Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés ont allégué que l’employeur avait calculé de manière arbitraire et de mauvaise foi les primes de performance prévues par la convention collective – ils ont soutenu que leur rendement pendant un exercice aurait dû être évalué à l’aide des [traduction] « Lignes directrices sur la rémunération au rendement et les congés pour la gestion et les équivalents RH » pour 2008 (les « Lignes directrices de 2008 »), qui étaient en vigueur pendant cette période d’évaluation – l’employeur s’est opposé à la compétence de la Commission à l’égard des griefs au motif que ceux-ci portent sur des questions qui relèvent des droits de gestion exclusifs de l’employeur – il a également déclaré que seule la définition de l’expression « leadership exemplaire » avait été modifiée afin d’assurer une meilleure uniformité dans l’application des critères, et ce, à l’échelle de l’organisation de l’employeur – la Commission a conclu que la portée très limitée d’un examen consiste à déterminer s’il a été établi que l’employeur a agi de mauvaise foi ou de manière arbitraire lorsqu’il a précisé, rétroactivement, la façon dont le critère relatif au « leadership exemplaire » devrait être appliqué – la Commission a conclu que l’employeur avait agi de manière déraisonnable et arbitraire lorsqu’il a révisé la définition de « leadership exemplaire » et appliqué rétroactivement cette définition modifiée à l’examen du rendement pour l’année qui venait de prendre fin – la modification n’était pas que symbolique ou sémantique – la Commission a estimé qu’il s’agissait d’une modification importante du prisme au travers duquel le rendement des employés doit être évalué afin de déterminer leur admissibilité à une prime de performance – l’employeur a commis une erreur lorsqu’il a appliqué rétroactivement ces modifications à une année d’examen du rendement qui était déjà terminée – la Commission a accueilli les griefs et ordonné la mesure corrective – la prime de performance pour l’exercice 2008-2009 devait être ajustée à 3 % pour les fonctionnaires s’estimant lésés qui ont reçu une prime de 2 % – le rendement des fonctionnaires s’estimant lésés qui n’ont pas reçu une prime de performance devrait être évalué de nouveau à l’aide des Lignes directrices de 2008.Griefs accueillis.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20170413
  • Dossier:  566-34-5077 à 5079, 5082 et 5083
  • Référence:  2017 CRTEFP 34

Devant un arbitre de grief


ENTRE

NEIL WAWRYKOW, STEVE MATE, JIM WEISS, SANDRA CAMPBELL ET DAVID CHERRETT

fonctionnaires s'estimant lésés

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Wawrykow c. Agence du revenu du Canada


Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage


Devant:
Michael F. McNamara, arbitre de grief
Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
Maria Jordan et Jeff Ryder, Institut professionnel de la fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Talitha A. Nabbali, avocate
Affaire entendue à Winnipeg (Manitoba),
les 11 et 12 mars 2014.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1        Je suis saisi de sept griefs qui ont été déposés par des employés de l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur ») à différentes dates au cours de 2009. Tous les griefs portent sur une allégation de violation de la clause 45.08 de la convention collective applicable au groupe Vérification, finances et sciences (VFS) conclue entre l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada et l’employeur (date d’expiration : le 21 décembre 2007; la « convention collective »). La clause 45.08 est libellée comme suit :

45.08 Prime de performance – Groupe de gestion

a) À la discrétion de l’Employeur, les employés qui effectuent les tâches d’un poste classifié dans le Groupe de Gestion (MG) au cours de la période annuelle de révision seront éligibles, selon les conditions établies par l’Employeur, à recevoir une prime de performance sous la forme d’un montant forfaitaire pouvant atteindre jusqu’à cinq pourcent (5 %) [sic] du salaire de la position substantive détenue le dernier jour de la période annuelle d’évaluation de rendement.

b) Le montant forfaitaire prévu au présent paragraphe et remis aux employés en guise de prime de performance ne fait pas partie de leur salaire.

2        Neil Wawrykow, Steve Mate, Jim Weiss, Sandra Campbell et David Cherrett, les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »), sont chefs d’équipe et membres du groupe de gestion de l’employeur. Tous les griefs allèguent que l’employeur a appliqué le processus de gestion du rendement pour l’exercice 2008-2009 et calculé les primes de performance prévues à la clause 45.08 de la convention collective de manière arbitraire et de mauvaise foi, violant ainsi cette clause.

3        Le 24 février 2011, l’employeur a soulevé une objection préliminaire quant à la compétence de l’arbitre de grief au motif que les griefs portent sur des questions qui relèvent des droits de gestion exclusifs de l’employeur. Plus précisément, il a soutenu que les griefs portaient sur les évaluations du rendement et les évaluations des employés. En outre, il a fait valoir que les fonctionnaires avaient tenté d’élargir la portée des griefs en renvoyant à d’autres articles connexes dans le cadre de leur renvoi à l’arbitrage, ce qui constitue une tentative de modifier les motifs d’origine des griefs, contrairement au principe établi dans Burchill v. Attorney General of Canada,[1981] 1 F.C. 109 (C.A.).

4        L’agent négociateur a fait valoir que les griefs renvoient clairement à la violation de la clause 45.08 de la convention collective. Il a fait valoir que, dans de nombreuses décisions, les arbitres de grief ont soutenu que le recours de l’employeur au pouvoir discrétionnaire qui lui est accordé aux termes d’une convention collective était assujetti à un examen arbitral.

5        Le 12 février 2014, en préparation à l’audience, l’avocate de l’employeur a réitéré l’objection relative à la compétence soulevée par l’employeur et a demandé que la question de la compétence soit tranchée avant l’audience, sur la base d’arguments écrits.

6        Les parties ont été informées que j’avais examiné la question et que j’avais décidé de remettre le prononcé du jugement quant à l’objection de l’employeur et de procéder à l’instruction des griefs sur le fond, sous réserve de la contestation quant à la recevabilité des griefs à l’arbitrage. Les griefs ont été regroupés aux fins d’une audience commune.

7        Au début de l’audience, j’ai été informé que deux des sept renvois à l’arbitrage avaient été retirés (les dossiers 566-34-5081 et 5080). J’ai ordonné la fermeture de ces dossiers.

II. Résumé des faits

8        Le représentant des fonctionnaires a cité trois témoins à comparaître : Mme Campbell, M. Cherrett et M. Mate.

9        Pendant toute la période pertinente, les fonctionnaires étaient employés à titre de chefs d’équipe au bureau de l’employeur situé à Winnipeg, au Manitoba. Le 9 février 2009, leur superviseur, M. Chris Dudek, a envoyé le courriel d’ [traduction] « envoi » qui a déclenché le processus d’examen du rendement des employés pour l’exercice 2008-2009. M. Dudek a été leur superviseur pendant 9 des 12 mois visés par l’examen.

10        Tel qu’il a été demandé, les fonctionnaires ont préparé et présenté les faits saillants de leurs accomplissements pendant l’année visée par l’examen. Ils ont eu l’occasion de fournir des commentaires aux fins du rapport d’évaluation (le « rapport ») et M. Dudek a examiné leurs énoncés et fourni une description supplémentaire lorsqu’il le jugeait indiqué.

11        Les trois témoins ont fait l’objet d’une recommandation de la part de leur superviseur. Selon cette recommandation, ils étaient admissibles à une prime de performance de 3 %, sur la base de leurs objectifs en matière de [traduction] « gestion efficace des personnes » (GEP) auxquels il a attribué la cote [traduction] « très bon » (un leadership exemplaire dans deux des cinq objectifs en matière de GEP). Ces évaluations et cotes correspondaient essentiellement à celles des années antérieures.

12        Après avoir reçu la version définitive du rapport, les témoins ont indiqué que leur prime de performance avait été établie à 2 %, sur la base de leur [traduction] « bonne » cote. Les cotes ont été modifiées en raison d’un examen par le Comité d’examen. Ils ont été déçus parce qu’ils avaient été amenés à croire que la direction avait approuvé une prime de performance de 3 %. En général, la haute direction acceptait toujours la cote attribuée par le gestionnaire. M. Mate a déclaré s’être senti [traduction] « contrarié et trahi ».

13        Mme Campbell a déposé en preuve les [traduction] « Lignes directrices sur la rémunération au rendement et les congés pour la gestion et les équivalents RH », telles qu’elles étaient rédigées en 2007 et en 2008 (respectivement, les « Lignes directrices de 2007 » et les « Lignes directrices de 2008 »). Elle a également déposé en preuve un fichier PowerPoint portant sur une présentation à laquelle elle a assisté en juin 2009, portant sur les critères d’évaluation de la GEP pour l’exercice 2008-2009, qui décrivait une définition modifiée des facteurs liés au « leadership » et au « leadership exemplaire ». M. Cherrett et M. Mate n’ont pas assisté à la présentation.

14        Mme Campbell a déclaré qu’elle avait reçu une prime de performance de 5 % au cours des années antérieures, sauf une année où sa prime correspondait à 3 %. Les mesures qu’elle a prises et son comportement en matière de gestion n’étaient pas différents en 2008-2009 que durant les années antérieures. Par conséquent, elle pouvait raisonnablement s’attendre à répondre au critère relatif au « leadership exemplaire ». Selon elle, la cible était [traduction] « plus difficile à atteindre » en raison des modifications apportées à la définition.

15        L’employeur a cité Paul Vienneau. Pendant toute la période pertinente, M. Vienneau était le directeur adjoint de la Vérification au Bureau des services fiscaux de Winnipeg de l’employeur. Il a indiqué qu’il avait participé au processus du Comité d’examen. L’employeur avait déterminé que le processus comprendrait deux niveaux pour 2008-2009. Le premier niveau consistait à effectuer une évaluation des échantillons des examens menés par les gestionnaires afin de déterminer la validité et l’uniformité de la description par rapport à la cote. L’examen au deuxième niveau consistait à surveiller le processus de [traduction] « Rémunération au rendement et congé de la gestion et des équivalents RH » aux fins de l’uniformité, de l’équité et de la qualité. La surveillance du processus était effectuée au moyen de comparaisons, dans l’ensemble des directions d’une même direction générale et des bureaux d’une même région, en vue d’assurer l’uniformité de la cote par rapport à la description et à la répartition raisonnable de celles-ci.

16        Un Comité d’examen avait été mis sur pied au cours des années antérieures. Toutefois, l’examen effectué par le Comité était axé sur la cote [traduction] « excellente » (la plus élevée) aux fins d’uniformité. L’examen effectué pour l’année d’évaluation de 2008-2009 était plus structuré et rigoureux. L’employeur avait élaboré le nouveau processus du Comité d’examen pour l’année 2008-2009 dans le but de donner suite à une recommandation formulée par un groupe de travail national convoqué en octobre 2008 pour étudier l’amélioration de l’uniformité nationale relative à l’application des cotes.

17        L’employeur avait élaboré des documents d’information sur la définition du terme « exemplaire » afin d’améliorer l’uniformité entre les examens du rendement des employés effectuées par différents gestionnaires aux différents emplacements de l’employeur. Dans cet esprit, l’employeur a ajouté une définition plus détaillée quant à la façon dont l’expression « leadership exemplaire » devrait être traduite dans le cadre des descriptions des examens rédigées par les gestionnaires.

18        M. Vienneau a indiqué que les cinq objectifs en matière de GEP pour 2008-2009 étaient identiques à ceux des années antérieures, même s’ils avaient été regroupés en trois buts et objectifs génériques dans les [traduction] « Lignes directrices sur la rémunération au rendement et les congés pour la gestion et les équivalents RH de 2009 » (les « Lignes directrices de 2009 »).

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour les fonctionnaires

19        Le représentant des fonctionnaires a d’abord soutenu que l’employeur n’avait pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière appropriée lorsqu’il a modifié le processus d’examen du rendement et qu’il a appliqué rétroactivement ces modifications.

20        Il ressort de la preuve que les définitions des cotes ont été modifiées au printemps 2009 et que l’employeur a appliqué un nouveau régime d’examen à deux vitesses. Les lignes directrices qui auraient dû être appliquées pour évaluer le rendement des fonctionnaires pour l’exercice 2008-2009 étaient celles de 2008, qui étaient en vigueur pendant la période d’examen. Ces lignes directrices étaient semblables à celles des années antérieures et elles ont été utilisées lorsque les employés ont rencontré leurs superviseurs pour établir les objectifs de travail de l’année en cours. Ces lignes directrices étaient en vigueur lorsque M. Dudek a rencontré les fonctionnaires pour examiner leur rendement pour 2008-2009. En mars 2009, ils ont été informés qu’ils recevraient une prime de performance de 3 %; aucune modification au processus d’examen du rendement n’avait été indiquée.

21        En avril 2009, l’employeur a modifié la définition de l’expression « leadership exemplaire », soit un des critères d’évaluation applicable au rendement des fonctionnaires. Le représentant de l’agent négociateur a fait valoir que cette modification importante s’appliquait rétroactivement. Par souci d’équité, la modification aurait dû être effectuée au début de la période d’examen afin que des ajustements puissent être faits au cours de l’année, selon le cas. La clause 40.02 de la convention collective indique clairement que les renseignements appropriés doivent être transmis aux employés avant une période d’examen. La politique en vigueur à ce moment-là était celle énoncée dans les Lignes directrices de 2008.

22        Par conséquent, les examens du rendement des fonctionnaires ont été faits par le Comité d’examen plutôt que par le superviseur. Toutefois, la clause 40.03b) de la convention collective exige que les « représentants de l’employeur qui apprécient le rendement de l’employé doivent avoir été en mesure d’observer ou de connaître son rendement pendant au moins la moitié (1/2) de la période pour laquelle le rendement de l’employé est évalué ». Le représentant a soutenu que ce processus est inéquitable et qu’il constitue un abus de pouvoir et un abus du pouvoir discrétionnaire de la direction établi à la clause 45.08 de la convention collective. Un pouvoir discrétionnaire mal exercé équivaut à une conduite arbitraire.

23        Par conséquent, le représentant des fonctionnaires a demandé les réparations suivantes au nom des fonctionnaires. En ce qui concerne les trois fonctionnaires qui ont reçu une prime de performance de 2 % pour l’exercice 2008-2009 en raison d’un processus erroné, leur prime devrait être ajustée à 3 %. En ce qui concerne les deux fonctionnaires qui n’ont reçu aucune prime de performance au motif qu’ils ont obtenu la cote [traduction] « n’a pas atteint », leur rendement devrait être évalué de nouveau à l’aide de la [traduction] « Politique sur la gestion du rendement de 2008 » établie dans les Lignes directrices de 2008.

24        Le représentant des fonctionnaires m’a renvoyé à la doctrine suivante : Jones et de Villars, Principles of Administrative Law, 5e édition, 2009, aux pages 174 et 195. Il m’a également renvoyé à la jurisprudence suivante : Dubé c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2007 CRTFP 77; Allad et le Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-24466 (19950310), [1995] C.R.T.F.P.C. No. 27 (QL); Salois c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2001 CRTFP 88. Pour ce qui est de l’objection de l’employeur relative à la compétence, il m’a renvoyé à Prévost c. Bureau du surintendant des institutions financières, 2011 CRTFP 119, et à Matear c. Conseil du Trésor (ministère de l’Industrie), 2008 CRTFP 11.

B. Pour l’employeur

25        L’avocate de l’employeur a d’abord fait valoir que le renvoi à la clause 40.02 de la convention collective vise à modifier la nature des griefs et qu’il ne devrait pas être pris en considération. Elle a répété l’objection de l’employeur quant à la compétence d’un arbitre de grief et a soutenu que, en l’espèce, une telle compétence était limitée aux déterminations de discrimination, de mauvaise foi ou de conduite arbitraire. La seule contestation des fonctionnaires est fondée sur une allégation selon laquelle le processus lié au rendement a été mené de manière arbitraire parce qu’il a été effectué différemment que l’année précédente.

26        L’avocate de l’employeur a soutenu que seule la définition de l’expression « leadership exemplaire » avait été modifiée. Les objectifs et les buts établis dans les Lignes directrices de 2009 étaient identiques à ceux de l’année précédente. L’avocate a expliqué que la définition avait été modifiée afin d’assurer une meilleure uniformité dans l’application des critères, et ce, à l’échelle de l’organisation de l’employeur. Le fait de procéder de cette façon n’est pas arbitraire puisque l’employeur avait un objectif de gestion légitime.

27        Elle a fait valoir en outre que l’employeur avait un vaste pouvoir discrétionnaire qui était décrit expressément à la clause 45.08 de la convention collective relativement au processus d’évaluation. L’arbitre de grief n’a pas compétence en ce qui concerne le processus.

28        L’avocate de l’employeur m’a renvoyé à Ball c. Agence du revenu du Canada, 2007 CRTFP 12; Bahniuk c. Agence du revenu du Canada, 2005 CRTFP 177; Bratrud c. Bureau du surintendant des institutions financières, 2006 CRTFP 63; Zakaib c. Administrateur général (Agence canadienne de développement international), 2009 CRTFP 90.

IV. Motifs

29        Il ressort clairement de la jurisprudence de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique qu’un arbitre de grief n’a pas compétence pour évaluer un examen du rendement en tant que tel (voir Bahniuk et Ahad c. Bureau du surintendant des institutions financières Canada, dossiers de la CRTFP 166-02-15840, 16038, et 16233 (19870126) et suiv., [1987] C.R.T.F.P.C. no 9 (QL)), sauf évidemment si le processus d’évaluation substantif est établi dans la convention collective.

30        Ce n’est pas le cas en l’espèce. La clause sur laquelle s’appuient les griefs des fonctionnaires indique expressément que le processus d’évaluation des employés et l’admissibilité à une prime de performance constituent un droit de gestion et qu’ils doivent être appliqués en vertu du pouvoir discrétionnaire de la direction comme suit :

45.08 Prime de performance – Groupe de gestion

a) À la discrétion de l’Employeur, les employés qui effectuent les tâches d’un poste classifié dans le Groupe de Gestion (MG) au cours de la période annuelle de révision seront éligibles, selon les conditions établies par l’Employeur, à recevoir une prime de performance sous la forme d’un montant forfaitaire pouvant atteindre jusqu’à cinq pourcent (5 %) [sic] du salaire de la position substantive détenue le dernier jour de la période annuelle d’évaluation de rendement.

b) Le montant forfaitaire prévu au présent paragraphe et remis aux employés en guise de prime de performance ne fait pas partie de leur salaire.

[Je souligne]

31        La clause 45.08 de la convention collective confère aux employés le droit à un montant forfaitaire en guise de prime de performance pouvant atteindre jusqu’à cinq pour cent (5 %), sous réserve des conditions établies par l’Employeur. Ces conditions ne sont pas intégrées dans la convention collective et relèvent du pouvoir discrétionnaire de l’employeur dans le cadre de l’exercice de ses droits de gestion. Toutefois, tel qu’il est indiqué dans Bahniuk, j’ai compétence, même si elle est limitée, pour déterminer si l’employeur a agi de manière discriminatoire, arbitraire ou de mauvaise foi en exerçant ses droits à l’égard des examens annuels du rendement des fonctionnaires.

32        Avant d’aborder cette question, je vais traiter l’argument de l’employeur selon lequel les fonctionnaires tentent d’élargir la portée de leurs griefs en renvoyant aux clauses 40.02 et 40.03b) de la convention collective, contrairement au principe établi dans Burchill.

33        Respectueusement, je ne souscris pas à cet argument. Selon mon interprétation de la position des fonctionnaires, ils n’invoquent pas ces dispositions à titre de sources indépendantes de leur droit, mais en tant qu’appui accessoire en ce qui concerne leur allégation selon laquelle le pouvoir discrétionnaire conféré à l’employeur en vertu de la clause 45.08 de la convention collective a été appliqué de manière arbitraire. Quoi qu’il en soit, certains des griefs renvoient à la clause 40.03b) de la convention collective, et je n’estime pas que les renvois à ces deux clauses modifient la nature des griefs, conformément à Burchill.

34        Le fait que l’employeur ait modifié de manière inappropriée les règles de base en vertu desquelles les évaluations des employés sont menées est au cœur de l’argumentation des fonctionnaires. Les modifications touchent un critère important qui constitue l’élément déclencheur pour être admissible à une prime de performance, soit faire preuve de « leadership exemplaire » en tant que chef d’équipe. La reconnaissance d’un leadership exemplaire dans l’un ou l’autre des objectifs en matière de GEP pourrait se traduire par une prime de performance de 2 % à 5 %. Comme il est mentionné dans la présentation PowerPoint de juin 2009 et les Lignes directrices de 2009, la principale différence dans la définition est l’ajout de la phrase suivante à la définition du terme « leadership » :

[Traduction]

Un gestionnaire fait preuve d’un « leadership exemplaire » lorsque ses actes ou comportements novateurs ou sources d’inspiration, surtout en cas de circonstances difficiles, ont une incidence positive sur les personnes et les résultats, tant au niveau individuel, de l’équipe ou de l’organisation en général.

35         Les fonctionnaires ont soutenu que l’employeur avait appliqué ces modifications rétroactivement, après la période de révision, et que, par conséquent, les employés ont été incapables de connaître à l’avance les critères en fonction desquels leur rendement serait évalué, les privant ainsi de l’occasion de corriger tout doute ou lacune pendant la période d’examen. Les fonctionnaires ont également allégué que le régime à deux vitesses mis en place pour examiner les évaluations des employés par les superviseurs était inapproprié en ce sens que des personnes autres que les gestionnaires des fonctionnaires ont réellement mené les examens du rendement, sans connaissance des travaux et des réalisations des fonctionnaires pendant le cycle de rendement visé par l’examen. Par conséquent, le processus constitue un abus de pouvoir et touche de manière arbitraire les droits des employés en vertu de la clause 45.08 de la convention collective.

36        L’employeur a expliqué les raisons qui ont motivé les modifications à sa politique en avril 2009. L’examen du rendement constitue, dans une grande mesure, un jugement subjectif fondé sur des critères objectifs. Plus particulièrement, étant donné la difficulté à appliquer le critère de « leadership exemplaire », l’employeur a fourni une description plus détaillée de ce qui devrait être compris et démontré dans la description par l’adjectif « exemplaire » en ce qui concerne l’exercice du leadership en GEP.

37        Du même souffle, l’employeur a décrit davantage le processus du Comité d’examen dans les Lignes directrices de 2009. Il a établi une structure à deux vitesses du Comité d’examen, une au niveau de la direction et l’autre au niveau de la direction générale et de la région, essentiellement afin d’assurer l’uniformité de la description par rapport à la cote. Je souligne que le principe d’un comité d’examen existait antérieurement.

38        La modification ne concernait pas tant les facteurs à évaluer (p. ex. le leadership et ses cinq objectifs). Elle faisait en sorte que des renseignements supplémentaires étaient fournis à savoir ce qui devait être démontré pour appuyer une conclusion de « leadership exemplaire », et ce, aux fins d’objectivité et d’uniformité accrue dans le cadre de son application. Les Lignes directrices de 2007 et les Lignes directrices de 2008 mentionnent également le leadership exemplaire, même si elles n’offrent aucune aide à l’évaluateur quant aux motifs en fonction desquels il doit évaluer l’adjectif « exemplaire ».

39        Je dois donc trancher la question de savoir si, selon le contexte factuel, l’employeur a agi de mauvaise foi ou de manière arbitraire lorsqu’il a établi et appliqué les conditions liées à l’admissibilité des fonctionnaires à une prime de performance pour le cycle de rendement de 2008-2009. Les fonctionnaires n’ont pas et ne peuvent pas contester leur évaluation en soi ni l’évaluation de leur rendement. Une telle contestation entraînerait une enquête qui relève exclusivement du droit de gestion et qui ne peut faire l’objet d’un examen dans le cadre d’un arbitrage, tel qu’il a été mentionné ci-dessus.

40        En l’espèce, la portée très limitée d’un examen consiste à déterminer s’il a été établi que l’employeur a agi de mauvaise foi ou de manière arbitraire lorsqu’il a précisé, rétroactivement, la façon dont le critère relatif au « leadership exemplaire » devrait être appliqué et quels actes et comportements fondés sur des éléments de preuve étaient requis pour étayer un tel leadership.

41        Je suis d’avis que l’employeur a agi de manière déraisonnable et arbitraire lorsqu’il a révisé la définition de « leadership exemplaire » et appliqué rétroactivement cette définition modifiée à l’examen du rendement pour l’année qui venait de se terminer.

42        Un principe fondamental d’une bonne gestion consiste à s’assurer que les attentes des employés relativement à leur rendement et à leur conduite sont communiquées clairement. Cette communication doit être faite au début d’une période d’examen du rendement et, selon le cas, des ajustements peuvent être faits au cours de cette même période.

43        La modification apportée par l’employeur en avril 2009 n’était pas que symbolique ou sémantique. J’estime qu’il s’agit d’une modification importante du prisme au travers duquel le rendement des employés devait être évalué afin de déterminer leur admissibilité à une prime de performance. À mon avis, cette modification concerne directement le cœur des attentes de la direction quant au comportement de ses employés et le fondement en fonction duquel le pouvoir discrétionnaire de la direction est exercé. Le texte ajouté aux Lignes directrices de 2009 décrit de manière plus concrète les types de comportements, d’actes et de résultats que l’employeur juge favorables lorsqu’il détermine l’admissibilité des employés à une prime de performance et, le cas échéant, le pourcentage de la prime.

44        Je ne dis pas que l’employeur n’avait pas le droit de modifier les paramètres d’évaluation du rendement des employés et le type de preuve nécessaire pour appuyer les cotes de rendement. À mon avis, l’employeur a commis une erreur lorsqu’il a appliqué rétroactivement ces modifications à une année d’examen du rendement qui était déjà terminée. Par conséquent, il était impossible pour les employés de connaître au préalable les attentes de leur employeur relativement à leurs responsabilités de leadership en GEP. En langage familier, l’employeur a [traduction] « modifié les balises » à l’égard des employés bien après la fin de l’année de rendement visée par l’examen.

45        En conséquence, je suis convaincu par l’argument des fonctionnaires qu’une telle approche satisfait au seuil relatif à une conduite arbitraire de la part de l’employeur concernant son application de la clause 45.08 de la convention collective, ce qui me permet d’examiner la façon dont il a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu de cette disposition.

46        Je conclus que l’employeur a appliqué de manière inappropriée la clause 45.08 de la convention collective à cet égard et dans les circonstances qui donnent lieu aux griefs et, pour ce motif, le bien-fondé des griefs a été établi.

47        Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

48        Les griefs sont accueillis.

49        La mesure corrective demandée est accordée dans la mesure suivante : la prime de performance pour l’année 2008-2009 sera ajustée à 3 % pour les trois fonctionnaires qui ont reçu une prime de 2 %. En ce qui concerne les deux fonctionnaires qui n’ont reçu aucune prime de performance au motif qu’ils ont obtenu la cote [traduction] « n’a pas atteint », leur rendement devrait être évalué de nouveau à l’aide de la [traduction] « Politique sur la gestion du rendement de 2008 » établie dans les Lignes directrices de 2008.

50        Je demeurerai saisi de cette affaire pendant une période de 30 jours dans l’éventualité où les parties éprouveraient des difficultés à mettre en œuvre la présente décision.

Le 13 avril 2017.

Traduction de la CRTEFP

Michael F. McNamara
arbitre de grief

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.