Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur a déposé un grief de principe contre l’intégration par l’employeur des périodes de service militaire dans la définition de « années de service » aux fins de l’établissement du calendrier des congés annuels – l’agent négociateur a soutenu que les périodes de service militaire doivent être incluses dans les années de service uniquement aux fins du calcul des crédits de congé annuel et non aux fins de l’établissement du calendrier des congés annuels – le terme « service » et l’expression « années de service » ne sont pas définis dans la convention collective – la Commission a noté que l’ensemble de la convention collective forme le contexte dans lequel les mots utilisés doivent être interprétés et qu’il pouvait servir à déterminer l’intention des parties – il était évident dans la façon dont l’expression « années de service » était traitée dans d’autres parties de la convention collective que les parties avaient l’intention de traiter l’expression différemment dans différentes parties de la convention – l’interprétation de l’employeur quant à la détermination des « années de service » comme incluant les périodes de service militaire, lors du règlement des conflits relatifs à l’établissement du calendrier des congés annuels, ne contrevenait pas à la convention collective.Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations
de travail et de l’emploi
dans la fonction publique et
Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20170222
  • Dossier:  569-02-171
  • Référence:  2017 CRTEFP 20

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Agence des services frontaliers du Canada)

employeur

Répertorié
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)


Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l'arbitrage


Devant:
John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique
Pour l'agent négociateur:
Dan Fisher, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Jenna-Dawn Shervill, avocate
Décision rendue sur la base d'arguments écrits,
déposés le 29 juillet et les 15 et 19 août 2016.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief de principe renvoyé à l’arbitrage

1        Le 5 juin 2014, l’agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« AFPC »), a déposé un grief de principe en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi ») contre l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« employeur » ou l’« ASFC »), indiquant ce qui suit :

[Traduction]

Exposé du grief

L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a contrevenu à la convention collective des Services frontaliers (date d’expiration : le 20 juin 2014) en intégrant, de façon inappropriée, les périodes antérieures de service militaire dans la définition de « années de service » aux fins de l’établissement du calendrier des congés annuels. Le service militaire doit être utilisé uniquement aux fins du calcul des crédits de congé annuel. Ce grief est fondé sur l’article 1 (Objet et portée de la convention) et l’article 34 (Congé annuel payé), ainsi que sur tout autre article connexe de la convention collective et du règlement. 

Mesure corrective demandée

  • Que l’Agence des services frontaliers du Canada n’intègre pas les périodes antérieures de service militaire dans le calcul des « années de service » aux fins de l’établissement du calendrier des congés annuels payés.
  • Le syndicat demande une réparation intégrale.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

2        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission ») qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

3        Le 4 février 2015, l’ASFC a rejeté le grief. Le 12 mars 2015, l’AFPC a renvoyé le grief à la Commission aux fins d’arbitrage.

II. Résumé de la preuve

4        Le 17 mars 2014, l’AFPC et le Conseil du Trésor (le « CT ») ont signé une convention collective pour tous les employés de l’unité de négociation du groupe Services frontaliers, qui a expiré le 20 juin 2014 (la « convention collective »).

5        Le paragraphe 2.02 de la convention collective précise que, sauf indication contraire, les expressions qui y sont employées, si elles sont définies dans la Loi, ont le même sens que celui qui leur est donné dans ladite loi et que, si elles sont définies dans la Loi d’interprétation (L.R.C., 1985, ch. I-21) mais non dans la Loi, elles ont le même sens que celui qui leur est donné dans la Loi d’interprétation.

6        L’article 34 de la convention collective porte sur les congés annuels payés. Le paragraphe 34.02 établit le nombre d’heures de congé annuel qu’un employé acquerra pour 75 heures de travail par mois. Les alinéas 34.02a) à g) établissent la façon dont les employés doivent acquérir des crédits de congé annuel, en fonction des années de service.

7        Le terme « service » n’est défini ni dans la convention collective ni dans la Loi ou la Loi d’interprétation.

8        L’expression « fonction publique » n’est pas définie dans la convention collective; toutefois, elle est définie au paragraphe 2(1) de la Loi comme suit :

fonction publique Sauf à la partie 3, l’ensemble des postes qui sont compris dans les entités ci-après ou qui en relèvent :

a) les ministères figurant à l’annexe I de la Loi sur la gestion des finances publiques;

b) les autres secteurs de l’administration publique fédérale figurant à l’annexe IV de cette loi;

c) les organismes distincts figurant à l’annexe V de la même loi. […]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

9        Le sous­alinéa 34.03a)(i) de la convention collective prévoit qu’aux fins du paragraphe 34.02 seulement, toute période de service au sein de la fonction publique, qu’elle soit continue ou discontinue, entrera en ligne de compte dans le calcul des crédits de congé annuel sauf lorsque l’employé-e reçoit ou a reçu une indemnité de départ en quittant la fonction publique.

10        Le sous­alinéa 34.03a)(ii) de la convention collective prévoit qu’aux fins du sous-alinéa 34.03a)(i) seulement, à compter du 1er avril 2012, les périodes antérieures de service des anciens membres des Forces canadiennes ayant servi pendant une période ininterrompue de six (6) mois ou plus, soit comme membre de la Force régulière ou de la Force de réserve de classe B ou C, doivent être incluses dans le calcul des crédits de congé.

11        L’alinéa 34.03b) de la convention collective prévoit que nonobstant l’alinéa 34.03a), l’employé qui faisait partie de l’une des unités de négociation énumérées ci-dessous à la date de signature de la convention collective pertinente ou l’employé qui a adhéré à l’une de ces unités de négociation entre la date de signature de la convention collective pertinente et le 31 mai 1990, conservera, aux fins du « service » et du calcul des congés annuels auxquels il a droit en vertu du présent paragraphe, les périodes de service antérieur auparavant admissibles à titre d’emploi continu jusqu’à ce que son emploi dans la fonction publique prenne fin.

Unités de négociation Dates de signature
AS, IS, PM Le 17 mai 1989
CM, CR, DA, OE, ST Le 19 mai 1989
WP Le 24 novembre 1989

12        Le paragraphe 34.05 de la convention collective est intitulé « Établissement du calendrier des congés annuels payés » et prévoit en partie ce qui suit :

34.05

a)       Les employé-e-s sont censés prendre tous leurs congés annuels au cours de l’année de congé annuel pendant laquelle ils sont acquis.

                   **

                   b)       Établissement du calendrier des congés annuels :

                             (i)       Les employé-e-s doivent présenter leur demande de congés annuels au plus tard le 15 avril pour les vacances estivales et au plus tard le 15 septembre pour les vacances hivernales. L’Employeur doit répondre à ces demandes au plus tard le 1er mai pour la période estivale et au plus tard le 1er octobre pour la période hivernale.

  Nonobstant le sous-alinéa précédent et avec l’accord de l’Alliance, l’Employeur peut modifier les dates de présentation des demandes de congés annuels. Le cas échéant, l’Employeur doit répondre aux demandes de congés dans les quinze (15) jours suivant ces nouvelles dates de présentations.

                             (ii)      Les périodes de congés annuels sont les suivantes :

- pour la période estivale, du 1er juin au 30 septembre;

- pour la période hivernale, du 1er décembre au 31 mars.

                             (iii)     Si le nombre de demandes de congés annuels pour une période donnée dépasse le nombre de congés que l’employeur peut accorder, en raison des nécessités du service, le facteur déterminant pour accorder les congés demandés est le nombre d’années de service tel qu’il est défini au paragraphe 34.03 de la convention. Pour la période estivale, le critère du nombre d’années de service est appliqué pour un maximum de deux (2) semaines par employé, afin que le plus grand nombre possible d’employé-e-s puissent prendre congé pendant les mois d’été.

[…]

13        L’article 25 de la convention collective est intitulé « Durée du travail ». Le paragraphe 25.17 est intitulé « Horaire de postes » et les alinéas 25.17a) et b) prévoient ce qui suit :

[…]

a) Si l’Employeur ouvre un horaire de poste en raison des nécessités du service ou parce qu’une ligne devient libre, il déterminera les qualifications requises avant de sonder les employés visés par l’horaire.

Si plus d’un employé-e ayant les qualifications requises choisit la même ligne sur l’horaire, le facteur déterminant pour attribuer la ligne est le nombre d’années de service tel qu’il est défini au sous-alinéa 34.03a)(i).

b) Au moment d’affecter le personnel en fonction d’un nouvel horaire établi, l’Employeur demandera à tous les employé-e-s visés par l’horaire à quelle ligne sur l’horaire ils souhaitent être affectés.

Si plus d’un employé-e ayant les qualifications requises choisissent la même ligne sur l’horaire, le facteur déterminant pour attribuer la ligne est le nombre d’années de service tel qu’il est défini au sous-alinéa 34.03a)i).

14        L’appendice B de la convention collective est un protocole d’entente entre le CT et l’AFPC concernant les aménagements d’horaires de postes variables (les « AHPV »). Il prévoit en partie ce qui suit :

3.1     L’Employeur doit établir les exigences relatives à l’affectation du personnel selon cet horaire.

3.2     L’Employeur doit demander à tous les employé-e-s visés par l’AHPV à quelle ligne sur l’horaire ils souhaitent être affectés.

          **

3.3     Si plus d’un employé-e ayant les qualités requises choisit la même ligne sur l’horaire, le facteur déterminant pour attribuer la ligne est le nombre d’années de service tel qu’il est défini au sous-alinéa 34.03a)(i).

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

15        L’appendice F de la convention collective est un autre protocole d’entente entre les parties et concerne la sélection des participants à la formation sur les armes à feu. Il prévoit en partie ce qui suit :

[…]

L’employeur sélectionnera, par trimestre et par région, les participants à la formation dans l’ordre suivant :

a) les employés qui sont volontaires pour participer à la formation sur les armes à feu;

b) les employés embauchés à partir du 31 août 2007, inclusivement, en commençant par l’employé qui a le moins d’années de service conformément à l’article 34.03;

ou

c) les employés embauchés avant le 31 août 2007 en commençant par l’employé qui a le moins d’années de service conformément à l’article 34.03.

[…]

I. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’agent négociateur

16        Le sous-alinéa 34.05b)(iii) de la convention collective a un effet prépondérant en ce qui concerne l’utilisation des années de service pour déterminer les congés qui seront accordés.

17        Le sous-alinéa 34.03a)(i) de la convention collective stipule que seules les périodes de service au sein de la fonction publique doivent entrer en ligne de compte dans le calcul des crédits de congé annuel.

18         Le sous-alinéa 34.03a)(ii) de la convention collective prévoit l’intégration des périodes antérieures de service des anciens membres des Forces canadiennes uniquement aux fins du calcul des crédits de congé annuel et doit être lu conjointement avec le paragraphe 34.02 pour l’accumulation de ces crédits.

19        Le libellé du sous-alinéa 34.03a)(ii) de la convention collective prévoit un facteur d’admissibilité précis qui indique ce qui suit : « doivent être incluses dans le calcul des crédits de congé », ce qui limite la portée de la reconnaissance des périodes de service antérieures aux fins du sous-alinéa 34.05b)(iii).

20        Dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2011 CRTFP 132, au paragraphe 29, on renvoie à une citation tirée de Canadian Labour Arbitration, Brown et Beatty, vol. 1, 4e édition, août 2011, paragraphe 4:2110, qui se lit comme suit :

[Traduction]

En cherchant à découvrir l’intention des parties à l’égard d’une disposition particulière de la convention, les arbitres ont généralement supposé que le libellé dont ils sont saisis doit s’entendre au sens normal ou habituel, à moins que cette interprétation ne donne lieu à une absurdité ou à une contradiction avec le reste de la convention collective, ou à moins que le contexte ne révèle que les mots sont employés dans un autre sens. […] On a toutefois affirmé que, lorsqu’il n’y a ni ambiguïté ni manque de clarté dans le sens, le libellé de la convention doit être appliqué, peu importe s’il entraîne une situation injuste ou oppressive, ou s’il est délibérément vague pour permettre d’apporter des ajustements convenus par les deux parties.

21        Afin de refuser d’accorder un droit prévu par la convention collective à un employé, le libellé de cette convention collective doit être clair. Le sous-alinéa 34.03a)(ii) de la convention collective contient la restriction requise en ce qui concerne le calcul des périodes de service uniquement aux fins de l’accumulation des congés annuels (voir United Nurses of Alberta, Local 121-R v. Calgary Regional Health Authority (2000), 93 L.A.C. (4th) 427).

22        L’application du sous-alinéa 34.03a)(ii) de la convention collective ne cause absolument aucun préjudice à l’employeur, puisque le libellé ne confère pas une reconnaissance équivalente quant à l’ancienneté ou aux périodes de service aux employés touchés ayant des périodes antérieures de service dans les Forces canadiennes.

23        En l’absence d’une reconnaissance du service des employés à l’égard desquels le sous-alinéa 34.03a)(i) de la convention collective s’applique, l’employeur élargit un droit qui n’était pas prévu aux fins de l’établissement du calendrier des congés annuels. Les employés qui n’ont pas servi dans les Forces canadiennes ne devraient pas être en concurrence avec les employés qui ont servi dans les Forces canadiennes lorsqu’ils soumettent leurs demandes de congés annuels.

24        Pour donner effet à l’interprétation de l’employeur, le sous-alinéa 34.03a)(ii) de la convention collective doit être conforme à la convention collective, ce qui n’est pas le cas. L’employeur a pris une disposition qui confère le droit de reconnaître des périodes de service aux fins du cumul des congés et l’a appliquée à la reconnaissance des périodes de service aux fins de l’établissement du calendrier des congés annuels (voir Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada),2009 CRTFP 66).

25        Le fait d’accepter l’interprétation de l’employeur aboutit à un résultat absurde, c’est-à-dire la reconnaissance d’un droit qui n’existe pas. En l’absence d’un libellé clair qui établit la reconnaissance d’une période de service aux fins de l’établissement du calendrier des congés annuels, conformément au sous-alinéa 34.03a)(i) de la convention collective, l’expression « doivent être incluses dans le calcul des crédits de congé », lorsque lu conjointement avec le sous-alinéa 34.05b)(iii), restreint une reconnaissance qui, autrement, serait complète.

26        Le libellé en question doit être appliqué uniformément dans le contexte de la convention collective. Selon l’interprétation de l’employeur, un libellé qui, autrement, aurait été clair, entraîne maintenant un résultat non voulu.

27        L’agent négociateur demande à la Commission de déclarer que l’employeur a contrevenu au paragraphe 34.03 de la convention collective et d’ordonner au CT et à l’ASFC de respecter leurs obligations en vertu de la convention collective.

B. Pour l’employeur

28        Selon Association canadienne des employés professionnels c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2013 CRTFP 100, il incombe à l’agent négociateur de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur a contrevenu à la convention collective (voir le paragraphe 21).

29        L’article 229 de la Loi prévoit qu’au moment de déterminer l’interprétation d’une disposition d’une convention collective, la décision d’un arbitre de grief ne peut avoir pour effet d’exiger une modification à une convention collective ou à une décision arbitrale (voir Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil national de recherches du Canada,2013 CRTFP 88; (« IPFPC c. CNRC »)).

30        Selon le paragraphe 61 de IPFPC c. CNRC, au moment d’évaluer la signification d’une convention collective, la Commission examine en premier lieu le libellé de la convention collective. Les preuves extrinsèques sont pertinentes uniquement lorsque le libellé contesté est manifestement ou subtilement ambigu.

31        Selon le paragraphe 51 de Chafe et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112, un arbitre de grief est tenu de déterminer l’intention réelle des parties au moment où elles ont conclu la convention collective. Pour ce faire, l’arbitre de grief doit utiliser le sens ordinaire des termes utilisés par les parties, sauf si cette interprétation donne lieu à un résultat absurde.

32        Selon le paragraphe 78 de IPFPC c. CNRC, conformément au paragraphe 4:2110 de Brown et Beatty, les parties sont réputées avoir eu l’intention de dire ce que la convention collective indique.

33        À la page 31 de Collective Agreement Arbitration in Canada, 4e édition, Palmer et Snyder indiquent qu’un arbitre de grief devrait donner un sens différent aux termes différents.

34        Selon le paragraphe 51 de Chafe,ainsi que le paragraphe 4:2150 de Brown et Beatty, le contexte dans lequel un mot s’inscrit est essentiel à la détermination de son sens. Un arbitre de grief doit tenir compte de l’ensemble d’une convention collective, puisque, dans son intégralité, elle forme le contexte dans lequel les mots utilisés doivent être interprétés.

35        Tant Chafe que Delios c. Canada (Procureur général),2015 CAF 117, soutiennent que le fait qu’une disposition particulière semble injuste ne constitue pas une raison pour qu’un arbitre de grief l’ignore si la disposition est autrement claire.

36        Au paragraphe 4:2100, Brown et Beatty prévoient que si la Commission doit faire un choix entre deux interprétations admissibles sur le plan linguistique, elle doit se servir des éléments suivants pour prendre une décision :

  • l’objectif de la disposition en question;
  • le caractère raisonnable de chaque interprétation possible;
  • la faisabilité sur le plan administratif;
  • si l’une des interprétations donne lieu à des anomalies.

37        Le paragraphe 34.05 de la convention collective porte sur l’établissement du calendrier des congés annuels payés; le sous-alinéa 34.05b)(ii) porte sur les situations où il y a davantage de demandes de congé que ce qui est possible d’en accorder sur le plan opérationnel et permet d’accorder des congés selon le nombre d’années de service. Au sous-alinéa 34.05b)(iii), l’expression « années de service » revêt le sens que lui donne le paragraphe 34.03 de la convention collective.

38        Le paragraphe 25.17 de la convention collective porte sur les horaires de postes et, encore une fois, dans le cas d’un conflit, l’horaire sera déterminé selon les années de service. L’expression « années de service » au sens du paragraphe 25.17 est définie au sous-alinéa 34.03a)(i) de la convention collective. Au paragraphe 3 de l’appendice B, le protocole d’entente concernant les AHPV prévoit également une résolution des conflits fondée sur les années de service. L’expression « années de service » s’entend au sens défini au sous-alinéa 34.03a)(i).

1. L’interprétation de l’agent négociateur entraîne un résultat absurde

39        Selon l’agent négociateur, l’inclusion des périodes antérieures de service dans les Forces canadiennes dans l’interprétation du sous-alinéa 34.05b)(iii) de la convention collective entraîne un résultat absurde et reconnait un droit qui n’existe pas. Ses arguments n’ont pas clairement démontré pourquoi ce droit n’existe pas.

40        L’insistance de l’agent négociateur sur le mot « seulement » à plusieurs endroits dans ses arguments est trompeuse et incohérente. Tant le sous-alinéa 34.03a)(i) de la convention collective que le sous-alinéa 34.03a)(ii) contiennent le mot « seulement ». Les deux clauses limitent l’application de la définition de l’expression « années de service » aux dispositions précédentes de la convention collective.

41        Les sous-alinéas 34.03a)(i) et 34.03a)(ii) de la convention collective soulignent que la période de service (au sein de la fonction publique ou des Forces canadiennes) devrait être incluse dans le calcul des crédits de congé. Dans ses arguments, l’agent négociateur s’interroge à savoir pourquoi l’expression « doivent être incluses dans le calcul des crédits de congé » a été ajoutée au sous-alinéa 34.03a)(ii). L’employeur soutient que, selon son sens clair et ordinaire, cette phrase est clairement utilisée pour imiter la construction du sous-alinéa 34.03a)(i) et lier les deux dispositions. Dans la version anglaise, l’utilisation du mot « also » ([traduction] « également ») au sous-alinéa 34.03a)(ii) est tout aussi indicatif.

42        Le mot « also » n’est pas défini dans la convention collective. Comme il est établi dans Chafe,la Commission peut examiner s’il existe une compréhension ou une définition ordinaire et généralement acceptée du sens de ce mot.

43        Le dictionnaire Merriam-Webster définit le mot « also » comme signifiant [traduction] « également » ou [traduction] « de la même façon ». L’employeur soutient que d’une façon uniforme et semblable, toute période de service au sein de la fonction publique entre en ligne de compte dans le calcul des crédits de congé annuel (sous-alinéa 34.03a)(i) de la convention collective) et que toute période de service dans les Forces canadiennes décrite au sous-alinéa 34.03a)(ii) entre également en ligne de compte dans le calcul des crédits de congé annuel. L’argument de l’agent négociateur selon lequel l’expression « doivent être incluses dans le calcul des crédits de congé » restreint, d’une certaine façon, une reconnaissance complète, n’est pas justifié.

44        L’utilisation du mot « seulement » aux sous-alinéas 34.03a)(i) et (ii) de la convention collective n’empêche pas l’utilisation des deux définitions de l’expression « années de service » à d’autres endroits dans la convention collective, par exemple, au sous-alinéa 34.05b)(iii) de la convention collective, qui porte sur l’établissement du calendrier des congés annuels.

45        Si le sous-alinéa 34.03a)(ii) de la convention collective doit être ignoré parce qu’il prévoit qu’il s’applique « seulement » aux fins du cumul de crédits de congé annuel, alors, logiquement, le sous-alinéa 34.03a)(i) de la convention collective devrait également l’être. Les deux dispositions indiquent qu’elles s’appliquent « seulement » aux fins de la clause qui les précède et chacune indique que sa définition de l’expression « années de service » doit être incluse dans le calcul du cumul des crédits de congé annuel.

46        Si les définitions qui figurent aux sous­alinéas 34.03a)(i) et (ii) de la convention collective se limitent « seulement » au cumul de crédits de congé annuel, comme le soutient l’agent négociateur, alors un résultat absurde s’ensuivrait, puisque plusieurs autres paragraphes de la convention collective (les paragraphes 34.05, 25.17 et le paragraphe 3 de l’appendice B) seraient erronés, étant donné qu’ils tirent leur définition de l’expression « années de service » du paragraphe 34.03 ou du sous­alinéa 34.03a)(i). Sans le paragraphe 34.03, ces paragraphes seraient dénués de sens.

2. Le sens clair et ordinaire du paragraphe 34.03 de la convention collective comprend les sous-alinéas 34.03a)(i) et (ii)

47        Le sous-alinéa 34.05b)(iii) de la convention collective prévoit que lorsqu’il y a davantage de demandes de congé que ce qui peut être approuvé à un moment donné, les « années de service », telles qu’elles sont définies au paragraphe 34.03 de la convention collective, doivent être utilisées pour accorder les demandes. Il est clair que le sous-alinéa 34.05b)(iii) renvoie à l’ensemble du paragraphe 34.03, et que la définition de l’expression « années de service » n’est pas limitée, d’aucune façon que ce soit, par une partie quelconque du paragraphe 34.03, tel qu’il est allégué par l’agent négociateur.

48        Le paragraphe 34.03 de la convention collective ne contient aucune disposition principale. Il est composé de deux sous­alinéas, a)(i) et a)(ii). Le sens clair et ordinaire du paragraphe 34.03 inclurait nécessairement les deux sous­alinéas, le contraire entraînerait le résultat absurde voulant que la définition du paragraphe 34.03 soit circonscrite de façon inappropriée.

49        L’interprétation de l’agent négociateur faisant valoir que le renvoi au paragraphe 34.03 dans le paragraphe 34.05 ne vise que l’application du sous-alinéa 34.03a)(i), ne peut simplement pas être retenue.

3. Lorsqu’il est lu dans le contexte de l’ensemble de la convention collective, le paragraphe 34.03 comprend les sous­alinéas 34.03a)(i) et (ii)

50        Lorsque le paragraphe 34.05 de la convention collective est lu dans le contexte de l’ensemble de la convention collective, l’interprétation de l’employeur de l’expression « années de service » dans la disposition sur l’établissement d’un calendrier des congés annuels est évidente.

51        Les alinéas 25.17a) et b) de la convention collective, qui portent sur l’horaire de postes, ainsi que le paragraphe 3 de l’appendice B, concernant les AHPV, précisent que seules les « périodes de service au sein de la fonction publique » doivent être comprises dans la définition de l’expression « années de service », ce qui signifie qu’il renvoie uniquement au sous­alinéa 34.03a)(i).

52        Étant donné le principe d’interprétation de la convention collective qui consiste à donner une signification différente à des termes différents, le sous­alinéa 34.03a)(i) et le paragraphe 34.03 de la convention collective ne peuvent avoir le même sens. L’employeur soutient que le sous­alinéa 34.03a)(i) est clairement un sous­ensemble du paragraphe 34.03. Par conséquent, dans les parties de la convention collective qui renvoient au paragraphe 34.03, comme celles relatives à l’établissement du calendrier des congés annuels, ce paragraphe doit inclure les périodes de service au sein de la fonction publique et les périodes antérieures de service dans les Forces canadiennes (lorsque l’employé satisfait aux critères).

53        Au paragraphe 34.05 de la convention collective, les parties ont clairement choisi d’utiliser l’expression « paragraphe 34.03 » plutôt que « sous­alinéa 34.03a)(i) ». L’employeur soutient que le libellé différent dans la convention collective a été utilisé pour une raison et qu’on doit lui accorder une signification. Par conséquent, les périodes antérieures de service dans les Forces canadiennes doivent être incluses dans le calcul des « années de service » aux fins du paragraphe 34.05. Le fait d’interpréter le paragraphe autrement entraînerait un résultat absurde qui irait à l’encontre des principes d’interprétation de la convention collective.

4. L’équité n’est pas une raison pour ignorer un libellé clair

54        L’agent négociateur soutient que l’inclusion des périodes de service dans les Forces canadiennes serait injuste, puisque cela forcerait les membres d’une même unité de négociation à être en concurrence entre eux. L’employeur nie que son interprétation de la convention collective est injuste. Dans l’ensemble du libellé de la convention collective, les parties ont choisi de reconnaître les périodes de service au sein des Forces canadiennes aux fins du cumul et de l’établissement du calendrier des crédits de congés annuels.

55        La question de l’équité dépend également du point de vue de chacun des membres de l’unité de négociation. Il est défendable de faire valoir que, en ce qui concerne l’établissement du calendrier des congés annuels, un agent des services frontaliers (ASF) qui possède une année de service devrait avoir priorité par rapport à un autre ASF qui possède moins d’une année de service, mais 20 années de service à titre d’ancien membre des Forces canadiennes.

56        Tel qu’il a été établi dans Chafe, même si le fait d’inclure les périodes antérieures dans les Forces canadiennes dans le calcul aux fins de l’établissement du calendrier des congés annuels peut sembler injuste, ce n’est pas une raison pour la Commission d’ignorer la disposition, puisque cette dernière est autrement claire.

5. Le préjudice à l’employeur n’est pas pertinent, puisque le libellé est clair

57        L’agent négociateur a fait valoir que son interprétation du sous­alinéa 34.03a)(ii) de la convention collective ne cause absolument aucun préjudice à l’employeur. Puisque le libellé de la convention collective est clair, la question du préjudice n’est pas pertinente. L’employeur m’a renvoyé au paragraphe 39 de Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada),2011 CRTFP 132.

58        L’employeur soutient que le grief devrait être rejeté.

C. La réponse de l’agent négociateur

59        L’agent négociateur soutient qu’il a respecté son obligation d’établir qu’il y avait eu contravention de la convention collective. L’employeur a conféré un droit qui n’existe pas et ne s’est pas conformé au libellé précis figurant au sous­alinéa 34.03a)(ii) de la convention collective.

60        L’employeur a soutenu que l’expression « doivent être incluses dans le calcul des crédits de congé », a clairement été utilisée pour imiter la construction du sous­alinéa 34.03a)(i) de la convention collective et le lier au sous­alinéa 34.03a)(ii); l’agent négociateur est en désaccord.

61        L’agent négociateur indique que l’utilisation du terme « also », dans la version anglaise du sous­alinéa 34.03a)(ii) de la convention collective avait pour but de reconnaître les années de service uniquement aux fins des crédits de congé annuel, comme le libellé qui suit le confirme. Le terme « also » n’élargit pas une reconnaissance autrement limitée du cumul des crédits de congé annuel. Pour que la position de l’employeur soit fondée, le libellé devrait comprendre un libellé supplémentaire ou précis qui élargirait la reconnaissance des « années de service » aux fins de l’établissement du calendrier des crédits de congés annuels, ce qui n’est pas le cas.

62        L’employeur a soutenu que le sous­alinéa 34.03a)(i) de la convention collective était quelque peu ignoré dans l’interprétation de l’agent négociateur du sous­alinéa 34.03a)(ii); il ne l’est pas. Si l’intention du sous­alinéa 34.03a)(i) avait été d’inclure toute période de service, y compris celles dans les Forces canadiennes, les parties n’auraient pas précisé le droit restreint du cumul des crédits de congé annuel qui se trouve au sous­alinéa 34.03a)(ii).

63        Le paragraphe 25.17 de la convention collective, qui porte sur l’établissement des horaires de postes, et le paragraphe 3 de l’appendice B ne dépendent pas du sous­alinéa 34.03a)ii) de cette même convention collective.

64        Si les parties avaient eu l’intention de reconnaître toutes les années de service afin d’inclure les employés qui ont des périodes antérieures de service dans les Forces canadiennes, alors le libellé aurait été compris au sous­alinéa 34.03a)(i) et aucun autre qualificatif n’aurait été inclus au sous­alinéa 34.03a)(ii), limitant ainsi la portée de la reconnaissance.

IV. Motifs

65        Ce grief porte sur la question restreinte du règlement des conflits dans le cadre de l’établissement du calendrier des congés annuels en vertu du paragraphe 34.05 de la convention collective. Le sous­alinéa 34.05b)(iii) de la convention collective souligne que lorsqu’il y a davantage de demandes de congé annuel pour une période donnée que ce qui peut être approuvé, en raison des nécessités du service, le facteur déterminant pour régler le conflit est le nombre d’années de service, comme le prévoit le paragraphe 34.03 de la convention collective.

66        En ce qui concerne l’interprétation du libellé de la convention collective, la loi est assez bien établie. La personne qui prend la décision doit déterminer l’intention des parties en examinant le libellé de la convention collective (voir Chafe) et doit présumer que les parties avaient l’intention que les mots utilisés signifient ce qu’ils affirment (voir IPFPC c. CNRC). De plus, tel qu’il est établi dans Chafe, le fait qu’une disposition particulière puisse sembler injuste n’est pas une raison pour l’ignorer; l’arbitre de grief n’a pas le pouvoir de modifier le texte. En effet, l’art. 229 de la Loi interdit spécifiquement aux arbitres de grief de modifier les conventions collectives.

67        Malheureusement, la convention collective ne définit pas le terme « service » ou l’expression « années de service ». Le présent litige résulte du fait que l’employeur a inclus dans la définition de l’expression « années de service », les années de service que les employés visés par la convention collective auraient pu accumuler pendant qu’ils n’étaient pas employés par l’employeur, mais bien à titre de membres des Forces canadiennes. L’agent négociateur n’est pas d’accord. Il a fait valoir que bien que les années de service à titre de membre des Forces canadiennes soient incluses dans la définition aux fins du cumul de crédits de congé annuel en vertu du paragraphe 34.02 de la convention collective, elles ne le sont pas dans la définition en vertu du sous­alinéa 34.05b)(iii) portant sur le règlement des conflits relatifs à l’établissement du calendrier des crédits de congés annuels.

68        Le sous­alinéa 34.03a)(i) de la convention collective se lit comme suit : « Aux fins du paragraphe 34.02 seulement, toute période de service au sein de la fonction publique, qu’elle soit continue ou discontinue, entrera en ligne de compte dans le calcul des crédits de congé annuel […] ». L’expression « fonction publique » n’est pas définie dans la convention collective; toutefois, elle est définie dans la Loi. Ainsi, cette définition s’applique en vertu du paragraphe 2.02 de la convention collective. Par conséquent, aux fins du sous­alinéa 34.03a)(i), en ce qui concerne le cumul des crédits de congé annuel, les employés (au sens défini par la convention collective) doivent cumuler ces crédits en fonction de leurs années de service dans la fonction publique, qui comprend les ministères et organismes énumérés aux annexes I et IV de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. 1985, ch. F-11).

69        Le sous­alinéa 34.03a)(ii) de la convention collective modifie le sous­alinéa 34.03a)(i) de cette même convention en indiquant ce qui suit : « Aux fins du sous­alinéa 34.03a)(i) seulement, à partir du 1er avril 2012, les périodes antérieures de service des anciens membres des Forces canadiennes ayant servi pendant une période ininterrompue de six (6) mois ou plus […] doivent être incluses dans le calcul des crédits de congé ».

70        Lorsque lu conjointement, les sous­alinéas 34.03a)(i) et (ii) de la convention collective prévoient que, à compter du 1er avril 2012, aux fins du calcul des crédits de congé annuel d’un employé, toute période de service, que ce soit au sein de la fonction publique ou à titre de membre des Forces canadiennes, doit être utilisée pour effectuer ce calcul. Alors, selon ma lecture des sous­alinéas 34.03a)(i) et (ii), un employé « A », à une date ultérieure au 1er avril 2012, s’il est au service de la fonction publique depuis 20 ans, bénéficie de 20 années qu’il peut utiliser aux fins du calcul de ses crédits de congé annuel au paragraphe 34.02. Après le 1er avril 2012, si l’employé « B » a une année de service au sein de la fonction publique et 20 années de service dans les Forces canadiennes, alors aux fins du paragraphe 34.02, il aura 21 années de service.

71        L’alinéa 34.03b) de la convention collective ajoute une autre dimension au calcul des crédits de congé annuel en vertu du paragraphe 34.02 de cette même convention, en prévoyant ce qui suit :

Nonobstant l’alinéa a) ci-dessus [alinéa 34.03a)], l’employé-e qui faisait partie de l’une des unités de négociation énumérées ci-dessous […] conservera, aux fins du « service » et du calcul des congés annuels auxquels il ou elle a droit en vertu du présent paragraphe, les périodes de service antérieur auparavant admissibles à titre d’emploi continu jusqu’à ce que son emploi dans la fonction publique prenne fin.

72        Aux sous-alinéas 34.03a)(i), (ii) ou b) de la convention collective, le paragraphe 34.03 ne fait que fournir une orientation quant à la façon dont le « service » doit être utilisé pour calculer les crédits de congé annuel au profit des employés en vertu du paragraphe 34.02 de cette même convention collective.

73        Toutefois, le paragraphe 34.05 de la convention collective porte sur l’établissement d’un calendrier des congés annuels, par opposition au cumul de crédits de congé annuel. Le sous­alinéa 34.05b)(iii) porte uniquement sur un conflit qui se produit lorsqu’il y a trop de demandes de congé annuel pendant la même période et qu’elles ne peuvent donc pas toutes être approuvées. Conformément à cette disposition, lorsque cette situation se produit, le facteur déterminant doit être le nombre d’« années de service », au sens du paragraphe 34.03 de la convention collective.

74        Comme je l’ai cité plus tôt dans les présents motifs, le terme « service » et l’expression « années de service » ne sont pas définis dans la convention collective. Toutefois, au paragraphe 51 de Chafe, il est indiqué que je dois également tenir compte du reste de la convention collective, puisque la convention dans son ensemble forme le contexte dans lequel les termes utilisés doivent être incorporés et peut aider à déterminer l’intention des parties. 

75        Si la convention collective est étudiée dans son ensemble, à trois autres endroits, les parties prévoient un règlement des différends au moyen des « années de service »; toutefois, on ne renvoie pas toujours à la même disposition.

76        L’article 25 de la convention collective porte sur la durée du travail et comporte de nombreux paragraphes, alinéas et sous­alinéas. Le paragraphe 25.17 porte sur les horaires de postes. L’alinéa 25.17a) porte sur les situations où un horaire de poste est ouvert et l’alinéa 25.17b) porte sur l’affectation du personnel en fonction d’un nouvel horaire établi. Les deux alinéas contiennent la possibilité qu’un conflit survienne au moment de l’affectation du personnel ou du changement de l’horaire qui nécessiteraient, comme l’agent négociateur l’appelle, une disposition prépondérante permettant de déterminer qui serait affecté à quelle période. Que ce soit à l’alinéa 25.17a) ou b), les « années de service », telles qu’elles sont définies au sous­alinéa 34.03a)(i) de la convention collective, constituent l’élément prépondérant, et non pas les années de service définies au paragraphe 34.03, comme il est mentionné au sous­alinéa 34.05b)(iii), mais précisément celles définies au sous­alinéa 34.03a)(i) seulement. 

77        De même, à l’appendice B de la convention collective, la disposition sur le protocole d’entente concernant les AHPV est semblable aux alinéas 25.17a) et b) de cette même convention collective. Le paragraphe 3 porte sur la sélection et l’attribution d’une ligne à l’horaire pour l’AHPV, ce qui pourrait également créer des conflits entre les employés concernant l’attribution des horaires. Le paragraphe 3.3 prévoit le mécanisme de résolution de conflit, qui est également précisé comme étant les « années de service » telles qu’elles sont définies au sous-alinéa 34.03a)i) de la convention collective, et non pas les années de service définies au paragraphe 34.03, comme il est mentionné au sous­alinéa 34.05b)(iii), mais précisément celles définies au sous­alinéa 34.03a)(i) seulement. 

78        L’appendice F de la convention collective, soit le protocole d’entente concernant la sélection des participants à la formation sur les armes à feu, prévoit que l’employeur doit sélectionner les participants par région, trimestriellement, dans un ordre particulier, au moyen de l’une des dispositions qui définit l’expression « années de service » au sens du paragraphe 34.03 de la convention collective, et non au sens du sous­alinéa 34.03a)(i).

79        Au paragraphe 25.17 de la convention collective et au paragraphe 3 de l’appendice B, les parties ont déterminé qu’en ce qui concerne la résolution des différends en vertu de ces paragraphes particuliers, l’expression « années de service » s’entend au sens du sous­alinéa 34.03a)(i) de la convention collective, qui est différent du celui du sous­alinéa 34.05b)(iii) de cette même convention. Si les parties avaient voulu exclure les sous­alinéas 34.03a)(ii) et b) du sous­alinéa 34.05b)(iii), elles auraient pu le faire, comme elles l’ont fait au paragraphe 25.17 et au paragraphe 3 de l’appendice B de la convention collective; elles ne l’ont pas fait.

80        L’utilisation du libellé des alinéas 25.17a) et b) et du paragraphe 3.3 de l’appendice B, dans lequel la convention collective traite du règlement des conflits en se servant des « années de service » au sens du sous­alinéa 34.03a)(i), donnerait lieu à l’utilisation des années de service telles quelles sont définies par l’expression « fonction publique », ce qui exclurait le service dans les Forces canadiennes.

81        L’agent négociateur a soutenu que le renvoi au paragraphe 34.03 dans le paragraphe 34.05, qui se veut une définition de l’expression « années de service » aux fins de résolution de conflit, vise seulement le sous­alinéa 34.03a)(i). Il a fait valoir que puisque le libellé du sous­alinéa 34.03a)(ii) précise que ce n’est qu’aux fins du sous­alinéa 34.03a)(i), alors la disposition est limitée à être utilisée uniquement pour modifier le sous­alinéa précédent. Cet argument doit être rejeté pour la simple raison que si je l’acceptais, je ne pourrais le justifier à la lumière de la même disposition figurant au sous­alinéa 34.03a)(i), qui commence par « Aux fins du paragraphe 34.02 seulement […] ». Si j’acceptais cet argument, il s’ensuivrait logiquement que le fait d’accepter que le sous­alinéa 34.03a)(i) signifie que l’expression « années de service » est le terme déterminant aux fins de résolution des conflits concernant l’établissement de calendriers, tel qu’il est rapporté au paragraphe 25.17 et au paragraphe 3 de l’appendice B, serait également erroné, et ce, pour les mêmes motifs, c’est-à-dire que le paragraphe ne viserait qu’à calculer les crédits de congé annuel (paragraphe 34.02). Cela serait absurde.

82        Les parties ont spécifiquement renvoyé au paragraphe 34.03 dans le sous­alinéa 34.05b)(iii), et ont spécifiquement renvoyé au sous­alinéa 34.03a)(i) aux alinéas 25.17a) et b) et au paragraphe 3 de l’appendice B. Il semble donc que, dans certaines parties de la convention collective, elles avaient l’intention de traiter l’expression « années de service » d’une certaine façon, alors que dans d’autres parties, elles voulaient traiter l’expression différemment (plus particulièrement au paragraphe 34.05).

83        Je conclus que l’interprétation de l’employeur quant à la détermination des années de services afin de régler un conflit lié à l’établissement d’un calendrier des congés annuels, conformément à ce qui est établi au paragraphe 34.05, ne contrevient pas à la convention collective. Ainsi, le grief est rejeté. 

84        Pour tous ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

85        Le grief est rejeté.

Le 22 février 2017.

Traduction de la CRTEFP

John G. Jaworski,
une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique

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