Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée était une employée classifiée au groupe et au niveau CX-02 à titre d’agente correctionnelle – elle a allégué faussement que son père était décédé et elle a utilisé son congé de deuil pour aller en vacances au Mexique – une enquête de recherche de faits a permis de déterminer qu’elle avait menti et qu’elle avait trompé l’employeur – au départ, elle a nié ces faits et elle a tenté de dissimuler la vérité pendant plusieurs semaines – elle a allégué qu’elle avait agi comme tel en raison de ses difficultés liées à la dépression et à l’alcoolisme – l’employeur l’a licenciée – la Commission a conclu que ses allégations de discrimination n’étaient pas fondées – on ne peut conclure qu’une déficience comme l’alcoolisme a une incidence quelconque sur une inconduite grave en l’absence d’une preuve en ce sens – la Commission a également conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée s’était adonnée à une inconduite justifiant une mesure disciplinaire et que la décision de l’employeur de la licencier était raisonnable et non excessive – la gravité de l’inconduite et le rejet constant de sa responsabilité par la fonctionnaire s’estimant lésée ont endommagé de manière irréparable le lien de confiance avec l’employeur – la Commission a conclu que la réintégration ne serait pas appropriée dans les circonstances. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20170111
  • Dossier:  566-02-7215
  • Référence:  2017 CRTEFP 2

Devant un arbitre de grief


ENTRE

MARY GALE CHATFIELD

fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA)

défendeur

Répertorié
Chatfield c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage


Devant:
Michael F. McNamara, arbitre de grief
Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Jack Haller, avocat
Pour l'employeur:
Martin Desmeules, avocat
Affaire entendue à Moncton (Nouveau-Brunswick),
du 28 au 30 mai 2013.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1         Mary Gale Chatfield, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), était une agente correctionnelle classifiée au groupe et au niveau CX-02, au service de Service correctionnel du Canada (l’« employeur »), à l’Établissement Nova, situé à Truro, en Nouvelle-Écosse. En décembre 2011, elle a informé l’employeur que son père était décédé et un congé de deuil lui a été accordé. Pendant son absence, l’employeur a obtenu des renseignements qui remettaient en question sa déclaration. Une enquête a été amorcée, révélant que la déclaration de la fonctionnaire au sujet du décès de son père était fausse et qu’elle était en réalité en vacances au Mexique. Lorsque les faits lui ont été présentés, la fonctionnaire les a niés et a activement tenté de dissimuler la vérité pendant plusieurs semaines. En guise de mesure disciplinaire, l’employeur a l’a licencié. Le 22 mars 2012, la fonctionnaire a déposé un grief contestant son licenciement.

2        L’employeur a rejeté le grief. En juin 2012, la fonctionnaire a renvoyé le grief à l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») aux fins d’arbitrage, puisqu’il s’agit d’une mesure disciplinaire ayant entraîné un licenciement (al. 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) (la « Loi »)). 

3        L’affaire a été entendue avant le 1er novembre 2014, date à laquelle la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur, créant ainsi la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission »), qui remplace l’ancienne Commission. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur. En vertu de l’article 396 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, l’arbitre de grief saisi d’un grief avant le 1er novembre 2014 continue d’exercer les pouvoirs prévus à la Loi, dans sa version antérieure à cette date. 

4        Pour les motifs indiqués ci-dessous, je conclus qu’au moment de son licenciement, la fonctionnaire n’a pas été l’objet de discrimination fondée sur une déficience de la part de son employeur. La mesure disciplinaire imposée était raisonnable et non excessive. 

II. Résumé des événements donnant lieu au licenciement

5        L’employeur a nommé la fonctionnaire pour une période indéterminée en décembre 2007, à titre d’agente correctionnelle, au poste d’intervenante de première ligne, dans le cadre d’un processus de nomination externe annoncé.  

6        Elle a exécuté son travail de manière satisfaisante au cours des années suivantes, tel qu’il est démontré dans ses évaluations du rendement annuelles jusqu’à la période se terminant en septembre 2011, durant laquelle la cote de la plupart de ses évaluations du rendement était de 3 sur 4, signifiant qu’elle atteignait ses objectifs la plupart du temps. Selon une des gestionnaires correctionnelles, Twila Deschambault, la fonctionnaire était une très bonne employée qui avait établi de bonnes relations personnelles avec ses collègues. 

7        Toutefois, dans les évaluations du rendement pour la période de 2009-2010, l’employeur a commencé à souligner que l’objectif relatif à la gestion des congés n’était pas satisfait. Plus particulièrement, le solde des crédits de congé de maladie de la fonctionnaire était négatif de plusieurs heures, malgré l’objectif qui avait été établi visant à éliminer ce solde négatif.

8        La fonctionnaire a indiqué qu’à compter de septembre 2008, son fils adolescent a éprouvé de sérieux problèmes de santé liés à la toxicomanie. En 2010, sa fille a également éprouvé des problèmes de santé. Afin d’aborder ces problèmes, son médecin a préparé et signé des notes ordonnant qu’elle ne travaille que des quarts de jours pendant plusieurs mois et qu’elle s’absente du travail pendant une période de trois semaines. De plus, la fonctionnaire s’est parfois absentée lors de quarts particuliers. L’employeur a accommodé ces demandes mais, en conséquence, la fonctionnaire a accumulé un solde négatif de crédits de congé de maladie. À la fin de l’exercice se terminant le 31 mars 2009, la fonctionnaire avait un solde négatif correspondant à environ 25 jours de congé de maladie. 

9        Le 11 septembre 2009, Mme Deschambault a rencontré la fonctionnaire afin d’examiner son utilisation de congé de maladie. La gestionnaire a déterminé qu’il n’existait aucune circonstance atténuante ou exceptionnelle justifiant un solde négatif de crédits de congé de maladie. Elle a ordonné à la fonctionnaire que tout autre congé de maladie soit certifié par un médecin, et ce, jusqu’à ce que le solde de ses congés de maladie redevienne positif, conformément au Programme national de gestion des présences de l’employeur. Au 31 mars 2011, le solde des congés de maladie de la fonctionnaire était toujours négatif, à hauteur d’environ 21 jours.

10        Le 22 août 2011, la fonctionnaire a été témoin d’une bagarre très violente entre deux détenues dans l’unité Milieu de vie structuré (MVS) de l’établissement. Comme elle était la seule agente correctionnelle dans l’unité où la bagarre a eu lieu, elle n’a pu intervenir directement; elle a attendu entre trois et quatre minutes avant l’arrivée de l’équipe d’intervention d’urgence.

11        La fonctionnaire a été marquée émotionnellement par l’incident. Elle a consulté une psychiatre qui lui a recommandé de s’absenter du travail pendant les quatre prochains jours de travail en raison d’un [traduction] « stress non géré découlant d’un incident critique en milieu de travail ». La psychiatre a ensuite rédigé une deuxième lettre, en date du 20 octobre 2011, dans laquelle elle a mentionné que la fonctionnaire devait s’absenter du travail à compter du 1er septembre 2011. Dans la lettre, la psychiatre a précisé que bien que la fonctionnaire n’éprouvait aucun symptôme continu du traumatisme découlant de l’incident, elle éprouvait un [traduction] « stress important » quant à l’intervention administrative en lien avec l’incident. La fonctionnaire a déposé une demande de prestations d’accidents du travail auprès de la Commission des accidents de travail (la « CAT ») de la Nouvelle-Écosse. Le 7 novembre 2011, la CAT a conclu que la demande de la fonctionnaire au sujet du stress ne permettait pas d’établir qu’elle avait subi un préjudice personnel découlant d’un accident survenu en raison et dans le cadre de son emploi.

12        Le 10 novembre 2011, la psychiatre de la fonctionnaire a rédigé une lettre à l’intention de l’employeur précisant que la fonctionnaire était prête à retourner au lieu de travail et à assumer toutes ses fonctions.

13        Le 13 décembre 2011, la fonctionnaire a informé l’employeur qu’elle était disponible pour travailler des heures supplémentaires pendant ses jours de congé prévus, pour la période du 14 décembre 2011 au 1er janvier 2012. Le même jour, elle a envoyé un courriel à l’employeur pour lui demander un congé annuel le dimanche 18 décembre 2011, mais sa demande a été refusée puisque le quota des absences permises avait été atteint. Le 18 décembre 2011, alors que le quart prévu de la fonctionnaire devait commencer, la gestionnaire correctionnelle en poste, Darlene O’Laney, a constaté qu’elle ne s’était pas présentée au travail. Elle a réussi à communiquer avec la fonctionnaire par téléphone plusieurs heures plus tard. La fonctionnaire a expliqué qu’elle avait passé la nuit à l’hôpital puisque sa fille de 14 ans y avait été emmenée en vitesse afin d’y subir une chirurgie urgente. En raison des circonstances, la fonctionnaire était bouleversée et, par conséquent, elle a omis d’appeler l’employeur pour l’informer qu’elle s’absenterait du travail. 

14        Conformément à l’horaire, la fonctionnaire devait être en repos du 19 au 21 décembre 2011. Selon un énoncé écrit préparé par une gestionnaire correctionnelle, Tina McNeil, qui n’a pas témoigné à l’audience, la fonctionnaire a appelé à l’établissement le 20 décembre 2011, à 23 h 56, pour signaler que son père était décédé et que les funérailles étaient prévues le 24 décembre, soit le jour de son prochain quart de travail. Elle a expliqué qu’elle partirait un jour ou deux d’avance afin de se rendre à Oshawa, en Ontario, où les funérailles auraient lieu. Elle a été informée qu’elle avait droit à un congé de deuil de cinq jours et que toute autre absence serait considérée comme un congé non payé non autorisé. La fonctionnaire n’a pas précisé de date de retour au travail. 

15        Le 21 décembre 2011, la fonctionnaire a téléphoné et a parlé avec un autre gestionnaire. Elle lui a dit qu’elle avait réservé un billet d’avion pour son retour, soit le 28 décembre en fin de journée, et que, par conséquent, elle ne serait pas en mesure de revenir à temps pour son prochain quart prévu le 29 décembre et qu’elle devrait également prendre un congé non payé non autorisé pour ce quart.

16        Finalement, la fonctionnaire a pris un congé non payé pour ses deux prochains quarts de travail (les 25 et 26 décembre), ainsi que ceux des 29 et 30 décembre, comme il est expliqué de manière plus détaillée ci-dessous. Les 27 et 28 décembre étaient des jours de repos prévus.

17        Dans son témoignage, Bruce Asselstine, un gestionnaire correctionnel, a parlé de la séquence des événements qui ont eu lieu pendant la période d’absence de la fonctionnaire, en fonction d’une chronologie qu’il a préparée après avoir parlé à un certain nombre de personnes. Le 29 décembre, à 23 h 30, la fonctionnaire a communiqué avec Mme O’Laney pour l’informer qu’elle tentait de revenir des funérailles de son père, mais qu’elle était coincée à l’aéroport de Toronto en raison du temps enneigé. La fonctionnaire a indiqué le numéro de vol. Mme O’Laney a vérifié le vol en ligne plus tard et a constaté que le vol était retardé et qu’il n’arriverait à Halifax qu’à 1 h 56. Par conséquent, la fonctionnaire était une fois de plus indisponible pour son prochain quart de travail de 16 heures prévu le 30 décembre.  

18        M. Asselstine a également indiqué que, pendant la période d’absence de la fonctionnaire, des rumeurs ont commencé à circuler parmi les autres agents correctionnels selon lesquelles la fonctionnaire était réellement au Mexique plutôt qu’à des funérailles, ce que ces autres employés trouvaient troublant. À un moment donné, des copies de captures d’écran tirées de la page Facebook de la fonctionnaire ont été glissées de manière anonyme sous les portes de bureau d’un certain nombre de gestionnaires, comme l’a confirmé Adele MacInnis-Meaghen, qui était la directrice de l’établissement à l’époque, dans son témoignage. 

19        Ces pages Facebook comprenaient plusieurs messages publiés par la fonctionnaire, dont un daté du 16 décembre, à 20 h 24, qui affirme [traduction] « Et c’est le début des congés! » Une autre publication du 18 décembre indique [traduction] « Meilleure nuit de ma vie avec mes meilleurs amis! Je vous aime! », suivie d’un autre message indiquant [traduction] « Ce sera un tequila sunrise. » Une photo de la fonctionnaire sur une plage, publiée le 26 décembre, est accompagnée du texte [traduction] « Jolie maman au Mexique! » Un message publié par la fonctionnaire le 26 décembre, à 21 h 8, comprenant une annotation qui semble avoir été générée automatiquement par Facebook indique que la fonctionnaire se trouvait à Puerto Vallarta, au Mexique. Vers la fin de la série de messages, il y a une note sous l’en-tête [traduction] « Activité récente » qui indique que [traduction] « Mary Gale aime Puerto Vallarta. » Une autre entrée faite immédiatement après un message daté du 30 décembre 2011, consiste en 39 photos publiées dans un album intitulé [traduction] « Mexique 2011 ». 

20        Le premier quart de travail de 2012 de la fonctionnaire était prévu le 3 janvier. À cette date, la fonctionnaire a téléphoné pour signaler qu’elle était malade. Elle a ultérieurement soumis un certificat médical daté du 4 janvier 2012, indiquant qu’elle devait s’absenter du travail les 3 et 4 janvier en raison de circonstances familiales qui exigeaient sa présence à domicile relativement à des problèmes continus. La lettre expliquait que des absences prolongées de son domicile pendant que ses enfants adolescents étaient présents causaient des problèmes à l’époque, il était donc recommandé qu’elle ne travaille que des quarts de jour jusqu’au 6 février afin de lui donner le temps d’aborder ces préoccupations. Une lettre subséquente d’un autre médecin, datée du 11 janvier 2012, recommandait également qu’elle accomplisse des heures réduites et des quarts de travail de jour uniquement jusqu’au 28 février 2012 [traduction] « pour des motifs médicaux ». Cependant, ce médecin a ultérieurement émis un autre billet, le 18 janvier 2012, indiquant qu’elle était apte à effectuer un retour au travail à cette date.

21        La fonctionnaire est néanmoins demeurée en congé non payé jusqu’au 23 janvier 2012, date à laquelle elle s’est présentée au travail pour la première fois après son absence prolongée. Selon un rapport rempli par M. Asselstine plus tard ce jour-là, dès son arrivée à l’établissement, la fonctionnaire a été informée qu’elle devait se présenter à une réunion dans les bureaux des gestionnaires correctionnels et qu’il était recommandé qu’elle soit accompagnée d’un représentant syndical. Plusieurs gestionnaires étaient présents à la réunion et la fonctionnaire était accompagnée d’un représentant syndical. Ils lui ont offert leurs condoléances pour le décès de son père, tout en mentionnant qu’ils avaient reçu des renseignements selon lesquels elle n’était pas à des funérailles et qu’elle avait utilisé le congé de deuil pour prendre des vacances. Elle a nié cette allégation et persisté à dire qu’elle s’était uniquement rendue à Oshawa pour les funérailles et qu’elle avait retardé son retour en raison du mauvais temps à Toronto. 

22        On a informé la fonctionnaire que la question pouvait être réglée facilement si elle présentait une copie du certificat de décès de son père. On lui a donné le reste de la journée de congé pour qu’elle puisse obtenir le document. 

23        Plus tard le même jour, la fonctionnaire a appelé M. Asselstine pour lui dire que le salon funéraire refusait de lui délivrer le certificat de décès et que des copies avaient été remises uniquement à sa grand-mère, qui était retournée en Floride et qui ne reviendrait pas avant le mois d’avril.

24        Le 24 janvier 2012, Mme MacInnis-Meagher a rencontré la fonctionnaire et lui a présenté une note de service indiquant qu’elle avait reçu des renseignements alléguant qu’elle pourrait avoir falsifié des demandes de congé pendant le mois de décembre 2011. Il y était également indiqué qu’une telle action, si elle était fondée, constituerait un manquement grave aux Normes de conduite professionnelle et du Code de discipline de l’employeur et au Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique. Mme MacInnis-Meagher a informé la fonctionnaire qu’une enquête de recherche de faits avait donc été mise sur pied. On a aussi informé la fonctionnaire que si les allégations étaient fondées, elle ferait l’objet d’une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.

25        La fonctionnaire a nié les allégations et a maintenu qu’elle se trouvait aux funérailles à Oshawa. Elle a soutenu que les entrées Facebook avaient été consignées par une autre personne, probablement son ancien petit ami, qui avait une attitude agressive à son égard depuis leur séparation plusieurs mois plus tôt. Après la réunion, la fonctionnaire a transmis à l’employeur plusieurs courriels provenant de cet ancien petit ami pour démontrer la colère qu’il éprouvait envers elle.

26        Mme MacInnis-Meagher a nommé Kathleen Legere-Newman, membre de la commission d’enquête de l’employeur, en vue de mener l’enquête et de préparer le rapport.

27        L’enquête a révélé que plusieurs collègues de la fonctionnaire qui connaissaient les membres de sa famille avaient conclu qu’elle ne pouvait pas être en deuil. Par exemple, lorsque l’une de ces collègues a appris que le père de la fonctionnaire était décédé, elle a communiqué avec les frères et sœurs de ce dernier pour leur offrir ses condoléances. Elle a été surprise d’apprendre qu’il était toujours en vie. Elle a transmis cette information à l’employeur. La fonctionnaire a éventuellement été informée de cette divulgation à l’employeur et, le 25 janvier 2012, elle a écrit un courriel à la collègue, lui expliquant que la personne avec qui elle avait communiqué était le frère ou la sœur de son père adoptif. La fonctionnaire a expliqué que c’était son père biologique qui était décédé à Oshawa, dans un refuge pour sans-abri, des suites d’une surdose.

28        La fonctionnaire a fait la même déclaration à Mme Legere-Newman, en précisant qu’elle n’avait appris que quelques années auparavant, en cherchant des renseignements sur les antécédents médicaux de sa famille, que son vrai père vivait en Ontario. Elle a donné son nom à l’enquêteur et a donné à M. Asselstine le nom du salon funéraire où il avait été enterré. Cependant, malgré des demandes répétées, la fonctionnaire n’a jamais produit un certificat de décès ou tout autre document confirmant son décès. En conséquence, M. Asselstine a décidé d’effectuer une recherche en ligne dans le site Web du salon funéraire et a trouvé la notice nécrologique d’un homme de ce nom. Il s’agissait d’une personne âgée de 41 ans au moment de son décès, donc plus jeune que la fonctionnaire et, par conséquent, il ne pouvait manifestement pas être son père biologique.

29        En s’appuyant sur tous ces renseignements, Mme Legere-Newman a publié son rapport le 12 février 2012. Le rapport comprenait plusieurs constatations, dont les suivantes :

  • La fonctionnaire ne s’est pas présentée au travail le 18 décembre 2011, elle n’a pas non plus appelé un superviseur pour signaler son absence, en contravention de plusieurs dispositions de l’ordre permanent 065, qui exige des employés qu’ils veillent à avoir suffisamment de crédits de congé avant de prendre un congé et d’informer les superviseurs des absences prévues au moins une heure avant le début d’un quart de travail.
  • La preuve a démontré que la fonctionnaire se trouvait réellement au Mexique lors de ses journées prévues de travail prévues, les 24 et 25 décembre 2011, malgré sa demande congé de deuil pendant cette période et ses déclarations qu’elle retournerait à bord d’un vol prévu à partir de Toronto le 28 décembre 2011 – en réalité, elle est revenue le 30 décembre 2011; elle a donc pris un congé non payé d’un jour. Ces actes contrevenaient à l’alinéa 6a) du Code de discipline CD060 de l’employeur, pour avoir omis de consigner ses présences ou les avoir consignées de façon frauduleuse. En outre, elle ne s’est pas conformée aux Normes de conduite professionnelle de l’employeur en ce qui concerne l’exécution responsable de ses tâches, qui exigent que les membres du personnel se conduisent d’une manière qui rejaillit positivement sur la fonction publique du Canada, ainsi qu’aux autres normes professionnelles. On a également conclu que la fonctionnaire n’avait pas respecté l’article 7.1 du Programme national de gestion des présences auquel elle était assujettie depuis 2009, en omettant de signaler toutes ses absences et de se conformer aux procédures de signalement établies.

30        Le rapport a été communiqué à la fonctionnaire le 22 février 2012, et elle a été conviée à se présenter à une audience disciplinaire le jour suivant. Le matin du 23 février 2012, la fonctionnaire a envoyé une lettre par courriel à Mme MacInnis-Meagher dans laquelle elle a reconnu avoir menti. Dans cette lettre, elle a également déclaré être une alcoolique et qu’elle avait bu de façon excessive pendant la période en question. Elle a écrit ce qui suit :

[Traduction]

Je suis une alcoolique. Pendant les mois de décembre et de janvier, j’ai consommé de l’alcool de manière excessive, j’ai menti et inventé toute cette histoire pour pouvoir continuer ma consommation excessive d’alcool. J’ai tellement honte. Je mens à mes amis, à ma famille et à mes collègues depuis des mois.

Je suis également suivie pour une grave dépression.

J’ai commencé à boire en juin après reçu de très mauvaises nouvelles. Ensuite, au mois d’août, lorsque l’incident a eu lieu dans le MVS, je me suis tournée vers l’alcool pour m’apaiser et ma consommation n’a cessé d’augmenter.

Je suis tellement désolée des problèmes et des dépenses que j’ai causés. J’ai cessé de boire (lorsque ma fille a fait une surdose), mais pas avant que tous ces dommages aient été faits. 

J’ai donc rapidement accepté le poste d’agente de libération conditionnelle de façon à ce que ma famille et moi-même puissions avoir la chance de prendre un nouveau départ. Mon fils fréquente un centre pour toxicomanes à Calgary et ma fille recevra les meilleurs soins pour ses reins à Calgary et à Edmonton. 

Mes médecins (Pace et Summers/Ellis) savent parfaitement ce qui se passe dans ma vie et je vous autorise à obtenir mes dossiers si vous le souhaitez. J’ai également une lettre de la Dre Pace indiquant qu’elle recommande que je fasse l’objet d’une mesure d’adaptation au poste d’agente de libération conditionnelle, car elle est au fait des difficultés que j’éprouve à l’établissement Nova et le stress qui en découle depuis l’incident du mois d’août.

Après avoir été escortée à l’extérieur de l’établissement Nova hier, je me suis effondrée et je me suis rendu compte de ce que j’avais fait. C’est là que j’ai atteint le fond du baril. 

J’accepte toutes les répercussions de mes actions et je continuerai de travailler sur ma sobriété.

Je vous remercie.

Mary Gale

31        La fonctionnaire a également indiqué à Mme MacInnis-Meagher qu’elle avait été malade toute la nuit et toute la journée en pensant à la réunion de ce jour-là et que, par conséquent, elle ne serait pas en mesure de retourner à l’établissement et de garder son sang-froid. L’audience disciplinaire a donc été reportée au 28 février 2012.

32        Lors de cette audience, selon Mme MacInnis-Meagher, la fonctionnaire a déclaré qu’elle avait bu de façon très excessive au cours de la période menant à son absence et, lorsqu’on lui a offert un voyage gratuit au Mexique, elle a décidé d’y aller. Elle a appelé la gestionnaire pour signaler que son père était décédé et a indiqué les dates de son absence. Lors de l’audience disciplinaire, la fonctionnaire a dit à Mme MacInnis-Meagher qu’elle était désolée de ses actes et elle demandé une deuxième chance. Comme elle l’a mentionné dans sa lettre, on lui avait donné la possibilité d’être nommé à un poste d’agente des libérations conditionnelles, ce qui lui permettrait d’avoir un nouveau départ.

33        Mme MacInnis-Meagher a fait valoir qu’elle ne savait pas avec exactitude pour quelle raison la fonctionnaire était désolée : pour avoir menti ou pour s’être fait prendre à mentir? Elle a indiqué que la fonctionnaire avait maintenu le mensonge même après la date à laquelle elle prétendait avoir cessé de boire.

34        Le 8 mars 2012, Mme MacInnis-Meagher a rendu sa décision sur la question. Elle a conclu que la fonctionnaire avait commis des actes d’inconduite flagrants, contrevenant clairement aux Normes de conduite professionnelle, au Code de discipline et au Code de valeurs et d’éthique de l’employeur. La directrice a conclu que la gravité de l’inconduite et le rejet constant de sa responsabilité par la fonctionnaire avaient endommagé de manière irréparable le lien de confiance avec l’employeur. En conséquence, Mme MacInnis-Meagher a licencié la fonctionnaire, à compter de ce même jour. Sa décision est rédigée comme suit :

[Traduction]

[…]

Madame Chatfield,

Le 30 janvier 2012, une ordonnance de convocation a été émise afin d’enquêter sur les allégations voulant que vous ayez falsifié des demandes de congé au cours du mois de décembre 2011. Une copie révisée du rapport d’enquête vous a été communiquée le 22 février 2012, et une audience disciplinaire a eu lieu en votre présence le 28 février 2012, afin de discuter des constatations du rapport.

Après avoir reçu le rapport d’enquête, vous avez admis avoir soumis une demande de congé de deuil frauduleuse pour la période du 24 au 26 décembre 2011. Ce n’est qu’après avoir été confrontée à une preuve très solide que vous avez avoué votre inconduite. D’après votre propre aveu, vous avez ensuite trompé la direction en créant une version élaborée des événements pendant le processus d’enquête disciplinaire.

J’ai examiné attentivement les faits et les circonstances de la présente affaire et, d’après l’enquête et vos propres aveux, j’ai conclu que vous avez soumis une demande de congé de deuil frauduleuse pour la période du 24 au 26 décembre 2011. En outre, j’ai conclu que vos actions subséquentes constituaient une tentative futile de dissimuler votre inconduite et de tromper la direction. Ce faisant, vous avez commis des actes d’inconduite flagrants, ce qui contrevient clairement aux Normes de conduite professionnelle et au Code de discipline – Directive du commissaire (CD) 060 du Service correctionnel du Canada.

Plus particulièrement, vous avez contrevenu à ce qui suit :

  • Normes de conduite professionnelle et Code de discipline : paragraphe 6a), omet de consigner ses présences ou celles d’un autre employé, ou les consigne de façon frauduleuse.
  • Normes de conduite professionnelle au Service correctionnel du Canada : Norme 1 (Responsabilité dans l’exécution des tâches) Les employés doivent avoir une conduite qui rejaillit positivement sur la fonction publique du Canada, en travaillant ensemble pour atteindre les objectifs du Service correctionnel du Canada. Ils s’acquitteront de leurs tâches avec diligence et compétence, et en ayant soin de respecter les valeurs et les principes décrits dans le document sur la Mission, ainsi que les politiques et procédures établies dans la législation, les directives, les guides et autres documents officiels.

De plus, je conclus que vos actions contreviennent au Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique en ceci que vous avez contrevenu à la section Valeurs éthique en omettant d’agir en tout temps d’une façon qui résiste à l’examen public le plus minutieux; une obligation dont on ne s’acquitte pas entièrement uniquement en respectant la loi.

Dans la détermination d’une mesure disciplinaire appropriée, j’ai tenu compte de tous les facteurs aggravants et atténuants, y compris votre déclaration récente selon laquelle vous êtes une alcoolique.

À ce titre, j’ai conclu que la gravité de votre inconduite et votre rejet constant de votre responsabilité pour vos actions ont endommagé de manière irréversible le lien de confiance qui est essentiel à la relation d’emploi. En conséquence, conformément aux pouvoirs qui me sont conférés en vertu de l’alinéa 12(1)c) et de l’article 12.2 de la Loi sur la gestion des finances publiques, je mets fin à votre emploi au Service correctionnel du Canada, à compter de la fin des heures de bureau le 8 mars 2012.

Conformément aux modalités de votre convention collective, vous avez le droit de présenter un grief individuel relativement à cette décision.

Pour terminer, j’aimerais vous rappeler que le Programme d’aide aux employés (PAE) est disponible pour vous aider en cette période. Vous pouvez communiquer avec n’importe lequel des agents de renvoi locaux ou au gestionnaire régional du PAE, […] à […].

Je vous prie d’agréer, Madame Chatfield, l’expression de mes sentiments respectueux.

Adele MacInnis-Meagher
Directrice
Établissement Nova pour femmes
[…]

35        Comme il a été mentionné plus tôt, le 22 mars 2012, la fonctionnaire a présenté un grief contestant son licenciement.

36        Dans son grief, elle a invoqué la disposition « Élimination de la discrimination » figurant à la clause 37.01 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (l’« agent négociateur »), dont la date d’expiration est le 31 mai 2010 et qui était toujours en vigueur à ce moment. Même si la fonctionnaire n’a pas précisé pour quel motif elle a soutenu avoir été victime de discrimination, sa lettre du 23 février 2012 mentionnait son alcoolisme et son état émotionnel relativement à l’incident survenu dans le MVS et les difficultés éprouvées avec sa famille. Comme il en sera question de façon élaborée ci-dessous, ces situations peuvent être imputées à un motif de distinction illicite.

III. MOTIFS

37        Il y a deux questions que je dois trancher dans le cadre du présent grief :

  • La décision de licencier la fonctionnaire était-elle discriminatoire?
  • La fonctionnaire a-t-elle fait preuve d’inconduite et, le cas échéant, la mesure disciplinaire imposée était-elle excessive?

A. Le licenciement était-il discriminatoire?

1. Les principes juridiques applicables

38        Comme il est établi ci-dessous, la clause 37.01 de la convention collective prévoit qu’un employé ne fera l’objet d’aucun acte discriminatoire ou mesure disciplinaire au motif d’une déficience mentale ou physique :

37.01 Il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un-e employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion au Syndicat ou son activité dans celle-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle il a été gracié.

39        Conformément au libellé de l’alinéa 226(1)g) de la version de la Loi en vigueur au moment du licenciement de la fonctionnaire, un arbitre de grief peut, relativement à toute question renvoyée à l’arbitrage, interpréter et appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne (la « LCDP »), sauf les dispositions relatives à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes, qu’il y ait ou non un conflit d’intérêts entre celle-ci et la Loi. Ce pouvoir est également prévu dans la version actuelle de la Loi (al. 226(2)a)). 

40        L’article 7 de la LCDP précise que le refus d’employer un individu, si ce refus est fondé sur un motif de distinction illicite, constitue un acte discriminatoire.

41        L’article 3 de la LCDP prévoit que la déficience constitue l’un des motifs de distinction illicites. Selon la définition prévue à l’art. 25, le terme « déficience » s’entend d’une déficience physique ou mentale, qu’elle soit présente ou passée, y compris le défigurement ainsi que la dépendance, présente ou passée, à l’alcool ou la drogue.

42        Lorsque des parties présentent une plainte en matière de droits de la personne, il leur incombe de présenter une preuve prima facie de discrimination, c’est-à-dire qu’elles doivent présenter une preuve qui porte sur les allégations formulées et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en leur faveur, en l’absence de réplique de l’employeur. (Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpson-Sears, [1985], 2 RCS 536, au par. 28).

43        Pour établir une preuve prima facie de discrimination aux termes de l’article 7 de la LCDP, la fonctionnaire doit établir ce qui suit :

  1. la fonctionnaire a une caractéristique qui est protégée (c’est-à-dire un des motifs de distinction illicites);
  2. l’employeur a refusé d’employer ou de continuer à employer, ou a défavorisé la fonctionnaire en cours d’emploi;
  3. la caractéristique protégée a été un facteur dans le traitement préjudiciable (voir Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 SCC 61, au par. 33. En d’autres termes, la fonctionnaire ne doit qu’établir l’existence d’un lien entre ce traitement et le motif de distinction illicite (voir Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 SCC 39, au par. 52).

44        En réplique, le défendeur peut réfuter l’allégation de discrimination prima facie ou présenter une argumentation fondée sur l’article 15 de la LCDP, pour laquelle la disposition pertinente en l’espèce est rédigée comme suit :

15(1) Ne constituent pas des actes discriminatoires :

a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l’employeur qui démontre qu’ils découlent d’exigences professionnelles justifiées; […]

45        En conséquence, le comportement de l’employeur ne sera pas considéré comme discriminatoire s’il peut être établi que son refus à l’égard de tout emploi est fondé sur une exigence professionnelle justifiée (« EPJ »).

46        Pour qu’une pratique soit considérée comme une EPJ, l’employeur doit établir qu’une mesure d’adaptation à l’égard des besoins de l’employé constituerait une contrainte excessive, compte tenu de la santé, de la sécurité et des coûts.

2. La fonctionnaire a établi une preuve prima facie de discrimination?

47        Pour les motifs décrits ci-dessous, je suis convaincu que la fonctionnaire, si on lui ajoute foi, a établi une preuve prima facie que la déficience a été un facteur dans la décision de l’employeur de la licencier. La preuve, telle qu’elle a été présentée par la fonctionnaire, serait complète et suffisante pour justifier un verdict en sans faveur, en l’absence d’une explication de l’employeur. Cependant, comme je l’explique de manière plus détaillée dans la prochaine section de cette décision, l’employeur a réussi à réfuter la preuve prima facie en démontrant que la fonctionnaire n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que sa déficience a eu une incidence quelconque sur ses efforts délibérés en vue de dénaturer ses absences et tromper l’employeur.

48        La fonctionnaire affirme qu’elle souffrait d’un certain nombre de problèmes de santé, dont l’alcoolisme et la dépression, au moment des événements qui ont mené à son licenciement. Ces questions ont été décrites dans sa lettre du 23 février 2012, qu’elle a présentée à l’employeur après avoir reçu une copie du rapport de Mme Legere-Newman.

49        Plus précisément, elle a souligné la façon dont elle a été affectée par la toxicomanie de son fils, les problèmes de santé de sa fille, l’agression dans l’unité du MVS dont elle a été témoin et le manque d’appui de l’employeur relativement à sa demande de SST par la suite, ainsi que par le harcèlement de son ex-petit ami et du choc lié au fait d’avoir rencontré une détenue dans un magasin local en octobre 2011. Elle a même eu à composer avec le vol et la perte totale de sa voiture au début de novembre 2011, incidents pour lesquels sa couverture d’assurance n’était pas suffisante. Elle soutient qu’à ce moment, elle était devenue un [traduction] « désastre ». Elle prenait des médicaments que son médecin lui avait prescrits pour traiter sa dépression. Toutefois, elle a également commencé à se traiter elle-même en consommant de l’alcool de façon excessive. 

50        Elle soutient qu’en raison de sa dépression et de sa consommation d’alcool, qu’elle a qualifiée d’alcoolisme, elle a cessé de [traduction] « penser clairement ». Elle a décrit son acceptation de l’offre de participer au voyage au Mexique comme une [traduction] « décision d’ivrogne », car cela ne lui ressemblait pas de laisser ses enfants seuls à la maison, notamment sa fille qui avait été soignée dans un hôpital quelques jours auparavant seulement. Elle soutient avoir été tellement affectée par son [traduction] « état d’ébriété » à cette époque qu’elle n’a même pas pris en considération à quel point ses publications Facebook et son bronzage révéleraient facilement à son employeur qu’elle avait été en vacances dans le Sud plutôt qu’en train de faire le deuil d’un être cher. Elle soutient qu’elle était trop malade mentalement pour savoir ce qu’elle faisait et que sa conduite en a été affectée, ce qui a mené à son licenciement.

51        Qui plus est, elle soutient que l’employeur était au courant de ces déficiences mentales lorsqu’il a pris la décision de la licencier. Elle a affirmé que Mme Deschambault était au courant de ses problèmes avec ses enfants, ce que la superviseure a reconnu dans sa preuve également. La fonctionnaire a aussi fait valoir qu’au cours d’une réunion au sujet de son évaluation du rendement annuelle, en septembre 2011, elle a dit à Mme Deschambault qu’elle prenait des antidépresseurs et qu’elle consommait de l’alcool. En contre-interrogatoire, la superviseure ne pouvait pas se rappeler si la fonctionnaire avait mentionné ces faits pendant sa réunion.

52        La fonctionnaire a convoqué Christina Marie Benvie, une collègue, comme témoin à l’audience. Mme Benvie a souligné que la fonctionnaire s’était souvent confiée à elle à propos de ses problèmes. À compter de l’automne 2011, Mme Benvie a commencé à remarquer des changements comportementaux chez la fonctionnaire, même si ces observations ont été apportées en dehors du milieu de travail puisque Mme Benvie était en congé à l’époque. Elle a constaté que la fonctionnaire était devenue maussade et qu’elle pleurait souvent. Elle a également vu beaucoup de bouteilles d’alcool vides à la résidence de la fonctionnaire, et ses enfants moins âgés lui demandaient souvent de les reconduire en voiture, car leur mère ne pouvait pas conduire étant donné sa consommation d’alcool. Mme Benvie a fait valoir qu’elle avait vu la plaignante boire de l’alcool en janvier et même en février 2012. Elle ne semblait pas sobre. Toutefois, Mme Benvie a mentionné qu’elle ne lui avait jamais dit qu’elle avait menti à l’employeur à propos de son congé de deuil. Mme Benvie a également reconnu qu’elle n’avait jamais dit à quiconque à l’établissement, y compris la direction, ce qu’elle avait constaté au sujet des actions de la fonctionnaire.

53        Je suis convaincu que si l’on ajoute foi à ces allégations, en l’absence d’une réponse de l’employeur, il y aurait lieu de conclure que la plaignante souffrait de déficiences, au sens de l’art. 25 de la LCDP, notamment de déficiences mentales qui comprenaient une dépendance à l’alcool, et que ces déficiences l’ont menée à mentir à l’employeur à propos du décès supposé de son père qui, à son tour, a mené à son licenciement. En l’absence d’une réplique de l’employeur, cette preuve serait complète et suffisante pour justifier un verdict en sa faveur.

3. L’employeur a-t-il fourni une réplique raisonnable et une explication quant à sa décision de licencier la fonctionnaire?

54        Je suis convaincu que l’employeur a répliqué de manière adéquate pour réfuter la preuve prima facie de la fonctionnaire. 

55        En premier lieu, je souligne que bien que l’employeur n’ait pas contesté les déficiences alléguées par la fonctionnaire, la seule affirmation claire à cet effet de la part de ses médecins est une lettre datée du 8 mars 2012, soit le jour de son licenciement, dans laquelle le Dr Sommers affirme qu’il traite la fonctionnaire depuis le 22 août 2011 pour différents problèmes de santé mentale qui font suite à l’incident du MVS dont elle a été témoin. Selon le diagnostic précis qu’il a établi, la fonctionnaire souffre d’alcoolisme, de dépression majeure, d’un trouble de l’anxiété et d’un trouble de stress post-traumatique. Le Dr Sommers n’a fourni aucun autre détail, outre la mention voulant que le plan de traitement comporte une thérapie comportementale cognitive et des médicaments et que la date prévue de retour au travail se situe dans un délai de trois à six mois. Aucun élément de preuve n’a démontré que cette lettre a été communiquée à l’employeur à l’extérieur du contexte des procédures de règlement des griefs.

56        Plus important encore, la fonctionnaire n’a pas établi que ses déficiences ont été un facteur dans les circonstances donnant lieu à son licenciement. Outre la simple affirmation de la fonctionnaire que ses déficiences étaient telles qu’elle a inventé une histoire à propos du décès de son père pour tromper l’employeur et obtenir un congé payé pendant qu’elle était en vacances au Mexique, aucun autre élément de preuve n’a été présenté par quiconque. Ni le Dr Sommers ni aucun autre de ses professionnels de la santé traitant n’ont témoigné à l’audience. Outre l’affirmation de la fonctionnaire selon laquelle ses déficiences ont fait en sorte qu’elle a cessé de [traduction] « penser clairement », il n’y a aucune preuve à l’appui de son affirmation selon laquelle sa déficience l’a menée à mentir à son employeur, voire à continuer à inventer des histoires, même après avoir prétendu qu’elle avait cessé de boire et, à la lumière de la preuve claire qu’elle s’était fait prendre en train de mentir. Les lettres du médecin n’indiquent aucunement que ses déficiences ont eu une incidence sur sa décision de tromper l’employeur.  

57        Comme l’a mentionné l’ancienne Commission dans Casey c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2005 CRTFP 46, aux par. 190 et 191, on ne peut conclure qu’une déficience comme l’alcoolisme a une incidence quelconque sur une inconduite grave en l’absence d’une preuve en ce sens. La seule conclusion qui peut être tirée dans de telles circonstances est que l’employé [traduction] « connaissait la différence entre le bien et le mal » et comprenait ce qu’elle faisait, notamment compte tenu du fait que la fonctionnaire a dit qu’elle avait cessé sa [traduction] « consommation excessive d’alcool » à la mi-janvier 2012.

58        En outre, je suis convaincu qu’une conclusion négative peut être tirée de la décision de la fonctionnaire de ne convoquer aucun de ses professionnels de la santé à témoigner et présenter des éléments de preuve relativement à des questions dans la mesure de leurs connaissances à propos de son affirmation selon laquelle elle a présenté une fausse demande congé de deuil des suites de ses déficiences. Je conclus de leur absence à l’audience que leur preuve n’aurait pas appuyé son affirmation (voir Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition, au par. 3:5120).

59        La fonctionnaire a tenté de soulever certains arguments pour faire valoir que l’employeur avait omis de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de ses déficiences en refusant de lui accorder un congé ou de l’aider à obtenir des prestations d’invalidité ou d’assurance-emploi. Ces arguments ne sont pas liés à l’affaire dont il est question. La preuve démontre que chaque fois que la fonctionnaire a demandé un congé au titre d’une maladie (et souvent en lien avec des problèmes concernant ses enfants), elle a été en mesure de prendre ce congé, même si parfois il s’agissait d’un congé non payé compte tenu de son solde de crédits de congé de maladie négatif. La question soulevée dans la présente affaire, cependant, n’est pas de déterminer si elle a fait l’objet d’une mesure d’adaptation antérieurement, mais plutôt si le licenciement qui lui a été imposé à titre de mesure disciplinaire relativement à sa demande de congé de deuil frauduleuse était discriminatoire. 

60        Pour ces motifs, je conclus que l’employeur a réussi à réfuter la preuve prima facie. En conséquence, la fonctionnaire n’a pas établi que l’employeur s’était adonné à une pratique discriminatoire en décidant de la licencier en guise de mesure disciplinaire pour avoir formulé une fausse demande de congé.

B. La sanction imposée à la fonctionnaire était-elle excessive?

1. La fonctionnaire a-t-elle fait preuve d’inconduite?

61        Comme l’a soutenu la Cour d’appel fédérale dans Basra c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 24, au par. 26, il incombe à l’employeur de démontrer les faits sous-jacents invoqués pour justifier l’imposition de la mesure disciplinaire, et ce, tant en ce qui concerne les faits justifiant son imposition que le caractère approprié de la mesure disciplinaire. La Cour a ajouté, aux par. 28 et 29, que dans les affaires concernant le Service correctionnel du Canada, la conduite disciplinaire est assujettie au Code de discipline et aux Normes de conduite professionnelles. La première tâche de la Commission dans l’arbitrage de telles affaires consiste à déterminer si l’employeur a démontré qu’on y a contrevenu.

62         L’employeur a correctement signalé que la falsification des registres des présences, comme l’a fait la fonctionnaire dans la présente affaire, est considérée comme du vol dans le cadre de l’arbitrage en matière de relations de travail (voir Brown et Beatty, au par. 7:3322). Une telle action équivaut à un [traduction] « vol de temps » à l’employeur, pour lequel il a payé sans recevoir les services de l’employé en retour. Le vol et les formes de malhonnêteté connexes, comme la fraude, ont toujours été qualifiés parmi les types d’inconduite les plus graves qu’un employé peut commettre (Brown et Beatty, aux par. 7:3310).

63        Qui plus est, la preuve présentée par l’employeur démontre des infractions au Code de discipline et aux Normes de conduite professionnelle ainsi qu’au Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique, comme il a été établi de manière plus détaillée dans la décision de licenciement datée du 8 mars 2012. La fonctionnaire a clairement contrevenu à l’alinéa 6a) du Code de discipline, qui interdit à un employé de consigner ses présences de façon frauduleuse. La fonctionnaire ne s’est certainement pas conduite d’une façon qui rejaillit positivement sur la fonction publique du Canada, comme l’exigent les Normes de conduite professionnelle et le Code de valeurs et d’éthique.

64        Le représentant de la fonctionnaire a reconnu dans ses arguments finaux que falsifier le motif en vertu duquel un congé payé est obtenu équivaut à une fraude et à du vol de temps. Cependant, il a fait valoir que la fonctionnaire dans la présente affaire n’avait pas l’intention de commettre une fraude. Elle était trop [traduction] « saoule » et n’était pas assez [traduction] « saine d’esprit » pour avoir l’intention requise ou mens rea de commettre la fraude. 

65        Le représentant de la fonctionnaire a fait référence à une conclusion dans une décision rendue par un conseil arbitral de l’assurance-emploi datée du 25 septembre 2012. Après le licenciement de la fonctionnaire, la Commission d’assurance-emploi du Canada a conclu qu’elle n’était pas admissible à recevoir des prestations régulières, car les actions ayant donné lieu à son licenciement constituaient une inconduite. Le conseil arbitral a accueilli son appel de cette décision et a conclu que son acte de présenter une fausse demande de congé de deuil et, par la suite, d’avoir trompé la direction pendant l’enquête n’était pas [traduction] « volontaire, ou à tout le moins d’une nature si insouciante que l’employé a volontairement ignoré les effets que ses actions auraient sur son rendement au travail ». Le conseil arbitral a ajouté que la fonctionnaire n’était [traduction] « pas dans un état mental lui permettant d’envisager les effets que son comportement aurait sur son emploi ».

66        Cependant, je souligne d’abord que le rôle déclaré du conseil arbitral dans cette décision n’était [traduction] « pas de déterminer si la décision de l’employeur est justifiée, mais plutôt de déterminer si les actions de l’employée constituaient une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi » [je souligne]. Outre le fait que les tribunaux administratifs ne sont habituellement pas liés par les conclusions des autres tribunaux, compte tenu de la qualification rendue par le conseil arbitral, ses conclusions ne m’offrent manifestement aucune aide dans la présente affaire. De plus, il n’y a aucune indication selon laquelle l’employeur a présenté des arguments devant cette instance. Le conseil arbitral semble s’être fié uniquement à la preuve de la fonctionnaire et aux documents présentés par la Commission d’assurance-emploi.

67        De toute façon, je me suis déjà penché sur la question de ce que le conseil arbitral a appelé son [traduction] « état mental » dans l’analyse de l’allégation de discrimination et j’ai déterminé que la fonctionnaire n’avait pas établi un lien entre ses déficiences et l’inconduite.

68        De plus, en ce qui concerne le point particulier soulevé par la fonctionnaire quant à son intention de commettre une fraude, comme le signalent Brown et Beatty au par. 7:3310, même lorsqu’une intention de voler ne peut être démontrée, un employeur peut imposer une mesure disciplinaire à un employé qui agit de façon malhonnête et de façon à remettre en question sa fidélité et sa fiabilité.   

69        En conséquence, je suis convaincu que la fonctionnaire s’est adonnée à une inconduite justifiant une mesure disciplinaire.

2. La mesure disciplinaire était-elle excessive?

70        Une fois que l’employeur établit un motif raisonnable pour imposer une mesure disciplinaire, il doit démontrer que cette dernière n’était pas excessive (Basra, au par. 29). 

71        L’employeur m’a renvoyé à la décision de l’ancienne Commission dans McKenzie c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 26, qui porte particulièrement sur la conduite attendue des agents correctionnels comme la fonctionnaire. Au paragraphe 80 de la décision, il est mentionné que la confiance et l’honnêteté sont les pierres angulaires d’une relation employeur-employé solide, surtout lorsque l’employé occupe un poste de confiance, et que les agents correctionnels sont soumis à des règles de conduite plus rigoureuses que les autres fonctionnaires. Les agents correctionnels sont les garants de l’intégrité et de la protection des lois du Canada, de l’établissement correctionnel, des détenus et du personnel. Toute érosion de la confiance qu’on leur porte ne pourra que saper les bases de l’organisation et avoir un effet négatif sur ceux qui s’en remettent à cette organisation. Les agents correctionnels sont plongés dans des situations où leur vie est souvent en danger. Par conséquent, l’agent correctionnel doit avoir la certitude que son collègue observe les règles de conduite et qu’il applique et respecte les lois du Canada avec beaucoup d’intégrité et de confiance.

72        L’employeur a établi que la fonctionnaire en l’espèce avait clairement rompu ce lien de confiance. Elle s’est adonnée à un effort calculé en vue de tromper l’employeur en inventant un mensonge à propos du décès de son propre père puis, lorsqu’elle y a été confrontée, en ajoutant à ce mensonge d’autres inventions à propos de l’identité de son père, de l’auteur des entrées sur Facebook, du certificat de décès, etc., dans le but de continuer à tromper l’employeur. Il ne s’agissait pas d’une simple erreur ou d’un oubli, mais d’un effort organisé de sa part pour tromper l’employeur dans le but de recevoir un congé de deuil payé, qui était l’une des formes de congé qui lui était toujours disponible, après avoir épuisé la totalité de ses crédits de congé de maladie et s’être vue refusée ses congés annuels en raison de l’application de quotas pendant les Fêtes. Comme il a été mentionné plus tôt, il s’agit d’un manquement flagrant aux codes et aux normes que l’employeur avait établis pour ses employés.

73        Cependant, même lorsqu’un employé s’est adonné à un acte de vol, le licenciement n’est pas toujours justifié. Les arbitres de griefs adoptent la méthode de pondération utilisée dans tous les cas disciplinaires pour déterminer si un employeur avait un motif valable de licencier un employé. Une grande variété de facteurs sont pris en considération pour déterminer ultimement si la confiance qui constitue le fondement de toutes les relations d’emploi peut être rétablie (voir Brown et Beatty, au par. 7:3314).

74        L’examen de ces facteurs dans la présente affaire justifie-t-il la réduction de la sanction du licenciement imposée par l’employeur? Un grand nombre des facteurs qui peuvent être pris en considération au moment de déterminer si une mesure disciplinaire devrait être atténuée ou modifiée ont été énumérés dans McKenzie, au par. 73, comme suit :

  • le dossier d’emploi de la fonctionnaire;
  • les états de service de la fonctionnaire;
  • si la faute de conduite était un incident isolé;
  • s’il y a eu provocation;
  • si la faute de conduite a été commise de manière impulsive, dans un moment d’égarement, ou si c’était un acte prémédité;
  • si la peine imposée a causé des difficultés financières à la fonctionnaire;
  • des preuves que les politiques du SCC n’étaient pas appliquées de manière uniforme, ce qui constituerait une forme de discrimination;
  • la probabilité que la fonctionnaire se soit méprise sur la nature ou sur l’objet d’une exigence du SCC;
  • si la fonctionnaire s’est excusée de sa faute de conduite;
  • si la sanction a été imposée au moment opportun;
  • si la fonctionnaire occupait un poste de confiance;
  • les possibilités de réadaptation de la fonctionnaire;
  • le manque de clarté possible des politiques du SCC;
  • l’âge de la fonctionnaire;
  • les facteurs médicaux qui pourraient avoir une incidence sur les questions en litige;
  • si on a manqué au devoir de tenir compte des besoins de la fonctionnaire;
  • si la fonctionnaire est désormais incapable de s’acquitter de ses fonctions de manière satisfaisante en raison de sa faute de conduite;
  • si la faute de conduite de la fonctionnaire constitue une violation du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, et si cette faute a porté atteinte à la réputation du SCC;
  • si les autres employés ou la direction refusent ou sont incapables de travailler avec la fonctionnaire ou ont des réserves à cet égard du fait de sa faute de conduite.

75        En abordant ces facteurs, je souligne une fois de plus que la fonctionnaire occupait un poste de confiance, et que la confiance qu’éprouvent les employés les uns envers les autres est très importante.

76        Quant à la nature de son inconduite, même si la fonctionnaire n’a été condamnée d’aucun crime, il a été conclu que des efforts comme ceux qu’elle a manifestés pour obtenir un congé auquel elle n’avait pas droit constituaient une forme de vol, comme je l’ai expliqué plus tôt dans la présente décision.

77        La fonctionnaire ne comptait pas un grand nombre d’années de service auprès de l’employeur, n’y ayant travaillé que pendant un peu plus de quatre ans lorsque la demande de congé frauduleuse a été présentée. Selon les éléments de preuve, son dossier d’emploi varie de satisfaisant à très bon, même si, dès sa deuxième année, l’employeur a dû gérer activement ses présences. Aucune mesure disciplinaire antérieure ne figurait à son dossier.

78        Une des considérations mentionnées dans McKenzie consiste à déterminer si l’incident était isolé. Même si aucun élément de preuve n’a établi que la fonctionnaire avait présenté d’autres demandes de congé frauduleuses, cet incident de tromperie n’était pas de nature singulière. Il était continu et elle a continué d’y donner suite pendant une bonne partie de 2012. Elle a mis fin à sa conduite seulement lorsqu’elle a été confrontée aux conclusions du rapport d’enquête. 

79        Rien ne porte à croire qu’elle a été poussée à mentir à l’employeur et je ne suis pas convaincu par l’affirmation de la fonctionnaire qu’il s’agissait d’un incident impulsif. Elle a souligné que quelques jours seulement avant de demander le congé de deuil, elle avait demandé de travailler des heures supplémentaires pendant les Fêtes et a maintenu que toute cette histoire était survenue parce qu’une personne non identifiée, à propos de qui elle n’a donné aucun détail, lui a prétendument offert un voyage au Mexique. Même si l’occasion n’était pas prévue, sa réponse ne peut pas être considérée comme une réaction soudaine et inattendue. Elle a délibérément inventé une histoire à propos d’un décès dans sa famille, qu’elle a maintenu pendant des semaines, et ce, afin d’utiliser frauduleusement un congé auquel elle n’avait pas droit. De toute évidence, il ne s’agit pas d’une réponse impulsive à la suite d’un moment d’égarement.

80        Aucun élément de preuve ne laisse entendre que les politiques de l’employeur n’étaient pas claires ou qu’elles n’étaient pas appliquées uniformément, que la fonctionnaire a été traitée différemment des autres employés, ou qu’elle n’avait pas bien compris la nature de la conduite dont on s’attend des fonctionnaires fédéraux et des agents correctionnels en particulier. La sanction lui a été imposée au moment opportun, dans le mois qui a suivi le rapport d’enquête.

81        Même si la fonctionnaire a éventuellement présenté ses excuses, elle ne l’a fait qu’après avoir été confrontée à la preuve incontestable figurant dans le rapport d’enquête selon laquelle elle avait menti en vue d’obtenir le congé de deuil. Elle a eu amplement l’occasion pendant près de deux mois après son retour du Mexique d’assumer la responsabilité de ses erreurs et de s’en excuser, mais elle ne l’a pas fait.

82        J’ai déjà rejeté l’argument de la fonctionnaire voulant que ses déficiences aient pu être un facteur dans sa décision de mentir à propos de son absence du travail.  

83        Durant son témoignage, la fonctionnaire a fait valoir que le licenciement avait eu à la fois des répercussions émotionnelles et financières sur elle, ce dont je n’ai aucun doute. Elle était dans la quarantaine, elle tentait d’élever seule une famille et elle devait composer avec des difficultés financières comme le vol de sa voiture. Elle n’a pas, semble-t-il, trouvé un emploi immédiatement après son licenciement, car elle a présenté une demande d’assurance-emploi. Elle a soutenu qu’elle s’était réhabilitée, après avoir commencé un programme de traitement pour sa dépendance. Son fils, qui est à l’origine de la plupart des problèmes dans son ménage, a déménagé. Elle s’est également assurée d’obtenir des soins de santé adéquats pour sa fille. Elle a soutenu qu’on pouvait maintenant lui faire confiance pour retourner au travail. 

84        Cependant, la preuve présentée remet en question la faisabilité d’un tel retour, compte tenu de la rupture du lien de confiance entre son employeur et elle et, plus important encore, avec ses collègues agents correctionnels. Ce sont eux qui, après avoir été informés de la demande de congé frauduleuse, ont manifesté de graves objections auprès de la direction. Il est difficile d’imaginer qu’ils lui accorderaient leur confiance pour travailler avec eux à l’avenir. 

85        Après avoir examiné tous ces critères et tous les facteurs atténuants, je maintiens ma conclusion que la fonctionnaire s’est adonnée à une forme d’inconduite qui a rompu le lien de confiance requis entre l’employeur et elle. La gravité de l’inconduite suffit à justifier son licenciement. Une réintégration dans son poste ne serait pas appropriée dans les circonstances. 

86        En conséquence, je conclus que la mesure disciplinaire imposée était raisonnable et non excessive.

87        Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

88        Le grief est rejeté.

Traduction de la CRTEFP

Le 11 janvier 2017.

Michael F. McNamara,
arbitre de grief

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