Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a déposé une plainte contre son agent négociateur, en alléguant qu’il avait manqué à son devoir de représentation équitable en vertu de l’art. 187 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral pendant les négociations ayant conduit à la signature d’un protocole d’entente (« PE ») qui avait eu pour effet de régler les problèmes dans le milieu de travail – la plaignante a soutenu qu’au moment de la signature du PE, elle n’était pas en mesure d’y consentir ni de le signer – elle avait le sentiment que l’agent négociateur avait manqué à son devoir envers elle et avait fait preuve de discrimination à son égard, parce qu’il ne l’avait pas écoutée et avait donné suite au PE et à la médiation – en outre, la plaignante a allégué que l’agent négociateur avait agi de mauvaise foi en la soustrayant aux dispositions de la convention collective – l’agent négociateur a soutenu qu’il avait assuré une représentation empathique et diligente – il était en désaccord avec le fait que la plaignante n’avait pas participé au processus décisionnel ayant conduit au PE – il n’avait pas non plus le sentiment que les droits de la plaignante avaient été sacrifiés dans le PE; à son avis, la plaignante avait beaucoup exagéré les répercussions négatives et les effets préjudiciables du PE – la Commission a établi que l’agent négociateur n’avait pas manqué à son devoir de représentation équitable – elle a conclu que l’agent négociateur n’avait pas agi de manière arbitraire ou discriminatoire ni de mauvaise foi – l’agent négociateur a activement aidé la plaignante à retourner au travail – il a agi avec diligence et a assuré le suivi de sa représentation de la plaignante afin d’atteindre les buts de celle ci, notamment de ne pas retourner dans son milieu de travail initial – l’agent négociateur a été honnête et transparent au sujet du processus et du PE et a cherché à expliquer la teneur des compromis – beaucoup d’efforts ont été consacrés aux négociations et aux médiations – en dernier lieu, si le spécialiste traitant de la plaignante n’a pas vu les problèmes d’aptitude mentale avant les médiations et la signature du PE, on peut difficilement reprocher à l’agent négociateur, qui n’a aucune formation en psychologie, de ne pas les avoir vus – pendant l’audience, la Commission a aussi fait droit à une demande de mise sous scellés de documents liés à l’état de santé de la plaignante et aux allégations non confirmées de rendement médiocre – conformément au principe de transparence judiciaire et au critère de « Dagenais/Mentuck », la Commission a établi que la divulgation de cette information causerait un préjudice important à la plaignante – la Commission a ajouté que, dans l’intérêt des relations de travail, la confidentialité des ententes de règlement devait être préservée.Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20170725
  • Dossier:  561-02-748
  • Référence:  2017 CRTESPF 13

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

KELMANY ROSS

plaignante

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défenderesse

Répertorié
Ross c. Alliance de la Fonction publique du Canada


Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral


Devant:
Marie-Claire Perrault, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour la plaignante:
Elle-même
Pour la défenderesse:
Leslie Robertson, Alliance de la Fonction publique du Canada
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 13 au 15 mars 2017 et le 12 juin 2017.
Observations écrites en réfutation reçues le 13 juin 2017.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

1        Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale, changeant le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « LRTFP ») pour qu’il devienne, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « LRTSPF »).

I. Plainte devant la Commission

2        Kelmany Ross (la « plaignante ») a déposé une plainte contre son agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur » ou la « défenderesse ») le 13 avril 2015, alléguant qu’il avait fait preuve de discrimination dans le cadre de sa représentation et qu’il avait contrevenu à l’art. 187 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C., 2003, ch. 22, art. 2; la « LRTSPF »).

3        Dans la plainte originale, la plaignante a désigné l’élément de l’agent négociateur avec lequel elle traitait, soit le Syndicat des services gouvernementaux (le « SSG »). Elle a également désigné Charles Carrière, le délégué syndical qui l’a représentée dans le cadre des négociations avec la direction qui ont mené à la signature d’un protocole d’entente (« PE ») qui avait pour but de résoudre certains problèmes en milieu de travail.

4        Un mois après la signature du PE, la plaignante a déposé sa plainte, alléguant que le PE la privait de ses droits et blâmant le SSG et M. Carrière de ne pas avoir suffisamment défendu ses droits.

5        Pendant l’audience, la plaignante a indiqué que sa plainte visait l’agent négociateur dans son ensemble. L’agent négociateur n’a soulevé aucune objection et il a défendu sa position voulant qu’il l’ait représentée équitablement.Pour ce motif, l’agent négociateur sera désigné comme la défenderesse dans l’intitulé de l’affaire.

6        J’ai accepté la demande de la plaignante de mettre sous scellés les documents liés à son trouble médical et les allégations relatives à son piètre rendement qui n’ont pas été démontrées. L’agent négociateur ne s’y est pas opposé.Ces documents ne sont pas essentiels pour comprendre la présente décision et, après avoir entendu la psychologue traitante de la plaignante, je suis convaincue que la divulgation de ces documents serait préjudiciable à son plein rétablissement.

7        Le PE et ses deux versions provisoires seront aussi mis sous scellés.Le PE était protégé en vertu d’une clause de confidentialité.Aux fins de l’audience, il était important de connaître les modalités du PE, qui seront abordées de manière générale dans la présente décision.Les détails du PE demeureront confidentiels, conformément à la volonté des parties à cette entente.

8        Conformément au principe de transparence judiciaire et à la suite de l’établissement du critère « Dagenais/Mentuck » (voir Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835 et R. c. Mentuck, 2001 CSC 76), la mise sous scellés des documents sera ordonnée uniquement si leur divulgation risque d’entraîner des préjudices qui pourraient considérablement surpasser les avantages de leur divulgation complète (voir Pajic c. Opérations des enquêtes statistiques, 2012 CRTFP 70).La Cour suprême du Canada a reformulé le critère Dagenais/Mentuck comme suit dans Sierra Club du Canada c. Canada (ministre des Finances), 2002 CSC 41 :

[…]

Une ordonnance de confidentialité […] ne doit être rendue que si :

a) elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter ce risque;

b) ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

[…]

9        Dans cette affaire, la Cour suprême a adopté la position qu’il peut être nécessaire d’exiger une ordonnance de confidentialité pour protéger les intérêts des parties. L’ordonnance de confidentialité veille à ce que les documents soient divulgués à l’autre partie et au preneur de décision, sans toutefois qu’ils ne soient diffusés à grande échelle. Sans cette certitude, ils pourraient ne pas être divulgués du tout, ce qui entraverait le processus judiciaire.

10        Il faut toutefois garder à l’esprit le principe de transparence judiciaire.Pour cette raison, il faut limiter le plus possible la portée d’une ordonnance de confidentialité, le cas échéant, c’est-à-dire suffisamment pour préserver les intérêts d’une partie sans néanmoins empêcher le public de comprendre la question à trancher.La Cour suprême a fait valoir que le risque posé par une divulgation publique doit être sérieux.

11        Dans Société Radio-Canadac. La Reine, 2011 CSC 3, la Cour suprême a précisément abordé la question de la diffusion d’un élément de preuve, qui était analogue à celle de permettre au public de consulter les éléments de preuve contenus dans un dossier judiciaire. Cette affaire portait sur une demande de la Société Radio-Canada de diffuser l’enregistrement de la déclaration d’un accusé.La Cour suprême a souligné la vulnérabilité de l’accusé lorsqu’elle a confirmé le jugement de l’instance inférieure visant à interdire la diffusion.

12        À mon avis, la divulgation des documents médicaux et des allégations sur le rendement qui n’ont pas été établies aurait un effet préjudiciable sérieux pour la plaignante, étant donné son état de santé et le témoignage de sa psychologue traitante.Je crois aussi que, dans l’intérêt des relations de travail, les ententes de règlement doivent demeurer confidentielles.Par conséquent, j’ai déterminé à l’audience que les documents liés à ces questions seraient mis sous scellés.

II. Résumé de la preuve

13        La plaignante a présenté ses éléments de preuve et a appelé deux témoins : sa psychologue traitante, la Dre Rebecca Nemiroff, et Bonnie McNamara, une ancienne collègue de travail.L’agent négociateur a appelé un témoin, M. Carrière, dont le rôle a été décrit plus tôt dans la présente décision.

14        La plaignante a d’abord été embauchée à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), en septembre 2011, en tant qu’employée occasionnelle.À son avis et selon un document officieux sur le rendement de TPSGC, son rendement était excellent. En février 2012, elle a été embauchée en tant qu’employée nommée pour une période indéterminée et a été assujettie à une période de stage de 12 mois.À partir de ce moment, il y a eu des conflits avec ses superviseurs et ses gestionnaires. La plaignante a fait valoir que la direction avait créé une situation stressante pour elle et que, par conséquent, elle n’arrivait plus à effectuer ses fonctions. Elle a ajouté que cette situation avait aggravé sa dyslexie permanente, qu’elle avait réussi à gérer de manière satisfaisante au moyen de divers mécanismes d’adaptation jusqu’à ce moment.

15        D’octobre 2012 à février 2013, et de nouveau de mai 2013 à mars 2015, la plaignante était en congé de maladie. Elle recevait alors des prestations d’invalidité de la Financière Sun Life, l’assureur du milieu de travail du gouvernement fédéral.Pendant son congé, elle a travaillé avec plusieurs professionnels pour surmonter les répercussions d’un milieu de travail qui avait détruit sa confiance en elle.

16        À l’automne 2014, la plaignante, la Sun Life et les médecins traitants de la plaignante ont convenu qu’elle pourrait retourner au travail avant le jalon de la deuxième année, en mars 2015. Dans son témoignage, la plaignante a tout d’abord indiqué qu’il était urgent qu’elle retourne au travail avant cette date, étant donné que la Sun Life avait mentionné qu’elle cesserait de verser les prestations d’invalidité après deux ans. À la fin de l’audience, lorsque je lui ai permis de rouvrir sa preuve à la suite de la présentation de la preuve de l’agent négociateur, la plaignante a semblé sous-entendre qu’il n’y avait en fait aucune urgence et qu’il n’était pas nécessaire de prendre les mesures qui ont été prises pour garantir son retour au travail.

17        Je crois que la première version de son témoignage est plus réaliste, et ce, pour plusieurs motifs.Premièrement, il s’agissait de son premier témoignage; deuxièmement, M. Carrière, qui était présent tout au long de cette période de retour au travail, a souligné que la plaignante était enthousiaste à l’idée du détachement; troisièmement, il y a eu des échanges de courriels à la fin de 2014 et au début de 2015, entre la plaignante et l’agent négociateur, où la plaignante a demandé avec insistance à l’agent négociateur de l’aider afin que l’employeur accepte un détachement. Finalement, la plaignante a déployé des efforts considérables pour obtenir un détachement qui devait commencer au début du mois de mars 2015.

18        Dans une note datée du 28 novembre 2014, et dans une autre datée du 10 mars 2015, la Dre Nemiroff a souligné qu’il était important que la plaignante ne retourne pas dans le même milieu de travail, puisqu’elle s’exposerait ainsi à un risque important de rechute. D’autres mesures d’adaptation sont précisées dans la note de mars 2015, mais la plus importante (et la seule qui figure dans la note de novembre 2014) est clairement celle voulant que la plaignante ne retourne pas dans le même milieu de travail.

19        La plaignante a fait valoir qu’au cours de l’automne 2014, en raison de cette recommandation, elle a cherché activement un détachement ou une mutation ailleurs dans la fonction publique.Elle a aussi souligné qu’elle n’avait reçu aucune aide de l’agent négociateur et qu’elle avait dû s’occuper seule de l’ensemble des détails et des formalités.Elle a réussi à obtenir un détachement à Services partagés Canada (SPC), qui devait commencer au début du mois de mars 2015. Toutefois, elle était toujours en congé de maladie et l’approbation de TPSGC était nécessaire pour effectuer un retour au travail et commencer un détachement.

20        M. Carrière est délégué syndical pour la section locale 70055 du SSG, au lieu de travail de TPSGC de la plaignante.Il a souligné que le dossier de la plaignante lui avait été renvoyé à un moment donné en septembre 2014. L’enjeu, tel qu’il le voyait, était d’aider la plaignante à retourner au travail.

21        Selon le témoignage de M. Carrière, afin d’aider la fonctionnaire à retourner au travail, il devait principalement traiter avec l’agent des relations de travail de l’employeur.Il a indiqué qu’il traitait souvent avec des agents des relations de travail, puisqu’il s’agissait de la façon la plus efficace de régler des problèmes dans le milieu de travail. Il a fait valoir qu’on obtenait souvent de meilleurs résultats lorsqu’on traitait avec les agents des relations de travail plutôt qu’avec les gestionnaires.

22        Le 2 novembre 2014, la plaignante a déposé une plainte en vertu du Code canadien du travail (L.R.C, (1985), ch. L-2; la « plainte en vertu du CCT »), conformément à l’art. 20.9 du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (DORS/86-304).Elle avait signalé des incidents de harcèlement à son employeur, qui avait rejeté ces allégations au terme d’une enquête.Dans sa plainte en vertu du CCT, elle a relaté en détail tous les événements qui ont débuté en novembre 2011 et qui ont mené à son congé de maladie en raison du harcèlement allégué par l’employeur.

23        M. Carrière a fait valoir qu’il était au courant de la plainte en vertu du CCT et qu’il avait reçu trois appels de l’agent enquêteur. Il a expliqué que la nouvelle direction de TPSGC prenait les dispositions sur la violence et le harcèlement du CCT très au sérieux et qu’elle était en train de mettre en œuvre plusieurs mesures connexes. En ce qui concerne la plainte en vertu du CCT, M. Carrière se souvenait seulement que l’agent l’avait renseigné sur les dispositions, mais il a ajouté que cette information n’aidait pas particulièrement son dossier, qui visait uniquement le retour au travail de la plaignante. Il était satisfait de laisser l’autre processus se poursuivre sous la supervision de l’agent de Travail Canada.

24        La plainte en vertu du CCT a mené à une [traduction] « promesse d’observation volontaire » (POV), un document dans lequel le ministre du Travail fédéral reconnaissait qu’il fallait que l’employeur mène une enquête plus poussée sur les allégations de harcèlement présentées par la plaignante.Le paragraphe 20.9(2) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail précise que : « Dès qu’il a connaissance de violence dans le lieu de travail ou de toute allégation d’une telle violence, l’employeur tente avec l’employé de régler la situation à l’amiable dans les meilleurs délais ».

25        L’employeur a été informé de la POV le 5 février 2015. Un plan de travail présentant les mesures suivantes (ainsi que des dates cibles pour l’achèvement), y était joint :

L’employeur demandera à l’employée de présenter des allégations détaillées, y compris, par exemple, des dates, des noms, des faits et des témoins, etc.Date cible pour l’achèvement : le 20 février 2015.

La direction préparera des questions de recherche de faits afin d’obtenir des détails pertinents et communiquera avec l’employée pour discuter de ses préoccupations et déterminer les options de règlement sur lesquelles elles s’entendent.Date cible pour l’achèvement : le 6 mars 2015.

Si la question n’est toujours pas réglée, l’employeur nommera une personne compétente pour enquêter, conformément au paragraphe 20.9(3) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail.Date cible pour l’achèvement : le 20 mars 2015.

26        En fin de compte, le plan de travail n’a pas été suivi puisque le processus de négociation du retour au travail de la plaignante a pris le dessus et qu’il l’a emporté sur la plainte en vertu du CCT, comme on l’expliquera plus tard.

27        La plaignante a aussi déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP), le 16 octobre 2013, alléguant que l’employeur avait fait preuve de discrimination à son égard. La CCDP a rejeté la plainte à la suite d’une enquête ayant pris fin le 5 décembre 2014, au motif que l’employeur avait respecté ses obligations de prendre des mesures d’adaptation.

28        M. Carrière a témoigné qu’un processus de médiation avait été mis sur pied, avec l’accord de la plaignante et de l’employeur, afin de faciliter le retour au travail de cette dernière. La Sun Life et l’employeur visaient un retour au travail.Toutefois, l’employeur ne voyait pas la nécessité  d’autres mesures d’adaptation, alors que selon M. Carrière, il fallait assurer le retour au travail de la plaignante dans un autre milieu de travail. M. Carrière a répété à plusieurs reprises qu’il valait mieux suivre les conseils de la psychologue et qu’il était aussi convaincu que la plaignante serait licenciée d’ici la fin de la période de stage si elle retournait dans son milieu de travail initial.Il a soulevé que les employés en cours de stage ne bénéficiaient d’aucune protection contre une décision de l’employeur de les licencier.

29        La période de stage de la plaignante, qui a débuté lorsqu’elle a commencé à occuper un emploi pour une période indéterminée, en février 2012, avait été suspendue en raison de ses besoins d’accommodement, qui ont été mentionnés à l’employeur en octobre 2012, et en raison de ses congés. En vertu des règles du Conseil du Trésor, l’employeur a l’obligation de veiller à ce que des mesures d’adaptation appropriées soient mises en place avant le début ou la poursuite de la période de stage, selon le moment où il est informé de ces besoins.Selon les calculs de TPSGC, il restait encore 20 semaines à la période de stage de la plaignante. La plaignante soutient que TPSGC connaissait ou aurait dû connaître ses besoins en mesures d’adaptation dès qu’elle a commencé à occuper son emploi pour une période indéterminée.

30        Avant la première séance de médiation, le 26 février 2015, la plaignante a indiqué à M. Carrière qu’elle n’était pas d’accord avec le choix de médiateur, puisqu’il avait déjà pris part à un processus de résolution de conflit informelle entre elle et TPSGC.Elle a indiqué qu’elle n’avait plus confiance en ce médiateur.M. Carrière a répondu que puisqu’il fallait agir rapidement en raison de la possibilité de détachement et que le médiateur avait une excellente réputation, il était prêt à lui faire confiance pour obtenir le meilleur arrangement possible pour la plaignante. Les signatures de la plaignante, de M. Carrière et du médiateur apparaissent toutes sur un document intitulé [traduction] « accord de participation à la médiation » et j’en conclus que la plaignante a accepté le choix du médiateur, malgré ses doutes.

31        Au cours de cette première séance de médiation, l’employeur a proposé deux options à la plaignante : un retour au travail dans son ancien milieu de travail à TPSGC ou sa démission de TPSGC après avoir terminé un détachement ou une mutation.

32        Dans un courriel envoyé le lendemain de la séance de médiation, la plaignante a choisi la deuxième option, soit un détachement ou une mutation, suivi de sa démission, dans l’éventualité où le détachement n’était pas renouvelé ou en l’absence de mutation.Elle a cherché à faire exclure ses évaluations du rendement et sa période de stage de toute entente, afin de laisser le ministère d’accueil (qu’il s’agisse d’un détachement ou d’une mutation) gérer son évaluation du rendement.Elle a aussi demandé à être informée de la démission six semaines à l’avance.Finalement, elle a demandé à l’employeur de signer immédiatement l’entente de détachement.

33        L’employeur a refusé ces modalités et une deuxième séance de médiation a été organisée, laquelle a mené au PE dont les modalités ont mené à la présente plainte.

34        La deuxième séance de médiation a eu lieu le 12 mars 2015, avec le médiateur qui suscitait la réticence de la plaignante.Entre la première et la deuxième séance de médiation, la plaignante et TPSGC ont beaucoup correspondu.

35        La première séance de médiation a eu lieu le jeudi 26 février 2015. La plaignante a envoyé son offre le 27 février. M. Carrière, qui partait pour une semaine de vacances le 28 février, a néanmoins pris le temps de répondre à la plaignante et lui a conseillé d’éviter de communiquer avec TPSGC pendant son absence. Elle affirme n’avoir jamais su qu’il était en vacances jusqu’à ce que TPSGC l’informe, le 10 mars, que la première date où il serait disponible pour une médiation serait le 12 mars (il a pris une semaine de vacances, suivie d’une formation de trois jours, du 9 au 11 mars).

36        Pendant l’absence de M. Carrière, la plaignante a confirmé auprès du gestionnaire de Services partagés Canada son retour graduel au travail dans son poste de détachement.Selon legestionnaire de TPSGC, l’entente de détachement n’était pas réglée. Il a affirmé que cette question ferait l’objet de discussion pendant la deuxième séance de médiation. Voici l’échange de courriels entre M. Carrière et la plaignante tout juste avant la deuxième séance de médiation :

[Traduction]

[Le 9 mars : de la plaignante à M. Carrière :]

Charles, vous m’avez dit que mon détachement était approuvé!

[Le 10 mars : de M. Carrière à la plaignante :]

Bonjour Kelmany,

Nous nous rencontrerons jeudi; dès que j’aurai plus de renseignements, je vous en informerai.

J’aimerais vous rencontrer au moins une demi-heure avant la rencontre avec l’employeur.

[Le 10 mars : de la plaignante à M. Carrière :]

Bien.Merci.Il n’y a aucune discussion sur ma démission.S’ils n’arrivent pas à gérer cette situation avec maturité, veuillez m’en informer, parce que je n’assisterai pas à la rencontre.Merci Charles.

37        Le 3 mars, avant le retour de M. Carrière, la plaignante a écrit à l’agent négociateur et a indiqué qu’elle l’attendrait pour poursuivre les négociations avec l’employeur, comme suit :

[Traduction]

[…] J’ai décidé de communiquer avec le gestionnaire responsable de l’embauche et de repousser le détachement, et d’attendre le retour de Charles, puisque j’aime travailler avec lui.J’espérais qu’une autre personne au courant de ma situation soit « sur appel » pendant son absence, mais il semble que je me sois trompée.

38        M. Carrière a fait valoir que la plaignante semblait alerte et énergique pour la deuxième séance de médiation, et qu’elle était motivée à régler l’affaire afin de procéder à la signature de l’entente de détachement; l’entente a été signée ce jour-là.La plaignante, pour sa part, a fait valoir qu’elle était dans un état second étant donné qu’elle était traumatisée d’avoir à négocier avec des gestionnaires qui lui avaient causé des problèmes et, de surcroît, avec l’aide d’un médiateur en qui elle n’avait pas confiance.

39        Entre les deux séances de médiation, le 10 mars 2015, la Dre Nemiroff a écrit une note dans laquelle elle a précisé les mesures d’adaptations requises pour la plaignante.La note ne mentionne pas sa capacité ou son incapacité  de participer à la médiation.

40        Le 14 avril 2015, après le dépôt de la présente plainte par la plaignante à l’égard de l’agent négociateur, la Dre Nemiroff a rédigé une autre note, dans laquelle elle recommande d’éviter la médiation, comme suit :

[Traduction]

[…] Pour l’instant, il est recommandé que Mme Ross s’abstienne de participer à la médiation ou à la facilitation volontaire liée à son cas de harcèlement, en raison de son état de santé et de ses limitations connexes (conformément au document médical présenté à l’employeur le 12 mars 2015) [en date du 10 mars 2015].

41        La note mentionnait également que le stress subi serait préjudiciable pour la plaignante.En contre-interrogatoire, à la question de savoir pourquoi elle n’avait pas formulé la recommandation plus tôt, soit dans la note du 10 mars, la Dre Nemiroff a répondu qu’elle ne pouvait pas prévoir à ce moment que la médiation causerait tant de détresse.Toujours en contre-interrogatoire, elle a indiqué qu’il n’aurait pas été évident, en mars, que la plaignante ne voulait pas participer.

42        M. Carrière a fait valoir que la médiation avait duré une journée complète et qu’il y avait eu beaucoup de va-et-vient. Il est demeuré seul avec la plaignante pendant de longues périodes et il s’est efforcé de lui expliquer les différentes dispositions du PE et leur signification.Tout au long de la médiation, la plaignante semblait comprendre, même si certains éléments la troublaient.La plaignante a mentionné que, en réalité, elle se souvenait très peu de cette journée et qu’elle s’était sentie comme dans un brouillard.La Dre Nemiroff a mentionné une [traduction] « réaction dissociative ».M. Carrière n’a rien remarqué d’inhabituel dans le comportement ou les réactions de la plaignante.

43        À la fin de la journée, les parties ont finalement convenu que tout était réglé.Selon M. Carrière, il y a eu un soupir de soulagement spontané et une amorce de félicitations.Toutefois, la plaignante est intervenue afin d’indiquer que l’entente de détachement n’avait toujours pas été signée.On a procédé à la signature et la séance a pris fin.

44        La plaignante a commencé son détachement le lundi suivant.M. Carrière lui a envoyé un courriel afin de lui souhaiter un bon retour au travail.La plaignante a répondu ce qui suit à la fin de la journée : « Merci.J’ai passé une bonne journée. Question : Pourrions-nous demander à notre élément syndical de lire le document qu’ils m’ont fait signer afin de s’assurer que tout était légal? »

45        La plaignante était extrêmement mécontente du PE.Elle était surtout insatisfaite des dispositions relatives aux sujets qui suivent : renoncer à déposer un grief ou une plainte contre TPSGC relativement à son emploi auprès de ce ministère, retirer sa plainte en vertu du CCT, abandonner la plainte auprès de la CCDP et accepter de remettre sa démission à TPSGC si le détachement n’était pas renouvelé ou si aucune mutation n’avait lieu.Les 100 jours de stage restants étaient un autre élément de préoccupation étant donné que le PE stipulait qu’ils seraient confirmés par écrit à la nouvelle organisation en cas de mutation.

46        M. Carrière a souligné qu’il avait expliqué à la plaignante, pendant la médiation, qu’il s’agissait de conditions normales, dans le contexte d’un emploi en cours de stage, pour obtenir un détachement.

47        À l’audience, la plaignante a fait valoir que, selon sa compréhension, ces conditions signifiaient qu’elle ne pourrait plus jamais présenter un grief sur toute mesure prise par un employeur de la fonction publique, déposer une plainte en vertu du CCT ou porter plainte devant la CCDP.M. Carrière a fait valoir qu’il lui avait expliqué que le PE ne portait que sur les mesures (qu’il s’agisse d’un grief, ou d’une plainte en vertu du CCT ou devant la CCDP) liées à son emploi à TPSGC.

48        Le détachement a commencé le 16 mars. Le 27 mars, M. Carrière a envoyé un courriel à la plaignante afin de lui rappeler qu’elle devait retirer toutes les plaintes déposées à l’endroit de TPSGC d’ici la fin de la journée, conformément à ce qui était prévu dans le PE, soit que toute plainte à l’égard de TPSGC devait être retirée dans les 10 jours suivant le début du détachement. M. Carrière a ajouté ce qui suit : [traduction] « Permettez-moi de vous rappeler que l’employeur sera en position d’annuler l’accord pour rupture de contrat s’il n’est pas respecté. »

49        Le 28 mars, la plaignante a répondu au courriel et indiqué que les lettres de rétraction étaient prêtes à être envoyées. Elle a ajouté que, en réalité, l’employeur s’exposait à un risque de rupture de contrat s’il ne mettait pas en œuvre adéquatement l’entente de détachement. La rémunération n’avait pas encore été mise en place, en date du 27 mars, et l’équipement fourni comme mesure d’adaptation par le TPSGC n’avait toujours pas été transféré au poste de travail de la plaignante à SPC.Elle a écrit ce qui suit :

[Traduction]

J’attends patiemment qu’ils se conforment, étant donné que je suis apte au travail et qu’il m’est impossible de le faire en étant assise dans un cubicule à SPC sans ordinateur, sans téléphone et sans adresse courriel.Ils n’ont pas mis en œuvre mon détachement, alors ne me menacez pas d’une rupture de quoi que ce soit, étant donné qu’ils n’ont pas fait leur part.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

50        M. Carrière a répondu ce qui suit le 30 mars :

[Traduction]

Bonjour Kelmany,

Pour toute question d’ordre administratif […] veuillez communiquer avec Pascal [gestionnaire de TPSGC et signataire du PE].En ce qui concerne la deuxième question, vous devez parler à Micheline, de la gestion des limitations fonctionnelles.

En ce qui a trait aux plaintes devant être retirées, elles doivent l’être dans les 10 jours suivant votre signature de l’entente, qui a eu lieu le 12 mars.

Il s’agit de mon dernier courriel, puisque vous travaillez maintenant à SPC et que vous devez traiter avec la section locale là-bas.

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51        La plaignante a immédiatement cherché à obtenir une aide supplémentaire de la part de l’agent négociateur.Le même jour, Stephanie Ehler, de l’agent négociateur, lui a répondu et l’a assurée qu’elle trouverait une personne pouvant l’aider à SPC.

52        Le 31 mars, Craig Spencer, un autre représentant du SSG, a écrit à la plaignante pour confirmer qu’elle était toujours membre du SSG, mais qu’elle appartenait à une section locale différente.Il a aussi indiqué que tous les agents de section locale avaient prêté serment de confidentialité, laissant entendre qu’elle pouvait communiquer ses préoccupations à l’égard du PE à son nouveau représentant de section locale. Le même jour, Mme Ehler a envoyé un autre courriel à la plaignante, dans lequel elle indiquait le numéro de téléphone et les coordonnées de sa nouvelle section locale, ainsi que les noms du président local et du vice-président régional responsables de cette section.

53        La plaignante a cité Mme McNamara à témoigner.Mme McNamara est fonctionnaire depuis fort longtemps et a dit qu’elle avait travaillé dans le même bureau que la plaignante.Selon son témoignage, l’ambiance était plutôt toxique.Elle avait souffert d’un problème de santé qui avait mené à des mesures disciplinaires.Grâce à l’intervention de l’agent négociateur, plus précisément de M. Carrière, le problème avait été réglé.

54        La plaignante voulait faire valoir qu’aucun PE n’avait été nécessaire pour régler le problème de santé de Mme McNamara.À l’audience, j’ai expliqué à la plaignante que je ne pouvais malheureusement pas accorder une grande importance au témoignage de Mme McNamara.En fait, je n’y accorde aucune importance.Je suis convaincue qu’elle a témoigné de bonne foi et qu’elle m’a dit la vérité comme elle l’a perçue.Toutefois, j’ignore totalement quelle serait la version de l’employeur et je ne connais pas l’ensemble du contexte.Pour ces motifs, il m’est impossible de tirer des conclusions des faits décrits par Mme McNamara.

55        La présente plainte est déposée contre l’agent négociateur, alors quele témoignage de Mme McNamara au sujet de l’agent négociateur était plutôt favorable.Toutefois, il m’est impossible de comparer la façon dont l’agent négociateur a agi dans le cas de Mme McNamara à la façon dont il a traité la plaignante, puisque leurs situations d’emploi étaient totalement différentes.

56        Le 13 avril 2015, un mois après avoir signé le PE, la plaignante a déposé sa plainte devant la Commission.La plainte portait essentiellement sur le fait que le PE l’avait privée de ses droits d’employée et qu’elle s’était sentie forcée de le signer.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la plaignante

57        La plaignante a commencé son argumentation en exposant les principes prévus par la Charte canadienne des droits et libertés (Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), et de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C., 1985, ch. H-6; la « LCDP »), selon lesquels il existe un droit fondamental à la dignité de la personne, notamment le droit de prendre des décisions.

58        La plaignante a affirmé qu’au moment de la signature du PE, elle n’était pas apte à y consentir ou à le signer.En ne l’écoutant pas et en allant plutôt de l’avant avec le PE, l’agent négociateur lui a fait défaut.Malgré les rapports médicaux du spécialiste traitant, l’agent négociateur n’a tout simplement pas entendu la plaignante dire « Non » à la médiation et au processus de PE.

59        La plaignante a longuement fait valoir qu’en dépit de l’opinion de M. Carrière voulant qu’elle puisse être renvoyée en cours de stage si elle demeurait au sein de TPSGC, rien ne l’a démontré. Si elle avait été licenciée, elle aurait eu le droit de déposer un grief, que ce soit pour un renvoi en cours de stage ou pour un licenciement, puisque, selon elle, sa période de stage était terminée.Je l’ai questionnée directement sur la preuve, puisque j’avais compris que la période de stage avait été suspendue en octobre 2012, lorsqu’elle a informé l’employeur de sa dyslexie.Elle a répondu qu’elle était retournée au travail de février 2013 à mai 2013, et qu’elle avait donc terminé sa période de stage à ce moment. Si elle avait déposé un grief pour contester son licenciement, la Commission aurait pu conclure à la discrimination.

60        Même si elle était toujours en cours de stage, la Commission aurait tout de même pu trancher en sa faveur si elle avait été renvoyée. À cet égard, la plaignante  a fait référence à un document qui se trouve sur le site Web de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, dans lequel on aborde la décision rendue par la Commission des relations de travail dans la fonction publique dans Dhaliwalc. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 109. Dans cette décision, l’arbitre de grief a conclu que le renvoi en cours de stage était uniquement attribuable à l’utilisation par l’employé des congés de maladie et des congés pour obligation familiale. L’arbitre de grief a ordonné sa réintégration.

61        La plaignante a invoqué le processus de POV afin de montrer qu’un tiers indépendant avait trouvé une preuve de harcèlement dans le milieu de travail ainsi qu’une preuve que l’employeur n’en avait pas fait assez pour répondre à la plainte de harcèlement. En signant le PE, l’agent négociateur l’a privée de sa protection et n’a rien fait pour résoudre la situation de harcèlement au travail.

62        La plaignante a invoqué le droit des contrats pour faire valoir que le PE n’avait pas force exécutoire.Ce qu’elle a reçu du PE équivaut à une contrepartie insuffisante, étant donné tous les droits auxquels on l’avait forcée à renoncer. Son consentement était insuffisant, puisqu’elle n’était pas d’accord avec le choix du médiateur, ce qu’elle avait clairement indiqué à M. Carrière. Le PE avait donné lieu à sa plainte et elle l’a caractérisé d’abusif.Par conséquent, il devait être révoqué.

63        La plaignante a fait valoir que la Commission avait compétence pour entendre et trancher des cas en vertu de la LCDP et accorder des dommages.Elle a fait référence à l’art. 226 de la LRTSPF en particulier.

64        Selon la plaignante, l’agent négociateur l’a contraint à signer le PE et, par conséquent, il a négocié avec TPSGC en vue de la priver de ses droits prévus par la LRTSPF.En vertu de cette loi, elle aurait pu déposer un grief contestant les actes de TPSGC.Au moyen du PE, l’agent négociateur l’a aussi privée de ses droits en vertu du CCT et de la LCDP.

65        L’agent négociateur a agi de mauvaise foi en excluant la plaignante de la portée de la convention collective par voie de contrat.

66        En somme, le PE est devenu un obstacle à la prise de mesures d’adaptation, puisqu’il l’a privée de ses droits et recours. De par sa nature, il s’agit d’un document confidentiel, permettant aux employeurs et aux agents négociateurs de contourner les protections prévues dans les lois sur les droits de la personne et les conventions collectives.La Commission devrait dénoncer le PE et l’annuler.

B. Pour l’agent négociateur

67        Pour commencer son argumentation, la représentante de l’agent négociateur a d’abord répondu à certains commentaires que la plaignante a formulés dans son argumentation.

68        L’agent négociateur est en profond désaccord avec la position de la plaignante selon laquelle elle n’a pas pris part aux processus décisionnels ayant mené au PE. En réalité, la preuve indique le contraire.La plaignante a fait plusieurs suggestions relativement à la version provisoire, dont certaines ont été acceptées (comme le fait de ne pas utiliser le mot « règlement »).

69        Le PE n’a pas négocié pour priver la plaignante de ses droits.  Il n’a pas été question de contester le renvoi en cours de stage, qui n’a jamais eu lieu.Il n’a pas non plus été question de renoncer aux droits de l’employée à tout jamais.Autrement dit, la plaignante a grandement exagéré les répercussions négatives et les effets préjudiciables du PE.

70        L’agent négociateur a aussi été préoccupé par le fait que la plaignante ait répété à un certain nombre de reprises que rien n’avait démontré qu’elle aurait été licenciée si le PE n’avait pas été négocié. M. Carrière a fait valoir qu’elle était préoccupée par un renvoi en cours de stage, tout comme lui.Il avait étudié la jurisprudence et avait conclu que la CRTEFP ou la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») avait très rarement renversé un renvoi en cours de stage.Bien entendu, si la plaignante avait été renvoyée l’agent négociateur l’aurait aidée à présenter un grief, mais ce n’était certainement pas  la solution privilégiée.

71        La question ne consistait pas à déterminer si les plaintes de harcèlement avaient été réglées, mais plutôt à définir le rôle de M. Carrière dans le PE.

72        L’annulation du PE aurait pour effet de réintégrer la plaignante dans son poste, ce que personne, y compris la plaignante, ne voulait.

73        La plaignante a fait valoir que la spécialiste qui la traitait avait dit qu’elle n’était pas apte à participer aux séances de médiation et que l’agent négociateur n’avait pas tenu compte de cet argument.Cela n’est pas tout à fait exact.La Dre Nemiroff a écrit la lettre indiquant que la plaignante ne devrait pas participer à la médiation après la conclusion du PE, en s’appuyant sur les souvenirs de la plaignante concernant la séance de médiation.

74        Le PE avait réussi à retirer la plaignante d’un environnement de travail qu’elle jugeait toxique, conformément à la recommandation de la Dre Nemiroff.M. Carrière a indiqué qu’il était fier d’avoir aidé la plaignante à atteindre son but, soit de négocier un retour au travail dans un poste de détachement.

75        La plaignante a indiqué à un certain nombre de reprises que [traduction] « non c’est non ».Toutefois, en fin de compte, elle n’a pas dit [traduction] « non »; elle a signé le PE et elle a participé à sa rédaction.M. Carrière a fait valoir que, selon lui, elle s’était investie pleinement dans les deux séances de médiation.Ils avaient eu le temps de discuter du contenu de chacune des dispositions du PE.

76        La Commission doit déterminer si la représentation de M. Carrière était discriminatoire, de mauvaise foi ou arbitraire; elle n’a pas à trancher la question de savoir si le PE était bon ou mauvais.M. Carrière pensait sincèrement qu’il avait obtenu le meilleur résultat possible pour la plaignante et il croyait qu’elle était du même avis.

77        La représentante de l’agent négociateur a ensuite examiné la jurisprudence qui, selon elle, s’appliquait à la présente affaire. J’examinerai cette jurisprudence dans mes motifs.Pour conclure l’argumentation de l’agent négociateur, ce dernier a offert une représentation empathique; il a représenté la plaignante avec diligence.La plaignante n’a pas réussi à démontrer que la représentation de l’agent négociateur, et par M. Carrière en particulier, était empreinte de mauvaise foi, discriminatoire ou arbitraire. Pour ces motifs, la plainte devrait être rejetée.

C. Réfutation

78        J’ai permis à la plaignante de présenter sa réfutation par écrit.Elle a été reçue le lendemain du dernier jour de l’audience. La plaignante y conteste l’interprétation faite par l’agent négociateur de la preuve présentée à l’audience.

79        La plaignante conteste le fait que M. Carrière ignorait qu’elle n’était pas apte à assister à la médiation. J’accepte le témoignage de M. Carrière.Il ne s’agit pas de nier que la plaignante vivait un stress. Néanmoins,  j’accepte que sa participation aux deux séances de médiation, ses échanges avec TPSGC entre les séances de médiation et sa signature de l’entente de médiation et du PE par la suite ont tous été interprétés au pied de la lettre : elle participait.

80        Dans sa réfutation, la plaignante a ajouté une note médicale datée du 24 janvier 2015, afin de démontrer qu’elle n’était pas apte.Cette note est irrecevable, puisque la preuve est terminée.Toutefois, je peux dire que si j’avais conclu que cette preuve était admissible, ma décision aurait été la même.Cette note, à l’intention de M. Carrière, porte sur une recommandation médicale d’éviter le stress intense et, par conséquent, fait valoir que la prise de mesures d’adaptation au travail devrait en tenir compte. Il semble que M. Carrière ne l’ait pas considéré comme un obstacle à la médiation, et je ne l’aurais pas fait non plus. La plaignante était extrêmement motivée à faire signer l’entente de détachement et le contraire, soit de ne pas la signer, aurait également pu lui causer un stress important.

81        La plaignante souhaite corriger l’impression que M. Carrière et l’agent négociateur ont contribué à l’entente de détachement.Je suis d’accord avec elle qu’ils ne l’ont pas fait.À la lumière de la preuve que j’ai entendue à l’audience, il ne fait aucun doute dans mon esprit que la plaignante a effectué tout le travail pour organiser le détachement.L’apport de M. Carrière concernait la négociation du PE, une condition essentielle à la signature de l’entente de détachement par TPSGC.

82        La plaignante indique qu’elle ne se souvient pas des appels téléphoniques qui auraient eu lieu entre M. Carrière et elle-même.Évidemment, à l’exception du témoignage de M. Carrière, je n’ai aucune autre preuve des appels téléphoniques.Je le crois, non pas parce qu’il a affirmé avoir fait de nombreux appels téléphoniques, mais parce qu’il était bien au courant de l’affaire, de toutes les négociations qui ont eu lieu et des besoins et des préoccupations de la plaignante, en dépit de l’opinion de cette dernière.En fait, comme je l’ai reproduit plus tôt dans la présente décision, elle a demandé à continuer d’être représentée par M. Carrière dans les négociations, puisqu’elle aimait travailler avec lui.Ce commentaire, qui a été formulé pendant les événements en question, m’apparaît plutôt convaincant quant à la participation de M. Carrière.

83        Finalement, la plaignante fait valoir que le PE l’avait privée de ses droits.Comme je l’expliquerai plus loin, je n’arrive pas à la même conclusion.

IV. Motifs

84        Avant d’étudier les argumentations des parties pour trancher cette question, je dois faire un commentaire sur des déclarations erronées faites par les deux parties à l’audience.M. Carrière a répété un certain nombre de fois que le renvoi en cours de stage est la seule façon que l’employeur peut licencier un employé pour un motif valable.Je crois qu’il voulait dire le contraire, comme il est indiqué dans la LRTSPF et dans la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, articles  12,13; la « LEFP »), c’est-à-dire que la période de stage est une situation où l’employeur peut mettre fin à l’emploi d’un employé, sans motif valable, tant que le motif est raisonnable, comme le piètre rendement ou l’inaptitude, tout simplement.La discrimination ne constitue pas un motif raisonnable.

85        Quant à la plaignante, elle n’a pas bien compris plusieurs aspects du PE.M. Carrière a fait valoir qu’ils avaient tous été expliqués dans le cadre du processus de médiation.Je conclus que l’agent négociateur n’a pas omis d’expliquer à la plaignante la signification du PE.Ce malentendu aurait pu découler de nombreuses sources différentes, ce qui a probablement été le cas, y compris la nervosité de la plaignante après avoir perdu son emploi, sa fragilité dans le contexte de son retour au travail à la suite d’un congé de maladie attribuable en grande partie au stress qu’elle avait vécu en cours d’emploi, sa façon de traiter l’information et tout autre facteur.

86        Ces malentendus forment une grande partie de la plainte qu’elle a présentée devant la Commission, c’est pourquoi je crois qu’il est important de les corriger avant de déterminer si l’agent négociateur a manqué à son obligation de représentation équitable.

87        La plaignante a fait valoir que le PE lui fermait la porte à plusieurs recours qui auraient dû être à sa disposition, mais qui ne l’étaient pas en raison du PE, y compris le processus de POV en vertu du CCT, le dépôt d’une plainte devant la CCDP et la procédure de grief.

88        Il est vrai que le PE indique précisément que la plaignante renonce à tout recours prévu en vertu de ces trois mécanismes, mais cette renonciation n’est liée qu’à son emploi à TPSGC.Il était impossible de mettre en œuvre la POV si elle ne se trouvait plus dans le milieu de travail; la plainte relative aux droits de la personne avait déjà été refusée.En ce qui concerne le grief, il est impossible de définir clairement son objet supposé, hormis le harcèlement (POV) ou la discrimination (la plainte relative aux droits de la personne).Si le grief avait porté sur la démission forcée, il y aurait eu peu de matière à décision, puisqu’elle n’a jamais eu lieu.

89        La question à trancher dans cette affaire se pose ainsi : l’agent négociateur a-t-il manqué à son obligation de représentation équitable, au sens de l’art. 187 de la LRTSPF? Autrement dit, a-t-il agi de façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi dans sa représentation de la plaignante?À la lumière de la preuve que j’ai entendue, ce n’est pas le cas.

90        Le critère visant à déterminer si l’agent négociateur a manqué à son obligation de représentation équitable a été énoncé pour la première fois par la Cour suprême du Canada, dans Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, [1984] 1 R.C.S. 509. Les parties ont convenu qu’il s’agissait du point de départ de l’analyse.Ce critère est formulé comme suit à la page 527 :

  1. Le pouvoir exclusif reconnu à un syndicat d’agir à titre de porte-parole des employés faisant partie d’une unité de négociation comporte en contrepartie l’obligation de la part du syndicat d’une juste représentation de tous les salariés compris dans l’unité.
  2. Lorsque, comme en l’espèce et comme c’est généralement le cas, le droit de porter un grief à l’arbitrage est réservé au syndicat, le salarié n’a pas un droit absolu à l’arbitrage et le syndicat jouit d’une discrétion appréciable.
  3. Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l’importance du grief et des conséquences pour le salarié, d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part.
  4. La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive.
  5. La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié.

91        Même si Gagnon est une affaire où seul un syndicat pouvait déposer des griefs, ce qui n’est pas le cas en vertu de la LRTSPF, les décisions subséquentes rendues par la CRTFP et la CRTEFP ont conclu que les agents négociateurs sont obligés d’examiner les demandes de représentation et de déterminer s’ils vont représenter les employés et dans quelle mesure, après un examen sérieux et diligent de chaque affaire.

92        En l’espèce, il ne fait aucun doute que l’agent négociateur a joué un rôle actif pour aider la plaignante à retourner au travail.Dans sa plainte, elle indique que ses préoccupations ont été ignorées en grande partie et que le comportement de M. Carrière était discriminatoire, arbitraire et de mauvaise foi. Avant de me pencher sur ces trois points, je tiens à étudier brièvement la jurisprudence présentée par les parties que je considère comme pertinente pour les questions à trancher.

93        La plaignante m’a renvoyée à Jutras Otto c. Brossard, 2012 CRTFP 15. Dans cette décision, la formation de la CRTFP a simplement déterminé la mesure de redressement à la suite d’une décision antérieure (2011 CRTFP 107), dans laquelle elle avait conclu que l’agent négociateur avait manqué à son obligation de représentation équitable.Les faits exposés dans la décision antérieure établissaient que deux représentants de l’agent négociateur avaient mal géré un grief de harcèlement et un grief portant sur le renvoi en cours de stage.La CRTFP a conclu que les gestes posés par les deux représentants constituaient une négligence telle qu’elle pouvait être considérée comme arbitraire.

94        Les faits dans Jutras Otto se distinguent de ceux en l’espèce.Dans ce cas, l’agent négociateur n’a effectué aucun suivi.Bien que la plaignante dans la présente affaire ait déposé une plainte pour harcèlement, ce n’est pas M. Carrière qui s’en occupait.Selon lui, le harcèlement était géré dans le cadre du processus prévu dans le CCT.Selon sa compréhension, il devait aider la plaignante à retourner au travail.Il a collaboré avec diligence avec elle et avec des représentants de TPSGC pour atteindre ce but.Je n’ai entendu aucune preuve de négligence de sa part et, selon la preuve documentaire, plusieurs échanges ont eu lieu de septembre 2014 à mars 2015.

95        La plaignante a fait valoir que la décision dans Taylor c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2015 CRTEFP 35, étayait son argument selon lequel la défenderesse avait omis de la soutenir contre TPSGC.Dans Taylor, la plaignante avait été rétrogradée à la suite d’une enquête où l’on avait conclu qu’elle avait harcelé un autre employé.L’AFPC avait à ce moment-là une politique qui prévoyait qu’elle ne représenterait pas un employé dans le but de contester une conclusion de harcèlement; elle le représenterait uniquement  pour le quantum de la pénalité qui s’ensuivait.L’arbitre de grief de la CRTEFP dans Taylor a conclu que cette politique était arbitraire et qu’elle laissait la plaignante dans cette affaire sans soutien de l’agent négociateur, dans l’éventualité où les accusations de harcèlement s’avéraient en fait infondées.Par conséquent, l’arbitre de grief a conclu qu’il y avait eu violation de l’art. 187 de la LRTFP.

96        Dans la présente affaire, la plaignante n’a pas été laissée à elle-même en raison d’un manquement de l’agent négociateur d’agir en son nom pour garantir son retour au travail. M. Carrière a activement cherché à conclure une entente avec TPSGC afin de lui permettre de retourner au travail.Selon les témoignages de la plaignante et de M. Carrière, il s’agissait de son but principal.Il ne s’agit donc pas d’un cas où les besoins de la plaignante sont délibérément ignorés, comme c’était le cas dans Taylor.

97        La plaignante m’a renvoyée à Dhaliwal et Leonarduzzi c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-27886 (19990628), [1999] C.R.T.F.P.C. no 97 (QL) (demande de contrôle judiciaire refusée dans 2001CFPI 529), à titre d'affaires où la Commission pourrait avoir compétence dans le cadre d’un renvoi en cours de stage. Je suis d’accord avec le fait que la Commission puisse se pencher sur les éléments sous-jacents à un renvoi en cours de stage; néanmoins, en général, les renvois en cours de stage sont couverts par la LEFP, et la Commission n’a pas compétence, sauf dans des circonstances exceptionnelles.La question de savoir si le cas de la plaignante aurait été un de ces cas relève de la conjecture.On ne peut reprocher à M. Carrière d’avoir évalué avec prudence qu’il était préférable d’éviter entièrement le renvoi en cours de stage, parce que la jurisprudence tend à confirmer la décision de l’employeur.

98        L’agent négociateur m’a également renvoyée à Sayeed c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 44, qui est, à certains égards, très semblable au cas dont je suis saisie. Dans cette affaire, M. Sayeed était en désaccord avec un PE négocié entre l’employeur et l’agent négociateur dans ce cas pour résoudre son litige non réglé avec son employeur.

99        M. Sayeed a déposé cinq griefs à l’endroit de l’employeur : trois portaient sur des évaluations du rendement, un sur une lettre disciplinaire et un sur une suspension d’une journée.Le PE aurait rétabli le salaire et les avantages sociaux pour la suspension d’une journée, à condition que M. Sayeed retire tous ses griefs. M. Sayeed était profondément mécontent, car il croyait que ses plaintes  à l’égard de l’employeur n’étaient pas prises en considération.Il croyait véritablement que l’agent négociateur le privait de ses droits en vertu de la loi et de la convention collective.

100        Quant à l’agent négociateur, il avait fait de son mieux pour négocier la meilleure entente, en tenant compte des divers griefs et de la situation au travail.Lorsque M. Sayeed a refusé de signer le PE, de nombreux échanges ont eu lieu  entre lui et l’agent négociateur, qui a finalement cessé de le représenter.

101        Le vice-président qui a entendu cette affaire a conclu que l’agent négociateur n’avait pas manqué à son obligation de représentation équitable.Il ressortait clairement que l’employé et l’agent négociateur avaient des opinions très différentes sur la façon de défendre ses droits.L’agent négociateur a travaillé avec diligence et de bonne foi pour garantir la meilleure représentation à son avis, dans l’intérêt de l’employé, qui n’était pas du même avis. Cela en soi ne suffisait pas à conclure à la violation de l’art. 187 de la LRTFP.

102        Dans Nowen c. UCCO-SAC-CSN, 2003 CRTFP 98, des agents correctionnels ont déposé des griefs individuels qui portaient sur des changements à leur horaire de travail et qui étaient liés à l’interprétation et à l’application de leur convention collective. Ils devaient donc obtenir le soutien de leur agent négociateur pour la procédure de grief et le renvoi à l’arbitrage.Juste avant l’audience, l’agent négociateur est arrivé à un règlement avec l’employeur.Certains des fonctionnaires s’estimant lésés étaient insatisfaits des modalités du règlement, à l’égard desquelles ils n’avaient pas été consultés. Ils ont donc déposé une plainte contre leur agent négociateur pour manquement à l’obligation de représentation équitable.

103        L’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») a conclu qu’il n’y avait eu aucune violation.L’agent négociateur n’avait pas agi de mauvaise foi ou d’une manière discriminatoire ou arbitraire.Il avait cherché à obtenir la meilleure solution à un problème mettant en cause les fonctionnaires s’estimant lésés.Le commissaire de l’ancienne CRTFP a indiqué qu’il ne lui incombait pas de déterminer si l’arbitrage aurait donné aux fonctionnaires un résultat plus favorable.Il n’avait qu’à déterminer si l’agent négociateur s’était acquitté de son obligation de représentation équitable.Selon son évaluation, il l’avait fait.

104        Bialy c. Gordon, 2016 CRTFP 87, est une affaire plus récente où l’agent négociateur a encore une fois choisi de régler un certain nombre de griefs au nom de nombreux fonctionnaires.Comme dans Nowen, l’examen des gestes posés par l’agent négociateur ne porte pas sur les résultats; il vise plutôt à déterminer si l’agent négociateur a agi de manière sérieuse et réfléchie, et s’il a pris en considération les intérêts de ses membres.

105        Dans cette affaire, les fonctionnaires ont été tenus au courant des négociations entourant le règlement.Mme Bialy était insatisfaite du règlement et du fait qu’il mettait fin à tout autre recours lié à la description de travail et à sa classification. Il ne s’agissait pas d’une limitation de ses droits, mais d’une solution sensée à un problème, qui lui offrait certains avantages.En fin de compte, l’analyse a principalement porté sur le processus décisionnel de l’agent négociateur, que l’on a jugé solide. Par conséquent, il n’y a eu aucune violation de l’art. 187 de la LRTFP.

106        Essentiellement, la plaignante a fait valoir que M. Carrière, en tant qu’agent de l’agent négociateur, avait négocié une mauvaise entente, soit le PE.À sa défense, l’agent négociateur a fait valoir que M. Carrière avait fait de son mieux dans les circonstances et qu’il s’était assurément acquitté de son obligation de représentation équitable.

107        Y a-t-il eu discrimination?L’argument relativement à la discrimination comporte deux volets. Le premier volet concerne l’absence de protection de la plaignante contre le harcèlement.En réalité, M. Carrière savait qu’elle jugeait son environnement de travail toxique, et il a pris à cœur la principale recommandation de la Dre Nemiroff, soit que la plaignante ne retourne pas dans son milieu de travail initial.Cette principale mesure d’adaptation était sans aucun doute primordiale dans la stratégie de M. Carrière.

108        L’autre aspect de la discrimination réside dans le fait que le niveau de stress de la fonctionnaire ainsi que son état psychologique l’empêchaient de participer réellement à la négociation du PE.L’agent négociateur aurait dû le voir et refuser de collaborer avec TPSGC, malgré le fait que la plaignante persistait à faire approuver son entente de détachement.

109        Dans son témoignage, M. Carrière a indiqué avoir vu une personne pleinement investie dans le processus de négociation. Les courriels envoyés par la plaignante à TPSGC à la suite de la première séance de médiation ont été présentés en  preuve.Les échanges de la plaignante avec M. Carrière au sujet du détachement et de l’urgence de conclure une entente avec TPSGC constituent également une preuve.

110        La Dre Nemiroff a indiqué uniquement après coup que la plaignante ne devrait pas participer à la médiation. Elle n’a rien dit à ce sujet en mars 2015, lorsque les négociations étaient en cours.En contre-interrogatoire, elle a reconnu qu’il aurait été impossible de voir que la plaignante n’était pas apte à participer à la médiation ou qu’elle était incapable de signer une entente.

111        Si la spécialiste traitante n’a pas constaté le problème avant les séances de médiation et la signature du PE, on ne peut pas reprocher à M. Carrière, qui n’a aucune formation en psychologie, de ne pas l’avoir vu.

112        Il m’est donc impossible de conclure qu’il y a eu discrimination.

113        M. Carrière a-t-il agi de mauvaise foi?Je conclus qu’il a agi avec diligence et qu’il a mené à bien sa représentation de la plaignante  afin qu’elle atteigne son objectif de faire signer l’entente de détachement par TPSGC.Je conclus aussi qu’il a été honnête et transparent au sujet du processus et du PE, et qu’il a cherché à expliquer les compromis qui font nécessairement partie de toute négociation.

114        La plaignante semble maintenant croire qu’une autre solution aurait été préférable, et que le PE n’aurait pas dû inclure une clause sur la démission de TPSGC. Encore une fois, je crois que M. Carrière a tiré le meilleur parti d’une situation difficile.Je crois aussi qu’il était convaincu qu’il fallait éviter à tout prix un renvoi en cours de stage.Comme je l’ai indiqué plus tôt, il s’agissait d’une évaluation prudente, qui n’a certainement pas été faite de mauvaise foi.

115        La situation de la plaignante ne ressemblait pas à celle de Dhaliwal, malgré son argument selon lequel elle a été forcée de signer la lettre de démission en raison de son utilisation de congés de maladie, pour laquelle aucune preuve n’existe.L’insatisfaction de TPSGC à l’égard de son rendement au travail a été démontrée (j’insiste sur le fait que je ne me prononce pas sur la question de savoir si c’était justifié ou pas; je ne suis pas saisie de cette question).

116        Les mesures prises par M. Carrière ou l’agent négociateur étaient-elles arbitraires?Des efforts considérables ont été déployés pour négocier avec l’agent des relations de travail de TPSGC, à organiser la médiation et à y prendre part, à élaborer le PE et à s’assurer qu’un suivi soit effectué après la signature du PE. Je ne vois rien d’arbitraire ou de négligent dans la façon dont l’agent négociateur a représenté la plaignante.

117        Dans son argumentation, la plaignante a fait valoir que la période de stage n’avait pas été calculée de manière appropriée, qu’elle avait en fait terminé sa période de stage en mars 2015 et qu’il était totalement injuste d’inclure une période de 100 jours de stage dans l’entente de règlement, ce qui la privait ainsi des droits accordés à un employé nommé pour une période indéterminée.

118        Je n’ai pas entendu de preuve de TPSGC à cet égard et, par conséquent, il est difficile de déterminer si le calcul des 100 jours de stage était exact.Toutefois, je note que la plaignante a travaillé à temps plein de février 2012 à octobre 2012 et qu’elle est partie en congé de maladie jusqu’à la mi-février 2013, soit jusqu’à ce qu’elle effectue un retour graduel au travail.Elle est retournée à son horaire à temps plein le 25 mars 2013 et a commencé un congé de maladie prolongé le 25 mai 2013. Aucune information n’a été présentée à l’audience afin de déterminer si la période de stage se poursuivait ou si elle était suspendue pendant que des mesures d’adaptation étaient prises à son retour au travail, en février 2013.

119        La preuve dont je suis saisie est la suivante : TPSGC avait établi qu’il restait 20 semaines à la période de stage de la plaignante et cette dernière a signé le PE dans lequel figurait cette information.Le PE mentionnait également que la période de stage avait été suspendue pendant le détachement et que, dans l’éventualité d’une mutation, elle serait communiquée au ministère d’accueil.

120        Étant donné l’incertitude qui entoure la période de stage restante, il m’est impossible d’établir si elle est juste ou pas.Il me semble, en toute objectivité, qu’à la lumière du nombre important de congés accordés pendant que l’employée était toujours en période de stage (quel que soit le nombre de jours restants), elle a profité de conditions d’emploi généreuses.

121        De toute façon,  ma décision ne porte pas sur les gestes posés par l’employeur, mais plutôt sur ceux posés par l’agent négociateur. En ce qui concerne la période de stage, M. Carrière a accepté les données fournies par TPSGC.Je n’ai entendu aucune preuve selon laquelle la plaignante lui avait présenté des faits qui indiquaient que le calcul était erroné.

122        À la lumière de tout ce qui est susmentionné, il m’est impossible de conclure que l’agent négociateur a manqué à son obligation de représentation équitable.

V. Conclusion

123        Dans son argumentation, la plaignante a dénoncé la nature secrète des ententes de règlement, qui permettent à l’employeur et aux agents négociateurs de contourner les protections légales accordées aux employés en vertu des lois sur les droits de la personne et des conventions collectives.

124        Les ententes de règlement ne sont pas illégales.Elles sont plutôt des compromis issus de l’accord des parties sur les concessions faites pendant les négociations. Dans ce PE, la plaignante n’a pas perdu ses droits en tant qu’employée, contrairement à ce qu’elle croit.Elle a simplement accepté de ne pas intenter d’autres recours à l’égard de TPSGC, qu’elle quittait de toute façon, en échange d’un sursis de 18 mois dans la période de stage, qui semblait mener à un renvoi en cours de stage.Elle avait le droit d’accepter un détachement et, dans l’éventualité où elle trouvait un autre poste pour une période indéterminée dans un autre ministère, elle gardait son emploi au sein de la fonction publique.Il semble que les sentiments étaient mutuels; elle considérait son environnement de travail comme toxique et TPSGC ne tenait plus à l’avoir comme employée.

125        En réalité, le PE maintenait l’emploi de la plaignante tout au long du détachement et permettait à une mutation d’avoir lieu pendant cette période.Selon le témoignage de M. Carrière, Pascal Girard, le gestionnaire de TPSGC qui a pris part à la négociation du PE, a suggéré de prolonger la période de détachement de 12 à 18 mois afin de créer une meilleure possibilité de mutation.Il ne s’agissait pas d’une stratégie pour prolonger la période de stage, mais d’une garantie d’emploi en attente d’une mutation.

126        Le PE servait à maintenir l’emploi de la plaignante en permettant un détachement.L’employeur n’a aucune obligation d’accepter un détachement, surtout dans le cas d’un employé en cours de stage.Toutefois, dans ce contexte, le détachement était considéré comme faisant partie des mesures d’adaptation et du règlement de la plainte de harcèlement en milieu de travail, en offrant à la plaignante la possibilité de travailler dans un autre milieu de travail, loin des gestionnaires qui lui avaient causé de la détresse.En outre, comme l’avait recommandé la spécialiste traitante, le détachement était la mesure d’adaptation privilégiée.Étant donné que le PE réglait en grande partie les questions de harcèlement et de mesures d’adaptation, je ne vois pas en quoi il privait la plaignante de ses droits.

127        La plaignante avait de sérieux doutes sur la démission qu’on lui imposait, mais il était évident qu’un détachement et, éventuellement, une mutation dans un autre ministère constituaient la solution optimale.Plusieurs sources l’ont confirmé : la psychologue traitante, M. Carrière et la plaignante, dans son témoignage et ses échanges de courriels pendant les négociations entourant le PE.

128        Je le répète, le PE servait à protéger l’emploi de la plaignante, en la retirant de son milieu de travail toxique. (Je ne me prononce pas sur la toxicité objective du milieu de travail, puisque l’employeur ne m’a présenté aucune preuve à cet égard; toutefois, il était évident qu’elle considérait son milieu de travail comme toxique et que sa psychologue traitante recommandait fortement qu’elle n’y retourne pas.)En échange de cette protection, elle devait mettre fin à toutes ses poursuites contre TPSGC relatives à son emploi là-bas.C’est la nature même des négociations – pour obtenir une chose, il peut être nécessaire de renoncer à une autre.Le fait que la plaignante comprenne mal l’ampleur de la renonciation à ses droits ne peut être attribué à l’agent négociateur.

129        À la lumière de la preuve que j’ai entendue, j’ai conclu que l’agent négociateur a agi de bonne foi, sans discrimination et de façon non arbitraire, afin de chercher à obtenir la meilleure solution aux problèmes de la plaignante en milieu de travail.Elle devait renoncer à poursuivre ses plaintes déposées en vertu de la LCDP (bien que ce qu’il advenait de la plainte n’était pas clair, étant donné que la CCDP l’avait refusée et que l’échéance pour demander un contrôle judiciaire était passée) et à la POV en vertu du CCT. Ces plaintes n’étaient plus actives puisqu’elle avait quitté TPSGC.Elle devait aussi démissioner  si aucune autre possibilité de détachement ou de mutation n’était offerte.Toutefois, la démission n’entrait pas en vigueur immédiatement – elle était conçue spécialement pour lui offrir la possibilité de continuer de travailler dans la fonction publique fédérale, ce qui s’est produit.La durée de la période de stage était directement attribuable à son statut, sans toutefois avoir été prolongée; elle avait été suspendue et devait reprendre avec la prise de mesures d’adaptation, comme les règles le prévoyaient.

130        J’insiste sur le fait que, contrairement à un commentaire formulé par la plaignante à l’audience selon lequel on ne fait que s’attirer des ennuis lorsque l’on fait valoir ses droits, c’est le contraire qui s’est produit en l’espèce, en grande partie en raison de son esprit d’initiative et de sa force.Tant la plainte relative aux droits de la personne que la plainte pour harcèlement au travail présentée en vertu du CCT ont souligné à TPSGC qu’il devait porter attention et trouver une solution à une situation de milieu de travail difficile.

131        La plaignante a obtenu des outils de négociation qui ont été utilisés pour négocier une solution qui n’est habituellement pas offerte à un employé en cours de stage.Elle a obtenu, dans le PE, le maintien de son statut d’emploi, tant qu’elle réussissait à obtenir des détachements ou des mutations. Autrement dit, même si elle avait signé une lettre de démission, cette dernière n’entrerait en vigueur que si elle échouait ailleurs.

132        Par définition, les employés en cours de stage n’ont généralement pas une deuxième chance de se faire valoir.La plaignante s’est vu offrir cette occasion.C’est la valeur de ce que l’agent négociateur a négocié pour elle.

133        Même si je refuse rejette sa plainte, je reconnais que les négociations et le PE ont causé un stress immense à la plaignante. Mais, en fin de compte, elle a surmonté les obstacles et a trouvé un autre poste pour une période indéterminée dans la fonction publique fédérale.Je crois que son agent négociateur l’a aidée à atteindre ce but, en la retirant d’un milieu de travail où elle ne pouvait pas exceller.

134        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

135        La plainte est rejetée.

136        Les pièces C-2, C-8, C-9, C-10, C-33, C-34, C-35, C-36 et C-37 ont été scellées sous ordonnance.

137        Des copies des documents admis en preuve et maintenant scellées (C-34, C-35, C-36 et C-10) se retrouvent dans le dossier de la Commission en tant que partie des observations de la plaignante (onglets E, P, S et T, respectivement, de ses observations datées du 9 juin 2015) et seront scellées.

Le 25 juillet 2017.

Traduction de la CRTESPF

Marie-Claire Perrault,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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