Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a été licenciée pour avoir commis des actes d’inconduite graves, qui ont contrevenu au Code de déontologie et de conduite de l’Agence du revenu du Canada (ARC) – plusieurs enquêtes, de même que les admissions volontaires de la fonctionnaire s’estimant lésée, ont révélé qu’elle avait effectué des accès non autorisés à ses propres renseignements fiscaux et à des renseignements d’autres contribuables, qu’elle s’était livrée à des pratiques frauduleuses dans le cadre de plusieurs processus de dotation de l’ARC et avait menti quant à ses études – elle a déposé un grief indiquant qu’elle avait été congédiée à tort – la Commission a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, l’employeur avait prouvé que les actes de la fonctionnaire s’estimant lésée constituaient une faute de conduite grave – une preuve convaincante a établi que, sur une période prolongée, ses actes constituaient une faute de conduite grave et avaient contrevenu aux règles et aux politiques de l’employeur – la Commission a également conclu que la nature des violations dans le contexte de son emploi et le fait que celles-ci avaient été commises de manière répétée signifiaient que le licenciement ne constituait pas une sanction déraisonnable – ses actes ont nui à la réputation générale de l’employeur et ont constitué un manquement important de la confiance essentielle à la relation employeur-employé – enfin, la Commission a rendu une ordonnance de confidentialité, ordonnant aux parties de caviarder des pièces les renseignements de tiers de nature délicate ainsi que certains des renseignements personnels de la fonctionnaire s’estimant lésée – la Commission a conclu que les renseignements n’étaient pas pertinents à la compréhension de la décision de façon transparente et que l’intérêt des tiers dans la protection des renseignements l’emportait sur la valeur du principe de transparence judiciaire relatif au fait d’exposer les renseignements.Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20170523
  • Dossier:  566-34-9643
  • Référence:  2017 CRTEFP 57

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

GINETTE GAUTHIER

fonctionnaire s'estimant lésée

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Gauthier c. Agence du revenu du Canada


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Michael F. McNamara, arbitre de grief
Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Kim Patenaude, avocate
Pour l'employeur:
Vanessa Reshitnyk, avocate
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 9 au 11 février 2015.
(Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief renvoyé à l’arbitrage

1        Je suis saisi d’un grief présenté par Ginette Gauthier, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), le 25 octobre 2013, concernant la décision de l’employeur, l’Agence du revenu du Canada (ARC), de lui imposer un licenciement motivé. Les motifs qu’il invoque pour étayer sa décision sont indiqués dans une lettre qu’il lui a envoyée le 4 octobre 2013. Les extraits pertinents de la lettre sont reproduits ci-dessous :

[Traduction]

En raison d’un appel téléphonique que vous avez passé au centre d’appels de Toronto pour lui demander de vous aider à naviguer afin de consulter vos propres renseignements sur les contribuables à l’aide du système d’Accès aux données d’information personnelle (RAPID) de l’Agence du revenu du Canada (ARC), la Division des affaires internes et de la prévention de la fraude (DAIPF) a amorcé une enquête interne. En août 2013, la DAIPF a fourni à la direction un rapport final détaillant les résultats de son enquête; une copie dudit rapport vous a été donnée le 19 août 2013.

Une audience disciplinaire a été tenue le 21 août 2013 au cours de laquelle Pablo Donoso, gestionnaire, de la section de la Gestion des risques, du soutien juridique et de la gestion des affaires, représenté par Chanelle Brassard-Dion, des Relations de travail, vous a rencontré. On vous a offert, à deux occasions distinctes, une représentation de votre syndicat et vous l’avez refusée les deux fois, y compris à l’audience disciplinaire, en indiquant que vous souhaitiez procéder sans représentation syndicale.

Selon vos propres aveux pendant l’audience disciplinaire, vous avez accédé, sans autorisation, à vos propres renseignements fiscaux et à d’autres renseignements sur les contribuables à maintes reprises sur une période de trois ans. Le rapport d’enquête et l’audience disciplinaire ont tous les deux permis de révéler que vous vous êtes livrée à des pratiques frauduleuses dans le cadre de sept processus de sélection de l’ARC en ayant faussement déclaré que vous êtes diplômée de divers établissements et en ayant fourni de faux diplômes.

À la lumière de ce qui précède, j’ai conclu que vous avez contrevenu au Code de déontologie et de conduite de l’ARC lorsque vous avez commis des actes d’inconduite graves.

Afin de parvenir à ma décision, en plus de la gravité de vos inconduites, j’ai également tenu compte de vos années d’emploi, de votre rendement et de votre dossier disciplinaire.

La confiance du public en notre intégrité est primordiale pour nous. Il s’agit d’un élément que nous devons collectivement favoriser et protéger parce qu’il est absolument essentiel à notre capacité de réaliser nos activités. À la lumière du fait que vous avez irrémédiablement trahi la confiance que votre employeur vous avait accordée et qui est exigée d’un employé de l’ARC, je conclus qu’il est nécessaire de vous imposer immédiatement un licenciement motivé. Cette mesure est prise en vertu du pouvoir accordé par l’alinéa 51(1)g) de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada.

[…]

2        Mme Gauthier a été une employée de l’ARC ou de son prédécesseur depuis 1988. Au moment de son licenciement, elle était employée en tant que commis des appels classifiée au groupe et au niveau SP-03, poste dont elle était titulaire depuis 2010. Avant cette date, elle avait occupé plusieurs postes auprès de la Direction générale de l’informatique (DGI) de l’ARC. Voici les principales fonctions de son poste de commis des appels :

  1. examiner, mettre à jour et contrôler la correspondance entrante et sortante liée aux appels et aux oppositions;
  2. consigner et traiter les « avis d’appel » pour le compte des agents des appels ou des litiges ou de la Cour de l’impôt, de la Cour fédérale et de la Cour suprême;
  3. assurer la distribution en temps opportun des documents de procédure au sein de la direction générale et avec les tribunaux, les bureaux de Justice Canada et les contribuables.

3        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 396 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, un arbitre saisi d’un grief avant le 1er novembre 2014 continue d’exercer les pouvoirs prévus par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) dans sa version antérieure à cette date.

II. Résumé des faits

A. Pour l’employeur

4        L’employeur a cité Rachelle Sculley à témoigner. Elle est employée en tant qu’enquêtrice à sa Division des affaires internes et de la prévention de la fraude. Elle a expliqué les subtilités du système d’Accès aux données d’information personnelle (RAPID) (le « système »), qui est une base de données qui contient tous les renseignements sur les contribuables et la façon dont tout accès à ce système doit être autorisé. Elle a insisté sur le fait que tout accès aux renseignements qu’il contient doit être uniquement à des fins liées au travail.

5        La fonctionnaire avait un accès limité au système, uniquement dans la mesure nécessaire pour exercer ses fonctions en tant que commis des appels. Ses fonctions comportaient l’ouverture de la correspondance, son triage et la détermination du bureau destinataire. Cette correspondance concernait habituellement des appels interjetés par des contribuables ou des entreprises. Lorsqu’un numéro d’assurance sociale (NAS) ou un numéro d’enregistrement d’entreprise ne figurait pas sur une correspondance, elle devait le trouver à l’aide de RAPID.

6        Mme Sculley a amorcé son enquête après la réception d’un rapport provenant d’un employé d’un centre d’appels qui indiquait que la fonctionnaire avait fait un appel afin de savoir comment naviguer pour consulter RAPID et ses renseignements fiscaux personnels. Il a informé la fonctionnaire qu’elle ne devrait pas accéder au système ou à ses renseignements fiscaux personnels et il a informé son superviseur des actes de la fonctionnaire.

7        L’enquête a permis de déterminer tous les NAS auxquels la fonctionnaire avait accédé. Elle a accédé à ses propres renseignements sur les contribuables cinq fois entre le 5 octobre 2011 et le 7 février 2013, à l’aide de l’« option T » dans le menu du système ainsi que d’autres options, comme celles qui lui ont permis d’afficher ses renseignements, sa déclaration de revenus de 2010 et un résumé des données T1. Elle a accédé au compte d’un particulier six fois entre le 13 juillet 2011 et le 7 février 2013. Elle a accédé à un autre compte 55 fois à sept occasions entre le 13 juillet 2011 et le 7 février 2013. Aucun des accès n’était autorisé et chacun de ces accès contrevenait aux politiques de l’ARC.

8        Selon les renseignements obtenus de la Division des ressources humaines de l’employeur, l’enquête a également permis de révéler un doute selon lequel une copie d’un diplôme universitaire figurant au dossier de la fonctionnaire était frauduleuse. Des demandes de renseignements subséquentes auprès de la Carleton University ont permis de confirmer que le diplôme qu’il lui aurait octroyé n’était pas authentique. Elle n’avait jamais octroyé le diplôme.

9        L’enquête a également permis de révéler plusieurs incohérences dans les demandes d’emploi présentées par la fonctionnaire entre 2005 et 2012. La formation et les périodes connexes indiquées dans ces demandes indiquent que la fonctionnaire a obtenu un diplôme de manière alternative de la Carleton University, de l’Université d’Ottawa – Institut, de l’Athabasca University, de l’University of Wisconsin, du Collège algonquin et du Collège Larocque-Lafortune. Les renseignements relatifs à sa formation variaient d’une demande à l’autre et n’étaient pas uniformes.

10        Les renseignements recueillis pendant l’enquête indiquent que la fonctionnaire avait fourni des renseignements inexacts et faux quant à ses études dans le cadre de sept processus de sélection. Par conséquent, Rachelle Sculley a conclu que Mme Gauthier avait contrevenu au programme de dotation de l’ARC, qui prévoit que certains actes, y compris les pratiques d’usurpation d’identité et d’autres pratiques frauduleuses, constituent des infractions en vertu du Code criminel (L.R.C. (1985), ch. C-46) et pourraient être passibles de mesures disciplinaires, conformément aux politiques, aux procédures et aux lignes directrices de l’ARC en matière de discipline.

11        Mme Sculley a interrogé la fonctionnaire les 22 et 23 mai 2013 dans le cadre de son enquête. Lorsque les faits lui ont été présentés, Mme Gauthier a admis qu’elle avait accédé à des renseignements sur les contribuables à leur insu ou sans leur consentement parce qu’elle s’ennuyait, n’avait rien à faire et souhaitait se familiariser avec RAPID.

12        En ce qui concerne les incohérences relatives à ses études indiquées dans les demandes d’emploi, la fonctionnaire n’a pas été en mesure de les expliquer, mais elle a suggéré qu’elle avait peut-être mal utilisé les menus déroulants dans le site de demande en ligne. Elle a admis qu’elle n’avait suivi aucun cours à la Carleton University ni obtenu un diplôme de celle-ci et elle a expliqué qu’elle avait reçu le diplôme connexe par la poste. Sa seule explication était qu’elle avait suivi des cours par correspondance de la Athabasca University, qui a recours à des établissements extérieurs pour donner les examens et elle a suggéré qu’il pourrait s’agir de la raison pour laquelle la Carleton University lui avait envoyé le diplôme par la poste. Elle n’était en mesure de fournir aucun renseignement pour étayer son affirmation selon laquelle elle a obtenu un diplôme de tout autre établissement postsecondaire, sauf celui du Collège algonquin.

13        L’employeur a cité Suzanne Dionne à témoigner; elle était la gestionnaire de la fonctionnaire lorsque celle-ci est retournée au travail à la suite d’une absence de longue durée en raison d’une blessure. Elle n’a indiqué aucun problème de rendement ou d’assiduité à l’égard de Mme Gauthier.

14        Mme Dionne a expliqué le processus de formation d’une personne qui retourne au travail après avoir été absente pendant plusieurs années. Elle a expliqué que, chaque année, les employés reçoivent un courriel des Ressources humaines et qu’ils doivent reconnaître qu’ils ont lu et compris le « Code de déontologie et de conduite(le « Code ») de l’employeur. Plus particulièrement, elle a affirmé que Mme Gauthier avait assisté à une séance de formation sur le Code le 22 février 2011. Mme Dionne a déclaré qu’il était évident que la fonctionnaire n’était pas autorisée à accéder aux renseignements auxquels elle avait accédé et que ces accès n’étaient pas liés à ses fonctions.

15        L’employeur a cité Pablo Donoso à témoigner. Il est le gestionnaire de la gestion des risques auprès de l’employeur depuis 2013. Il a indiqué que, lorsqu’il a occupé son poste pour la première fois en 2013, il a rappelé à tout le personnel les exigences du Code, de la [traduction] « Politique sur les ressources électroniques » et la [traduction] « Politique sur les mesures disciplinaires » de l’ARC. Il a insisté sur le fait que les employés savaient qu’ils ne devraient pas accéder au système sans une raison valide et que des conséquences graves s’ensuivraient s’ils le faisaient. L’écran d’ouverture de session confirme de nouveau cet avertissement tous les jours.

16        M. Donoso a expliqué que l’accès à RAPID de la fonctionnaire a été suspendu le 16 mai 2013 en raison de l’enquête relative à ses activités et qu’uniquement des tâches administratives lui avaient été attribuées. Il a indiqué que les résultats indiqués dans le rapport d’enquête permettaient de conclure qu’elle avait accédé, sans autorisation, à ses renseignements fiscaux et à ceux de quelques membres de sa famille et qu’elle avait fourni de faux diplômes dans le cadre de processus de dotation.

17        Il a affirmé que Mme Gauthier avait assisté à l’audience disciplinaire en vue de discuter des conclusions du rapport. Une copie du rapport lui avait été fournie avant l’audience. Elle avait été informée de son droit à une représentation syndicale, auquel elle a renoncé. M. Donoso a indiqué que Mme Gauthier avait expliqué qu’elle avait exploré le système unique aux fins d’une autoformation. Elle a reconnu avoir utilisé certains des renseignements pour remplir la déclaration de revenus de l’un des particuliers concernés.

18        M. Donoso a ajouté que la fonctionnaire n’avait donné aucune réponse crédible quant à ses études. Elle affirmé qu’elle a reçu le diplôme de la Carleton University par la poste.

19        En contre-interrogatoire, M. Donoso a été interrogé au sujet d’un courriel en date du 19 juin 2013 qu’il avait envoyé à la fonctionnaire et qui résumait une réunion qu’il avait convoquée où il souhaitait avoir une évaluation de l’aptitude au travail effectuée à l’égard de la fonctionnaire. Il a expliqué qu’il souhaitait avoir l’évaluation en raison des rendements au travail et de comportements récents observés. Mme Gauthier a refusé de se soumettre à l’évaluation et ne souscrivait pas aux observations.

20        L’employeur a cité Catherine Letellier de St-Just à témoigner. Elle occupe actuellement le poste de directrice générale de la Direction des appels en matière fiscale et de bienfaisance de l’ARC. Elle a expliqué que les accès au système sont surveillés et qu’une formation importante avait été mise en place pour expliquer aux employés les conditions en vertu desquelles ils pouvaient y accéder. Elle a indiqué que l’importance de l’intégrité est soulignée souvent au lieu de travail. L’accès doit être à des fins opérationnelles et tout le monde au lieu de travail sait qu’un accès non autorisé constitue une inconduite grave et contravention des lois fiscales.

21        Les actes de Mme Gauthier signifiaient que l’ARC devait envoyer des lettres à deux contribuables visés par l’accès non autorisé afin de les informer de l’accès non autorisé à leur compte.

22        Mme Letellier de St-Just a expliqué la raison pour laquelle elle avait décidé de licencier Mme Gauthier. Elle a tenu compte du fait que les actes de Mme Gauthier avaient contrevenu au Code et qu’elle avait menti à sept occasions dans le cadre de processus de dotation. Même si elle a reconnu avoir accédé au système, elle ne semblait pas reconnaître la gravité de l’accès non autorisé et de ses conséquences. Mme Letellier de St-Just était au courant des 25 années d’emploi sans dossier disciplinaire de Mme Gauthier. Toutefois, elle a indiqué que les cotes de rendement de Mme Gauthier avaient révélé certaines difficultés dans le passé.

23        Dans l’ensemble, Mme Letellier de St-Just a conclu que ces facteurs ne l’emportaient pas sur l’importance et la gravité des accès non autorisés répétés de la fonctionnaire à ses données fiscales et à ceux d’autres personnes, le fait qu’elle a suivi une formation sur ces exigences, qu’elle a menti sept fois dans le cadre de processus de dotation et qu’elle a fourni de faux documents à son employeur. En dernière analyse, Mme Gauthier n’était pas une employée fiable et, après 25 ans d’emploi, elle aurait dû le savoir.

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

24        La fonctionnaire a été citée à témoigner. Elle a expliqué qu’elle travaillait auprès de l’ARC et de son prédécesseur depuis 1988 et qu’on lui avait attribué principalement des tâches administratives au cours de sa carrière. Elle est tombée malade en 2005 et elle a été atteinte d’une invalidité après deux accidents, dont l’un a entraîné une fracture au poignet; l’autre était une chute dans un escalier. Elle est retournée au travail à l’aide de mesures d’adaptation selon lesquelles elle ne devait pas utiliser les escaliers, elle ne devait rien lever ni se pencher et qu’elle devait limiter la marche.

25        Elle a indiqué que des travaux d’importance limitée lui étaient attribués en raison des médicaments puissants qu’elle prenait, y compris l’OxyContin, un médicament dérivé de la morphine, de la marijuana, de la méthadone et du méthadol pour soulager la douleur chronique découlant de ses blessures. Elle a affirmé qu’elle éprouvait les effets secondaires du médicament et une sensation de brûlure constante dans son dos. Son médicament a dû être ajusté et augmenté puisqu’il n’éliminait pas au complet ses symptômes, mais, en raison des doses plus élevées d’opiacés, elle était fatiguée.

26        Elle a discuté de sa situation médicale avec sa superviseuse, Mme Dionne, et elle a été transférée à une salle de conférence munie d’une imprimante, un bureau estrade et une chaise.

27        En ce qui concerne ses études, Mme Gauthier a fait référence à un [traduction] « bulletin » provenant de l’Université d’Ottawa relativement à un cours d’un semestre (trois crédits) [traduction] « Conception du langage de programmation ». Elle a également fait référence à un certificat d’achèvement d’études en [traduction] « Administration juridique » au Collège Larocque-Lafortune en 1989, et à un certificat d’achèvement d’études en [traduction] « Programmation informatique » octroyé par le Collège algonquin en 2007 pour un cours auquel elle était inscrite en 2004.

28        Elle a indiqué qu’elle avait probablement présenté une demande à la Wisconsin University, qu’elle n’y avait jamais suivi des cours et elle a déclaré qu’elle ne savait pas pourquoi il figure dans des demandes d’emploi. Elle a affirmé que les années indiquées dans les demandes en ce qui concerne le diplôme octroyé par le Collège Larocque-Lafortune sont erronées; ainsi que le renvoi au diplôme de génie en aéronautique. Ses explications étaient très vagues; elle a soutenu qu’elle n’avait pas fait attention à ce qu’elle faisait à l’époque. Elle avait présenté, selon elle, [traduction] « de nombreuses demandes d’emploi » si elle estimait y être intéressée.

29        Après avoir reçu une trousse d’information de la Carleton University, elle y a assisté à une séance d’information. Elle déclaré qu’elle n’a pas fait attention et qu’elle a présenté le certificat qu’elle a reçu par la poste de cette université lorsqu’elle a été demandée de présenter ses crédits d’éducation dans l’une de ses demandes. Son témoignage était vague en ce qui concerne les emplois auxquels elle a postulé et ses réalisations en matière d’éducation, puisqu’elle ne se souvenait pas de beaucoup de choses au sujet des cours qu’elle a suivis. Elle a expliqué qu’elle avait différents curriculum vitæ pour postuler à différents types d’emploi. Elle n’a pas lu ce qu’elle a présenté et a admis qu’il se peut que les renseignements aient été inexacts. Elle a reconnu qu’elle aurait dû être plus prudente.

30        La fonctionnaire a admis qu’elle n’a suivi aucun cours à la Carleton University ni obtenu un diplôme de celle-ci et elle a expliqué qu’elle avait reçu le diplôme par la poste, ainsi qu’une lettre pour la remercier d’avoir recouru aux services de l’université pour une session à l’Athabasca University. Sa seule explication était qu’elle avait suivi des cours par correspondance de l’Athabasca University, qui a recours à des établissements extérieurs pour faire passer les examens, suggérant ainsi qu’il pourrait s’agir de la raison pour laquelle la Carleton University lui avait envoyé un diplôme par la poste. Elle a déclaré qu’elle a téléphoné à l’Athabasca University pour lui demander pourquoi elle avait reçu un certificat et elle n’a pas été en mesure de lui répondre. Elle a déclaré qu’elle a inclus le diplôme dans la trousse de demande d’emploi aux fins du poste CS-01 pour indiquer qu’elle poursuivait ses études.

31        Lorsqu’elle a été interrogée au sujet du Code, elle a reconnu l’avoir vu sur son ordinateur et l’avoir lu rapidement. Elle a affirmé qu’elle croyait être autorisée à accéder à RAPID puisqu’elle avait un mot de passe. Elle a indiqué que personne ne lui avait dit qu’elle n’était pas autorisée à accéder aux renseignements dans le système et que, si elle l’avait su, elle n’y aurait pas accédé. Elle ne croyait pas que la dénégation de responsabilité affichée à l’écran indiquant que l’accès n’était autorisé qu’afin d’« exercer ses fonctions » et qu’une personne doit être autorisée pour accéder au système s’appliquait à elle parce qu’on lui avait donné un mot de passe pour y accéder. Elle ne croyait pas que son accès au système était uniquement aux fins de son travail et à des fins opérationnelles.

32        La fonctionnaire a affirmé se souvenir de la séance de formation sur le Code tenue en février 2013, mais elle ne se souvenait pas des éléments discutés.

33        Mme Gauthier a indiqué qu’elle s’est identifiée comme une employée de l’ARC lorsqu’elle a appelé le numéro sans frais au centre d’appels pour obtenir des renseignements sur un régime d’épargne-retraite. Elle a affirmé que l’employé l’a guidé en ce qui concerne le système. Il n’a jamais mentionné qu’il enverrait une alerte relativement à son appel et qu’il le signalerait à son superviseur.

34        En guise de réponse au rapport indiquant qu’elle avait accédé au compte d’un particulier 55 fois, la fonctionnaire a déclaré qu’elle ne se souvenait pas d’avoir obtenu une copie de ce document. Elle a expliqué qu’elle avait consulté ce compte parce que la personne concernée était malade et lui avait demandé, selon la fonctionnaire, [traduction] « de remplir sa déclaration de revenus ». Elle l’a fait pendant son temps libre, soit pendant sa pause-déjeuner. Elle cherchait un montant de 2011 qui avait été mentionné par la personne au compte duquel elle a accédé.

35        En ce qui concerne le rapport indiquant qu’elle avait accédé au compte d’une autre personne 17 fois, la fonctionnaire a affirmé qu’elle remplissait des formulaires de demande de prestations d’invalidité et elle avait besoin de son NAS. Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer les 46 écritures signalées à son compte personnel, elle a déclaré qu’elle ne savait pas pourquoi elle les avait effectuées. Elle a indiqué qu’on lui avait demandé de s’entraîner à utiliser le système, de se familiariser avec le système et, plus particulièrement, lorsque André Ouellette, l’employé qui était chargé de sa formation, était en vacances.

36        La fonctionnaire a indiqué que le document, que l’ARC a déposé en preuve indiquant les questions et ses réponses pendant l’audience disciplinaire tenue le 21 août 2013, constituait une représentation exacte de la réunion. Elle a indiqué qu’elle n’avait pas demandé une représentation syndicale parce qu’elle ne savait pas ce dont M. Donoso souhaitait discuter. Je fais remarquer que cet énoncé a été contredit par l’avis de l’audience disciplinaire qui a été acheminé à la fonctionnaire avant la réunion; cet avis a été déposé en preuve par l’employeur.

37        Enfin, la fonctionnaire a mentionné le fait qu’elle prenait des médicaments qui affectaient son travail. Elle était parfois étourdie et transpirait. Même si elle a admis avoir informé son employeur que son travail ne serait pas affecté, elle a ajouté que peut-être elle n’a pas réalisé cela pendant la période visée.

38        Elle a déclaré qu’elle savait que l’employeur surveillait l’utilisation de ses réseaux électroniques, qu’elle était au courant de l’avis de non-responsabilité du système et qu’elle avait été informée de ne pas accéder à ses données fiscales. Elle ne se souvenait pas des présentations sur les interdictions précises relatives à l’accès au système; elle ne se souvenait pas non plus qu’elles aient fait l’objet de discussions au cours de réunions du personnel. Elle a soutenu que l’accès à RAPID lui avait été accordé, qu’elle avait été formée par M. Ouellette, un collègue, et qu’elle avait essayé de faire de son mieux. Elle essayait de ne [traduction] « rien manquer » et elle croyait qu’elle faisait un bon travail; elle essayait également d’éviter de commettre les mêmes erreurs deux fois. Elle comprenait maintenant les conséquences de ses actes et le dommage à la réputation de l’ARC, mais elle ne le comprenait pas à la période visée.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

39        L’avocate de l’employeur a soutenu que le licenciement de Mme Gauthier était justifié à la lumière de la gravité de son inconduite et des facteurs aggravants.

40        L’avocate de l’employeur a fait valoir que les éléments de preuve devraient être appréciés selon la prépondérance des probabilités (voir Narayan c. Agence du revenu du Canada,2009 CRTFP 40; et Turner c. Agence des douanes et du revenu du Canada,2001 CRTFP 38). Il existe des questions liées à la crédibilité en ce qui concerne les explications de Mme Gauthier et les contradictions des éléments de preuve déposés à l’audience. Les questions liées à la crédibilité devraient être réglées en appliquant le critère établi dans Faryna v. Chorny,[1951] 2 D.L.R. 354 (C.-B. CA), et en examinant les éléments de la preuve afin d’évaluer l’incidence des incohérences sur la crédibilité du témoignage des témoins (voir F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53). Les incohérences devraient être résolues en faveur des éléments de preuve présentés par l’employeur en l’espèce.

41        L’avocate de l’employeur a soutenu qu’il ne fait aucun doute qu’une inconduite a été établie. Mme Gauthier a accédé à son dossier fiscal dans RAPID à maintes reprises, et ce, sans autorisation. Elle a accédé aux renseignements fiscaux d’un autre particulier qu’elle connaissait, sans le consentement de cette personne et aux renseignements fiscaux d’une autre personne sans le consentement de celle-ci, et ce, à des fins fiscales. Ces accès n’étaient pas liés aux travaux qui avaient été attribués à la fonctionnaire et contrevenaient aux règles clairement imposées par l’employeur. Ils ont compromis la réputation de l’ARC en ce qui concerne l’intégrité et la confidentialité des renseignements sur les contribuables. Elle n’a aucune raison convaincante pour expliquer la raison pour laquelle elle l’a fait; elle a parfois allégué la curiosité ou la nécessité de se familiariser avec le système. D’autres fois, elle n’avait aucun souvenir de la raison pour laquelle elle y avait accédé. Il s’agissait d’une inconduite très grave qui justifiait une mesure disciplinaire (voir Ward c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Impôt), dossiers de la CRTFP 166-02-16121 et 16122 (19861229), [1986] C.R.T.F.P.C. no 335 (QL); et McKenzie c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada),2010 CRTFP 26).

42        En l’espèce, le licenciement constituait une mesure disciplinaire appropriée et l’arbitre de grief ne doit pas intervenir à moins que la mesure disciplinaire ait été manifestement déraisonnable ou erronée (voir Kingston General Hospital v. Ontario Public Service Employees’ Union, Local 444, 2013 ONSC 1752; Cooper c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada),2013 CRTFP 119; Gravelle c. Administrateur général (ministère de la Justice),2014 CRTFP 61; Shaver c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences),2011 CRTFP 43).

43        L’avocate de l’employeur a souligné le fait que l’employeur a tenu compte de tous les facteurs, y compris tous les facteurs atténuants, lorsqu’il est parvenu à sa conclusion quant à la mesure disciplinaire appropriée. Elle a fait référence au témoignage de Mme Letellier de St-Just et au soin qu’elle a pris pour évaluer les facteurs dans le cadre de sa décision. Les facteurs aggravants en l’espèce l’emportent sur les facteurs qui auraient pu atténuer la sanction. L’inconduite était très grave et a eu lieu à maintes reprises au cours d’une longue période, tant en ce qui concerne l’accès non autorisé à RAPID qu’en ce qui concerne les fausses études fournies dans le cadre des processus de dotation. La politique de l’employeur sur l’accès non autorisé au système a été expliquée à maintes reprises à tous les employés dans le cadre de formation, de séances d’information et d’avertissements affichés à l’écran et est d’une importance fondamentale pour les activités de l’employeur. Le fait de ne pas lire les renseignements ou de ne pas porter attention aux avertissements ne constitue pas une excuse.

44        Les arbitres de grief ont également confirmé le licenciement lorsque les employés ont triché dans le cadre de processus de dotation, comme ce qu’a fait la fonctionnaire (voir Balikwisha Patanguli c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration),2014 CRTFP 6; et Rivard c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel),2002 CRTFP 75).

45        L’avocate de l’employeur a soutenu en outre que la fonctionnaire n’a jamais admis l’inconduite répréhensible et qu’elle n’a démontré aucun remords, même compte tenu de la preuve qu’elle a fabriqué le diplôme de la Carleton University. Elle a fait preuve d’une incapacité claire à accepter la responsabilité et l’a fait d’une manière qui a rompu le lien de confiance qui doit exister entre elle et son employeur. L’avocate a souligné le fait que la fonctionnaire occupait un poste qui exigeait un niveau important de confiance. Elle avait accès aux renseignements sur les contribuables de tous les Canadiens et Canadiennes et ses actes portaient directement atteinte à la relation d’emploi. Après 25 ans d’emploi auprès de l’ARC, elle aurait dû connaître les règles et s’y conformer. Sa réintégration dans ses fonctions poserait clairement un risque pour l’employeur, puisque l’accès illicite aux renseignements sur les contribuables et la malhonnêteté ne peuvent pas être tolérés (voir Ward; et Horne c. Agence Parcs Canada,2014 CRTFP 30).

46        L’avocate de l’employeur a fait valoir en outre qu’aucun poids ne doit être accordé aux explications de la fonctionnaire relativement à ses médicaments. Elle n’a déposé aucune preuve médicale pour étayer son affirmation selon laquelle ses médicaments pourraient affecter son jugement dans une telle mesure pendant une période aussi longue.

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

47        La représentante de la fonctionnaire a fait référence à la lettre de licenciement et a répété les deux motifs en vertu desquels l’employeur a mis fin à l’emploi de Mme Gauthier, soit les accès non autorisés à RAPID et les pratiques frauduleuses dans le cadre de processus de dotation.

48        La fonctionnaire n’a jamais nié le fait qu’elle a accédé au système. Elle n’a rien vu de mal concernant le fait d’extraire des renseignements sur le particulier qui lui avait demandé de remplir sa déclaration de revenus. En ce qui concerne le fait qu’elle a accédé au compte d’une autre personne qu’elle connaît, Mme Gauthier a expliqué qu’elle avait besoin d’un NAS pour remplir son formulaire de demande de prestations d’invalidité. En dernier lieu, elle a expliqué qu’elle a accédé à ses renseignements fiscaux simplement parce qu’elle souhaitait se familiariser avec le système.

49        La représentante de la fonctionnaire a souligné le fait que la fonctionnaire n’a jamais utilisé, divulgué ou modifié les renseignements auxquels elle a accédé dans le système et qu’elle n’avait accédé à aucun autre compte de contribuable.

50        La représentante de la fonctionnaire a soutenu en outre que la fonctionnaire avait admis n’avoir jamais lu le Code et que, même si elle a assisté aux séances d’information, elle ne comprenait pas entièrement ses responsabilités en vertu du Code. Si elle avait compris les exigences, elle n’aurait jamais accédé aux comptes. Elle ne le ferait plus.

51        En ce qui concerne ses études, telles qu’elles sont décrites dans les processus de dotation en litige, la représentante de la fonctionnaire a fait valoir que Mme Gauthier a donné des explications crédibles. En ce qui concerne le faux diplôme de la Carleton University, elle a déclaré qu’elle l’avait reçu par la poste et qu’apparemment l’Athabasca University l’avait octroyé. Elle a demandé d’autres explications, mais elle ne les a jamais obtenues. Le diplôme a été présenté ainsi qu’une lettre provenant de la Carleton University concernant les cours qu’elle suivait. Il n’y avait clairement aucune intention de frauder ou d’induire en erreur puisque ses études à cet établissement étaient en cours. Les incohérences dans le cadre des processus de dotation s’expliquent par l’inattention et l’omission de la fonctionnaire à examiner les renseignements qu’elle avait saisis dans les demandes en ligne, sans l’intention de tromper quelqu’un.

52        La représentante de la fonctionnaire a ensuite invoqué les facteurs atténuants en l’espèce qui, selon elle, devraient m’amener à réduire le licenciement de la fonctionnaire à une mesure disciplinaire moindre. En premier lieu, Mme Gauthier comptait 25 ans de service et un dossier disciplinaire vierge, deux facteurs qui devraient avoir un poids important pour déterminer si la décision de la licencier était raisonnable. Pendant le plus grand nombre de ses années de service, la fonctionnaire a occupé des postes qui ne lui permettaient pas d’accéder aux renseignements sur les contribuables. Par conséquent, il n’y avait aucune question liée au Code à son égard.

53        En deuxième lieu, la situation personnelle de la fonctionnaire devrait être prise en compte. Le fait qu’elle a une douleur dorsale chronique et que l’employeur a dû prendre des mesures d’adaptation à son égard n’est pas contesté. Elle prenait des médicaments puissants qui lui avaient été prescrits pour cette douleur et M. Donoso avait exprimé des préoccupations quant à ses capacités cognitives, tel que cela est indiqué dans sa demande d’une évaluation de l’aptitude à travailler de la fonctionnaire. Il est vrai que certaines de ses explications ne sont pas trop logiques, ce qui aurait pu avoir suscité une préoccupation quant à sa capacité cognitive et un poids plus important aurait dû avoir été accordé à cet élément dans la décision de la sanction.

54        Dans l’ensemble, les éléments de preuve établissent que Mme Gauthier a collaboré dans le cadre de l’enquête, qu’elle a admis qu’elle avait accédé aux renseignements dans RAPID et qu’elle n’a pas nié avoir présenté de faux documents. Ces accès ne lui ont conféré aucun avantage personnel. Puisqu’elle a répété ses accès, une surveillance appropriée de l’employeur aurait dû avoir permis de constater ces accès plus tôt et aurait permis d’éviter cette situation.

55        Tout en reconnaissant qu’une mesure disciplinaire était justifiée, la représentante de la fonctionnaire m’a exhorté à conclure que le licenciement était excessif. Elle m’a renvoyé à la jurisprudence suivante dans laquelle les arbitres de grief ont tenu compte de circonstances atténuantes pour réduire le licenciement d’un fonctionnaire s’estimant lésé à une mesure disciplinaire moindre : Yensen c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Impôt),2000 CRTFP 6 (l’arbitre de grief a conclu qu’un accès non autorisé aux propres renseignements fiscaux d’un employé constituait une « faute de conduite moins grave » que le fait de ne pas déclarer des revenus gagnés); Nolan c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Impôt), dossier de la CRTFP 166-02-17111 (19871125), [1987] C.R.T.F.P.C. no 338 (QL); Naidu c. Agence des douanes et du revenu du Canada,2001 CRTFP 124; Foon c. Agence des douanes et du revenu du Canada,2001 CRTFP 126; C & C Lath Ltd. v. Industrial Wood and Allied Woodworkers Union of Canada, Local 1-80 (1992), 28 L.A.C. (4e) 111.

IV. Motifs

A. Demande d’ordonnance de confidentialité

56        Les parties ont demandé que je rende une ordonnance qui empêcherait la divulgation du nom des tiers qui ont été visés par la divulgation fiscale non autorisée. Pour les motifs décrits ci-dessous, j’accède à la demande et j’ordonne que le nom de ces personnes demeure confidentiel et ne soit pas divulgué.

57        La preuve n’a pas permis d’établir que les parties dont les dossiers ont fait l’objet d’un accès avaient demandé à la fonctionnaire de le faire en leur nom; en fait, il semblait qu’elles n’en étaient peut-être pas au courant. Peu importe, les parties méritent la protection de leur vie privée et leur nom ne sera pas divulgué.

58        La Commission a publié sa propre Politique sur la transparence et la protection de la vie privée(la « Politique »), affichée sur son site Web. La Politique reconnaît que les audiences devant la Commission sont ouvertes au public. Elle énonce ce qui suit :

Le principe de transparence judiciaire occupe une place importante dans notre système de justice. Suivant ce principe, la Commission tient ses audiences en public, sauf dans des circonstances exceptionnelles. De par son mandat et la nature des affaires qu’elle entend, la Commission pratique une politique d’ouverture qui favorise la transparence de ses procédures, la responsabilisation et l’équité dans la conduite de ses audiences.

[…] Les parties qui recourent aux services de la Commission doivent savoir qu’elles s’engagent dans un processus où il est entendu que le différend qui les oppose sera débattu en public et que les décisions rendues par la Commission seront elles aussi publiques. Les parties et leurs témoins sont soumis à l’examen du public lorsqu’ils témoignent devant la Commission; ils sont donc plus enclins à dire la vérité si leur identité est connue. Les décisions de la Commission indiquent le nom des parties et des témoins et fournissent toute information à leur sujet qui est pertinente et nécessaire pour décider du différend.

59        Toutefois, la Politique reconnaît que, dans certaines circonstances uniquement, la mention des renseignements personnels d’une personne pendant une audience ou dans une décision écrite peut affecter la vie de cette personne :

Dans des circonstances exceptionnelles, la Commission déroge à son principe de transparence judiciaire pour accéder à des demandes de protection de la confidentialité d’éléments spécifiques de la preuve et adapter ses décisions au besoin de protection de la vie privée d’une personne (notamment en tenant une audience à huis clos, en scellant des pièces présentées en preuve qui contiennent des renseignements médicaux ou personnels de nature délicate ou en protégeant l’identité de témoins ou de tierces parties). La Commission peut accorder de telles demandes lorsqu’elles respectent les normes applicables reconnues dans la jurisprudence.

60        Le critère Dagenais/Mentuck est le critère pertinent à examiner en ce qui concerne la protection des renseignements ou des pièces : Dagenais c. Société Radio-Canada, 1994 CanLii 39 (CSC), [1994] 3 R.C.S. 835 :

a) L’ordonnance est-elle nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le cadre d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pouvant écarter le risque?

b) Les effets bénéfiques, y compris les effets sur le droit des parties civiles à un procès équitable, l’emportent-ils sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur le droit à la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans des procédures judiciaires ouvertes et accessibles?

61        À la lumière de ce critère, je conclus que le nom des tiers n’est pas pertinent à la compréhension de cette décision d’une manière transparente. L’intérêt des tiers contribuables visés l’emporte sur la valeur que l’exposition de ces renseignements apporterait au principe de transparence judiciaire. Par conséquent, il n’y aura aucun renvoi au nom de ces tiers dans la décision. De plus, tous les renvois aux tiers visés par l’accès non autorisé seront caviardés des pièces au dossier. Même si ce fait n’est aucunement déterminant, je fais également remarquer que les parties ont présenté cette demande d’une ordonnance de confidentialité sur consentement.

62        J’ordonne aux parties de caviarder des pièces toute information qui permettrait d’identifier ces tiers et de remettre les versions caviardées des pièces à la Commission dans les deux semaines suivant la date de la présente décision. De plus, j’ordonne aussi aux parties de caviarder des pièces toute information concernant le code d’identification de dossier personnel (CIDP), le NAS, l’adresse du domicile et le numéro de téléphone à domicile de la fonctionnaire. Afin de permettre aux parties d’effectuer le processus d’anonymisation, la Commission scellera temporairement les dossiers pendant une période d’un mois.

63        Je suis d’avis que cette ordonnance constitue la mesure la moins intrusive pour établir un équilibre entre la protection du droit du public à des procédures ouvertes et accessibles et la protection de la vie privée des personnes qui ne sont pas directement impliquées dans la procédure.

V. Bien-fondé

64        Mme Gauthier a contesté son licenciement en tant que commis des appels auprès de l’ARC qui était fondé sur les motifs énoncés dans la lettre en date du 4 octobre 2013 dans le cadre de laquelle l’employeur l’a informé de sa décision. Elle aurait accédé, sans autorisation, à ses renseignements fiscaux et à d’autres renseignements sur les contribuables à plusieurs reprises. Elle se serait également livrée à des pratiques frauduleuses dans le cadre de sept processus de sélection de l’ARC en indiquant à tort qu’elle avait obtenu des diplômes de plusieurs établissements et en présentant de faux diplômes.

65        Les questions que je dois trancher comportent les deux volets suivants :

  1. L’employeur s’est-il acquitté de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la fonctionnaire a fait preuve d’une inconduite qui justifie une mesure disciplinaire? Dans l’affirmative,
  2. le licenciement constituait-il une mesure disciplinaire appropriée et raisonnable relativement à une telle inconduite?

Afin de déterminer si le licenciement est justifié, un certain nombre de facteurs doivent être évalués, y compris la nature de l’infraction, la conséquence sur les activités de l’employeur et les circonstances de la fonctionnaire, ainsi que tous les facteurs atténuants et aggravants (voir Narayan).

66        Pour les motifs indiqués plus loin dans cette décision, je conclus qu’il existe une preuve convaincante qui établit que les actes de Mme Gauthier, au cours d’une période prolongée, constituaient une inconduite grave et une violation des règles et des politiques de l’employeur. Je conclus également que la nature des violations dans le contexte de ses responsabilités en tant qu’employée de l’ARC et le fait qu’elles ont été effectuées à maintes reprises signifient que le licenciement ne constituait pas une sanction déraisonnable dans les circonstances.

67        La preuve a clairement établi que Mme Gauthier avait accédé à ses renseignements fiscaux, ainsi qu’à ceux d’autres contribuables dans le système, et ce, sans autorisation. Cet accès n’était pas lié à ses fonctions officielles ni à la charge de travail qui lui a été attribuée et cet accès a eu lieu à maintes reprises au cours d’une période de trois ans. La fonctionnaire a affirmé qu’elle n’avait pas constaté que ces accès n’étaient pas autorisés puisqu’elle avait un mot de passe pour ouvrir une session dans RAPID dans le cadre de ses fonctions en tant que commis des appels. J’ai du mal à accepter ses explications à la lumière des rappels fréquents affichés par le système relativement à l’interdiction d’y accéder uniquement afin d’exercer ses fonctions et l’interdiction particulière contre l’accès par l’employé à son compte fiscal.

68        L’employeur a établi l’importance qu’il accorde à l’assurance de l’intégrité des renseignements sur les contribuables qui relèvent de son contrôle. Il a élaboré le Code, qui indique très clairement que tout accès non autorisé au compte de renseignements fiscaux d’un employé est strictement interdit. De même, l’accès aux renseignements fiscaux d’une autre personne n’est permis que dans la mesure où il est nécessaire aux fins de la charge de travail particulière d’un employé. On rappelle régulièrement aux employés ces règles et politiques. Elles ont également été répétées à la fonctionnaire qui a assisté à une séance d’information en 2011 sur l’importance de ces responsabilités pour tous les employés de l’ARC. Le système répète cette interdiction lorsque les employés ouvrent une session dans RAPID, tel qu’en témoigne le document comportant un instantané déposé en preuve, qui contient le texte très visible suivant : [traduction] « L’accès est autorisé afin d’exercer vos fonctions. » Les conséquences du non-respect de ces règles sont encore soulignées à l’écran d’ouverture de session de l’ordinateur central – ce qui comprend RAPID – à l’aide du texte suivant : [traduction] « Une utilisation non autorisée pourrait entraîner une mesure disciplinaire et/ou une poursuite au criminel. »

69        Ces obligations trouvent leur justification dans le fait que les contribuables doivent avoir la plus haute confiance dans l’intégrité du système de perception fiscale administré par l’ARC et ils doivent être convaincus que leurs renseignements personnels confidentiels sont protégés en tout temps. C’est un pilier important du régime fiscal canadien et toute violation de sa confidentialité ou tout accès non autorisé par les employés affectera inévitablement la réputation de l’employeur et la confiance du public dans l’intégrité de ses activités.

70        Aux pages 6 et 12 du Code figure l’extrait suivant :

[Traduction]

[page 6 :]

Trois scénarios concernant l’accès aux renseignements sur les contribuables et leur divulgation :

  1. Un membre de ma famille m’a demandé d’accéder aux renseignements fiscaux de son dossier et de les lui divulguer (et je suis le représentant officiel sur sa déclaration T1).
  2. Un collègue m’a demandé d’accéder aux renseignements fiscaux d’un joueur de hockey célèbre.
  3. Je veux accéder à mes propres renseignements fiscaux.

Est-ce que je peux le faire? La réponse est « non ».

L’accès à l’information qui ne fait pas partie de vos fonctions officielles et de votre charge de travail attribuée, que ce soit par simple curiosité, à la demande d’un parent, d’un ami, d’un collègue ou d’un ancien collègue, ou pour toute autre fin, constitue une inconduite grave, quel que soit le but.

[…]

Vous ne devez jamais :

  • accéder à des renseignements qui ne font pas partie de votre charge de travail attribuée officiellement;
  • divulguer des renseignements de l’ARC qui n’ont pas été rendus publics; ou
  • utiliser tout renseignement de l’ARC qui n’est pas accessible au public, pour des fins ou votre profit personnels, ou pour obtenir des avantages financiers pour vous même, vos proches ou toute autre personne.

[…]

[page 12 :]

D’inconduite relative à l’utilisation des ordinateurs et des réseaux électroniques de l’ARC – quelques exemples :

Ordinateurs et bases de données de l’ARC :

  • Accès non autorisé à des renseignements fiscaux ou autres renseignements confidentiels, y compris les vôtres ou leur divulgation

[…]

                   [Je souligne]

71        Cette obligation ne peut pas être expliquée plus clairement. La déclaration de la fonctionnaire selon laquelle elle n’avait pas réellement porté attention au Code et à la séance d’information au cours de laquelle son importance à l’ARC a été répétée et qu’elle ne l’avait que [traduction] « lu rapidement » est loin d’être convaincante.

72        La fonctionnaire n’a pas nié les faits présentés par l’employeur ni les accès non autorisés à son compte et au compte d’autres contribuables. Elle a indiqué qu’elle ne savait pas que de tels accès étaient interdits. Puisqu’on lui avait donné un mot de passe pour ouvrir une session dans le système dans le cadre de ses fonctions en tant que commis des appels, elle croyait qu’elle pouvait y accéder à son gré. Elle n’a rien vu de mal dans ce qu’elle a fait. Elle a déclaré qu’elle avait accédé à ses données simplement en vue de se familiariser avec le fonctionnement du système et ses nombreux menus.

73        Ses explications quant à la raison pour laquelle elle avait accédé au compte de l’une des personnes n’étaient pas crédibles. Si elle avait l’intention d’obtenir le NAS du compte de l’une de ces personnes afin de remplir un formulaire de demande de prestations d’invalidité, pourquoi a-t-elle accédé au système 6 fois, en faisant 17 écritures, tel que le démontre l’imprimé de la liste d’accès déposé en preuve? De même, elle ne pouvait pas expliquer pourquoi elle avait accédé à son propre compte fiscal 46 fois à 5 occasions différentes (tel que l’indique l’imprimé) autrement que parce qu’elle s’ennuyait ou qu’elle souhaitait se familiariser avec le système, conformément à la suggestion de M. Ouellette. Encore une fois, je trouve ces explications peu convaincantes.

74        Peu importe, il demeure que Mme Gauthier a en fait accédé à son propre compte et à ceux de deux autres personnes pour des raisons non liées à ses fonctions et donc sans autorisation. Ces actes, répétés au cours d’une période de trois ans, contreviennent aux règles de l’employeur clairement établies à l’encontre d’une telle conduite. Mme Gauthier ne semble pas apprécier l’importance des règles de l’employeur relatives à l’accès aux renseignements sur les contribuables. Le fait qu’elle croyait ne pas savoir qu’elle ne pouvait pas faire ce qu’elle a fait est simplement insoutenable étant donné les renseignements répétés qui ont été fournis aux employés au sujet de ces questions et l’importance que l’employeur accorde aux règles régissant l’accès aux renseignements sur les contribuables par ses employés et l’utilisation de ces renseignements par ceux-ci, tel qu’en témoigne la preuve.

75        La gravité des actes de la fonctionnaire est aggravée par les faits que son accès non autorisé était répété et que son accès visait à l’aider à régler des questions privées (le formulaire de demande de prestations d’invalidité d’une personne et la déclaration de revenus d’une autre personne), ce qui constitue une interdiction claire énoncée dans le Code.

76        En ce qui concerne le deuxième motif invoqué par l’employeur pour mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire, je conclus qu’il existe une preuve convaincante qui établit qu’elle a présenté de faux renseignements dans sept demandes aux fins des mesures de dotation annoncées de l’ARC. Je conclus qu’elle n’a pas été en mesure de donner une explication crédible des incohérences et de faux renseignements figurant aux demandes en ligne au cours d’une période de sept ans.

77        Par exemple, les dates saisies relativement à son diplôme du Collège algonquin varient de 2004 à 2008 (d’un processus de dotation en 2010) à 2007-2008 (d’un processus de dotation en 2011) et de 2002 à 2005 (d’un processus de dotation en 2013). De plus, elle a présenté un diplôme du Collège algonquin en génie aéronautique qui aurait été obtenu aux dates qui varient d’un processus de dotation à l’autre et qui ne lui a jamais réellement été octroyé.

78        Même si une personne pourrait accepter le fait que ces présentations incohérentes peuvent être expliquées par une inattention extrême, l’affirmation selon laquelle elle détenait un baccalauréat en génie logiciel de la Carleton University est plus troublante. Dans ce cas, le poste annoncé était un poste au groupe et au niveau CS-01, analyste de soutien pour l’infrastructure de la TI, et l’affirmation de Mme Gauthier selon laquelle elle détenait un tel baccalauréat était étayée par une copie d’un diplôme en son nom et qui indiquait qu’il aurait été octroyé par la Carleton University. Le diplôme s’est avéré ne pas être authentique. Elle a admis qu’elle n’avait jamais obtenu un baccalauréat de la Carleton University. Ses explications quant à l’origine du diplôme et à la façon dont elle l’a obtenu étaient vagues et n’étaient pas très crédibles.

79        Je ne peux que conclure que ces fausses présentations visaient à induire en erreur l’employeur en ce qui concerne ses études afin qu’elle soit considérée comme répondant aux exigences prises en compte aux fins des postes annoncés. Elle a agi ainsi à maintes reprises au cours d’une période prolongée entre 2005 et 2012. Ces actes ne peuvent pas être qualifiés d’aberrations passagères.

80        Pour tous ces motifs, je conclus que l’employeur a établi, selon la prépondérance des probabilités, les motifs énoncés dans sa lettre du 4 octobre 2013 et qu’il a établi que les actes de Mme Gauthier, commis pour des raisons mieux connues d’elle, constituaient une inconduite grave.

81        La représentante de la fonctionnaire a essayé de minimiser l’importance de ces infractions en indiquant que, selon la dernière analyse, la fonctionnaire n’avait réellement obtenu aucun avantage de l’accès non autorisé au système ou des déclarations incohérentes dans ses demandes d’emploi. À mon avis, cet argument aurait plus de poids s’il s’agissait d’un cas isolé de malhonnêteté ou d’un écart de jugement momentané. Au contraire, il a été établi que les actes de la fonctionnaire ont été commis sur une période de plusieurs années et indiquaient un mépris total de l’importance de faire preuve d’une conduite fiable en tout temps, ce que j’estime être tout à fait fondamental pour une employée qui occupe le poste qu’elle occupe.

82        La deuxième question consiste à savoir si le licenciement était approprié dans les circonstances.

83        Les actes de la fonctionnaire font partie de la catégorie d’une inconduite grave et sont à l’extrémité supérieure de l’échelle en ce qui concerne leur gravité, tel que l’indique le [traduction] « Tableau de mesures disciplinaires suggérées » joint à la Politique sur les mesures disciplinairesde l’employeur. Même si je ne suis pas lié par les politiques de l’employeur à cet égard, j’estime qu’elles indiquent l’importance que l’employeur accorde à l’intégrité du régime fiscal dont il est responsable et ses attentes selon lesquelles ses employés doivent respecter cette intégrité et qu’ils agiront avec honnêteté et intégrité en tout temps.

84        La représentante de la fonctionnaire a soulevé un certain nombre de facteurs atténuants et a déclaré que je devrais en tenir compte dans mon évaluation de la question de savoir si le licenciement était approprié. La fonctionnaire comptait 25 années de service et avait un dossier disciplinaire vierge. Sa représentante m’a également invité à tenir compte de la situation personnelle de la fonctionnaire en ce qui concerne sa santé et ses douleurs chroniques, plus particulièrement des effets secondaires de ses médicaments, ce qui pourrait expliquer son comportement.

85        Je ne suis pas disposé à accorder beaucoup de poids aux explications de la fonctionnaire selon lesquelles ses analgésiques affectaient son jugement et justifiaient ses actes. Aucune preuve provenant d’un praticien qualifié n’a été présentée pour établir que les médicaments qu’elle prenait pouvaient affecter son état d’esprit au point où elle devrait être dispensée de toute responsabilité de ses actes.

86        Je fais également remarquer le fait que, lorsque son superviseur lui a demandé s’il existait des problèmes médicaux qui pouvaient affecter son rendement, elle a répondu par la négative. Ses explications quant à l’incidence et aux effets secondaires de tels médicaments sur ses capacités cognitives étaient manifestement dans son propre intérêt. Par conséquent, je crois que la suggestion selon laquelle ces problèmes contribuaient aux manquements en matière de confidentialité et aux faux renseignements fournis dans les demandes d’emploi n’ont pas été établis de manière satisfaisante.

87        Même si le fait qu’elle compte 25 années de service constitue un facteur important en faveur d’une sanction moindre qui accorderait à la fonctionnaire une autre chance, je suis d’avis que les autres facteurs aggravants que j’ai mentionnés tout au long de mes motifs l’emportent sur ce facteur. Ses actes, tant l’accès non autorisé aux bases de données sur les contribuables que les fausses études, ont été commis de manière répétitive pendant une longue période. En outre, elle n’était pas entièrement franche lorsqu’elle a expliqué ses actes et ne semblait pas apprécier leur gravité et l’importance de l’honnêteté et de la confiance en tant que fondement de la relation d’emploi. Sous cet angle, elle n’est pas fiable et la probabilité de réadaptation n’est pas fondée sur des faits importants et semble être très hypothétique.

88        Je suis d’avis que l’extrait suivant tiré de la page 8 de Ward s’applique à la situation de la fonctionnaire :

Pour que l’employée s’estimant lésée ait gain de cause, il faudrait que certains des facteurs susmentionnés s’appliquent effectivement en l’espèce. L’infraction qui a provoqué le congédiement était des plus graves; il ne s’agit pas d’un égarement momentané, puisqu’elle a été répétée à plusieurs reprises et à l’égard d’un certain nombre de personnes ayant des relations quelconques avec l’employée s’estimant lésée. L’infraction n’a pas été provoquée par un tiers, bien que l’employée s’estimant lésée ait donné une explication insuffisante des motifs qui l’ont poussée à commettre au moins certaines de ces infractions, c’est-à-dire aider une autre femme en détresse, Rhonda Maracle. Toutefois, elle n’a pas expliqué de façon satisfaisante pourquoi elle a consulté les dossiers d’autres contribuables, et tiré divers renseignements de leur déclaration d’impôt. Bien que le dossier disciplinaire de l’employée s’estimant lésée soit vierge et qu’elle donne un bon rendement au travail, ces éléments ne diminuent pas la gravité de l’infraction commise. L’employeur a souvent rappelé à l’employée s’estimant lésée et à ses camarades de travail qu’il leur était interdit de consulter les ordinateurs à des fins non officielles et que le fait de divulguer à des personnes non autorisées les renseignements ainsi obtenus constitue une infraction grave. En outre, il n’y a aucune preuve que l’employeur ait cherché à traiter l’employée s’estimant lésée de façon sévère et arbitraire. Bien que celle-ci se repente, cela ne suffit pas pour que j’annule son congédiement. En ce qui concerne l’état mental dans lequel se trouvait l’employée en cause lorsque les infractions ont été commises ou dans lequel elle se trouve aujourd’hui, on ne m’a présenté aucune preuve médicale ni aucun témoignage de la part d’un travailleur social ou d’un autre expert qui me permettrait de conclure qu’elle est davantage en mesure maintenant de ne pas se laisser convaincre de répéter sa faute. En fait, cet écart de conduite a porté atteinte à la relation employeur-employé et son congédiement doit en conséquence être maintenu.

                   [Je souligne]

89        Je souscris à ce que l’arbitre a déclaré dans Yensen au paragraphe 26 comme suit :

[29] La fonctionnaire admet également qu’elle a accédé deux fois sans autorisation à son dossier personnel. Bien que ce soit une faute de conduite moins grave, le fait qu’elle n’a pas compris le caractère répréhensible de ses actions étaye ma conclusion que le congédiement doit être maintenu.

90        Je dois donc conclure, tout comme l’employeur, que les actes de Mme Gauthier ont nui à la réputation générale de l’ARC et constituaient un manquement important de la confiance essentielle à la relation employeur-employée. Même s’il est possible qu’une personne envisage la réintégration de la fonctionnaire dans ses fonctions par compassion à l’égard de sa situation, je suis d’avis que, selon la dernière analyse, le licenciement ne constituait pas une sanction excessive ni déraisonnable dans les circonstances.

91        Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

92        Le grief est rejeté.

93        Les parties doivent préparer une copie caviardée des pièces dans lesquelles toute information qui permettrait d’identifier un contribuable dont le compte a fait l’objet d’un accès par la fonctionnaire devra être caviardée. Les parties doivent également caviarder des pièces toute information concernant le CIDP, le NAS, l’adresse du domicile et le numéro de téléphone à domicile de la fonctionnaire. Les parties doivent fournir à la Commission la copie caviardée des pièces dans les deux semaines suivant la date de la présente décision.

94        Lorsque les parties fourniront à la Commission les versions caviardées de ces documents, le greffe de la Commission communiquera avec l’avocat et il déterminera si les versions de ces documents que la Commission a déjà en sa possession devraient être retournées aux parties ou détruites.

95        Le dossier et les pièces sont scellés pendant une période d’un mois à compter de la date de la décision.

Le 23 mai 2017.

Traduction de la CRTEFP

Michael F. McNamara,

une formation de la Commission des relations de travail et

de l’emploi dans la fonction publique

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