Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé travaillait comme agent correctionnel dans un établissement à sécurité maximale – il a été arrêté et a fait l’objet d’accusations criminelles par suite de la découverte, à son domicile, de grandes quantités de marijuana, ainsi que de matériel utilisé pour exploiter une installation de culture de marijuana et des armes à feu entreposées de façon non sécuritaire – l’administrateur général a licencié le fonctionnaire s’estimant lésé pour les motifs suivants : 1) une conduite en dehors des heures de travail qui ne donnait pas une image favorable du Service correctionnel du Canada et de la fonction publique dans son ensemble; 2) la perpétration d’une infraction punissable par mise en accusation ou d’une infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité pouvant jeter le discrédit sur le Service correctionnel du Canada ou nuire au rendement du fonctionnaire s’estimant lésé auprès du Service correctionnel du Canada – la Commission a estimé que la conduite en dehors des heures de travail du fonctionnaire s’estimant lésé avait terni la réputation de l’employeur, compromis la sécurité du personnel, des détenus et de l’établissement, et que cela empêchait le fonctionnaire s’estimant lésé de continuer à remplir les fonctions d’agent de la paix et d’agent correctionnel – le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué qu’il avait besoin de consommer de la marijuana pour des raisons médicales, mais n’a fourni aucune preuve médicale à cet égard – la Commission a estimé que la mesure disciplinaire était appropriée et qu’une mesure moins sévère aurait eu pour effet de banaliser la conduite du fonctionnaire s’estimant lésé.Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20170330
  • Dossier:  566-02-11155
  • Référence:  2017 CRTEFP 29

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

HAROLD PETERSON

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
Peterson c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Fiona Campbell, avocate
Pour le défendeur:
Caroline Engmann, avocate
Affaire entendue à Moncton (Nouveau-Brunswick),
du 9 au 11 février et du 17 au 20 octobre 2016.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1        Harold Peterson, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a soutenu qu’il a été injustement licencié du Service correctionnel du Canada (SCC ou l’« employeur »), à partir du 7 mars 2014, en raison d’une conduite en dehors des heures de travail qui violait les règles de conduite professionnelle de l’employeur, en violation de l’article 17 de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (le « syndicat ») dont la date d’expiration était le 31 mai 2014.

2        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission »), qui remplace l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique et l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique. La Commission a entendu ce grief en vertu des dispositions législatives de mise en œuvre connexes.

II. Résumé de la preuve

3        Le fonctionnaire était un agent correctionnel (classifié CX-1) à l’Établissement de l’Atlantique (EAR), un établissement à sécurité maximale exploité par l’employeur, situé à Renous, au Nouveau-Brunswick. En février 2014, la police de Miramichi, au Nouveau-Brunswick, a informé l’employeur que le fonctionnaire avait été détenu en raison d’infractions présumées au Code criminel (L.R.C. (1985), ch. C-46) et de violations de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (L.C. 1996, ch. 19; LRCDAS). On a signalé à l’employeur que, lorsque la police est entrée dans la résidence du fonctionnaire, elle a découvert des armes à feu entreposées de manière non sécuritaire, de grandes quantités de marijuana et de l’équipement requis pour exploiter une installation de culture de la marijuana (une « installation de culture »). En raison de cette découverte, la police de Miramichi a accusé le fonctionnaire de trois actes criminels prévus par le Code criminel et par la LRCDAS, après quoi l’employeur a suspendu le fonctionnaire et l’a retiré de son lieu de travail.

4        Au lieu de procéder à l’instruction des actes criminels, le fonctionnaire a négocié un aveu et a plaidé coupable aux infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité. Il a comparu plusieurs fois devant le tribunal avant de plaider coupable. Tout cela a été rapporté dans les journaux locaux, qui indiquaient qu’il était gardien de prison. Il a plaidé coupable à l’accusation de production d’une substance contrôlée, de possession de résine de cannabis et d’entreposage non sécuritaire d’armes à feu. Il a été condamné à une période de probation et a fait l’objet d’une interdiction absolue de transporter une arme à feu en conséquence de son aveu négocié.

5        L’employeur a procédé à une enquête disciplinaire, parallèlement aux poursuites judiciaires en matière pénale. Le fonctionnaire a refusé de participer à l’enquête, suivant le conseil de son avocat. L’employeur a fait plusieurs tentatives pour obtenir des renseignements du fonctionnaire, mais ce dernier a refusé de coopérer. L’employeur a poursuivi l’enquête disciplinaire sans ses renseignements et a conclu que ce dernier avait violé les Règles de conduite professionnelle et le Code de discipline (DC-060) de l’employeur. L’employeur a établi que la possession par le fonctionnaire d’une substance contrôlée et la quantité possédée, de même que la possession d’équipement d’installation de culture étaient incompatibles avec son statut d’agent de la paix (tous les agents correctionnels (CX) ont le statut d’agent de la paix) et avec son emploi continu. L’employeur a considéré que la relation d’emploi n’était plus viable et a licencié le fonctionnaire.

6        Les événements relatifs à son accusation d’avoir exploité une installation de culture ont été publicisés largement dans la communauté, où l’EAR est l’un des plus grands employeurs. En raison des accusations criminelles dont le fonctionnaire a fait l’objet, la réputation de l’employeur a été ternie. À titre de CX, le fonctionnaire était responsable de superviser des détenus. Cependant, lorsqu’il a fait l’objet d’accusations criminelles, son rôle de supervision des détenus était compromis; un bon nombre de détenus de l’EAR ont été incarcérés pour les mêmes infractions que celles dont le fonctionnaire avait été accusé et qui ont éventuellement fait l’objet d’une transaction en matière pénale par laquelle il a négocié un plaidoyer de culpabilité pour réduire les accusations. Lorsque le mot s’est répandu dans l’EAR que le fonctionnaire avait pris part à ce type d’activité criminelle, il ne pouvait plus exercer efficacement son rôle de CX. Pour ces motifs, il a été licencié.

A. Preuve de Jody White

7        Jody White, agent du Service de police de Miramichi, a indiqué dans son témoignage que, le 24 février 2014, avec d’autres agents, il a exécuté un mandat de perquisition à la résidence du fonctionnaire. À l’intérieur, les agents de police ont trouvé et saisi 4,22 kg de marijuana séchée. Ils en ont trouvé partout dans la maison : dans la cuisine, dans les chambres et dans le sous-sol. Un équipement d’installation de culture a également été saisi, comme des ballasts, de grands ventilateurs, des lampes aux halogénures et de la terre de rempotage. Des ficelles utilisées pour soutenir les plants de marijuana pendant leur croissance étaient attachées au plafond du sous-sol. Plusieurs gros sacs de hockey ont été trouvés. Ces sacs sont souvent utilisés pour transporter le produit d’une installation de culture. Les agents ont également trouvé une grande quantité de feuilles de marijuana (des feuilles détachées de plants de marijuana), qui n’ont pas été incluses au calcul des 4,22 kg, puisqu’elles sont inutiles, sauf si elles sont utilisées pour produire de la résine de cannabis. Selon la preuve, le fonctionnaire tentait en fait de produire de la résine de cannabis; les agents en ont trouvé une certaine quantité dans un flacon de pilules; ils ont également trouvé une quantité d’huile de marijuana. La preuve ne comportait pas de balances, de registres d’opérations, de téléavertisseur ou de calculatrices. Seul un petit montant en espèces a été trouvé.

8        L’agent Whyte a parlé à Kevin Hare, agent de sécurité et de renseignements à l’EAR, et lui a parlé de l’arrestation du fonctionnaire et des résultats du mandat de perquisition puisqu’il pensait que le fait qu’une personne prenant part à des activités criminelles travaille à l’EAR présentait un risque pour la sécurité de l’EAR. Il a de nouveau parlé à M. Hare le 9 avril 2014, lorsque ce dernier l’a interrogé sur les événements du 23 février, moment auquel la police a répondu pour la première fois à un appel visant à vérifier le bien-être du fonctionnaire, et ceux du 24 février de cette année.

B. Preuve de Lisa McFarlane

9        L’agente Lisa McFarlane de la police de Miramichi a aidé à exécuter le mandat de perquisition sur la propriété du fonctionnaire. Elle a plus tard interrogé le fonctionnaire et elle lui a demandé si le produit trouvé dans sa maison lui appartenait et s’il possédait l’équipement saisi. Il n’a pas fait de commentaires sur la personne qui possédait le produit, mis à part pour la petite quantité trouvée dans l’armoire de la cuisine. L’entrevue a duré 30 minutes, y compris un appel que le fonctionnaire a fait à l’aide juridique. Il n’a pas coopéré et a refusé de divulguer le nombre d’armes à feu dans sa résidence et leur emplacement. Plus tard, après une deuxième mise en garde, le fonctionnaire a dit à l’agente McFarlane qu’il fumait souvent de la marijuana. Il a également changé son histoire. Il avait dit qu’il possédait tout ce qui avait été trouvé, puis qu’il possédait seulement la petite quantité se trouvant dans les armoires de cuisine.

10        M. Hare a également interrogé l’agente McFarlane. Il lui a demandé quel était le nombre d’armes saisies. Elle a répondu à cette question et lui a dit où le cannabis avait été trouvé. Elle lui a dit que le fonctionnaire avait admis avoir souvent fumé de la marijuana et que de 8 à 10 livres de cette substance étaient beaucoup pour l’utilisation personnelle d’une personne. Le fonctionnaire n’avait pas de prescription de marijuana médicale pour légitimer la possession de la substance illégale. Des images des seaux de marijuana saisis ont été publiées dans les journaux locaux. Les seaux étaient clairement étiquetés en tant que seaux ayant été envoyés à l’EAR.

C. Preuve de M. Hare

11        M. Hare était également le directeur adjoint de l’EAR, opérations, en 2014. Il occupait ce poste depuis 2008 et a été employé auprès de l’employeur pendant 33 ans. Selon lui, les CX-01 ont une description de poste générique (pièce 2, onglet 5). Ils sont tenus de fournir une sécurité dynamique dans les établissements, d’interagir avec les détenus, de faire des rondes, des décomptes, de patrouiller dans les rangées, de répondre aux urgences et d’escorter les détenus à l’extérieur des établissements et, pendant de telles escortes de sécurité, ils sont généralement armés. Les CX ont le statut d’agent de la paix en vertu du Code criminel. Pour certains postes, les CX ne sont pas tenus de transporter une arme, mais il y a des secteurs où les CX sont affectés pour une période de leur quart; il ne s’agit pas de postes permanents. Les CX alternent entre les postes.

12        L’agent Whyte a communiqué avec M. Hare chez lui, le 24 février 2014. Il lui a dit que le fonctionnaire avait été impliqué dans un incident la nuit précédente. Le fonctionnaire avait initialement été détenu en vertu de la Loi sur la santé mentale, LRN-B 1973, c M-10. La police est initialement entrée dans la résidence pour sécuriser les armes lorsque les agents ont senti l’odeur évidente du cannabis. La maison a été placée sous garde jusqu’à l’obtention du mandat de perquisition. La police a trouvé sept armes non sécurisées et un grand volume de marijuana, ainsi que de la résine de cannabis et du hachisch. Le fonctionnaire a été arrêté et libéré sur la foi d’une promesse de respecter les conditions de sa libération.

13        Le jour suivant, M. Hare en a informé la directrice adjointe, Brenda Richard, qui remplaçait Edward Muise, le directeur à l’époque. Un représentant des ressources humaines a également été informé. Le fonctionnaire n’a jamais communiqué avec l’employeur pour l’informer de son arrestation. M. Hare a ordonné au superviseur du fonctionnaire de communiquer avec ce dernier et de l’informer qu’il était mis en congé payé en attendant une décision de savoir s’il était suspendu. Ce congé payé a duré pendant plusieurs quarts. Le syndicat a également été informé de la situation.

14        Le fonctionnaire a été suspendu sans traitement le 7 mars 2014. M. Hare a rencontré le fonctionnaire et son représentant syndical, Wade Jardine, ce jour-là, pour les informer de la suspension. Le fonctionnaire a refusé de signer la lettre l’informant de la suspension; le représentant syndical l’a signée à sa place (pièce 9). La suspension sans traitement a été examinée et évaluée toutes les trois semaines après cela afin de déterminer si la suspension était toujours requise ou non (critère Larsen). Chaque évaluation a conclu que les infractions imputées au fonctionnaire étaient suffisamment graves pour discréditer la réputation de l’employeur et pour éventuellement faire courir un risque à l’EAR.

15        L’enquête disciplinaire a été menée le 19 mars 2014. M. Hare, avec Bob Taylor, l’ont effectuée et ont présenté un rapport écrit au directeur (pièce 1, onglet 5). Le fonctionnaire a refusé de rencontrer M. Hare le 22 mars, alors que M. Hare avait l’intention de lui fournir une copie de l’ordonnance de convocation à l’enquête disciplinaire. M. Hare a plutôt donné les documents au représentant syndical du fonctionnaire le 27 mars. Le 9 avril, le fonctionnaire a rencontré M. Hare, moment auquel il a également reçu une copie des modalités et de l’ordonnance de convocation.

16        Dans le cadre de leur enquête, M. Hare et M. Taylor ont interrogé les agents Whyte et McFarlane, le fonctionnaire et Angie St-Pierre, qui travaillait aux cuisines à l’EAR. Elle avait donné au fonctionnaire les seaux qu’il avait utilisés pour stocker la marijuana qu’il faisait pousser. Les enquêteurs ont examiné les articles de presse et ont vérifié les services de nouvelles en ligne. Dans le cadre des entrevues avec les policiers, les enquêteurs ont reçu une copie des interrogatoires que la police a menés auprès du fonctionnaire.

17        Le fonctionnaire ne s’est pas présenté à l’entrevue prévue le 22 avril 2014, mais il s’est présenté à celle du 24 avril 2014, avec son représentant syndical. L’entrevue a duré 40 à 50 minutes. Le représentant syndical du fonctionnaire s’est opposé au refus par l’employeur de leur fournir une copie des déclarations des policiers. Les enquêteurs ont dit au fonctionnaire au moins six fois pendant l’entrevue que le processus d’enquête de l’employeur était distinct de toute enquête criminelle sur sa conduite. Le fonctionnaire était très réservé au cours de sa participation et il a déclaré qu’il suivait le conseil de son avocat. Il a mentionné qu’il souffrait d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT) et de maux de dos chroniques, sans fournir de détails. Il a demandé à l’employeur de communiquer avec son médecin pour obtenir davantage de renseignements sur sa condition médicale.

18        Après l’entrevue, M. Hare a parlé à M. Jardine et lui a dit qu’il ne demanderait pas les renseignements médicaux du fonctionnaire puisque il était de la responsabilité du fonctionnaire de fournir tous les renseignements pertinents pour aider l’employeur à prendre sa décision. M. Hare était certain que le fonctionnaire pensait que l’employeur obtiendrait les renseignements pour le soutenir. M. Hare a dit au représentant syndical qu’il [traduction] « ne ferait pas de recherches à l’aveuglette ».

19        Le fonctionnaire a dit aux enquêteurs qu’il était stressé et qu’il avait vu un psychiatre. Les enquêteurs savaient qu’il avait été détenu en vertu de la Loi sur la santé mentale, puisque les policiers l’avaient déclaré dans leurs entrevues. On n’avait pas mentionné de demande d’indemnisation pour accident du travail ou d’incident en milieu de travail, ce qui, selon l’expérience de M. Hare, était commun lorsqu’un CX prétendait souffrir d’un TSPT. Aucune preuve selon laquelle le fonctionnaire a parlé de sa maladie à son superviseur n’a été présentée. Par conséquent, puisqu’aucun renseignement médical n’a été fourni, aucun n’a été mentionné dans le rapport définitif.

20        Les enquêteurs ont terminé le rapport et l’ont présenté au directeur en juillet 2014. Une ébauche a été remise au fonctionnaire, qui a refusé d’en accuser réception. Il n’était pas d’accord avec les commentaires qu’il contenait.

21        L’employeur n’a pas attendu la fin du procès au criminel pour terminer le rapport d’enquête. Selon l’employeur, le processus disciplinaire et le processus pénal sont indépendants l’un de l’autre. M. Hare a suivi les nouvelles sur le procès tout au long du processus. Puisque le procès s’éternisait et qu’il était de plus en plus difficile de rester en communication avec le fonctionnaire, l’employeur a décidé de procéder à son licenciement le 7 janvier 2015.

22        Le procès du fonctionnaire était initialement prévu pour janvier 2015, mais le procès a été retardé en raison de changements de représentation. Cette affaire criminelle a finalement pris fin en octobre 2015, lorsqu’il a plaidé coupable.

23        M. Hare a remis la lettre de congédiement (pièce 1, onglet 1) au fonctionnaire devant un officier au service du shérif au palais de justice de Miramichi le 7 janvier 2015. Les représentants syndicaux ont été informés de l’intention de M. Hare le 5 janvier 2015. Compte tenu des conclusions des enquêteurs selon lesquelles le comportement du fonctionnaire n’était pas conforme à son rôle d’agent de la paix, et puisqu’il a admis consommer beaucoup de drogue, qu’il avait des armes à feu mal entreposées, qu’il a été accusé de trois actes punissables et qu’il a violé les Règles de conduite professionnelle et le Code de discipline (DC-060) de l’employeur, de même que le Code de valeurs et d’éthique du secteur public, le directeur a déterminé qu’il était approprié de mettre fin à son emploi.

D. Preuve de Tim Martin

24        Tim Martin était le gestionnaire correctionnel du fonctionnaire en 2013. Il a témoigné en disant qu’il avait parlé au fonctionnaire de ses préoccupations relatives à l’utilisation excessive par le fonctionnaire de ses congés. Le fonctionnaire utilisait régulièrement davantage de congés de maladie que ce qu’il accumulait et il avait un solde négatif de crédits de congé de maladie, ce qui n’était pas inhabituel pour un CX. M. Martin a mentionné le Programme national de gestion de l’assiduité (PNGA). Cependant, puisque le fonctionnaire ne répondait pas au seuil requis pour y participer, il n’y a jamais été référé. Lorsque M. Martin a parlé au fonctionnaire de ses préoccupations, le fonctionnaire a nié avoir eu un problème de boisson et a rejeté la faute de ses absences sur ses problèmes conjugaux et de sommeil. Le 18 août 2013, M. Martin lui a conseillé de demander l’aide du Programme d’aide aux employés (PAE) si un quelconque enjeu de sa vie personnelle l’empêchait de se présenter régulièrement au travail. Il a également dit au fonctionnaire qu’il y avait des options pour l’aider à améliorer sa présence, ce qui lui permettrait d’avoir un solde de crédits de congé positif. Le fonctionnaire et lui ont convenus qu’ils se réuniraient à l’automne de 2013 pour s’efforcer d’évaluer ces options.

E. Preuve de M. Muise

25        M. Muise était directeur de l’EAR en 2014 et en 2015. Il a pris la décision de suspendre le fonctionnaire sans traitement pendant l’enquête disciplinaire et de le licencier en fin de compte. M. Muise savait que la situation s’était répandue dans les médias, ce qui lui a entraîné des préoccupations pour la réputation de l’employeur. À son avis, le manquement par le fonctionnaire aux Règles de conduite professionnelle et au Code de discipline (DC-060), de même qu’au Code de valeurs et d’éthique du secteur public ne dressait pas un portrait positif de SCC. Lorsqu’un CX est accusé d’une infraction criminelle, c’est très préoccupant pour l’employeur, puisque les CX sont tenus à une norme de conduite plus élevée, compte tenu de la raison pour laquelle ils sont employés.

26        M. Muise a lu le rapport d’enquête disciplinaire et les annexes et a accepté les constatations qui y étaient présentées. Il a demandé les raisons pour lesquelles aucun renseignement médical n’avait été fourni et il avait l’intention d’en faire le suivi à l’audience disciplinaire pour les obtenir. Si le fonctionnaire avait des problèmes de santé mentale, M. Muise se demandait quelle serait leur incidence sur son aptitude à retourner à l’EAR. Les références au TSPT ne préoccupaient pas M. Muise, puisqu’il n’envisageait pas le retour du fonctionnaire au lieu de travail au moment auquel le rapport a été publié. La santé mentale du fonctionnaire devait être une composante clé de l’audience disciplinaire.

27        L’audience disciplinaire a été convoquée pour le 24 juillet 2014. M. Muise a demandé à M. Hare de communiquer avec le fonctionnaire et de lui transmettre la date et l’heure de l’audience. Il a été très difficile de communiquer avec le fonctionnaire pendant cette période. M. Hare a seulement réussi à lui transmettre l’information en passant par M. Jardine.

28        En plus de communiquer au fonctionnaire un avis de la date de l’audience disciplinaire, M. Jardine lui a fourni une copie du rapport d’enquête. M. Muise s’attendait à ce que le fonctionnaire lui communique des commentaires sur le contenu du rapport et des explications sur son comportement et qu’il présente des facteurs atténuants à étudier à l’audience disciplinaire. Au lieu de faire cela, le fonctionnaire n’a pas fait de commentaires sur les questions de fond du rapport, suivant le conseil de son avocat.

29        Pendant la réunion du 24 juillet 2014, le fonctionnaire a demandé son report à une date ultérieure à sa visite chez son médecin le 5 août, ce qui a été accordé. M. Muise s’attendait à ce que le fonctionnaire présente des renseignements médicaux pour soutenir ses affirmations de TSPT après son rendez-vous, ce qu’il n’a jamais fait.

30        Une nouvelle audience disciplinaire a été prévue le 27 août 2014 (pièce 1, onglet 3). Une deuxième demande de report de la réunion suivant le conseil de l’avocat au criminel du fonctionnaire a été refusée. M. Jardine s’est présenté au nom du fonctionnaire. M. Muise n’a reçu aucun autre renseignement médical du fonctionnaire ou de son représentant. M. Muise a dit à M. Jardine qu’il rendrait sa décision en fonction des renseignements devant lui à ce moment-là.

31        M. Muise a pris sa décision peu après l’audience disciplinaire, mais il a été incapable de trouver le fonctionnaire pour lui remettre sa lettre de congédiement. M. Muise a finalement réussi à obtenir qu’une copie de la lettre de licenciement le 7 janvier 2015 soit signifiée au fonctionnaire, au palais de justice de Miramichi, au moment de la comparution du fonctionnaire. La date de licenciement a été établie rétroactivement au 7 mars 2014, la date de la suspension sans traitement du fonctionnaire.

32        Selon M. Muise, les procédures disciplinaires et criminelles étaient distinctes. En raison de la nature administrative de la mesure disciplinaire, il voulait que ce soit réglé rapidement. C’est pour cela qu’il n’a pas attendu la fin de l’instance criminelle. Il lui semblait que le fonctionnaire voulait que le dénouement de l’instance criminelle soit pris en compte dans la décision définitive de l’employeur. M. Muise ne pensait pas qu’il avait besoin de connaître le dénouement de l’instance criminelle du fonctionnaire pour prendre sa décision. Les renseignements que l’employeur a reçus de la police étaient suffisants et crédibles aux fins de M. Muise.

33        M. Muise trouvait suffisant que, selon la prépondérance des probabilités, le fonctionnaire eût violé les Règles de conduite professionnelle et le Code de discipline (DC-060) de l’employeur, de même que le Code de valeurs et d’éthique du secteur public. Le fonctionnaire connaissait les attentes de l’employeur envers les CX. Il avait terminé le programme de formation central de l’employeur, requis pour se qualifier en tant que CX, y compris les modules sur le Code de discipline, le Code de valeurs et d’éthique du secteur public, et le code d’éthique de l’employeur. Il savait ce qui était attendu de lui lorsqu’il a accepté un déploiement du Pénitencier de Kingston (PK) à l’EAR et lorsqu’il a signé sa lettre d’offre (pièce 1, onglet 10).

34        Le fait de posséder des drogues illégales et d’entreposer de manière inappropriée des armes à feu signifie ne pas respecter la primauté du droit et ces actes sont contraires au cadre de valeurs et d’éthique de l’employeur (pièce 16). Il est attendu de ces employés qu’ils fassent preuve d’un comportement respectueux des lois. Lorsque le fonctionnaire a choisi d’ignorer la primauté du droit, il a démontré le même type de comportement que celui des personnes incarcérées dont il a la charge.

35        Le fonctionnaire a perdu toute crédibilité, de l’avis de M. Muise. Il a conclu que le fonctionnaire n’avait pas agi en respectant le cadre de valeurs et d’éthique et qu’il manquait à la fois d’intégrité professionnelle et personnelle. Le fonctionnaire n’a pas expliqué ses actions et n’a pas justifié leur caractère approprié et n’a accepté aucune responsabilité pour ces actions. Il a compromis l’image de l’employeur aux yeux du public, de même que celle de la fonction publique en général.

36        M. Muise a pris en compte le dossier disciplinaire vierge du fonctionnaire en tant que facteur atténuant. Les renseignements fournis par la police et les éléments trouvés dans la maison du fonctionnaire, de même que les accusations en conséquence, sont des facteurs aggravants. Le fonctionnaire a admis qu’il avait de la drogue à son domicile, mais les renseignements de la police sur sa quantité et la présence d’équipement d’installation de culture a joué un rôle important dans les délibérations de M. Muise.

37        Le fonctionnaire a fait preuve d’un comportement criminel très grave. Son processus pénal a été couvert par la presse, qui l’a clairement identifié comme un CX qui travaillait à l’EAR. La population carcérale était également au courant que le fonctionnaire était accusé relativement à des infractions liées à la drogue et qu’il avait plaidé coupable à des accusations réduites dans le cadre d’un aveu négocié.

38        La référence aux armes à feu était moins préoccupante pour M. Muise que la possession de drogue. Le fonctionnaire s’est mis au même niveau que les délinquants qu’il devait garder à titre d’employé. C’est l’une des infractions les plus sévères qu’un CX puisse commettre. Il a violé les Règles de conduite professionnelle et le Code de discipline (DC-060) de l’employeur, de même que le Code de valeurs et d’éthique du secteur public, et il ne peut pas être réintégré au milieu de travail et être efficace dans le rôle de CX. Il aurait facilement pu être ciblé par les délinquants qui voudraient faire passer de la drogue de contrebande dans l’établissement. C’est l’une des plus grandes préoccupations que l’employeur peut avoir à l’égard de l’emploi d’un CX, puisque cela présente un risque pour la sécurité d’un établissement. Les CX sont un modèle pour les détenus. Le fonctionnaire a perdu toute crédibilité et ne peut plus avoir une influence positive sur les détenus, pour apporter des changements prosociaux.

39        En raison de ces conclusions et de la nature des violations commises par le fonctionnaire, qui étaient essentielles à l’employeur, il ne pouvait pas travailler ailleurs pour l’employeur.

F. Preuve de M. Jardine

40        M. Jardine a témoigné au nom du fonctionnaire. Il est un CX-01 à l’EAR. De 2012 à 2015, il était président de la section locale et il agissait à titre de représentant syndical du fonctionnaire tout au long de ces événements. Selon M. Jardine, les membres du syndicat souffrant de problèmes de santé mentale étaient dirigés vers le PAE. De nombreux CX ne disaient pas qu’ils souffraient d’une maladie mentale, parce que ce n’était pas macho; de nombreuses fois, la maladie mentale n’était pas déclarée. Ceux qui se manifestaient avaient besoin de beaucoup de temps pour traiter leurs maladies; l’employeur commençait tout juste à reconnaître le besoin de traiter les CX qui souffraient de maladies mentales. Chaque CX est touché différemment par l’environnement carcéral, qui est un milieu de travail très stressant. Les CX ne reçoivent aucune formation pour gérer les questions de santé mentale. Selon M. Jardine, le PNGA ne traite pas les problèmes de santé mentale comme un TSPT. Par conséquent, il n’est pas pertinent pour les personnes qui souffrent d’un TSPT.

41        M. Jardine était présent pendant l’entrevue de l’enquête disciplinaire avec le fonctionnaire. Il s’agissait d’un processus très long. Il était également présent à l’audience disciplinaire, mais seulement à titre d’observateur. Ce n’était pas son rôle de raconter l’histoire du fonctionnaire. La communication des renseignements de la police a été soulevée à l’enquête disciplinaire. M. Hare ne voulait permettre ni au fonctionnaire, ni à M. Jardine, de voir ce que la police lui avait fourni. M. Jardine a éventuellement reçu des copies expurgées de ces documents à l’audience disciplinaire.

42        Le fonctionnaire n’a pas répondu aux questions qui lui étaient posées pendant l’enquête, mais, selon M. Jardine, [traduction] « il aurait été fou de répondre à n’importe quelle question » avant la fin de l’instance criminelle. M. Jardine trouvait qu’il était injuste que l’employeur poursuive, compte tenu de la situation du fonctionnaire. Le fonctionnaire a refusé de répondre aux questions de M. Hare, puisque ce dernier aurait pu être assigné à témoigner pendant le procès criminel du fonctionnaire.

43        M. Jardine ne savait pas que le fonctionnaire souffrait de problèmes de maladie mentale. Le fonctionnaire a mentionné qu’il consommait de la marijuana pour ses maux de dos chroniques. Il a reconnu qu’il devait fournir des renseignements médicaux pour soutenir sa prétention, mais ses médecins ne voulaient pas en fournir, sauf si l’employeur les demandait. Le fonctionnaire a avancé qu’il souffrait d’un TSPT et qu’il était testé pour ce trouble. M. Hare a demandé s’il prenait des médicaments pour traiter son TSPT. En plus du TSPT, le fonctionnaire a également indiqué qu’il souffrait de dépression et d’anxiété.

44        M. Jardine ne se souvenait pas de l’audience disciplinaire. Il a reçu la lettre de licenciement avant qu’elle soit donnée au fonctionnaire. Le fonctionnaire a déposé un grief contre son licenciement, mais n’a jamais reçu de réponse. M. Jardine estimait que des arrangements auraient pu être faits pour réaffecter le fonctionnaire à un poste qui n’exige pas l’utilisation d’armes à feu ou que l’employeur aurait pu doubler le personnel lorsque le fonctionnaire avait des quarts.

45        Lorsqu’on lui a demandé s’il serait préoccupé si le fonctionnaire était réintégré à l’EAR, M. Jardine a reconnu qu’il serait préoccupé pour la sécurité de l’EAR et de son personnel, si le fonctionnaire devait être réintégré. M. Jardine était préoccupé par la possibilité que le fonctionnaire soit compromis ou converti par les détenus ou qu’il se présente alors qu’il est intoxiqué et soit par conséquent incapable de répondre à un appel à l’aide.

46        Selon M. Jardine, aucun CX à l’EAR n’a de dossier criminel ni n’est frappé d’interdiction de posséder ou d’utiliser une arme à feu. En tant que CX et président de la section locale, M. Jardine serait préoccupé pour sa sécurité et celle des autres CX s’ils devaient travailler avec le fonctionnaire, qui serait incapable de réagir à une situation s’il était dans un état altéré. La marijuana est une substance illégale. Qu’une personne en possède préoccupe M. Jardine. Le fonctionnaire peut subir un chantage pour faire entrer de la drogue dans l’EAR. La drogue illégale dans une institution compromet la sécurité des détenus et du personnel. Un CX est responsable d’empêcher que les drogues entrent dans un établissement.

G. Preuve de Paul Smith

47        Le Dr Paul Smith est un médecin généraliste comptant 37 ans d’expérience en médecine familiale. Il a vu environ 1 200 patients souffrant de TSPT. Il a écrit un article sur le traitement du TSPT avec la marijuana médicale. Un nombre important de personnes atteintes de ce trouble réagissent favorablement à la marijuana médicale alors que d’autres produits pharmaceutiques n’ont pas eu d’effet. Le Dr Smith a rencontré pour la première fois le fonctionnaire en janvier 2014. Le fonctionnaire lui a dit qu’il souffrait de douleur à l’épaule et au dos. Il a déclaré avoir été témoin d’attaques, de pendaison et d’autres actes de violence alors qu’il travaillait pour l’employeur. Le Dr Smith a accordé au fonctionnaire une cote de 9 sur 10 en fonction des notes que le fonctionnaire s’est attribuées pour la plupart des catégories, ce qui indique que le fonctionnaire souffrait d’un grave TSPT.

48        Le fonctionnaire a dit au Dr Smith qu’il avait essayé la marijuana et que, selon ses affirmations, cela l’avait aidé. Il a reçu une prescription par Skype, un mode de communication visuelle par Internet, qui était complètement inapproprié, selon la preuve présentée par le Dr Smith. Le Dr Smith a donné au fonctionnaire une prescription d’essai avec une dose maximale de 10 grammes. Le fonctionnaire pouvait utiliser jusqu’à cette quantité, en fonction de ses besoins. Les effets secondaires de la marijuana comprennent une déficience de la fonction cognitive, qui se dissipent au fil du temps. Le fonctionnaire devait également poursuivre d’autres thérapies, comme la psychothérapie. Le Dr Smith a également discuté des choix de vie que le fonctionnaire devrait faire pour améliorer son rétablissement.

49        Depuis la visite initiale du fonctionnaire, le Dr Smith l’a vu quatre fois. Sa réaction à la marijuana était excellente. Son principal problème était d’assurer son approvisionnement et d’avoir les fonds pour acheter la drogue. Les tranquillisants et les médicaments contre l’anxiété ne convenaient pas au fonctionnaire. Avec une prescription de Santé Canada, le fonctionnaire aurait eu le droit de faire pousser sa propre marijuana, mais aurait été limité à posséder un maximum de 6 grammes, soit 12 plants extérieurs ou 30 plants intérieurs (et beaucoup moins que ce qu’il avait en sa possession lorsqu’il a été accusé). Les graines de ces plantes doivent être fournies au patient par Santé Canada.

H. Preuve de Krzysztof Wierzchoslawski

50        Le Dr Krzysztof Wierzchoslawski (que ses patients nommaient le Dr Krys) a pratiqué la médecine familiale à Miramichi pendant 18 ans et traite le fonctionnaire depuis 2001. À partir de 2012, le fonctionnaire a fait part de problèmes de santé mentale liés à la fin de son mariage, pour lesquels il a été traité au moyen de plusieurs médicaments d’ordonnance.

51        En mars 2013, il est devenu clair pour le Dr Krys que le fonctionnaire allait d’une clinique à l’autre pour obtenir des opiacés. Le 27 mars 2013, le fonctionnaire est entré dans le bureau du médecin pour un rendez-vous alors qu’il était saoul, en se plaignant de douleurs au dos. Le docteur lui a prescrit de l’Imovane (un sédatif utilisé pour remédier aux problèmes de sommeil) après qu’il a rejeté la recommandation du médecin selon laquelle il devrait aller en physiothérapie pour atténuer sa douleur au dos. Le jour suivant, il s’est présenté à l’urgence de l’hôpital local et a reçu une autre prescription d’Imovane. Le 30 mars, il s’est de nouveau présenté à l’urgence en se plaignant de douleur au dos chronique et on lui a prescrit du Percocet, un type d’oxycodone.

52        S’ajoutant à tous ces médicaments sur ordonnance, le fonctionnaire s’automédicamentait avec la marijuana, ce qu’il n’a jamais divulgué à ses médecins traitants. Lorsqu’il a été interrogé par le Dr Krys, le fonctionnaire a nié avoir utilisé des substances illicites puisque, comme il l’a dit aux médecins, il était inquiet au sujet de son travail.

53        Le 16 avril 2014, le fonctionnaire a admis au Dr Krys qu’il consommait de la marijuana. Le Dr Krys lui a demandé de cesser, puisque la marijuana précipite l’anxiété et les attaques de panique. À un rendez-vous le 9 juin 2014, le fonctionnaire a informé le médecin qu’il avait cessé de consommer la marijuana. Cependant, le 5 août 2014, le fonctionnaire avait obtenu une prescription pour de la marijuana médicale, que le Dr Krys lui a conseillé de ne pas remplir.

54        Le Dr Krys n’a jamais diagnostiqué un TSPT pour le fonctionnaire et doutait que le fonctionnaire en ait déjà souffert. Le fonctionnaire n’a jamais déclaré de symptômes qui indiquaient au Dr Krys qu’il souffrait réellement de TSPT. Le fonctionnaire a dit au Dr Krys qu’il souffrait de TSPT et qu’il se traitait lui-même avec de la marijuana.

55        Le Dr Krys a renvoyé le fonctionnaire à la clinique de santé mentale et, le 14 mai 2015, il a de nouveau recommandé que le fonctionnaire cesse de consommer de la marijuana. À ce moment-là, le fonctionnaire a été traité par un autre médecin, mais il n’a pas fourni de renseignement à ce sujet au Dr Krys.

I. Preuve du fonctionnaire s’estimant lésé

56        Le fonctionnaire a commencé sa carrière dans le domaine correctionnel en avril 1999, moment auquel il est devenu un agent correctionnel provincial qui travaillait au Centre pour jeunes du Nouveau-Brunswick (le « Centre pour jeunes ») à Miramichi. Alors qu’il y était, il gérait des attaques des détenus, des détenus qui s’automutilaient, des pendaisons et un incendie. Il a été membre de l’équipe d’intervention d’urgence 8 ans sur ses 12 années passées auprès de la province du Nouveau-Brunswick. Pendant les 12 années qu’il a passées à travailler dans le système correctionnel provincial, il n’a jamais fait l’objet de mesures disciplinaires. En 2011, il s’est joint au système correctionnel fédéral et est devenu un CX-01. Il a initialement été affecté au PK, où il a rencontré un certain nombre des mêmes types d’incidents qu’il avait connus au Centre pour jeunes.

57        En octobre 2011, le fonctionnaire a été impliqué dans un incident où il y a eu recours à la force au PK. Cela l’a bouleversé et, alors que les jours passaient, il a continué à se sentir anxieux. Ses cycles de sommeil étaient perturbés et il a commencé à avoir des cauchemars au sujet de détenus se bagarrant. Les bruits forts le rendaient anxieux. Il n’a pas demandé de traitement médical, pas plus qu’il n’a mentionné ses symptômes à la direction. Au fil du temps, ses symptômes se sont aggravés et il a commencé à avoir des problèmes conjugaux.

58        En avril 2012, le fonctionnaire a été transféré à l’EAR, où il y a moins de contact avec les détenus qu’au PK. Il a été dépassé par le changement, puisqu’il était maintenant en dehors de sa zone de confort. Son niveau d’anxiété a augmenté et il a commencé à se sentir déprimé. Il a développé des problèmes de confiance et est devenu hypervigilant. Malgré cela, il n’avait pas de problème de rendement ou de discipline.

59        Éventuellement, le fonctionnaire n’avait pas l’impression qu’il pouvait faire son travail, puisqu’il ne dormait pas. Il a commencé à appeler pour cause de maladie et était en congé pendant une semaine à la fois. Son superviseur lui a parlé de ses absences. Il devait présenter un certificat médical pour toutes les absences en raison du congé de maladie après la discussion. On lui a donné une référence au PAE, mais il n’y est pas allé. Il s’est rendu à la clinique de santé mentale, puisqu’il y a été référé, mais il n’y est pas retourné puisqu’il ne se sentait pas à l’aise avec le personnel de la clinique.

60        Le fonctionnaire ne se souvient plus qu’il est allé d’un médecin à l’autre à la recherche de médicaments. Il a consulté le Dr Krys en mai 2012 et on lui a prescrit des médicaments, mais il n’a pas fait l’objet d’un diagnostic pour quoi que ce soit de particulier. En conséquence d’une blessure au dos causée par un accident d’automobile, le fonctionnaire avait toujours une douleur aiguë à sa jambe. Il a également été traité par un psychiatre, le Dr Khan, qui a prescrit davantage de médicaments. Lorsque les médicaments ne l’ont pas soulagé, le fonctionnaire a commencé à consommer de l’alcool avec les médicaments au cours de l’été 2012.

61        À l’automne de 2012, le fonctionnaire a effectué une recherche de ses symptômes sur Internet et a conclu qu’il souffrait d’un TSPT. Il a découvert que la marijuana soulageait ses symptômes et il a posé des questions au Dr Krys à ce sujet. Selon le fonctionnaire, le Dr Krys était [traduction] « absolument contre la consommation de marijuana ». Malgré cela, le fonctionnaire a décidé d’essayer la marijuana et a commandé des graines sur Internet en 2013. Il a planté les jeunes plants sur la propriété de son voisin dans l’intention de récolter sa culture à l’automne 2013. Il a choisi sa variété de plantes à faire pousser en fonction des renseignements trouvés sur Internet. Le fonctionnaire a témoigné en disant qu’il savait qu’il y aurait des répercussions au travail s’il consommait de la marijuana, puisqu’il n’était pas légalement autorisé à en faire pousser ou à la consommer, ce qui est la raison pour laquelle il a choisi de faire pousser cette plante sur la propriété d’une autre personne. Il n’a pas effectué de recherche sur la loi relative à la culture et la consommation de marijuana.

62        Même s’il connaissait les risques de l’utilisation de la marijuana, il a persisté. Il a expérimenté les variétés et a trouvé qu’il obtenait un soulagement instantané à son anxiété et à sa douleur alors qu’il consommait de la marijuana. Il utilisait ce produit seulement pour lui-même, il n’en vendait pas du tout. Il en consommait avant d’aller se coucher, mais jamais avant d’aller travailler. Il savait qu’il était engagé dans une activité illégale qui menaçait son emploi continu. Après son arrestation, le fonctionnaire ne pouvait pas consommer de marijuana, étant donné que la police avait pris ses réserves. Lorsqu’on l’a questionné à l’audience sur la quantité de marijuana saisie, il a expliqué cela en disant qu’il expérimentait.

63        Le fonctionnaire n’a pas nié qu’il possédait l’équipement qui pouvait être utilisé dans une installation de culture. Il ne se souvenait pas s’il avait acheté l’équipement pour faire pousser de la marijuana ou à une autre fin. Il a acheté les sept sacs de hockey parce qu’il avait beaucoup de choses à transporter en lien avec sa culture de marijuana. Lorsqu’il a récolté sa culture, il a utilisé les sacs de hockey pour transporter les plants à sa maison pour qu’ils soient séchés. Les ficelles qui pendaient du plafond du sous-sol servaient à sécher les plants de marijuana. Le fonctionnaire commençait à faire pousser ses plants à l’intérieur, puis les transplantait à l’extérieur, dans un bois sur une propriété voisine, appartenant à quelqu’un d’autre. Il a indiqué dans son témoignage qu’il plantait le nombre de plants dont il pensait avoir besoin pour la récolte dont il avait besoin [traduction] « comme n’importe quel fermier le ferait ».

64        L’avocat du fonctionnaire lui a conseillé de ne pas participer à l’enquête et à l’audience disciplinaire de l’employeur. Il lui a conseillé de ne répondre à aucune question incriminante. Le fonctionnaire l’a dit à M. Hare et M. Taylor à la réunion de l’enquête disciplinaire. Il a également soulevé ses questions médicales et a demandé que M. Hare et M. Taylor obtiennent une copie de son dossier médical auprès du Dr Krys. Il leur a également communiqué qu’il consommait de la marijuana pour traiter sa douleur chronique et son TSPT autodiagnostiqué.

65        En février ou en mars 2015, le fonctionnaire a reçu une prescription de marijuana médicale après une entrevue Skype avec un médecin en Ontario. Il a alors commencé à se sevrer de ses médicaments d’ordonnance. En juin 2015, le Dr Smith lui a fait passer des tests pour le TSPT et lui a donné une autre prescription de marijuana médicale.

66        Le processus pénal du fonctionnaire a duré deux ans. Son premier avocat s’est récusé en raison d’un conflit d’intérêts. Le fonctionnaire a congédié son deuxième avocat parce qu’il n’était pas d’accord sur la manière dont il voulait gérer l’affaire. Le troisième avocat a organisé l’aveu négocié. Le fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’il a tout perdu en conséquence de son processus pénal, y compris son emploi. Il a proclamé qu’il ressentait des remords pour ce qu’il a fait, puisqu’il a pris une décision qui a ruiné sa vie au lieu de la sauver.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

67        La Commission doit déterminer si l’employeur a établi une inconduite selon la prépondérance des probabilités et si la pénalité imposée était appropriée compte tenu des circonstances.

68        La lettre de discipline présentait clairement l’inconduite du fonctionnaire. On l’a trouvé en possession d’équipement d’installation de culture et d’une quantité importante de marijuana. Il s’agissait d’actes d’inconduite grave qui contrevenaient aux modalités d’emploi du fonctionnaire, qui comprennent le respect des Règles de conduite professionnelle (pièce 1, onglet 9) et le Code de discipline (DC-060) (pièce 1, onglet 8), de même que le Code de valeurs et d’éthique du secteur public (pièce 10). Les modalités d’emploi du fonctionnaire étaient présentées dans sa lettre d’offre (pièce 1, onglet 10). La preuve établissait clairement que le fonctionnaire avait contrevenu à ses obligations professionnelles et que la pénalité du congédiement était appropriée.

69        L’inconduite du fonctionnaire correspond à la catégorie de la conduite en dehors des heures de travail. Selon Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition, au paragr. 1:3010, l’employeur n’a pas de compétence ou d’autorité sur ce que font ses employés en dehors du travail, sauf s’il peut démontrer que ses intérêts opérationnels légitimes ont été touchés d’une quelconque manière. Afin de justifier l’imposition d’une mesure disciplinaire à un employé en raison d’une inconduite en dehors des heures de travail, l’employeur doit prouver que le comportement en question a eu un effet préjudiciable sur sa réputation, qu’il a fait que l’employé était incapable d’exercer correctement ses obligations d’emploi, qu’il a fait que les employés ont refusé de travailler avec cette personne ou qu’il a limité la capacité de l’employeur à gérer et à diriger efficacement son lieu de travail (nommés les facteurs Millhaven, d’après Millhaven Fibres Limited, Millhaven Works v. Oil, Chemical and Atomic Workers International Union, Local 9-670, [1967] O.L.A.A. No. 4 (QL)). Les fonctionnaires ont davantage de restrictions que les membres du grand public à l’égard de leur conduite en dehors des heures de travail.

70        L’employeur devait établir un lien entre l’activité et la relation d’emploi (voir Government of the Province of Alberta (Solicitor General Department - Correctional Services Division) v. Alberta Union of Provincial Employees (2003), 124 L.A.C. (4e) 176 (désignée comme « Crepeau »)). L’employeur n’était pas tenu d’établir tous les facteurs de Millhaven. L’atteinte à sa réputation était suffisante (voir Tobin c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 76, et Tobin c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 254). Une preuve directe des préjudices à la réputation de l’employeur n’est pas requise. Néanmoins, en l’espèce, la preuve de l’agent Whyte, de M. Hare et de M. Jardine démontrait que l’affaire a été largement publicisée dans l’ensemble de la petite communauté où l’employeur est l’un des principaux employeurs. Selon le témoignage de M. Muise, la population carcérale était également au courant de la situation du fonctionnaire.

71        Par ses actions, le fonctionnaire s’est rendu lui-même incapable d’avoir le statut d’agent de la paix, de la manière établie dans sa description de travail (pièce 2, onglet 5). À titre d’agent de la paix, il devait assurer le respect de la loi et montrer le bon exemple, ce qui est également une exigence des Règles de conduite professionnelle et du Code de valeurs et d’éthique du secteur public. Comme l’admet lui-même le fonctionnaire, il savait que le fait de cultiver de la marijuana sans permis était illégal et que cela mettait sa carrière en péril. Malgré cela, il a cultivé de la marijuana sur la propriété d’une autre personne sans qu’elle le sache, afin de protéger son emploi en cas de découverte de la culture. Le fonctionnaire a violé les articles 4 et 5 de la LRCDAS. Même s’il avait eu un permis pour faire pousser de la marijuana, la quantité qu’il possédait dépassait de loin la quantité qu’il pouvait faire pousser avec un permis.

72        Les accusations initiales contre le fonctionnaire étaient associées à une peine d’emprisonnement obligatoire. Le fait qu’il a négocié des aveux et qu’il a plaidé coupable aux infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité n’est pas pertinent. Le juge de première instance a reconnu la gravité de la situation et a clairement indiqué qu’il ne voulait pas que le cas du fonctionnaire soit cité en tant que précédent (voir la transcription de l’imposition de la peine, pièce 21, pages 19 et 20). Le fonctionnaire a reconnu qu’il savait que ses activités pouvaient mettre son emploi en péril.

73        Les faits essentiels de cette affaire ne sont pas contestés. Le fonctionnaire a admis qu’il avait pris part à une activité illégale en cultivant de la marijuana en 2013. L’agent Whyte a témoigné en disant que, lorsque la maison du fonctionnaire a fait l’objet d’une perquisition, la police a trouvé environ quatre kilogrammes de marijuana, un équipement d’installation de culture et un certain nombre d’armes, ce qui a été corroboré par la preuve de l’agente McFarlane. L’agent Whyte est un agent chevronné qui œuvre dans le domaine des stupéfiants. Son témoignage selon lequel il y avait des indications d’une installation de culture a donc un poids. Puisque la marijuana perd de sa puissance après un moment, la quantité trouvée en la possession du fonctionnaire était bien trop élevée pour sa consommation personnelle.

74        Le fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’il a acheté les sacs de hockey qui ont été utilisés au sous-sol de sa maison pour transporter l’équipement qu’il utilisait pour cultiver la marijuana et transporter le produit. Si la Commission accepte son témoignage selon lequel il expérimentait simplement avec la marijuana, alors pourquoi avait-il tout l’équipement requis pour une installation de culture dans sa maison? Tout ce qu’il a fait soulève des questions, en particulier puisqu’il travaillait dans un pénitencier. Des signaux d’alerte ont sûrement été envoyés, mais il les a ignorés. Il avait une intention claire de faire pousser de la marijuana sans autorisation, de manière contraire à la LRCDAS.

75        M. Hare a tenté d’obtenir les renseignements dont il avait besoin pour correctement tirer ses conclusions. Il a effectué un suivi à l’égard des préoccupations relatives au TSPT soulevées par le fonctionnaire, mais ce dernier n’a fourni aucun renseignement médical pour soutenir son existence (voir Baptiste c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 127). Le fonctionnaire avait le fardeau d’établir une défense médicale. L’employeur n’était pas tenu de rechercher les renseignements médicaux pour soutenir sa défense médicale.

76        Le processus pénal et celui lié à l’emploi étaient distincts et indépendants l’un de l’autre. L’employeur n’était pas obligé d’attendre que les accusations au criminel soient traitées avant de terminer le processus disciplinaire. Le fonctionnaire a choisi de ne pas coopérer avec le processus de l’employeur et il doit accepter les conséquences qui découlent de ce choix (voir Hughes c. Agence Parcs Canada, 2015 CRTEFP 75).

77        Le fonctionnaire avait l’obligation de coopérer entièrement avec le processus administratif. Il a attendu jusqu’à l’arbitrage pour présenter une défense médicale, même si, tout au long du processus, il savait que sa consommation de drogues, de médicament et de marijuana préoccupait le Dr Krys et qu’il a consulté des professionnels de la santé mentale. Les facteurs atténuants doivent être déterminés pendant le processus disciplinaire préalable. Cependant, en l’espèce, ils n’ont pas été soulevés avant l’arbitrage. Si le fonctionnaire avait fait l’objet d’un diagnostic de TSPT et qu’il avait besoin de marijuana pour traiter ce trouble, pourquoi ne l’a-t-il pas avancé comme défense dès le début? La raison est qu’il s’était autodiagnostiqué et s’automédicamentait. Il a fait un choix, en sachant qu’il était illégal, et l’a poursuivi illégalement.

78        À aucun moment le fonctionnaire n’a demandé de mesure d’adaptation pour son TSPT. Il a indiqué dans son témoignage qu’il le traitait de sa propre manière et qu’il ne l’a jamais soulevé au PK ou à l’EAR. M. Martin était prêt à collaborer avec le fonctionnaire pour élaborer une stratégie de présence, mais, sans raisons précises, ce n’est jamais arrivé. Ils devaient se rencontrer à l’automne de 2013, mais, à l’été de 2013, le fonctionnaire avait entrepris sa culture illégale de marijuana. Même M. Jardine ne savait pas que le fonctionnaire avait un TSPT. Les médecins qui ont témoigné n’étaient pas d’accord pour dire que le fonctionnaire avait un TSPT.

79        M. Muise a témoigné des effets des activités illégales du fonctionnaire sur la réputation de l’employeur. On ne lui a pas fourni de renseignements médicaux qui auraient atténué cet effet. Le fait que les médias identifiaient le fonctionnaire en tant que gardien de prison et qu’il n’y avait nulle part dans l’EAR où il pouvait travailler sans être compromis, s’il y retournait, préoccupait M. Muise. Le public et les détenus étaient au courant de ses activités illégales et de son accusation subséquente. M. Jardine a également témoigné du risque que le fonctionnaire soit converti par les détenus s’il retournait au lieu de travail. La preuve de M. Jardine confirmait le témoignage des témoins de l’employeur.

80        La preuve médicale avancée par le fonctionnaire n’était pas pertinente. Si elle était présentée à titre de facteur atténuant, elle n’a jamais été soulevée pendant le processus disciplinaire et elle était donc exclue, conformément aux principes énoncés dans Burchill v. Canada (Attorney General), [1981] 1 F.C. 109 (C.A.). Si l’aspect médical avait un quelconque effet sur le comportement du fonctionnaire, l’employeur aurait dû avoir l’occasion de l’étudier pendant la procédure de grief (voir Shneidman c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 192). S’il avait avancé une défense médicale, elle était insuffisante pour s’acquitter du fardeau de la preuve incombant au fonctionnaire. L’employeur n’était au courant de rien sur le sujet.

81         La preuve du Dr Smith est postérieure à la décision de l’employeur. La preuve du Dr Krys aurait peut-être été un facteur atténuant pertinent, mais elle aurait dû être présentée à l’audience disciplinaire et non à l’arbitrage. La preuve du Dr Krys aide en fait l’employeur, puisqu’il se dressait contre l’idée de consommer de la marijuana et qu’il n’a jamais établi un diagnostic de TSPT. Au contraire, il était préoccupé par la consommation d’alcool et de marijuana du fonctionnaire et par sa recherche de médicament.

82        Le fonctionnaire n’a exprimé aucun réel remords, pas même dans son propre témoignage.

83        La portée de l’examen de la Commission est de déterminer si la mesure disciplinaire imposée était juste et raisonnable dans toutes les circonstances ou, en d’autres mots, si la pénalité était appropriée pour le crime (voir Brown et Beatty, au par. 7:4100). Le licenciement a été maintenu à de nombreuses occasions dans des cas relatifs à la conduite en dehors des heures de travail (voir Crepeau; Basra c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 28; Casey c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2005 CRTFP 46; Dionne c. Conseil du Trésor (Solliciteur général – Service correctionnel Canada), 2003 CRTFP 69; Nicolas c. Administrateur général (ministère des Pêches et des Océans), 2014 CRTFP 40; Simoneau c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2003 CRTFP 57; Stokaluk c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2015 CRTEFP 24; Wells c. Conseil du Trésor (Solliciteur général – Service correctionnel Canada), dossier de la CRTFP 166-2-27802 (19971125). Le fonctionnaire doit avoir accepté les contraintes personnelles imposées aux titulaires de charge publique lorsqu’il a accepté un poste de CX (voir Lapostolle c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 138, au par. 71).

84        Il s’agit d’un cas grave d’un agent de la paix qui a participé à des activités illégales, ce qui soulève la question de sa capacité à exercer ses fonctions en question. Compte tenu de la communauté et de la nature publique des infractions du fonctionnaire, il y a eu des répercussions sur la réputation de l’employeur. Son activité illégale a été établie selon la prépondérance des probabilités et le licenciement était approprié.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

85        Burchill n’interdit pas d’admettre la preuve médicale du fonctionnaire. Burchill soutient le fait qu’un fonctionnaire ne peut pas présenter un nouveau grief en arbitrage qui diffère de celui traité pendant la procédure de réglement des griefs. Les griefs doivent être interprétés de manière libérale. La forme ne doit pas l’emporter sur le fond (voir Calabretta c. Conseil du Trésor (ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2015 CRTEFP 85). L’essence de ce grief est restée la même tout au long de la procédure, soit le licenciement injuste du fonctionnaire.

86        La pénalité imposée par l’employeur était excessive compte tenu des facteurs atténuants, en particulier la situation médicale du fonctionnaire. Il n’est pas nécessaire de présenter tous les facteurs atténuants et toute la preuve à laquelle se fier tout au long de la procédure de règlement des griefs. Le fonctionnaire a mentionné le TSPT pendant l’enquête disciplinaire, mais il y a eu de la confusion relativement aux personnes auxquelles ces renseignements devaient être communiqués. La preuve postérieure au licenciement est admissible si elle fait la lumière sur les circonstances qui existaient au moment auquel la décision du licenciement a été prise (voir Cie minière Québec Cartier c. Québec (arbitre des griefs), [1995] 2 R.C.S. 1095, (« Cie minière »); Conseil de l’éducation de Toronto c. Fédération des enseignants-enseignantes des écoles secondaires de l’Ontario, district 15, [1997] 1 R.C.S. 487; Spawn c. Agence Parcs Canada, 2004 CRTFP 25; Toronto Transit Commission v. Amalgamated Transit Union, Local 113, 2016 CanLII 38888).

87        La preuve médicale démontre que le fonctionnaire a souffert de maladie mentale au moins deux ans avant son arrestation. Il n’était pas diagnostiqué à l’époque. Les produits pharmaceutiques qui lui ont été prescrits peuvent avoir empiré sa maladie mentale non diagnostiquée.

88        Le fonctionnaire ne conteste pas que cette inconduite justifiait une mesure disciplinaire. La seule question est de déterminer si le licenciement était approprié dans les circonstances, compte tenu des facteurs atténuants. Il y a des différences dans les interprétations des événements, et les faits doivent être mis en contexte, y compris la maladie mentale du fonctionnaire, son dossier irréprochable et ses remords sincères.

89        Le fonctionnaire a joint le système correctionnel fédéral en 2011, après une carrière irréprochable auprès du système correctionnel provincial. Cela démontre que son comportement en 2013 était complètement contraire à sa personnalité. Après un incident où il y a eu recours à la force au PK à l’automne 2011, il a vécu de l’anxiété et et il a commencé à avoir des troubles du sommeil, qu’il a tenté de traiter de son côté. Sa maladie a commencé à affecter sa vie personnelle. Lorsqu’il a commencé à avoir des pensées suicidaires, il a commencé à consommer de l’alcool et il a vu le Dr Krys. Selon le Dr Smith, ce n’est pas inhabituel pour une personne qui souffrait d’un TSPT.

90        Le fonctionnaire a visité des urgences et des cliniques à de multiples occasions, pour essayer d’avoir de l’aide. Il a vu le Dr Khan, un psychiatre, mais ils ne s’entendaient pas. Par la suite, le fonctionnaire a été impliqué dans un accident de voiture; il a commencé à souffrir de douleurs accrues. Au moment où il a conclu que la marijuana médicale pourrait atténuer ses symptômes, il prenait une pléthore de médicaments et percevait que ses symptômes empiraient.

91        Ses collègues devaient avoir remarqué sa détresse. Le fonctionnaire a admis qu’il a été renvoyé au PAE, mais qu’il ne voulait pas l’utiliser puisqu’il ne faisait pas confiance à ses superviseurs. Les ressources que l’employeur avait mises en place étaient insuffisantes pour aider le fonctionnaire à traiter ses problèmes et à les cerner. Les employés, y compris le fonctionnaire, avaient peu de formation pour traiter les questions de santé mentale.

92        En 2013, le fonctionnaire avait autodiagnostiqué son TSPT. Par ses recherches sur Internet, il a découvert que la marijuana était utilisée pour traiter à la fois le TSPT et la douleur chronique. Ses médecins ne soutenaient pas sa consommation de marijuana, il a donc décidé de faire pousser la sienne. Par conséquent, il a réussi à réduire son utilisation de produits pharmaceutiques. Il a utilisé le produit qu’il faisait pousser. Il n’en a vendu à personne d’autre; il n’était donc pas impliqué dans un trafic. L’équipement trouvé par la police dans sa maison était utilisé pour cultiver la marijuana pour sa consommation personnelle.

93        Pendant l’enquête disciplinaire, l’avocat du fonctionnaire lui a dit de ne pas discuter des accusations criminelles en instance. Il a divulgué ses problèmes de santé à son employeur et pensait qu’il demanderait les renseignements médicaux au Dr Krys. Le fonctionnaire pensait que le docteur ne divulguerait aucun renseignement, sauf si son employeur les demandait et le fonctionnaire avait signé une décharge. Il a fourni certains renseignements sur ses problèmes médicaux, mais, aux moments pertinents, il n’avait aucun diagnostic professionnel. L’un de ses diagnostics a été rendu par Skype, par un médecin de l’Ontario, qui a prescrit la marijuana médicale. Ce renseignement a par la suite été confirmé par le Dr Smith, mais, à ce moment-là, le processus disciplinaire avait été terminé. Le fonctionnaire n’est toujours pas apte à travailler et demande des mesures d’adaptation.

94        En octobre 2015, le fonctionnaire a plaidé coupable à des accusations d’infraction punissable par voie de déclaration sommaire moindre et a été condamné. Avant cette accusation criminelle, il avait un dossier vierge et avait un excellent historique de rendement auprès de l’employeur. Plusieurs facteurs atténuants doivent être pris en considération, y compris qu’il a tout perdu, dont son emploi, et qu’il prenait des mesures pour traiter ses problèmes de santé.

95        Selon la preuve, d’autres personnes qui ont été reconnues coupables d’infraction punissable par voie de déclaration sommaire travaillent pour le SCC. Le fonctionnaire éprouve de grands remords pour ses actes, qu’il a exécutés alors que sa santé mentale était gravement compromise. Il n’avait jamais rien fait de semblable avant et n’a rien fait de semblable depuis. La marijuana était son dernier espoir.

96        Le licenciement n’était pas la seule option qu’avait l’employeur pour prendre des mesures disciplinaires à l’égard du fonctionnaire pour sa violation des Règles de conduite professionnelle et du Code de discipline (DC-060). La rétrogradation permanente a été considérée comme une pénalité appropriée dans Spawn et dans MacArthur c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2010 CRTFP 90.

97        Pareillement, des agents correctionnels ont été autorisés à conserver leur poste dans des circonstances telles qu’avoir plaidé coupable à l’attaque d’une épouse et d’une fille dans Government of Manitoba v. Manitoba Government Employees’ Union (1994), 39 L.A.C. (4e) 409. Dans cette affaire, l’employé avait déjà eu un dossier disciplinaire.

98        Dans Nova Scotia Government and General Employees Union v. Nova Scotia (Department of Justice) (2003), 125 L.A.C. (4e) 431, l’épouse d’un agent correctionnel provincial exploitait une installation de culture à leur maison. Le CX a admis qu’il était au courant et qu’il l’avait laissée faire. Son licenciement a été annulé et une suspension sans traitement d’un an y a été substituée en raison des examens de rendement positifs de l’employé, de sa compassion pour son épouse, de son remords sincère, des difficultés financières causées par son licenciement et de sa possibilité de réhabilitation élevée.

99        Pareillement, des licenciements ont été annulés dans : North York (City) v. C.U.P.E., Local 94, (1994), 43 L.A.C. (4e) 52; Nova Scotia (Department of Justice – Corrections) v. N.S.G.E.U., 2012 CarswellNS 1056; Nova Scotia (Department of Justice – Corrections) v. N.S.G.E.U., 2003 CarswellNS 710.

100        La conduite en dehors des heures de travail, y compris des activités criminelles, peut constituer un motif pour mettre fin à l’emploi, mais l’employeur doit établir que la poursuite de l’emploi de l’employé présente un risque grave pour ses intérêts (voir Oshawa General Hospital v. Ontario Nurses’ Association (1981), 2 L.A.C. (3e) 201). Des facteurs atténuants, en particulier les circonstances médicales du fonctionnaire, doivent être envisagés. Alors qu’il était au plus bas, il a pris une mauvaise décision. Il a accepté la responsabilité de ses actions et ne présente plus de risque de les répéter. La relation d’emploi n’a pas été endommagée de manière irréparable.

C. Contre-preuve de l’employeur

101        Dans son grief, le fonctionnaire a allégué qu’il y a eu violation de l’équité procédurale en conséquence de vices de procédure dans la procédure disciplinaire. Les facteurs atténuants qui n’ont pas été pris en compte, n’ont pas été soulevés tout au long de la procédure de règlement des griefs et doivent être considérés comme de nouveaux motifs pour le grief. Selon Burchill, un fonctionnaire ne peut pas présenter à l’arbitrage de nouveaux motifs pour un grief s’ils n’ont pas été soulevés tout au long de la procédure de règlement des griefs. Par conséquent, la Commission ne doit pas accepter cet argument. À aucun moment pendant la procédure de règlement des griefs, le fonctionnaire n’a présenté de preuve médicale qui atténuerait son comportement. Il lui incombait de s’acquitter de ce fardeau de produire cette preuve; l’employeur n’était pas tenu de la rechercher.

102        Le TSPT n’a pas causé l’éclatement de la famille du fonctionnaire. Son comportement en était la cause. En ce qui concerne son diagnostic de TSPT, le Dr Smith n’est pas un expert en TSPT. Il est médecin généraliste et sa preuve était contredite par celle du Dr Krys. Aucune preuve n’a été donnée selon laquelle le fonctionnaire souffrait réellement d’un TSPT par un psychologue, un psychiatre ou un autre expert du traitement des maladies mentales. La preuve n’était pas suffisante pour démontrer une défense médicale, puisqu’il y a une question sérieuse relative à la validité du diagnostic de TSPT.

103        Le fonctionnaire a pris part à une activité criminelle pendant une période. Il a effectué des recherches et une planification, et il a planté et cueilli sa culture illégale. Ce n’était pas une aberration ou un écart de jugement momentané. Selon la définition de la LRCDAS, le trafic comprend le transport de la substance illégale. Le fonctionnaire a transporté sa récolte d’une propriété voisine à sa propre maison dans des sacs de hockey achetés à cette fin. Techniquement, c’était du trafic.

104        Ce n’est pas un cas dans lequel la réintégration est appropriée. Même M. Jardine a témoigné en disant qu’il serait préoccupé si le fonctionnaire devait être réintégré à son poste de CX. La jurisprudence citée par l’avocate du fonctionnaire ne répond pas aux préoccupations légitimes de l’employeur et se distingue facilement quant aux faits.

IV. Motifs

105        Au début de mes motifs pour rejeter le présent grief, il est important d’établir certaines conclusions de faits qui ont eu un effet important sur la présente décision.

106        Le fonctionnaire a eu une longue carrière dans le monde correctionnel, mais il a été employé par le SCC seulement depuis 2011. Le 24 février 2014, la police de Miramichi a exécuté un mandat de perquisition visant sa résidence et a trouvé et saisi 4,22 kg de marijuana séchée et l’équipement d’une installation de culture, y compris des ballasts, de grands ventilateurs, des lampes aux halogénures et de la terre de rempotage. Des ficelles utilisées pour soutenir les plants de marijuana pendant leur croissance étaient attachées au plafond du sous-sol. Plusieurs gros sacs de hockey utilisés pour transporter le produit de l’installation de culture ont été trouvés. Le fonctionnaire a reconnu que tout cela était vrai.

107        Selon la preuve, le fonctionnaire tentait en fait de produire de la résine de cannabis au moyen des feuilles de cannabis se trouvant dans sa résidence. De la résine a été trouvée dans un flacon de pilules, de même qu’une quantité d’huile de marijuana. De plus, un certain nombre d’armes ont été trouvées non sécurisées dans la résidence. Le fonctionnaire a été accusé de trois actes criminels prévus par le Code criminel et la LRCDAS.

108        L’employeur a suspendu le fonctionnaire et l’a retiré du lieu de travail le 7 mars 2014. Il n’est jamais retourné à l’EAR.

109        L’employeur a effectué une enquête disciplinaire appropriée sur les allégations selon lesquelles le fonctionnaire avait violé les Règles de conduite professionnelle et le Code de discipline (DC-060). Il n’a pas participé de manière significative à l’enquête disciplinaire, pas plus qu’il n’a participé à l’audience disciplinaire tenue le 27 août 2014. Il a été licencié en date du 7 mars 2014, la date à laquelle il a d’abord été suspendu.

110        L’employeur n’était au courant d’aucune des questions médicales présentées à l’audience, y compris du fait que le fonctionnaire souffrait peut-être d’un TSPT et qu’il consommait de la marijuana pour traiter sa maladie qui, au moment de son licenciement, n’avait pas été diagnostiquée par un professionnel de la santé qualifié pour faire un tel diagnostic. Le fonctionnaire était la seule personne qui avait diagnostiqué qu’il avait un TSPT.

111        Le fonctionnaire a été congédié pour avoir violé la règle 2 des Règles de conduite professionnelle de l’employeur selon laquelle la conduite d’un employé, tant en fonction que hors fonction, doit faire honneur à SCC et à la fonction publique en général. Cette norme indique clairement que les employés qui commettent des actes criminels ou qui violent autrement la loi ne démontrent pas le type de comportement personnel et éthique considéré comme nécessaire par l’employeur.

112        Le deuxième motif de licenciement était une violation de la règle 2 du Code de discipline (DC-060), qui précise qu’un employé commet une infraction s’il commet un acte criminel ou une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire qui peut discréditer l’employeur ou qui peut affecter son rendement continu à SCC.

113        Le fonctionnaire a éventuellement plaidé coupable d’une accusation liée à la production d’une substance contrôlée, à la possession de la résine de cannabis et à l’entreposage non sécuritaire d’armes à feu, dans un aveu négocié en 2015. Par conséquent, il a été condamné à une peine avec sursis, à une période de probation, et à une interdiction absolue de transporter une arme à feu pendant 10 ans.

114        Comme il l’a lui-même admis, le fonctionnaire savait que le fait de cultiver la marijuana était illégal et que son emploi serait à risque s’il se faisait prendre. À cette fin, il a décidé de déguiser ses activités en plantant sa culture illégale sur une propriété voisine, à l’insu de ce voisin.

115        À aucun moment le fonctionnaire n’a exprimé de réels remords, pas même dans son témoignage. Si la marijuana était son dernier espoir, comme l’affirmait son avocate, il avait accès à des mesures pour en obtenir légalement. Au lieu d’agir ainsi, il a pris ses affaires en mains et a délibérément commis des actes illégaux, en sachant parfaitement bien que cela présentait des risques pour son emploi continu.

116        Je suis d’accord avec l’employeur. L’inconduite du fonctionnaire était une conduite hors du travail. Pour justifier l’imposition d’une mesure disciplinaire envers un employé en raison d’une inconduite commise hors fonction, l’employeur doit prouver, en fonction des circonstances, que le comportement en question a eu un effet préjudiciable sur sa réputation, qu’il a rendu l’employé incapable de s’acquitter correctement de ses obligations d’emploi, qu’il a fait que les autres employés refusaient de travailler avec cette personne ou qu’il empêchait l’employeur de gérer et de diriger efficacement le lieu de travail (facteurs Millhaven). Je conviens également que les fonctionnaires ont davantage de restrictions que les membres du grand public à l’égard de leur conduite en dehors des heures de travail (voir Lapostolle).

117        Ce ne sont pas tous les facteurs prévus par Millhaven qui doivent être remplis pour soutenir une cessation d’emploi en conséquence d’une conduite en dehors des heures de travail. Il suffit d’établir que la conduite en dehors des heures de travail du fonctionnaire a embarrassé l’employeur et a porté atteinte à sa réputation, ce que l’employeur a clairement établi. En l’espèce, cependant, il y a plus en jeu que la réputation de l’employeur. Il en va de la sécurité du personnel, des détenus et de l’établissement dans lequel le fonctionnaire était employé. Il en va également de la confiance du public envers le système correctionnel.

118        Il est attendu des CX qu’ils se conduisent d’une manière conforme aux lois du pays et à la promotion de la réhabilitation des détenus. Le fonctionnaire ne l’a pas fait. J’accepte la preuve des témoins de l’employeur selon laquelle sa conduite a entaché la réputation de l’employeur et que son comportement a fait qu’il était impossible qu’il agisse à titre d’agent de la paix, et que son comportement a fait qu’il était difficile pour l’employeur de travailler de manière sécuritaire et efficace (voir Millhaven Fibres Ltd.).

119        Le fondement du licenciement du fonctionnaire comprend le caractère inacceptable de ses actes et le fait qu’il a porté préjudice à la réputation de l’employeur et qu’il a violé les Règles de conduite professionnelle et le Code de discipline (DC-060) de l’employeur, de même que le Code de valeurs et d’éthique du secteur public. Ce sont ces actes qui ont entraîné la destruction de sa relation de confiance avec l’employeur. Le fait qu’il a plaidé coupable aux infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité dans le cadre d’un aveu négocié n’est pas pertinent en ce qui concerne le caractère approprié de la pénalité que l’employeur lui a imposée pour avoir violé ces politiques. La question reste de savoir si l’employeur avait un motif valable de prendre des mesures disciplinaires à l’égard du fonctionnaire et si la mesure disciplinaire était appropriée compte tenu des circonstances (voir Manitoba, au par. 98).

120        L’employeur a établi un lien entre l’activité illégale du fonctionnaire et la relation d’emploi. L’atteinte à sa réputation était suffisante pour établir le lien (voir les décisions Tobin et McArthur). Une preuve directe de l’atteinte à la réputation de l’employeur n’est pas nécessaire, mais, néanmoins, un certain nombre de témoins, dont le fonctionnaire, a témoigné en disant que la question a été très publicisée dans la petite communauté où l’employeur est l’un des principaux employeurs. Il y a également une preuve selon laquelle la population carcérale, dont une partie était emprisonnée pour des infractions semblables, était au courant.

121        L’employeur a clairement établi les deux motifs de licenciement. La gêne occasionnée pour sa réputation a continué même après le congédiement du fonctionnaire. Le règlement de ce processus pénal a été prolongé en raison des désaccords du fonctionnaire avec son avocat de la défense. Le processus criminel a fait l’objet de beaucoup d’attention de la part des médias et a indiqué que le fonctionnaire était un CX avant et après que la décision a été prise de le licencier. Cela suffit à établir que la conduite en dehors des heures de travail donnait une mauvaise image de lui en tant qu’employé et, par extension, du SCC. Il faut garder à l’esprit le rôle des CX dans le système pénal et l’effet sur l’opinion publique qu’aurait le fait qu’une personne reconnue coupable soit responsable de superviser d’autres personnes reconnues coupables.

122        Le fait que le fonctionnaire peut être capable d’occuper d’autres postes qui ne demandent pas d’armes à feu n’est pas pertinent. Par ces actions, il a fait qu’il n’est plus approprié qu’il soit un CX. L’employeur a établi un motif valable de prise de mesures disciplinaires à son encontre et a clairement démontré que sa conduite a détruit la relation employeur-employé. Le fait que, dans d’autres circonstances, des employés reconnus coupables d’infractions criminelles ont été réintégrés, comme le démontrent les nombreux cas avancés par l’avocate du fonctionnaire, ne vicie pas les préoccupations légitimes de l’employeur de protéger sa réputation. Ce n’est pas un cas dans lequel une rétrogradation était appropriée ou possible, comme c’était le cas dans MacArthur. Le CX-01 est le niveau le plus bas de la classification des CX.

123        L’employeur a affirmé que toute la preuve médicale présentée par le fonctionnaire n’est pas pertinente. Je ne suis pas d’accord. Le caractère vérifiable de ce grief est de déterminer si l’employeur avait un motif valable de licencier le fonctionnaire et, le cas échéant, si des circonstances atténuantes justifiaient une pénalité moindre. Le fonctionnaire a le droit de fournir une preuve qui contredit ou atténue la preuve de l’employeur. La preuve du fonctionnaire s’élève à une preuve médicale, selon moi, et elle doit être envisagée. De plus, puisque les audiences d’arbitrage sont des audiences de novo, les fonctionnaires s’estimant lésés ont le droit de présenter une preuve qui aurait pu changer le résultat du processus disciplinaire, si elle avait été connue de l’employeur au moment de la mesure disciplinaire, ou si l’employeur ne l’a pas envisagée.

124        Si l’aspect médical avait un quelconque effet sur le comportement du fonctionnaire en l’espèce, l’employeur aurait dû avoir l’occasion de l’étudier pendant la procédure de réglement des griefs (voir Shneidman et Spawn). L’employeur n’a pas eu cette occasion. Si le fonctionnaire avait participé au processus administratif d’une manière significative, comme il en avait l’obligation, puisque les processus criminels et administratifs liés à l’emploi étaient distincts, l’employeur aurait pu prendre ces renseignements en considération au moment de prendre sa décision. Cependant, l’employeur n’aurait pas eu l’opinion du Dr Smith, puisqu’il n’a pas participé avant le licenciement du fonctionnaire. Le seul avis qui aurait été disponible était celui du Dr Krys, qui ne soutenait ni le diagnostic de TSPT ni la consommation de marijuana par le fonctionnaire.

125        Le fait que le fonctionnaire suivait le conseil de son avocat n’excusait pas son manquement à participer au processus disciplinaire ni ne rendait la preuve pertinente. Ce fait n’excusait pas non plus l’attente du fonctionnaire selon laquelle l’employeur rechercherait un tel renseignement. Il n’incombait pas à l’employeur de prouver ou de réfuter l’existence de la défense médicale. Le fonctionnaire avait le fardeau de prouver une telle défense, ce qu’il n’a fait ni devant l’employeur ni pendant la présente audience. L’employeur n’était pas au courant de ces faits et ne pouvait pas les considérer en tant que facteur atténuant. De plus, le diagnostic n’est pas rétroactif à la période de l’infraction qui a donné lieu au processus disciplinaire. Par conséquent, il n’est pas pertinent à mes délibérations (voir Spawn, au par. 285).

126        Comme l’a précisée la Cour suprême du Canada dans Cie minière, au par. 13 :

13 […] un arbitre peut se fonder sur une telle preuve, mais seulement lorsqu’elle est pertinente relativement à la question dont il est saisi. En d’autres termes, une telle preuve ne sera admissible que si elle aide à clarifier si le congédiement en question était raisonnable et approprié au moment où il a été ordonné. Par conséquent, dès qu’un arbitre conclut que la décision de la compagnie de congédier un employé était justifiée au moment où elle a été prise, il ne peut plus annuler le congédiement pour le seul motif que des événements subséquents rendent, à son avis, cette annulation juste et équitable. […]

[Je souligne]

127        La preuve en l’espèce a démontré que le fonctionnaire, contre l’avis de son médecin, et sans en avoir le droit légal, a entrepris une activité qu’il savait être illégale. Afin de s’assurer une source de substance illégale, il a commencé à faire pousser son propre produit, en sachant que, s’il était découvert, cela serait préjudiciable à son emploi. À cette fin, il a planté sa culture illégale sur une propriété voisine sans que le propriétaire s’en doute, dans l’espoir que, si la culture était découverte, on ne pourrait pas remonter jusqu’à lui. Il est également clair que, peu importe la situation médicale du fonctionnaire, il savait que ce qu’il faisait était illégal et que cela aurait un effet sur son emploi si l’employeur le découvrait. Néanmoins, il a pris des mesures pour cacher ses activités en créant une situation dans laquelle une autre personne que lui aurait été responsable si les plants avaient été découverts avant qu’il les récolte. Ce manque d’égards pour la loi et pour les autres est contraire aux Règles de conduite professionnelle et le Code de discipline (DC-060) de l’employeur, de même que le Code de valeurs et d’éthique du secteur public.

128        Le fonctionnaire a fait preuve d’un manque flagrant de respect pour ses voisins dans sa tentative de déguiser son comportement en espérant que, s’il était découvert, cela n’aurait pas d’effet sur son emploi. Il a également manqué de respect envers les lois de ce pays. Il a manqué à son obligation d’être le modèle attendu des CX, comme c’était le cas pour l’enseignant dans Ontario College of Teachers v. Bhadauria,187 O.A.C. 296. Qui plus est, tout témoignage qu’il pourrait faire à l’égard des infractions commises dans l’établissement serait pris avec circonspection, s’il devait être réintégré, comme ce fut le cas dans R. c. McNeil, 2009 CSC 3, où le témoignage de l’agent de police ayant procédé à l’arrestation pendant le procès d’une personne accusée de possession de drogue manquait de crédibilité puisque l’agent avait été accusé d’infractions semblables. Les agents de la paix sont tenus de divulguer au procureur de la Couronne tous les renseignements liés à une inconduite par l’agent en cause dans l’affaire.

129        Le fonctionnaire était bien au courant des implications de ses activités illégales si elles étaient découvertes. Ses tentatives de les cacher le démontrent. Elles remettent non seulement en question son aptitude à être CX, mais indiquent également que la confiance que l’employeur avait en lui n’était pas justifiée, ce qui rend intenable la relation d’emploi continue. Comme cela a été dit dans Bridgen c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 92, au par. 106 :

106. En général, pour ce qui est d’établir ce qui représente une inconduite dans le cas d’un agent correctionnel, il ressort clairement de la jurisprudence que les agents correctionnels sont soumis à des règles de conduite plus rigoureuses que les employés qui assument d’autres fonctions (McKenzie c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 26, paragraphe 80). Il en est ainsi parce que [traduction] « les personnes engagées au sein des services correctionnels savent que leur employeur attend davantage de leur part que d’autres types de travailleurs » (Govt. of the Province of British Columbia v. B.C. Government Employees’ Union (Larry Williams Grievance), [1985] B.C.C.A.A.A. No. 26 (Chertkow) (QL); affaire citée dans Government of British Columbia v. British Columbia Government and Service Employees’ Union (Jaye Grievance), [1997] B.C.C.A.A.A. No. 813 (Hope), paragraphe 28 (QL)).

130        Il n’y a pas de facteurs atténuants devant moi qui auraient justifié une pénalité moindre si l’employeur les avait connus quand il a imposé la mesure disciplinaire. Contrairement à ce qu’a affirmé l’avocate du fonctionnaire, le fait que l’employeur n’a pas tenu compte des facteurs atténuants n’a pas causé la perte de la famille et de l’emploi du fonctionnaire. Les actes du fonctionnaire ont causé les deux. Il a perdu sa famille en raison de son comportement, selon la preuve. Il a perdu son emploi en raison de ses actes illégaux. Il n’y a pas eu de facteurs atténuants que l’employeur n’a pas pris en considération.

131        J’ai devant moi le fait qu’un agent de la paix responsable de la réhabilitation des délinquants n’a pas agi dans le meilleur intérêt des Canadiens et Canadiennes et a omis d’agir en tout temps avec intégrité et honnêteté. Il a activement cultivé de la marijuana sans l’autorisation de Santé Canada, en sachant que ce qu’il faisait était une infraction criminelle grave, tellement qu’il a tenté de cacher ses activités en faisant pousser sa culture sur la propriété d’une autre personne, pour préserver son emploi si la culture devait être découverte. Une pénalité moindre banaliserait la nature de sa violation des Règles de conduite professionnelle et le Code de discipline (DC-060) de l’employeur, de même que le Code de valeurs et d’éthique du secteur public.

132        Les allégations du fonctionnaire selon lesquelles on lui a refusé les principes de justice naturelle et que le processus d’enquête était défaillant n’avaient pas non plus de fondement. Il a eu une occasion de participer au processus pendant l’étape de l’enquête et de nouveau quand M. Muise l’a convoqué à l’audience disciplinaire. Sa décision de ne pas participer au processus disciplinaire d’une manière significative n’a pas rendu le processus défaillant; pas plus qu’elle n’équivaut à un refus de son droit d’être entendu. Comme cela était précisé dans Hughes, le processus disciplinaire est un processus administratif bien distinct des processus criminels. Ces processus peuvent être suivis de manière concurrente. L’employeur n’était pas tenu d’attendre le résultat du processus criminel avant de commencer le processus disciplinaire interne. Un employé qui refuse de participer au processus de l’employeur doit accepter les conséquences de ce refus, qui, en l’espèce, était que l’employeur a fondé sa décision de licencier le fonctionnaire sur les renseignements dont il disposait à l’époque.

133        Les deux parties ont présenté la jurisprudence pour soutenir leurs arguments. En raison de la vraie nature du cas devant moi, je n’ai pas traité chaque question individuellement. J’ai plutôt traité celles qui portent directement sur la vraie nature du litige entre les parties.

134        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

135        Le grief est rejeté.

Le 30 mars 2017.

Traduction de la CRTEFP

Margaret T. A. Shannon,
une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique

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