Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé était un employé classifié au groupe et au niveau CX-02 à titre d’agent correctionnel – il a fait l’objet d’accusations criminelles à la suite d’une enquête concernant l’introduction de produits de contrebande dans l’établissement où il travaillait – l’employeur a mené une enquête de recherche des faits sur les allégations de conduite inappropriée du fonctionnaire s’estimant lésé et l’a suspendu sans traitement – le fonctionnaire s’estimant lésé a alors déposé le présent grief – l’employeur a soulevé une objection préliminaire selon laquelle la Commission n’avait pas compétence puisque la suspension n’était pas disciplinaire et que, par conséquent, la participation de l’agent négociateur du fonctionnaire s’estimant lésé était requise; cependant, l’agent négociateur en question a décidé de cesser de représenter le fonctionnaire s’estimant lésé – la Commission a conclu que la suspension était une mesure administrative de l’employeur pour lui permettre de mener une enquête interne rigoureuse et de fournir une mesure de sûreté et de sécurité au personnel et aux détenus de l’établissement pendant la poursuite de l’enquête – la Commission n’a pas compétence pour entendre le grief, puisque ce porte sur une suspension administrative et que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas obtenu l’approbation de son agent négociateur et qu’il n’était pas représenté par celui-ci. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations
de travail et de l’emploi dans la
fonction publique et
Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20170113
  • Dossier:  566-02-6505
  • Référence:  2017 CRTEFP 5

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

MICHAEL CARSON

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
Carson c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Michael F. McNamara, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Douglas Sanford
Pour le défendeur:
Richard Fader, avocat
Affaire entendue à Kingston (Ontario),
les 10 et 11 mars 2015.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1         Michael Carson, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), occupait un poste d’agent correctionnel, classifié au groupe et au niveau CX-02, à l’Établissement Warkworth, situé près de Campbellford, en Ontario.

2        Le 22 juillet 2011, le fonctionnaire a déposé le présent grief, qui porte sur sa suspension sans traitement du 6 juillet 2011. Le 25 juin 2012, le grief a été renvoyé à l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») aux fins d’arbitrage.

3        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission »), qui remplace l’ancienne CRTFP et l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique. La Commission a entendu cette plainte et ce grief en vertu des dispositions législatives de mise en œuvre connexes.

II. Objections préliminaires à la compétence

4        L’employeur a soulevé les objections préliminaires suivantes :

  • la Commission n’a pas compétence pour entendre cette affaire puisqu’elle porte sur une disposition de la convention collective et non sur une mesure disciplinaire, et qu’elle nécessite donc la participation de l’agent négociateur du fonctionnaire, qui a décidé de cesser de le représenter;
  • étant donné le licenciement rétroactif du fonctionnaire, la question est théorique, puisque le licenciement est maintenu et ne fait plus l’objet d’un grief;
  • la Commission n’a pas compétence pour rendre une décision en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C., 1985, ch. H-6) (la « LCDP »), tel qu’il est demandé dans le grief (voir Chamberlain c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2013 CRTFP 115).

5        J’ai informé les parties que j’entendrais la preuve et que je prendrais ensuite une décision sur les questions de compétence.

III. Résumé de la preuve

6         Christine Cairns, directrice adjointe d’établissement (2009)/sous-directrice (2010), a témoigné qu’en 2009, le service de renseignement de sécurité de Service correctionnel du Canada avait transmis des renseignements au groupe de la direction à propos d’une enquête qu’il lançait sur l’introduction de produits de contrebande dans l’établissement.

7        En 2010, la portée de l’enquête a été élargie et l’équipe de direction a conçu un plan d’action à la lumière des renseignements à sa disposition.

8        Au début de l’année 2011, la police a été impliquée dans l’enquête. Dans le cadre d’une discussion à laquelle participait le personnel de l’administration régionale de l’employeur et des représentants de la PPO, le directeur intérimaire Ryan Beattie a été informé de l’enquête en cours, qui concernait le fonctionnaire.

9        Le 29 avril 2011, le fonctionnaire a remarqué que quelqu’un avait écrit « Cowboy cocaïne » sur son casier. Il a demandé à Pauline McGee, la coordonnatrice régionale de l’aide aux employés, d’observer son casier. Le fonctionnaire a par la suite informé Mme McGee qu’il avait l’impression d’être victime de harcèlement au travail. La preuve présentée par le fonctionnaire indiquait qu’il s’agissait du coup de grâce d’une série d’incidents qu’il considérait comme du harcèlement. Le même jour, il a quitté le lieu de travail, a consulté son médecin et est parti en congé de maladie.

10        Le 16 juin 2011, la Police provinciale de l’Ontario (PPO) a informé l’employeur qu’elle avait arrêté le fonctionnaire pour trafic et possession de stupéfiant, complot dans le but de commettre une infraction punissable et avoir tiré des revenus provenant d’activités criminelles. Le fonctionnaire, qui était toujours en congé de maladie, a été suspendu sans traitement pour une période indéterminée.

11        Le 30 juin 2011, une commission d’enquête a reçu le mandat d’enquêter sur des allégations de conduite inappropriée de la part du fonctionnaire.

12        Dans une lettre datée du 5 juillet 2011, le fonctionnaire a été suspendu sans traitement, à compter du 6 juillet 2011, en attendant l’issu de l’enquête interne. Dans la lettre, les motifs de la suspension sont indiqués comme suit :

[Traduction]

Des allégations voulant que vous ayez contrevenu aux normes de conduite professionnelle, qui comprenaient l’introduction alléguée de produits de contrebande dans un établissement fédéral et qui pourraient comprendre d’autres activités qui feront l’objet d’une enquête interne; et l’enquête criminelle que mène actuellement la Police provinciale de l’Ontario sur vos activités ou vos actes au travail et à l’extérieur du travail.

13        Dans son témoignage, Mme Cairns a fait valoir que les accusations criminelles déposées à l’endroit du fonctionnaire étaient graves, mais qu’aucune conclusion d’inconduite n’avait été faite au moment de la suspension. Mme Cairns a témoigné en disant que la suspension ne constituait pas une mesure disciplinaire. Il s’agissait d’une décision administrative fondée sur le besoin de l’employeur de mener une enquête efficace et de veiller à la sécurité du personnel et des détenus, y compris le fonctionnaire.

14        Le 22 juillet 2011, le fonctionnaire a déposé le grief en l’espèce sur sa suspension sans traitement.

15        Le 3 mars 2012, le rapport de l’[traduction] « Enquête de recherche des faits  sur les allégations de conduite inappropriée de l’agent correctionnel II Mike Carson à l’Établissement Warkworth de 2009 à 2011 » a été présenté.

16        Le 3 avril 2012, le directeur intérimaire, Ryan Beattie, a soumis une copie révisée du rapport d’enquête au fonctionnaire.

17        Le 27 avril 2012, une audience disciplinaire a été tenue. Le fonctionnaire était accompagné par deux représentants syndicaux, qui ont demandé à ce que l’audience soit reportée en attendant la fin du procès criminel du fonctionnaire. Le fonctionnaire a eu l’occasion de commenter le rapport d’enquête, mais il a choisi de ne pas le faire, suivant les recommandations de l’avocat chargé de son affaire criminelle.

18        Le 11 mai 2012, le fonctionnaire a été licencié rétroactivement au 6 juillet 2011.

19        Le 25 mai 2012, le fonctionnaire a déposé un grief relativement à son licenciement (566-02-7316).

20        Le 17 décembre 2013, l’agent négociateur du fonctionnaire l’a informé qu’il ne le représenterait plus en ce qui concerne son grief sur sa suspension sans traitement ou celui sur son licenciement.

21        Le 4 mars 2015, le fonctionnaire a retiré le grief sur son licenciement (566-02-7316).

IV. Conclusion sur la compétence

22        Ce grief a été renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’al. 209(1)b) de la LRTFP, qui prévoit qu’un fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire.

23        Le grief ne mentionne aucune mesure disciplinaire. Il renvoie à un article de la convention collective qui porte sur le droit à des prestations de maladie. Le fonctionnaire semble déposer un grief relativement à sa suspension sans traitement. Le fonctionnaire se trouvait en congé de maladie lorsqu’il a été suspendu; par conséquent, la suspension a entraîné la perte de prestations de maladie.

24         La question à trancher consiste donc à déterminer si la suspension sans traitement était de nature disciplinaire. Le cas échéant, le fonctionnaire serait en mesure de renvoyer le grief à l’arbitrage sans l’approbation de son agent négociateur, et la Commission aurait compétence pour entendre l’affaire. Si la suspension ne constitue pas une mesure disciplinaire, le fonctionnaire pourrait uniquement renvoyer le grief à l’arbitrage avec l’approbation de son agent négociateur et en étant représenté par ce dernier, conformément au par. 209(2) de la LRTFP.

25        La preuve présentée par l’employeur quant à la nature administrative de la suspension n’a pas été contredite et aucun élément de preuve démontrant qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire déguisée n’a été présenté.

26        Je conclus que la suspension sans traitement qui a commencé le 6 juillet 2011 était une mesure administrative de l’employeur pour lui permettre de mener une enquête interne rigoureuse et de fournir une mesure de sûreté et de sécurité au personnel et aux détenus de l’établissement pendant la poursuite de l’enquête. L’employeur avait le droit et l’obligation de retirer le fonctionnaire du lieu de travail pendant qu’il menait une telle enquête.

27        Étant donné qu’il ne s’agissait pas d’une suspension constituant une mesure disciplinaire, le fonctionnaire doit obtenir l’approbation de son agent négociateur et être représenté par ce dernier pour renvoyer l’affaire à l’arbitrage. Même si le fonctionnaire avait le soutien de son agent négociateur au départ, ce soutien a pris fin le 17 décembre 2013, lorsque l’agent négociateur a informé le fonctionnaire qu’il ne le représenterait plus. Un retrait du soutien a le même effet qu’un refus de soutien initial (voir Boivin c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2009 CRTFP 98, et Cavanagh c. Agence du revenu du Canada, 2014 CRTFP 21).

28        Étant donné que je conclus que je n’ai pas compétence pour entendre ce grief, il n’est pas nécessaire d’aborder les autres arguments présentés par l’employeur à ce sujet.

29        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

30        Le grief est rejeté.

Le 13 janvier 2017.

Traduction de la CRTEFP

Michael F. Mcnamara,
une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique

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