Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé s’est blessé au travail et est parti en congé – il a déposé une plainte relative aux droits de la personne, conformément à l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) – l’entente de règlement approuvée par la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) exigeait le remboursement de son salaire – les modalités de l’entente de règlement précisaient que le défendeur était tenu de verser sa partie des cotisations au régime de retraite – le fonctionnaire s’estimant lésé a reçu un chèque, mais aucune explication n’a été fournie quant au calcul du montant – des années plus tard, après avoir mené une enquête, l’employeur a découvert que les cotisations au régime de retraite n’avaient pas été déduites du montant qui avait été versé en guise de règlement – le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que la tentative de l’employeur de recouvrer les fonds était liée à un motif discriminatoire et violait l’article 19 de la convention collective – la Commission a conclu que le fonctionnaire n’avait pas établi que la tentative de recouvrement de l’employeur était liée à un motif de distinction illicite prévu par la LCDP – en l’absence d’un litige concernant l’interprétation ou l’application de la convention collective, la Commission n’a pas compétence – la question en litige concernait l’exécution d’une plainte devant la CCDP – la Commission ne peut prévoir de recours dans de tels cas.Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20170531
  • Dossier:  566-02-9817
  • Référence:  2017 CRTEFP 60

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique


ENTRE

COLIN BASSETT

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Bassett c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Leslie Robertson, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Caroline Engmann, avocate
Affaire entendue à Moncton (Nouveau-Brunswick)
et à Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard),
les 25 et 26 août 2016 et le 24 janvier 2017.

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1        Colin Bassett, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), conteste l’initiative de l’employeur (le « Service correctionnel du Canada ») de récupérer, à même son salaire, des cotisations de retraite qui n’avaient pas été déduites, tel qu’il est requis, à partir d’un paiement qui lui a été versé dans le cadre du règlement d’une plainte relative aux droits de la personne qu’il avait déposée. Le fonctionnaire a allégué que cette mesure constituait une mesure discriminatoire supplémentaire, qui contrevenait à l’article 19 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada, pour le groupe Services des programmes et de l’administration (tous les employés), qui venait à échéance le 20 juin 2014 (la « convention collective »).

2        Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 27 mai 2014. Le même jour, la Commission canadienne des droits de la personne (la « CCDP ») a été informée du grief, conformément au Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique. Après avoir dit qu’elle prendrait part au processus, la CCDP a indiqué, le 26 août 2014, qu’elle n’entendait plus formuler d’observations sur cette question.

3        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission ») qui remplace l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique et l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique. La Commission a entendu ce grief en vertu des dispositions législatives de mise en œuvre connexes.

II. Résumé de la preuve

4        Le grief a été déposé à la suite d’un paiement versé dans le cadre du règlement d’une plainte relative aux droits de la personne que le fonctionnaire a déposée contre l’employeur. Le grief a été déposé en vertu de l’article 19 de la convention collective. Il alléguait que la mise en œuvre de l’entente de règlement constituait une mesure discriminatoire supplémentaire à l’égard du fonctionnaire. Les parties ont produit un exposé conjoint des faits, qui indique ce qui suit :

[Traduction]

1. Les parties sont liées par la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada, pour le groupe Services des programmes et de l’administration, qui arrive à échéance le 21 juin 2014 (pièce 1, convention collective).

2. Colin Bassett a commencé à travailler au Service correctionnel du Canada (le « SCC ») en avril 2002, dans le cadre d’une série de contrats en tant qu’agent de libération conditionnelle (WP04), à Toronto.

3. À l’automne 2004, M. Bassett a souffert d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT) attribuable à son travail, conformément à la décision rendue par la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (la « CSPAAT ») le 17 août 2009.

4. M. Bassett a déposé une plainte relative aux droits de la personne en mars 2005, dans laquelle il a fait une allégation de discrimination conformément à la Charte canadienne des droits de la personne. Cette plainte a été réglée en mars 2009. Aux fins du présent grief, voici les extraits pertinents du procès-verbal du règlement :

  • [2] Le défendeur et le plaignant conviennent que le plaignant sera réintégré à son emploi à temps plein pour une période indéterminée auprès du défendeur, à un poste de niveau WP -04, à compter du 1er avril 2005. Il est entendu que, du 11 décembre 2004 au 31 mars 2005, le plaignant aura été en congé de maladie non payé.
  • [13] Dans les soixante jours suivant la date où le défendeur est informé que la Commission canadienne des droits de la personne a approuvé le présent procès-verbal de règlement, il entreprendra, conformément à l’al. 53(2)c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (ci-après la « Loi ») d’indemniser le plaignant pour le traitement dû à un employé nommé pour une période indéterminée à temps plein lorsque l’effectif est complet pour son emploi auprès du défendeur, y compris toute augmentation rétroactive prévue selon les modalités de la convention collective, tous les crédits de congé de maladie, tous les crédits de congé annuel, l’indemnité pour la surveillance des délinquants et les cotisations de retraite rétroactivement au 1er avril 2005, sous réserve des déductions et des rajustements effectués pour tenir compte des sommes ou des prestations reçues d’autres sources.
  • [15] Il est entendu que le défendeur est tenu de verser sa partie des cotisations de retraite à la Direction des pensions de retraite et il présentera une confirmation écrite à cet égard au plaignant. (Pièce 2, procès-verbal du règlement).

5. Le 6 juillet 2009, l’employeur a remis à M. Bassett un chèque de 53 424,93 $, qui correspondait au paiement requis en vertu de la clause 13 du procès-verbal du règlement. (Pièce 3, lettre du 6 juillet de Ron Stolz, Service correctionnel du Canada)

6. Le 9 août 2012, M. Bassett a envoyé le courriel suivant à la Section de la rémunération et des avantages sociaux :

  • Je demande confirmation que mes cotisations de retraite ont été payées en totalité du mois d’avril 2002 à ce jour. Je suis préoccupé par le fait que, pendant ma période d’accident de travail, d’octobre 2004 à mars 2009 (laquelle a été approuvée rétroactivement par la CSPAAT de l’Ontario), il est possible que je n’aie pas versé mes cotisations ouvrant droit à pension. (Pièce 4, courriel du 9 août 2012, envoyé par Colin Bassett à GEN-ATL RHQ Rémunération et avantages sociaux.)

7. Les recherches menées relativement au courriel du 9 août 2012 de M. Bassett ont indiqué que la partie de l’employé des cotisations de retraite n’avait pas été versée.

8. Le 18 avril 2013, M. Bassett a été informé que l’employeur allait amorcer une mesure de recouvrement d’un montant de 21 346,08 $ pour les cotisations en souffrance qui n’ont pas été perçues du 11 décembre 2004 au 5 août 2009.

9. M. Bassett a déposé un grief daté du 23 mai 2013 (pièce 4, grief).

10. Le 12 août 2013, le président du Syndicat des employés du Solliciteur général (SESG) a écrit au commissaire du SCC afin de demander à l’employeur d’utiliser son pouvoir discrétionnaire et de verser un paiement ponctuel à titre gracieux à M. Bassett pour la somme due (pièce 6, lettre de John Edmunds du 12 août).

11. Le 26 août 2013, le SCC a écrit au président du SESG afin de l’informer qu’un examen complet de la question du paiement excédentaire serait terminé d’ici le 20 septembre 2013 (pièce 7, lettre du 26 août 2013 de Don Head).

12. Le 28 janvier 2014, l’employeur a rencontré le fonctionnaire afin d’expliquer les cotisations en souffrance et le plan de versement; il a ensuite envoyé une lettre de suivi indiquant la même chose (pièce 8, lettre du 28 janvier 2014 d’Annie Babin).

[Sic pour l’ensemble de la citation]

5        Le fonctionnaire a fait valoir qu’en 2009, lorsqu’il a reçu le paiement de l’employeur conformément au procès-verbal du règlement, il ignorait le montant qu’il recevrait, mais il s’attendait à ce que l’employeur déduise ses cotisations de retraite. Lorsqu’il a reçu le chèque, aucune explication n’a été fournie quant au calcul du montant. Il n’avait aucune raison de croire que le montant qu’il avait reçu était erroné et que les cotisations de retraite n’avaient pas été déduites.

6        En février 2011, le fonctionnaire s’est aperçu que l’employeur avait commis des erreurs en calculant ses prestations. Il a écrit à l’employeur à ce sujet. En mars 2011, l’employeur l’a informé qu’une erreur avait été commise dans le calcul de son paiement forfaitaire et que 20 jours n’avaient pas été payés. Un paiement pour cette période a été joint à la lettre du 10 mars 2011, dans laquelle on confirmait le moins-perçu.

7        En août 2012, le fonctionnaire a de nouveau communiqué avec l’employeur, cette fois pour savoir si ses cotisations de retraite avaient été versées en entier de 2002 à 2012. Il était préoccupé par la question de savoir si les contributions avaient été versées pendant la période où il a touché des indemnités d’accident du travail.

8        Le fonctionnaire a indiqué qu’il était troublé d’avoir à [traduction] « faire du gardiennage » relativement à la mise en œuvre d’une entente qui devait mettre un terme aux [traduction] « bouleversements » causés par l’employeur. Chaque erreur commise par l’employeur au cours de la mise en œuvre de l’entente de règlement le bouleversait de nouveau. Il a demandé à l’employeur de reconnaître et d’avouer les répercussions de ses omissions. Selon ses souvenirs, il n’a reçu aucune réponse à ses demandes. Selon lui, il n’aurait pas dû avoir à écrire à l’employeur pour veiller à ce que ce dernier effectue les paiements convenus conformément au procès-verbal du règlement. Étant donné l’entente de règlement, le fonctionnaire a fait valoir qu’il n’aurait pas dû se retrouver avec une dette de 21 000 $.

9        Une longue période s’est écoulée avant que l’employeur confirme que les cotisations de retraite n’avaient pas été versées. Le fonctionnaire a de nouveau consulté son agent négociateur, qui est intervenu auprès du commissaire du SCC afin de lui demander de verser un paiement ponctuel à titre gracieux au fonctionnaire pour le montant requis afin d’effacer les cotisations de retraite en souffrance. L’employeur a refusé.

10        Le 28 janvier 2014, il a informé le fonctionnaire que les cotisations de retraite à son régime de pension en souffrance seraient récupérées à même sa paie et que le montant de 80,60 $ serait déduit des 250 paies suivantes, à compter du 26 février 2014. Le fonctionnaire a souligné qu’il était d’accord avec ces déductions jusqu’à ce qu’un tiers rende une décision à l’égard son grief. Il n’avait pas d’autre choix; l’employeur avait recouru à l’intimidation pour lui faire accepter le plan proposé de récupération des cotisations en souffrance.

11        Dans son témoignage, le fonctionnaire a fait valoir qu’entre 2004 et 2009, il a épuisé toutes les ressources financières à sa disposition. Il a épuisé ses congés de maladie et ses prestations d’assurance-emploi et, lorsque ces recours ont été épuisés, il a attendu 12 mois avant que la Sun Life et la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail reconnaissent ses réclamations. Il n’a fait l’objet d’aucun rétablissement et n’a reçu aucun revenu durant cette période. Il a passé de longues périodes sans revenu. De 2004 à 2009, il a payé lui-même sa thérapie, ses médicaments et ses frais de transport. Il a vécu pendant quatre ans et demi dans le sous-sol de la maison de ses parents, à l’Île-du-Prince-Édouard, à bout de souffle financièrement. En 2009, sa dette s’élevait à environ 50 000 $.

12        Le 6 juillet 2009, l’employeur a envoyé au fonctionnaire un chèque [traduction] « de 53 424,93 $ pour le paiement lié au point no 13 de l’entente de règlement » (pièce 3, onglet 3). Le 21 juillet 2009, le fonctionnaire s’est acheté une maison et il a fait une mise de fonds de 29 000 $, qu’il a pris du paiement forfaitaire reçu de l’employeur. En 2014, lorsque l’employeur a commencé à récupérer les cotisations au régime de pension, le fonctionnaire vivait d’un chèque à l’autre; il avait besoin des 200 $ par mois qui avaient commencé à être déduits de sa paie parce que l’employeur n’avait pas mis en œuvre l’entente de règlement de manière appropriée. Il a souligné que la majeure partie du règlement avait servi au remboursement de la dette qu’il avait contractée à la suite des tentatives qu’il a déployées pour corriger la discrimination qu’il a subie de la part de l’employeur. Les répercussions négatives sur sa vie que lui a causé la déduction mensuelle des 200 $ supplémentaires étaient directement liées au procès-verbal du règlement et à l’omission de l’employeur de s’acquitter de ses obligations.

13        Le fonctionnaire a désigné le commissaire du SCC en tant qu’auteur particulier de la discrimination à son égard. Cette personne avait le contrôle, la possibilité et le pouvoir de faire cesser la récupération des cotisations de retraite, ce qui aurait mis fin au bouleversement du fonctionnaire; elle ne l’a pas fait. La discrimination de l’employeur à l’égard du fonctionnaire s’est donc poursuivie, ce qui constitue une violation de l’article 19 de la convention collective.

14        Le fonctionnaire a fait valoir que la production de sa déclaration de revenus lui avait causé un [traduction] « mal de tête terrible » et que ses déclarations avaient été « dans un fouillis » pendant au moins trois ans après la réception du paiement de l’employeur. Au terme de ce processus, sa dette fiscale s’élevait à environ 40 000 $. Lorsqu’il a reçu son relevé T4 pour l’année 2010, il a supposé que tout ce qui aurait dû être déduit à même le paiement forfaitaire, y compris ses cotisations de retraite, l’avait été.

15        Le fonctionnaire a toujours eu l’intention de verser des cotisations à son régime de pensions pour toute la période où il a été absent du travail, soit de 2004 à 2009. Il entendait toucher son revenu de pension complet à la fin de sa carrière. En août 2012, il a tenté de parler au conseiller en rémunération et en pension de l’employeur par courriel (pièce 3, onglet 9), mais son niveau de frustration à l’égard de l’employeur n’a fait qu’augmenter. Il ne se souvient pas que l’employeur ait tenté de lui fournir des réponses, hormis un vague souvenir d’une correspondance par courriel (pièce 4) sur ses questions. Il a souligné qu’il ne se souvenait d’aucun événement qu’il jugeait traumatisant.

16        En guise de conclusion, le fonctionnaire a souligné qu’il reconnaissait son obligation de verser des cotisations de retraite. Il a toutefois indiqué qu’étant donné que l’employeur avait l’obligation de faire les déductions à même le paiement forfaitaire et de se conformer aux modalités du procès-verbal du règlement, il incombe à ce dernier de les payer, et pas à lui.

17        Le psychothérapeute du fonctionnaire, Bill Campbell, a témoigné en son nom. La représentante de l’employeur s’est opposée à l’inclusion du témoignage de M. Campbell au motif qu’il n’était pas pertinent au grief. J’ai accepté la preuve, à condition qu’on garantisse qu’elle soit évaluée aux fins de la pertinence à l’affaire dont je suis saisie. Je conclus qu’elle n’est que très peu pertinente pour déterminer si l’employeur a fait preuve de discrimination à l’égard du fonctionnaire en exigeant qu’il paye ses cotisations de retraite en souffrance.

18        Toutefois, le témoignage de M. Campbell est quelque peu pertinent pour expliquer les écarts dans les souvenirs du fonctionnaire. Selon M. Campbell, le fonctionnaire a tendance à oublier certains événements. Il réagit émotivement plutôt qu’intellectuellement aux événements qui surviennent. Le fait d’être informé qu’il devait des cotisations de retraite a ouvert la porte à toutes les questions que le fonctionnaire espérait régler avec le règlement de sa plainte relative aux droits de la personne. Selon M. Campbell, le fait d’être contraint à rembourser le trop-payé aggraverait les symptômes du fonctionnaire.

19        Patty Allain travaille comme conseillère principale au Centre des pensions du gouvernement du Canada. Elle gère les cas de pension complexes, comme celui du fonctionnaire, mais elle n’a pas géré son cas particulier. Elle a souligné qu’en vertu de la Loi sur la pension de la fonction publique (L.R.C, 1985, ch. P-36; la « LPFP ») et de son règlement, les employés du gouvernement fédéral doivent cotiser au régime de pension sous la forme de retenues sur la paie, qui sont transmises au centre de pensions, déclenchant ainsi le paiement de la partie de l’employeur des cotisations. Si un employé est en congé non payé, il peut continuer de payer ces déductions jusqu’à son retour au travail, ou attendre son retour au travail et les payer au moyen d’un paiement forfaitaire, d’un transfert de régime d’épargne-retraite, de chèques postdatés, de déductions sur la paie supplémentaires ou d’un ensemble de ces méthodes. Il est possible de renoncer aux cotisations de retraite uniquement si l’employé choisit de ne pas inclure les périodes sans salaire dans le calcul de son service ouvrant droit à pension.

20        La représentante du fonctionnaire a reconnu que le fonctionnaire est tenu de payer ses cotisations de retraite et que le montant désigné comme exigible était fondé sur la loi.

21        Nathalie Brideau était gestionnaire de la rémunération par intérim de la région de l’Atlantique du SCC en 2013. Elle a été impliquée dans le dossier du fonctionnaire en août ou en septembre 2013, lorsque l’administration centrale du SCC a voulu connaître ses antécédents d’emploi. Au moment de compiler ses antécédents d’emploi, elle a déterminé que le fonctionnaire avait été radié de l’effectif alors qu’il recevait des prestations d’assurance-invalidité. Pendant cette période, et lorsqu’il touchait des indemnités d’accident du travail, il n’a pas versé ses cotisations de retraite. La Division des finances de la région de l’Ontario du SCC était responsable de mettre en œuvre l’entente relative à ces absences. La section de la rémunération ignorait qu’une entente avait été conclue.

22        Selon son témoignage, le fonctionnaire a rencontré Mme Brideau en janvier 2014. Ils ont discuté des retenues sur la paie et de la somme due dans son compte de pension. Elle lui a dit que les déductions devaient commencer à être effectuées le plus tôt possible.

23        Tiffany Williams était superviseure de la rémunération pour la région de l’Ontario du SCC au moment pertinent. Elle a mentionné que la Division des finances de l’employeur traitait les paiements forfaitaires en ce qui concerne les jugements relatifs aux dommages. Les chèques qui ont été émis au fonctionnaire en 2009, en ce qui concerne les dommages, et en 2011, lorsque ses droits ont été recalculés, provenaient de la  Division des finances et non des Services de la rémunération et des avantages sociaux. La division responsable de veiller à la déduction des cotisations de retraite ignorait que des paiements avaient été versés au fonctionnaire; il était donc impossible de veiller à ce que les cotisations de retraite soient déduites.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

24        Ce grief a été déposé en raison d’une erreur commise par l’employeur au moment de mettre en œuvre une entente de règlement entre le SCC et le fonctionnaire en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C., 1985, ch. H-6; la « LCDP »). L’employeur a enfreint l’article 19 de la convention collective en omettant de mettre en œuvre de manière appropriée le procès-verbal du règlement, ce qui a aggravé davantage les problèmes de santé existants du fonctionnaire. Il a souligné que la mise en œuvre de l’entente avait eu l’effet contraire et n’avait pas eu le résultat escompté dans le cadre du procès-verbal du règlement, au contraire. Chacun devait passer à autre chose et poursuivre la relation d’emploi. L’erreur relevée bon nombre d’années après la signature du règlement a été source de détresse, bien qu’involontaire.

25        Le fonctionnaire a reconnu qu’une erreur avait été commise, mais il a souffert de cette erreur. Il n’affirme pas que les cotisations de retraite et que les cotisations supplémentaires pour avantages sociaux n’auraient pas dû être déduites. Il allègue plutôt que l’employeur était préclus d’exiger le remboursement de ces paiements quatre ans et demi après avoir reçu le paiement en vertu du procès-verbal du règlement. Il demande à l’employeur de lui verser à titre gracieux la somme de 21 274,04 $.

26        Le fonctionnaire s’appuie sur la doctrine équitable de la préclusion, qui, selon Lord Denning, un juriste britannique reconnu et respecté, constitue le recours équitable le plus souple et le plus utile. Le fonctionnaire reconnaît qu’il n’en est pas question dans le grief et le recours demandé. Néanmoins, la Commission a le pouvoir d’appliquer cette doctrine dans ces circonstances.

27        L’employeur avait une obligation de diligence à l’égard du fonctionnaire et il aurait dû s’en acquitter au moment de mettre en œuvre le procès-verbal du règlement, particulièrement étant donné qu’il était au courant de son état de santé. Il ne s’agit pas d’un cas typique de trop-payé que l’employeur a tenté de récupérer. Le grief porte sur une erreur commise au moment de mettre en œuvre la clause 13 du procès-verbal du règlement, en 2009, et dont le fonctionnaire n’a eu connaissance qu’en 2012.

28        La proposition du fonctionnaire repose sur un fondement juridique. En vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C., 1985, ch. F-11), le commissaire du SCC peut, à sa discrétion, verser un paiement à titre gracieux au fonctionnaire, qui pourrait servir à payer les arriérés au régime de pension (voir Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition, aux paragraphes 2:2211 et 2:2220).

29        Le premier paiement versé par l’employeur en vertu de la clause 13 a été désigné comme étant le montant exact et définitif à verser en vertu de l’entente de règlement. L’employeur n’a pas expliqué comment le montant avait été calculé ou pourquoi les cotisations de retraite du fonctionnaire n’avaient pas été déduites. Pendant cinq ans, l’employeur n’a jamais tenté de récupérer le trop-payé; le fonctionnaire avait donc un motif de croire que le paiement qu’il avait reçu était exact. Il ne lui incombait pas de veiller à ce que les déductions du régime de pension soient faites ou de savoir si elles avaient été faites.

30        L’employeur a promis que le montant payé au fonctionnaire était complet et définitif, ce qui a été confirmé par cinq années de silence. Le fonctionnaire s’est fié, à son détriment, à l’observation de l’employeur voulant que le montant versé soit complet et définitif. Il n’est pas équitable de revenir sur l’entente de règlement conclue afin de régler la plainte relative aux droits de la personne. Par souci d’équité, la Commission devrait ordonner à l’employeur de verser un paiement à titre gracieux en raison de sa violation de l’entente de règlement selon laquelle le paiement versé au fonctionnaire serait complet et définitif, et ce, au moyen de la doctrine équitable de la préclusion. Étant donné les répercussions sur les droits de la personne, le contexte dans lequel le paiement a été fait et les répercussions continues sur le fonctionnaire, l’émission d’une telle ordonnance à l’égard de l’employeur constitue une mesure équitable.

31        Le fonctionnaire ne demande pas des dommages par suite d’une violation de la LCDP. Cette question a été mentionnée uniquement parce que le trop-payé était directement lié à son état de santé et à l’entente de règlement conclue précédemment en vertu de la LCDP. Les mesures prises par l’employeur ont causé du stress au fonctionnaire, ce qui a aggravé son trouble de stress post-traumatique (TSPT) existant. L’article 7 de la LCDP s’applique en raison des effets négatifs qui ont découlé d’une pratique neutre et qui, par conséquent, ont eu des répercussions sur l’invalidité du fonctionnaire. Les troubles émotionnels causés par le fardeau financier et la réouverture du procès-verbal de règlement l’ont rendu vigilant à l’égard de sa mise en œuvre. L’obligation de diligence de l’employeur, qui doit veiller à mettre en œuvre adéquatement le procès-verbal de règlement, découle de sa connaissance de l’état du fonctionnaire.

32        Dans Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpson-Sears [1985] 2 R.C.S. 536 (« O’Malley »), on énonce en quoi consiste la discrimination indirecte. En l’espèce, le fonctionnaire souffrait d’un TSPT directement lié à son emploi. En 2005, il a déposé une plainte en vertu de la LCDP, qui a été réglée au moyen du procès-verbal de règlement. L’entente de règlement avait pour objet de l’indemniser intégralement. Lorsqu’il a reçu un chèque de l’employeur, il a supposé que les calculs étaient exacts et, pour cette raison, il n’a pas pu passer à autre chose. L’employeur n’a fourni aucune explication quant aux calculs effectués pour établir le solde.

33        En 2009, lorsque le paiement a été versé, la situation financière du fonctionnaire était un cafouillis. Il s’est fié au paiement de l’employeur pour déménager et s’acheter une maison et une voiture (qui constituaient toutes des preuves concrètes de son rétablissement à la suite de sa blessure), ce qui a eu un effet préjudiciable. Il a utilisé 29 000 $ en guise de mise de fonds pour acheter sa maison. L’employeur a ensuite tenté de récupérer le trop-payé causé par son erreur. Le fonctionnaire demande des dommages en raison de la violation de l’employeur de son obligation de diligence à l’égard de ses arriérés au régime de pension.

34        Dans Lapointe c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 57, le fonctionnaire avait reçu un trop-payé de plus de 9 000 $. Il n’avait pas été rémunéré en fonction de l’échelon de rémunération approprié et cette situation a perduré durant les quatre années précédant son départ à la retraite. La récupération du trop-payé a nui à sa capacité de profiter de sa retraite. L’employeur aurait pu radier la dette, mais il ne l’a pas fait. L’employeur a induit le fonctionnaire en erreur pendant quatre ans, alors qu’il le payait en fonction d’un échelon de rémunération erroné. L’arbitre de grief a conclu qu’il s’agissait d’une promesse de l’employeur et a donc ordonné à ce dernier de rembourser les plus de 9 000 $ qu’il avait récupérés auprès du fonctionnaire.

35        Dans Molbak c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Impôt), dossier de la CRTFP 166-02-26472 (19950928), [1995] C.R.T.F.P.C. no 59 (QL), la fonctionnaire a reçu un trop-payé correspondant à 2 % de son salaire. Elle s’est acheté un immeuble en copropriété en fonction de son salaire surévalué. L’arbitre de grief a appliqué la doctrine de la préclusion, a accueilli le grief et a ordonné le remboursement du montant. Cette décision a été confirmée dans un contrôle judiciaire.

36        Dans Murchison c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2010 CRTFP 93, l’employeur a fait une erreur dans le calcul des congés disponibles à la fonctionnaire dans cette affaire, qui les a utilisés par la suite. L’employeur a découvert son erreur cinq ans plus tard et il a tenté de récupérer le trop-payé auprès de la fonctionnaire. L’arbitre de grief a conclu que l’employeur n’avait pas fait preuve de vigilance et qu’il n’était pas raisonnable d’avoir attendu cinq ans avant de récupérer ce trop-payé.

37        En l’espèce, le fonctionnaire a porté la question des déductions pour cotisations de retraite à l’attention de l’employeur en 2012. En avril 2013, l’employeur a confirmé qu’un trop-payé avait été versé. Quelque huit mois plus tard, et plus de quatre ans après la mise en œuvre de l’entente de règlement, l’employeur a demandé au fonctionnaire de verser ses cotisations de retraite de façon rétroactive. La préclusion est au cœur de l’argumentation du fonctionnaire.

38        L’exigence de rembourser l’employeur pourrait causer de nouveaux préjudices au fonctionnaire, ce que M. Campbell a confirmé. Le conflit avec l’employeur sur la mise en œuvre du règlement de sa plainte relative aux droits de la personne a été un élément déclencheur des symptômes du fonctionnaire. Si l’on permet la poursuite du remboursement, le stress supplémentaire qui en découlerait pourrait mettre la vie du fonctionnaire en danger.

39        Les témoins de l’employeur ont uniquement parlé du processus de calcul et de versement des cotisations de retraite et de l’obligation de les verser. En temps normal, les cotisations de retraite en souffrance sont identifiées et réglées dès qu’un employé retourne au travail après un congé non payé. Il ne fait aucun doute que les versements commencent dans les trois mois qui suivent le retour de l’employé. Aucun des témoins de l’employeur n’est parvenu à expliquer pourquoi cela n’avait pas été le cas pour le fonctionnaire. Comme dans Defoy c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-25506 (19941025), [1994] C.R.T.F.P.C. no 131 (QL), le fonctionnaire n’aurait pas acheté sa maison, n’eût été le fait qu’il supposait que le paiement qu’il avait reçu de l’employeur était exact. Le fonctionnaire s’est fié sur la lettre de l’employeur et sur un chèque, sans recevoir d’explication quant à la méthode de calcul utilisée pour arriver au montant indiqué sur le chèque.

40        Il existe un lien évident en matière de droits de la personne entre l’erreur et la façon dont l’employeur a récupéré le trop-payé. Ce recouvrement a eu un effet préjudiciable sur le fonctionnaire. L’employeur était au courant de sa maladie chronique, dont il avait été victime dans le cadre de son emploi. Ce recouvrement fait de lui une victime une fois de plus.

B. Pour l’employeur

41        La Commission n’a pas compétence pour trancher les griefs puisque le caractère véritable des griefs porte sur l’exigence, pour un employé, de verser des cotisations au Régime de pensions de retraite de la fonction publique en vertu de la LPFP. La question dont est saisie la Commission consiste à déterminer si l’employeur peut renoncer à l’obligation légale voulant que l’employé verse des cotisations de retraite. La réponse est non. Le fonctionnaire aurait pu choisir d’exclure la période où il n’a pas effectué de paiement du calcul de ses années de service ouvrant droit à pension. Toutefois, lorsqu’il a choisi de l’inclure, il était contraint de verser ses cotisations pour cette période, ce qui a déclenché le paiement de la partie de l’employeur.

42        Le choix appartenait au fonctionnaire. Il a reconnu qu’il avait l’obligation d’effectuer ces paiements. Il cherche maintenant à obtenir indirectement ce qu’il n’a pas pu obtenir directement. En vertu du procès-verbal du règlement, l’employeur a convenu de verser sa part des cotisations de retraite, ce qu’il n’aurait pas pu faire à moins que l’employé paie sa partie. Il demande essentiellement à la Commission d’ordonner à l’employeur de verser un paiement à titre gracieux qui correspond aux arriérés de ses cotisations de retraite ou, autrement dit, de payer à la fois la partie de l’employé et celle de l’employeur.

43        Il faudrait inclure une disposition sur la renonciation du paiement des cotisations de retraite dans la convention collective pour qu’une telle mesure s’inscrive dans la portée de la compétence de la Commission. L’article 113 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C., c. 22, art. 2; la « LRTFP »), prévoit qu’il est interdit d’inclure dans une convention collective toute modalité établie en vertu de la LPFP. Qui plus est, la Commission ne peut faire aucune ordonnance ayant pour effet de modifier les lois (voir al. 150(1)a) de la LRTFP et Association des juristes de justice C. Conseil du Trésor, 2009 CRTFP 20). La Commission n’a pas non plus le pouvoir de modifier une convention collective (art. 229 de la LRTFP). (Voir également Pelletier c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2001 CRTFP 117; Dodd c. Agence du revenu du Canada, 2015 CRTEFP 8; Barbot c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement), 2016 CRTEFP 113).

44        Le caractère véritable de ce grief porte sur l’obligation de payer la partie des cotisations de retraite de l’employé. Selon la clause 13 du procès-verbal du règlement, l’employeur n’est pas tenu de déduire les cotisations de retraite du fonctionnaire de la somme due en vertu du règlement. Si la clause 13 visait à inclure cette déduction, la clause 15, qui prévoit que l’employeur doit payer sa partie des cotisations de retraite, serait redondante puisque les cotisations versées par l’employeur auraient été déclenchées par le versement de la partie de l’employé. La Division des finances de l’employeur a recouru à la méthode de paiement forfaitaire pour donner au fonctionnaire autant d’argent que possible. S’il avait voulu contester cette méthode ou le montant qu’il avait reçu, il aurait pu recourir à la disposition relative à la médiation prévue à la clause 23.

45        Dans l’éventualité où la Commission tire la conclusion qu’elle a compétence, les principes énoncés dans Amos c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2009 CRTFP 61 s’appliquent. Mme Allain a fait valoir qu’il est impossible de renoncer aux cotisations si l’employé décide d’inclure des périodes de congé non payé dans son nombre total d’années de service ouvrant droit à pension. Selon la LPFP, l’employé est le contributeur. Le fait d’ordonner à l’employeur de verser des cotisations au nom du fonctionnaire nécessiterait la modification de la définition du terme « contributeur », ce qui est interdit.

46        Le fonctionnaire a affirmé que le versement du paiement forfaitaire à son égard constituait une affirmation de l’employeur que ses cotisations de retraite avaient été versées. Étant donné que la lettre en question ne contenait aucun détail, il est impossible de supposer que les cotisations de retraite avaient été déduites. Le fonctionnaire a présumé être indemnisé intégralement; si la question de sa pension revêtait une importance particulière à ses yeux, pourquoi n’a-t-il pas clarifié ce point à ce moment-là, voire plus tard, étant donné qu’il n’avait pas eu d’autres échanges avec l’employeur relativement à l’exactitude du paiement?

47        Aucun fondement ne peut soutenir un argument en faveur de la préclusion. L’employeur n’a jamais affirmé clairement qu’il déduirait les cotisations de retraite. Le procès-verbal du règlement n’est pas clair à ce sujet. Même dans le cadre des communications continues entre les parties, de 2009 à 2012, lorsque le fonctionnaire a soulevé la question, il n’y a eu aucune discussion au sujet de ses cotisations de retraite. Sur le relevé T4 qu’il a reçu en 2010, il était clairement indiqué qu’il n’avait versé aucune cotisation de retraite.

48        La lettre envoyée par l’employeur avec le premier chèque n’était pas claire ni exempte d’ambiguïté. L’employeur n’a pas indiqué qu’il avait effectué toutes les déductions pertinentes. Cette lettre ne suffit pas à étayer un argument de préclusion. Dans les affaires citées par la représentante de l’employé, les employeurs avaient commis des erreurs flagrantes et avaient affirmé de façon claire et sans équivoque que, malgré ces erreurs, les renseignements étaient exacts. Les fonctionnaires dans ces affaires se sont fiés à ces observations, ce qui leur a porté préjudice.

49        Dans la présente affaire, l’employeur n’a formulé aucune observation claire et sans équivoque et le fonctionnaire n’a posé aucun acte de confiance préjudiciable. Comment l’employeur aurait-il pu savoir qu’il utiliserait le montant qui lui a été versé dans le cadre du règlement de sa plainte sur les droits de la personne pour obtenir une hypothèque? On ne peut pas déduire ce que l’employeur a raisonnablement compris, et aucune preuve ne permet d’établir ce qu’il savait. La mesure dans laquelle les difficultés du fonctionnaire sont attribuables à sa confiance préjudiciable à l’égard des observations de l’employeur n’est pas claire.

50        En ce qui concerne la réparation demandée par le fonctionnaire, la Commission peut formuler une ordonnance de dommages s’il est démontré qu’il y a eu discrimination. Les paiements à titre gracieux sont régis par des politiques qui ne relèvent pas de sa compétence. La Commission ne peut ordonner à l’employeur d’exercer sa compétence en vertu de lois et de politiques distinctes. Aucune jurisprudence n’affirme qu’un désaccord sur la mise en œuvre du règlement d’une plainte sur les droits de la personne devient du harcèlement. Il faut étudier l’ensemble de la situation selon son contexte.

IV. Motifs

51        Avant de pouvoir rendre une décision dans cette affaire, je dois d’abord déterminer la question dont je suis saisie. Le grief indique clairement que le fonctionnaire a allégué qu’il y a eu violation de l’article 19 de la convention collective. Sa représentante a toutefois fait valoir de manière exhaustive que l’employeur ne peut recouvrer les arriérés de cotisations de retraite.

52        Apparemment, l’employeur a fait preuve de discrimination à l’égard du fonctionnaire en raison de son invalidité, en lui demandant de verser ses cotisations de retraite, comme la loi le prévoit. D’après la preuve qui m’a été présentée, je conclus que, selon le fonctionnaire, ses cotisations de retraite devaient être déduites à même le paiement du règlement conclu à la suite de la plainte sur les droits de la personne qu’il a déposée contre l’employeur. Essentiellement, selon la théorie du fonctionnaire, étant donné que le règlement constituait une preuve de discrimination de l’employeur à son égard, tout manquement à ce qu’il considérait comme les modalités de l’entente de règlement constituait une discrimination supplémentaire.

53        Les arguments présentés étaient très fluides et ne portaient pratiquement pas sur ce qu’il convient de déterminer en premier lieu, c’est-à-dire si le fonctionnaire a été victime de discrimination. Ma compétence m’est conférée en vertu de la LRTFP et du libellé du grief, et non par ce qui a été présenté sous la forme d’arguments pendant l’audience. La question dont je suis saisie ne vise pas à déterminer si l’employeur est préclus de recouvrer les cotisations de retraite non payées auprès du fonctionnaire, mais plutôt à déterminer si cette façon de faire constitue de la discrimination.

54        La représentante du fonctionnaire a renvoyé vaguement à O’Malley. Elle n’a toutefois présenté aucun argument à savoir en quoi les événements en question constituaient de la discrimination à l’égard du fonctionnaire, que ce soit directement ou indirectement. La question de savoir ce qui constitue la discrimination alléguée n’est pas claire : s’agit-il de l’application des exigences légales par l’employeur qui a eu un effet préjudiciable, ou son erreur de ne pas déduire les cotisations de retraite en premier lieu et d’exiger leur remboursement? Dans son grief, le fonctionnaire n’allègue pas qu’il y a eu violation de la LCDP.

55        Pour qu’un grief déposé en vertu de l’article 19 de la convention collective soit accueilli, un fonctionnaire doit établir que l’employeur a enfreint, d’une quelconque façon, ce qui suit :

Article 19

Élimination de la discrimination

19.01  Il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine nationale ou ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion à l’Alliance ou son activité dans celle-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle l’employé-e a été gracié.

56        Afin d’établir qu’un employeur a fait preuve de discrimination, le fonctionnaire doit d’abord établir une preuve prima facie de discrimination, laquelle comprend les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, sont complètes et suffisantes pour justifier une conclusion en faveur du fonctionnaire en l’absence de réplique de la part de l’employeur (voir O’Malley, au paragraphe 28). La Commission ne peut pas examiner la réponse de l’employeur avant de déterminer si une preuve prima facie de discrimination a été démontrée (voir Lincoln c. Bay Ferries Ltd., 2004 CAF 204, au paragraphe 22).

57        Un employeur à qui l’on présente une preuve prima facie peut éviter une conclusion défavorable en déposant des éléments de preuve permettant de fournir une explication raisonnable qui démontre que ses actions n’étaient pas réellement discriminatoires ou en établissant un moyen de défense prévu par la loi qui justifie la discrimination (A.B. c. Eazy Express Inc., 2014 TCDP 35, au paragraphe 13). Si une explication raisonnable est fournie, il incombe alors au fonctionnaire de démontrer que l’explication constitue un simple prétexte pour exercer de la discrimination (voir Maillet c. Canada (Procureur général), 2005 TCDP 48, au paragraphe 4).

58        Il n’est pas nécessaire que les considérations en matière de discrimination constituent l’unique raison des actions en litige pour démontrer l’allégation de discrimination. Le fonctionnaire doit simplement démontrer que la discrimination était l’un des facteurs de la décision de l’employeur (voir Holden c. Canadian National Railway Company (1990), 14 C.H.R.R. D/12 (F.C.A.)). La norme de la preuve dans les affaires de discrimination est la norme civile de la prépondérance des probabilités (voir Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (ministère de la Défense nationale)), [1996] 3 C.F 789 (C.A.)).

59        Afin de s’acquitter du fardeau de la preuve ou de présenter une preuve prima facie de discrimination, il ne suffit pas de déclarer que l’employeur savait qu’il avait une invalidité et que tout ce qui pourrait le troubler constituerait de la discrimination. Un fonctionnaire doit établir qu’il existe un lien entre un motif de distinction illicite de discrimination et la distinction, l’exclusion ou la préférence dont il ou elle se plaint ou, en d’autres termes, que le motif en cause était un facteur de distinction, d’exclusion ou de préférence. Il n’est pas essentiel que ce lien soit exclusif : pour qu’une décision ou une mesure particulière soit considérée comme discriminatoire, il faut seulement démontrer que le motif de distinction illicite y a contribué (voir Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 SCC 39, aux paragraphes 48 et 52) et Bodnar c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 71, au paragraphe 142).

60        Pour les motifs qui suivent, je conclus que le fonctionnaire ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait d’établir une preuve de discrimination prima facie. Comme il est indiqué dans Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), [2012] 3 R.C.S. 360, 2012 CSC 61, au paragraphe 33 :

[…] pour établir à première vue l’existence de discrimination, les plaignants doivent démontrer qu’ils possèdent une caractéristique protégée par le Code contre la discrimination, qu’ils ont subi un effet préjudiciable relativement au service concerné et que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable. Une fois la discrimination établie à première vue, l’intimé a alors le fardeau de justifier la conduite ou la pratique suivant le régime d’exemptions prévu par les lois sur les droits de la personne.

61        Dans la présente affaire, le fonctionnaire souffre d’un TSPT chronique, une invalidité reconnue en vertu du Code. Le fonctionnaire a fourni une preuve de l’effet préjudiciable, de ses troubles émotionnels et des dettes supplémentaires, dont il a souffert à la suite du défaut de l’employeur de déduire ses cotisations de retraite et de la mesure de recouvrement qu’il a amorcée par la suite.

62        Toutefois, comme il est indiqué ci-dessus, cela ne suffit pas pour affirmer que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable. Le fonctionnaire n’a présenté absolument aucune preuve laissant entendre que l’obligation légale voulant qu’un employé de la fonction publique verse des cotisations à son régime de pension (ou le recouvrement tardif de ces cotisations) soit liée à un motif exclu aux termes de la LCDP.

63        Cela étant, il n’y a aucune preuve de discrimination prima facie, et ce grief doit être rejeté. Même si je suis dans l’erreur, l’employeur a clairement établi son droit légal d’exiger du fonctionnaire qu’il verse ses cotisations de retraite s’il choisit d’inclure sa période de congé non payé dans le calcul de son service ouvrant droit à pension. Le fonctionnaire avait le choix de renoncer à la période de congé non payé, mais, lorsqu’il a choisi de ne pas le faire, il est devenu obligé de verser les cotisations de retraite.

64        Contrairement aux affaires citées par la représentante du fonctionnaire, il ne s’agit pas d’un cas de trop-payé de salaire ou de calcul erroné de crédits de congé. Il s’agit plutôt d’un cas d’obligation légale à laquelle l’employeur et le fonctionnaire doivent tous deux se conformer, ce qui a été reconnu pendant l’exposé des arguments.

65        Beaucoup de temps a été consacré à l’argument voulant que l’employeur était préclus de poursuivre le recouvrement d’un trop-payé du montant dû en vertu de l’entente de règlement. Selon moi, il ne s’agit pas d’une représentation exacte de ce qui s’est passé. L’employeur a versé au fonctionnaire un montant qui représentait le montant net qui lui était dû en vertu de l’entente de règlement. Il a omis de déduire ses cotisations de retraite avant d’effectuer le paiement, ce qui était une erreur. Cette erreur ne libère toutefois pas le fonctionnaire de l’obligation de verser ces cotisations, puisqu’il est le seul à pouvoir payer la partie du contributeur de ces cotisations. Il s’agit d’une obligation légale, prévue dans la LPFP, à l’égard de laquelle je n’ai pas compétence (voir Pelletier, Dodd et Barbot).

66        Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas d’un cas approprié pour que la Commission rende une ordonnance équitable, comme l’a affirmé la représentante du fonctionnaire. L’employeur a commis une erreur dans la mise en œuvre du règlement d’une plainte relative aux droits de la personne qu’il était possible d’identifier clairement. Le fonctionnaire savait, ou aurait dû savoir, en 2010, lorsqu’il a reçu son relevé T4, que les cotisations n’avaient pas été déduites du paiement forfaitaire qui lui a été versé. Lorsqu’il a été informé qu’il devrait verser des cotisations mensuelles supplémentaires à son régime de pension s’il choisissait d’inclure la période de congé non payé, il a clairement indiqué qu’il entendait inclure toutes ses années de service dans sa pension. Il savait aussi que le fait de procéder ainsi entraînerait un coût. Les lettres qui lui ont été envoyées (auxquelles les chèques étaient joints) n’étaient pas suffisamment détaillées; il ne s’agit toutefois pas d’une assertion en fonction de laquelle le fonctionnaire pourrait fonder son argument de préclusion, surtout qu’il savait que des erreurs avaient été commises dans le calcul du montant qui lui était dû.

67        Dans Molbak, la Cour a conclu que la décision de l’employeur de percevoir le salaire versé en trop découlait directement de l’application inadéquate de la convention collective aux circonstances du demandeur. L’arbitre de grief avait donc compétence pour entendre le grief et appliquer le principe de préclusion.

68        Dans Menard c. Canada, [1992] 3 C.F. 521, la Cour fédérale a étudié la compétence d’un arbitre de grief en vertu de la LRTFP pour trancher une question de recouvrement de trop-payé. L’employeur a affirmé que l’arbitre de grief n’avait pas compétence, puisqu’il ne s’agissait pas d’une interprétation ou de l’application d’une convention collective. La Cour a conclu, à la page 528, ce qui suit :

[Traduction]

En ce qui concerne le point de vue contraire, je ne peux accepter cet argument. La source même du litige entre les parties réside dans cette interprétation erronée qu’elles ont donnée à l’entente, et son « application inadéquate » au cas des demandeurs (l’expression est celle que l’employeur lui-même utilise dans sa réponse aux griefs, citée ci-dessus). N’eût été cette interprétation, les demandeurs n’auraient jamais présenté des demandes de paiement d’heures supplémentaires, ces demandes n’auraient jamais été payées et l’employeur n’aurait donc jamais tenté d’obtenir un remboursement. Étant donné que c’est la tentative de recouvrement qui a mené au dépôt des griefs, il y a une relation directe de cause à effet entre elles et l’interprétation et l’application de la convention collective.

69        Toutefois, en l’espèce, une telle relation directe de cause à effet n’existe pas. La décision de l’employeur de percevoir les cotisations de retraite en souffrance découlait directement de l’application inadéquate alléguée du procès-verbal du règlement de la plainte déposée en vertu de la LCDP et non de la convention collective.

70        Ce litige porte essentiellement et véritablement sur la mise en œuvre, ou la mise en œuvre inadéquate, des modalités d’une entente de règlement à l’intérieur des délais établis. Le fonctionnaire allègue que l’employeur a enfreint cette entente, puisqu’il n’a pas effectué les déductions appropriées et versé le paiement dans les 60 jours. Le fonctionnaire affirme que puisque l’employeur a omis de faire les déductions appropriées au moment de l’entente de règlement, il est préclus de prendre une mesure de recouvrement maintenant.

71        En l’absence d’une violation de la convention collective, la Commission n’a pas compétence pour entendre ce litige, qui découle essentiellement du règlement d’une plainte déposée devant la CCDP. Comme il est indiqué au paragraphe 22 du procès-verbal du règlement [traduction] « les parties conviennent que le présent procès-verbal de règlement devient une ordonnance de la Cour fédérale à des fins d’exécution, conformément au paragraphe 48(3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne ». Étant donné que j’ai conclu qu’il n’y a eu aucune violation de l’article 19 de la convention collective, le litige entre les parties est purement une question d’exécution de cette ordonnance de la Cour fédérale. Par conséquent, la Commission ne peut ordonner de réparation en l’espèce.

72        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

73        Le grief est rejeté.

74        Plutôt que d’ordonner la mise sous scellés des pièces, j’ordonne qu’elles soient caviardées afin de supprimer toute référence au numéro d’assurance sociale, au code d’identification de dossier personnel et à la date de naissance du fonctionnaire. Les parties caviarderont ces renseignements dans toutes les pièces qu’elles ont présentées à la Commission pendant cette audience et présenteront une copie de ces pièces caviardées au plus tard à 16 h, heure locale d’Ottawa, le 30 juin 2017. Les pièces originales qui figurent au dossier de la Commission seront temporairement mises sous scellés jusqu’à ce que les parties déposent une copie des pièces caviardées ou jusqu’à 16 h, heure locale d’Ottawa, le 30 juin 2017, selon la première de ces dates. Les pièces originales dans le dossier de la Commission seront remplacées par les pièces caviardées par les parties dès leur dépôt.

Le 31 mai 2017.

Traduction de la CRTEFP

Margaret T.A. Shannon,
une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique

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