Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a allégué que son agent négociateur avait manqué à son devoir de représentation équitable aux termes de l’article 187 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) puisqu’il a agi de manière arbitraire et qu’il a omis de déposer un grief en son nom – la Commission a souligné que l’agent négociateur avait évalué la question et avait déterminé que les renseignements ou les motifs n’étaient pas suffisants pour déposer un grief et avoir gain de cause; quoi qu’il en soit, la Commission a jugé que la plainte était hors délai – la plainte n’a pas été déposée à l’intérieur du délai de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) de la LRTFP – certains courriels entre la plaignante, son amie et la représentante de l’agent négociateur indiquent qu’elle était au courant des motifs de sa plainte bien avant le dépôt de celle-ci. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20170309
  • Dossier:  561-02-738
  • Référence:  2017 CRTEFP 24

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

WILMALEE PRUDEN

plaignante

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défenderesse

Répertorié
Pruden c. Alliance de la Fonction publique du Canada


Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique


Devant:
John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique
Pour la plaignante:
Elle-même
Pour la défenderesse:
Morgan Rowe, avocate
Affaire entendue à Winnipeg (Manitoba),
du 4 au 6 janvier 2017.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Plainte devant la Commission

1        Le 20 janvier 2015, Wilmalee Pruden (la « plaignante ») a déposé une plainte contre l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« AFPC » ou la « défenderesse ») en vertu de l’al. 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »). La plaignante a fourni des renseignements supplémentaires le 5 mars 2015.

2        L’AFPC a répondu à la plainte le 4 avril 2015. Elle a nié avoir enfreint la Loi et a fait valoir que la plainte était hors délai puisqu’elle n’avait pas été déposée dans le délai imparti au par. 190(2) de la Loi.

3        Au début de l’audience, la plaignante a indiqué qu’elle souhaitait citer Cheryl Dubree à témoigner. Elle avait envoyé une lettre à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission ») pour demander une assignation à comparaître et elle n’a pas reçu de réponse. J’ai émis, à l’intention de Mme Dubree, une assignation à comparaître à l’audience du 3 janvier 2017, à 13 h 30. Elle s’est présentée, conformément à l’assignation.

4        Selon mon examen subséquent du dossier de la Commission, la plaignante n’a présenté aucune demande d’assignation à comparaître avant de me présenter sa demande dans le cadre de l’audience.

5        Dans son exposé introductif, la plaignante a déclaré qu’elle ne citerait que deux témoins, elle-même et Mme Dubree. Après avoir conclu toutes les deux leur témoignage, la plaignante a indiqué qu’elle souhaitait citer un autre témoin à comparaître. Toutefois, ce témoin ne s’est pas présenté et aucune assignation à comparaître n’a été demandée à son égard.

6        Au cours de l’audience, j’ai ordonné que le numéro d’identification d’assurance-maladie provinciale de la plaignante figurant sur les documents déposés en preuve soit caviardé.

II. Résumé de la preuve

7         La plaignante travaille actuellement au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (le « MAINC » ou l’« employeur ») en tant que commis d’administration à la Direction des terres à Winnipeg, au Manitoba. Elle est classifiée au groupe et au niveau CR-04. Au moment de l’audience, il s’agissait de sa dix-huitième année de service au sein de la fonction publique fédérale.

8        En 2006 ou vers cette date (la date exacte n’a pas été fournie en preuve), en raison des conséquences d’un accident d’automobile, la plaignante a été mutée de son poste d’attache en tant qu’agente de soutien de la liaison régionale (classifié au groupe et au niveau AS-02) à un poste classifié CR-04, au Pavillon Kiizhigongwigaamik (In the Sky) (le « Pavillon »), qui est situé dans le même immeuble que son poste d’attache, mais à un autre étage. Pendant qu’elle y travaillait, elle a continué d’être rémunérée au groupe et au niveau AS-02.

9        En octobre 2012 ou vers cette date, la plaignante est retournée à son poste d’attache. Toutefois, selon la preuve, elle a connu des difficultés.

10        Le 16 avril 2013, la plaignante a envoyé un courriel à Mme Dubree, qui était alors vice-présidente locale du Syndicat des employées et employés nationaux (le « SEN »), un élément de l’AFPC, et elle lui a demandé de la rencontrer. Mme Dubree a rencontré la plaignante le même jour, au Pavillon. La plaignante l’a informé des difficultés qu’elle éprouvait avec son gestionnaire. Selon les éléments de preuve présentés par la plaignante et Mme Dubree, la plaignante a indiqué à Mme Dubree qu’elle avait l’impression d’être l’objet d’intimidation et de harcèlement.

11        Dans son témoignage, Mme Dubree a fait valoir qu’elle ne connaissait pas très bien le type de problèmes décrits par la plaignante. Elle a dit à la plaignante qu’elle présenterait ses préoccupations à Melody Raabe, la présidente locale du SEN et la vice-présidente régionale au bureau du MAINC situé à Winnipeg. Mme Dubree a déclaré que, un jour ou deux après la réunion avec la plaignante, elle a rencontré Mme Raabe et lui a communiqué ce que la plaignante lui avait dit.

12        Le 18 avril 2013, Mme Dubree a rencontré de nouveau la plaignante, le gestionnaire de cette dernière et Sheena Walker, des Ressources humaines (les « RH »). Dans son témoignage, Mme Dubree a indiqué que la réunion avait eu lieu en vue de discuter de la formation supplémentaire en TI de la plaignante. Aucun élément de preuve ne permet de conclure que des allégations d’intimidation et de harcèlement ont été soulevées lors de cette réunion.

13        Des copies du courriel daté du 9 mai 2013, que le gestionnaire de la plaignante a envoyé à cette dernière, ainsi que la réponse rédigée, mais non envoyée, par la plaignante, ont été déposées en preuve. Elle a fait valoir qu’il s’agissait d’éléments de preuve qu’elle a remis à l’AFPC relativement à l’intimidation et au harcèlement à son égard de la part de son gestionnaire. À l’audience, aucune copie de ce courriel n’a été montrée à Mme Dubree aux fins d’identification. Toutefois, Mme Dubree a indiqué que la plaignante l’avait interrogée au sujet d’un courriel provenant de son gestionnaire qu’elle lui avait montré et qu’elle avait trouvé offensant. Mme Dubree a déclaré qu’elle savait que la plaignante avait rédigé une réponse à ce courriel. Elle a confirmé qu’elle avait vu ce courriel et que, selon sa compréhension, la plaignante ne l’avait pas envoyé.

14        Le 14 mai 2013, la plaignante a quitté le travail et a pris un congé de maladie avec certificat médical. Elle est demeurée en congé de maladie avec certificat médical, payé ou non payé, pour le reste de 2013, pendant toute l’année 2014 et une partie de 2015. Elle est retournée au travail le 8 avril 2015.

15        Selon la preuve présentée, la plaignante a communiqué de nouveau avec un membre du SEN ou de l’AFPC aux alentours du 15 juillet 2013, alors qu’elle était aux bureaux du MAINC et que Mme Raabe a remarqué qu’elle était debout près des ascenseurs situés à proximité de son poste de travail. Selon la description de Mme Raabe, la plaignante était bouleversée lorsqu’elle l’a vue. Elle a indiqué qu’elle et la plaignante sont allées discuter dans une petite salle de conférence adjacente aux ascenseurs. Elle a dit que la plaignante lui avait parlé du comportement de son gestionnaire et que, selon elle, il s’agissait d’intimidation et de harcèlement. Mme Raabe a fait valoir qu’elle avait dit à la plaignante qu’il lui fallait des renseignements supplémentaires et qu’elle lui avait demandé de lui fournir une chronologie et des documents.

16        Selon la preuve qui a été présentée, le même jour ou le lendemain, la plaignante a commencé à envoyer une quantité importante de documents à l’adresse courriel du MAINC de Mme Raabe. Mme Raabe lui a répondu et lui a demandé de ne pas lui envoyer les documents à son compte du MAINC puisqu’elle ne pouvait pas les lire pendant les heures de travail. Elle a demandé à la plaignante de les imprimer et de les lui apporter. Voici les courriels, déposés en preuve, qu’elles ont échangés le 15 juillet 2013 :

[De Mme Raabe à l’intention de la plaignante, envoyé à 10 h 28 :]

[Traduction]

Je n’ai pas le temps de lire tous ces courriels ici au travail. Je dois savoir s’il y a des courriels qui mentionnent qu’ils vous ont dit de consulter un psychiatre et leur médecin de Santé Canada. J’ai besoin de ces renseignements afin de rédiger un courriel.

Pourriez-vous m’envoyer ces renseignements et les surligner en rouge ou en bleu?

[De la plaignante à l’intention de Mme Raabe, envoyé à 11 h 6 :]

[Traduction]

Je dois partir. J’aimerais avoir un ordinateur portatif du travail afin que je puisse faire cela de la maison, ce serait beaucoup plus facile […] Je devrai revenir. Je m’excuse, j’aurais dû tous les envoyer à l’autre adresse électronique. J’ai rencontré un représentant des RH le 18 avril, la réunion figure encore au calendrier de rendez-vous.

Le 19 février, j’ai rencontré [nom omis] et [nom omis] m’a convoqué à une réunion le 20 février.

Je dois partir, je me sens malade.

[De Mme Raabe à l’intention de la plaignante, envoyé à 10 h 28 :]

[Traduction]

C’est correct Wilmalee,

Je rédigerai une lettre pour toi que tu pourras leur envoyer lorsque tu reviendras au sujet de ce qu’ils te demandent de faire avec Santé Canada.

PRENDS SOIN DE TOI.

Mel

[Sic pour l’ensemble de la citation]

17        La plaignante a déposé en preuve une lettre qu’elle a reçue des RH en date du 13 août 2013, dont la ligne d’objet comprenait ce qui suit : [traduction] « CONGÉ DE MALADIE NON PAYÉ – INVALIDITÉ ». Le premier paragraphe précise ce qui suit :

[Traduction]

Vos crédits de congé de maladie dureront jusqu’au matin du 13 août 2013 et vous commencerez votre congé de maladie non payé (CNP) à compter du 13 août 2012. Les renseignements suivants visent à vous aider à comprendre vos options et vos responsabilités relativement à vos prestations et à vos déductions pendant cette période.

18        La lettre comprend ensuite une description des prestations d’invalidité disponibles et d’autres options, et décrit ce qui se passera relativement à l’accumulation de certaines prestations et questions liées à la paie.

19        En contre-interrogatoire, une copie d’un courriel daté du 22 juillet 2013, que Mme Raabe a envoyé à la plaignante et qui indiquait ce qui suit : [traduction] « Vos crédits de congé de maladie dureront jusqu’au matin du 13 août – ils seront épuisés à la fin de la journée du 12 août et après1,525 heure de travail le 13 août » [le passage en évidence l’est dans l’original] a été montrée à la plaignante. La plaignante a indiqué que Mme Raabe lui avait conseillé de demander aux RH la date à laquelle ses crédits de congé de maladie seraient épuisés et que ces renseignements lui avaient été donnés. Elle a confirmé que Mme Raabe lui avait recommandé, en juillet 2013, de présenter une demande de prestations de maladie de l’assurance-emploi et une demande de prestations d’invalidité (les « PI »).

20        La plaignante a confirmé avoir présenté une demande de prestations d’assurance-emploi, sans l’aide de Mme Raabe ou de toute autre personne du SEN ou de l’AFPC, qu’elle a touchées jusqu’à un moment donné en décembre 2013, lorsqu’elles ont pris fin.

21        La plaignante a confirmé avoir présenté une demande de PI le 19 août 2013, sans l’aide de Mme Raabe ou de toute autre personne du SEN ou de l’AFPC. Elle a été informée que la demande avait été refusée au moyen d’une lettre en date du 8 octobre 2013, qui lui a été envoyée par l’assureur de PI. La lettre indiquait que, bien que son dossier ait été fermé, dans le cadre du processus d’appel, l’assureur de PI serait disposé à examiner de nouveaux dossiers ou rapports qui n’avaient pas déjà été examinés. La lettre comportait également un avertissement que le processus d’appel était assujetti aux délais de prescription établis dans les dispositions législatives en matière d’assurance de la province ou du territoire où elle résidait.

22        En contre-interrogatoire, à la question de savoir si elle a fait un suivi auprès de l’assureur de PI après avoir reçu cette lettre, la plaignante a répondu par la négative. Même si elle a confirmé qu’elle et son employeur avaient reçu des lettres concernant le refus de sa demande de PI, ces lettres n’ont pas été envoyées directement au SEN ni à l’AFPC. La plaignante a indiqué qu’elle a finalement informé Mme Raabe du refus de sa demande de PI, mais elle ne se souvenait pas de la date à laquelle elle l’avait fait. Mme Raabe a indiqué qu’elle avait eu connaissance du refus de la demande de PI presque un an plus tard au cours d’une conversation téléphonique avec la plaignante le 26 septembre 2014 (l’« appel du 26 septembre »).

23        Mme Raabe a déclaré qu’en juillet ou en août 2013, la plaignante lui a fourni un ensemble de documents concernant sa croyance qu’elle faisait l’objet de harcèlement et d’intimidation au travail, ce qui a été confirmé par la plaignante.

24        Mme Raabe a indiqué qu’elle avait examiné les documents fournis par la plaignante et qu’elles se sont rencontrées à un moment donné en juillet ou en août 2013. Lors de cette réunion, elle a informé la plaignante que les documents étaient insuffisants pour appuyer un grief ou une plainte de harcèlement. Elle a informé la plaignante qu’elle était préoccupée parce que, selon certains documents, la plaignante avait écrit des choses dans ses courriels à l’intention de son gestionnaire qui pourraient être invoquées contre elle et que certaines des préoccupations soulevées par la plaignante dataient de loin. Mme Raabe a déclaré que, lors de cette réunion, elle a de nouveau demandé à la plaignante de lui fournir une chronologie des événements.

25        La plaignante a indiqué qu’aucune réunion n’a eu lieu en juillet ou en août 2013, au cours de laquelle Mme Raabe l’a informée qu’elle ne croyait pas avoir suffisamment de renseignements pour déposer un grief ou une plainte au sujet de l’intimidation ou du harcèlement. Elle a également dit qu’on ne lui avait pas non plus demandé de fournir une chronologie des événements.

26        Une série d’attestations médicales du médecin traitant de la plaignante a été déposée en preuve. Selon ces attestations, la plaignante n’était pas apte à retourner au travail de mai 2013 jusqu’en octobre 2014. Le 22 octobre 2013, son médecin de famille a indiqué qu’elle pouvait retourner au travail, mais qu’elle ne pouvait pas occuper son poste d’attache et qu’elle ne pouvait que retourner au Pavillon. Le 4 novembre 2013, il a indiqué qu’elle ne devrait pas retourner au travail avant le 12 novembre 2013 et qu’elle ne devrait travailler que trois jours par semaine, au Pavillon seulement. Le 27 novembre 2013, il a rédigé une attestation médicale détaillée à l’intention de son employeur dans lequel il mentionne que la plaignante est visée par une incapacité complexe qui l’a touchée de multiples façons. Il a déclaré qu’elle avait d’importantes limitations fonctionnelles. Sans décrire l’attestation en détail, il a indiqué qu’elle avait d’importantes limitations fonctionnelles qui constituaient une incapacité grave et qu’elle ne devrait pas occuper son poste d’attache et qu’elle ne devrait occuper qu’un poste adapté.

27        Il ressort de la preuve que, tout au long de l’automne 2013 et jusqu’au printemps 2015, inclusivement, lorsque la plaignante est finalement retournée au travail, les représentants de l’AFPC ont adopté un rôle très actif non seulement pour l’aider à retourner au travail, mais également pour lui obtenir un poste auprès du MAINC qui permettait d’accommoder ses incapacités et de protéger son salaire. Même s’il ressort de la preuve que ce processus était assez long, il ressort également que les incapacités de la plaignante étaient complexes et que les possibilités étaient limitées. En réalité, alors qu’il semblait qu’elle occuperait un poste à salaire inférieur, un grief visant à protéger son salaire a été déposé et renvoyé à l’arbitrage devant la Commission; le grief a été réglé avant la tenue d’une audience.

28        Dans son témoignage, la plaignante a mentionné des documents qu’elle a déposés en preuve et qui indiquaient qu’elle avait envoyé un certain nombre de courriels à l’AFPC et, plus précisément, à Mme Raabe, portant sur son besoin de retourner au travail, à compter de janvier 2014. D’autres courriels ont été déposés en preuve. Ces courriels étaient datés de février, d’avril, de juin, de juillet, d’août et de septembre 2014, et certains indiquaient la volonté de la plaignante de retourner au travail. Toutefois, aucun ne mentionne des difficultés financières, sauf celui du 23 septembre 2014, reproduit en entier plus loin dans la présente décision.

29        En contre-interrogatoire, l’avocate de la défenderesse a interrogé la plaignante au sujet du courriel qu’elle a envoyé à une de ses amies (« Mme A ») en date du lundi 22 septembre 2014, à 10 h 5 (le « courriel du 22 septembre »). La plaignante a déclaré que Mme A lui avait demandé des renseignements et qu’elle lui avait donc envoyé le courriel du 22 septembre, qui indiquait ce qui suit :

[Traduction]

Le 13 mai 2013,

J’ai quitté le travail en raison du stress. Avant cette date, le gouvernement du Canada a fait l’objet de ce qui est appelé un réaménagement des effectifs. Cette nouvelle initiative signifiait que certains employés étaient mis en disponibilité, d’autres étaient encouragés à prendre leur retraite, etc. J’occupais un poste au Pavillon Kiizhigongwigaamik (In the Sky), le Pavillon d’enseignement. Je réussissais très bien là et les visites d’autres ministères et organisations autochtones augmentaient et plus de personnes visitaient cet endroit. Antérieurement, j’avais été informée qu’il faudrait que je sois mutée à mon poste initial au secrétariat régional, soit celui d’agente de liaison régionale.

                   […]

̶ J’en ai discuté avec une personne de mon syndicat que je connaissais et elle m’a dit que mon patron m’intimidait. Elle a demandé une réunion avec les RH et nous nous sommes rencontrés en vue de discuter de mon absence. J’avais un certificat médical indiquant que je devais m’absenter du travail et mes représentants des RH m’ont informé que je devais consulter quelqu’un de Santé Canada.

̶ Un jour, lorsque je me suis présentée pour donner un autre billet médical, j’ai rencontré la présidente du Syndicat et elle m’a demandé pourquoi j’étais absente. Je lui ai dit ce qui se passait.

̶ Elle, Melody Rabbe, m’a informée qu’il n’était pas nécessaire que mes supérieurs sachent la raison pour laquelle j’étais absente et elle m’a indiqué que je devais en discuter davantage avec elle.

̶ J’ai dit à melody ce qui se passait et elle m’a informée qu’elle assisterait dorénavant à toutes les réunions avec moi.

̶ Nous avons rencontré les membres de la direction et Melody les a informés que je devais prendre un congé d’invalidité temporaire. Elle m’a dit de présenter une demande et c’est ce que j’ai fait. Mes médecins ont rempli les documents et ils ont été envoyés à la section traitant les incapacités. J’étais encore en congé payé à ce moment-là.

̶ Ma demande de congé pour incapacité n’a pas été approuvée et mon congé payé est venu à échéance le 14 août 2013.

̶ J’étais prête à retourner au travail le 12 novembre 2013.

̶ Nous avons rencontré les membres de la direction le 12 novembre 2013 et ma représentante syndicale les a informés que je ne retournerais pas au travail en raison des questions antérieures laissées sans réponses. Elle a tenté de savoir pourquoi Wilmalee avait fait l’objet d’une affectation pendant presque huit ans sans appui, et qu’elle a ensuite été renvoyée à son poste d’attache, encore une fois sans appui.

      […]

̶ La prochaine réunion a eu lieu le 25 juin 2014 et les membres de la direction n’ont pas été en mesure de répondre clairement aux questions de mes représentants syndicaux quant à savoir pourquoi j’ai été affectée au Pavillon sans aucun appui. Ils ont conclu que les choses avaient été mal faites et n’avaient aucune explication à fournir sur ce qui s’était produit. Lors de cette réunion, on m’a demandé ce que je voulais et j’ai indiqué que je voulais retourner travailler au Pavillon. Les membres de la direction ont demandé plus de temps puisqu’ils voulaient me donner les meilleurs résultats possibles. Ils ont indiqué que nous nous rencontrerions de nouveau pendant que les membres de la direction consultaient le SM et le SMA et me consulteraient de nouveau entre la mi-septembre et la fin septembre. J’ai présenté des demandes afin d’obtenir des mises à jour et je leur ai dit que cette absence du travail était très difficile et me causait un préjudice important.

̶ Nous sommes presque à la fin de septembre et je n’ai pas encore de nouvelles de personne.

      C’est à peu près tout. Fais-moi savoir ce que tu en penses.

                   […]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

30        À la fin de la première page du courriel du 22 septembre, le passage suivant a été ajouté manuellement :

[Ajouté vers la fin, concernant la date du 14 août 2013 :]

[Traduction]

Quoi?

[Ajouté au bas de la première page :]

[Traduction]

Pourquoi aucune mesure n’a-t-elle été prise entre nov. + mars?

31        À la fin du courriel du 22 septembre (à la deuxième page de la version imprimée), le passage suivant a été ajouté manuellement :

[Traduction]

Pourquoi aucune mesure n’a-t-elle été prise entre nov. + mars?

GRIEF? QU’EST-CE QUI EST DÉPOSÉ?

COMMISSION DU TRAVAIL – Broadway

Où est la trousse? état

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

32        La plaignante a indiqué que, selon elle, l’écriture figurant au courriel du 22 septembre était celle de Mme A. Elle a déclaré qu’au 22 septembre 2014, elle discutait de son travail et des problèmes avec l’agent négociateur avec Mme A et que celle-ci lui a dit de demander une copie du grief. Mme A a fait un suivi auprès de la plaignante le lendemain (le 23 septembre 2014) au moyen du courriel suivant envoyé à 10 h 56 :

[Traduction]

Bonjour Wilmalee,  

As-tu été en mesure d’obtenir une copie de ton grief par courriel auprès de ton Syndicat?

33        Le même jour, à 14 h 33, la plaignante a envoyé un courriel à Mme Raabe et à Christopher Little-Gagné, un autre représentant syndical (le « courriel du 23 septembre »), de son compte de courriel en ligne à l’aide d’un téléphone intelligent. Le courriel indiquait ce qui suit :

[Traduction]

Bon après-midi Melody, j’aimerais t’informer que je suis très contrariée à l’instant. Je dois retourner au travail maintenant. Je ne peux plus subvenir à mes besoins et je me trouve dans une situation financière très difficile. Je voudrais avoir une réunion avec toi et la direction aussitôt que possible pour discuter de mon retour au travail. Naturellement, mes amis ont des questions et des préoccupations quant à la façon dont je suis représentée par mon Syndicat. Personne ne peut comprendre pourquoi je ne travaille pas encore. Je ne peux simplement plus vivre comme cela. J’aimerais avoir une réponse à ce courriel aussitôt que possible. On m’a dit de recourir aux services d’un avocat en relations de travail pour m’aider à reprendre mon emploi. Je désespère et l’ensemble de ce processus nuit à ma santé. S.v.p. me répondre aussitôt que possible. Je dois retourner au travail maintenant. Wilmalee Pruden

34        En contre-interrogatoire, à la question de savoir si le courriel du 23 septembre avait été envoyé dans le contexte de l’échange de courriels avec Mme A, la plaignante a répondu par l’affirmative. On a mentionné à la plaignante que les adresses électroniques de Mme Raabe et de M. Little-Gagné étaient erronées dans le courriel. Elle a répondu qu’elle avait peut-être fait une erreur de frappe au moment d’écrire l’adresse, puisqu’elle était stressée et qu’elle éprouvait à ce moment-là des difficultés à maintenir un équilibre.

35        Mme Raabe a indiqué qu’elle n’avait jamais reçu le courriel qui a été déposé en preuve en tant que courriel du 23 septembre, puisque son adresse électronique et celle de M. Little-Gagné étaient erronées. À la question de savoir si elle avait parlé avec la plaignante en septembre 2014, Mme Raabe a répondu qu’elle lui avait parlé lors de l’appel du 26 septembre. Elle a déclaré qu’elle se souvenait de l’appel parce qu’il s’agissait d’une conversation difficile et parce qu’elle était assise à l’extérieur à regarder des déménageurs manipuler ses meubles.

36        Mme Raabe a fait valoir que, pendant l’appel du 26 septembre, la plaignante était très contrariée et la blâmait pour tout ce qui s’était produit depuis son départ en congé de maladie. Elle a déclaré que, à ce moment-là, elle avait appris que la demande de PI de la plaignante avait été refusée et que le délai d’appel était expiré. Mme Raabe a indiqué avoir vu la correspondance de l’assureur de PI pour la première fois au moment du dépôt de cette correspondance à l’audience. Elle a souligné que si la plaignante lui avait demandé de l’aider à remplir la demande de PI, elle l’aurait fait. De même, si la plaignante l’avait informée du refus, elle l’aurait aidée à déposer un appel. Mme Raabe a indiqué qu’elle avait dit à la plaignante que, malgré le refus et l’expiration du délai d’appel, elle devrait présenter une nouvelle demande; elle a souligné qu’à ce stade de l’appel du 26 septembre, la plaignante est devenue plus agitée et refusait d’écouter.

37        Mme Raabe a déclaré que, pendant l’appel du 26 septembre, la plaignante lui parlait en criant et qu’en retour, Mme Raabe était également contrariée et qu’elle avait parlé sur un ton assez raide à la plaignante. Elle a déclaré que la plaignante lui avait dit ce qui suit : [traduction] « Tu étais censée déposer un grief et tu ne l’as pas fait; tu étais censée déposer une plainte et tu ne l’as pas fait; tu étais censée m’aider et tu ne l’as pas fait; c’est de ta faute si je perds ma maison, si je n’ai plus d’argent et si je n’ai aucun emploi. » Mme Raabe a indiqué qu’elle avait essayé de calmer la plaignante, mais que la plaignante lui avait raccroché au nez.

38        Un courriel en date du 26 septembre 2014, à 14 h, envoyé par la plaignante à M. Little-Gagné et en copie conforme à Mme Raabe, a été présenté en preuve. Il reproduisait le courriel du 23 septembre avec l’en-tête suivante : [traduction] « Voir le courriel ci-dessous qui a été envoyé antérieurement. J’ai tellement de préoccupations. Veuillez répondre aussitôt que possible relativement à la réunion avec la direction. »

39        La plaignante a indiqué qu’elle avait envoyé de nouveau le courriel du 23 septembre parce qu’elle n’avait reçu aucune réponse. En contre-interrogatoire, elle a reconnu qu’elle avait fait l’appel du 26 septembre parce qu’elle souhaitait discuter des préoccupations qu’elle avait discutées avec Mme A. À la question de savoir si elle avait discuté des questions liées son grief et à sa plainte de harcèlement avec Mme Raabe lors de l’appel du 26 septembre, elle l’a nié. Elle a déclaré que Mme Raabe avait tout de suite commencé à lui crier après parce que de nombreuses personnes d’Ottawa, en Ontario, l’appelaient. La plaignante a ensuite déclaré qu’elle avait dit à Mme Raabe qu’elle [traduction] « aurait pu déposer le grief ». Elle a ensuite déclaré que Mme Raabe avait répondu : [traduction] « Non, nous avons manqué le délai; j’essaye d’aider le monde comme toi. » La plaignante a indiqué que Mme Raabe avait ensuite dit : [traduction] « Tu fais mieux de ne pas me fâcher. » La plaignante a dit qu’à ce moment-là, elle a raccroché et ne lui a jamais reparlé.

40        La plaignante a indiqué qu’elle était offensée par la façon dont Mme Raabe lui avait parlé ce jour-là et c’est la raison pour laquelle elle a raccroché. Immédiatement après la version de la plaignante de ce qui s’est produit pendant l’appel du 26 septembre, l’avocate de l’AFPC lui a dit qu’elle souhaitait confirmer qu’elle avait discuté du dépôt d’un grief avec Mme Raabe. La plaignante a répondu qu’elle ne se souvenait pas d’en avoir discuté précisément. Lorsqu’on lui a indiqué qu’à ce moment-là, elle n’avait encore appelé personne à Ottawa, elle a indiqué qu’elle avait appelé quelqu’un à Ottawa en décembre 2014. L’avocate de l’AFPC a ensuite suggéré qu’un autre appel avait peut-être eu lieu entre elle et Mme Raabe, ce à quoi la plaignante a déclaré qu’elle savait qu’elle avait appelé une personne à Ottawa et que peut-être qu’elle avait mélangé les dates. La plaignante a ensuite dit que tout ce dont elle se souvenait était que Mme Raabe était fâchée. L’avocate de l’AFPC a ensuite suggéré que les souvenirs de la plaignante au sujet des appels à Ottawa n’avaient peut-être jamais fait l’objet d’une discussion avec Mme Raabe en septembre 2014. La plaignante a reconnu que ça pourrait être le cas et qu’elle s’était peut-être trompée en ce qui concerne les dates.

41        L’avocate de l’AFPC a ensuite suggéré à la plaignante qu’elle avait fait l’appel du 26 septembre. La plaignante a déclaré qu’elle se souvenait d’avoir parlé avec Mme Raabe à cette date. L’avocate a laissé entendre que, dans son témoignage, Mme Raabe dirait qu’après cet appel, elle n’avait eu aucun autre appel avec la plaignante. La plaignante a répondu que cet appel avait rompu leur relation puisque Mme Raabe lui avait parlé en criant.

42        L’avocate de l’AFPC a ensuite mentionné à la plaignante qu’elle n’avait aucun souvenir précis de ce qui avait été discuté pendant l’appel du 26 septembre, et la plaignante a répondu qu’elle ne se souvenait pas de la conversation. L’avocate a ensuite informé la plaignante que, dans son témoignage, Mme Raabe dirait que, lors de cette conversation téléphonique, il avait été confirmé qu’aucun grief n’avait été déposé. La plaignante a répondu qu’elle ne s’en souvenait pas.

43        L’avocate de l’AFPC a ensuite mentionné à la plaignante que Mme Raabe déclarerait que, pendant l’appel, la plaignante lui avait dit que sa demande de PI avait été refusée. La plaignante lui a répondu qu’elle lui avait dit cela pendant une conversation en personne. L’avocate lui a ensuite mentionné que Mme Raabe dirait qu’elle avait également dit à la plaignante, pendant l’appel, qu’elle devrait présenter une nouvelle demande de PI. La plaignante a répondu qu’elle se souvenait que cela s’était également produit pendant une conversation en personne.

44        Le 29 septembre 2014, la plaignante a répondu à un courriel de Mme Raabe, dont la chaîne de courriels n’indique ni la date ni l’heure auxquelles Mme Raabe a envoyé le courriel à la plaignante. Voici la chaîne de courriels :

[De la plaignante à l’intention de Mme Raabe, envoyé à 17 h 27 :]

[Traduction]

Melody, je serai au bureau demain à midi. Pourriez-vous photocopier mes formulaires d’invalidité pour moi? Je dois également appeler les représentants de la rémunération au sujet de la pension. Je vous ai également laissé un message. Merci.

Wilmalee

[De Mme Raabe à l’intention de la plaignante, envoyé avant son courriel de 17 h 27 :]

[Traduction]

Chris m’a acheminé votre message frénétique puisque je n’ai pas reçu ce courriel. Je suis désolée de votre frustration, mais je n’ai aucun contrôle sur le délai du bureau du DGR et rien dans notre convention collective ne nous confère la capacité de contraindre l’employeur à répondre dans un délai précis.

Ce que nous avons demandé pour vous n’est pas quelque chose qui peut être réalisé rapidement puisque John D devra tenter d’outrepasser de nombreux protocoles. N’oubliez pas que le poste que vous avez occupé pendant huit ans est maintenant désuet et nous avons essentiellement demandé qu’il soit « rétabli ». Ma participation à cette situation a été demandée à mi-chemin et j’ai fait de mon mieux pour effectuer mon travail à compter du moment où j’ai commencé à y participer. Des décisions ont été prises avant mon intervention, lesquelles ont eu une incidence sur ce que je pouvais faire par la suite.

Pour faire suite à notre conversation téléphonique de vendredi, j’ai n’ai pas reçu vos renseignements sur les PI. Étant donné que j’ai l’expertise nécessaire et que je suis votre représentante inscrite au dossier, c’est moi qui devrais examiner ces renseignements pour votre compte et non vos amis puisqu’ils ne tiennent pas également compte de toutes les politiques et directives du Conseil du Trésor liées à votre demande de PI, puisqu’il ne s’agit pas d’un document autonome et qu’il ne devrait pas être interprété en tant que tel.

Jusqu’ici, j’ai tout fait pour vous aider. Cela dit, si vous souhaitez recourir aux services d’un avocat en relations de travail, tel que vous l’avez mentionné dans votre courriel, vous pouvez le faire. Si vous choisissez cette option, vous devrez informer par écrit le Syndicat que vous choisissez maintenant de vous représenter vous-même. Veuillez me faire savoir si vous voulez que je continue d’agir en tant que votre représentante.

                   […]

          [Sic pour l’ensemble de la citation]

45        Le 30 septembre 2014, à 7 h 22, Mme Raabe a envoyé à la plaignante un courriel rédigé en partie comme suit :

                   [Traduction]

[…]

Après notre discussion vendredi, je m’attendais à vous voir hier et j’avais réservé ma pause-déjeuner pour vous aider. Je suis en formation toute la semaine. Aujourd’hui, pendant ma pause-déjeuner, je prépare ma séance à midi donc je n’ai pas de temps. Désolée. Je peux vous réserver ma pause-déjeuner de demain, le mercredi 1er octobre, à midi, pour vous aider.

                   […]

46        Le 1er octobre 2014, à 16 h, la plaignante a envoyé à Mme Raabe un courriel rédigé en partie comme suit :

[Traduction]

Je veux t’informer que je dois vraiment retourner au travail aussitôt que possible. J’éprouve vraiment des difficultés, tant financières qu’émotionnelles. J’aurais probablement dû faire plus attention ou poser plus de questions avant de prendre un congé de maladie. Je ne peux simplement pas croire que je suis dans cette situation. J’ai toujours travaillé depuis que j’ai 16 ans. J’ai vécu des moments difficiles pendant toute ma vie. Pour une raison ou une autre, je croyais que vous saviez que je ne pouvais pas toucher de prestations d’invalidité. Je croyais également que vous saviez que je ne pouvais plus toucher des prestations d’assurance-emploi. En fait, je crois que j’étais sur un nuage. Je n’ai aucun revenu depuis août 2012. Je suis à la veille de perdre ma maison. Je n’aurai bientôt pas les moyens de payer mes factures d’électricité et mes lignes téléphoniques ont été coupées. J’avais auparavant une bonne cote de crédit, mais ce n’est plus le cas. Je suis stressée et j’ai peur. J’ai travaillé pour le MAINC pendant 16 ans et j’ai vécu beaucoup de moments négatifs. J’ai toujours fait de mon mieux pour la direction. J’ai pris un congé de maladie selon les conseils de mon Syndicat au début de cette situation, mais je n’aurais jamais accepté de le prendre si j’avais su que je serais sans emploi pendant si longtemps. Pourriez-vous vérifier s’il existe des solutions de rechange s’il vous plaît? J’ai travaillé toute ma vie et je n’ai jamais été aussi désespérée. Veuillez me répondre aussitôt que possible.

                   […]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

47        Le 2 octobre 2014, à 7 h 22, Mme Raabe a répondu en partie ce qui suit :

[Traduction]

Je ne peux pas envoyer ce courriel tel qu’il est rédigé. Le SYNDICAT ne vous a jamais conseillé de prendre un congé de maladie. Le fait de prendre un congé de maladie pour « nuire » à l’employeur constituerait des motifs de licenciement et vous seriez réputée être dans une situation de grève illégale. Je suis intervenue alors que vous étiez en congé de maladie depuis plus d’un an. Vous avez pris un congé de maladie parce que votre médecin a jugé que vous n’étiez pas apte à travailler à ce moment-là pour les raisons décrites dans la lettre de la Sunlife, conformément à l’explication donnée par votre médecin traitant.

Cela dit, j’enverrai un courriel pour votre compte pour exprimer votre désespoir.

                   […]

48        Un certificat médical daté du 6 octobre 2014 et signé par son médecin de famille a été présenté à la plaignante. Selon ce certificat, la plaignante était apte à retourner au travail et pouvait assumer des fonctions ordinaires. Elle a déclaré qu’on lui avait dit de remettre ce certificat à Mme Raabe, mais que, lorsqu’elle a essayé, cette dernière n’était pas là. Elle a remis le certificat à Mme Walker.

49        Mme Raabe a reçu une copie d’un courriel envoyé à la plaignante par Mme Walker. Par la suite, le 10 octobre 2014, la plaignante et Mme Raabe ont échangé de nombreux courriels. Voici le premier échange de courriels, y compris le courriel de Mme Walker :

[De Mme Walker à l’intention de la plaignante, avec copie conforme à Mme Raabe, envoyé à 10 h 47 :]

                   [Traduction]

[…]

Le présent courriel a pour objet d’accuser réception de la lettre qui a été livrée et adressée à moi, plus tôt cette semaine. J’ai reçu la lettre hier, le 9 octobre 2014.

Je souhaite confirmer que vos représentantes syndicales, Melody Raabe et Cheryl Dubree, ont également reçu une copie de cette lettre. Si ce n’est pas le cas, je demande l’autorisation de leur fournir une copie de cette lettre. Si Melody et Cheryl ne vous représentent plus, veuillez m’en informer.

                   […]

[De Mme Raabe à l’intention de la plaignante, aucune heure n’est indiquée :]

[Traduction]

Wilmalee! Qu’est-ce que vous avez soumis?? Je vous ai spécifiquement conseillé de me montrer D’ABORD ce que votre médecin vous a donné. J’espère que la lettre était rédigée correctement et qu’il n’y aura aucune conséquence. Je ne sais pas quoi d’autre dire pour vous convaincre que je fais tout mon possible pour vous aider.

Vous devez m’écouter. Je veille à votre INTÉRÊT SUPÉRIEUR lorsque je prends des mesures à votre égard. Si vous souhaitez vous représenter vous-même, vous devez m’en informer par écrit, autrement veuillez m’écouter et ne prenez aucune mesure par vous-même qui pourrait nuire aux efforts que j’ai déployés pour votre compte.

Veuillez m’envoyer une copie dans les plus brefs délais.

[De la plaignante à l’intention de Mme Raabe, envoyé à 13 h 32 :]

[Traduction]

Bonjour Melody, je suis désolée, j’ai essayé de le faire aussitôt que possible. Le certificat consiste simplement en un certificat médical habituel indiquant que je peux retourner au travail. Il est très simple. Il m’a fallu toute la journée pour prendre l’autobus pour m’y rendre et je n’avais que mon billet d’autobus en direction unique puisque mon transfert était expiré. J’ai dû marcher de grandes distances. Moi aussi je fais de mon mieux. Cheryl n’y était pas non plus. Vous étiez à Ottawa. Donc, j’ai simplement laissé la lettre avec elle. Elle peut vous envoyer une copie. Je suis très désolée. Comment aurais-je pu vous la transmettre? Vous avez indiqué de la lui donner aussitôt que possible.

                   […]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

50        Le deuxième échange de courriels a eu lieu le 10 octobre 2014, après l’envoi, de la part de Mme Walker, d’un courriel accusant réception du certificat du médecin de famille de la plaignante en date du 6 octobre 2014. Toutefois, l’échange, après le premier courriel, était différent :

[De la plaignante à l’intention de Mme Walker, envoyé à 13 h 23 :]

[Traduction]

Bonjour Sheena, ma cote de sécurité est-elle encore active?

                   […]

[De Mme Raabe à l’intention de la plaignante, aucune heure n’est indiquée :]

[Traduction]

Veuillez m’informer si vous vous représentez vous-même et je fermerai votre dossier.

                   […]

[De la plaignante à l’intention de Mme Raabe, envoyé à 13 h 37 :]

[Traduction]

J’ai versé des cotisations syndicales pendant 15 ans et je crois que je mérite d’être représentée. Veuillez ne pas fermer mon dossier puisque j’ai besoin d’aide. Je ne comprends pas les politiques. Vous m’avez demandé d’acheminer à Sheena le certificat médical aussitôt que possible et c’est ce que j’ai fait. Désolée.

[…]

[De Mme Raabe à l’intention de la plaignante, aucune heure n’est indiquée :]

[Traduction]

C’est correct, mais à l’avenir, veuillez NE PAS communiquer directement avec Sheena. Veuillez passer par Cheryl ou moi-même.

Envoyez-moi le billet. Je dois le lire.

                   […]

[De la plaignante à l’intention de Mme Raabe, envoyé à 13 h 52 :]

[Traduction]

Melody, je dois trouver de l’argent pour payer mon cellulaire, dont la date d’échéance est le 23 oct. Si je ne trouve pas l’argent, mon téléphone sera désactivé. Par la suite, nous devrons communiquer par lettres. Ce qui ne sera pas amusant. J’ai été très déprimée par ma situation. J’ai toujours cru qu’un grief avait été déposé. Je croyais également que je serais rémunérée pour mon congé. Je ne savais pas que ça se passerait comme ça […] ne pouvez-vous pas comprendre?

                   […]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

51        En contre-interrogatoire, la plaignante a été renvoyée au fait que, selon le courriel qu’elle a envoyé le 10 octobre 2014 à Mme Raabe, elle savait, au moins à compter de ce moment-là, qu’aucun grief concernant l’intimidation alléguée de la part de son gestionnaire n’avait été déposé, ce dont la plaignante a convenu.

52        Plus tard, le 10 octobre 2014, Mme Walker a envoyé à Mme Raabe et à Mme Dubree une copie du certificat médical du 6 octobre. Le samedi 11 octobre 2014, à 9 h 34, Mme Raabe a envoyé le courriel suivant à la plaignante :

[Traduction]

Nous avons un problème. La lettre était censée indiquer que vous pouvez retourner au travail SAUF dans l’environnement qui a causé votre maladie – soit l’établissement [nom omis].

Je dois essayer de discuter avec Sheena pour déterminer si je peux annuler cette lettre en faveur d’un autre. À moins que vous soyez prêtes à reprendre vos fonctions auprès de [nom omis]?

Faites-moi savoir aussitôt que possible afin que je puisse déterminer la prochaine mesure à prendre.

53        En contre-interrogatoire, on a mentionné à la plaignante que Mme Raabe lui avait demandé de lui remettre le certificat médical en premier. La plaignante a répondu qu’elle avait manqué d’argent et que, par conséquent, elle ne pouvait se permettre qu’un billet d’autobus en direction unique et qu’elle n’en avait pas assez pour consulter son médecin. Elle a ensuite mentionné que son billet d’autobus avait expiré, que Mme Raabe était partie 20 minutes avant son arrivée à son bureau et que Mme Dubree n’était pas là non plus. Un courriel que Mme Raabe lui avait envoyé le 3 octobre 2014, à 7 h 41, a été présenté à la plaignante, dont une partie est reproduite ci-dessous :

                   [Traduction]

[…]

Je vous enverrai une description détaillée de vos options une fois que vous serez autorisée à retourner au travail. Maintenant, vous devez consulter votre médecin et lui demander de vous fournir un certificat médical (peut-être sous forme de lettre) mentionnant que vous pouvez retourner au travail sans restriction. Le dernier point est très très important. Fixez un rendez-vous aussitôt que possible et une fois que vous aurez le certificat, vous devez en donner une copie à Cheryl et lui demander de le donner immédiatement à Sheena. Ce serait très utile si vous pouviez le faire parvenir à Sheena au plus tard mercredi de la semaine prochaine.

Ensuite, à un moment donné aujourd’hui, veuillez également envoyer un courriel à Sheena (ainsi qu’une copie à Cheryl et à moi) indiquant que vous consentez à une évaluation de Santé Canada par l’employeur et elle planifiera immédiatement un rendez-vous, mais je ne crois pas qu’elle puisse le faire avant que le certificat médical ne lui soit soumis.

Cette étape est très importante parce que, si vous choisissez, en tant qu’option, de changer votre CNP d’un congé de maladie à un congé personnel, vous pourrez accepter le poste à Parcs Canada (double emploi) pendant qu’ils déterminent où vous placer.

                   […]

Nous en discuterons tôt la semaine prochaine par courriel et je peux vous appeler d’Ottawa pour ne que vous n’ayez pas de frais à payer, mais Cheryl sait qu’il s’agit d’une priorité.

                   […]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

54        Lorsque ce courriel a été présenté à la plaignante en contre-interrogatoire, elle a dit qu’elle l’avait probablement lu (il mentionnait que Mme Raabe serait à l’extérieur  de la ville et à Ottawa), mais qu’elle avait probablement oublié en raison du stress.

55        J’ai entendu le témoignage de la plaignante, de Mme Raabe et de Raymond Brassard, un autre représentant de l’AFPC qui a pris la relève de Mme Raabe en ce qui concerne le dossier de la plaignante. Il a continué de représenter la plaignante relativement aux difficultés qu’elle éprouvait auprès de son employeur quant à son retour au travail et aux mesures d’adaptation. Il ressort de la preuve que beaucoup de travail a été fait relativement au retour au travail éventuel de la plaignante à Winnipeg, quoique dans des fonctions différentes au sein du MAINC et en contrepartie d’un salaire qui lui était acceptable. Étant donné qu’aucun de ces éléments de preuve n’est pertinent à la plainte ou à la position de l’AFPC selon laquelle elle est hors délai, je ne les examinerai pas en détail.

56        Au bout du compte, la plaignante est retournée au travail en avril 2015 dans un poste classifié au groupe et au niveau CR-04, au MAINC, et elle a déposé un grief avec l’aide de l’AFPC. De plus, avec l’aide de l’AFPC et de M. Brassard, elle a déposé un grief sur la rémunération à ce niveau. Le grief a été renvoyé à l’arbitrage devant la Commission, mais il a été réglé sans audience.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la plaignante

57        La plaignante a soutenu qu’on lui avait enseigné, depuis la naissance, les « Sept enseignements sacrés », qui comprend l’enseignement de la vérité.

58        Elle a fait valoir qu’elle avait rencontré des défis, qu’elle avait travaillé fort pour atteindre le groupe et le niveau AS-02 et que son retour à un poste classifié CR-04 avait été difficile. Elle a indiqué que les difficultés financières qu’elle avait éprouvées lui avaient nui, à elle et à ses parents qui l’ont soutenue financièrement pendant cette période.

59        Elle a soutenu qu’elle avait relevé de nombreux défis pendant qu’elle était au MAINC. Elle a été malade pendant la période visée (de 2013 à 2015) et elle a supposé que le SEN et l’AFPC prendraient soin d’elle.

60        Elle a déclaré qu’elle avait déposé un grief.

61        La plaignante a énoncé qu’elle croyait que Mme Raabe était trop occupée avec sa vie personnelle et qu’elle l’avait oubliée. Elle a indiqué qu’elle n’aurait pas dû avoir à traverser des moments aussi désespérés et que la défenderesse aurait dû respecter ses valeurs.

62        La plaignante a déclaré qu’elle était fâchée. Toutefois, elle a souligné qu’après l’audience, elle laisserait tout aller et qu’elle vivrait sa vie. Elle a indiqué que les deux années visées (de 2013 à 2015) lui avaient causé beaucoup de préjudices et qu’elle éprouvait encore des difficultés.

63        La plaignante m’a renvoyé à Sutcliffe Heinrichs c. Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes,2016 CCRI 819, qui précise qu’un manque de communication de la part d’un agent négociateur avec un de ses membres constitue un manquement au devoir de représentation équitable.

64        La plaignante m’a également renvoyé à Misuga v. CUPE Local 2153 and Winnipeg Child and Family Services, dossier (2014) 298/12/LRA, qui reprend une citation de V.S. v. Manitoba Human Rights Commission and Manitoba Government and General Employees’ Union (2010), 190 C.L.R.B.R. (2d) 184, tirée du paragraphe 107 de l’analyse de la Cour suprême du Canada au sujet de la mauvaise foi, de la discrimination et du caractère arbitraire dans Noël c. Société d’énergie de la Baie James,[2001] 2 R.C.S. 207, comme suit :

                   [Traduction]

[…]

En renvoyant à G. W. Adams, Canadian Labour Law (2e éd.) (feuilles mobiles), la Cour a indiqué que l’interdiction d’agir de manière arbitraire signifie ce qui suit :

[…] même sans intention de nuire, le syndicat ne saurait traiter la plainte d’un salarié de façon superficielle ou inattentive. Il doit faire enquête au sujet de celle-ci, examiner les faits pertinents ou obtenir les consultations indispensables, le cas échéant, mais le salarié n’a cependant pas droit à l’enquête la plus poussée. On devrait aussi tenir compte des ressources de l’association, ainsi que des intérêts de l’ensemble de l’unité de négociation. L’association jouit donc d’une discrétion importante quant à la forme et à l’intensité des démarches qu’elle entreprendra dans un cas particulier.

[…]

65        En invoquant Misuga, la plaignante a soutenu qu’elle avait droit à la meilleure représentation.

66        La plaignante m’a renvoyé au premier paragraphe de Sapra c. Association des officiers des postes du Canada et Société canadienne des postes,2010 CCRI 533, où il est question d’un agent négociateur qui agit de manière arbitraire lorsqu’il retire un grief.

67        La plaignante m’a également renvoyé à Snyder, The 2015 Annotated Canada Labour Code, Section III – Acquisition et extinction des droits de négociation, qui renvoie à l’art. 27 du Code canadien du travail (L.R.C., 1985, ch. L-2) et à l’obligation de représentation équitable. Aux pages 433 et 442, il indique ce qui suit :

[Traduction]

Négligence grave

[…] la Commission croit que les syndicats doivent quand même atteindre un certain niveau de compétence afin d’éviter un comportement téméraire ou gravement négligent : Resel (1994), 95 di 120 (Can. L.R.B.) (le syndicat, dans son interprétation des dispositions portant sur les délais prévus dans la convention collective, a fait preuve d’une négligence grave lorsqu’il n’a pas déposé les griefs en temps opportun).

Manque de communication avec le fonctionnaire s’estimant lésé

Un syndicat doit faire preuve d’une extrême prudence afin de s’assurer que le fonctionnaire s’estimant lésé est totalement conscient de toute décision touchant ses droits afin que tous les recours puissent être entrepris, le cas échéant : Gervais (1983), 53 di 104 (Can. L.R.B.) (la façon dont le fonctionnaire s’estimant lésé a été informé que le grief ne serait plus traité était déplorable).

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

68        La plaignante a fait valoir que l’omission de l’agent négociateur de déposer un grief ou une plainte de harcèlement en son nom équivalait à une négligence grave et qu’aucune indication ne lui avait été donnée quant à savoir ce que l’agent négociateur envisageait relativement à son grief et à sa plainte de harcèlement.

69        La plaignante a demandé que des dommages lui soient adjugés selon un montant égal au salaire qu’elle a perdu à compter de la date à laquelle ses prestations d’assurance-emploi ont été épuisées en décembre 2013, jusqu’à son retour au travail en avril 2015.

B. Pour la défenderesse

70        Le fardeau de la preuve incombait à la plaignante. La défenderesse est d’avis que la plaignante ne s’est pas acquittée de ce fardeau et que la plainte devrait être rejetée.

1. La plainte est hors délai

71        Le paragraphe 190(2) de la Loi établit un délai obligatoire de 90 jours dans lequel un plaignant peut déposer une plainte en vertu du par. 190(1). Ce délai commence à la date à laquelle le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance des circonstances y ayant donné lieu.

72        La plainte a été déposée le 19 janvier 2015. Essentiellement, selon la plainte, la défenderesse a omis de s’acquitter de son devoir de représentation équitable à l’égard de la plaignante lorsqu’elle a omis de déposer un grief ou une plainte de harcèlement en son nom concernant le comportement intimidant allégué de son gestionnaire à son égard. La plaignante a présenté cette question à sa représentante de l’agent négociateur en avril 2013.

73        Mme Raabe a indiqué qu’en juillet ou en août 2013, elle a dit à la plaignante qu’un tel grief ou qu’une telle plainte de harcèlement n’obtiendrait pas gain de cause. Selon ce témoignage, le délai de 90 jours pour déposer un tel recours venait à échéance en novembre 2013, bien plus d’un an avant le dépôt de la plainte.

74        Mme Raabe a également mentionné l’appel du 26 septembre entre elle et la plaignante, pendant lequel il était encore une fois clair que la plaignante savait qu’aucun grief ou qu’aucune plainte de harcèlement n’avait été déposée par la défenderesse pour son compte relativement à ses préoccupations concernant le prétendu comportement intimidant d’un gestionnaire.

75        Mme Raabe se souvient de l’appel du 26 septembre parce qu’elle était en congé en raison de son déménagement. Lorsque l’appel a eu lieu, elle était à l’extérieur de sa maison en train de superviser les déménageurs qui manipulaient ses meubles. De plus, la plaignante a rédigé le courriel du 22 septembre, à l’intention d’une amie, dans lequel elle mentionne ses préoccupations, ce à quoi son amie lui a répondu qu’elle devait obtenir une copie du grief. Le 23 septembre 2014, la plaignante et cette même amie ont échangé encore une fois des courriels dans lesquels son amie a fait un suivi relativement au grief. Ces courriels ont été échangés avant l’appel du 26 septembre. Si j’accepte le fait que le grief ou la plainte de harcèlement a été soulevé pendant l’appel du 26 septembre, le délai de 90 jours établi au par. 190(2) de la Loi pour déposer cette plainte venait à échéance le 26 décembre 2014.

76        Le 10 octobre 2014, la plaignante a envoyé un courriel à Mme Raabe. Dans ce courriel elle a indiqué spécifiquement qu’elle avait toujours cru qu’un grief avait été déposé. Puisqu’elle l’a rédigé, elle aurait su à cette date qu’aucun grief ou plainte de harcèlement n’avait été déposé et que le délai de 90 jours établi au par. 190(2) de la Loi commençaità cette date et venait à échéance le 8 janvier 2015.

77        La plaignante a déclaré qu’elle avait eu une conversation avec Mme Raabe le 22 octobre 2014, et qu’il avait alors été question de l’omission de déposer un grief ou une plainte de harcèlement. Même si la défenderesse a expressément nié que cette discussion a eu lieu, dans l’éventualité où elle avait eu lieu, il ne s’agit pas de la date à laquelle la plaignante a eu ou aurait dû avoir connaissance de l’omission de déposer un grief ou une plainte de harcèlement. À tout le moins, selon sa propre preuve, notamment le courriel en date du 10 octobre 2014, elle savait qu’aucun grief ou qu’aucune plainte de harcèlement n’avait été déposé. Le fait de confirmer ce fait le 22 octobre 2014, ne prorogeait d’aucune manière que ce soit le délai de 90 jours ou ne rétablissait pas non plus ce dernier.

78        La défenderesse m’a renvoyé à Esam c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Syndicat des employées et employés nationaux), 2014 CRTFP 90, à Ethier c. Service correctionnel du Canada et Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des Agents Correctionnels du Canada – CSN, 2010 CRTFP 7, à Tran c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada,2014 CRTFP 71 et à Boshra c. Association canadienne des employés professionnels, 2009 CRTFP 100.

2. Le bien-fondé de la plainte

79        La jurisprudence de la Commission et de ses prédécesseurs est bien établie en ce qui concerne les exigences pour établir un manquement au devoir de représentation équitable en vertu de l’art. 187 de la Loi.

80        La plaignante n’a pas laissé entendre, dans sa plainte ou à l’audience, que le fondement de sa plainte se rapporte à des allégations de discrimination ou de mauvaise foi. Il s’agit plutôt d’une allégation selon laquelle la défenderesse a agi de manière arbitraire.

81        La défenderesse a soutenu qu’il n’y a absolument aucune preuve qui indique qu’elle a agi de manière arbitraire.

82        L’AFPC m’a renvoyé au par. 30 de Ouellet c. Luce St-Georges et Alliance de la Fonction publique du Canada,2009 CRTFP 107. Elle a déclaré que le rôle de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») n’est pas d’examiner en appel la décision d’un agent négociateur de déposer ou non un grief ou de le porter à l’arbitrage, mais plutôt d’évaluer la façon de traiter le grief. Dans cette décision, la CRTFP devait rendre une décision sur la procédure et non le bien-fondé du grief ou de la plainte.

83        Au par. 51 de Bahniuk c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 13, on mentionne qu’un syndicat ne doit pas agir de manière arbitraire en ne tenant pas compte des intérêts d’un employé de manière superficielle. Un syndicat doit plutôt « […] adopter un point de vue raisonnable sur le problème qui lui est soumis et arriver à une décision réfléchie sur les mesures à prendre, après avoir tenu compte des divers facteurs conflictuels et pertinents. » Au paragraphe 52, l’arbitre de grief cite Judd v. Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 2000 (2003), 91 CLRBR (2d) 33, au par. 42, comme suit :

[Traduction]

[…] Quand un syndicat agit en se fondant sur des considérations se rapportant au lieu de travail ou à son travail de représentation des fonctionnaires, il est libre de déterminer la meilleure voie à suivre, et une telle décision n’équivaut pas à une violation du [devoir de représentation équitable].

84        L’AFPC m’a également renvoyé aux commentaires figurant aux paragraphes 62 à 65 de Bahniuk, en déclarant que les communications entre un agent négociateur et un membre peuvent être chargées d’émotions, surtout lorsque le membre ne veut pas entendre les renseignements qui lui sont communiqués, ce qui n’équivaut toutefois pas à un manquement au devoir de représentation équitable.

85        L’AFPC m’a renvoyé à Cox c. Vezina,2007 CRTFP 100, dans laquelle la CRTFP a conclu qu’elle ne cherche normalement pas à savoir si la décision prise par un agent négociateur dans le cadre de la représentation d’un employé est correcte. Elle examine le processus suivi par l’agent négociateur pour en arriver à ses décisions, ainsi que sa conduite, pendant qu’il en est arrivé à celles-ci, tout en accordant à l’agent négociateur une considérable latitude tout au long du processus. Le paragraphe 128 de Cox énonce que la perception [de la plaignante] d’un manque à cet égard ne signifie pas que les efforts déployés par le défendeur étaient arbitraires ou motivés par de la mauvaise foi.

86        Enfin, l’AFPC m’a renvoyé à Archambault c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2003 CRTFP 56, qui énonce qu’un agent négociateur a beaucoup de latitude dans la représentation de ses membres et que la norme exigée pour démontrer un manquement au devoir de représentation équitable est extrêmement élevée.

87        Il ressort de la preuve que la plaignante a approché une représentante de la défenderesse en avril 2013, au sujet de ses préoccupations quant au comportement d’un gestionnaire qu’elle estimait équivaloir à de l’intimidation. La représentante de la défenderesse, Mme Dubree, a indiqué qu’elle n’était pas en mesure de l’aider et en a discuté avec Mme Raabe. Elles ont discuté des prochaines étapes. La plaignante était en congé de maladie avec certificat à ce moment-là.

88        La rencontre suivante avec une représentante de la défenderesse, soit Mme Raabe, a eu lieu à la mi-juillet 2013. Selon la preuve, Mme Raabe a demandé à la plaignante de lui fournir des renseignements supplémentaires, des documents et une chronologie des événements. Mme Raabe lui a également conseillé de présenter une demande de prestations d’assurance-emploi et d’invalidité, puisque les prestations de congé de maladie payé de la plaignante seraient épuisées en août 2013.

89        Selon le témoignage de Mme Raabe, elle a examiné les documents que la plaignante lui a soumis et elle a conclu qu’un grief ou une plainte n’obtiendrait pas gain de cause et que le dépôt d’un grief ou d’une plainte pourrait se retourner contre la plaignante, étant donné certains des documents. Mme Raabe a également déclaré que certains des faits invoqués par la plaignante dataient de loin et ne pouvaient pas appuyer un grief ou une plainte de harcèlement.

90        Selon le témoignage de Mme Raabe, elle était prête à examiner tout autre document que la plaignante lui fournirait et elle lui avait demandé de lui donner une chronologie des événements, qui n’avait jamais été fournie.

91        Mme Raabe a également indiqué que si elle avait examiné en mai 2013 plutôt qu’en août 2013 les documents fournis par la plaignante, son opinion quant à l’issue d’un grief ou d’une plainte de harcèlement aurait été identique.

92        La preuve a révélé que la plaignante avait effectivement présenté une demande de prestations d’assurance-emploi et qu’elle les a touchées jusqu’en décembre 2013. La preuve a également révélé qu’elle avait présenté une demande de PI et que l’assureur avait refusé sa demande en octobre 2013. Dans son témoignage, Mme Raabe a fait valoir qu’elle en avait été informée presque un an plus tard, soit en septembre 2014. Mme Raabe a témoigné qu’elle croyait que la plaignante touchait une certaine forme de revenu de remplacement jusqu’en septembre 2014, malgré le fait qu’elle ne travaillait pas.

93        La plaignante a choisi de ne pas interjeter appel du refus de sa demande de PI; elle n’a pas présenté une nouvelle demande. Dans le cadre de son témoignage, elle a déclaré qu’elle ne l’avait pas fait en raison du stress et que, selon sa propre évaluation, elle pensait pouvoir survivre à l’aide de son revenu de location.

94        Même si la plaignante a fait des observations substantielles quant à ses difficultés financières, au moment visé, elle n’a jamais donné à la défenderesse la possibilité de l’aider parce qu’elle ne l’a jamais informé de ses difficultés.

95        Velichka v. Sears Canada Inc., 2015 HRTO 625, établit le principe selon lequel l’omission d’un agent négociateur d’aider à obtenir des PI n’appuie pas une conclusion de manquement au devoir de représentation équitable puisque les PI ne sont pas visées par une convention collective. Le recours contre un tel refus est une poursuite au civil intentée contre l’assureur.

96        Dans son témoignage, Mme Raabe a abordé les mesures qu’elle a prises au nom de la plaignante à compter de l’été 2013. La préoccupation principale de la plaignante est passée d’un grief ou d’une plainte de harcèlement fondé sur la prétendue intimidation de la part d’un gestionnaire à son retour au travail, plus particulièrement au Pavillon. La défenderesse a également adopté cet objectif. Il ressort de la preuve que Mme Raabe a fait ce qu’elle pouvait pour réaliser l’objectif déclaré de la plaignante, soit de retourner à un emploi au Pavillon.

97        Selon la preuve, des retards sont survenus quant au retour au travail de la plaignante au Pavillon. Toutefois, ils ne découlaient pas des mesures prises par la défenderesse, mais des limitations imposées par le médecin de famille de la plaignante quant à son aptitude à retourner au travail. Ces restrictions, plus particulièrement celle de ne pas retourner à son poste d’attache AS-02, ne se rapportaient pas à un problème lié à la prétendue intimidation de la part de son gestionnaire, mais à ses limitations cognitives et fonctionnelles liées à ses fonctions. Ces problèmes comprenaient des difficultés à traiter les documents, sa mémoire et le respect des délais.

98        Pendant l’appel du 26 septembre, Mme Raabe a appris que les PI avaient été refusées; elle a quand même essayé d’aider la plaignante. La plaignante lui a raccroché au nez, mais Mme Raabe a quand même fait un suivi auprès d’elle après cet appel au moyen d’un courriel. La participation de Mme Raabe a pris fin en novembre 2014, date à laquelle M. Brassard a pris la relève.

99        Au bout du compte, l’AFPC n’a pas déposé le grief ou la plainte de harcèlement de la plaignante parce que, à la suite d’une évaluation de la question, elle a déterminé que le grief ou la plainte n’était pas susceptible d’obtenir gain de cause.

100        En ce qui concerne la jurisprudence invoquée par la plaignante, Sapra traite de situations où il y a eu un manque de communication, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Dans Sapra, l’agent négociateur n’a pas procédé à une recherche des faits, ce qui n’est également pas le cas en l’espèce. En l’espèce, il aurait été arbitraire d’accepter la version de l’employeur des événements en négligeant la version de la plaignante, ce qui n’a pas eu lieu. En fait, l’AFPC n’a jamais entendu la version de l’employeur, uniquement la version de la plaignante. Cox est utile. Aux paragraphes 142 et 143, il est établi que l’agent négociateur est en droit d’exiger qu’un employé lui fournisse une preuve factuelle et des documents avant de procéder au dépôt d’une plainte ou d’un grief.

101        En ce qui concerne la question de la crédibilité, l’AFPC m’a renvoyé à Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354. Le témoignage de la plaignante n’était pas nécessairement uniforme pendant toute la procédure ou conforme aux documents; il était souvent ambigu. Elle ne pouvait pas se souvenir de dates. Elle mélangeait et parfois confondait les conversations. Elle n’avait pas un souvenir indépendant des événements; son témoignage changeait souvent et il était parfois incompatible avec le reste de son témoignage ou du contenu des documents qu’elle a présentés.

102        Le témoignage de Mme Raabe était clair et conforme aux documents qui existaient au moment des événements. Elle pouvait se souvenir des événements avec précision, ainsi que des faits justificatifs permettant de les corroborer. L’AFPC a soutenu que lorsqu’il existe une différence entre les faits, ceux présentés par Mme Raabe devraient être acceptés plutôt que ceux de la plaignante.

IV. Motifs

103        Pour les motifs qui suivent, je conclus que la plainte n’a pas été déposée dans le délai imparti au par. 190(2) de la Loi. En conséquence, elle est rejetée. Étant donné cette conclusion, je ne traiterai pas du bien-fondé de la plainte.

104        Le délai pour déposer une plainte en vertu de l’art. 190 de la Loi est indiqué au par. 190(2) comme suit :

Délai de présentation

190(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu – ou, selon la Commission, aurait dû avoir – connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

105        Tel qu’il est établi au par. 32 d’Esam c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Syndicats des employées et employés nationaux), 2014 CRTFP 90, le délai imparti au par. 190(2) de la Loi est obligatoire et il n’existe aucun pouvoir discrétionnaire de le proroger; ce principe a été souligné de manière constante dans la jurisprudence des prédécesseurs de la Commission (voir également Ethier c. Service correctionnel du Canada et Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN,2010 CRTFP 7, Tran c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2014 CRTFP 71 et Boshra c. Boshra c. Association canadienne des employés professionnels,2009 CRTFP 100).

106        Selon la preuve, la plaignante a envoyé le courriel du 22 septembre. Il comptait un peu plus d’une page et il énonçait un certain nombre de préoccupations, y compris certaines de ses préoccupations liées à l’intimidation et au harcèlement dont elle croyait avoir été victime de la part de son gestionnaire. Elle a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

̶ Mon gestionnaire me disait constamment que je devais apprendre plus vite et que je devais être exactement comme [nom omis], qui était le chef des services exécutifs et dont le poste était à quelques niveaux supérieurs au mien. J’occupais un poste du groupe et niveau AS-02 et elle occupait un poste PM-04. Mon patron m’envoyait des courriels pour me dire que j’avais quelques minutes de retard et que je devais me dépêcher d’apprendre au sujet de cet emploi duquel j’avais été absente pendant presque huit ans.

̶ J’en ai discuté avec une personne de mon syndicat que je connaissais et elle m’a informée que mon patron m’intimidait. Elle a demandé une réunion avec les RH et nous nous sommes rencontrés en vue de discuter de mon absence. J’avais un billet médical indiquant que je devais m’absenter du travail et mes représentants des RH m’ont informé que je devais consulter quelqu’un de Santé Canada.

̶ Un jour, lorsque je me suis présentée pour livrer un autre billet médical. J’ai rencontré la présidente du Syndicat et elle m’a demandé pourquoi j’étais absente et je lui ai dit ce qui se passait.

̶ Elle, Melody Rabbe, m’a informée qu’il n’était pas nécessaire que mes supérieurs sachent la raison de mon absence et elle m’a indiqué que je devais en discuter davantage avec elle.

                   […]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

107        Le courriel du 22 septembre comportait les notes suivantes qui y ont été ajoutées à la main et que la plaignante a indiqué être dans l’écriture de son amie, Mme A :

[Traduction]

Pourquoi aucune mesure n’a-t-elle été prise entre nov. + mars?

GRIEF? QU’EST_CE QUI EST DÉPOSÉ?

COMMISSION DU TRAVAIL – Broadway

Où est la trousse? – état

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

108        Le lendemain, Mme A a envoyé un courriel à la plaignante à 10 h 56, comme suit :

[Traduction]

Bonjour Wilmalee

As-tu été en mesure d’obtenir une copie de ton grief par courriel auprès de ton Syndicat?

109        Selon la preuve, l’appel du 26 septembre a eu lieu après cet échange. Les éléments de preuve relatifs à cet appel sont contradictoires.

110        La plaignante a également déposé en preuve le courriel du 23 septembre. Il comprenait des renvois à des discussions qu’elle avait eues avec Mme A au sujet de sa représentation par la défenderesse. Une copie de ce courriel a également été incluse dans une chaîne de courriels ultérieure concernant Mme Raabe et M. Little-Gagné, qui a révélé que l’adresse électronique de Mme Raabe et M. Little-Gagné était erronée dans ce courriel.

111        Mme Raabe a déclaré qu’elle se souvenait très bien de l’appel du 26 septembre puisqu’elle déménageait et qu’elle était dehors en train de superviser les déménageurs qui manipulaient ses meubles pendant qu’elle parlait avec la plaignante.

112        Mme Raabe a fait valoir que, pendant l’appel du 26 septembre, la plaignante était très contrariée et la blâmait pour tout ce qui s’était produit depuis qu’elle avait quitté le travail en congé de maladie. C’est à ce moment-là, selon Mme Raabe, qu’elle a pris connaissance du fait que la demande de PI de la plaignante avait été refusée. Mme Raabe a déclaré que la plaignante lui parlait en criant et qu’elle lui avait dit qu’elle était censée avoir déposé un grief et qu’elle ne l’avait pas fait, qu’elle était censée avoir déposé une plainte et qu’elle ne l’avait pas fait, et qu’elle était censée l’aider, mais qu’elle ne l’avait pas fait. La plaignante a indiqué à Mme Raabe que c’était de sa faute si elle n’avait pas d’argent et si elle perdait sa maison. Mme Raabe a indiqué avoir essayé de calmer la plaignante, en vain, puisque celle-ci lui a raccroché au nez.

113        Lorsque l’avocate de la défenderesse a indiqué à la plaignante qu’elle avait fait l’appel du 26 septembre, la plaignante a convenu en indiquant [traduction] « Je m’en souviens ». L’avocate lui a ensuite demandé si elle convenait que cette discussion portait sur des questions qu’elle avait soulevées avec son amie dans les courriels du 22 et 23 septembre et la plaignante y a convenu. Lorsque l’avocate de la défenderesse a suggéré à la plaignante que, pendant l’appel, elle avait discuté avec Mme Raabe de l’état de son grief, elle l’a nié. La plaignante a ensuite déclaré un certain nombre d’éléments, y compris ce qui suit :

[Traduction]

Elle m’a immédiatement parlé en criant. Elle était fâchée parce que toutes ces personnes l’appelaient d’Ottawa. J’ai dit « Vous auriez pu déposer le grief. » Elle a dit « non, nous avons manqué le délai ».

                   […]

J’ai ensuite raccroché et je ne lui ai jamais reparlé.

114        Après avoir fait cet énoncé en réponse à la question de l’avocate de la défenderesse au sujet du grief et lorsqu’on lui a demandé de confirmer qu’elle avait en réalité discuté du dépôt d’un grief à ce moment-là, la plaignante a changé son témoignage et a déclaré qu’elle n’en avait pas discuté.

115        Dans son témoignage, la plaignante a ensuite laissé entendre que Mme Raabe lui aurait parlé en criant pendant une autre conversation. Elle a ensuite déclaré que la discussion qui a mis fin à leur relation s’était terminée lorsque Mme Raabe lui a parlé en criant.

116        L’avocate de la défenderesse a ensuite suggéré à la plaignante qu’elle n’avait aucune mémoire précise de ce qui avait été discuté pendant l’appel du 26 septembre et elle en a convenu.

117        La plaignante a convenu que l’appel du 26 septembre avait eu lieu. Au début, elle a nié qu’une discussion au sujet de son grief avait été tenue. Cependant, elle a ensuite déclaré que, en réalité, elle avait dit à Mme Raabe qu’elle aurait pu déposer un grief et que, par la suite, elle lui a raccroché au nez et ne lui a jamais reparlé. Quelques minutes plus tard, au cours de son témoignage, elle a nié avoir discuté du grief et a déclaré qu’elle avait peut-être confondu ses appels. Enfin, elle a déclaré qu’elle ne se souvenait pas précisément de cette conversation téléphonique.

118        Selon les courriels qu’elle a échangés avec son amie les 22 et 23 septembre, la plaignante était préoccupée par sa situation, y compris le grief. De son propre aveu, cette préoccupation était le sujet de l’appel du 26 septembre. Même si elle a nié à l’origine avoir discuté du grief, dans le cadre de sa réponse, elle a déclaré qu’elle avait mentionné à Mme Raabe que celle-ci aurait pu déposer un grief. Elle a déclaré par la suite qu’elle n’avait pas discuté du grief. Plus tard, après avoir expliqué qu’elle avait peut-être fait une erreur entre l’appel du 26 septembre et un autre appel, elle a de nouveau déclaré qu’elle ne se souvenait pas précisément de cet appel.

119        Selon ce que Mme Raabe se souvenait de l’appel du 26 septembre, la plaignante était contrariée et elle blâmait Mme Raabe pour toutes ses difficultés financières et d’emploi, ce qui comprenait une accusation selon laquelle Mme Raabe n’avait pas déposé un grief.

120        Étant donné tous les éléments de preuve, j’accepte le fait que l’omission de déposer un grief a été soulevée pendant l’appel du 26 septembre et que la plaignante savait dès ce moment qu’aucun grief ni aucune plainte n’avait été déposé relativement à l’intimidation. Ceci étant, elle aurait dû déposer sa plainte dans les 90 jours suivant le 26 septembre 2014. Le délai pour ce faire aurait été le premier jour ouvrable suivant le lendemain de Noël (le 26 décembre) 2014 ou vers cette date. Puisqu’elle a déposé sa plainte le 20 janvier 2015, elle l’a fait bien en dehors du délai de 90 jours.

A. Le courriel du 10 octobre 2014

121        Si mon évaluation de ce qui s’est produit le 26 septembre 2014 est erronée, il toutefois est évident que le vendredi 10 octobre 2014, à 13 h 52, la plaignante a envoyé un courriel à Mme Raabe dans laquelle elle a déclaré : [traduction] « Je suis très désespérée quant à ma situation. J’avais toujours cru qu’un grief avait été déposé. » Ce courriel permet de confirmer, sans aucun doute, qu’au 10 octobre 2014, la plaignante savait qu’aucun grief n’avait été déposé, ce qu’elle indique dans son courriel.

122        Par conséquent, le délai de 90 jours indiqué au par. 190(2) de la Loi a expiré le jeudi 8 janvier 2015. Puisqu’elle a déposé sa plainte le 20 janvier 2015, elle l’a déposé en dehors du délai obligatoire.

B. La prétendue réunion du 22 octobre 2014

123        Dans son témoignage, la plaignante a laissé entendre qu’elle avait discuté de l’omission de la défenderesse de déposer un grief lors d’une réunion tenue le 22 octobre 2014. Encore une fois, dans son témoignage, elle a déclaré avoir rencontré Mme Raabe ce jour-là, mais Mme Raabe a déclaré qu’aucune réunion n’avait eu lieu. Sans trancher la question de savoir si une réunion a eu lieu et en supposant qu’une réunion a eu lieu et que le grief a été discuté, cette discussion ne peut pas constituer et ne constitue pas un événement qui permettrait à la plaignante de demander une prorogation du délai de dépôt de sa plainte.

124        Tel qu’il est indiqué au paragraphe 47 de Boshra, la Commission n’est pas autorisée à tenir compte des efforts de la plaignante visant à poursuivre sa collaboration avec la défenderesse au sujet de son dossier : « Le paragraphe 190(2) de la Loi exige que la plainte soit déposée dans le délai prescrit, même lorsqu’on déploie des efforts en vue de résoudre le problème à l’amiable. »

125        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

126        La plainte est hors délai.

127        La plainte est rejetée.

Le 9 mars 2017.

Traduction de la CRTEFP

John G. Jaworski

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique

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