucune contre-indication quant au retour au travail du fonctionnaire, outre la stipulation voulant qu’il prenne un congé non payé s’il ne pouvait travailler. Ses symptômes ne l’empêchaient pas d’exercer ses fonctions. Le retour au travail avait pour but de s’assurer qu’il restait au travail et qu’il exerçait ses fonctions. Il avait l’autorisation de prendre des congés, au besoin, tel qu’il a été recommandé par le Dr Emmrys.

101        Il se peut que le fonctionnaire ne soit pas satisfait de l’approche adoptée par l’employeur relativement à la mesure d’adaptation, mais, selon les renseignements médicaux qu’il a fournis à l’employeur, ce dernier a pris la mesure nécessaire. Ultimement, le fonctionnaire souhaitait être rémunéré pendant qu’il était en congé. La loi n’exige pas que l’employeur rémunère un employé au-delà des droits établis dans la convention collective lorsque l’employé ne fournit pas ses services. En dernier ressort, le fonctionnaire a été rémunéré ou ses crédits de congé de maladie lui ont été remboursés lorsque la CIAT a approuvé sa demande rétroactivement.

102        Le Dr Gosse a également déclaré que le fonctionnaire était apte à travailler. Il a décrit la préoccupation du fonctionnaire quant à ses absences et son désir d’être en mesure de choisir s’il allait travailler à l’heure prévue, ou pas du tout, et ce, sans pénalité de congé de maladie (pièce 5). L’employeur a fait exactement ce que les médecins avaient recommandé afin de faciliter le retour au travail du fonctionnaire. Il n’a pas refusé de prendre une mesure, contrairement à ce qui a été soulevé par le fonctionnaire.

103        Du 2 mai 2010 au 23 août 2011, l’employeur a présenté au fonctionnaire cinq options raisonnables afin de répondre aux besoins de ce dernier. Le fonctionnaire les a toutes refusées. Les options lui ont été présentées avant son retour au travail, mais il ne voulait envisager aucune option autre que des heures et des fonctions complètes, ainsi que le poste de PEES. Il n’était pas disposé à envisager des lieux de travail autres que l’établissement et, lorsqu’il y était, il ne voulait pas interagir avec ses gestionnaires, y compris le directeur. Le Dr Gosse a certifié à la CIAT et à l’employeur que le fonctionnaire était apte à retourner au travail pour exercer ses fonctions à temps plein, sans restrictions, et l’employeur s’est fié à ces renseignements. Même le fonctionnaire a indiqué dans son témoignage que le Dr Gosse ne l’aurait pas autorisé à retourner au travail s’il n’avait pas été pas apte à le faire.

104        Le 31 mai 2011, le fonctionnaire et son représentant ont rencontré M. Earle et M. Breen afin de déterminer la meilleure solution aux fins de son retour au travail à l’établissement. Le Dr Emmrys a indiqué qu’afin de réussir, les problèmes antérieurs du fonctionnaire en matière de relations de travail devaient être réglés. Un plan a été élaboré aux fins du retour du fonctionnaire au centre d’accueil régional, à sa demande. Une entente a été conclue relativement à son horaire et au gestionnaire correctionnel à qui il se rapporterait. Le 23 août 2011, ce plan a été consigné par écrit (pièce 23) et le fonctionnaire l’a signée en reconnaissant qu’une mesure d’adaptation avait été prise à son égard. L’employeur a fait exactement ce que le Dr Emmrys avait recommandé; il est erroné de suggérer qu’il n’était pas prêt à prendre une mesure d’adaptation à l’égard du fonctionnaire. Malgré cela, il a constamment refusé de rencontrer l’équipe de gestion à l’établissement. M. Earle et M. Niles étaient tous deux préoccupés par le fait que le fonctionnaire ne souhaitait simplement pas travailler avec les membres de la gestion de l’établissement.

105        Le point de mire du fonctionnaire pendant tout le processus d’adaptation était le poste de PEES à l’établissement. D’autres établissements possibles ont été discutés en mai et encore en août, mais il n’envisageait aucun autre établissement. Il a refusé un poste de chauffeur auprès de CORCAN et a de nouveau demandé à occuper le poste de PEES en septembre 2011. L’employeur a déployé tous les efforts possibles pour suivre les recommandations du médecin; il n’a pas fait preuve d’intransigeance et n’a pas refusé de prendre une mesure d’adaptation à l’égard du fonctionnaire. Le fonctionnaire a simplement refusé d’envisager toute option que l’employeur lui présentait. Il n’a pas fait preuve de souplesse et ne se concentrait que sur le poste de PEES qu’il souhaitait occuper.

106        L’employeur a pris une mesure d’adaptation à l’égard du fonctionnaire. Toutefois, ses efforts ont été contrecarrés par le refus du fonctionnaire de participer au processus et d’envisager d’autres possibilités. Finalement, des mesures d’adaptation ont été prises à l’égard du fonctionnaire à l’administration régionale où il examinait les cas de recours à la force. Après cette mesure, il a occupé un poste de chauffeur en guise de mesure d’adaptation. Le syndicat était d’accord pour dire qu’une mesure d’adaptation avait été prise à l’égard du fonctionnaire, ce qui témoigne de la bonne foi de l’employeur. L’employeur s’est toujours conformé aux renseignements médicaux fournis. Lorsqu’une mesure ne fonctionnait pas, il a continué de chercher d’autres solutions. Il n’a jamais refusé de prendre une mesure d’adaptation à l’égard du fonctionnaire.

107        Le fonctionnaire a fait valoir qu’il avait été obligé de prendre sa retraite, ce qui n’était pas le cas. En août 2011, il a indiqué à l’employeur qu’il était en voie d’acheter un langoustier (pièce 40) afin qu’il puisse faire la pêche, mais il a indiqué qu’il ne pouvait pas prendre sa retraite avant 18 mois. Il a indiqué la même chose à M. Breen lorsqu’il l’a rencontré (pièce 41). Même le Dr Emmrys a indiqué l’intention du fonctionnaire de prendre sa retraite dans sa lettre de septembre 2011 (pièce 19) et encore une fois en novembre 2011 dans son rapport à l’intention de la CIAT (pièce 14). Le Dr Gosse a également mentionné sa retraite dans un avenir rapproché dans son rapport à l’intention de la CIAT (pièce 8). Il ne s’agissait pas des seules indications de l’intention du fonctionnaire de prendre sa retraite (voir la pièce 8). Il avait l’intention de prendre sa retraite en 2013 et c’est ce qu’il a fait.

108        Le fonctionnaire n’a pas été obligé à prendre sa retraite lorsque son affectation à titre de chauffeur a pris fin; il avait l’option de retourner à l’établissement. Aucune raison médicale ne l’empêchait d’y retourner; il ne souhaitait pas y retourner. S’il croyait être sous l’effet de la contrainte ou s’il ne comprenait pas la situation, son syndicat aurait dû lui déconseiller de prendre sa retraite. Subsidiairement, il aurait pu choisir de ne pas prendre sa retraite et de fournir à l’employeur des renseignements médicaux indiquant qu’il ne pouvait pas retourner à l’établissement pour des raisons médicales. Il n’y a eu aucune coercition ou malentendu. Il a pris sa retraite comme il l’avait prévu afin d’exercer des activités de pêches commerciales. La retraite constitue une cessation d’emploi volontaire en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13); voir Mutart c. Canada (Procureur général), 2014 CF 540.

109         Il n’existe aucun motif pour accorder des dommages en raison d’une omission de prendre des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire. Le présent grief ne vise pas sa retraite ni la question de savoir si l’employeur a interjeté appel de la décision d’accepter sa demande de prestations d’accidents du travail. Rien n’indique que l’employeur savait que la discussion avec la femme du fonctionnaire affecterait sa santé; de plus, aucun élément de preuve n’a démontré qu’il avait effectivement subi des torts à sa santé. L’employeur agissait par souci d’un employé. Il a agi de manière responsable. Même si l’affaire aurait pu être abordée différemment, on ne peut dire que le comportement de l’employeur était volontaire et insouciant.

110        Il incombait au fonctionnaire d’établir l’existence d’une invalidité, qui survient uniquement lorsqu’une condition physique ou mentale empêche un employé d’exercer une partie importante de son emploi. La personne qui prétend avoir une invalidité doit également établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’invalidité est grave au point qu’il serait déraisonnable de s’attendre à ce qu’elle accomplisse les tâches qui causent ladite invalidité (voir Ahmad c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 60, aux paragr. 123 et 124). Les éléments de preuve déposés par le fonctionnaire ne sont pas suffisants pour lui permettre de s’acquitter de ce fardeau de la preuve (voir Gibson c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2008 CRTFP 68, au paragr. 30). Le domaine d’expertise d’un arbitre de grief est celui des relations de travail, et à moins qu’il ou elle ne consulte l’opinion d’un médecin ou d’un psychologue lorsqu’il ou elle détermine si un événement donné a causé la détresse psychologique d’un fonctionnaire, il ou elle outrepasse clairement les pouvoirs qui lui ont été conférés par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2 (voir Canada (Procureur général) c. Demers, 2008 CF 873, au paragr. 34).

111        En l’absence d’une preuve médicale provenant d’un médecin traitant pour expliquer l’omission d’un témoin de témoigner, un arbitre de grief peut tirer une inférence négative si ce témoin dispose d’éléments de preuve importants et est la seule ou la meilleure personne à fournir cette preuve, relève du contrôle exclusif de la partie et n’est pas également à la disposition des deux parties. Étant donné que les renseignements médicaux requis ne pouvaient être fournis qu’avec le consentement du fonctionnaire, ces renseignements auraient relevé de son contrôle exclusif et l’omission de les fournir lorsqu’il a soutenu que son invalidité l’empêchait d’exercer ses fonctions n’était que raisonnable (voir Syncrude Canada Ltd. v. Saunders, 2015 ABQB 237, au paragr. 55 à 75). Un employeur n’est pas tenu d’obtenir ses propres renseignements médicaux indépendants (voir King c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 122, aux paragr. 86 à 90).

112        Si une preuve prima facie de discrimination a été démontrée, les principes de Meiorin s’appliquent et l’employeur doit établir qu’une mesure d’adaptation ne pouvait être prise à l’égard du fonctionnaire sans occasionner une contrainte excessive (voir Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4, aux paragr. 48 à 50). L’employeur n’est pas tenu de modifier complètement les conditions de travail pour prendre une mesure d’adaptation à l’égard d’un employé (voir Panacci, au paragr. 67). L’employeur n’a aucune obligation fondamentale de prendre une mesure d’adaptation à l’égard du fonctionnaire, uniquement une obligation procédurale.

113        Un fonctionnaire n’a pas droit à une mesure d’adaptation immédiate ou parfaite, uniquement à une mesure d’adaptation raisonnable (voir Andres c. Agence du revenu du Canada, 2014 CRTFP 86). Il ne s’agit pas d’une norme subjective, comme le soutient le fonctionnaire (voir Callan v. Suncor Inc., 2006 ABCA 15, au paragr. 21). Le critère applicable à la question de savoir si une mesure d’adaptation raisonnable a été offerte n’est pas de déterminer si l’employé aime ou souhaite exercer les fonctions d’un poste modifié ou d’un autre poste. Il s’agit plutôt de savoir si le poste représente une mesure d’adaptation raisonnable relativement à l’invalidité de l’employé. Il faut déterminer si l’employé est en mesure d’exercer les fonctions du poste malgré l’invalidité. S’il le peut, alors l’employeur s’est acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation (voir King, au paragr. 84). L’employeur a démontré qu’il le pouvait et l’affaire devrait être rejetée.

C. Réponse du fonctionnaire

114        Le fonctionnaire souffrait  d’une invalidité depuis mai 2009 et il était insensé pour l’employeur de soutenir le contraire. La preuve médicale n’a pas été contredite.

115        L’affaire Ahmad portait sur l’évaluation de la douleur et ses répercussions sur la capacité de l’employé à exécuter ses fonctions habituelles. En l’espèce, l’invalidité psychologique du fonctionnaire persistait et a clairement été démontrée par les rapports médicaux présentés à l’employeur. Personne n’a mentionné qu’il était guéri. Si l’employeur n’avait pas suffisamment de renseignements, selon sa politique, le fonctionnaire aurait pu être renvoyé à Santé Canada pour une évaluation. M. Earle a indiqué qu’il n’était pas satisfait de l’évaluation du Dr Emmrys, mais il n’a rien fait à ce sujet. Il aurait dû agir de manière proactive et demander les renseignements dont il avait besoin pour prendre une mesure d’adaptation à l’égard du fonctionnaire.

116        Un programme de retour au travail ne constitue pas une mesure d’adaptation. Le poste de PEES a été utilisé pour démontrer ce que le fonctionnaire considérait comme une mesure d’adaptation convenable.

IV. Motifs

117        Je vais d’abord aborder la question de savoir si le fonctionnaire a été obligé de prendre sa retraite, laquelle aura une incidence directe sur la durée de la période relative à la mesure d’adaptation dont il devait faire l’objet. Il ressort clairement de la preuve qu’il a indiqué son intention de prendre sa retraite dans un délai de 18 à 24 mois. Il avait acheté un bateau de pêche avec l’intention d’exercer des activités de pêche commerciales à sa retraite. Il a conclu une entente en matière de mesure d’adaptation, par suite de laquelle il a été muté à l’administration régionale de l’employeur, et après quoi il a convenu de prendre sa retraite. Il a présenté un avis écrit de son intention de prendre sa retraite. Il avait l’intention de prendre sa retraite et il avait pris des mesures positives pour le faire, y compris signaler son intention au personnel administratif.

118        Un avis de retraite constitue une cessation d’emploi volontaire de facto (voir Mutart et Stevenson c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social Canada), 2016 CRTEFP 17). Le fonctionnaire a rompu volontairement sa relation d’emploi et cet argument de son grief doit être rejeté.

119        L’article 37 de la convention collective interdit la discrimination fondée sur une incapacité physique, comme suit :

37.01 Il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un-e employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion au Syndicat ou son activité dans celle-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle l’employé-e a été gracié.

120        Tel que je l’ai indiqué comme suit dans Taticek c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2015 CRTEFP 12 :

[…]

[103] Afin d’établir qu’un employeur a fait preuve de discrimination, le fonctionnaire doit d’abord établir une preuve prima facie de l’existence de discrimination. Une preuve prima facie est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complètes et suffisantes pour justifier une conclusion en faveur du fonctionnaire s’estimant lésé en l’absence de réplique du défendeur (O’Malley, paragr. 28). La Commission ne peut pas tenir compte de la réponse de l’employeur avant de déterminer si une preuve prima facie de l’existence de discrimination a été démontrée (voir Lincoln c. Bay Ferries Ltd., 2004 CAF 204, paragr. 22).

121        Un employeur saisi d’une preuve prima facie peut réfuter l’allégation ou présenter une argumentation fondée sur l’article 15 de la LCDP, dont la disposition pertinente est ainsi rédigée :

15. (1) Ne constituent pas des actes discriminatoires :

a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l’employeur qui démontre qu’ils découlent d’exigences professionnelles justifiées.

122        Afin qu’une telle pratique soit considérée comme étant fondée sur une exigence professionnelle justifiée (EPJ), il faut établir que la mesure d’adaptation mise en place en vue de répondre aux besoins de l’employé constitue pour l’employeur une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité (paragr. 15(2) de la LCDP).

123        Il ressort clairement de la preuve que le fonctionnaire avait une invalidité qui l’empêchait, depuis au moins août 2009, d’exercer ses fonctions de CX-01 à l’établissement. L’employeur l’a reconnu, tant à l’audience que par ses actions.

124        Par conséquent, la question que je dois trancher est celle de savoir si, en ce qui concerne la période de 2009 à 2011, l’employeur a pris des mesures d’adaptation en vue de répondre aux besoins du fonctionnaire et, dans la négative, si la prise d’une mesure d’adaptation constituait une contrainte excessive pour l’employeur au sens du paragr. 15(2).

125        Tel qu’il a été mentionné dans Taticek et dans Kirby c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2015 CRTEFP 41, la CSC a indiqué, dans Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970 (« Renaud »), que les employés qui demande une mesure d’adaptation sont tenus de collaborer avec leur employeur en lui fournissant des renseignements quant à la nature et l’étendue de leur présumée invalidité qui permettront à l’employeur de déterminer les mesures d’adaptation nécessaires. L’avocat du fonctionnaire a soutenu que le refus du fonctionnaire de fournir les renseignements médicaux dont l’employeur avait besoin pour déterminer une mesure d’adaptation convenable découlait de ses symptômes et non d’un manque de volonté à participer. Toutefois, aucune preuve médicale ne permet d’étayer cette affirmation.

126        L’employeur a reconnu que le fonctionnaire souffrait des troubles psychologiques découlant de son emploi à l’établissement. Toutefois, les conseils fournis à l’employeur par le Dr Emmrys, soit le psychologue traitant du fonctionnaire, prévoyaient que l’employeur devait faire des concessions relativement aux congés et à l’autorisation de quitter le lieu de travail plus tôt que prévu, au besoin, les journées où le fonctionnaire se présentait au travail. L’employeur a accepté ces concessions et, en l’absence d’une preuve médicale contraire ou identifiant d’autres mesures d’adaptation, je conclus que l’employeur a établi qu’il avait effectivement pris des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire, plus particulièrement étant donné l’omission du fonctionnaire de collaborer avec l’employeur.

127        Dans le cadre de ses démarches avec l’employeur, le point de mire du fonctionnaire était le poste de PEES. Même à l’audience, son point de mire était ce poste, même si son avocat a soutenu que le fonctionnaire ne cherchait pas y être nommé. Le fonctionnaire n’a pas le droit de choisir sa mesure d’adaptation. Il n’a pas non plus droit à une mesure d’adaptation immédiate ou parfaite, seulement à une mesure d’adaptation raisonnable (voir Andres). En outre, la décision de l’employeur de ne pas le nommer au poste de PEES ne constituait pas une omission de prendre une mesure d’adaptation à l’égard du fonctionnaire. Si des mesures d’adaptation peuvent être mises en place sans occasionner une contrainte excessive, elles sont alors suffisantes pour permettre à l’employeur de s’acquitter de son obligation de prendre des mesures d’adaptation.

128        Toutes les mesures d’adaptation mises en place de 2009 à 2011 étaient fondées sur les recommandations formulées par le médecin du fonctionnaire. De plus, pendant une bonne partie de cette période, le fonctionnaire n’était pas apte à travailler, selon l’évaluation de la CIAT, et aucune mesure d’adaptation n’était requise. Même lorsqu’il est retourné en 2011, sur recommandation du Dr Gosse, l’employeur l’a affecté au centre d’accueil régional, afin de se conformer à l’évaluation du médecin selon laquelle un plan de transition de retour au travail qui prévoyait moins d’heures, une confrontation minimale et un contact graduel avec les détenus était requis. Le centre d’accueil régional constituait l’une des options convenables indiquées par le Dr Gosse à l’employeur aux fins du retour au travail du fonctionnaire (pièce 36).

129        L’employeur s’est acquitté de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il s’était acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation relatives à l’invalidité du fonctionnaire lorsqu’il a pris les mesures indiquées dans les avis des Drs Emmrys et Gosse, y compris le fait de permettre au fonctionnaire de prendre des congés, au besoin. L’obligation d’utiliser des crédits de congé à ces occasions aux fins de rémunération ne diminue en rien les mesures prises par l’employeur. De même, l’employeur a permis au fonctionnaire de partir avant la fin de son quart s’il estimait qu’il n’était pas en mesure de la finir, tel que l’avait recommandé le Dr Emmrys. Des modifications ont été apportées à sa relation hiérarchique afin de l’aider à surmonter les difficultés qu’il éprouvait à l’égard de l’équipe de gestion de l’établissement et il a finalement été retiré complètement de la situation.

130        L’employeur a rencontré le fonctionnaire et ses représentants syndicaux à compter de 2009 afin de tenter de parvenir à une situation de travail convenable qui permettait de prendre des mesures d’adaptation relativement à son invalidité, mais le fonctionnaire ne visait qu’une seule mesure d’adaptation, soit le poste de PEES. Entre le 2 mai 2011 et le 23 août 2011, l’employeur a soulevé au moins cinq options de retour au travail progressif (pièce 36) avec la CIAT qui ont été présentées au fonctionnaire. Il les a toutes refusées. L’employeur a communiqué avec lui afin de déterminer ses besoins et de trouver une solution, mais le poste de PEES ou son poste de CX-01, avec des heures et des fonctions complètes, étaient les seules mesures qu’il était prêt à accepter.

131        Lorsque le fonctionnaire n’est pas retourné au travail, le 2 mai 2011, tel que prévu à l’horaire, on lui a demandé d’envisager d’autres établissements afin qu’il ne soit pas tenu de retourner à l’établissement, même si la CIAT avait informé l’employeur qu’il était apte à retourner au travail en exerçant toutes les fonctions sans restriction ou mesure d’adaptation. Toutefois, l’employeur a reconnu qu’en raison de ses différends continus avec la direction de l’établissement, le fonctionnaire aurait peut-être été dans une situation plus avantageuse s’il était affecté ailleurs qu’à l’établissement. Le fonctionnaire a refusé de même envisager cette option (pièce 44) et il a continué de demander d’occuper le poste de PEES (voir par exemple la pièce 45).

132        En dernier lieu, le 23 août 2011, lorsqu’un plan proposé par l’employeur à la fin du mois de mai 2011 a été mis en œuvre, le fonctionnaire a admis qu’une mesure d’adaptation avait été prise à son égard (pièce 23).

133        L’employeur avait l’obligation de trouver une mesure d’adaptation raisonnable. Il connaît ses besoins, son milieu de travail et ses ressources (voir Renaud, à 994-95). Les médecins peuvent suggérer le type de mesure d’adaptation nécessaire, comme le poste de PEES en l’espèce, mais leur rôle ne consiste pas à décider si une mesure d’adaptation peut être prise à l’égard de l’employé ou à ordonner qu’un employé occupe un poste donné à titre de mesure d’adaptation. Le rôle d’un médecin consiste à fournir un avis professionnel et non d’agir à titre de défenseur du patient dans le cadre de la relation employeur-employé. Leur avis ne peut pas contourner les besoins organisationnels du milieu de travail de l’employeur. Le rôle des médecins consiste à déterminer les besoins et les limites de leurs patients et, à la lumière de cette information, l’employeur doit déterminer la meilleure mesure d’adaptation à prendre pour répondre à ces besoins et limites dans le milieu de travail.

134        Bon nombre d’employés, comme le fonctionnaire, croient que la recherche d’une mesure d’adaptation constitue une carte blanche pour obtenir le poste de leur choix en raison de l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation jusqu’au point de la contrainte excessive à leur égard. Il s’agit d’une conception erronée; les employés n’ont pas droit à la mesure d’adaptation de leur choix. Ils ont droit à des mesures d’adaptation raisonnables qui permettent de répondre à leurs besoins déterminés. En l’espèce, l’employeur s’est efforcé à trouver une mesure d’adaptation raisonnable en fonction des renseignements médicaux qui lui ont été fournis. Le fonctionnaire n’était pas disposé à envisager les options qui lui ont été présentées et il a retardé le processus.

135        Le fonctionnaire a demandé des dommages, mais étant donné que j’ai conclu que l’employeur avait pris une mesure d’adaptation à l’égard du fonctionnaire et qu’il n’a pas contrevenu à l’article 37 de la convention collective, il n’est pas nécessaire d’en imposer en l’espèce.

136        Cette affaire portait essentiellement sur l’obligation de prendre une mesure d’adaptation à l’égard de l’invalidité du fonctionnaire. La question relative à sa participation syndicale, plus particulièrement étant donné que cette participation a pris fin avant la demande de mesure d’adaptation, est périphérique à la véritable nature du présent grief. Peu ou pas d’élément de preuve n’a été présenté à cet égard. Le fonctionnaire éprouvait des problèmes continus relativement aux relations de travail en ce qui concerne son emploi à l’établissement et, plus particulièrement, son insatisfaction ou son aversion à l’égard de certains membres de l’équipe de gestion de cet établissement. Aucun lien n’a été établi entre l’élaboration des options de mesures d’adaptation de l’employeur et les activités syndicales du fonctionnaire. En fait, il y avait peu d’éléments de preuve de telles activités. Le fait d’être représenté par un représentant syndical à des réunions ne constitue pas des activités syndicales. Sa participation antérieure à la direction syndicale de la section locale ne crée pas non plus automatiquement un tel lien. Quoi qu’il en soit, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve, voire aucun, selon lesquels l’employeur a fait preuve de discrimination à l’endroit du fonctionnaire à cet égard.

137        Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

138        Le grief est rejeté.

Le 28 septembre 2016.

Traduction de la CRTEFP

Margaret T.A. Shannon,
arbitre de grief

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