Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée allègue qu’elle a fait l’objet de discrimination en raison d’une invalidité lorsqu’elle a présenté elle-même sa candidature à titre d’employée excédentaire pour un poste dans un autre ministère – cette décision porte uniquement sur les objections préliminaires soulevées par l’employeur – l’objection voulant que la Commission n’ait pas compétence parce que le grief porte sur un processus de dotation a été rejetée; la Commission ne perd pas compétence au motif que le droit en matière de relations de travail de ne pas faire l’objet de discrimination est soulevé dans un contexte de dotation – l’objection faisant valoir que le grief n’a pas été présenté à la Commission de manière appropriée, puisque la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas une employée au moment de le présenter, a été rejetée au motif que les incidents ayant donné lieu au grief ont eu lieu alors qu’elle était toujours une employée – l’objection faisant valoir que la Commission ne devrait pas entendre le grief puisqu’il a été présenté hors délai a été rejetée au motif que l’employeur a renoncé à son droit de soulever la question du respect des délais lorsqu’il a omis de reconnaître le grief ou d’y répondre – enfin, la dernière objection, selon laquelle le poste d’attache de la fonctionnaire dans son ministère d’attache exonérait le ministère responsable de l’embauche de sa responsabilité de répondre au grief, a été rejeté par la Commission, qui a confirmé que le Conseil du Trésor est l’employeur (et non le ministère responsable de l’embauche) et que le ministère responsable de l’embauche a la responsabilité déléguée de se conformer à la Directive sur le réaménagement des effectifs et à la convention collective du poste d’attache de la fonctionnaire s’estimant lésée.Objections préliminaires rejetées.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20170718
  • Dossier:  566-02-11222 et 568-02-356
  • Référence:  2017 CRTESPF 10

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

EKARINA SANTAWIRYA

fonctionnaire s'estimant lésée et demanderesse

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Agence des services frontaliers du Canada)

défenderesse

Répertorié
Santawirya c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage et une demande visant la prorogation d’un délai en vertu de l’alinéa 61b) du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral


Devant:
David Olsen, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour la fonctionnaire s'estimant lésée et demanderesse:
Christine Langill, avocate
Pour la défenderesse:
Jean-Michel Corbeil, avocat
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 29 au 31 août 2016. (Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage et demande devant la Commission

1        La fonctionnaire s’estimant lésée, Ekarina Santawirya (la « fonctionnaire ») a présenté un grief au motif que l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« ASFC » ou la « défenderesse ») avait contrevenu à l’article 16 de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’Association canadienne des employés professionnels (l’« ACEP »), pour le groupe Économique et services des sciences sociales (la « convention collective du groupe EC »), en raison de son invalidité. La convention collective en question est venue à échéance le 21 juin 2014. Elle a également soutenu dans son grief que la défenderesse avait contrevenu à la clause 39.03(11) de cette même convention collective (laquelle clause renvoie à la Directive sur le réaménagement des effectifs (la « DRE ») du Conseil national mixte) en raison de son invalidité. Elle a ajouté que la défenderesse avait aussi contrevenu à la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C., 1985, ch. H-6, la « LCDP ») et de nouveau à l’article 16 de la convention collective lorsqu’elle a omis de respecter son obligation de prendre des mesures d’adaptation à son égard.

2        Le grief a été présenté à la défenderesse le 12 février 2015. L’ASFC n’a pas répondu au grief. L’agent négociateur l’a transmis à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs et l’a renvoyé à l’arbitrage le 4 juin 2015.

3        Le 10 juillet 2015, le Conseil du Trésor a soulevé un certain nombre d’objections préliminaires relativement au renvoi à l’arbitrage, comme suit :

  • Le caractère véritable du grief concerne un processus de dotation à l’égard duquel un arbitre de grief n’a pas compétence.
  • Le grief n’a pas été dûment déposé devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « CRTEFP » ou la « Commission ») parce la fonctionnaire n’était pas une employée lorsqu’il a été déposé.
  • Un arbitre de grief n’a pas compétence puisque la fonctionnaire peut se prévaloir d’un autre recours administratif de réparation prévu en vertu d’une autre loi fédérale, notamment la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; la « LEFP »).
  • Subsidiairement, le grief a été déposé en dehors du délai prescrit dans la convention collective du groupe EC, et la Commission ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire pour proroger le délai.

4        Des audiences ont été tenues pour trancher les questions préliminaires.

5        Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, et du Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’il devienne, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, la Loi sur La Commission des relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »), la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral et le Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (le « Règlement »).

II. Résumé de la preuve

6        Les parties ont présenté un exposé conjoint des faits. Elles ont convenu qu’elles pouvaient compléter l’exposé à l’aide d’un témoignage de vive voix.

7        La défenderesse a cité Monique Poivre, une gestionnaire des ressources humaines à l’ASFC, à témoigner. La fonctionnaire a témoigné pour son compte.

8        Ce résumé comprend des renseignements provenant de l’exposé conjoint des faits et des pièces qui y sont jointes, ainsi que le témoignage de Mme Poivre et de la fonctionnaire.

9        La fonctionnaire était au service d’Industrie Canada en tant qu’adjointe à la recherche (et ensuite en tant qu’analyste des données) à compter du 31 août 2000. Son poste, qui était classifié au groupe et au niveau EC-01, relevait de l’unité de négociation représentée par l’ACEP. En conséquence, elle était assujettie à la convention collective du groupe EC.

10        Le 11 avril 2012, Industrie Canada a informé la fonctionnaire qu’elle était une [traduction] « employée touchée » dans le contexte des mesures de restrictions financières du gouvernement fédéral. Par conséquent, en vertu de la DRE, elle allait être prise en considération aux fins d’une réaffectation à un poste vacant classifié à son groupe et niveau, au sein de son ministère, à l’égard duquel elle est qualifiée. Ce processus devait se poursuivre jusqu’à la fin de mai 2012.

11        Le 26 juin 2012, la fonctionnaire a été informée au moyen d’une lettre qu’elle avait été désignée à titre d’« employée optant » en vertu de la DRE, puisqu’il était impossible de prédire si un emploi futur serait disponible pour elle à l’administration publique centrale. Elle devait donc choisir une des trois options décrites à l’annexe A de la lettre.

12        Le 24 octobre 2012, la fonctionnaire a choisi l’« option A ». Conformément à cette option, elle devait continuer d’occuper son poste actuel pendant une période de 12 mois, durant laquelle elle aurait le statut de [traduction] « priorité d’employée excédentaire », en attendant qu’elle obtienne une offre d’emploi raisonnable. Par conséquent, pendant cette période, conformément à l’art. 5 du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique (DORS/2005-334; REFP) et de l’art. 40 de la LEFP, elle avait le droit d’être nommée de manière prioritaire à un autre poste à l’administration publique centrale à la condition de démontrer qu’elle répondait aux qualifications essentielles.

13        Conformément au paragraphe 64(1) de la LEFP, si elle n’arrivait pas à trouver un tel poste, elle serait mise en disponibilité à la fin de cette période. Par conséquent, en vertu du par. 41(4) de la LEFP et de l’art. 11 du REFP, elle devait profiter d’une période supplémentaire de 12 mois pendant laquelle elle pouvait conserver son statut de priorité durant sa mise en disponibilité.

14        La fonctionnaire n’a pas obtenu d’offre d’emploi raisonnable pendant sa première période de 12 mois où elle bénéficiait du statut de « priorité d’employée excédentaire ». Elle a été informée, au moyen d’une lettre en date du 19 septembre 2013, qu’elle serait mise en disponibilité à compter du 5 octobre 2013. Par conséquent, sa priorité de personne mise en disponibilité était en vigueur jusqu’au 24 octobre 2014.

15        Vers le milieu du mois de septembre 2014, l’ASFC a annoncé un processus de nomination pour les postes d’agent de sécurité, d’agent de sécurité régional et d’analyste d’enquêtes de sécurité sur le personnel, classifiés au groupe et au niveau AS-01. L’annonce indiquait qu’il était prévu que trois postes soient dotés dans le cadre de ce processus, soit un poste pour une période indéterminée et deux postes pour une période déterminée d’un an. L’annonce indiquait également que le processus serait utilisé pour établir un répertoire de candidats qualifiés pour des postes semblables dans le futur. La date de clôture pour présenter sa candidature était le 3 octobre 2014.

16        Un certain nombre de qualifications essentielles et de qualifications constituant un atout étaient énumérées dans l’annonce pour le poste AS-01 à l’ASFC. Toutefois, conformément à la DRE, pour bénéficier d’une priorité de nomination, la fonctionnaire devait seulement démontrer qu’elle répondait aux qualifications essentielles. L’annonce indiquait aussi que les candidats devaient démontrer dans leur lettre d’accompagnement comment ils répondaient aux qualifications essentielles.

17        Mme Poivre a expliqué que le processus de nomination était ouvert aux personnes employés de Sécurité publique Canada qui travaillaient dans la région de la capitale nationale, ainsi qu’aux employés de l’ASFC, du Service canadien du renseignement de sécurité, de Service correctionnel du Canada, de la Commission des libérations conditionnelles du Canada et de la Gendarmerie royale du Canada, ou aux personnes employées au ministère de la Défense nationale qui travaillaient dans la région de la capitale nationale et aux membres des Forces canadiennes qui occupaient un poste à l’administration centrale au sein de la région de la capitale nationale.

18        La fonctionnaire n’était pas une employée de la zone de sélection. Toutefois, puisqu’elle bénéficiait d’une priorité en raison de son statut de mise en disponibilité, le critère relatif à la zone de sélection ne s’appliquait pas et, par conséquent, elle pouvait présenter sa candidature.

19        Le groupe de Mme Poivre travaille avec des gestionnaires de l’ASFC (clients) et les aide à évaluer si les postulants répondent aux critères de nomination aux postes. Ces postes ont été annoncés dans le cadre d’un processus électronique interne de la fonction publique intitulé à l’époque « Publiservice » dont le nom est maintenant « Emplois.gc.ca ». Les personnes intéressées pouvaient présenter leur candidature en ligne.

20        Les postes ont été affichés le 15 septembre 2014 et le processus de nomination a été ouvert pendant deux semaines; la date de clôture était le 3 octobre 2014. Pendant cette période, l’ASFC a reçu plus de 130 demandes. Toutefois, Mme Poivre a reconnu qu’elle ne savait pas si, outre la fonctionnaire, d’autres personnes bénéficiaient d’un statut de priorité.

21        L’« annonce de possibilité d’emploi » énonce tout d’abord les renseignements sur les postes, la zone de sélection et la date de clôture, et ensuite, à la troisième page, les qualifications essentielles des postes.

22        La directive à l’intention des candidats énonce ce qui suit : [traduction] « Les candidats doivent démontrer clairement sur leur demande qu’ils répondent à tous les critères essentiels suivants et qu’ils sont dans la zone de sélection. Tout manquement à cette consigne peut entraîner le rejet de leur candidature. »

23        Voici, entre autres, les qualifications essentielles des postes :

[Traduction]

  • un diplôme d’études secondaires;
  • une expérience récente et appréciable de la rédaction et de la préparation de divers types de documents et de rapports écrits;
  • une expérience récente et appréciable de la planification et de la coordination d’activités et de services administratifs dans un bureau;
  • une expérience récente et appréciable de l’utilisation d’un ordinateur personnel et de l’utilisation des logiciels MS Office Outlook, Word, Excel et PowerPoint;
  • une expérience de la prestation de conseils et d’une orientation, ainsi que de la liaison avec les clients et les personnes à divers niveaux de la direction.

24        L’« expérience récente et appréciable » se définit comme une expérience étendue et approfondie associée à l’exercice à temps plein des fonctions pendant au moins six mois au cours des trois dernières années.

25        Les candidats devaient démontrer qu’ils répondaient à un certain nombre de qualifications constituant un atout.

26        L’annonce de possibilité d’emploi énumère les exigences opérationnelles pour les postes ainsi que les conditions d’emploi.

27        Dans leur curriculum vitæ ou leur formulaire de demande, chaque candidat devait indiquer le groupe et le niveau de classification de leur poste d’attache et veiller à ce que leur code d’identification de dossier personnel y soit inscrit.

28        Mme Poivre a déclaré que les outils d’évaluation utilisés pour déterminer si un candidat répond aux qualifications essentielles d’un poste étaient les suivants : une présélection, un examen écrit et des vérifications de références.

29        Les notes aux pages 4 et 5 de l’annonce de possibilité d’emploi mentionnent ce qui suit :

[Traduction]

Les candidats doivent démontrer clairement, DANS LEUR LETTRE D’ACCOMPAGNEMENT, comment ils répondent aux critères d’études ET d’expérience énumérés dans les qualifications essentielles. Les candidats doivent utiliser les critères d’expérience comme en-tête et ensuite rédiger un ou deux paragraphes pour chacune des qualifications dans lesquels ils expliquent comment ils répondent aux critères à l’aide d’exemples concrets. Veuillez noter qu’il ne suffit pas pour les candidats de simplement déclarer qu’ils possèdent les qualifications requises ou d’énumérer leurs responsabilités actuelles ou passées.

SI VOUS NE FOURNISSEZ PAS CES RENSEIGNEMENTS DANS LA LETTRE D’ACCOMPAGNEMENT, VOTRE DEMANDE RISQUE D’ÊTRE REJETÉE.

Votre curriculum vitæ sera consulté uniquement à titre de source d’information secondaire, afin de valider les renseignements décrits dans votre lettre d’accompagnement.

30        L’annonce de possibilité d’emploi indique ensuite qu’aucune accusation de réception ne sera envoyée relativement aux candidatures et que chaque personne a le droit de participer à un processus de nomination dans la langue officielle de son choix. Les dispositions relatives aux congés ou aux absences pendant le processus de sélection y sont également énumérées.

31        La conclusion de l’annonce est rédigée comme suit : [traduction] « Si vous avez besoin d’une mesure d’adaptation à toute étape du processus, veuillez en informer l’adjoint aux ressources humaines chargé de ce processus dès que possible […] »

32        Mme Poivre a fait valoir que la note figurant à la quatrième page de l’annonce de possibilité d’emploi qui exigeait que les candidats indiquent dans leur lettre d’accompagnement comment ils répondent aux qualifications essentielles du poste était importante et qu’elle s’appliquait à tous les demandeurs. Elle a indiqué que les curriculum vitæ comprennent souvent entre 12 et 14 pages et que c’est la raison pour laquelle l’ASFC demande que les renseignements soient énoncés dans la lettre d’accompagnement.

33        La fonctionnaire a affirmé que le 15 septembre 2014 ou vers cette date, une personne lui a fait parvenir des renseignements sur le processus de nomination. En tant que fonctionnaire mise en disponibilité, elle espérait être sélectionnée et souhaitait que l’ASFC lui donne l’occasion de continuer à servir le Canada à titre d’agente de sécurité.

34        Le 23 septembre 2013, la fonctionnaire a envoyé un courriel à Catherine Power, la gestionnaire du programme d’intégrité professionnelle de l’ASFC, et a indiqué qu’elle souhaitait que sa candidature soit prise en considération pour le poste pour une période indéterminée d’agent de sécurité (AS-01). Elle a joint son curriculum vitæ et une lettre d’accompagnement à son courriel.

35        Mme Poivre a identifié une lettre de transmission, une lettre d’accompagnement et un curriculum vitæ en date du 23 septembre 2014, provenant de la fonctionnaire, qui lui avaient été remis par son client. La lettre de transmission comprenait un renvoi au numéro du processus de sélection et indiquait en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Je souhaite que ma candidature soit prise en considération aux fins du poste permanent d’agent de sécurité (AS-01). Veuillez trouver ci-joint mon curriculum vitæ et une lettre d’accompagnement.

Veuillez noter que mon droit à une priorité à titre de personne mise en disponibilité (CFP) a pris fin le 15 octobre 2014. Mon ministère d’attache, Industrie Canada, m’offrira une formation de deux ans si le poste est un poste pour une période indéterminée.

[…]

36        Dans l’introduction de son curriculum, à l’endroit où elle a inscrit ses renseignements personnels, la fonctionnaire s’est identifiée comme une personne handicapée.

37        Mme Poivre a indiqué que, selon elle, la lettre d’accompagnement portait sur une expérience récente dans le domaine de l’informatique, alors que le poste annoncé était dans le domaine de la sécurité.

38        Le 2 octobre 2014, Robert Laskowski, un adjoint administratif à l’ASFC, a envoyé un courriel à la fonctionnaire indiquant en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Je vous remercie d’avoir communiqué avec nous au sujet de ce processus.

Nous prendrons avec plaisir votre candidature en considération aux fins du poste pour une période indéterminée d’agent de sécurité (AS-01).

Conformément à l’annonce d’emploi, veuillez démontrer clairement DANS LA LETTRE D’ACCOMPAGEMENT comment vous répondez aux critères d’études ET d’expérience énumérés dans les qualifications essentielles et toute qualification constituant un atout que vous pourrez avoir. Vous devez utiliser les critères d’expérience comme en-tête et ensuite rédiger un ou deux paragraphes pour chacune des qualifications, démontrant comment vous répondez aux critères à l’aide d’exemples concrets. Veuillez noter qu’il ne suffit pas pour les candidats de simplement déclarer qu’ils possèdent les qualifications requises ou d’énumérer leurs responsabilités actuelles ou passées.

[…]

39        Le 3 octobre 2014, Alan Azar, un analyste principal de sécurité, a envoyé un courriel à la fonctionnaire indiquant qu’ils avaient reçu sa première lettre d’accompagnement et son curriculum vitæ pour le poste d’agent de sécurité classifié AS-01. Le courriel indiquait en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Si le poste vous intéresse toujours, conformément à ce que Roberts a indiqué dans son courriel, veuillez nous faire parvenir une lettre d’accompagnement modifiée qui indique comment vous répondez manifestement aux critères d’études et d’expérience énumérés dans les qualifications essentielles et toute qualification constituant un atout que vous avez.

Veuillez m’informer si ce poste d’agent de sécurité AS-01 vous intéresse toujours et si vous souhaitez participer à un examen écrit.

[…]

40        La fonctionnaire a été informée qu’elle devait présenter de nouveau sa lettre d’accompagnement à M. Azar.

41        Selon Mme Poivre, malgré l’omission de la fonctionnaire de se conformer à la directive voulant qu’elle précise comment elle répondait aux critères d’études et d’expérience dans la lettre d’accompagnement, l’ASFC n’a pas rejeté sa candidature en raison de son statut d’employée prioritaire. L’ASFC a pris au sérieux son statut et souhaitait lui donner l’occasion de présenter sa candidature pour ce poste. Le processus de nomination était alors encore ouvert.

42        Mme Poivre a indiqué que, au mieux de ses connaissances, M. Azar n’avait eu aucune nouvelle de la fonctionnaire.

43        En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a été interrogée à savoir si elle convenait qu’elle avait lu les directives figurant aux pages 4 et 5 de l’annonce, voulant que les candidats démontrent dans leur lettre d’accompagnement comment ils répondaient aux qualifications essentielles. Elle a hésité avant de répondre et elle a ensuite dit qu’elle n’était pas certaine d’être d’accord, pour ensuite reconnaître qu’elle avait lu les directives. Elle a ensuite déclaré qu’au moment de présenter sa candidature, le 23 septembre 2014, elle ne savait pas si elle pouvait postuler aux postes.

44        La fonctionnaire a indiqué qu’elle n’avait pas d’ordinateur. Afin de communiquer par courriel, elle a le droit d’utiliser les ordinateurs de la succursale Nepean Centrepointe de la Bibliothèque publique d’Ottawa, située à Ottawa, en Ontario, une fois que les autres clients ont terminé.

45        La fonctionnaire est atteinte d’une incapacité liée à la mobilité et a recours aux services de Para Transpo pour se déplacer. Para Transpo offre un transport public à Ottawa pour les individus qui ne peuvent prendre le transport en commun conventionnel. Lorsqu’elle souhaite utiliser les ordinateurs de la bibliothèque, elle doit réserver un autobus de Para Transpo deux jours à l’avance.

46        Elle a affirmé ne pas avoir répondu au courriel du 2 octobre parce qu’elle devait se préparer à une chirurgie oculaire prévue le 8 octobre 2014. Après la chirurgie, elle avait des maux de tête et une déficience visuelle.

47        Le 14 octobre 2014, Kim MacDonald, conseillère en ressources humaines intérimaire, a envoyé un courriel à la fonctionnaire indiquant en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Nous regrettons de vous informer que votre candidature ne sera pas retenue puisque vous n’avez pas fourni au comité d’évaluation une lettre d’accompagnement lui permettant d’évaluer vos qualifications. Nous estimons que la participation au processus de nomination susmentionné ne vous intéresse plus. La présente a pour objet de confirmer votre retrait de ce processus.

[…]

48         Le 15 octobre 2014, la fonctionnaire a reçu un courriel automatisé de la Commission de la fonction publique (CFP) la renvoyant à un processus de sélection pour un poste d’agent de sécurité à l’ASFC. Le courriel indiquait en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Votre candidature a été présentée par la Commission de la fonction publique relativement au poste susmentionné.

Pour obtenir des renseignements sur les exigences du poste, veuillez consulter l’Énoncé des critères de mérite (ECM) ci-dessous. Puisque vous bénéficiez d’un droit de priorité, vous n’avez qu’à répondre aux qualifications essentielles et aux conditions d’emploi décrites dans le présent ECM; vous n’êtes pas tenu de répondre aux qualifications constituant un atout, aux exigences opérationnelles, ni aux besoins organisationnels.

Si vous croyez répondre aux qualifications essentielles et aux conditions d’emploi de ce poste, veuillez effectuer ce qui suit :

1. Répondre par écrit à l’organisation d’embauche dans un délai de cinq (5) jours ouvrables. Il est important de respecter le délai afin que le poste puisse être doté rapidement.

Si vous ne pouvez pas fournir les renseignements demandés dans le délai indiqué ci-dessus, vous devez informer l’organisation de votre intérêt dès que possible et indiquer la date à laquelle vous serez en mesure de répondre.

[…]

Si vous ne souhaitez pas que votre candidature soit prise en considération aux fins du poste, vous devez fournir une explication écrite à l’organisation d’embauche indiquée ci-dessous dans le même délai.

[…]

49        Le 16 octobre 2014, la fonctionnaire a acheminé le courriel de la CFP à Cari McRae, une adjointe en ressources humaines à l’ASFC. Mme McRae l’a informé que le courriel mentionnait le même poste et a ajouté ce qui suit : [traduction] « […] puisque vous avez vous-même présenté votre candidature, Kim a ajouté votre nom dans le système de la CFP et le système a généré ce courriel relativement à laprésentation de votre candidature. Il s’agit du même renvoi. »

50        Le 16 octobre 2014, la fonctionnaire a communiqué avec Mme MacDonald par téléphone. Elle l’a informé qu’elle avait subi une chirurgie oculaire le 8 octobre 2014, qu’elle recourait aux services de Para Transpo et qu’elle utilisait les ordinateurs d’une bibliothèque. Mme MacDonald l’a informé que l’ASFC prendrait en considération sa candidature au poste d’agent de sécurité si elle lui fournissait une lettre d’accompagnement modifiée au plus tard le lundi 20 octobre 2014, à 9 h, ainsi qu’un certificat médical relativement à la chirurgie oculaire.

51        Le 17 octobre 2014, Mme MacDonald a envoyé un courriel à la fonctionnaire, indiquant en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Conformément à notre discussion, veuillez fournir une copie de votre lettre d’accompagnement et un certificat médical au plus tard le lundi 20 octobre 2014 à 9 h si vous souhaitez toujours que votre candidature soit prise en considération aux fins de la possibilité d’emploi AS-01.

Si vous avez des questions, n’hésitez pas à communiquer avec moi.

[…]

52        Mme Poivre a expliqué qu’elle était impliquée à cette étape. Elle a fait valoir qu’une date et une heure précises avaient été inscrites dans la lettre parce que le fait qu’une plainte soit déposée sans qu’une date ou une heure soit précisée pourrait causer un préjudice à l’ASFC. L’heure et la date précises ont été inscrites afin de protéger les intérêts du ministère.

53        La fonctionnaire a indiqué qu’elle avait appelé le bureau de son médecin et qu’elle avait mentionné qu’elle avait besoin d’un certificat médical confirmant sa chirurgie oculaire. Le personnel du bureau l’a informé qu’il ferait de son mieux. Elle s’est présentée au bureau de son médecin le 22 octobre 2014. Son médecin n’y était pas. Une personne au bureau l’a informé qu’il ne pouvait pas envoyer la lettre à ce moment-là, mais qu’une lettre serait envoyée. Le certificat médical en date du 21 octobre 2014, adressé à Mme Poivre, a été acheminé par télécopieur le 3 novembre 2014.

54        La fonctionnaire est allée à la bibliothèque plusieurs fois entre le 16 et le 19 octobre 2014, afin de préparer une lettre d’accompagnement modifiée. Ce processus lui a causé des ennuis en raison de ses problèmes de vision. Elle a indiqué avoir essayé d’envoyer la lettre d’accompagnement modifiée le 19 octobre 2014. L’ASFC ne l’a toutefois pas reçu à ce moment-là.

55        Le 20 octobre 2014, à 12 h 53, la fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme MacDonald indiquant ce qui suit : [traduction] « Vous trouverez ci-joint la lettre d’accompagnement. À titre d’information, le formatage de la bibliothèque n’est pas parfait » [sic pour l’ensemble de la citation].

56        Le 21 octobre 2014, à 13 h 45, Mme MacDonald a envoyé un courriel à la fonctionnaire, l’informant en partie de ce qui suit :

[Traduction]

Malheureusement, nous ne pouvons pas prendre votre candidature en considération puisque vous n’avez pas fourni les renseignements demandés au plus tard le lundi 20 octobre 2014, à 9 h.

  1. Une preuve que vous avez acheminé votre lettre d’accompagnement à mon attention avant le lundi 20 octobre 2014, à 9 h.
  2. Une copie de votre certificat médical.
  3. Une copie de votre dossier de mesures d’adaptation.

Par conséquent, votre candidature a été rejetée aux fins de ce processus de sélection.

57        Le 21 octobre 2014, la fonctionnaire a discuté avec Mme Poivre au téléphone. Mme Poivre l’a alors informé que si elle pouvait démontrer qu’elle avait envoyé les renseignements requis avant 9 h, le 20 octobre 2014, sa candidature serait prise en considération.

58        Le 23 octobre 2014, l’ASFC a reçu un courriel de Verna Preston, la coordonnatrice de la succursale Nepean Centrepointe de la bibliothèque. Dans le courriel, il est mentionné que la fonctionnaire était convaincue d’avoir envoyé un courriel à Mme Power à la fin de la journée du dimanche 19 octobre 2014. La bibliothèque ferme à 17 h. Le courriel se termine en indiquant ce qui suit : [traduction] « […] il se peut qu’il y ait eu un problème avec le serveur de la bibliothèque en fin de journée. Nous n’avons pas été en mesure de déterminer le problème exact qu’a éprouvé le serveur à ce moment. »

59        Le 22 octobre 2014, l’ASFC a reçu de la part du Dr Anil Jain les renseignements au sujet de la santé de la fonctionnaire. Les renseignements portaient notamment sur la mobilité de la fonctionnaire.

60        Tel qu’il a été indiqué, le 3 novembre 2014, l’ASFC a reçu une télécopie du bureau du Dr Kevin D. Smith, ainsi qu’une copie d’une note en date du 21 octobre 2014 adressée à Mme Poivre et indiquant que la fonctionnaire avait subi une chirurgie oculaire le 8 octobre 2014.

61        Mme Poivre a indiqué qu’au 3 novembre 2014, la fonctionnaire n’était plus une fonctionnaire puisque son statut de priorité avait pris fin le 24 octobre 2014. Elle n’était pas convaincue que la fonctionnaire avait démontré qu’elle avait envoyé la lettre d’accompagnement le 19 octobre 2014. Elle était d’avis que la lettre qu’elle avait reçue de la bibliothèque ne constituait pas une preuve. Si des problèmes étaient survenus avec les ordinateurs, une confirmation des services de la technologie de l’information de la bibliothèque aurait pu constituer une preuve suffisante.

62        À la question de savoir pourquoi le délai avait été établi à 9 h, plutôt qu’à la fin de la journée de travail, elle a répondu qu’elle n’avait obtenu aucune demande de report quant au délai.

63        Mme Poivre a fait des commentaires quant au courriel que la CFP a envoyé à la fonctionnaire. Elle a déclaré que, conformément au fonctionnement du système de priorités, chaque fois que des postes sont affichés, il faut obtenir une autorisation de la CFP, laquelle est chargée de veiller à ce qu’il existe un moyen d’évaluer les personnes bénéficiant d’une priorité par rapport aux critères affichés afin qu’elles soient admissibles aux postes vacants.

64        La fonctionnaire a présenté elle-même sa candidature à ce processus de nomination. Lorsqu’une personne présente elle-même sa candidature, les ministères saisissent ces renseignements dans le système de priorité de la CFP. Cette entrée de données génère à son tour un courriel de la CFP.

65        À la question de savoir si elle était d’accord que la CFP avait invité la fonctionnaire à poser sa candidature, Mme Poivre a répondu que la lettre faisait valoir que la CFP l’avait renvoyé à ce poste. Elle a affirmé que, selon la DRE, si la CFP renvoie à un poste une personne bénéficiant d’une priorité en raison de sa mise en disponibilité, il est alors attendu que cette personne pose sa candidature à ce poste.

66        Elle a convenu que la lettre en date du mercredi 15 octobre 2014 indiquait que la fonctionnaire devait répondre dans les cinq jours ouvrables, soit le 22 octobre 2014 au plus tard. Elle a déclaré que, en réalité, une prorogation avait été accordée à la fonctionnaire jusqu’au 20 octobre, à 9 h. En contre-interrogatoire, elle a affirmé que puisque la fonctionnaire avait présenté elle-même sa candidature, elle avait jusqu’au 3 octobre 2014 pour présenter sa première demande à l’ASFC relativement aux postes, conformément à l’annonce de possibilité d’emploi. L’ASFC lui a ensuite accordé un délai jusqu’au 20 octobre, à 9 h, pour présenter une lettre d’accompagnement modifiée et des renseignements médicaux.

67        Le 10 novembre 2014, ou un peu avant cette date, la fonctionnaire a communiqué avec la CFP afin d’obtenir des conseils quant à son allégation que l’ASFC refusait de prendre en considération sa candidature au poste d’agent de sécurité. Elle a affirmé que la CFP lui avait dit de communiquer avec son représentant de l’agent négociateur, ce qu’elle a fait. Entre autres conseils, on lui a recommandé de communiquer avec la Commission canadienne des droits de la personne (la « CCDP »).

68        Le 10 novembre, la fonctionnaire a rédigé une lettre à l’intention des représentants de son agent négociateur afin de les informer que la CFP lui avait écrite au sujet de son statut d’employée excédentaire et de sa mise en disponibilité, comme suit :

[Traduction]

La Commission de la fonction publique a la responsabilité d’administrer les droits de priorité en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) et du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique (REFP). Toutefois, la Directive sur le réaménagement des effectifs (DRE) est négociée par les syndicats et l’employeur dans le contexte des négociations collectives. Je suggérerais donc que toute préoccupation que vous avez relativement aux dispositions de la DRE relatives au statut d’employée bénéficiant d’un statut de priorité soit acheminée directement au conseiller en ressources humaines de votre organisation d’attache et/ou à votre représentant syndical.

69        La fonctionnaire a demandé à l’agent négociateur de lui fournir des renseignements au sujet de la priorité d’une personne mise en disponibilité.

70        Le 10 novembre 2014, la fonctionnaire a rédigé une lettre à l’intention de Mme Poivre indiquant ce qui suit : [traduction] « En réponse à votre commentaire selon laquelle ma priorité absolue a pris fin le 24 octobre 2014, je souhaite simplement clarifier que la présentation de la demande aux fins de ce processus de sélection a été faite avant cette date et que, par conséquent, je ne vois aucun problème quant à ma candidature à cet emploi ».

71        Mme Poivre a répondu à la même date en indiquant ce qui suit :

[Traduction]

Tel qu’il a été indiqué antérieurement, nous avons reçu pour la première fois vos renseignements après le délai et lorsque nous avons enfin obtenu le tout, votre statut de priorité était venu à échéance. Nous avons vérifié auprès de la Division des priorités de la Commission de la fonction publique (CFP) et elle a confirmé ce fait avec nous.

72        La fonctionnaire a répondu le 15 novembre 2014, comme suit :

[Traduction]

Je ne peux pas accepter cela puisque j’ai envoyé la lettre d’accompagnement l’après-midi du 19 octobre 2014, avec preuve de la bibliothèque, alors que vous exigiez ces renseignements à 9 h, le 20 octobre; par conséquent, elle a été envoyée à temps. Cette date est également AVANT le 24 octobre, date à laquelle mon statut de priorité a pris fin.

En ce qui concerne les renseignements que mon médecin vous a envoyés par télécopieur, ils vous ont été communiqués avant le 24 octobre. Le 22 octobre, une lettre vous été envoyée concernant mes besoins relatifs à des mesures d’adaptation. Une autre lettre vous a été envoyée le 23 octobre relativement à ma chirurgie oculaire. Cette dernière aurait également été envoyée le 22, mais il y avait une panne d’électricité. Vous avez reçu tous ces renseignements avant la date d’échéance du 24 octobre. Vous ne m’avez fait part d’aucun accusé de réception concernant ces documents médicaux et, par conséquent, je vous les ai acheminés de nouveau le 3 novembre puisque j’ai constaté une erreur d’orthographe dans votre nom que lorsqu’ils vous ont été acheminés pour la première fois les 22 et 23 octobre. Néanmoins, vous les avez reçus AVANT la date d’échéance de mon statut de priorité d’origine, soit le 24 octobre 2014. Il n’est simplement pas logique puisque tous les documents ont été envoyés par télécopieur et/ou par courrier électronique « avant » la date d’échéance.

Quand puis-je discuter davantage avec vous de cette question non réglée?

73        Le 19 novembre 2014, la fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Poivre afin de lui donner les renseignements qu’elle avait reçus de son agent négociateur relativement à ses droits, y compris les renseignements provenant de la CFP et un renvoi aux dispositions de la DRE. Elle a conclu en indiquant qu’elle espérait qu’ils permettraient de déterminer si elle pouvait être nommée au poste AS-01 à l’ASFC à titre de personne mise en disponibilité qui a présenté elle-même sa candidature et qui bénéficie d’une priorité avec ou sans recyclage.

74        Le 20 novembre 2014, Mme Poivre a répondu en confirmant que le droit de priorité de la fonctionnaire était venu à échéance, qu’elle ne faisait plus partie de la zone de sélection, ce qui a été confirmé auprès de la CFP, et que, par conséquent, sa candidature ne pouvait plus être prise en considération.

75        Le 4 novembre 2014, Mme Poivre a envoyé un courriel à la fonctionnaire. Elle a accusé réception du courriel provenant de la Bibliothèque publique d’Ottawa, en date du 23 octobre 2014, ainsi que des renseignements médicaux envoyés le 22 octobre et le 3 novembre 2014. La lettre s’est terminée comme suit :

[Traduction]

Nous avons communiqué avec la CFP et discuté de la situation avec elle. Elle a indiqué que nous n’étions plus tenus de prendre votre candidature en considération. Elle nous a accordé une autorisation de priorité afin de poursuivre le processus.

Tel que je vous l’ai indiqué antérieurement, puisque votre droit de priorité était venu à échéance, vous ne faites plus partie de la zone de sélection (ce que nous avons confirmé auprès de la CFP). Ce qui signifie que votre candidature ne sera pas prise davantage en considération.

76        Mme Poivre n’a reçu aucune autre communication de la fonctionnaire après cette date.

77        Mme Poivre a déclaré qu’elle n’avait accordé à la fonctionnaire aucune autre prorogation pour présenter sa lettre d’accompagnement modifiée puisque, selon elle, à un moment donné, il doit y avoir une limite. C’est la raison pour laquelle elle a impliqué la CFP. Mme Poivre a reconnu qu’il n’existait aucun motif particulier justifiant sa décision de ne pas accorder à la fonctionnaire quatre autres heures pour présenter sa lettre d’accompagnement. Elle a affirmé que les clients souhaitaient passer à l’établissement du calendrier des examens écrits. Si elle avait souhaité proroger les quatre heures, l’autorisation de son superviseur, Daniel LeBlanc, aurait été nécessaire.

78        Mme Poivre a indiqué qu’elle ne savait pas si la lettre d’accompagnement modifiée transmise à l’ASFC par la fonctionnaire le 20 octobre 2014 avait été évaluée. Elle a déclaré qu’elle devrait consulter ses clients pour obtenir ces renseignements. Toutefois, étant donné que la lettre a été transmise en retard, la candidature de la fonctionnaire n’a pas été prise davantage en considération dans ce processus.

79        Elle a affirmé que dès qu’il y a une notification de nomination ou une proposition de nomination (« NNPN ») ou une notification de nomination intérimaire (« NNI »), les personnes qui ont présenté leur candidature peuvent déposer une plainte auprès de la Commission en vertu des dispositions de la LEFP.

80        À la date d’audience, six NNPN et quatre NNI avaient été affichés en raison de ce processus de nomination. Le bassin de candidats devait être ouvert jusqu’en 2017. Mme Poivre ne savait pas que la fonctionnaire avait déposé une plainte en vertu de la LEFP.

81        Le 10 décembre 2014, suivant les conseils de son agent négociateur, la fonctionnaire a communiqué avec la CCDP. Le 30 décembre 2014, la CCDP a confirmé par écrit qu’elle avait l’intention de poursuivre les allégations selon lesquelles son employeur avait fait preuve de discrimination à son endroit au motif de l’invalidité lorsqu’il l’a traité de manière distincte et défavorable, et lorsqu’il a appliqué une politique ou une pratique discriminatoire, contrairement aux art. 7 et 10 de la LCDP.

82        La CCDP l’a également informé que selon l’alinéa 41(1)a) de la LCDP, à défaut d’avoir épuisé la procédure de règlement de griefs, elle pourrait refuser de traiter sa plainte. La CCDP l’a informé qu’elle devait déposer un grief en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « LRTFP ») avant qu’elle n’aille de l’avant avec sa plainte. Une copie conforme de cette lettre a été acheminée à Jean-Stéphen Piché, le vice-président des ressources humaines à l’ASFC.

83        La fonctionnaire a envoyé une copie de la lettre de la CCDP à Lionel Saurette, un agent des relations de travail à l’ACEP. Selon sa compréhension, elle disposait d’un délai d’un an pour déposer un grief relatif aux violations alléguées de la LCDP.

84        En contre-interrogatoire, à la question de savoir si elle avait déposé un grief auprès du Conseil national mixte, la fonctionnaire a répondu qu’elle ne le savait pas.

85        L’ACEP a préparé une formule de grief dans laquelle elle a nommé « l’ASFC, Industrie Canada et le Conseil du Trésor » en tant que ministère ou organisation concerné. Le 23 janvier 2015, le grief a été signé par la fonctionnaire et par M. Saurette pour le compte de l’ACEP. Le 26 janvier 2015, l’ACEP l’a acheminé par messager à Industrie Canada, indiquant dans la lettre d’accompagnement que l’ASFC était concernée.

86        Le grief indique ce qui suit :

[Traduction]

Je soutiens dans le présent grief que l’Employeur a violé l’article 16 de la convention collective du groupe EC au motif de mon invalidité. Je soutiens également que l’Employeur a violé la clause 39.03(11) de la Directive sur le réaménagement des effectifs de la convention collective du groupe EC au motif de mon invalidité. Je soutiens aussi que l’Employeur a contrevenu à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Je soutiens en outre que l’Employeur a manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation à mon endroit, ce qui constitue une violation de la Loi canadienne sur les droits de la personne et de l’article 16 de la convention collective.

87        En tant que mesure corrective, la fonctionnaire a demandé ce qui suit :

[Traduction]

Que je reçoive une déclaration selon laquelle les articles 16 et 39 de la convention collective du groupe EC ont été violés; une déclaration selon laquelle la Loi canadienne sur les droits de la personne a été violée; une déclaration selon laquelle l’Employeur a manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation à mon endroit, contrairement aux articles 7 et 15 de la Loi et à la convention collective. Que je sois réintégrée dans mes fonctions d’un poste EC-01 à compter du 23 septembre 2014 avec pleine rémunération et l’ensemble de mes avantages sociaux; qu’un plan de mesures d’adaptation soit mis en œuvre afin de répondre à mes besoins à titre de personne handicapée; que les dispositions de la Directive sur le réaménagement des effectifs sur le recyclage et toutes les dispositions connexes s’appliquent à mon égard; que je reçoive une compensation pour toutes les pertes continues de traitements, d’avantages sociaux (y compris le rétablissement des régimes d’avantages sociaux), les coûts et les dépenses que j’ai engagés en raison de la violation de l’Employeur, ainsi que les intérêts sur ceux-ci, conformément à l’article 53 de la Loi; des dommages pour souffrances et douleurs que j’ai éprouvées en raison de la violation par l’Employeur, conformément aux paragraphes 53(2) et (3) de la Loi; que je fasse l’objet d’une réparation intégrale; et toute autre indemnité et mesure corrective jugée appropriée par la Commission des relations de travail dans la fonction publique.

88        Le 6 février 2015, le directeur des Relations syndicales-patronales et des Services de rémunération d’Industrie Canada a répondu à M. Saurette à l’aide d’une lettre qui était rédigée en partie comme suit :

[Traduction]

La présente fait suite à votre lettre du 26 janvier 2015 concernant la présentation du grief individuel de Mme Ekarina Santawirya en date du 23 janvier 2015. Conformément à la Directive sur le réaménagement des effectifs (DRE) du Conseil national mixte, si Mme Santawirya se sent lésée par une décision prise par un autre ministère ou une autre organisation relativement aux dispositions de la DRE portant sur le droit à une priorité pendant une mise en disponibilité, elle peut présenter un grief directement à l’agent de liaison ministériel de ce ministère ou organisme. Par conséquent, le grief, tel qu’il a été présenté, ne peut pas être accepté par Industrie Canada.

Il convient de noter en outre que la date d’entrée en vigueur de la mise en disponibilité de Mme Santawirya était le 25 octobre 2013 et que son droit à une priorité pendant sa mise en disponibilité a pris fin le 24 octobre 2014 et, en conséquence, le grief ne peut être accepté pour des motifs de respect des délais.

89        Le 12 février 2015, M. Saurette a acheminé le grief à Marc Thibodeau, le directeur général de la Direction des relations de travail et de la rémunération de l’ASFC.

90        Le 27 février 2015, à la suite d’une conversation téléphonique plus tôt ce même jour avec Andrea Chase, le principal conseiller en relations de travail de l’ASFC, M. Saurette, lui a envoyé un courriel indiquant que l’ACEP et la fonctionnaire estimaient que le grief avait été dûment déposé le 12 février 2015 et que l’ASFC devait y répondre. Il a également déclaré que le grief serait transmis au deuxième palier de la procédure de règlement de griefs si l’ASFC n’y répondait pas au plus tard le 2 mars 2015.

91        Le 4 mars 2015, M. Saurette a envoyé un courriel à Mme Chase et a joint à ce courriel une copie de la formule de transmission au deuxième palier. Il a demandé à ce qu’elle soit acheminée à l’agent local responsable de la remplir. M. Saurette l’a informée que l’agent négociateur estimait que le grief avait été dûment présenté au premier palier de la procédure de règlement des griefs et qu’il était maintenant dûment présenté au deuxième palier. Il a indiqué que s’il ne recevait pas une confirmation que l’ASFC répondrait au grief, l’agent négociateur continuerait de le transmettre aux différents paliers de la procédure.

92        Le 24 mars 2015, M. Saurette a envoyé un courriel à Mme Chase et a joint à ce courriel une copie de la formule de transmission au troisième palier. Il a demandé qu’il soit acheminé à l’agent local responsable afin qu’il la remplisse. Il l’a informé que l’agent négociateur estimait que le grief avait été dûment présenté aux premier et deuxième paliers de la procédure de règlement des griefs et qu’il était maintenant dûment présenté au troisième palier.

93        Le 14 avril 2015, M. Saurette a envoyé un courriel à Mme Chase et a joint à ce courriel une copie de la formule de transmission au quatrième palier. Il a encore demandé que la formule soit acheminée à l’agent local responsable afin qu’il la remplisse et il l’a informé que l’agent négociateur estimait que le grief avait été dûment présenté à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs.

94        Le 15 avril, Mme Chase a envoyé un courriel à M. Saurette et a demandé qu’il achemine de nouveau son courriel à sa directrice, Shannon Ross.

95        Le 20 avril 2015, M. Saurette a envoyé un courriel à Mme Ross et a joint à ce courriel une copie de la formule de transmission au quatrième palier. Il a demandé que la formule soit acheminée à l’agent local responsable afin qu’il la remplisse et il a informé Mme Ross que l’agent négociateur estimait que le grief avait été dûment présenté du premier palier au quatrième palier de la procédure de règlement des griefs.

96        Le 4 juin 2015, l’ACEP a renvoyé le grief à l’arbitrage devant la CRTEFP en lui transmettant le renvoi à l’arbitrage. Le même jour, elle a déposé un avis à la CCDP relativement au grief.

97        Le 10 juin 2015, la Commission a envoyé une lettre aux parties pour accuser réception du renvoi à l’arbitrage et elle a envoyé une copie de ce renvoi au Conseil du Trésor.

98        À l’aide d’une lettre datée du 10 juillet 2015, le Conseil du Trésor a soulevé un certain nombre d’objections relatives au renvoi à l’arbitrage. Il a soutenu que même si le grief indique que la défenderesse a contrevenu à l’article 16 (élimination de la discrimination) et au paragraphe 39.03(11) (de la DRE) de la convention collective du groupe EC, son caractère véritable porte sur un processus de dotation.

99        La défenderesse a également fait valoir que le statut de priorité d’employée excédentaire de la fonctionnaire avait pris fin le 4 octobre 2014 et qu’elle n’était plus une employée de la fonction publique après cette date. Elle a soutenu que le grief, qui a été déposé le 23 janvier 2015, n’a pas été dûment présenté devant la Commission parce que la fonctionnaire n’était pas une employée au moment de son dépôt.

100        La défenderesse a également fait valoir que la Commission n’a pas compétence puisqu’un employé ne peut présenter un grief individuel si un recours administratif de réparation est offert sous le régime d’une autre loi fédérale. Elle a soutenu que la LEFP prévoie un recours administratif de réparation pour les personnes qui participent aux processus de dotation.

101        Subsidiairement, la défenderesse a fait valoir que le grief a été déposé en dehors du délai prescrit par la convention collective du groupe EC par environ 32 jours.

102        Le 25 août 2016, la Commission a informé les parties que la demande de prorogation de délai (dossier de la CRTEFP 568-02-356) et le grief (dossier de la CRTEFP 566-02-11222) avaient été regroupés aux fins de l’audience et que l’audience fixée du 29 au 31 août 2016 porterait sur les questions préliminaires, conformément à la demande des parties, notamment le respect des délais, le statut d’emploi et la voie de recours appropriée. Les parties ont été informées que si le grief passait à une audience sur le fond, celle-ci serait mise au rôle séparément à l’avenir.

III. Questions à trancher

103        La défenderesse a soulevé les cinq questions suivantes liées à la compétence :

  1. Le grief a-t-il été déposé dans le délai imparti? Dans la négative, la Commission devrait-elle exercer son pouvoir discrétionnaire pour proroger le délai?
  2. La fonctionnaire était-elle une employée aux termes de la LRTFP et de la LEFP?
  3. Existe-t-il un autre recours administratif de réparation prévu en vertu d’une autre loi fédérale?
  4. Le caractère véritable du grief concerne-t-il un processus de dotation à l’égard duquel un arbitre de grief n’a pas compétence?
  5. Après l’audience, le 23 septembre 2016, la défenderesse a soulevé une autre objection par écrit en faisant valoir que la convention collective en vertu de laquelle le grief a été déposé avait été conclue entre l’ACEP et le Conseil du Trésor relativement à un poste que la fonctionnaire avait occupé à Industrie Canada. Elle tentait d’obtenir un poste AS-01 qui était visé par une autre convention collective en vertu de laquelle le grief n’a pas été déposé et qui est représentée par un autre agent négociateur, soit l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« AFPC »).

IV. Résumé de l’argumentation, des décisions et des motifs

A. Le grief a-t-il été déposé dans le délai imparti? Dans la négative, la Commission devrait-elle exercer son pouvoir discrétionnaire pour proroger le délai? 

1. Argumentation de la défenderesse

104        La défenderesse a soutenu que le grief devrait être rejeté sommairement parce qu’il a été déposé plus de 25 jours après la date à laquelle la fonctionnaire a été informée oralement ou par écrit ou à laquelle elle a eu connaissance pour la première fois de l’acte ou des circonstances ayant donné lieu au grief, contrevenant ainsi à la clause 40.12 de la convention collective.

105        Le grief est hors délai. Le 2 ou le 3 octobre 2014, la fonctionnaire savait que sa lettre d’accompagnement était insuffisante. Le 14 octobre 2014, Mme MacDonald lui a envoyé un courriel l’informant que sa candidature ne serait pas prise davantage en considération.

106        Une prorogation du délai jusqu’au 20 octobre 2014, à 9 h, a été accordée à la fonctionnaire pour soumettre une lettre d’accompagnement modifiée. Le 21 octobre 2014, elle a été informée qu’elle n’avait pas répondu aux exigences pour accorder une prorogation.

107        Le 24 novembre 2014, elle a encore été informée que la défenderesse n’était pas disposée à changer d’idée.

108        Si l’on se fie à l’une ou l’autre des dates mentionnées ci-dessus, le grief est hors délai.

109        La fonctionnaire a communiqué avec le représentant de son agent négociateur le 10 novembre 2014. En calculant le délai à compter de cette date, elle a déposé son grief trois ou quatre mois en retard.

110        Le 26 janvier 2015, le grief a été présenté à Industrie Canada. Il a été présenté à l’ASFC le 12 février 2015 seulement. Évidemment, il n’a pas été présenté dans le délai de 25 jours prévu par la convention collective.

111        La défenderesse a fait valoir qu’une prorogation de délai ne devrait pas être accordée à la fonctionnaire pour présenter son grief. Rien dans la preuve n’indique qu’elle a fait preuve de diligence raisonnable. La défenderesse subirait un préjudice si le délai pour présenter le grief était prorogé.

112        Le grief a été présenté tardivement parce que l’agent négociateur avait conseillé à la fonctionnaire de déposer une plainte devant la CCDP. Selon la jurisprudence, il ne s’agit pas d’un motif convaincant justifiant la prorogation du délai.

113        Dans Brenner v. National Energy Board, dossier 2011-15, dans le contexte de la question de savoir si un arbitre de grief devrait proroger les délais pour présenter un grief concernant un licenciement pour des raisons autres que des motifs disciplinaires, l’arbitre de grief Paul Love a déclaré ce qui suit au paragraphe 127 :

[Traduction]

De bonnes relations de travail découlent du respect des conditions d’une convention collective par les parties et du fait que celles-ci sont en mesure de régler rapidement les différends. Les délais sont prévus dans les conventions pour une raison. Je suis d’avis qu’il n’existe pas un équilibre convaincant en faveur d’entendre cette affaire sur le fond.

114        Dans Callegaro c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 110, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») a examiné une affaire dans le cadre de laquelle un agent négociateur était responsable d’avoir manqué certains délais d’environ 14 mois puisqu’un grief a été transmis tardivement au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Lorsqu’elle a examiné la question de savoir si une prorogation de délai devrait être accordée, l’ancienne Commission a déclaré ce qui suit aux paragraphes 19 et 20 :

[19] La demanderesse ne m’a pas convaincu qu’elle avait un motif clair, logique et convaincant justifiant le retard de quatorze mois dans le renvoi de ses griefs à l’arbitrage. En fait, le retard est entièrement attribuable au syndicat et au fait que la demanderesse ne s’est pas enquise du cheminement de ses griefs. Si elle avait fait preuve d’une plus grande diligence, elle se serait rendu compte à un moment donné que ses griefs n’avaient pas été renvoyés à l’arbitrage. L’omission, la négligence ou l’erreur du syndicat ne constituent pas des raisons logiques et convaincantes justifiant une prorogation du délai. Aucune jurisprudence n’a d’ailleurs été invoquée au soutien d’une telle proposition. La demanderesse ou son syndicat n’ont pas été empêchés de renvoyer les griefs à l’arbitrage. Ils ont tout simplement été négligents, et n’y ont pas procédé dans le délai réglementaire. À cet égard, la demanderesse et son syndicat ne peuvent être considérés comme étant deux entités distinctes, comme le suggère l’argument de la demanderesse voulant qu’elle ne doive pas être [traduction] « pénalisée » pour les omissions de son syndicat.

[20] Si le retard n’est pas justifié par des motifs clairs, logiques et convaincants, les autres facteurs sont de peu d’intérêt. […]

115        Dans Chow c. Conseil du Trésor (Agence de la santé publique du Canada), 2015 CRTEFP 81, au par. 24, dans le contexte d’une demande de prorogation de délai, la Commission a déclaré ce qui suit lors de son examen de la jurisprudence : « Dans Cloutier c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CRTFP 31, au paragr. 13, l’ancienne Commission a conclu que les demandes de prorogation devraient être accordées avec parcimonie […] ».

116        Dans Copp c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2013 CRTFP 33, aux par. 27 à 29, encore dans le contexte d’une demande de prorogation de délai, bien qu’elle ait transmis tardivement ses griefs à l’arbitrage, la demanderesse a soutenu qu’elle n’avait pas fait preuve de négligence et qu’elle ne devrait pas être pénalisée pour une erreur administrative commise par l’agent négociateur. L’ancienne Commission a indiqué ce qui suit :

[27] La demanderesse ne m’a pas convaincu qu’elle avait un motif clair, logique et convaincant justifiant le retard de 80 jours dans le renvoi de son grief à l’arbitrage. En fait, le retard est entièrement attribuable à une erreur administrative de la part du syndicat. Ni la demanderesse ni son syndicat n’ont été empêchés de renvoyer les griefs à l’arbitrage. Ils n’y ont tout simplement pas procédé dans le délai réglementaire.

[28] La demanderesse m’a renvoyé à Thompson. Mme Thompson a déposé un grief pour contester son licenciement plus de trois mois après l’expiration du délai pour le dépôt d’un grief. Elle a déclaré que le syndicat avait déposé le grief à temps, mais que le grief aurait traîné sur le bureau du représentant du défendeur pendant quatre mois avant d’être traité. Le président n’a pas cru la demanderesse sur ce point et a conclu que le grief n’a pas été présenté dans le délai prescrit. Il a accueilli la demande de prorogation du délai au motif que, même si le syndicat était négligent, ce n’était pas la faute de Mme Thompson. Il a déclaré que l’injustice qui lui serait causée en lui refusant l’accès à l’arbitrage l’emporte sur le préjudice que le défendeur pourrait subir si le grief était entendu. Enfin, il a affirmé que, par souci d’équité, la demanderesse ne devait pas être pénalisée pour l’inaction du syndicat qui a déposé son grief en retard.

[29] Je ne suis pas d’accord avec la décision dans Thompson. Cette décision a été rédigée il y a plus de cinq ans dans un contexte jurisprudentiel qui n’était peut-être pas aussi clair qu’il ne l’est maintenant. Depuis, il a été souvent décidé que les omissions, la négligence ou les erreurs d’un syndicat ne constituent pas des motifs logiques et convaincants justifiant une prorogation du délai. À mon avis, comme je l’ai déclaré dans Callegaro, « […] la demanderesse et son syndicat ne peuvent être considérés comme étant deux entités distinctes […] ». Dans ce contexte, les erreurs du syndicat sont les erreurs de la demanderesse.

117        La durée du délai en l’espèce était de deux à trois mois. Le 21 octobre 2014, la fonctionnaire savait que sa candidature ne serait pas prise en considération dans le cadre du processus de nomination. Elle n’a même pas communiqué avec son agent négociateur avant le 20 novembre 2014. Elle n’a interrogé la CCDP qu’un mois après cet appel. Après avoir obtenu sa réponse le 30 novembre 2014, un autre mois s’est écoulé avant que l’agent négociateur n’envoie le grief à l’ASFC.

118        Dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2014 CRTEFP 4, l’ancienne Commission a prorogé le délai pour présenter un grief de principe. Elle a conclu que, selon les faits, l’agent négociateur dans cette affaire avait un motif clair, logique et convaincant justifiant le retard et qu’il avait fait preuve de diligence raisonnable lorsqu’il a tenté de corriger son erreur après en avoir pris connaissance.

119        Dans cette affaire, il y avait moins d’une semaine de retard. Cela constitue une diligence raisonnable. En l’espèce, le retard était de deux à trois mois.

120        Les chances de succès du grief constituent l’un des critères établis dans Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1, pour accorder une prorogation du délai. Si le grief procède sur le fond au motif que les actes de la défenderesse ont contrevenu aux dispositions en matière d’élimination de la discrimination de la convention collective ou de la LCDP, il doit être indiqué que la fonctionnaire n’a pas demandé à la défenderesse de prendre des mesures d’adaptation. Il ressort de la preuve qu’après sa chirurgie et durant les trois heures qui ont suivies, elle avait les larmes montaient aux yeux. Néanmoins, une prorogation d’environ 20 heures lui a été accordée pour déposer une lettre d’accompagnement modifiée.

121        Le fait que la fonctionnaire n’avait pas un ordinateur à domicile, qu’elle devait utiliser un ordinateur d’une bibliothèque et que le système informatique pourrait avoir subi des problèmes le 19 octobre ne constitue pas un motif aux termes de la LCDP.

122        La fonctionnaire a déclaré qu’elle avait vu les instructions selon lesquelles elle devait inclure dans sa lettre d’accompagnement un résumé de la façon dont elle répondait aux qualifications essentielles du poste. Elle ne les a pas respectées. Elle n’avait qu’à copier les qualifications de son curriculum vitæ et les coller dans la lettre d’accompagnement. Même lorsqu’on lui a donné une deuxième chance, elle n’a pas respecté les instructions.

123        Le fait d’accorder une prorogation de délai porterait préjudice à la défenderesse, qui devait gérer plus de 130 demandes dans le cadre du processus de sélection.

2. Argumentation de l’agent négociateur

124        La clause 40.03 de la convention collective prévoit que lorsqu’il s’agit de calculer le délai au cours duquel une mesure quelconque doit être prise dans le cadre de la procédure de règlement des griefs, seuls les jours ouvrables doivent être inclus dans le calcul.

125        L’argument de la fonctionnaire compte les trois volets suivants :

  1. La défenderesse n’avait pas le droit de s’opposer au délai pour déposer le grief puisqu’elle ne s’est pas conformée à l’art. 95 du Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique (DORS/2005-79; le « RRTFP »).
  2. b) Le grief a été présenté dans les délais prévus. La convention collective devrait être interprétée conformément à la LCDP qui prévoit un délai d’un an pour déposer une plainte en vertu de celle-ci.
  3. c) Si le grief est hors délai, la Commission devrait accorder une prorogation du délai pour le présenter, conformément aux facteurs établis dans Schenkman.
a. La défenderesse a omis de se conformer à l’art. 95 du RRTFP

126        Les paragraphes 95(1) et (2) du RRTFP prévoient ce qui suit :

95 (1) Toute partie peut, au plus tard trente jours après avoir reçu copie de l’avis de renvoi du grief à l’arbitrage :

  1. soulever une objection au motif que le délai prévu par la présente partie ou par une convention collective pour la présentation d’un grief à un palier de la procédure applicable au grief n’a pas été respecté;
  2. soulever une objection au motif que le délai prévu par la présente partie ou par une convention collective pour le renvoi du grief à l’arbitrage n’a pas été respecté.

(2) L’objection visée à l’alinéa (1)a) ne peut être soulevée que si le grief a été rejeté au palier pour lequel le délai n’a pas été respecté et à tout palier subséquent de la procédure applicable au grief en raison de ce non-respect.

127        Dans McWilliams c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada),2007 CRTFP 58, l’employeur s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief d’entendre trois griefs en date du 1er décembre 2006, contestant une mesure de l’employeur qui est entrée en vigueur en juin 1996, soit il y a plus de dix ans, sur la base du non-respect du délai.

128        Dans cette affaire, l’agent négociateur a refusé de présenter des observations sur les questions du respect du délai et de la compétence et n’a présenté aucune demande visant à libérer les fonctionnaires s’estimant lésés de leur obligation de déposer des griefs dans le délai indiqué dans la convention collective applicable.

129        Dans cette affaire, l’arbitre de grief s’est interrogé quant à savoir s’il était autorisé à se prononcer sur sa compétence pour entendre les griefs pour ce seul motif. Il a conclu qu’il ne l’était pas et a fait valoir que l’art. 95 du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (le « Règlement », qui est maintenant le RRTFP) énonce les conditions à remplir pour soulever la question du respect du délai de présentation d’un grief. Il a adopté le raisonnement suivant au paragraphe 16 :

[16] À mon avis, l’arbitre de grief ne peut se prononcer sur une objection de compétence relativement au non-respect du délai que si la partie qui s’oppose remplit les conditions énoncées à l’article 95 du Règlement. Si aucune des parties n’a pensé à soulever la question de l’application de l’article 95 dans le contexte de ces trois renvois à l’arbitrage, je crois tout de même avoir l’obligation concrète de le faire de ma propre initiative, car si je ne le faisais pas, je me trouverais à ne pas appliquer comme il se doit un élément important du cadre juridique du processus d’examen des griefs et à ne pas lui accorder la valeur probante qui convient. Les conditions essentielles qui sont prévues à l’article 95 sont d’application obligatoire et non discrétionnaire. Je vais donc m’appliquer à déterminer si l’employeur s’est conformé à l’article 95 sur la foi du dossier qui m’a été soumis.

130        Après avoir examiné le dossier, l’arbitre de grief a conclu au paragraphe 23 que, étant donné sa conclusion selon laquelle la réponse de l’employeur au premier palier ne rejette pas les griefs au motif qu’ils sont hors délai, il devait statuer que l’employeur n’avait pas rempli la condition énoncée au par. 95(2) du Règlement.

131        Subsidiairement, il a conclu que, selon les faits, l’employeur n’a pas déposé de réponse aux griefs au troisième palier auprès de la Commission. Il a conclu que soit il n’y avait pas eu de réponse, soit que l’employeur a manqué à son obligation de respecter les exigences en vertu de l’art. 96 du Règlement. Il a énoncé ce qui suit au paragraphe 24: « Dans l’un ou l’autre cas, l’employeur n’a pas démontré […] qu’il s’était acquitté de l’obligation qui lui est imposée au paragraphe 95(2) du Règlement d’établir qu’il a continué de rejeter les griefs […] à tout palier subséquent de la procédure applicable au[x] grief[s] […] ». Il a accepté la compétence pour examiner les griefs.

132        Dans Shandera c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 21, l’arbitre de grief a rejeté l’objection de l’employeur relativement au respect des délais des trois griefs puisque ces derniers n’avaient pas été rejetés pour ce motif aux paliers inférieurs de la procédure de règlement de griefs. Il s’est appuyé sur le par. 95(2) du RRTFP et a appliqué la décision rendue dans McWilliams. L’arbitre de grief a indiqué ce qui suit aux paragraphes 33 et 34 :

[33] En vertu du paragraphe 72(1) du Règlement, le fonctionnaire aurait dû recevoir une réponse du premier palier dans les 20 jours suivant la réception des griefs par le défendeur. Le défendeur n’a pas répondu du tout au premier palier. Dans le cadre de la procédure de règlement de griefs, l’omission d’un décideur de répondre est interprétée comme une décision de rejeter le grief (voir McWilliams c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2007 CRTFP 58, aux paragr. 22 et 23). Ce rejet sous forme de « non-réponse », comme le décrit McWilliams, signifie que le défendeur n’a pas rejeté les griefs au motif qu’ils étaient hors délai dans le cadre de sa première réponse.

[34] Par ailleurs, même s’il avait été établi que le fonctionnaire avait consenti à renoncer à une réponse au premier palier, le fait que le défendeur n’ait pas déposé une réponse au dernier palier dans les 20 jours suivant la transmission et la réception des quatre griefs (2, 3, 4 et 5) constitue également un rejet sous forme de « non-réponse » des griefs, ce qui, encore une fois, signifie qu’ils n’ont pas été rejetés parce qu’ils étaient hors délai. Il importe peu que les réponses au dernier palier, qui ont été envoyées des semaines et des mois plus tard, précisaient que les griefs avaient été présentés tardivement. Le paragraphe 95(2) du Règlement est clair. Le défendeur doit avoir rejeté les griefs à tous les paliers en raison du respect des délais pour qu’il puisse soulever la question à titre d’objection. Comme il ne l’a pas fait, il ne pouvait pas soulever l’objection (voir McWilliams, au paragr. 24).

133        Cawley c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et Océans), 2013 CRTFP 135, abonde dans le même sens. Dans cette affaire, le fonctionnaire s’estimant lésé a attendu neuf mois pour déposer un grief. L’employeur n’avait pas soulevé la question du respect du délai lorsqu’il a répondu au grief aux différents paliers de la procédure de règlement des griefs. Il ne l’a pas soulevé non plus dans les 30 jours suivant la date à laquelle il a été informé que le grief avait été renvoyé à l’arbitrage. Selon l’employeur, il n’était pas nécessaire de soulever l’objection relative au non-respect du délai parce qu’il avait déjà abordé la question du droit du fonctionnaire s’estimant lésé de déposer un grief.

134        Dans cette affaire, l’arbitre de grief a conclu que l’employeur avait renoncé à son droit de soulever une objection pour non-respect du délai puisqu’il ne s’était pas conformé au par. 95(2) du Règlement.

135        En l’espèce, le grief a été soumis à Industrie Canada le 26 janvier 2015. Le 6 février 2015, il a répondu en déclarant qu’il n’était pas prêt à accepter le grief. Il a mentionné que si la fonctionnaire se sentait lésée par une décision prise par un autre ministère ou une autre organisation relativement aux dispositions de la DRE sur la priorité en raison de sa mise en disponibilité, elle pouvait présenter un grief directement à ce ministère ou à cette organisation.

136         De plus, Industrie Canada a affirmé que le grief ne pouvait pas être accepté pour des motifs de respect des délais.

137        Le 12 février 2015, l’agent négociateur a présenté des griefs au directeur général de la Direction des relations de travail et de la rémunération de l’ASFC.

138        Le 27 février, dans un courriel, l’agent négociateur a informé l’ASFC que le grief avait été dûment déposé le 12 février 2015. Le courriel indiquait que l’ASFC devait répondre au grief conformément aux dispositions de la convention collective du groupe EC et de la LRTFP. Il indiquait que le délai pour répondre au premier palier était venu à échéance le 26 février. L’agent négociateur a affirmé que si l’ASFC n’acceptait pas de répondre au grief au premier palier, il le transmettrait au deuxième palier. L’agent négociateur a demandé une réponse au plus tard le 2 mars 2015. L’ASFC n’a pas répondu.

139        Le 4 mars 2015, le grief a été transmis à l’ASFC au deuxième palier. L’ASFC n’a pas répondu.

140        Le 24 mars 2015, le grief a été transmis à l’ASFC au troisième palier. L’ASFC n’a pas répondu.

141        Le 20 avril 2015, conformément à la demande de Mme Chase de l’ASFC, le grief a été transmis à Mme Ross au quatrième palier. L’ASFC n’a pas répondu.

142        Le 4 juin 2015, le grief a été renvoyé à l’arbitrage devant la CRTEFP.

143        Le 10 juin 2015, la CRTEFP a envoyé une lettre aux parties en vue d’accuser réception de l’avis de renvoi à l’arbitrage. La lettre exigeait que la défenderesse dépose auprès de la Commission, dans les 30 jours suivant la réception de la lettre, une copie de la décision qui a été prise à l’égard du grief à chaque palier de la procédure de règlement des griefs. La défenderesse n’a pas répondu.

144        La défenderesse ne s’était pas conformée au par. 95(2) du RRTFP puisqu’elle n’a pas rejeté le grief comme étant hors délai à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs et elle n’a pas rempli la condition énoncée à ce paragraphe. La défenderesse avait renoncé à son droit de soulever l’objection pour non-respect du délai.

145        Subsidiairement, le grief a été présenté à l’intérieur des délais prescrits. La convention collective devrait être interprétée conformément à la LCDP qui prévoit un délai d’un an pour déposer une plainte.

146        Dans Nadeau c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 82, au par. 152, l’arbitre de grief a déclaré ce qui suit : « Bien que la convention collective soit le fruit d’une entente entre le syndicat et l’employeur, ses clauses ne peuvent contrevenir aux exigences de la LCDP. »

147        Une clause d’élimination de la discrimination prévue dans une convention collective doit être interprétée conformément à la LCDP.

148        Une violation de la LCDP a été alléguée dans le grief. En ce qui concerne tout grief renvoyé à l’arbitrage, le paragraphe 226(2) de la LRTFP confère aux arbitres de grief le pouvoir d’interpréter et d’appliquer la LCDP et toute autre loi fédérale relative à l’emploi, sauf les dispositions de la LCDP sur le droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes, qu’il y ait ou non un conflit entre l’application et l’interprétation de la loi et la convention collective.

149        L’alinéa 41(1)e) de la LCDP prévoit ce qui suit :

41 (1) Sous réserve de l’article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu’elle estime celle-ci irrecevable pour un des motifs suivants :

[…]

e) la plainte a été déposée après l’expiration d’un délai d’un an après le dernier des faits sur lesquels elle est fondée, ou de tout délai supérieur que la Commission estime indiqué dans les circonstances.

150        Dans Stringer c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale) et Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2011 CRTFP 33, l’arbitre de grief décrit le pouvoir de tenir compte des dispositions de la LCDP.

151        Dans cette affaire, le fonctionnaire s’estimant lésé occupait un poste pour une période déterminée. L’employeur a mis fin à son emploi quatre jours avant que le fonctionnaire n’atteigne trois années d’emploi continu, moment auquel il aurait pu être reconduit et être nommé à un poste pour une période indéterminée. Il a présenté un grief pour contester cette décision et il a aussi déclaré dans son grief que l’employeur avait agi de façon discriminatoire à son endroit et qu’il avait manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation.

152        L’employeur a soutenu qu’il n’existait aucune autre question à trancher entre les parties, sauf la question du licenciement. L’arbitre de grief n’a pas accepté cet argument et a fait référence au libellé du grief alléguant que le fonctionnaire s’estimant lésé avait été victime de discrimination avant le licenciement. Il a déclaré ce qui suit aux paragraphes 77 et 78 :

[77] La clause 18.10 de la convention collective stipule que l’employé peut présenter un grief au plus tard 25 jours après la date à laquelle il a pris connaissance de la mesure ou des circonstances ayant donné lieu au grief. Le grief a été déposé dans les 25 jours de la date à laquelle le fonctionnaire a été informé qu’il serait licencié. Il s’agissait pour lui du dernier incident considéré comme étant de la discrimination. Comme la discrimination alléguée peut être considérée comme continue, les incidences de discrimination dont il allègue avoir été victime peuvent être examinées même si elles s’étaient produites avant ces 25 jours. Le concept de grief continu s’applique. Le contraire reviendrait à dire au fonctionnaire qu’il aurait dû présenter un grief pour protester contre chaque incidence de discrimination alléguée dans les 25 jours suivant cet incident. Ce qui compte, c’est que le fonctionnaire a présenté un grief dans les 25 jours du dernier incident de discrimination dont il s’estimait victime.

[78] Cette interprétation est compatible avec la LCDP, que je dois interpréter parallèlement à la convention collective. La LCDP ne prévoit pas de périodes claires durant lesquelles une plainte doit être déposée. Toutefois, en vertu de l’alinéa 41(1)e) de la LCDP, la CCDP peut refuser une plainte déposée plus d’un an après sa plus récente violation. Le libellé de cet alinéa implique également que les plaintes sont considérées comme continues et qu’elles peuvent englober une série de plusieurs incidents […].

153        Même si les faits dans Stringer ne sont pas vraiment pertinents, cette affaire constitue la jurisprudence à prendre en compte en ce qui concerne l’examen des dispositions de la LCDP dans les circonstances de l’affaire en l’espèce afin d’appliquer le délai moins rigoureux d’un an pour déposer un grief.

154        Subsidiairement, par souci d’équité, une prorogation du délai devrait être accordée pour déposer le grief, conformément à l’art. 61 de la RRTFP.

b. Les critères de Schenkman

155        Le pouvoir discrétionnaire de la Commission pour accorder une prorogation de délai est un pouvoir général et doit tenir compte des circonstances du fonctionnaire. Selon Schenkman, au par. 75, la Commission doit tenir compte des cinq critères suivants lorsque le délai pour déposer un grief est contesté.

  • le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes;
  • la durée du retard;
  • la diligence du fonctionnaire s’estimant lésé;
  • l’équilibre entre l’injustice causée à l’employé et le préjudice que subit l’employeur si la prorogation est accordée;
  • les chances de succès du grief.

156        Ces critères ne se voient pas nécessairement accorder le même poids. Leur évaluation doit être contextuelle et propre aux faits (voir Sonmor c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 20, au par. 19). Chaque facteur doit être évalué à son tour.

i. Le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes

157        La fonctionnaire a eu des problèmes de santé et a souffert d’une mobilité limitée pendant et après sa mise en disponibilité. Son accès à un ordinateur était limité. À la suite du refus de l’ASFC, le 21 octobre 2014, elle a assuré une communication en croyant que des mesures d’adaptation seraient prises à son égard. Elle a consulté son médecin afin qu’elle puisse fournir les renseignements médicaux pertinents.

158        Lorsqu’il est devenu évident que des mesures d’adaptation ne seraient pas accordées, elle s’est adressée à la CCDP. Sa demande a été refusée au motif qu’elle devait tout d’abord recourir à la procédure de règlement des griefs prévue par la LRTFP. Un grief a ensuite été déposé auprès de son ancien employeur, Industrie Canada. Lorsqu’il est devenu évident qu’une plainte contre l’ASFC était appropriée, un grief a ensuite été déposé rapidement. Entre autres, l’ASFC a soutenu que son grief était hors délai.

159        La poursuite par la fonctionnaire de mécanismes officiels et officieux de règlement des différends a entraîné un retard dans le dépôt du présent grief. Ses problèmes de santé et de mobilité ont entraîné des difficultés tout au long du processus. Pour les motifs indiqués ci-dessus, l’agent négociateur a adopté la position selon laquelle la fonctionnaire avait des raisons claires, logiques et convaincantes justifiant le retard.

ii. La durée du retard

160        La défenderesse a déclaré dans ses arguments que le grief avait été déposé environ 32 jours après le délai prévu par la convention collective, ce qui ne constituait d’aucune façon un retard flagrant. Des prorogations ont été accordées pour des retards de quatre mois (voir Thompson c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2007 CRTFP 59), de six mois (voir Richard c. Agence du revenu du Canada, 2005 CRTFP 180), de sept mois (voir Prior c. Agence du revenu du Canada, 2014 CRTFP 96) et de 19 mois (voir Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2228 c. Conseil du Trésor, 2013 CRTFP 144).

161        La durée du retard devrait être évaluée à la lumière du préjudice subi par la défenderesse, s’il y a lieu.

iii. La diligence de la fonctionnaire s’estimant lésée

162        La fonctionnaire a poursuivi cette affaire rigoureusement tant avant qu’après la période de mise en disponibilité. Après le refus de l’ASFC du 21 octobre 2014, elle a continué d’étudier d’autres solutions de rechange. Lorsque ses tentatives se sont avérées infructueuses, elle a déposé une plainte à la CCDP, par erreur, ce qui a entraîné un autre grief auprès d’Industrie Canada et le grief actuel contre l’ASFC. La fonctionnaire a démontré en tout temps qu’elle était investie quant à sa plainte et qu’elle était disposée à poursuivre tous les recours qu’elle a jugés appropriés.

iv. L’équilibre entre l’injustice causée à la fonctionnaire et le préjudice que subit l’ASFC

163        L’ASFC était au courant de la demande de mesures d’adaptation de la fonctionnaire pendant le processus de sélection d’octobre 2014. Elle a reçu un autre avis de sa plainte en matière des droits de la personne en décembre 2014. Un grief a enfin été déposé plus d’un mois après le délai prévu par la convention collective. À la lumière des circonstances, la défenderesse ne subirait aucun préjudice réel ou perçu en l’espèce.

164        La fonctionnaire a tenté de présenter sa plainte à partir de l’ordinateur d’une bibliothèque. La longue période où elle a été sans emploi a été suivie d’un différend continu avec la défenderesse éventuelle et d’interactions avec la CCDP. Son invalidité a eu une incidence sur ses possibilités d’emploi et continue de lui causer des difficultés. Elle demande un règlement équitable de ce processus et souhaite faire valoir ses droits devant la Cour. Selon la position de l’agent négociateur, la fonctionnaire subirait une injustice démontrable si une prorogation du délai n’était pas accordée.

v. Les chances de succès du grief

165        Ce facteur ne devrait pas permettre une audience prématurée sur le fond et, par conséquent, une valeur probante minimale lui a été accordée (voir Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2228, au par. 63). Étant donné les mesures d’adaptation minimales demandées par la fonctionnaire au moment pertinent, ainsi que le droit au recyclage en vertu de la DRE qui lui a été refusé, l’agent négociateur estime que le grief a des chances raisonnables de succès.

3. Réponse de la défenderesse

166        En ce qui concerne l’argument voulant que la défenderesse n’ait pas le droit de s’opposer au délai pour déposer le grief puisqu’elle ne s’est pas conformée à l’article 95 du RRTFP, l’absence de réponse à la décision au premier palier, en date du 6 février 2015, ne devrait pas entraîner une conclusion selon laquelle la défenderesse a renoncé à son droit de soulever l’objection pour non-respect du délai.

167        Dans Chow c. Conseil du Trésor (Agence de la santé publique du Canada), 2015 CRTEFP 81, au par. 31, un grief a été jugé hors délai même si l’employeur n’avait pas rempli les conditions du règlement.

168        Pour ce qui est des questions liées aux droits de la personne, aucune preuve médicale n’a été déposée selon laquelle la chirurgie oculaire subie par la fonctionnaire le 8 octobre a touché sa capacité de se conformer au délai du 20 octobre pour présenter sa lettre d’accompagnement modifiée et son curriculum vitæ. Son incapacité à présenter les documents avant l’après-midi du 20 octobre découlait d’un problème informatique qui n’a entraîné aucune question de droits de la personne.

4. Décision et motifs

169        La clause 40.12 de la convention collective prévoit qu’au premier palier de la procédure de règlement des griefs, l’employé peut présenter un grief au plus tard le 25e jour qui suit la date à laquelle il est notifié, oralement ou par écrit, ou prend connaissance, pour la première fois, de l’action ou des circonstances donnant lieu au grief.

170        La clause 40.13 prévoit ce qui suit, à savoir, l’employé peut présenter un grief à chacun des paliers suivant le premier palier de la procédure de règlement des griefs.

a. si le fonctionnaire est insatisfait de la décision ou de loffre de règlement, dans les dix (10) jours suivant la communication par écrit de cette décision ou offre de règlement par l’Employeur au fonctionnaire

ou

b. si l’Employeur ne lui communique pas une décision dans le délai prescrit au paragraphe 40.14, dans les vingt (20) jours suivant celui où il a présenté le grief au palier précédent et dans les vingt-cinq (25) jours suivant celui où le grief a été présenté au dernier palier.

171        Le 21 octobre 2014, la fonctionnaire a été informée que sa candidature ne serait pas prise en considération puisqu’elle n’avait pas rempli les conditions pour accorder une prorogation de délai parce qu’elle avait manqué le délai du 20 octobre 2014, à 9 h, pour présenter une lettre d’accompagnement modifiée. Le grief n’a été présenté à Industrie Canada que le 26 janvier 2015, et à l’ASFC le 12 février 2015. Il ressort clairement que le grief a été présenté plus de deux mois après le délai prévu par la convention collective.

172        L’agent négociateur a soutenu que la défenderesse avait omis de se conformer à l’art. 95 du RRTFP. Les paragraphes 95(1) et (2) sont ainsi libellés :

95 (1) Toute partie peut, au plus tard trente jours après avoir reçu copie de l’avis de renvoi du grief à l’arbitrage :

a) soulever une objection au motif que le délai prévu par la présente partie ou par une convention collective pour la présentation d’un grief à un palier de la procédure applicable au grief n’a pas été respecté;

                   […]

(2) L’objection visée à l’alinéa (1)a) ne peut être soulevée que si le grief a été rejeté au palier pour lequel le délai n’a pas été respecté et à tout palier subséquent de la procédure applicable au grief en raison de ce non-respect.

173        Le grief a été soumis à Industrie Canada le 26 janvier 2015. Le 6 février 2015, le ministère a répondu en déclarant qu’il n’était pas prêt à accepter le grief et en indiquant que si la fonctionnaire se sentait lésée par une décision prise par un autre ministère ou une autre organisation relativement aux dispositions de la DRE portant sur la priorité en raison de sa mise en disponibilité, elle pouvait présenter un grief directement à cet organisme. Il a affirmé que le grief ne pouvait pas être accepté parce qu’il était hors délai.

174        Le 12 février 2015, l’agent négociateur a présenté le grief à l’ASFC. LASFC n’a pas répondu au grief. L’agent négociateur a transmis le grief à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs, conformément à la convention collective. L’ASFC n’a pas répondu au grief, peu importe le palier.

175        Après avoir examiné le libellé obligatoire du paragraphe 95(2) du RRTFP, ainsi que la jurisprudence invoquée par les parties, le fait que l’ASFC n’ait pas répondu au grief à quelque palier que ce soit de la procédure de règlement des griefs et, par conséquent, qu’elle ne pouvait soulever la question liée au délai pour déposer un grief auprès de la Commission après qu’elle ait été informée que le grief avait été renvoyé à l’arbitrage, je dois conclure que l’ASFC a renoncé à son droit de soulever une objection pour non-respect du délai puisqu’elle n’a pas rempli la condition pour ce faire.

B. La fonctionnaire était-elle une employée aux termes de la LRTFP et de la LEFP?

1. Arguments de la défenderesse

176        Le paragraphe 206(1) de la LRTFP prévoit qu’aux fins des griefs visés par la partie 2, « fonctionnaire » s’entend au sens de la définition de ce terme au paragraphe 2(1), compte non tenu des exceptions prévues aux alinéas e), h) et i) de celle-ci et des mots « sauf à la partie 2 ».

177        Le paragraphe 2(1), soit l’article portant sur les définitions, prévoit que le terme: « fonctionnaire », sauf à la partie 2, signifie une personne employée dans la fonction publique.

178        L’article 2 de la LEFP indique ce qui suit : « “fonctionnaire” Personne employée dans la fonction publique et dont la nomination à celle-ci relève exclusivement de la Commission […] ».

179        Le paragraphe 29(1) de la LEFP est ainsi rédigé :

29 (1) Sauf disposition contraire de la présente loi, la Commission a compétence exclusive pour nommer à la fonction publique des personnes, y appartenant ou non, dont la nomination n’est régie par aucune autre loi fédérale.

180        Le paragraphe 64(4) prévoit qu’un fonctionnaire mis en disponibilité perd sa qualité de fonctionnaire.

181        Le statut de priorité d’employée excédentaire de la fonctionnaire a pris fin le 24 octobre 2014. À cette date, elle n’était plus une employée de la fonction publique. Elle a déposé son grief le 23 janvier 2015. Il n’a pas été dûment présenté à la Commission parce qu’elle n’était pas une employée aux termes de la LRTFP et de la LEFP au moment de son dépôt.

182        La défenderesse a soutenu que la jurisprudence suivante étaye sa position.

183        Dans Bigdeli-Azari c. Administrateur général (ministère des Anciens Combattants), 2011 CRTFP 126, l’ancienne Commission devait déterminer si le fonctionnaire s’estimant lésé était un fonctionnaire au sens de la LRTFP aux fins du dépôt d’un grief relatif à son licenciement. Le fonctionnaire s’estimant lésé travaillait pour le ministère des Anciens Combattants comme préposé polyvalent. Il était un employé sur appel et son nom a été retiré de la liste des employés sur appel, ce qui a mis fin à son emploi.

184        Lorsqu’il a déterminé qu’il n’avait pas compétence pour entendre le grief, l’arbitre de grief a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas un fonctionnaire au sens de la LRTFP. Il a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait jamais été un fonctionnaire.

185        Dans Price c. Procureur général du Canada, 2016 CF 649, la Cour fédérale a protégé le droit d’anciens fonctionnaires de formuler un grief lorsque les faits donnant lieu au grief ont eu lieu au cours de l’emploi de l’intéressé. La Cour a déclaré ce qui suit au paragraphe 26 :

[…] la Cour a interprété la décision [R. c. Lavoie (1977), [1978] 1 CF 778, [1977] 2 ACWS 81] comme si elle visait à protéger le droit d’anciens fonctionnaires de formuler un grief lorsque « les faits à l’origine du grief se sont produits au cours de l’emploi de l’intéressé » (Salie c. Canada (Procureur général), 2013 CF 122 (CanLII), au paragraphe 61 […]).

186        La défenderesse a soutenu qu’en l’espèce, les événements qui sont survenus après le 24 octobre 2014 ne pouvaient pas faire l’objet d’un grief.

2. Argumentation de l’agent négociateur

187        La jurisprudence étaye une interprétation large de la LRTFP relativement à l’accès des fonctionnaires à la procédure de règlement des griefs. Les employés qui se sentent lésés lorsque la question visée par le grief s’est produite au cours de leur emploi ont accès à la procédure de règlement des griefs. La date à laquelle le grief est déposé importe peu, pourvu qu’il existe un lien entre l’emploi et le fonctionnaire s’estimant lésé lorsqu’il a été lésé.

188        Dans Salie c. Canada (Procureur général),2013 CF 122, la Cour fédérale a mentionné The Queen v. Lavoie, [1978] 1 F.C. 778 (C.A.), et a déclaré ce qui suit aux paragraphes 60 et 61 :

[60] […] La Cour d’appel fédérale a jugé que « les termes introductifs de l’article 90(1) [de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique (le prédécesseur du paragraphe 208(1) de l’actuelle LRTFP]) visent le cas d’une personne qui se sent lésée à titre d’employée ». La Cour a expliqué qu’« [a]utrement, une personne ayant à se plaindre en tant qu’“employé”, p. ex. au sujet du classement ou des salaires, perdrait son droit de présenter des griefs à cause de la suppression de son emploi, p. ex. à la suite d’une mise en disponibilité ». Suivant la Cour d’appel fédérale, « [i]l faudrait des dispositions très clairement exprimées pour me convaincre que ledit résultat est intentionnellement recherché » (au paragraphe 10).

[61] Ainsi, non seulement l’affaire Lavoie portait sur ce que l’employé estimait être un congédiement disciplinaire, mais les propos précités de la Cour semblent confirmer le droit des anciens employés de formuler un grief lorsque les faits à l’origine du grief se sont produits au cours de l’emploi de l’intéressé, dès lors que l’intéressé « s’estime lésé à titre d’employé ».

189        Le droit de présenter un grief relativement à une question qui s’est produite au cours de l’emploi de l’individu n’est pas touché par une mise en disponibilité subséquente.

190        Dans Cawley, l’ancienne Commission a suivi expressément la décision rendue par la Cour fédérale dans Salie et a énoncé ce qui suit au paragraphe 43 :

[43] […] La Cour a déclaré qu’il fallait des dispositions clairement exprimées pour qu’un fonctionnaire perde son droit de présenter un grief. Comme il est statué dans Lavoie, le législateur n’avait sûrement pas l’intention de priver les fonctionnaires ou les anciens fonctionnaires du droit de contester des situations qui sont survenues alors qu’ils étaient fonctionnaires.

191        Dans Price, une décision récente de la Cour d’appel fédérale, cette dernière a confirmé l’approche adoptée par la Cour fédérale dans Salie.

192        Les principes sont clairs. Même si le grief a été déposé après que la fonctionnaire ait perdu son statut de priorité, elle a été lésée à titre de fonctionnaire. Les événements en cause sont survenus avant qu’elle ne perde son statut de priorité. Même si elle avait été mise en disponibilité, à titre de fonctionnaire, elle avait ses droits et la défenderesse avait des obligations envers elle.

193        La défenderesse a érigé de barrières, empêchant ainsi la fonctionnaire d’exercer ses droits à titre d’employée.

194        Même si la note médicale a été envoyée à la défenderesse par télécopieur le 3 novembre 2014, elle traitait de ses problèmes de santé antérieurs à la perte de son statut de priorité.

195        Dans Bigdeli-Azari, le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait jamais été fonctionnaire et était expressément exclu en vertu de la LRTFP  parce qu’il n’était pas ordinairement astreint à travailler plus du tiers du temps normalement exigé des personnes exécutant des tâches semblables.

3. Décision et motifs

196        Dans Price, la Cour fédérale a déclaré ce qui suit, au par. 26 :

[24] La Cour d’appel fédérale a jugé que le paragraphe 90(1) de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, prédécesseur du paragraphe 208(1) de la LRTFP actuelle, doit être interprété de façon à inclure toute personne qui « se sent lésée à titre d’employé » (La Reine c. Lavoie (1977), [1978] 1 CF 778 au paragraphe 10, [1977] 2 ACWS 81 (Fed CA) [Lavoie]). Bien que l’arrêt Lavoie porte sur une allégation de licenciement disciplinaire, la Cour a interprété la décision comme si elle visait à protéger le droit d’anciens fonctionnaires de formuler un grief lorsque « les faits à l’origine du grief se sont produits au cours de l’emploi de l’intéressé » (Salie c. Canada (Procureur général), 2013 CF 122 (CanLII), au paragraphe 61 [Salie]).

197        Au paragraphe 27, la Cour a mentionné le résumé suivant de la juge MacTavish relativement à la jurisprudence faisant autorité quant à la question touchant le droit d’un ancien fonctionnaire de présenter un grief soulevée dans Salie :

[27] […] La juge Mactavish a conclu que le différend dans chaque cas faisait suite « au renvoi de l’intéressé alors qu’il était en stage (dans un cas, pour d’éventuelles raisons disciplinaires) ou à des problèmes qui avaient surgi alors que l’intéressé travaillait toujours au sein de la fonction publique. ». Elle a observé qu’« [a]ucune de ces affaires ne portait sur un litige qui avait surgi longtemps après que l’intéressé avait cessé d’être un employé du gouvernement » (au paragraphe 59).   

198        Même si le grief en l’espèce a été déposé après que la fonctionnaire ait perdu son statut de priorité le24 octobre 2014, je conclus que les faits importants donnant lieu au grief en l’espèce se sont produits avant qu’elle ne perde ce statut et pendant qu’elle était encore une fonctionnaire.

C. Existe-t-il un autre recours administratif de réparation prévu en vertu d’une autre loi fédérale? 

199        Avant et pendant l’audience, la défenderesse a adopté la position selon laquelle si la Commission conclut que la fonctionnaire était une fonctionnaire au sens de la LRTFP et de la PSEA, la Commission n’aurait pas compétence pour entendre le grief puisqu’un recours administratif de réparation est prévu en vertu d’une autre loi fédérale.

200        Le paragraphe 208(2) de la LRTFP limite comme suit les questions qui peuvent faire l’objet d’un grief individuel et souligne ce qui suit :

208 (2) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel si un recours administratif de réparation lui est ouvert sous le régime d’une autre loi fédérale, à l’exception de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

201        La même limite est prévue à la clause 40.08 de la convention collective du groupe EC qui porte sur la présentation de griefs.

202        L’article 77 de la LEFP prévoit un recours administratif de réparation pour les personnes qui participent aux processus de dotation.

203        La défenderesse a fait valoir que le recours administratif de réparation dont la fonctionnaire pouvait se prévaloir consistait à déposer une plainte en vertu de l’art. 77 de la LEFP. Puisqu’un recours administratif de réparation était prévu en vertu de la LEFP, la fonctionnaire n’avait pas le droit de présenter un grief en vertu du par. 208(2) de la LRTFP. Une certaine jurisprudence à l’appui de l’argument a été invoquée à l’audience.

204        Après l’audience, le 23 septembre 2016, la défenderesse a informé la Commission de ce qui suit :

[Traduction]

Suite aux discussions avec la Commission de la fonction publique, la lettre de décisions du TDFP ci-jointe, rendues dans Clancy; Crichton; Abbott; et Agnew ont été portées à notre attention. L’employeur retire donc son objection selon laquelle un recours administratif de réparation ouvert à la fonctionnaire aurait pu inclure le dépôt d’une plainte en vertu de l’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (la LEFP).

205        Ces décisions appuient la proposition selon laquelle un plaignant qui n’était pas dans la zone de sélection, mais qui bénéficiait plutôt d’un statut de priorité d’employée excédentaire et qui a présenté lui-même sa candidature au processus de nomination n’a pas le droit de déposer une plainte en vertu de l’art. 77 de la LEFP. À la lumière du fait que la défenderesse a retiré son objection selon laquelle un recours administratif de réparation était ouvert à la fonctionnaire qui aurait pu inclure le dépôt d’une plainte en vertu de l’art. 77 de la LEFP, je n’inclurai pas les arguments de l’agent négociateur relativement à cette question.

D.      Le caractère véritable du grief concerne-t-il un processus de dotation à l’égard duquel un arbitre de grief n’a pas compétence? 

1. Pour la défenderesse

206        À l’audience, la défenderesse a soutenu que puisque le caractère véritable du grief porte sur un processus de dotation, la Commission n’a pas compétence pour l’entendre. Dans sa lettre du 23 septembre 2016, la défenderesse a confirmé qu’elle continuait de s’opposer à la compétence de la Commission pour entendre une question qui concerne essentiellement un processus de dotation et qui vise un organisme (l’ASFC) qui n’était pas l’employeur de la fonctionnaire.

207        Un arbitre de grief n’a pas compétence pour entendre le grief parce que celui-ci porte uniquement sur une question de dotation, laquelle question ne peut faire l’objet d’un renvoi à l’arbitrage en vertu de la Loi. Les faits en l’espèce visent un différend en matière de dotation et non un différend concernant l’application des dispositions de la convention collective dans le contexte des relations de travail. L’intention du législateur était que la LEFP constitue un code complet en ce qui concerne la dotation et il n’a jamais eu l’intention d’accorder à la Commission compétence sur des questions de dotation.

208        Le pouvoir exclusif quant aux nominations est conféré à la CFP en vertu de l’art. 29 de la LEFP. La CFP délègue ce pouvoir aux administrateurs généraux de l’administration publique centrale et non au Conseil du Trésor. À titre d’employeur, le Conseil du Trésor n’a aucun pouvoir sur les questions de dotation.

209        Le fait qu’il n’existe aucun recours administratif de réparation visant cette question précise en matière de dotation ne confère pas compétence à un arbitre de grief sur le présent grief.

2. Argumentation de l’agent négociateur

210        En réponse à l’argument selon lequel le caractère véritable du grief porte sur un processus de dotation, l’agent négociateur a fait valoir qu’il ne concerne pas un processus de dotation, mais les droits de la personne en vertu des dispositions de la convention collective et de la LCDP, puisque la décision de ne pas accepter la candidature de la fonctionnaire a créé un effet préjudiciable lié à son invalidité, qui n’a fait l’objet d’aucune mesure d’adaptation. La Commission a compétence sur ces questions.

211        La candidature de la fonctionnaire n’a pas été acceptée aux fins d’évaluation dans le cadre du processus de dotation. Elle n’a jamais atteint l’étape d’évaluation, qui aurait permis de déterminer si elle répondait aux qualifications essentielles de l’emploi. Sa lettre d’accompagnement n’a pas été évaluée. Il ne s’agit même pas d’une situation où sa candidature a été rejetée parce qu’elle a été reçue quatre heures en retard. L’ASFC a décidé qu’elle n’accepterait pas sa candidature.

212        Le grief vise une violation de l’article 16 de la convention collective du groupe EC au motif de son invalidité; une violation de la clause 39.03(11), de la DRE, au motif de son invalidité; une violation de la LCDP; et un manquement à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation.

213        Il ne s’agit pas d’un grief de dotation, mais d’un grief qui porte sur les barrières érigées en vue d’empêcher la fonctionnaire d’accéder au processus de dotation.

214        À titre d’exemple, le 15 octobre 2014, la CFP a envoyé un courriel automatisé à la fonctionnaire afin de l’informer qu’elle avait présenté sa candidature au poste d’agent de sécurité à l’ASFC à titre de renvoi prioritaire. Elle a été informée qu’en raison de son droit de priorité, elle n’avait qu’à répondre aux qualifications essentielles et aux conditions d’emploi.

215        Si elle croyait qu’elle répondait aux qualifications essentielles et aux conditions d’emploi, elle devait répondre à l’organisation d’embauche dans les cinq jours ouvrables. Dans l’éventualité où elle ne pouvait pas fournir les renseignements demandés dans ce délai, elle devait informer l’organisation dès que possible de son intérêt et indiquer la date à laquelle elle serait en mesure de répondre. Elle a également été informée que si elle décidait de ne pas présenter sa candidature au poste, elle devait fournir une explication écrite à l’organisation d’embauche dans le même délai.

216        Cinq jours ouvrables après le 15 octobre 2014 nous emmenait au 22 octobre 2014. L’ASFC n’a pas suivi les directives de la CFP et a imposé de manière indépendante son propre délai du 20 octobre 2014, à 9 h. La lettre d’accompagnement modifiée de la fonctionnaire a été envoyée quatre heures plus tard. Il n’y avait aucun motif opérationnel justifiant le refus de l’ASFC de proroger le délai.

217        Dans cette situation, l’ASFC a agi à titre de gardienne en contrôlant l’accès au processus de dotation. Elle a exercé un pouvoir autre que son pouvoir de dotation. Tout ce qui survient relativement au processus de dotation ne concerne pas nécessairement la dotation en soi.

218        La fonctionnaire s’estimant lésée dans Haynes c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2013 CRTFP 85, avait présenté sa candidature à un poste temporaire par intérim auprès de l’ASFC pour une période de quatre mois moins un jour. Elle s’était classée au premier rang dans le processus de sélection et avait été avisée de manière non officielle qu’elle serait nommée au poste. Toutefois, le directeur régional de l’ASFC a décidé de ne pas lui offrir le poste d’intérim afin d’empêcher que surviennent des situations pouvant donner lieu à un conflit d’intérêts, apparent ou potentiel, puisque son conjoint de fait était un avocat spécialisé en immigration.

219        La fonctionnaire s’estimant lésée a déposé un grief alléguant une violation de sa convention collective et de la LCDP au motif de discrimination fondée sur son état familial. Elle a également déposé une plainte auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (TDFP) qui a conclu qu’il n’avait pas compétence pour entendre la plainte, car elle visait une nomination intérimaire de moins de quatre mois, qui est soustraite de l’application du principe de nomination fondée sur le mérite et ne peut faire l’objet d’une plainte au TDFP.

220        La défenderesse a soutenu qu’un arbitre de grief n’a pas compétence pour entendre le grief parce qu’il portait sur une question de dotation, qui ne peut faire l’objet d’un renvoi à l’arbitrage en vertu de la LRTFP. La fonctionnaire s’estimant lésée a fait valoir que le caractère véritable du grief concernait une question de discrimination fondée sur la situation familiale et non une question de dotation.

221        L’arbitre de grief a rejeté l’objection de l’employeur et a conclu qu’il avait compétence pour instruire le grief puisqu’il était d’avis qu’il portait sur la clause visant l’élimination de la discrimination de la convention collective applicable.

222        Le fonctionnaire s’estimant lésé dans Hureau c. Conseil du Trésor (ministère de l’Environnement), 2008 CRTFP 47, a présenté une demande en réponse à une possibilité d’emploi interne. Il avait été informé qu’il n’avait pas réussi le processus de nomination parce que ses superviseurs actuels et antérieurs avaient fourni des références négatives au sujet de son caractère et de son aptitude à occuper le poste, même s’il possédait toutes les autres qualités requises.

223        Le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que l’employeur avait enfreint l’article 42 de la convention collective applicable en exprimant un point de vue subjectif de son caractère. Selon sa position, en vertu de cet article, l’employeur pouvait faire des observations uniquement sur la durée du service, les principales fonctions et responsabilités, et l’exécution de ces fonctions.

224        L’employeur a soutenu que le grief avait trait au processus de dotation et que l’ancienne Commission n’avait pas compétence aux termes du par. 208(2) de la LRTFP.

225        Le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu que la question n’avait pas trait à la dotation et que l’article 42 était un article distinct en vertu duquel le fonctionnaire s’estimant lésé demandait que l’employeur soit tenu responsable. Cet article traitait strictement des références d’emploi et non pas du processus de dotation.

226        L’arbitre de grief a reconnu que la jurisprudence établissait clairement qu’un arbitre de grief n’a pas compétence pour entendre une affaire et rendre une décision si un autre recours administratif de réparation est prévu sous le régime d’une autre loi fédérale. Toutefois, il a déclaré ce qui suit aux paragraphes 25 et 26 :

[25] Cependant, cela ne veut pas dire que j’accepte l’objection soulevée par l’employeur. Au contraire, j’accepte l’argument du représentant du fonctionnaire s’estimant lésé selon lequel j’ai la compétence d’entendre le grief, mais uniquement dans la mesure où il porte sur une éventuelle violation de la convention collective. Les deux parties se sont entendues sur la convention collective et sa stipulation 42.01. Il est inconcevable que si un conflit d’interprétation survenait, il ne pourrait être examiné par une tierce partie chargée de le faire, plus particulièrement un arbitre de grief de la Commission.

[26] L’employeur, lorsqu’il fait valoir que le grief échappe à la compétence de la Commission, attire l’attention sur plusieurs des mesures de redressement que contient le grief à première vue. Tandis que j’ai indiqué que je suis d’accord avec l’argument de l’employeur selon lequel ces mesures échappent peut-être à la compétence de la Commission, cela ne vaut pas pour le grief proprement dit. Le grief a trait au lien qui existe entre les gestes posés par l’employeur lorsqu’il a donné des références concernant le fonctionnaire s’estimant lésé et les dispositions de l’article 42. Cela relève entièrement de ma compétence.

3. Décision et motifs

227        Selon les faits en l’espèce, puisque la fonctionnaire avait présenté elle-même sa candidature à titre de personne bénéficiant d’une priorité d’employée excédentaire et qu’elle n’était pas dans la zone de sélection, elle n’avait aucun droit de présenter une plainte en vertu de l’art. 77 de la LEFP.

228        Par conséquent, le par. 208(2) de la LRTFP, qui restreint les questions qui peuvent faire l’objet de griefs individuels, ne s’applique pas au recours administratif de réparation prévu par une loi fédérale autre que la LCDP.

229        Ces faits sont semblables à ceux dans Haynes, dans laquelle l’arbitre de grief a examiné une supposée violation de la clause sur l’élimination de la discrimination prévue dans la convention collective applicable, dans une situation où l’employé n’avait aucun recours en vertu de la LEFP. Dans cette affaire, l’arbitre de grief a examiné la jurisprudence et a indiqué ce qui suit aux paragraphes 22 à 25 :

22 Je suis d’accord avec l’employeur pour dire que l’intention du législateur était de ne pas conférer aux arbitres de grief la compétence pour trancher des différends en matière de dotation qui les habiliterait à examiner les nominations afin d’en assurer la conformité aux dispositions de la LEFP, les politiques de l’employeur, le principe de la nomination fondée sur le mérite ou des allégations d’abus de pouvoir. Dans ce sens, l’employeur a raison de souligner que le TDFP est le tribunal indiqué pour examiner les plaintes en matière de dotation. Ceci ne signifie pas cependant pour autant qu’un arbitre de grief n’a pas la compétence pour entendre un grief alléguant une violation de la clause de la convention collective sur l’élimination de la discrimination, lorsque l’allégation de discrimination survient dans le contexte d’une mesure de dotation à l’égard de laquelle l’employé n’a aucun recours en vertu de la LEFP.

23 Le TDFP, qui dispose de la compétence pour entendre les différends portant uniquement sur une question de dotation, a rejeté la plainte au motif qu’une nomination intérimaire de moins de quatre mois n’était pas assujettie au principe des nominations fondées sur le mérite. Il n’est donc aucunement question de quelque compétence concurrente entre la Commission et le TDFP en l’espèce. Par ailleurs, étant donné que la fonctionnaire n’a aucun recours devant le TDFP, les procédures de ce dernier ne peuvent constituer « un autre recours administratif de réparation » aux termes des restrictions prescrites par l’article 208 quant aux types de griefs pouvant être déposés auprès de l’employeur. Puisque la fonctionnaire ne pouvait se prévaloir d’un recours devant le TDFP, l’article 208 ne pouvait constituer un obstacle au dépôt de son grief et, puisque son grief a été présenté conformément aux règles établies, elle pouvait alors se prévaloir de l’article 209 en renvoyant son grief à l’arbitrage après l’avoir porté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs sans avoir obtenu satisfaction.

24 L’employeur a soutenu que c’était l’intention du législateur de priver de tout recours les fonctionnaires qui souhaitaient contester le refus d’une nomination intérimaire de courte durée sur le fondement d’une discrimination. Il ne soutient pas toutefois que les nominations ressortissant à la compétence du TDFP ne peuvent pas faire l’objet d’un réexamen sur le fondement d’une violation des droits de la personne. D’ailleurs, il convient de souligner que le TDFP a effectivement rendu de nombreuses décisions dans lesquelles il a tenu compte d’arguments fondés sur la discrimination dans le cadre d’allégations d’abus de pouvoir. Il ne peut assurément pas avoir été l’intention du Parlement de veiller au respect des droits de la personne uniquement dans le cas de nominations de plus de quatre mois, laissant alors libre cours aux atteintes aux droits de la personne dans le cas de nominations d’une durée plus courte.

25 L’employeur fait valoir que la fonctionnaire avait le droit de déposer une plainte à la CCDP puis de la porter devant le TCDP. Or, depuis 2005 et la mise en œuvre de la Loi, il est clair que les arbitres de grief de la Commission ont la compétence pour entendre les griefs portant sur des violations de la LCDP. [Voir] Chamberlain c. Procureur général du Canada, 2012 CF 1027 […].

230        L’arbitre de grief a examiné la jurisprudence pertinente et a conclu qu’il avait compétence pour entendre les supposées violations de la convention collective. À son avis, le par. 208(2) de la LRTFP ne l’empêchait pas de le faire, car aucun autre recours administratif de réparation n’était disponible à la fonctionnaire s’estimant lésée sous le régime d’une autre loi fédérale, à l’exception de la LCDP.

231        De même, en l’espèce, le grief vise une violation de l’article 16 de la convention collective du groupe EC au motif de l’invalidité de la fonctionnaire; à une violation de la clause 39.03(11), à la DRE; à une violation de la LCDP; et à un manquement de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation.

232        En conclusion, je suis d’avis que la Commission a compétence pour instruire le présent grief puisqu’il porte sur la clause portant sur l’élimination de la discrimination prévue dans la convention collective et sur les dispositions de la DRE.

E. Le différend est-il réellement entre Industrie Canada et l’ACEP

1. Arguments de la défenderesse

233        L’ancien employeur de la fonctionnaire était Industrie Canada et non l’ASFC. L’ASFC n’était pas son employeur. Même si elle a déclaré que le présent grief vise un différend concernant la convention collective et que, par conséquent, elle invoque l’application de la LRTFP, la convention collective qu’elle a mentionnée dans sa formule de grief était celle conclue entre l’agent négociateur et l’ACEP et qui visait son poste à Industrie Canada et non à l’ASFC. Entre-temps, le poste AS-01 qu’elle souhaitait obtenir à l’ASFC était représenté par un autre agent négociateur, soit l’AFPC, et il était visé par une autre convention collective, en vertu de laquelle le grief n’a pas été présenté.

234        La défenderesse a soutenu que le recours de la fonctionnaire ne relevait pas de la LRTFP ni de la compétence légale de la CRTEFP. Même si elle ne pouvait pas déposer une plainte en vertu de l’art. 77 de la LEFP, d’autres recours sont disponibles, ce qui pourrait avoir inclus la CCDP, par exemple.

2. Arguments de l’agent négociateur

235        La défenderesse a soutenu que la CRTEFP n’a pas compétence pour entendre le grief parce qu’il a été déposé contre l’ASFC, où la fonctionnaire n’a jamais travaillé. En réalité, la fonctionnaire travaillait à Industrie Canada lorsqu’elle a été mise en disponibilité en octobre 2013 et que sa période de 12 mois de priorité a commencé.

236        L’ASFC est nommé dans le grief et dans la formule de renvoi à l’arbitrage à titre de ministère concerné. Le grief vise le Conseil du Trésor. Aux fins des relations de travail, le Conseil du Trésor est l’employeur dans les cas où les ministères et les autres secteurs de l’administration publique sont nommés aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C., 1985, ch. F-11; « LGFP »). La fonctionnaire a été lésée par les actes de l’ASFC, qui est un secteur de l’administration publique fédérale nommé à l’annexe IV. Aux fins du dépôt d’un grief, l’employeur est le Conseil du Trésor.

237        La convention collective du groupe EC, qui s’appliquait à la fonctionnaire au moment de sa mise en disponibilité, était entre l’ACEP et le Conseil du Trésor, et non entre l’ACEP et Industrie Canada. Cette convention collective et la DRE à laquelle elle renvoie comprennent certaines obligations du Conseil du Trésor envers la fonctionnaire relativement à sa priorité d’employée excédentaire. Lorsque les représentants de l’ASFC ont commis les actes visés par le grief, ils l’ont fait en vertu du pouvoir qui leur a été délégué par le Conseil du Trésor. Par conséquent, la fonctionnaire et l’agent négociateur ont affirmé à bon droit que la convention collective du groupe EC, la DRE à laquelle elle renvoie et la LCDP avaient été enfreintes. Le fait que le poste à l’égard duquel la fonctionnaire a présenté sa candidature était visé par une autre convention collective n’est pas pertinent puisqu’elle n’a pas allégué une violation de cette dernière.

3. Décision et motifs

238        La clause 39.03 de la convention collective du groupe EC énonce que les directives, politiques ou règlements qui y sont énumérés, tel qu’ils sont modifiés occasionnellement à la suite d’une recommandation du Conseil national mixte et qui ont été approuvés par le Conseil du Trésor du Canada, font partie de la présente convention collective. L’article 11 de la convention collective énonce ce qui suit : « (11) Directive sur le réaménagement des effectifs ».

239        La clause 39.04 de la convention collective du groupe EC énonce ce qui suit : « Les griefs découlant des directives, politiques ou règlements ci-dessus devront être présentés conformément au paragraphe 40.01 de l’article traitant de la procédure de règlement des griefs de la présente convention collective. »

240        La disposition applicable de la DRE indique ce qui suit :

La présente directive s’applique aux employés représentés de l’administration publique centrale dont la convention collective mentionne la Directive sur le réaménagement des effectifs comme directive du Conseil national mixte (voir Appendice B, Liste des agents négociateurs assujettis à la présente directive) et pour lesquels le Conseil du Trésor est l’employeur. (C’est-à-dire les ministères et les organisations dont les noms figurent aux Annexes I et IV de la Loi sur l’administration financière, pour lesquels la Commission de la fonction publique est seule autorisée à faire les nominations.)

241        L’ACEP est énumérée à l’appendice B de la DRE. L’ASFC est énumérée à l’annexe IV de la LGFP.

242        La DRE énonce ses objectifs comme suit :

Le Conseil du Trésor a pour politique d’optimiser les possibilités d’emploi pour les employés nommés pour une période indéterminée en situation de réaménagement des effectifs, en s’assurant que, dans toute la mesure du possible, on offre à ces employés d’autres possibilités d’emploi. On ne doit toutefois pas considérer que la présente directive assure le maintien dans un poste en particulier, mais plutôt le maintien d’emploi.

[…]

243        La partie I de la DRE est intitulée « Rôles et responsabilités » et elle les énumère pour les ministères ou organismes. L’article 1.1.1 prévoit ce qui suit :

1.1.1 Étant donné que les employés nommés pour une période indéterminée qui sont touchés par un réaménagement des effectifs ne sont pas eux-mêmes responsables de cette situation, il incombe aux ministères ou aux organisations de veiller à ce qu’ils soient traités équitablement et à ce qu’on leur donne toutes les possibilités raisonnables de poursuivre leur carrière dans la fonction publique.

244        La DRE énonce non seulement les obligations et les responsabilités des ministères d’attache, c.-à-d. les ministères où l’employé est excédentaire, mais également des ministères de nomination. L’article 1.1.30 énonce ce qui suit :

1.1.30 Les ministères ou les organisations d’accueil collaborent avec la CFP et les autres ministères ou organisations en acceptant de nommer ou de recycler le plus grand nombre possible d’employés touchés ou excédentaires et de personnes mises en disponibilité d’autres ministères ou organisations.

245        Je conclus que la DRE établit les obligations du Conseil du Trésor au nom des ministères de nomination ou d’autres secteurs de l’administration publique fédérale, en l’espèce l’ASFC, qui peuvent faire l’objet d’un grief en vertu de la convention collective du groupe EC.

VI. Conclusion

246        En conclusion, les objections préliminaires de la défenderesse sont rejetées pour les motifs énoncés sous la rubrique de chacune des objections.

247        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

248        Les objections préliminaires de la défenderesse sont rejetées.

249        La Commission communiquera avec les parties pour fixer la date de l’audience pour trancher le fond du grief.

Le 18 juillet 2017.

Traduction de la CRTESPF

David Olsen,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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