Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur a déposé une demande cherchant à faire exécuter une obligation alléguée de l’employeur de modifier le statut d’une employée saisonnière au statut d’employée saisonnière accréditée pour une période indéterminée parce qu’elle avait travaillé suffisamment d’heures prévues à l’horaire normal de travail et d’heures supplémentaires pour satisfaire au nombre d’heures exigées pour atteindre ce statut – la convention collective précise que 700 heures prévues à l’horaire normal de travail sont nécessaires – la Commission a conclu que la loi et la convention collective démontrent que les parties n’avaient pas l’intention d’inclure les heures supplémentaires dans le calcul des heures prévues à l’horaire normal de travail – pour atteindre le statut d’employé saisonnier accrédité pour une période indéterminée, un employé doit travailler les 700 heures prévues à l’horaire normal de travail, et les heures supplémentaires ne pouvaient pas être incluses dans le calcul.Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail au Parlement

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  • Date:  20170726
  • Dossier:  469-HC-18
  • Référence:  2017 CRTESPF 14

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

agent négociateur

et

CHAMBRE DES COMMUNES

employeur

Répertorié
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Chambre des communes


Affaire concernant un renvoi en vertu de l’article 70 de la Loi sur les relations de travail au Parlement


Devant:
Michael F. McNamara, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour l’agent négociateur:
Kim Patenaude, avocate
Pour l'employeur:
Carole Piette, avocate
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 14 et 15 septembre 2015.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I Renvoi effectué en vertu de l’article 70 de la Loi sur les relations de travail au Parlement

1        Le 13 février 2013, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») a déposé le présent renvoi en vertu de l’art. 70 de la Loi sur les relations de travail au Parlement (L.R.C. (1985), ch. 33 (2e suppl.); la « Loi ») devant l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP).L’article 70 prévoit un processus qui permet à une partie à une convention collective cherchant à faire exécuter une obligation qui, selon elle, découlerait de cette convention de renvoyer l’affaire à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral.

2        Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique(L.C., 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP) pour qu’il devienne respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (LRTSPF).

3        L’agent négociateur cherche à faire exécuter ce qu’il considère comme une obligation découlant de l’annexe F de sa convention collective avec la Chambre des communes pour les sous-groupes des Comptes rendus et de Traitement de texte (qui est arrivée à échéance le 30 juin 2011; la « convention collective »). Les détails suivants ont été indiqués dans la formule 17 que l’agent négociateur a déposé devant la Commission : « L’AFPC a eu connaissance de la situation d’Anne Morrison, qui a travaillé 702,5 heures en 2012; toutefois, le 1er janvier 2013, elle n’a pas été désignée en tant qu’employée conformément à l’annexe F de la convention conclue entre les parties. »

4        Voici la mesure corrective demandée :

  • une déclaration attestant que l’employeur a violé la convention collective;
  • une ordonnance conférant le statut d’« employé saisonnier accrédité pour une période indéterminée » (l’« employé ESAI ») à quiconque a franchi le seuil des 700 heures travaillées au cours d’une année, comme il est indiqué à l’annexe F de la convention collective;
  • tout autre redressement jugé nécessaire pour remettre la personne touchée dans sa position antérieure.

5        La question que soulève ce renvoi vise à déterminer si les heures supplémentaires faites par des employés à temps partiel ou des employés saisonniers de l’unité de négociation en cause devraient être incluses dans le calcul du seuil de 700 heures qui confère le statut d’employé ESAI, conformément à l’annexe F de la convention collective.

6        L’employeur affirme que les heures supplémentaires ne sont pas incluses dans ce calcul et qu’elles ne l’ont jamais été. L’agent négociateur soutient qu’elles devraient être incluses et que l’employeur viole la convention collective en omettant de le faire.

7        Je conclus que l’employeur a raison. La position selon laquelle les parties entendaient inclure les heures supplémentaires dans le seuil de 700 heures pour les employés ESAI n’est pas soutenue par le libellé de la Loi ou par le texte de la convention collective.

II. Le libellé de la Loi et de la convention collective

8        La Loi prévoit la définition suivante d’un « employé » :

3 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

[…]

employé Personne attachée à l’employeur, même si elle a perdu cette qualité par suite d’un congédiement contraire à la présente partie ou à une autre loi fédérale, mais à l’exclusion des personnes :

[…]

b) qui ne sont pas habituellement astreintes à travailler plus de sept cents heures par année civile ou, si cette période est supérieure, plus du tiers du temps normalement exigé de personnes exécutant des tâches semblables […]

[Je souligne]

9        L’article 2 de la convention collective prévoit entre autres ce qui suit :

2.01 Aux fins de l’application de la présente convention :

[…]

r) « Employé(e) saisonnier accrédité pour une période indéterminé (ESAI) (à plein temps ou à temps partiel) » désigne l’employé(e) travaillant habituellement plus de sept cents (700) heures, mais moins de mille huit cent vingt (1 820) heures au cours d’une année civile. L’employé (e) ESAI peut être appelé à travailler par quarts et à faire des semaines de plus ou de moins de trente-cinq (35) heures de travail définies à l’annexe « F » au terme de cette convention. Ses heures de travail sont établies sous réserve des besoins du service et de la conventioncollective. Ses conditions d’emploi sont déterminées par l’Article 40 de la convention collective et le Protocole d’entente, appendice « F ». L’employé(e) saisonnier accrédité indéterminé peut être radié temporairement de l’effectif lorsqu’il n’y a pas de travail.

2.02   Sauf indication contraire dans la présente convention, les expressions qui y sont employé(e)s,

a) si elles sont définies dans la Loi sur les relations de travail au Parlement, ont le même sens qui leur est donné dans cette Loi […]

[Je souligne]

10        Les extraits pertinents de l’annexe F de la convention collective indiquent ce qui suit :

ANNEXE F

PROTOCOLE D’ENTENTE

Sujet : EMPLOYÉ(E)S SAISONNIERS ACCRÉDITÉS POUR UNE PÉRIODE INDÉTERMINÉE (ESAI)

Il faut appliquer/respecter les conditions énoncées ci-après pour obtenir ou perdre le statut d’employé(e) saisonnier accrédité pour une période indéterminée.

  1. Une personne qui travaille sept cents (700) heures au cours d’une année civile obtiendra le statut d’employé(e) ESAI à compter du 1er janvier de l’année subséquente où le seuil de sept cents (700) heures aura été franchi. La convention collective et les conditions d’emploi portant sur l’employé(e) ESAI commenceront à s’appliquer le premier jour où l’emploi reprend au cours de cette année.
  2. L’employé(e) ESAI qui travaille moins de sept cents (700) heures en deux (2) années consécutives cesse d’être considéré comme employé(e) ESAI dès le 31 décembre de la deuxième année de la période de deux (2) années consécutives au cours de laquelle il n’a pas atteint le seuil de sept cents (700) heures.
  3. En raison de l’irrégularité de la charge de travail au cours des années électorales et des années de prorogation, les années comptant moins de cent dix (110) jours de séance n’entrent pas dans le calcul du nombre d’heures connexe à la perte du statut d’employé(e) ESAI. Par conséquent, si l’employé(e) ESAI travaille moins de sept cents heures (700) pendant une année comprenant moins de cent dix (110) jours de séance, l’écart ne peut être invoqué pour lui retirer son statut.
  4. Aux fins du calcul du seuil de sept cents (700) heures, les congés accordés aux termes des alinéas 12.1 O et 12.11 pendant une année civile sont considérés comme des heures travaillées.

[…]

10. Rémunération des heures supplémentaires

Les employés saisonniers accrédités indéterminés (SAI) sont rémunérés pour les heures supplémentaires effectuées, mais, à la demande de l’employé et avec l’approbation de l’Employeur, ces heures supplémentaires peuvent être rémunérés en congé payé d’une période équivalente comme suit :

[…]

d) Les heures supplémentaires rémunérées en temps équivalent ne sont pas tenues en compte dans le calcul :

  1. de l’emploi continu;
  2. des crédits de congé de maladie accumulés;
  3. des heures de travail effectuées pour obtenir et conserver le statut d’employés ESAI;
  4. de tout autre avantage prévu dans la présente convention.

Sous réserve de la présente convention, la demande de congé compensatoire ne peut pas être refusée sans motifs valables.

11.     Heures de travail

[…]

b) Généralités

Lorsqu’il y a du travail, l’Employeur fait tous les efforts raisonnables pour porter au maximum le nombre d’heures de travail prévu à l’horaire des employé(e)s ESAI.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’agent négociateur

11        L’agent négociateur a fait valoir que le libellé de l’annexe F ne renvoie qu’à « […]une personne qui travaille sept cents (700) heures au cours d’une année civile […] ».Il ne fait aucune différence entre les heures régulières et les heures supplémentaires pour franchir le seuil de 700 heures et atteindre le statut d’employé ESAI.

12        L’agent négociateur soutient que les dispositions fondamentales de l’annexe F doivent prévaloir en cas de conflit entre cette annexe et les définitions du terme « employé » dans la convention collective et dans la Loi.

13        L’agent négociateur affirme que les heures supplémentaires représentent une partie considérable des heures travaillées par les employés en question, et ce, même s’il reconnaît qu’elles varient considérablement et qu’elles ne sont pas toujours prévisibles. Même si les employés ne sont habituellement pas tenus de faire des heures supplémentaires, la vaste majorité d’entre eux le font.Par conséquent, les heures supplémentaires devraient être incluses dans le nombre total d’heures travaillées au cours d’une année.

14        La clause 10d) de l’annexe F porte sur la rémunération des heures supplémentaires en congé payé et il exclut précisément ces heures du calcul du seuil de 700 heures. On indique ainsi à l’agent négociateur que les heures supplémentaires travaillées et rémunérées en salaire, plutôt qu’en congé payé compensatoire, devraient être incluses dans les 700 heures.

B. Pour l’employeur

15        L’employeur soutient que la définition du terme « employé(e)s ESAI » à la clause 2.01r) de la convention collective ne contredit pas l’annexe F, comme le sous-entend l’agent négociateur.En fait, il est plus précis que l’annexe F.

16        Le mot « habituellement » utilisé à la clause 2.01 et dans la définition du terme « employé » prévue par la loi signifie « la plupart du temps, généralement, d’habitude ». L’employeur est d’avis que les heures supplémentaires ne sont pas travaillées habituellement au sens de ces définitions. De même, l’interprétation des mots utilisés dans la LRTSPF renvoie à des heures de travail normales à l’horaire.

17        Les heures supplémentaires ne sont pas obligatoires et ne sont pas établies d’avance. La variation considérable dans le nombre d’heures supplémentaires travaillées pendant des années successives, comme l’indiquent les pièces 6 à 13, est attribuable à la nature même du travail.Elle est déterminée en fonction des jours de séance de la Chambre des communes et de l’année en question (par exemple, s’il s’agit d’une année électorale).Les heures supplémentaires issues de ces variations de travail se situent en dehors de l’horaire régulier des employés et ne sont pas requises habituellement.

18        Selon la clause 10d) de l’annexe F, les heures supplémentaires rémunérées en temps équivalent ne sont pas incluses dans le calcul des heures travaillées, ce qui ne laisse place à aucune ambiguïté. Ce libellé ne fait que préciser et étayer davantage l’argument de l’employeur selon lequel les heures supplémentaires ne devraient pas être incluses dans le calcul des 700 heures travaillées, peu importe si elles ont été payées, ou rémunérées en temps équivalent.

IV. Motifs

19        Les parties ont chacune appelé des témoins ayant participé au processus de négociation d’un protocole d’entente (PE) qui est devenu l’annexe F de la convention collective, même si elles sont toutes deux d’avis que le libellé est clair. Les témoins ont présenté leur compréhension de l’intention des parties lorsqu’elles ont négocié le PE.Je conclus que le libellé de la convention collective est sans équivoque.Par conséquent, je ne m’appuie pas sur la preuve extrinsèque, que je n’exposerai pas non plus.

20        Il n’y avait aucun différend réel entre les parties en ce qui concerne la nature des heures supplémentaires, qui surviennent souvent, sans être prévues et obligatoires, et qui varient grandement.

21        Je suis d’avis que la définition du terme « employé(e)s ESAI » prévue à la clause 2.01r) de la convention collective ne contredit pas l’annexe F; elle doit plutôt être lue avec celle-ci. Elle précise avec les mots « travaillant habituellement » que la référence à « […] une personne qui travaille sept cents (700) heures […] », que l’on trouve à l’annexe F s’entend d’une personne qui travaille 700 heures prévues habituelles.

22        La définition du terme « employé » prévue à l’art. 3 de la Loi, présente une exception pour « […] une personne qui n’est pas habituellement astreinte à travailler plus de sept cents heures par année civile […] ». Les heures supplémentaires volontaires travaillées par les employés de cette unité de négociation ne sont pas requises habituellement.

23        La CRTFP a tranché une question semblable dans Bigdeli-Azari c. Administrateur général (ministère des Anciens Combattants), 2011 CRTFP 126, où elle s’est penchée sur l’exception suivante à la définition d’employé dans la LRTSPF (à ce moment, la LRTFP) : « […] une personne qui n’est pas ordinairement astreinte à travailler plus du tiers du temps normalement exigé des personnes exécutant des tâches semblables […] ». Au paragraphe 20 de la décision, la CRTFP a déclaré ce qui suit :

[20] Il me semble raisonnable d’affirmer que, selon les faits devant moi, le nombre d’heures qu’une personne est « ordinairement astreinte » à travailler est le nombre d’heures prévues à son horaire normal de travail. Ainsi, un préposé polyvalent à temps plein est astreint à travailler 37,5 heures par semaine. Si la preuve démontrait que M. Bigdeli-Azeri était ordinairement astreint à travailler plus du tiers de ces heures, je conclurais qu’il est un fonctionnaire au sens de la Loi mais ce n’est pas le cas […]

24        La CRTFP a accepté la preuve présentée par le fonctionnaire s’estimant lésé, selon laquelle il acceptait régulièrement de faire des remplacements à la dernière minute, deux ou trois fois par semaine, ce qui fait que ses heures de travail moyennes dépassaient du tiers ses heures normales. Toutefois, elle a conclu que les heures prévues à son horaire normal, qu’il devait travailler, n’étaient pas supérieures au seuil d’un tiers.

25        J’en arrive à la même conclusion. Pour atteindre le statut d’employé ESAI, un employé doit travailler 700 heures prévues habituelles.Les heures supplémentaires ne sont pas incluses dans le calcul.

26        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

27        Je conclus que l’employeur n’a pas violé la convention collective.

Le 26 juillet 2017.

Traduction de la CRTESPF

Michael F. McNamara,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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