Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté un grief concernant son licenciement pour motif disciplinaire – il a affirmé que sa conduite était conforme à la pratique établie et que l’employeur le traitait différemment en raison de sa race – l’employeur a contesté la compétence de la Commission pour traiter les allégations de discrimination puisque le grief n’a pas été renvoyé à l’arbitrage en alléguant une violation de la convention collective et que rien ne suggérait que la mesure disciplinaire était fondée d’une quelconque manière sur la discrimination – la Commission a conclu qu’elle avait compétence pour entendre les allégations de discrimination – bien que le fonctionnaire s’estimant lésé n’ait pas précisément utilisé le terme « discrimination » ni fait d’allégations précises à cet égard dans son grief, son agent négociateur a présenté des observations écrites des allégations avant que la décision au dernier palier ne soit prise – la Commission a ensuite conclu qu’il y avait eu inconduite de la part du fonctionnaire s’estimant lésé – il a utilisé des véhicules du parc à des fins non liées au travail, il a dépassé la limite de vitesse et il a reçu une contravention, il n’a pas porté la contravention à l’attention de la direction en temps opportun et il a tenté de tirer profit de son emploi en essayant d’obtenir une amende réduite en raison de sa position d’agent d’exécution de la loi – la Commission a rejeté les allégations du fonctionnaire s’estimant lésé selon lesquelles l’employeur tolérait l’inconduite et l’avait traité différemment des autres employés en raison de sa race, parce que ces allégations n’étaient étayées par aucune preuve crédible – finalement, la Commission a estimé que le licenciement était approprié – le fonctionnaire s’estimant lésé a démontré une tendance à ignorer les normes de conduite de l’employeur sur l’utilisation de ses biens, et la Commission a de la difficulté à croire qu’il éprouvait des remords à l’égard de son comportement ou qu’il changera ce comportement.Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20170829
  • Dossier:  566-02-10103
  • Référence:  2017 CRTESPF 23

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

TEVIN OLIVIER-JOB

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Agence des services frontaliers du Canada)

défendeur

Répertorié
Olivier-Job c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Michael Fisher, avocat
Pour le défendeur:
Karen Clifford, avocate
Affaire entendue à Winnipeg (Manitoba),
du 28 au 31 juillet 2015 et du 19 au 22 janvier 2016.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1        Le fonctionnaire s’estimant lésé, Tevin Olivier-Job (le « fonctionnaire ») travaillait pour l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ « ASFC » ou l’« employeur ») comme agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs (AELBI). Il faisait partie du groupe Techniciens divers et il était classifié au groupe et au niveau FB-03. À l’époque pertinente, il travaillait au sein de la Division de l’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs (DELBI) de l’ASFC, qui faisait partie du district de Winnipeg et des Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.).

2        Le 27 septembre 2013, le fonctionnaire a été licencié, à compter de ce même jour. Le 30 septembre 2013, un grief a été signé et déposé en son nom. Le grief mentionnait ce qui suit :

[Traduction]

Détails du grief :

Tevin Olivier-Job a été licencié par l’ASFC, injustement et sans motif valable, le 27 septembre 2013, ou aux alentours de cette date.

Mesure corrective demandée :

La réintégration intégrale, sans perte de salaire, de pension, d’ancienneté ou d’avantages.

3        Le 27 août 2014, le grief a été rejeté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Le 3 octobre 2014, il a été renvoyé à l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) pour arbitrage, en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « LRTFP »).

4        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365)a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, qui remplaçait l’ancienne CRTFP et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 396 de la em>Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, un arbitre de grief saisi d’un grief avant le 1er novembre 2014 continue d’exercer les pouvoirs prévus à la LRTFP dans sa version antérieure à cette date.

5        Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’il devienne, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

6        Cette affaire devait être entendue à Winnipeg (Manitoba), du 28 au 31 juillet 2015.

7        Le 17 juillet 2015, le fonctionnaire a déposé une formule 24 – « Avis à la Commission canadienne des droits de la personne » (CCDP) auprès de la Commission, en vertu du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (DORS/2005-79; le « Règlement de la CRTFP ») qui était en vigueur à l’époque. Il y a allégué que l’ASFC avait fait preuve de discrimination à son égard du fait de sa race et de son origine ethnique. En guise de mesure corrective, outre le redressement déjà demandé dans son grief, le fonctionnaire a demandé une réparation pour préjudice moral.

8        L’audience, qui a débuté le 28 juillet, s’est poursuivie jusqu’au 31 juillet 2015. Au début de l’audience, l’employeur s’est opposé à ce que le fonctionnaire soulève l’allégation de discrimination. J’ai décidé d’entendre l’ensemble de la preuve et des observations. Je me prononcerai sur l’objection dans la présente décision.

9        Le 4 août 2015, la CCDP a déposé une formule 25 à la Commission, conformément au Règlement de la CRTFP. Elle y a déclaré qu’elle n’avait pas l’intention de formuler des observations sur les questions énoncées dans la formule 24 du fonctionnaire.

10        L’audience a pris fin à la suite d’une autre séance, qui a eu lieu du 19 au 22 janvier 2016.

II. Demande de production de documents

11        Le 15 juillet 2015, le fonctionnaire a demandé la production des documents suivants :

  • des copies de toutes les feuilles de route des véhicules du parc pour la période de janvier 2010 à mars 2014;
  • des copies des dossiers des heures et des activités de chacun des AELBI pour la période de janvier 2010 à mars 2014;
  • des copies de toutes les feuilles de rappel au travail des agents de service (« agent de service ») (« feuilles de rappel au travail »), pour la période de janvier 2010 à mars 2014.

12        L’ASFC a refusé de produire ces documents lorsque le fonctionnaire les a demandés. Elle a également refusé de les produire en réponse à la demande que le fonctionnaire a présentée à la Commission. J’ai rejeté sa demande le 17 juillet 2015. Les observations des parties sur cette question et mes motifs sont exposés plus loin dans la présente décision.

III. Résumé de la preuve

13        Dans une lettre en date du 27 septembre 2013, la directrice générale de la région des Prairies de l’ASFC, Lauren Delgaty, a licencié le fonctionnaire, à compter de ce même jour. Les parties pertinentes de cette lettre sont rédigées comme suit :

[Traduction]

Le 9 septembre 2013, vous avez reçu une copie du rapport final aux fins d’examen avant l’audience prédisciplinaire. Lors de cette audience, le 16 septembre 2013, vous avez eu la possibilité de formuler des commentaires sur le contenu du rapport et de présenter toute précision ou circonstance atténuante qui, selon vous, n’aurait pas été abordée dans le cadre de l’enquête.

Selon le rapport et les éléments de preuve recueillis, il a été conclu que vous aviez commis plusieurs actes d’inconduite. Le 8 septembre 2012, vous avez reçu une contravention générée par un radar photographique pour avoir conduit à 65 km/h dans une zone où la vitesse maximale est de 50 km/h alors que vous utilisiez un véhicule du parc de l’ASFC. Après avoir reçu la contravention, vous avez tenté d’utiliser votre poste d’agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurspour faire réduire l’amende, alors qu’il n’était pas justifié le faire, et vous avez omis de signaler la contravention à la direction en temps opportun. De plus, vous avez créé deux documents sur du papier à correspondance officielle de l’ASFC et utilisé son matériel informatique pour tenter de faire réduire l’amende, alors que vous n’y étiez pas autorisé.

Pendant l’enquête, vous avez prétendu n’avoir aucun souvenir de l’endroit où vous vous rendiez à bord du véhicule du parc le 8 septembre 2012. Plus tard, le même jour, vous avez acheté 85,47 $ d’essence pour le véhicule du parc de l’ASFC dans une station-service de Dugald, au Manitoba. Lorsque l’enquêteur vous a demandé pourquoi vous étiez allé à Dugald, vous ne vous en rappeliez pas; vous n’avez présenté aucun élément de preuve étayant que vous y étiez allé dans un but professionnel. De plus, vous n’arriviez pas à vous souvenir pourquoi vous aviez parcouru 215 kilomètres à bord du véhicule du parc de l’ASFC le 8 septembre 2012, ni pourquoi vous aviez parcouru 152 kilomètres le 1er septembre 2012. Pendant la réunion prédisciplinaire, vous vous êtes rappelé que vous étiez probablement dans la région de Dugald pour assister à une partie de football sans contact.

Ceci étant, il a été conclu à l’enquête que vous aviez utilisé le véhicule pour des motifs personnels. Vous avez aussi reconnu avoir à maintes reprises fait monter à bord du véhicule des passagers non autorisés, qui n’étaient pas des employés de l’ASFC. J’estime que ces agissements sont très graves étant donné les risques inutiles pour l’ASFC et les obligations qui en découleraient en cas d’accident.

J’ai examiné avec soin les faits et les circonstances dans leur ensemble, en me fondant sur les renseignements disponibles. J’ai conclu que vous aviez enfreint les dispositions du Code de conduite de l’ASFC et du Guide sur la gestion du parc automobile du Secrétariat du Conseil du Trésor.

Sur une période de moins de trois ans, il s’agit du troisième incident d’inconduite dans le cadre duquel vous trahissez la confiance placée en vous relativement au soin, à l’utilisation et à la surveillance des biens du gouvernement et vous vous êtes comporté de manière incompatible avec la nature de votre poste.

Compte tenu de votre dossier disciplinaire actuel et qu’une fois de plus vous n’exprimez aucun remords ou ne reconnaissez pas la gravité de vos actes, vous avez sapé de façon permanente votre crédibilité et avez jeté un doute sérieux et durable sur la confiance qui peut vous être accordée. À ce titre, vous avez rompu de manière irréparable et permanente la relation de confiance essentielle à votre maintien en poste. Par conséquent, en vertu du pouvoir qui m’est conféré par l’ASFC, je mets fin à votre emploi à compter du 27 septembre 2013, à l’heure de fermeture des bureaux, pour des motifs disciplinaires en vertu de l’alinéa 12(1)c) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Pour déterminer une mesure disciplinaire appropriée, j’ai tenu compte de  vos actes et de l’ensemble des facteurs atténuants et aggravants, y compris, mais sans s’y limiter, de la gravité de l’inconduite, du nombre de manquements, de vos années de service auprès du gouvernement fédéral, de votre dossier disciplinaire antérieur, de l’absence de remords de votre part, de votre manque de franchise pendant l’enquête, de votre omission à assumer la responsabilité de vos actes et de la durée de l’enquête.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original.]

14        Le fonctionnaire est né à Trinité-et-Tobago. Il s’est identifié en tant que noir et a déclaré avoir été élevé au sein d’une solide culture issue des Caraïbes. Il est titulaire d’un baccalauréat en sociologie et en français de l’Université Memorial, à St. John’s (Terre-Neuve). Il s’est joint à l’organisme prédécesseur de l’ASFC à l’été 2000, en tant qu’agent d’immigration étudiant à l’aéroport de Winnipeg; il a occupé ce poste pendant ses études.

15        Le 19 août 2005, le fonctionnaire s’est vu offrir un poste d’une durée déterminée d’un an à l’ASFC, en tant qu’agent de citoyenneté et d’immigration classifié au groupe et au niveauPM-03, dans le district de Winnipeg et des T.N.-O. de l’ASFC à l’aéroport de Winnipeg. Il a accepté ce poste. Son poste pour une période déterminée a été prolongé à plusieurs reprises, jusqu’au 31 mars 2007. Le 22 mars 2007, son poste est devenu celui d’agent des services frontaliers (ASF). Son mandat a été prolongé de nouveau, jusqu’au 29 juin 2007.

16        Le poste d’ASF pour une période déterminée du fonctionnaire a été prolongé jusqu’au 17 septembre 2007, date à laquelle il a été nommé pour une période indéterminée à l’aéroport de Winnipeg. Il était classifié au groupe et au niveau FB-03. Il a occupé ce poste jusqu’au 14 décembre 2009, date où on lui a offert un poste pour une période indéterminée à temps plein à titre d’AELBI à la DELBI.

17        Lorsque le fonctionnaire s’est vu offrir ses postes pour une période indéterminée, les lettres d’offre stipulaient qu’il était assujetti au Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique (le « Code de valeurs et d’éthique »), entre autres conditions d’emploi, ce qu’il a accepté.

18        Lorsque le fonctionnaire s’est vu offrir son poste pour une période indéterminée à temps plein auprès de l’ASFC, sa lettre d’offre, en date du 17 septembre 2007, stipulait que l’une des conditions d’emploi serait de demeurer assujetti au Code de valeurs et d’éthique et au « Code de conduite » de l’ASFC (« Code de l’ASFC »). Des liens aux deux codes étaient fournis avec la lettre d’offre.

19        En acceptant l’offre, le fonctionnaire a reconnu qu’il était assujetti aux deux codes. Lorsque le poste pour une période indéterminée à temps plein à la DELBI lui a été offert, sa lettre d’offre, en date du 14 décembre 2009, stipulait qu’il serait assujetti aux deux codes, entre autres conditions d’emploi. Des liens aux deux codes étaient fournis avec cette lettre. Le fonctionnaire a reconnu qu’il était assujetti aux deux codes.

20        Des copies du Code de l’ASFC qui est entré en vigueur le 5 septembre 2012 (le « Code de 2012 »), et du Code de l’ASFC qui était en vigueur avant le 5 septembre 2012 (le « Code antérieur à 2012 »), ont été déposées en preuve.

21        Voici les articles du Code antérieur à 2012 qui sont pertinents aux questions en l’espèce :

[Traduction]

Normes de conduite attendue

[…]

b) Soin et utilisation des biens et objets de valeur du gouvernement

Vous ne devez pas utiliser, à des fins autres qu’officielles, des biens, des équipements, du matériel, des véhicules ou des installations achetés, utilisés ou loués par l’ASFC, à moins d’avoir reçu l’autorisation de la direction. Cela comprend, mais sans s’y limiter, les véhicules […]

Vous ne pouvez pas transporter une personne à bord d’un véhicule, d’un aéronef ou d’un navire appartenant au gouvernement ou loué par celui-ci, à moins que cette personne ne soit associée à une affectation officielle, autorisée par la direction ou dans l’intérêt supérieur de l’ASFC.

[…]

Insignes, pièces d’identification officielles et timbres du bureau ou de l’agent

[…]

Il vous est interdit d’utiliser votre titre professionnel, insigne ou toute identification officielle que ce soit pour obtenir ou sembler obtenir un privilège, une faveur pour vous-mêmes ou pour d’autres personnes, ou de poser un geste illégal, inapproprié ou contraire à l’intérêt supérieur de l’ASFC. De telles infractions seront jugées sérieuses et entraîneront des mesures disciplinaires.

[…]

 (m) Conduite hors du travail

Généralités

[…]

[…] Vous devez signaler toute infraction à la circulation ou contravention au code de la route reçue au cours de l’utilisation d’un véhicule appartenant au gouvernement ou loué par celui-ci.

[…]

22        Les parties du Code de 2012 qui sont pertinentes en l’espèce sont rédigées comme suit :

Chapitre 1 : Nos valeurs et normes de conduite attendue

[…]

A. Nos valeurs

[…]

Professionnalisme

[…] 

Nos valeurs en action

Nous utilisons les ressources de manière responsable de la façon suivante :

  • en nous assurant que l’utilisation des ressources est efficace, efficiente, approuvée et justifiée;
  • en évitant le gaspillage et le mauvais usage des fonds, des biens et des ressources de l’Agence;

[…]

B. Responsabilisation et conduite professionnelle

[…]

Nous reconnaissons que les politiques, normes, procédures et pratiques de l’ASFC tracent les limites à l’intérieur desquelles nous affichons une conduite professionnelle tout en faisant preuve de respect et d’intégrité. De plus, nous faisons en sorte que notre conduite ne transgresse pas le Code criminel, la Loi sur l’ASFC ou toute autre loi, règle ou réglementation appliquée par l’Agence. À titre de professionnels, nous protégeons la réputation de l’Agence et ses relations avec ses partenaires internes et externes et de l’exécution de la loi dans nos décisions et actions. Nous comprenons qu’une action ou inaction de notre part qui contrevient à des lois, règles et règlementations, codes, et à la Politique constitue une inconduite et entraînera des mesures disciplinaires de l’ASFC jusqu’à et y compris, la cessation d’emploiu.

[…]

D. Normes de conduite attendue

[…]

4. Conduite privée hors du travail et activités extérieures

[…]

AVERTISSEMENT :Il est interdit de commettre un acte qui est illégal ou qui contrevient au Code criminel, à la Loi sur l’ASFC ou à toute loi ou règlementation appliquée par l’Agence. Si nous sommes arrêtés, détenus ou accusés – au Canada ou à l’étranger – relativement à une infraction à une loi ou un règlement, nous devrions signaler immédiatement l’incident à notre gestionnaire. Ceci comprend les incidents mineurs, entre autres, une contravention au code de la route au volant d’un véhicule appartenant au gouvernement ou loué par celui-ci[…]

[…]

7. Soin et utilisation des biens et actifs du gouvernement

Notre valeur liée au professionnalisme comporte l’utilisation efficace et efficiente des biens et actifs de l’Agence dans l’exécution de nos fonctions. À titre de professionnels, nous démontrons notre valeur liée à l’intégrité en utilisant les biens et actifs du gouvernement seulement pour l’exécution de nos fonctions officielles et jamais à une fin ou pour un gain personnel.

Nous demandons l’autorisation de la direction avant d’utiliser, à des fins autres qu’officielles, des biens, de tout équipement, du matériel, des véhicules ou des installations, achetés, utilisés ou loués par l’ASFC. Cela comprend, sans s’y limiter, les véhicules[…]

[…]

[Traduction]

Clarification : En déplacement, on présume que les véhicules appartenant à l’Agence ou loués par celle-ci seront utilisés à des fins personnelles raisonnables, par exemple, pour faire les courses, sortir dîner ou se divertir en soirée.

[…]

7.1 Insignes, pièces d’identification officielles et timbres du bureau ou de l’agent

[…] 

Nous n’utilisons pas notre titre professionnel, identification officielle, insigne ou tout document officiel (que nous soyons en service ou pas, à titre personnel ou professionnel, ou dans nos activités sur les médias sociaux) à des fins qui sont illégales, inappropriées ou qui vont à l’encontre des meilleurs intérêts de l’ASFC.

[…] 

[Traduction]

Exemples d’inconduite :

[…]

  • utiliser notre titre officiel pour obtenir un rabais dans un magasin en ligne;
  • utiliser un véhicule appartenant au gouvernement pour déménager du mobilier de propriété privée.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original.]

23        Une copie du Code de valeurs et d’éthique en vigueur au 2 avril 2012 a été présentée en preuve. Les passages pertinents sont les suivants :

[…]

Objectifs

Le présent code donne, dans leurs grandes lignes, les valeurs et les comportements que doivent adopter les fonctionnaires dans toutes les activités liées à l’exercice de leurs fonctions professionnelles. En adoptant ces valeurs et en se comportant selon les attentes, les fonctionnaires renforcent la culture éthique du secteur public et contribuent à maintenir la confiance du public en l’intégrité de l’ensemble des institutions publiques.

[…]

Intégrité

L’intégrité est la pierre angulaire de la bonne gouvernance et de la démocratie. Forts des normes d’éthique les plus rigoureuses, les fonctionnaires maintiennent et renforcent la confiance du public en l’honnêteté, l’équité et l’impartialité du secteur public fédéral.

[…]

Comportements attendus

Les fonctionnaires fédéraux sont censés se conduire conformément aux valeurs du secteur public et aux comportements attendus suivants.

[…]

3. Intégrité

  • Les fonctionnaires servent l’intérêt public.
  • 3.1 Ils se conduisent toujours avec intégrité et d’une manière qui puisse résister à l’examen public le plus approfondi; cette obligation ne se limite pas à la simple observation de la loi.
  • 3.2 Ils n’utilisent jamais leur rôle officiel en vue d’obtenir de façon inappropriée un avantage pour eux-mêmes ou autrui ou en vue de nuire à quelqu’un.
  • 3.3 Ils prennent toutes les mesures possibles pour prévenir et résoudre, dans l’intérêt public, tout conflit d’intérêts réel, apparent ou potentiel entre leurs responsabilités officielles et leurs affaires personnelles.
  • 3.4 Ils agissent de manière à préserver la confiance de leur employeur.

[…]

Application

La reconnaissance de ces valeurs et des comportements attendus est une condition d’emploi de tous les fonctionnaires du secteur public fédéral, quel que soit leur niveau ou leur poste. Tout manquement à ces valeurs ou aux comportements attendus peut entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement.

[…]

Annexe

Responsabilités et obligations

Fonctionnaires

Les fonctionnaires sont censés respecter le présent code et appliquer les valeurs du secteur public dans leurs actions et dans leurs comportements. De plus, ils doivent se comporter en tenant compte des attentes précisées dans le code de conduite de leur propre organisation. Le fonctionnaire qui ne se conforme pas à ces valeurs et attentes s’expose à des mesures administratives ou disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement.

[…]

24        Le fonctionnaire a confirmé en contre-interrogatoire qu’il était assujetti au Code de valeurs et d’éthique et aux Codes de l’ASFC.

25        Le 22 mai 2007, le fonctionnaire a signé une affirmation solennelle rédigée en ces termes :

[Traduction]

J’affirme solennellementque je remplirai fidèlement et honnêtement les fonctions que me confère mon emploi dans la fonction publique du Canadaet que, sauf autorisation expresse, je ne révélerai rien de ce qui sera parvenu à ma connaissance en conséquence de cet emploi.

26        Les AELBI sont également assujettis à des conventions collectives conclues entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) pour le groupe Services frontaliers (tous les employés). La convention collective pertinente à la présente décision a été signée le 29 janvier 2009, et est venue à échéance le 20 juin 2011 (la « convention collective »).

27        Au moment de l’audience et depuis octobre 2012, Allan Johns était gestionnaire régional de programmes à la division des opérations relatives à l’exécution de la loi et au renseignement de l’ASFC en Saskatchewan. Entre octobre 2008 et septembre 2012, il était gestionnaire des programmes régionaux de la DELBI, à Winnipeg. M. Johns s’est joint à la fonction publique fédérale en 1990, et travaille au sein de Citoyenneté et Immigration (CIC) ou de l’ASFC depuis 1993.

28        Tous les AELBI du bureau de Winnipeg de la DELBI relèvent du gestionnaire des programmes régionaux de la DELBI, qui, à son tour, relève de la directrice des programmes régionaux de la région des Prairies de l’ASFC, soit, jusqu’en février 2013, Kim Fussey. En février 2013, Mme Fussey a été remplacée par Andrew Klatt.

29        M. Johns a déclaré qu’en son absence, une personne était affectée à son poste à titre intérimaire. Trois AELBI avaient été formés et s’étaient vu déléguer les pouvoirs appropriés.

30        Le 9 septembre 2012, M. Johns a quitté son poste auprès de la DELBI  à Winnipeg. La preuve a établi que Janet Nortey ou Patrick McEvoy l’ont remplacé à titre intérimaire entre le 9 septembre et le 10 novembre 2012, date à laquelle Doug Tisdale l’a remplacé de façon permanente.

31        Au moment de son témoignage, M. Tisdale était gestionnaire des programmes régionaux du district de Winnipeg et des T.N.-O. de l’ASFC. De novembre 2012 à juin 2015, il travaillait auprès de la DELBI à Winnipeg. Au moment où il a présenté son témoignage, il était au service de la fonction publique fédérale depuis 24 ans.

32        La description de travail des AELBI a été déposée en preuve. Les AELBI sont des agents de la paix; ils détiennent des pouvoirs délégués en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (L.C. 2001, ch. 27; la « LIPR »). Entre autres fonctions, ils mènent des enquêtes qui peuvent entraîner l’arrestation, la détention et le renvoi possible d’une personne du Canada. Ces enquêtes peuvent être des [traduction] « enquêtes en milieu protégé », qui sont en bonne partie menées au bureau, à l’aide de ressources administratives telles que des ordinateurs, des téléphones, des services de données, Internet et des télécopieurs, ou encore des [traduction] « enquêtes tactiques », qui obligent les AELBI à quitter le bureau et à mener des enquêtes dans les résidences, les lieux d’affaires et dans des lieux publics, ainsi qu’à faire des visites aux services de police.

33        Qu’il s’agisse de mener une enquête en milieu protégé, une enquête tactique ou une combinaison des deux, les AELBI recueillent des éléments de preuve, procèdent à des arrestations en vertu des lois pertinentes et doivent éventuellement transporter une personne à destination ou en provenance d’un centre de détention situé à l’étranger. Les AELBI collaborent étroitement avec les organismes d’exécution de la loi locaux, régionaux, nationaux et étrangers.

34        La preuve a établi que même s’ils ont un bureau et un emplacement de bureau, les AELBI doivent souvent travailler de façon autonome et sans supervision. M. Johns a affirmé que la confiance est fondamentale pour la relation de travail entre les gestionnaires et les AELBI, compte tenu du travail que ceux-ci effectuent. Ils doivent souvent exécuter les tâches suivantes :

  • se voir confier la garde de ressortissants étrangers;
  • interagir avec des organismes étrangers d’exécution de la loi;
  • interagir avec le personnel des lignes aériennes lorsqu’ils conduisent des ressortissants étrangers à l’extérieur du Canada.

35        M. Johns a déclaré que bien que les gestionnaires assignent des tâches et des dossiers aux AELBI et revoient leur travail, ceux-ci sont souvent à l’extérieur par eux-mêmes et rendent compte à leurs gestionnaires.

36        Les bureaux de la DELBI sont partagés avec des bureaux de la CIC, situés au quatrième étage d’un édifice du centre-ville de Winnipeg, dans un secteur connu sous le nom de Forks, sur Forks Market Road. Le public n’a pas accès aux bureaux. Cependant, CIC y administre une aire d’attente publique. Une carte magnétique est fournie aux employés pour qu’ils puissent avoir accès aux bureaux. Le bureau a été décrit comme étant une aire ouverte en forme de L, où les AELBI ont leurs bureaux et un espace connexe. Il y a deux cellules d’isolement, ainsi qu’une salle de réunion et un bureau de gestionnaire fermés.

37        M. Johns a déclaré qu’il avait une politique de la porte ouverte et que les AELBI pouvaient entrer dans son bureau pour discuter du travail et des dossiers et l’informer de l’état de leurs dossiers. Il a dit que tous les dossiers actifs étaient énumérés sur un tableau blanc installé dans son bureau. Par défaut, tous les AELBI devaient passer devant son bureau pour quitter les locaux. Chaque AELBI disposait d’un ordinateur dans son bureau. À titre de gestionnaire, il avait un BlackBerry.

38        Le bureau de Mme Fussey, qui est devenu celui de M. Klatt, se trouvait à l’étage au-dessous des bureaux de la DELBI.

39        La DELBI est dotée de deux véhicules (les « véhicules du parc ») qui sont spécialement conçus et équipés aux fins du transport des détenus. Les véhicules sont comparables à une voiture de police. La zone des sièges avant est semblable à un bureau mobile et contient du matériel de communications et la documentation dont les AELBI peuvent avoir besoin lorsqu’ils sont à l’extérieur du bureau. La zone des sièges arrière est fermée afin de s’assurer que les détenus ne puissent pas s’évader.

40        Les véhicules ne sont pas dotés d’un ordinateur; ils sont banalisés et rien n’indique qu’il s’agit de véhicules de l’ASFC. Ils pourraient servir à la surveillance d’une résidence, d’un lieu d’affaires ou d’un autre lieu d’accès public, ainsi qu’aux fins du transport d’un détenu à destination ou en provenance d’un centre de détention ou des États-Unis.

41        Les heures normales de travail de la DELBI sont de 8 h à 20 h. Au cours de cette période, les véhicules du parc peuvent être utilisés, au besoin. Après 20 h et avant 8 h, un véhicule du parc est assigné à un AELBI qui exerce les fonctions d’agent de service désigné. Pendant sept jours consécutifs, l’agent de service est responsable de tous les appels reçus par la DELBI en dehors des heures de bureau. Les AELBI du bureau s’acquittent des fonctions d’agent de service par rotation. Le jour de relève est le mardi de chaque semaine. Ce jour-là, il y a une réunion à laquelle assistent l’agent de service sortant, le nouvel agent de service et (au moment pertinent) M. Johns. Lors de la réunion, M. Johns donne de l’information sur les activités de l’agent de service

42        Un carnet de route des véhicules du parc est conservé. Un carnet de route type a été déposé en preuve. En plus d’y préciser le véhicule et la période visée, l’agent de service responsable du véhicule doit y consigner quotidiennement les renseignements suivants :

  • le nom du conducteur du véhicule;
  • la présence de passagers, le cas échéant;
  • le kilométrage au départ et à l’arrivée;
  • le nombre total de kilomètres parcourus;
  • la destination du véhicule;
  • les frais ou achats connexes à l’utilisation du véhicule (essence, huile, etc.).

43        Un code (composé des chiffres 1 à 8) doit être indiqué dans le carnet de route pour identifier le type de déplacement ou d’utilisation du véhicule. M. Johns a déclaré qu’il avait enjoint les AELBI à indiquer le code « 8 » dans le carnet de route, ce qui signifiait « autre ». Il a ajouté qu’il avait donné cette instruction parce que ce code était vague et ne correspondait ni à un lieu, ni à une utilisation du véhicule aux fins de la surveillance ou du transport d’une personne détenue. Selon M. Johns, la consignation de ce genre de renseignement aurait pu léser les droits à la vie privée, puisque les carnets de route auraient pu faire l’objet d’une demande d’accès à l’information et de divulgation. M. Johns a ajouté que même s’il y avait de l’espace dans le carnet pour expliquer en détail l’utilisation du véhicule, cet espace restait vierge pour des motifs liés à la protection de la vie privée et à la sécurité des agents.

44        Les véhicules du parc peuvent être utilisés pour aller n’importe où au Manitoba ou aux États-Unis. Chaque véhicule est accompagné d’une carte de crédit afin de payer l’essence et l’entretien.

45        M. Johns a expliqué la nature des fonctions et des obligations de l’agent de service, qui doit notamment répondre aux appels des organismes d’exécution de la loi concernant les personnes assujetties aux dispositions de la LIPR (qui se trouvent généralement au pays illégalement). Il peut arriver que l’agent de service ait à se rendre à un poste de police, au centre de détention, à une résidence ou à un lieu d’affaires, afin d’aller chercher une personne et la reconduire ou livrer des documents. Lors des appels en dehors des heures de travail, il peut arriver que l’agent de service ait à aller chercher un autre AELBI si plus d’un agent est nécessaire, selon les circonstances, ou à se rendre au bureau de la DELBI pour récupérer des documents ou du matériel. M. Johns a précisé que ce ne sont pas tous les appels reçus en dehors des heures de travail qui obligent l’agent de service à se rendre quelque part. Parfois, l’agent de service peut s’acquitter de ses fonctions et obligations au moyen d’une conversation téléphonique, à partir de l’endroit où il se trouve à un moment donné.

46        M. Johns a déclaré qu’étant donné que l’agent de service est en disponibilité et qu’il peut être obligé de répondre à un appel, il est autorisé à amener un véhicule du parc chez lui afin de pouvoir partir de la maison s’il reçoit un appel ou si sa présence est requise. Un téléphone mobile (le « téléphone mobile de la DELBI ») muni d’une boîte vocale est aussi remis à l’agent de service. L’agent de service doit avoir le téléphone avec lui en tout temps après les heures de travail. M. Johns a affirmé que l’agent de service n’était pas un premier intervenant, que cette tâche est celle des policiers. Il a ajouté que les agents de service doivent appuyer la police, laquelle est habilitée à procéder à des arrestationset à détenir des personnes en vertu de la LIPR.

47        M. Johns a déclaré que même si un agent de service a un véhicule du parc à sa disposition en dehors des heures de travail, il n’est pas autorisé à l’utiliser à des fins personnelles. On s’attend à pouvoir joindre un agent de service en dehors des heures de travail et à ce qu’il dispose d’un moyen de transport au besoin, soit pour aller chercher et reconduire une personne en toute sécurité. M. Johns a ajouté qu’il avait expliqué aux AELBI que les véhicules du parc n’étaient pas destinés à un usage personnel. Il a clairement mentionné aux AELBI que seuls les employés de l’ASFC ou les détenus étaient autorisés à se déplacer dans ces véhicules, pour des raisons de responsabilités; le gouvernement fédéral est auto-assuré et, par conséquent, responsable de l’utilisation des véhicules.

48        M. Johns a déclaré qu’il n’examinait pas les carnets de route des véhicules du parc et qu’il n’avait pas l’impression que c’était nécessaire. Il faisait confiance à ses AELBI et, selon lui, ces derniers respectaient les lignes directrices sur l’utilisation des véhicules du parc.

49        Hebdomadairement, les AELBI doivent consigner leurs activités et les heures de travail sur une feuille de temps (« feuille de temps »). Le nom de l’employé, la semaine et les heures travaillées chaque jour y sont indiqués. Les jours de la semaine sont identifiés par leur nom (sous forme abrégée) et un chiffre (1 pour le samedi, 7 pour le vendredi, etc.). La feuille de temps comprend différents codes pour diverses tâches et précise si l’AELBI a pris un congé quelconque (congé de maladie, pour obligations familiales, vacances, etc.). S’il effectue les fonctions d’agent de service, il est rémunéré en vertu de l’article de la convention collective qui traite de l’indemnité de disponibilité. Si l’agent de service reçoit un appel pendant qu’il est en disponibilité, cette période est alors consignée sur la feuille de temps etpayée au tarif des heures supplémentaires. Sur la feuille de temps, un espace est prévu pour la signature de l’AELBI, afin qu’on puisse vérifier si les renseignements présentés aux fins de la rémunération supplémentaire sont exacts, ainsi qu’un espace pour la signature du gestionnaire afin de confirmer si les heures supplémentaires et la période de disponibilité ont été payées. La feuille de temps ne précise pas le ou les dossiers auxquels travaille un AELBI un jour donné, ni le travail précis qui est effectué. Cette feuille fait simplement état des heures travaillées chaque jour, ainsi que des heures supplémentaires et des congés, le cas échéant.

50        M. Johns a déclaré qu’au cours de la période où il administrait le bureau de la DELBI à Winnipeg, les feuilles de temps lui étaient présentées aux fins d’examen et d’approbation. Il a ajouté qu’il n’établissait aucune correspondance entre les feuilles de temps et les carnets de route des véhicules du parc.

51        En plus de remplir une feuille de temps hebdomadaire, l’agent de service qui est rappelé au travail en dehors des heures normales de travail doit remplir une feuille de rappel au travail faisant état des détails et de la gestion de l’appel, et ce, dans tous les cas de rappel.

A. Contravention pour excès de vitesse

52        Du samedi 1er septembre au mardi 11 septembre 2012, le fonctionnaire était affecté aux fonctions d’agent de service. Le samedi 8 septembre 2012, à 12 h 39, il conduisait un véhicule du parc. Un appareil de radar photographique de la ville de Winnipeg a capté le véhicule et a indiqué qu’il conduisait à une vitesse de 65 kilomètres à l’heure (« km/h ») dans une zone de 50 km/h. Une contravention pour excès de vitesse (la « contravention »), s’élevant à 241,25 $ et datée du 20 septembre 2012, a été donnée par le Service de police de Winnipeg et envoyée par la poste à l’ASFC. Le délai de paiement de la contravention était le 4 novembre 2012.

53        La contravention contenait ce qui suit :

  • une photo à distance et une photo en gros plan du véhicule du parc et de sa plaque d’immatriculation arrière;
  • une fiche à découper et à joindre au paiement envoyé par la poste, qui comprenait des instructions sur l’envoi du paiement par la poste;
  • un espace réservé à d’autres choix de réponses.

54        La fiche à découper incluse aux fins du paiement par la poste contenait les instructions et renseignements suivants :

  • le montant de l’amende (241,25 $);
  • la date d’exigibilité du paiement (le 4 novembre 2012);
  • un code à barres;
  • l’adresse à laquelle envoyer le paiement;
  • un énoncé indiquant que le chèque ou le mandat bancaire devait être fait à l’ordre du ministre des Finances;
  • une instruction précisant que la fiche à découper devait être jointe au paiement;
  • une instruction précisant de ne pas envoyer de sommes en espèces par la poste;
  • un énoncé indiquant qu’un versement spontané serait assimilé à un plaidoyer de culpabilité;
  • un énoncé indiquant qu’un montant de 50 $ serait ajouté si le paiement ou une réponse n’était pas reçu à la date d’exigibilité.

55        Les options suivantes figuraient au verso de la contravention, soit à la deuxième page :

  • le paiement par téléphone, 24 heures sur 24, qui permettait de payer par carte de crédit; le paiement serait assimilé à un plaidoyer de culpabilité;
  • la comparution en personne au palais de justice, sur l’avenue Broadway à Winnipeg ou dans n’importe quel bureau de la cour provinciale du Manitoba, afin de payer, plaider coupable, demander un délai supplémentaire pour payer ou pour prévoir une date à laquelle plaider non coupable et subir un procès; cette section renvoyait à la partie du document qu’il fallait remplir pour autoriser une personne à comparaître au nom de la personne ayant reçu la contravention;
  • la réponse par écrit, autorisant la personne ayant reçu la contravention à déclarer si elle était le propriétaire inscrit du véhicule ou le représentant autorisé de la société désignée dans la contravention, et si elle prévoyait une date à laquelle plaider non coupable et subir un procès.

56        Le fonctionnaire a déclaré avoir pris connaissance de la contravention lorsqu’une adjointe administrative l’a portée à son attention. Il a ajouté que  l’adjointe lui avait remis la contravention afin qu’il s’en occupe; il n’a pas précisé exactement quand. Il a déclaré qu’il n’avait jamais reçu de contravention pour excès de vitesse auparavant dans le cadre de son emploi, et qu’il avait donc demandé à l’adjointe administrative ce qu’il devait faire. Il a ajouté que l’adjointe lui avait dit que les AELBI payaient généralement les contraventions. Il a affirmé avoir parlé à d’autres AELBI, et que ceux-ci s’accordaient pour dire que les AELBI payaient les contraventions, mais que parfois la direction de l’ASFC pouvait s’en charger.

57        Dans son témoignage, le fonctionnaire a mentionné qu’il avait déjà vu M. Johns et un autre AELBI (qu’il n’a pas identifié) s’occuper d’une contravention. Le fonctionnaire n’a pas précisé ce qu’il voulait dire, mais il a affirmé que ces personnes lui avaient dit que la contravention avait été donnée lors d’une surveillance. Le fonctionnaire a alors déclaré qu’il avait voulu établir s’il bénéficiait du même traitement que les autres AELBI; il n’a pas précisé quand. Il n’a pas discuté de cette question avec M. Johns, et cette question n’a pas été posée à M. Johns en contre-interrogatoire.

58        Le fonctionnaire a déclaré que, le 16 octobre 2012, il a rédigé et signé une déclaration solennelle (la « déclaration solennelle du 16 octobre ») qui faisait état de son numéro d’insigne et qui mentionnait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Dans l’affaire concernant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et

le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés

Dans l’affaire concernant :

La contravention générée par le système de saisie d’images

Contravention par radar photographique no 70705101

Je, Tevin Olivier-Job, agent d’immigration chargé de l’exécution de la loi, nommé conformément à l’article 6 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, déclare par les présentes que les renseignements suivants sont véridiques et exacts :

Le 8 septembre 2012, dans l’exercice de mes fonctions d’agent d’immigration chargé de l’exécution de la loi, à bord du véhicule FORD GREY dont le numéro de plaque est FGC 756, je conduisais à la vitesse attestée de 65 km/h dans une zone de 50km/h. J’ai agi ainsi pendant mon quart de travail de 24 h en tant qu’agent de service. Je ne me dirigeais pas vers les lieux d’une situation d’urgence, et ne suis pas dispensé de l’observation de l’ensemble des lois fédérales et provinciales régissant la conduite des véhicules à moteur lorsque je suis en service actif.

[…]

59        Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait rédigé la déclaration solennelle du 16 octobre parce qu’il allait payer la contravention et qu’aucun gestionnaire n’était disponible. Il a affirmé qu’il savait, par suite de son expérience du règlement des contraventions, que si une contravention n’est pas donnée au nom de la personne, cette dernière doit s’identifier auprès du service administratif des tribunaux judiciaires. Il a ajouté qu’étant donné qu’il détenait un insigne et une carte professionnelle, il croyait être habilité à agir au nom de l’ASFC et à régler la contravention.

60        Le fonctionnaire a affirmé qu’il n’avait reçu aucune formation officielle sur l’élaboration d’une déclaration solennelle, qu’il avait rédigé la sienne en se basant sur un modèle et sur d’autres déclarations que des AELBI avaient rédigées dans le passé. Il a affirmé qu’en rédigeant la déclaration solennelle du 16 octobre, il avait eu l’intention de fournir au juge de paix tout renseignement nécessaire concernant la date et l’heure de la contravention. Le fonctionnaire a déclaré qu’il s’agissait de sa façon d’assumer la responsabilité de la contravention et de fournir tous les renseignements nécessaires pour la payer.

61        Le fonctionnaire a déclaré qu’il s’était rendu à la cour provinciale. Lorsqu’il a été appelé à comparaître devant la juge de paix, il lui a remis la contravention, la déclaration solennelle du 16 octobre et sa carte professionnelle. Il a affirmé que la juge de paix lui avait demandé ce qu’il voulait faire. Lorsqu’il lui a répondu qu’il voulait payer la contravention, la juge de paix a regardé la contravention et a dit qu’elle appartenait à l’ASFC. Elle lui a demandé s’il était gestionnaire ou superviseur et il lui a répondu que non. Il lui a dit qu’il était un employé et qu’il avait été enjoint de se présenter à la cour et de s’occuper de la contravention. Le fonctionnaire a affirmé que la juge de paix lui avait demandé ce qu’il voulait dire par [traduction] « s’occuper de la contravention ». Il a affirmé qu’il lui avait dit qu’il n’avait jamais reçu de contravention auparavant et qu’il comparaissait afin de la payer. Le fonctionnaire a affirmé que la juge de paix lui avait dit qu’il ne pouvait pas payer la contravention parce qu’elle ne lui appartenait pas. Il a ajouté qu’elle lui avait également dit que la contravention prévoyait le choix de plaider coupable, non coupable ou coupable avec explications.

62        Il a demandé de plus amples renseignements à la juge de paix. Elle lui a dit de s’adresser à son superviseur et de faire émettre la contravention à son nom, afin de pouvoir y donner suite en tant que simple citoyen et inscrire un plaidoyer. Il a affirmé qu’elle lui avait dit qu’il pouvait recevoir une amende réduite ou établir un plan de versement. Il a ajouté qu’elle lui avait demandé s’il avait besoin de plus de temps. Il a répondu que non, parce qu’il pensait régler rapidement cette affaire.

63        Le fonctionnaire a affirmé que, le 16 octobre 2012, il a quitté le palais de justice et est retourné au travail avec l’intention de s’adresser à la direction. Il a affirmé avoir pris la contravention, la déclaration solennelle du 16 octobre et sa carte professionnelle, les avoir brochées ensemble et les avoir conservées à son bureau, en présumant qu’il verrait M. Johns ou un autre gestionnaire. Le fonctionnaire a ajouté qu’il ne se souvenait pas s’il les avait glissées dans la fente à lettres de M. Johns ce jour-là.

64        En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a été interrogé à savoir s’il avait rédigé la déclaration solennelle du 16 octobre afin de pouvoir aller au palais de justice, plaider coupable avec explications et recevoir une amende réduite. Il a répondu : [traduction] « Pas du tout ». En guise de question complémentaire, l’avocate a suggéré qu’agir comme tel  été répréhensible. Le fonctionnaire n’a pas répondu.

65        En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a déclaré qu’il avait rédigé la déclaration solennelle du 16 octobre afin d’être autorisé à payer la contravention. Cependant, lorsqu’il a été informé qu’une section de la contravention aurait pu être remplie, lui permettant ainsi de payer la contravention au nom de l’ASFC, il a répliqué qu’il s’agissait de la première contravention qu’il recevait et que personne ne lui avait dit quoi faire. Il a ensuite déclaré qu’il avait questionné l’adjointe administrative qui lui avait remis la contravention à ce sujet, ainsi que d’autres AELBI (qu’il n’a pas identifiés), qui lui ont dit de payer la contravention.

66        L’avocate de l’ASFC a mentionné au fonctionnaire qu’il avait déclaré que bien que d’autres agents avaient payé des contraventions, il avait vu M. Johns et un autre agent (qui avait reçu une contravention pour avoir brûlé un feu rouge pendant qu’il effectuait une surveillance) tenter de faire réduire le montant d’une amende. Le fonctionnaire a acquiescé. On lui a alors rappelé qu’il avait dit qu’il voulait savoir si sa situation justifiait un traitement d’exception, mais qu’il n’avait jamais communiqué avec M. Johns, ce qu’il a reconnu. Le fonctionnaire a ensuite été informé qu’il n’avait jamais établi ce contact, malgré le fait qu’il possédait le numéro de téléphone mobile de M. Johns et qu’il pouvait lui envoyer un courriel. Le fonctionnaire a de nouveau acquiescé. En dernier lieu, on a fait valoir au fonctionnaire que même si Mme Fussey avait été présente jusqu’au 2 novembre 2012, il n’avait jamais communiqué avec elle au sujet de la contravention et de l’amende. Le fonctionnaire a de nouveau acquiescé.

67        Lorsqu’on a de nouveau fait valoir au fonctionnaire qu’il avait rédigé la déclaration solennelle du 16 octobre pour obtenir une amende réduite, il a répondu que ce n’était pas du tout le cas. À la question complémentaire consistant en une suggestion de l’avocate de l’ASFC qu’il était répréhensible d’utiliser son poste pour chercher à obtenir un avantage financier, le fonctionnaire a répondu : [traduction] « Oui; c’est pourquoi cela ne m’a jamais effleuré l’esprit. »

68        En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a été renvoyé aux notes d’une rencontre qu’il avait eue avec M. Tisdale, le 17 janvier 2013 (les « notes du 18 janvier »), plus particulièrement à la section des notes indiquant que le fonctionnaire avait mentionné à M. Tisdale qu’il n’était pas satisfait parce qu’il ne s’était pas vu offrir la possibilité d’assumer la responsabilité de la contravention en étant autorisé à plaider coupable. Lorsqu’il a été renvoyé au fait qu’il n’avait jamais pensé à plaider coupable avec explications avant d’avoir parlé avec la juge de paix, il a répondu que c’était exact.

69        Le fonctionnaire a reconnu qu’après avoir examiné la contravention, il savait qu’à défaut de la régler au plus tard le 4 novembre 2012, une surcharge de 50 $ serait ajoutée à l’amende.

70        En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a déclaré que du 21 septembre au 16 octobre 2012, la contravention était dans sa corbeille d’arrivée. Le courriel qu’il a envoyé à M. Tisdale, le 17 janvier 2013, lui a été présenté; il y mentionne ce qui suit au dernier paragraphe : [traduction] « Le paiement de la contravention n’aurait pas dû être ma seule option. Plus particulièrement parce que je m’étais efforcé de m’en occuper il y a plusieurs mois lorsque c’était moins dispendieux et que plusieurs options m’étaient offertes. »

71        Le fonctionnaire a été interrogé à savoir si, entre le 16 octobre 2012 et la date du courriel (le 17 janvier 2013), il avait eu en main sa carte de débit et avait été disposé à payer, ce à quoi il a répondu : [traduction] « À ce moment-là, j’avais obtenu beaucoup plus d’information ».

72        Lorsqu’on a souligné au fonctionnaire qu’il n’avait ni communiqué avec M. Johns ou Mme Fussey ni rempli le formulaire, il a déclaré qu’il attendait les directives de la direction. Toujours lors du contre-interrogatoire, il a déclaré qu’il n’était pas au courant de l’existence du formulaire qui était joint à la contravention et qu’il aurait pu utiliser pour obtenir l’autorisation de payer la contravention.

73        En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a déclaré que le 16 octobre 2012, la juge de paix du palais de justice lui avait dit de demander à son gestionnaire de rédiger une lettre afin de lui céder la contravention. À la question de savoir s’il avait demandé plus particulièrement à l’un ou l’autre des AELBI qui occupaient le poste de M. Johns par intérim avant l’arrivée de M. Tisdale de rédiger cette lettre, il a répondu : [traduction] « Non. »

74        À la question de savoir si, à un moment donné entre le 16 octobre 2012 et la conversation qu’il a eue avec M. Tisdale à la mi-décembre 2012, il s’était renseigné auprès de la hiérarchie et prié quelqu’un de rédiger et de signer une lettre, comme l’avait suggéré la juge de paix, le fonctionnaire a déclaré ceci :[traduction] « J’ai demandé aux cadres de me céder la contravention. Je ne savais pas du tout comment ils le feraient. J’ai dit qu’il me fallait quelque chose pour que la contravention me soit cédée. Je n’ai pas dit que j’avais besoin qu’on me rédige une lettre. Je m’attendais à ce que tout le monde sache ce que je voulais dire. »

75        M. Tisdale a déclaré qu’un plateau qui se trouvait dans le bureau du gestionnaire de la DELBI était identifié comme étant une corbeille d’arrivée. Il a ajouté que les AELBI qui avaient rempli les fonctions de gestionnaire par intérim avant lui avaient accès au bureau et à la corbeille d’arrivée. Si le bureau était fermé à clé, ils avaient les clés.

76        Le 12 novembre 2012, un avis de condamnation par défaut a été émis relativement à la contravention. Cet avis faisait état de la date de condamnation, soit le 12 novembre 2012, d’une augmentation de l’amende à 291,25 $ et de la date d’exigibilité du paiement, soit le 12 décembre 2012. L’avis déposé en preuve était frappé d’un timbre dateur indiquant que l’ASFC l’avait reçu le 28 novembre 2012. Le fonctionnaire a déclaré que l’adjointe administrative qui lui avait remis la contravention au départ lui avait remis une copie de l’avis.

77        Des choix de réponses analogues à ceux qui étaient énoncés dans la contravention initiale, ainsi que d’autres réponses possibles, y compris la demande d’une nouvelle audience, étaient joints à l’avis de condamnation par défaut. Celui-ci indiquait aussi un nouveau choix de paiement, en ligne, par carte de crédit. L’avis contenait aussi l’avertissement suivant :

[Traduction]

Si vous ne payez pas le plein montant exigible, ou ne répondez pas au présent avis avant la date d’échéance, des mesures coercitives seront prises, notamment :

  • le renouvellement de votre permis de conduire et/ou de votre permis d’immatriculation sera bloqué; un montant de 40 $ vous sera facturé si le renouvellement de votre permis de conduire est bloqué; des fonds garantis seront exigés pour supprimer le blocage (c.-à-d. de l’argent comptant, un chèque certifié ou un mandat bancaire);
  • la saisie de votre salaire ou de votre compte bancaire par un officier; un montant de 50 $ vous sera facturé pour chaque ordonnance de saisie;
  • la saisie de vos biens personnels par le shérif (c.-à-d. la voiture, l’ordinateur, le matériel électronique, et ainsi de suite); un montant de 374,50 $, auquel s’ajouteront des frais de remorquage et d’entreposage, vous sera facturé si cette mesure est prise;
  • l’établissement d’un privilège contre votre maison ou tout autre bien immobilier; un montant de 37 $ vous sera facturé si cette mesure est prise;
  • le transfert de votre compte à une agence de recouvrement, ce qui aura un effet sur votre cote de crédit.

L’une ou l’autre de ces mesures peut être prise sans autre avis.

78        À la question de savoir ce qu’il a fait au moment de recevoir l’avis de condamnation par défaut, le fonctionnaire a répondu : [traduction] « J’ai tout pris et je l’ai joint aux autres choses aux fins d’enquête. » Il a ajouté qu’au cours de cette période, il avait fait ce qui suit :

[Traduction]

Je m’acquittais des fonctions de mon poste; cette affaire a été mise de côté jusqu’à ce que je puisse en parler avec un gestionnaire. On ne m’a pas dit qu’aucun gestionnaire n’était disponible pour en discuter. Ce n’est qu’au moment de la réception de cet avis de paiement en souffrance qu’un gestionnaire est entré au bureau et que j’ai pu lui montrer ce que la juge de paix avait dit.

79        Le fonctionnaire a déclaré qu’après avoir reçu l’avis de condamnation par défaut, il s’était adressé à Mme Nortey et M. McEvoy, les deux AELBI qui étaient gestionnaires par intérim. Il leur a dit ce qu’il avait fait le 16 octobre 2012 et ce que la juge de paix lui avait dit. Il a affirmé que Mme Nortey avait déclaré qu’elle ne prendrait aucune [traduction] « mesure », parce qu’elle n’était pas la gestionnaire et que cette situation ne relevait pas de son mandat en qualité de gestionnaire intérimaire; elle ne voulait pas s’en mêler. Le fonctionnaire n’a présenté aucun témoignage sur ce qui a été discuté avec M. McEvoy.

80        Pendant son témoignage sur ses échanges avec Mme Nortey et M. McEvoy, le fonctionnaire a poursuivi en disant que les discussions avaient été informelles, que la direction n’avait pas été disponible et que les AELBI en avaient assez de leur poste intérimaire et qu’ils ne lui donneraient pas de directive pour la suite. Le fonctionnaire a déclaré qu’à ce moment-là, il s’était écoulé 30 jours depuis sa comparution devant la cour. Il ne voyait aucune raison de paniquer; selon lui, un gestionnaire n’allait pas tarder à arriver. Il a ajouté qu’il voulait que tout le monde soit au courant, afin que tous sachent qu’il avait fait preuve de diligence raisonnable en ce qui concerne la contravention.

81        L’adjointe administrative qui a remis la contravention initiale et l’avis de paiement en souffrance au fonctionnaire n’a pas témoigné, pas plus que Mme Nortey ou M. McEvoy.

82        Une deuxième déclaration solennelle, à laquelle était jointe celle du 16 octobre et que le fonctionnaire avait rédigée et signée, a été déposée en preuve. Cette déclaration était datée du 18 décembre 2012 (la « déclaration solennelle du 18 décembre ») et faisait état du numéro d’insigne du fonctionnaire. Le fonctionnaire a déclaré qu’il l’avait rédigée parce qu’il voulait que tout le monde porte plus particulièrement attention à son deuxième paragraphe. Il voulait qu’il soit suffisamment formel. Il a affirmé qu’il voulait s’assurer de faire preuve de diligence raisonnable à l’égard de la contravention. Il a ajouté qu’aucun AELBI n’avait eu à traiter une situation relative à une contravention dans le passé. La déclaration solennelle du 18 décembre est rédigée en ces termes :

[Traduction]

[…]

Dans l’affaire concernant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et

le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés

Dans l’affaire concernant :

La contravention générée par le système de saisie d’images

Contravention par radar photographique no 70705101

Je, Tevin Olivier-Job, agent d’immigration chargé de l’exécution de la loi, nommé conformément à l’article 6 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, déclare par les présentes que les renseignements suivants sont véridiques et exacts :

Le 16 OCTOBRE 2012, l’auteur s’est rendu à la cour provinciale sise au 373, Broadway, à Winnipeg, au Manitoba,  afin de livrer un plaidoyer sur la contravention générée par radar photographique susmentionnée. Il a reçu les directives suivantes de la juge de paix qui était de service à ce moment-là :

– Afin que l’auteur puisse livrer un plaidoyer dans cette affaire, il faudrait qu’il reçoive une lettre d’autorisation de l’Agence des services frontaliers du Canada. En l’absence de cette lettre d’autorisation, je ne serai pas en mesure de livrer un plaidoyer au nom de l’Agence, parce que la contravention générée par radar photographique est donnée au nom de l’Agence et non au nom de l’auteur.

– J’avais pour intention de plaider « coupable avec explications » et de fournir à la cour la déclaration solennelle ci-jointe, afin de pouvoir recevoir une « amende réduite » à la discrétion du juge de paix. En tant que partenaire associé de l’exécution de la loi, je crois que j’aurais réussi si j’avais pu aller de l’avant.

 […]

83        Au sujet de l’énoncé concernant l’amende réduite, au dernier paragraphe, le fonctionnaire a affirmé que la juge de paix lui avait dit qu’il s’agissait du choix le plus logique.

84        Le fonctionnaire a affirmé qu’il avait utilisé le papier à correspondance officielle del’ASFC parce que, selon sa compréhension et d’après ce qu’il avait appris des autres AELBI, si un AELBI voulait signer un affidavit ou faire une affirmation en utilisant sa désignation liée à l’exécution de la loi, il devait alors utiliser le papier à correspondance officielle de l’ASFC. Le fonctionnaire a poursuivi en disant qu’il n’avait jamais reçu de formation officielle ou de directives de la direction concernant l’utilisation d’une déclaration solennelle. Il a ensuite ajouté qu’il s’agissait de sa première contravention et que la seule directive qu’il avait reçue était de la payer.

85        Au sujet de l’énoncé [traduction] « […]En tant que partenaire associé de l’exécution de la loi […] », qui figure au dernier paragraphe de la déclaration solennelle du 18 décembre, le fonctionnaire a affirmé que la juge de paix avait utilisé cette formulation. Il a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

Dans la conversation avec la juge de paix, c’est la formulation que celle-ci a utilisée, en tant que partenaire associé de l’exécution de la loi; l’ensemble de la situation, y compris l’inscription de la contravention, serait pris en compte pour moi, mais pas avant que je ne revienne en possession des documents pertinents.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

86        M. Johns a déclaré que le papier à correspondance officielle de l’ASFC ne devait être utilisé qu’à des fins professionnelles. Il n’a jamais autorisé son utilisation à des fins personnelles.

87        M. Tisdale a déclaré que la contravention, l’avis de condamnation par défaut, la déclaration solennelle du 16 octobre et la déclaration solennelle du 18 décembre avaient été portés à son attention le 18 décembre 2012, lorsque le fonctionnaire les lui a apportés. M. Tisdale a affirmé que le fonctionnaire lui avait dit qu’il avait reçu une contravention alors qu’il utilisait l’un des véhicules du parc en qualité d’agent de service. Il a ajouté que le fonctionnaire lui avait dit qu’il était allé voir un juge de paix dans l’intention de plaider coupable avec explications, et que la juge de paix lui avait dit qu’étant donné que la contravention était au nom de l’ASFC, il devait obtenir une lettre de l’ASFC l’autorisant à plaider coupable avec explications. Interrogé au sujet de sa réaction lorsqu’il a vu les documents, M. Tisdale a déclaré qu’il avait été surpris parce que, à son avis, le fonctionnaire utilisait son titre et son poste à l’ASFC pour tenter de faire réduire le montant de l’amende, ce qui constituait un abus de pouvoir et une violation du Code de l’ASFC.

88        M. Tisdale a déclaré qu’une fois que la contravention et l’avis de condamnation par défaut ont été portés à son attention, il a communiqué avec M. Johns afin de voir comment ce genre de question avait été traité par le passé. En discutant avec M. Johns, il a appris que les contraventions étaient réglées au cas par cas. M. Tisdale a ajouté que M. Johns et lui avaient conclu qu’il incombait au fonctionnaire de payer la contravention, parce qu’il avait dépassé la limite de vitesse dans une zone de terrain de jeu. Comme il avait suivi une formation de conduite et d’évitement des collisions et de surveillance, il aurait dû savoir ce qui était attendu de lui lorsqu’il utilisait un véhicule du parc.

89        M. Tisdale a affirmé que, selon sa compréhension de sa discussion avec le fonctionnaire, ce dernier était en service au moment où il a reçu la contravention. Il a ajouté qu’après avoir parlé avec M. Johns, il a pris des mesures pour déterminer si le fonctionnaire exerçait des fonctions au moment de commettre son infraction. M. Tisdale a affirmé qu’il avait examiné les feuilles de temps du fonctionnaire afin de déterminer si le fonctionnaire avait été rappelé au travail en tant qu’agent de service. Cette information aurait figuré sur les feuilles de temps et une feuille de rappel au travail aurait été jointe à la feuille de temps. Il a ajouté qu’il avait aussi vérifié le carnet de route du véhicule du parc.

90        Les pièces suivantes ont été déposées en preuve :

  • le carnet de route du véhicule du parc que le fonctionnaire avait en sa possession du 1er au 16 septembre 2012;
  • les feuilles de temps du fonctionnaire pour les semaines du 1er au 7 et du 8 au 14 septembre 2012;
  • les feuilles de rappel au travail remplies pour le fonctionnaire pour tout rappel au travail à titre d’agent de service entre le 1er et le 14 septembre 2012;
  • un état de compte de la carte de crédit institutionnelle de l’ASFC utilisée aux fins des achats de carburant effectués pour le véhicule du parc.

91        M. Tisdale a déclaré que les feuilles de temps du fonctionnaire et le carnet de route du véhicule du parc pour la période au cours de laquelle l’excès de vitesse a été commis n’indiquent pas si le fonctionnaire avait été rappelé au travail. Il a affirmé qu’il en avait ainsi conclu parce que la feuille de temps pour le jour en question ne mentionnait aucune demande de paiement d’heures supplémentaires, et qu’aucune feuille de rappel au travail n’était jointe. Le carnet de route du véhicule du parc indiquait que le fonctionnaire avait parcouru 215 km ce jour-là et qu’un achat de 70,1 litres de carburant, s’élevant à 85,47 $, avait été effectué dans une station-service Pétro-Canada, située à l’angle des routes 1 et 207, à Dugald, au Manitoba (une municipalité située immédiatement à l’est de Winnipeg).

92        Au cours de la dernière semaine de décembre 2012, l’ASFC a reçu un avis de paiement final pour l’amende associée à la contravention; la date d’exigibilité du paiement étant alors fixée au 8 janvier 2013. Le montant de l’amende est demeuré 291,25 $. M. Tisdale a affirmé qu’il avait discuté avec Mme Fussey au sujet de la contravention et de la question de savoir si le fonctionnaire était responsable du paiement. Mme Fussey lui a alors dit de consulter les Relations de travail (RT) de l’ASFC.

93        M. Tisdale a déclaré que l’ASFC avait payé la contravention le 7 janvier 2013.

94        M. Tisdale a déclaré qu’à la suite de sa discussion avec Mme Fussey, il a parlé aux RT, qui lui ont conseillé de parler au fonctionnaire et de découvrir ce qui s’était passé, ce qu’il a fait le 17 janvier 2013. Le lendemain, il a rédigé les notes du 18 janvier concernant leur discussion. Ces notes ont été déposées en preuve et sont rédigées comment suit :

[Traduction]

[…]

J’ai demandé à Tevin ce qu’il faisait avec le véhicule au moment de la contravention. Il a répondu que la contravention avait été donnée vers midi, donc au milieu de la journée, et qu’il pouvait être en train d’exercer diverses fonctions qui exigeaient d’utiliser le véhicule, puisqu’il était l’agent de service cette semaine-là. Je l’ai avisé qu’étant donné qu’il s’agissait d’un samedi, j’avais jeté un œil à sa feuille de temps afin de voir ce qui était indiqué sur  les feuilles de rappel au travail que les agents présentent, mais qu’aucune feuille de rappel au travail n’était jointe à sa feuille de temps. Je lui ai aussi demandé s’il était passé chercher le véhicule au bureau. Tevin a répondu que, conformément à la procédure, il prend le véhicule pour la semaine lorsqu’il est l’agent de service, ce qui veut dire amener le véhicule à la maison toute la semaine. Il affirme qu’un autre agent du bureau agissait aussi comme tel. Tevin a ensuite répondu à ma question de savoir s’il avait fait le plein d’essence, il a dit qu’il l’avait peut-être fait, mais qu’étant donné  que ça faisait longtemps, il ne s’en souvenait plus. Je l’ai avisé qu’aucune demande de paiement d’heures supplémentaires ne figurait sur sa feuille de temps. Il a répliqué qu’il n’y en aurait pas s’il n’avait pas été rappelé au travail.

[…]

Tevin est en colère parce que l’Agence ne lui donne pas la possibilité d’assumer la responsabilité de la contravention et qu’elle ne lui cède pas la contravention, afin qu’il puisse plaider coupable avec explications. J’ai expliqué à Tevin qu’il avait assumé la responsabilité de la contravention en la portant à l’attention de la direction et en expliquant la situation, ainsi qu’en fournissant des déclarations solennelles concernant l’incident. Tevin a encore le sentiment qu’il devrait se voir offrir la possibilité de se défendre. Je lui ai répété qu’il avait eu cette possibilité auprès de la direction. Tevin a soulevé l’exemple d’un autre agent qui va se présenter devant la cour pour contester une contravention pour excès de vitesse qu’un agent de police lui a remise. J’ai expliqué que chaque cas est différent et que je ne peux pas me prononcer sur un cas si j’en ignore les circonstances.

[…]

Tevin a aussi le sentiment que la contravention aurait été réduite parce qu’il est un agent d’exécution de la loi et qu’il a reçu la contravention dans l’exercice de ses fonctions. Il a utilisé l’exemple d’un membre du Service de police de Winnipeg (SPW) qui a reçu une contravention similaire et que ces contraventions ont tout simplement été réglées. Il n’incomberait pas au membre du SPW de payer la contravention. J’ai expliqué à Tevin qu’il ignore quelle serait l’issue de son plaidoyer et que le juge de paix saisi de son affaire examinerait l’ensemble des faits de l’espèce, notamment qu’il est un agent d’exécution de la loi et qu’il a reçu une formation spécialisée sur la conduite lorsqu’il est en déplacement pour le compte du gouvernement, qu’à titre de fonctionnaires fédéraux responsables de l’exécution de la loi nous sommes tenus de satisfaire à des normes plus élevées que le public en général, qu’il n’était pas en situation de rappel au travail et que la contravention avait été émise pour excès de vitesse dans une zone de terrain de jeu.

Nous avons longuement parlé de ce qui est raisonnable et de ce qu’on attend raisonnablement d’une personne. Tevin a cité en exemple le fait qu’il avait reçu une contravention  alors qu’il n’excédait la vitesse permise que de 4 km/h, qu’il ne conduisait pas dangereusement et ne « filait pas à toute allure » dans la zone de manière insouciante. Il a ajouté que tous les agents ont besoin de directives à savoir quand l’Agence les appuiera s’ils reçoivent une contravention dans l’exercice de leurs fonctions et si l’on s’attend à ce qu’ils la paient eux-mêmes. Il a aussi déclaré que si l’Agence est d’avis qu’à l’avenir, il peut prendre son propre véhicule lorsqu’il est rappelé au travail, s’il se trouve de nouveau dans cette situation, au moins il aura la possibilité d’assumer la responsabilité et de défendre ses actes. Il a aussi déclaré qu’il se trouvera de nouveau dans cette situation, parce qu’il est un être humain et que les êtres humains font des erreurs. Je l’ai avisé que les employés doivent respecter l’ensemble des lois lorsqu’ils agissent pour le compte de l’Agence et du gouvernement. J’ai ajouté que la limite de vitesse dans cette zone est de 50 km/h pour une raison, et qu’il a été décidé qu’il s’agissait de la limite de vitesse appropriée pour assurer la sécurité publique dans cette zone de terrain de jeu plus particulièrement. C’est la réalité, que Tevin ou quiconque soit d’accord avec cela ou non. J’ai aussi ajouté qu’étant donné que la limite de vitesse établie est de 50 km/h et qu’il roulait à 65 km/h, on pourrait faire valoir qu’il conduisait dangereusement, puisque la limite de vitesse est établie afin d’assurer la sécurité publique.

Tevin a aussi souligné les incohérences dans la façon dont l’Agence traite les infractions au code de la route des employés. Il a cité en exemple un accident qu’il avait eu dans l’exercice de ses fonctions avec un véhicule appartenant à l’Agence. Il avait embouti un autre véhicule dans un parc de stationnement. Il était rentré au bureau, avait signalé l’accident et en avait assumé la responsabilité, en admettant qu’il était fautif et qu’il n’avait tout simplement pas vu l’autre véhicule. En conséquence, il n’avait pas eu à payer les frais liés à cet accident. Il ne comprend pas pourquoi il doit payer à l’occasion du présent incident. Je lui ai dit que j’ignorais les circonstances entourant le traitement de l’accident, mais j’ai donné mon opinion selon laquelle puisque, dans ce cas, il s’agissait de dommages matériels à l’égard desquels l’Agence était assurée, plutôt que d’une violation du code de la route, cela pouvait être entré en jeu dans la décision. J’ai réaffirmé qu’il m’était impossible de formuler un motif définitif.

Tevin a exprimé sa déception et son insatisfaction quant au fait que l’Agence n’appuie jamais ses employés en pareils cas et qu’elle trouve toujours un moyen de se retrancher derrière des considérations juridiques. Tevin a aussi le sentiment qu’il importe peu qu’il soit rappelé au travail ou non; s’il est l’agent de service, il est d’avis qu’il est toujours de service et qu’il agit pour le compte du gouvernement. Il dit que l’Agence néglige l’aspect humain. Tevin s’attendait à ce que l’Agence l’appuie en l’autorisant à assumer la responsabilité, notamment en lui cédant la contravention ou en l’accompagnant devant le juge de paix, afin qu’il inscrive un plaidoyer avec explications. Tevin a le sentiment qu’étant donné qu’il a fait beaucoup de bonnes choses dans le cadre de son emploi auprès de l’Agence, et qu’il s’agit de sa première contravention, l’Agence devrait la payer et lui expliquer qu’elle l’appuie dans ce cas en raison de son bon dossier, mais qu’il doit comprendre qu’il a mal agi et s’efforcer d’éviter cela à l’avenir.

Tevin a indiqué qu’il aimerait voir la politique de l’Agence dans laquelle il est affirmé qu’il incombe aux employés de payer les contraventions qu’ils reçoivent dans l’exercice de leurs fonctions. Il aimerait aussi qu’on lui dise pourquoi l’Agence ne cède pas aux employés les contraventions émises en son nom, afin que ceux-ci puissent répondre à l’accusation devant un juge de paix. J’ai répondu que j’examinerais ces questions pour lui.

J’ai avisé Tevin que la contravention avait été payée afin qu’elle ne soit pas en souffrance après le 8 janvier, mais qu’il devait rembourser l’Agence. Il a le sentiment qu’il n’est pas équitable qu’il doive payer les frais de pénalité de retard de 50 $, étant donné qu’il n’a pas pu porter la contravention à l’attention de la direction parce qu’il n’y avait aucun gestionnaire en poste pendant une bonne partie de l’automne. Il dit qu’il l’avait portée à mon attention en temps opportun.

Je lui ai demandé s’il avait avisé Kim Fussey de la contravention, et il a dit qu’il avait préparé un courriel qui devait être envoyé à notre administrateur, mais qu’il n’est pas sûr de l’avoir envoyé. Je lui ai conseillé de chercher ce courriel et de me l’envoyer s’il le trouve. Cela aidera à établir un calendrier des mesures prises, le cas échéant.

Au début de la réunion, Tevin a souligné que la question en cause était l’argent, parce qu’il s’agit d’une somme importante et qu’il a le sentiment qu’il aurait pu faire réduire l’amende. Vers la fin de la réunion, Tevin a dit que ce n’était pas une affaire d’argent. Que c’était une affaire de principe, parce qu’il ne se voit pas offrir la possibilité d’assumer la responsabilité de la contravention devant un juge de paix et que l’Agence ne l’appuie pas et n’appuie jamais ses employés.

La réunion a pris fin à 16 h 50.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

95        Selon son témoignage, M. Tisdale a été étonné des réponses du fonctionnaire pendant leur réunion. Il a déclaré que celui-ci n’avait pas été rappelé au travail et que le commentaire au sujet de l’achat d’essence était insensé, compte tenu des lieux où la contravention a été donnée et où le carburant a été acheté (au moins 30 km à l’extérieur de la ville).

96        M. Tisdale a aussi été étonné du commentaire du fonctionnaire quant aux motifs pour lesquels il n’avait pas porté la contravention pour excès de vitesse à l’attention de la direction avant de la porter à son attention, à savoir qu’il n’y avait pas de gestionnaire en poste. M. Tisdale a affirmé que c’était bizarre, puisqu’après le départ de M. Johns, il y avait eu trois gestionnaires intérimaires, et que Mme Fussey était sur place.

97        Pendant la réunion, le fonctionnaire a mentionné un courriel. Peu de temps après la réunion, il a envoyé à M. Tisdale un courriel à ce sujet, mentionnant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La déclaration solennelle a été rédigée à la place du courriel. Comme il n’y avait pas de gestionnaire en place pour prendre une décision, la question est restée en suspens jusqu’à ce qu’on puisse s’en occuper. Je ne pouvais pas du tout prédire que quelque chose d’aussi routinier deviendrait une question aussi interminable. Je me suis efforcé d’adresser cette question il y a plusieurs mois, et j’en ai été empêché du fait que je devais attendre qu’un gestionnaire soit nommé. J’ai agi rapidementet de manière responsable et mes efforts sont étayés. Je n’ai pas le sentiment qu’on devrait me tenir responsable, une fois de plus, du fait que la direction ne s’est pas occupée d’une chose qui lui incombait.

Je comprends qu’on m’ait prié de payer INTÉGRALEMENT le montant de la contravention d’environ 292 $. Avant de le faire, j’aimerais qu’on me fournisse par écrit les renseignements demandés ci-dessous.

En ce qui concerne les contraventions […]

  1. Où est-il prévu que l’ASFC peut forcer un employé à payer une contravention à l’égard de laquelle l’Agence ne l’autorise pas à assumer la responsabilité légale?
  2. Où est-il prévu que les employés de l’ASFC doivent payer des contraventions qui ne relèvent pas de leur responsabilité légale?
  3. Quel droit a l’ASFC de forcer les employés à payer même s’ils refusent de se dégager de la responsabilité en faveur de la personne qui en accepte la responsabilité?

Toute cette affaire ne semble pas équitable. J’ai présenté plusieurs demandes de renseignements dans le passé en ce qui a trait à la conduite de l’ASFC relativement à la perception d’équité. Je crois qu’il s’agit d’un autre exemple. Je n’aurais pas dû avoir pour seul choix de payer. Je me suis efforcé de m’occuper de cette question il y a des mois, lorsque le montant était moins élevé et que j’avais davantage de possibilités. Je crois qu’à tout le moins, l’ASFC aurait dû me céder la responsabilité de la contravention, afin que je puisse gérer l’affaire à ma façon, en tant que simple citoyen.

[…]

98        M. Tisdale a été interrogé au sujet de la phrase qui figure dans le courriel du 17 janvier 2013, où le fonctionnaire a écrit ce qui suit : [traduction] « La déclaration solennelle a été rédigée à la place du courriel ». M. Tisdale a affirmé que cette observation était insensée; le fonctionnaire a affirmé avoir écrit ce courriel afin d’expliquer pourquoi il avait rédigé les deux déclarations solennelles, mais cette affirmation n’a aucun sens s’il ne l’a transmis à personne.

99        Au moment de présenter sa preuve, M. Klatt était le directeur adjoint intérimaire de la DELBI pour la région des Prairies de l’ASFC. Il occupait ce poste depuis février 2013. Il était responsable de toutes les activités de la DELBI dans les régions du Manitoba, des T.N.-O., de la Saskatchewan et de l’Alberta de l’ASFC, dont les bureaux se trouvent à Winnipeg, Edmonton, Calgary, Regina et Saskatoon. Il travaillait auprès de l’ASFC ou de l’organisme prédécesseur depuis 20 ans.

100        M. Klatt a tenu une enquête de recherche des faits sur la contravention et l’utilisation du véhicule du parc par le fonctionnaire. Il a nommé Robin Jarvis, surintendante des opérations commerciales terrestres de l’ASFC au bureau de Winnipeg, pour mener l’enquête. Au moment de son témoignage, Mme Jarvis possédait 25 ans de service comme ASF, principalement à l’aéroport de Winnipeg.

101        Mme Jarvis a déclaré que dans le cadre de son enquête, elle avait parlé à M. Tisdale, correspondu avec M. Johns, interrogé le fonctionnaire et recueilli des documents. Elle a écrit à M. Klatt et lui a présenté un rapport d’ordre factuel rédigé le 15 août 2013 (le « rapport »), qui a été déposé en preuve. Ce rapport fait état des cinq allégations d’inconduite suivantes contre le fonctionnaire :

 [Traduction]

1) il n’utilisait pas le véhicule du parc à des fins professionnelles le samedi 1er septembre 2012, lorsqu’il a parcouru 152 km;

2) il n’utilisait pas le véhicule du parc à des fins professionnelles le samedi 8 septembre 2012, lorsqu’il a parcouru 215 km;

3) il a contrevenu à une loi de la circulation en roulant à 65 km/h dans une zone de terrain de jeu, où la limite de vitesse affichée était de 50 km/h, à bord du véhicule du parc, le samedi 8 septembre 2012;

4) il a omis de signaler à la direction de l’ASFC l’infraction à la circulation qu’il avait commise alors qu’il utilisait le véhicule du parc de l’ASFC le 8 septembre 2012;

5) il a utilisé son poste d’AELBI pour tenter de recevoir une amende réduite pour l’infraction à la circulation, sans justification.

102        Mme Jarvis a interrogé le fonctionnaire le 31 mai 2013. Chuck Desjarlais était également présent. Il assistait le fonctionnaire; le surintendant JP Savoie assistait Mme Jarvis.

B. Le rapport

1. Le fonctionnaire n’utilisait pas le véhicule du parc à des fins professionnelles le samedi 1er septembre 2012, lorsqu’il a parcouru 152 km

103        Mme Jarvis a souligné que le fonctionnaire lui avait dit qu’il avait pour pratique, comme les autres AELBI, d’amener le véhicule du parc chez lui s’il exerçait les fonctions d’agent de service. Mme Jarvis a affirmé qu’en ce qui concerne le 1er septembre 2012, le fonctionnaire ne se souvenait plus où il était allé, ni pourquoi il avait utilisé le véhicule, et qu’il ne pouvait pas expliquer pourquoi le kilométrage était aussi élevé pour cette journée-là. Elle a affirmé que le fonctionnaire lui avait dit que tout ce qu’il faisait était lié à ses fonctions d’agent de service, parce que, selon lui, être en disponibilité voulait dire représenter l’ASFC 24 heures par jour, sept jours sur sept, qu’il travaille ou non.

104        Mme Jarvis lui a demandé si cela voulait aussi dire utiliser le véhicule du parc pour usage personnel. Elle a affirmé que le fonctionnaire avait répondu [traduction] « Oui », et qu’il avait déclaré que lorsqu’il exerçait les fonctions d’agent de service, il utilisait le véhicule du parc en tout temps, y compris pour aller à l’épicerie ou au cinéma, parce que tout était lié aux fonctions d’agent de service. Selon Mme Jarvis, le fonctionnaire a affirmé que puisqu’il portait sur lui le téléphone de service et qu’il devait être disponible pour travailler, cela signifiait qu’il était toujours en service. Mme Jarvis a déclaré dans le rapport que le fonctionnaire lui avait aussi dit qu’il transportait régulièrement à bord des véhicules du parc des personnes sans lien avec l’ASFC.

105        Mme Jarvis a conclu que le fonctionnaire n’avait pas utilisé le véhicule du parc à des fins professionnelles le samedi 1er septembre 2012, lorsqu’il a parcouru 152 km.

2. Le fonctionnaire n’utilisait pas le véhicule du parc à des fins professionnelles le samedi 8 septembre 2012, lorsqu’il a parcouru 215 km

106        Mme Jarvis a souligné que le fonctionnaire lui avait dit que le kilométrage de cette journée-là n’était peut-être pas exact, ce qui laissait penser que, parfois, il ne consignait pas le kilométrage des jeudis, vendredis, samedis et dimanches. Cependant, cela n’importait pas, parce que tout ce qu’il faisait, il le faisait alors qu’il était agent de service.

107        Le rapport a révélé que Mme Jarvis avait produit le carnet de route du véhicule du parc, et qu’elle avait précisé au fonctionnaire que le kilométrage avait été consigné pour le jeudi 6, le samedi 8, le dimanche 9 et le lundi 10 septembre. Il était indiqué que le fonctionnaire lui avait dit qu’un déplacement vers Emerson, au Manitoba, pouvait avoir été effectué l’un de ces jours-là. Le fonctionnaire a été prié d’examiner ses documents afin de voir si, effectivement, ce déplacement avait eu lieu. Selon le rapport, si un déplacement avait été effectué vers cet endroit ou tout autre point, des heures supplémentaires seraient consignées sur sa feuille de temps, mais il n’y en a pas. Encore une fois, selon le rapport, le fonctionnaire n’a fourni à Mme Jarvis aucune preuve de son déplacement vers un endroit lié au travail à l’extérieur de Winnipeg qui pourrait justifier le kilométrage élevé.

108        Selon le rapport, Mme Jarvis a montré au fonctionnaire le reçu de l’achat de carburant effectué pour le véhicule du parc le samedi 8 septembre 2012, au Pétro-Canada situé à l’angle des routes 1 et 207, à Dugald. Le rapport mentionne que le fonctionnaire a affirmé qu’il ne se souvenait pas pourquoi il serait allé là, ni pourquoi il aurait fait le plein à cette station-service, bien qu’il n’ait pas contesté s’y être arrêté et avoir fait le plein. Selon le rapport, le fonctionnaire a réaffirmé qu’il était l’agent de service, et que, à ce titre, il était en disponibilité. Il devait représenter l’ASFC et, par conséquent, pouvait avoir utilisé le véhicule du parc, bien qu’il ait reconnu qu’il n’y avait pas eu d’appel le 8 septembre 2012.

109        Mme Jarvis a conclu que le fonctionnaire n’avait pas utilisé le véhicule du parc à des fins professionnelles le samedi 8 septembre 2012, lorsqu’il a parcouru 215 km.

3. Le fonctionnaire a contrevenu à une loi de la circulation en roulant à 65 km/h dans une zone de terrain de jeu, où la limite de vitesse affichée était de 50 km/h, à bord du véhicule du parc, le samedi 8 septembre 2012

110        Le rapport a révélé que le fonctionnaire avait assumé la responsabilité de ses infractions à la circulation.

4. Le fonctionnaire a omis de signaler à la direction de l’ASFC l’infraction à la circulation qu’il avait commise alors qu’il utilisait le véhicule du parc de l’ASFC le 8 septembre 2012

111        Selon le rapport, une adjointe administrative a remis la contravention au fonctionnaire sans que la direction ne soit au courant. Ce dernier en a assumé la responsabilité, puis il a rédigé la déclaration solennelle du 16 octobre qu’il a présentée à la juge de paix de la cour provinciale. Le rapport a révélé que la cour ne pouvait pas accueillir son plaidoyer, parce que le véhicule était enregistré au nom de l’ASFC.

112        Selon le rapport, le fonctionnaire a dit qu’il cherchait à obtenir des directives de la direction afin de savoir qui, de lui ou de l’ASFC, devait payer la contravention. Selon le rapport, le fonctionnaire a affirmé qu’en l’absence d’un membre de la direction, il avait décidé de [traduction] « mettre cela de côté ».

113        Toujours selon le rapport, le fonctionnaire a affirmé ce qui suit : [traduction] « Je pensais le dire à Doug [Tisdale] quand l’occasion se présenterait, mais la question est restée en suspens indéfiniment parce qu’il n’y avait personne. » Selon le rapport, à la question de savoir s’il s’était adressé à un gestionnaire intérimaire, le fonctionnaire a répondu : [traduction] « Un gestionnaire par intérim ne veut pas s’en occuper. Il y a une question pertinente pour laquelle nous pensons avoir droit à une réponse. Je cherche à obtenir des directives, et n’en ai pas obtenu. »

114        Toujours selon le rapport, le fonctionnaire a affirmé qu’il avait laissé la contravention dans la corbeille d’arrivée de la direction et qu’il avait expliqué ce qu’il avait fait à l’adjointe administrative. Selon le rapport, le fonctionnaire a affirmé ce qui suit : [traduction] « [Je voulais] forcer la direction à me donner des directives. Je devrais être autorisé à présenter un plaidoyer si je dois régler la contravention. Donnez-moi l’autorisation, ou bien occupez-vous-en. Ne pas pouvoir répondre à l’accusation mais me contenter de payer me pose un problème. »

115        Selon le rapport, le fonctionnaire a dit à Mme Jarvis qu’il avait informé M. Tisdale de la contravention avant la date limite et il a convenu qu’il s’agissait probablement du 18 décembre 2012.

116        Il est conclu dans le rapport que le fonctionnaire n’a pas signalé son infraction à la circulation à la direction en temps opportun.

5. Le fonctionnaire a utilisé son poste d’AELBI pour tenter de recevoir une amende réduite à l’égard de l’infraction à la circulation, et cela, sans justification

117        Il est établi dans le rapport que le fonctionnaire a rédigé deux déclarations solennelles et qu’il a tenté de montrer la déclaration solennelle du 16 octobre à un juge de paix en cour. Selon le rapport, il a dit à Mme Jarvis qu’il avait rédigé la déclaration solennelle du 18 décembre afin d’expliquer à son gestionnaire pourquoi la contravention n’avait pas été payée.

118        Il est conclu dans le rapport que le fonctionnaire a rédigé les déclarations solennelles pour tenter d’obtenir une amende réduite. En ce qui concerne la déclaration solennelle du 18 décembre, il semble n’y avoir aucune explication pour justifier la déclaration suivante : [traduction] « […] une « amende réduite » […] en tant que partenaire associé de l’exécution de la loi […] » Le fonctionnaire n’aurait pas dû tenter d’utiliser son poste pour obtenir une faveur.

119        Mme Jarvis a déclaré qu’elle avait pris des notes de son entrevue avec le fonctionnaire le 31 mai 2013 (les « notes du 31 mai »), lesquelles ont été déposées en preuve. Mme Jarvis a affirmé que le fonctionnaire en avait reçu une copie, mais qu’il ne lui avait fait aucun commentaire à ce sujet. Ces notes renferment les questions et réponses suivantes :

[Traduction]

[…]

[Note : « RJ » est Mme Jarvis et « TJ » est le fonctionnaire.]

RJ – À bord du véhicule, y a-t-il des personnes qui ne sont pas à l’emploi de l’ASFC avec vous?

TJ –    Il peut y en avoir, je ne suis pas toujours seul; si nous allons chez les parents de ma copine, j’emmène celle-ci avec moi, parce que je sais qu’elle aura quelqu’un pour la ramener si je suis rappelé au travail et que je dois partir.

[…]

RJ – Lisez la deuxième allégation – 215 km, le 8 septembre.

RJ – Avez-vous une idée de ce que vous faisiez ce jour-là?

TJ –    À part le fait d’avoir été l’agent de service, mes souvenirs ne remontent pas aussi loin. Oh […] D’accord, je ne crois pas que le kilométrage soit exact, parce que si je n’indique pas le kilométrage dans le carnet de route les jeudi, vendredi, samedi et dimanche, il se peut que je ne l’inscrive pas avant le lundi […] peu importe ce que je faisais de toute façon, parce que j’étais l’agent de service

RJ –    Le kilométrage a été indiqué les jeudi 6, samedi 8 et lundi 10.

TJ –    Si je me rendais à Emerson, je l’indiquais dans le carnet de route, habituellement pour moi; j’aurais pu descendre sur les heures normales, poursuivre après le travail et ne pas indiquer le kilométrage avant le samedi. Mais le 8 septembre, je serais étonné qu’il y ait eu un déplacement à Emerson, au mieux de ma connaissance.

RJ – Le kilométrage aurait-il pu être effectué le vendredi?

TJ – Il aurait pu l’être le 6, le 7 ou le 8, peut-être en combinaison avec l’autre parcours.

RJ –    Avez-vous consigné les déplacements à Emerson?

TJ – Il faudrait que je vérifie mes courriels pour voir les délais établis pour un avis d’arrestation, par exemple.

RJ –    Si vous étiez allé un samedi, vous auriez indiqué les heures supplémentaires?

TJ –    Oui, aucune n’est enregistrée le premier?

RJ –    Oui, il y en a trois le premier, 22 minutes jusqu’au poste de police de Brandon, mais rien le 8.

[…]

RJ –    Expliquez de quelle façon vous avez pris connaissance de la contravention ?

TJ –    L’adjointe a examiné le registre, a vu qu’il s’agissait de moi, a déposé la contravention sur mon bureau, et c’est là que je l’ai vue. J’ai vérifié s’il s’agissait bien de moi. Je gère les choses à mesure qu’elles se présentent. En dernier ressort, j’ai demandé qu’on s’en occupe afin qu’elle soit payée. Je l’ai présentée, j’ai rédigé une déclaration solennelle et je me suis efforcé de me rendre sur Broadway, pour plaider ma cause. Je me suis fait dire par la juge de paix que je n’étais pas autorisé à plaider, puisque la contravention incombait à l’ASFC, et non à moi. Comme il n’y avait pas de gestionnaire en poste je l’ai mise de côté.

RJ –    Personne n’occupait le poste par intérim?

TJ –    Al était à Regina, par intérim, jusqu’à l’arrivée de Doug. Non, je ne suis pas allé voir Al, la contravention est restée en suspens. Il y avait une date d’exigibilité, et la juge de paix m’a demandé si je voulais obtenir une prolongation; j’ai dit que non, parce que j’ai transmis la contravention à Bobbie (adjointe) avant cette date, afin que la direction y voie.

[…]

RJ –    Y avait-il un gestionnaire par intérim?

TJ –    Un gestionnaire par intérim ne veut pas s’en occuper. Il y a une question pertinente pour laquelle nous avons le sentiment d’avoir droit à une réponse. Doug a dit qu’il s’agissait d’une zone grise. J’ai tenté d’obtenir des directives, et n’en ai pas obtenues. Selon mon expérience auprès de Doug, si je le comprends bien, si je reçois une contravention je dois simplement la payer. Je ne peux pas inscrire un plaidoyer, parce que le nom de l’ASFC figure sur la contravention, et non le mien; je n’ai pas la possibilité d’inscrire un plaidoyer, mais ne devrais-je pas être autorisé à inscrire un plaidoyer s’il m’incombe de payer? Ce que je retiens de la conversation, c’est qu’il s’agit de l’image de l’Agence. Si la contravention est tout simplement payée, il n’y a aucun aveu de culpabilité au nom de l’Agence.

[…]

RJ –    En raison du fait que vous étiez l’agent de service, vous aviez le sentiment qu’il était acceptable de rédiger une déclaration solennelle sur du papier à correspondance officielle de l’ASFC?

TJ –    C’était ma façon d’assumer la responsabilité. En qualité d’agent de service, on m’a dit que je ne suis pas autorisé à interjeter appel, mais en fait, je travaillais, ni pour répondre à un appel ni pour intervenir dans un cas d’urgence, simplement pour m’acquitter de mes fonctions de disponibilité en tant qu’agent de service. Je n’avais pas l’intention d’obtenir un avantage, mais d’assumer la responsabilité et de dire ce qui s’était passé.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

120        Le 13 juin 2013, Mme Jarvis a envoyé un courriel à M. Johns concernant l’utilisation du véhicule du parc. Celui-ci a répondu comme suit le jour même :

[Traduction]

[Note : Le texte en caractères maigres correspond aux questions de Mme Jarvis, et le texte en caractères en gras, aux réponses de M. Johns.]

Selon la politique, les agents de service sont-ils autorisés à amener les véhicules chez eux et à les utiliser pour toutes les courses personnelles qu’ils peuvent devoir effectuer pendant leurs jours de repos? Non, l’utilisation du véhicule et le fait de l’avoir à la maison a pour but d’aider les agents à accomplir les activités liées à leur travail comme les enquêtes, les gardes, les retraits et les tâches de l’agent de service. Je n’approuve pas ou n’ai pas approuvé l’utilisation d’un véhicule gouvernemental pour effectuer des déplacements personnels; je comprends que pendant l’exercice de ses fonctions un agent peut prendre une pause, un déjeuner ou un café de plus, ce qui peut occasionner des situations bizarres comme de courir à la banque parallèlement aux tâches pour régler des affaires personnelles, mais il ne faudrait pas s’écarter de la voie; essentiellement, ces situations ne me concernaient pas, puisqu’elles ont lieu dans l’exercice de leurs fonctions, mais le véhicule ne doit pas servir à un usage personnel. J’ai parlé de l’utilisation du véhicule avec le personnel du bureau de la DELBI à Winnipeg, et je vérifierai les courriels afin de voir si on leur a fourni quelque chose par écrit.

Saviez-vous que cela se produisait dans le cas de certains agents et non des autres? Non, mais la question qui concerne Tevin et une contravention a été portée à mon attention par Doug Tisdale, qui était le gestionnaire à l’époque.

Saviez-vous que certains agents transportaient éventuellement des membres de leur famille ou des amis à bord des véhicules de l’ASFC? Non.

Obtiendraient-ils l’autorisation de le faire? Non.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

121        Le fonctionnaire a confirmé qu’il avait reçu une copie des notes du 31 mai, dans un courriel de Mme Jarvis en date du 12 juin 2013, où il était prié de les examiner, de fournir à Mme Jarvis des ajouts ou des corrections, puis de confirmer qu’il les avait lues et d’y souscrire ou de formuler des observations à Mme Jarvis. Le fonctionnaire a confirmé qu’il ne lui avait fourni ni ajouts, ni corrections, ni observations.

122        Les feuilles de temps du fonctionnaire pour les semaines du 1er au 14 septembre 2012, révèlent ce qui suit :

  • son horaire de travail normal était du lundi au vendredi, de 7 h 30 à 15 h 30;
  • il a été l’agent de service du 1er au 11 septembre 2012, et il a touché l’indemnité de disponibilité pour ces dates, conformément à la convention collective;
  • il a réclamé le paiement d’heures supplémentaires en tant qu’agent de service et a été rémunéré pour une période minimale de 3,0 heures, effectuée les samedi 1er, mardi 4, mercredi 5 et dimanche 9 septembre.

123        Les feuilles de rappel au travail des 1er, 4, 5 et 9 septembre révèlent ce qui suit :

  • Le 1er septembre 2012 : Un appel téléphonique [traduction] « pour votre information » (« PVI ») de la police de Brandon, consigné comme ayant duré vingt minutes entre 16 h 10 et 16 h 30.
  • Le 4 septembre 2012 : Un appel téléphonique PVI, consigné comme ayant duré quinze minutes entre 3 h 45 et 4 h.
  • Le 5 septembre 2012 : Un appel téléphonique PVI du Service de police de Winnipeg, consigné comme ayant duré quinze minutes entre 12 h 35 et 12 h 50.
  • Le 9 septembre 2012 : Deux appels téléphoniques ont été faits, d’un autre emplacement de l’ASFC, concernant une arrestation, ces appels ont duré 9 minutes en tout. Pendant le deuxième appel, il a été établi qu’il aurait fallu appeler la DELBI basée en Colombie-Britannique, et non le bureau de Winnipeg.
  • 124        Le carnet de route du véhicule du parc comprend les renseignements suivants concernant l’utilisation du véhicule par le fonctionnaire entre le 1er et le 11 septembre, alors qu’il était l’agent de service :

    [Traduction]

    Date Nbre total de km parcourus Km au départ Km à l’arrivée Frais connexes
    1er sept. 152 71586 71738  
    2 sept. 12 71738 71750 82,01 $ de carburant
    3 sept. 18 71750 71768  
    4 sept. 89 71768 71857  
    5 sept. 73 71857 71930  
    6 sept. 11 71930 71941  
    8 sept. 215 71941 72156 85,47 $ de carburant
    10 sept. 42 72156 72198  
    11 sept. 34 72198 72232  

    125        Le fonctionnaire a déclaré qu’en 2012, il avait deux domiciles. L’un de ces domiciles était situé au centre-ville de Winnipeg, sur Waterfront Drive, à 5 minutes de route (ou 20 minutes de marche) des bureaux de la DELBI, selon lui. L’autre domicile était situé à l’extrémité nord de Winnipeg. Une carte Google affichant trois itinéraires entre l’adresse du fonctionnaire située à l’extrémité nord et les bureaux de la DELBI a été déposée en preuve. En fonction du choix, les trois itinéraires font état de distances de 12,4 km, 11,8 km et 11,4 km, respectivement, à savoir des allers-retours variant entre 24 et 26 km.

    126        Le 9 septembre 2013, M. Klatt a envoyé une copie du rapport au fonctionnaire. Il l’a invité à formuler des commentaires à cet égard et à présenter des précisions ou des circonstances atténuantes. Il l’a ensuite convié à une audience prédisciplinaire, afin de discuter de l’inconduite établie dans le rapport.

    127        L’audience prédisciplinaire a eu lieu le 16 septembre 2013. M. Klatt était accompagné de Scott Hazlitt, qui a pris des notes qui ont été déposées en preuve. M. Klatt a déclaré que ces notes traduisent exactement la discussion qui a eu lieu.

    128        M. Klatt a affirmé qu’à la réunion, le fonctionnaire était agressif, qu’il avait déclaré qu’il n’avait pas le sentiment d’avoir faitquoi que ce soit de répréhensible et qu’il ne s’était pas excusé. M. Klatt a ajouté que le fonctionnaire ne semblait pas comprendre la gravité de l’inconduite. Il a blâmé les autres et n’a pasassumé la responsabilité de ses actes. M. Klatt a affirmé qu’il était important pour lui de savoir si le fonctionnaire comprenait que ce qu’il avait fait était répréhensible, et qu’il exprime des remords, puisque cela aurait attesté de son intégrité, de la confiance qu’on peut lui accorder, ainsi que de ses valeurs et de ses principes d’éthique liés à son poste. M. Klatt a déclaré qu’il n’avait rien vu de tel chez le fonctionnaire.

    129        En ce qui concerne l’utilisation du véhicule du parc le 8 septembre 2012, M. Klatt a déclaré que le fonctionnaire lui avait dit qu’il l’avait peut-être utilisé pour se rendre à une partie de football sans contact dans les environs de Dugald. Le fonctionnaire a aussi confirmé qu’il avait transporté des personnes ne faisant pas partie de l’ASFC à bord du véhicule du parc et qu’il n’estimait pas qu’il s’agissait d’un acte répréhensible ni une violation des codes de l’ASFC.

    130        M. Klatt a déclaré que le fonctionnaire avait assumé la responsabilité de la contravention. Pour ce qui est de l’allégation que le fonctionnaire n’a pas signalé la contravention à la direction, M. Klatt a affirmé que, selon le Code de l’ASFC, les employés doivent faire ce genre de chose. Le fonctionnaire aurait pu la porter à l’attention des gestionnaires, des gestionnaires intérimaires ou de Mme Fussey.

    131        M. Klatt a affirmé qu’il avait trouvé que les déclarations solennelles et les commentaires formulés par le fonctionnaire pour assumer la responsabilité de la contravention étaient inhabituels. Il a souligné que le fonctionnaire avait reçu une formation sur la conduite et le respect des lois relatives à la circulation, mais qu’il avait été pris en flagrant délit d’excès de vitesse dans une zone de terrain de jeu et qu’il avait tenté de faire réduire ou d’atténuer le montant de la contravention.

    132        M. Klatt a déclaré être préoccupé par les valeurs, l’éthique et l’intégrité du fonctionnaire. Les AELBI mènent des enquêtes et renvoient des gens du pays. Ils travaillent principalement de façon autonome et avec très peu de surveillance. L’ASFC présume qu’ils respecteront le Code de l’ASFC et qu’ils appliqueront les valeurs et l’éthique dans leur travail.

    133        Le fonctionnaire a déclaré qu’au début de son emploi à la DELBI, il n’avait reçu aucune formation officielle sur l’utilisation des véhicules du parc. Il a ajouté qu’il avait compris que, selon ce que M. Johns lui avait dit, les véhicules du parc devaient être utilisés de la même façon qu’à l’aéroport. Il a déclaré que les autres AELBI l’avaient formé pendant six ou sept semaines, sous forme d’observation. Il a affirmé que M. Johns lui avait dit comment remplir le carnet de route d’un véhicule du parc. Il a déclaré n’avoir regardé aucune des politiques et n’avoir rien demandé par écrit.

    134        Lors de son interrogatoire principal, à la question de savoir comment il devait utiliser un véhicule du parc lorsqu’il était en disponibilité et qu’il exerçait les fonctions d’agent de service, le fonctionnaire a déclaré ce qui suit : [traduction] « Il régnait une culture. Chacun des agents que j’ai accompagnés au cours de la période initiale de 6 à 10 semaines avait sa propre façon d’utiliser le véhicule, de déterminer ce qu’il ferait avec et quoi inscrire dans le carnet de route. » Il a poursuivi en disant : [traduction] « Certains faisaient ce qu’ils étaient censés faire; pour se couvrir, ils suivaient la politique à la lettre. »

    135        Le représentant du fonctionnaire lui a de nouveau demandé comment il utilisait le véhicule du parc pendant qu’il était en disponibilité et agent de service. Il a déclaré que, à ses débuts, il ignorait comment l’utiliser. Son représentant lui a posé la même question une troisième fois. Il a alors répondu qu’au cours de la période initiale de 6 à 10 semaines, il utilisait le véhicule du parc de la même façon qu’à l’aéroport. Il a dit que le véhicule restait au bureau, et que s’il recevait un appel, il allait chercher le véhicule du parc au bureau, le conduisait, puis le retournait au bureau, en laissant sa voiture sur place.

    136        Le fonctionnaire a déclaré qu’après la période initiale de 6 à 10 semaines, au cours d’une discussion informelle avec un autre AELBI, il avait été informé que les fonctions d’agent de service exigeaient qu’il intervienne immédiatement en cas d’urgence, ce qui pouvait arriver si un autre organisme d’exécution de la loi requérait une intervention de l’ASFC dans les plus brefs délais et en temps opportun. Alors, le véhicule du parc était entre les mains de l’agent de service afin qu’il puisse s’acquitter de cette tâche.

    137        Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait dit à l’AELBI en question qu’il avait plusieurs activités en dehors du travail, et qu’il lui avait demandé comment il pouvait utiliser le véhicule du parc aux fins de ces activités, puisqu’au point d’entrée, ils n’utilisaient jamais un véhicule de cette façon. L’AELBI lui a répondu en riant : [traduction] « Tu es dans les ligues majeures, maintenant, Tevin; ce n’est pas de cette façon que nous utilisons le véhicule dans ce milieu. »

    138        Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait renvoyé l’AELBI à la politique et qu’il lui avait demandé s’ils avaient une politique différente qu’au point d’entrée. Il a affirmé que l’AELBI lui avait dit que dans leur secteur d’activités, il y avait une zone grise, et qu’à son avis, si l’utilisation d’un véhicule du parc par un AELBI était contestée, il faudrait alors se pencher sur cette zone grise, et la direction donnerait une directive claire. Le fonctionnaire a ajouté que l’AELBI lui avait dit, en guise d’exemple, qu’il utilisait son véhicule lorsqu’il allait à son chalet, parce qu’il devait intervenir rapidement s’il était appelé pour travailler. Le fonctionnaire a déclaré que cela était bien connu au sein du bureau, notamment de M. Johns et des autres AELBI.

    139        Le fonctionnaire a déclaré que M. Johns avait surpris sa discussion avec l’autre AELBI au sujet de l’utilisation du véhicule du parc, et qu’il s’y était joint. Le fonctionnaire a affirmé qu’il n’avait pas eu à sonder M. Johns pour obtenir sa justification orale de ce qu’avait dit l’AELBI. Il a déclaré que M. Johns avait affirmé que sa justification était le [traduction] « test du Globe and Mail ». Si un AELBI devait justifier son utilisation d’un véhicule du parc, la question à se poser était celle de savoir si cette utilisation pouvait résister à la perception du caractère raisonnable par le public.

    140        Le fonctionnaire a ensuite déclaré ce qui suit : [traduction] « Comme il me l’a affirmé, l’utilisation du véhicule par l’agent de service a pour but d’intervenir en cas d’urgence policière immédiate — et non pour faire des courses personnelles ou, dans mon cas, entraîner et jouer au soccer. » Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait demandé d’autres précisions à M. Johns, qui lui avait dit ceci : [traduction] « En ce qui concerne mes activités en dehors du travail, je ne dois pas utiliser le véhicule; je dois utiliser le véhicule dans les cas d’urgence policière; cependant, dans ma vie il se peut que j’aie des choses à faire. »

    141        Le fonctionnaire a ensuite déclaré que M. Johns lui avait dit ceci : [traduction] « Tu as une vie. Tu te prépares à recevoir un appel ou dois éventuellement intervenir en pareil casn’importe quel jour et à n’importequelle heure, et il [le véhicule du parc] s’agit d’un outil. Obtenir des reçus, consigner le kilométrage est fastidieux; c’est pourquoi les choses sont ce qu’elles sont. » Le fonctionnaire a affirmé qu’il avait été satisfait de cette explication et qu’elle était logique pour lui.

    142        Le représentant du fonctionnaire lui a de nouveau demandé comment il utilisait le véhicule du parc, ce à quoi il a répondu exactement conformément à la conversation qu’il avait eue avec M. Johns après le départ de l’autre AELBI. Il a dit ceci : [traduction] « Lorsque j’étais l’agent de service, j’utilisais le véhicule pour les affaires de l’ASFC; s’il s’agissait de mes propres affaires, j’utilisais le véhicule à cette fin en prévision d’un appel. » Il a déclaré qu’il consignait toujours les renseignements dans le carnet de route. Il a affirmé n’avoir jamais demandé à obtenir des instructions par écrit au sujet de l’utilisation des véhicules du parc.

    143        Lorsque le fonctionnaire a été questionné au sujet de la pratique des autres AELBI quant à l’utilisation des véhicules du parc, il a répondu : [traduction] « Ils utilisaient tous les véhicules différemment. Certains refusaient de l’utiliser à moins que ce ne soit le jour. D’autres refusaient de l’utiliser à moins que ce ne soit dans le cadre d’une arrestation. Et certains agents de service amenaient le véhicule à la maison parce qu’ils devaient procéder à un renvoi. » Lorsqu’on lui a demandé combien d’AELBI l’utilisaient de la même façon que lui, il a affirmé qu’il y en avait un ou deux, puis il a déclaré qu’ils [traduction] « […] ne l’utilisaient pas régulièrement de cette façon. ».

    144        Lorsque le fonctionnaire a été questionné au sujet des AELBI qui utilisaient les véhicules du parc de la même façon que lui, il a déclaré que M. Johns présidait des réunions hebdomadaires de la DELBI et que tous les AELBI y assistaient. Il a ajouté qu’au cours de ces réunions, tout le monde discutait de ce qu’ils faisaient, qu’ils parlaient ouvertement et simplement, et qu’ils discutaient souvent de ce qu’ils avaient fait pendant la fin de semaine. Il a toutefois affirmé que [traduction] « […] nous ne nous posions jamais de questions sur l’utilisation des véhicules du parc pour faire ce genre de choses, parce que nous savions tous qui utilisait le véhicule d’une façon ou d’une autre. » Il a affirmé que M. Johns était parfaitement au courant des commentaires et de l’utilisation parce qu’il était présent, et que les AELBI s’exprimaient tous avec franchise.

    145        Le fonctionnaire a été renvoyé au rapport auquel était jointe une copie du courriel que Mme Jarvis avait envoyé à M. Johns pour lui demander des renseignements sur la contravention et l’utilisation du véhicule du parc. Mme Jarvis y posait la question suivante : [traduction] « L’ASFC a-t-elle pour politique d’autoriser les agents de service à amener les véhicules à la maison et à les utiliser à des fins personnelles, le cas échéant, pendant leurs jours de repos? »

    146        M. Johns a répondu ce qui suit :

    [Traduction]

    Non, l’utilisation du véhicule et le fait de l’avoir à la maison a pour but d’aider les agents à accomplir les activités liées à leur travail comme les enquêtes, les gardes et les tâches de l’agent de service. Je n’approuve pas ou n’ai pas approuvé l’utilisation d’un véhicule gouvernemental à des fins personnelles […]

    147        Lorsqu’il a été renvoyé à cet échange, le fonctionnaire a été interrogé à savoir à quel moment l’explication de M. Johns avait été portée à son attention. Il a répondu que c’était au moment de sa discussion avec M. Johns et l’autre AELBI.

    148        Le fonctionnaire a ensuite déclaré qu’à son avis, la façon de poser une question à quelqu’un aura une incidence sur la façon dont on y répond. Il a laissé entendre que la question particulière de Mme Jarvis avait entraîné la réponse de M. Johns au courriel. Le fonctionnaire a ajouté que si Mme Jarvis avait posé la question différemment, M. Johns aurait peut-être répondu différemment.

    149        Le fonctionnaire a été renvoyé au Code de l’ASFC, qui prévoit l’utilisation appropriée des véhicules, puis il a été interrogé à savoir comment il y harmonisait son utilisation du véhicule du parc. Il a répondu en déclarant que les AELBI utilisaient le véhicule de façon contraire à la politique. Il a ajouté ce qui suit : [traduction] « Comme me l’a dit la direction, il s’agit d’une zone grise; la direction croyait que le test du Globe and Mail permettrait d’exprimer clairement que notre utilisation était dans l’intérêt du public. »

    150        On a demandé au fonctionnaire pourquoi il croyait être en service lorsqu’il était en disponibilité. Il a déclaré ce qui suit : [traduction] « J’avais l’impression qu’il s’agissait d’une affaire de rémunération; voire, de comptabilité. Sous l’angle pratique, je suis au travail. Je suis dans le véhicule de l’Agence. » Il a affirmé que s’il était l’agent de service, il travaillait enpermanence. Il a affirmé qu’il était fortement visible, toujours de service, et que sa vie c’était [traduction] « les affaires de l’ASFC 24 heures par jour, sept jours sur sept ». La disponibilité est toujours une question de rémunération et de comptabilité, pas de fonctions.

    151        Le fonctionnaire a déclaré dans son témoignage en interrogatoire principal, et confirmé en contre-interrogatoire, que lui et tous les AELBI prenaient au sérieux les appels d’urgence et les interventions connexes. Il a reconnu en contre-interrogatoire que s’il était l’agent de service, il devait avoir sur lui le téléphone mobile de la DELBI, ce qui était le cas, selon lui. Selon sa compréhension, tous les AELBI agissaient comme tels lorsqu’ils agissaient à titre d’agents de service.

    152        En ce qui concerne l’AELBI au sujet duquel le fonctionnaire a laissé entendre qu’il amenait le véhicule du parc à son chalet lorsqu’il était agent de service, le fonctionnaire a convenu en contre-interrogatoire que cet AELBI possédait de l’expérience et qu’il était considéré comme un bon AELBI. Le fonctionnaire a aussi confirmé qu’à ses yeux, cet AELBI prenait au sérieux les réponses aux appels d’urgence. Il a aussi confirmé que si le chalet de cet AELBI, où, selon les allégations, il amenait le véhicule du parc lorsqu’il était l’agent de service, se trouvait dans une région où il n’y avait pas de services de téléphonie mobile, l’AELBI aurait alors été incapable de recevoir des appels ou d’y répondre au moyen du téléphone mobile de la DELBI.

    153        Dans son témoignage en interrogatoire principal, le fonctionnaire a été renvoyé au carnet de route du véhicule du parc qu’il avait utilisé le 1er septembre 2012. Il a été interrogé au sujet des 152 km qu’il avait parcourus. Il a répondu en déclarant que lorsque Mme Jarvis lui a posé cette même question, il n’en avait aucun souvenir en raison du temps écoulé. Puis il a affirmé qu’à l’occasion d’une conversation ultérieure, il avait eu le sentiment de devoir fournir une meilleure explication à Mme Jarvis, et il lui a alors dit qu’il était allé à une partie de football sans contact. Il a déclaré qu’il y avait une installation à Milner Ridge où il était peut-être allé, puis il a laissé entendre qu’il pourrait avoir traversé Dugald pour se rendre à Milner Ridge. Il a ensuite déclaré de nouveau qu’il avait dit à Mme Jarvis qu’il avait participé à une partie de football sans contact à Dugald. Ultérieurement, son avocate lui a montré le reçu de l’achat de carburant effectué le 8 septembre 2012, à Dugald. Il a répondu qu’il ne pouvait pas affirmer en toute certitude ce qu’il avait fait ce jour-là.

    154        L’avocat du fonctionnaire lui a alors mentionné qu’il avait dit à Mme Jarvis qu’il ignorait où se trouvait Dugald, et qu’elle lui avait fait la remarque qu’il était étrange, pour un habitant de Winnipeg, d’ignorer où se trouvait Dugald. Le fonctionnaire a répliqué qu’il n’avait pas le sens de l’orientation. Il a poursuivi en spéculant sur la perception de Mme Jarvis et a déclaré qu’il avait fait le plein à Dugald parce que le prix du carburant était bas. Puis il a laissé entendre qu’il pouvait y être allé pour le compte de l’ASFC. Il a ensuite déclaré ce qui suit : [traduction] « L’unique Dugald que je connais bien est l’avenue Dugald, à Winnipeg. Je ne pourrais savoir où se trouve Dugald que si j’obtenais une carte au moyen de Google ou d’un système de localisation GPS. Je n’ai aucune idée de l’emplacement de Dugald. »

    155        L’avocat du fonctionnaire lui a alors demandé pourquoi, s’il était allé à Dugald pour participer à une partie de football sans contact, il aurait fait le plein de carburant du véhicule du parc. Le fonctionnaire a répondu ce qui suit :

    [Traduction]

    Je n’irais pas acheter de l’essence aux fins d’une partie de football sans contact. Le niveau d’essence était bas par suite des fonctions liées au poste et d’affaires personnelles; le niveau d’essence était bas; j’ai acheté de l’essence à cet endroit en cours de route vers un lieu de travail ou accessoire au travail qui était personnel.

    [Je souligne]

    156        L’avocate de l’ASFC a contre-interrogé le fonctionnaire à propos de son entrevue avec Mme Jarvis concernant Dugald, l’achat de carburant et le match de football sans contact. Elle a commencé par lui présenter la déclaration solennelle du 16 octobre, puis lui a fait reconnaître qu’il était important qu’il ait consigné avec précision les renseignements qu’il y avait inscrits. L’avocate a fait reconnaître au fonctionnaire qu’avant de créer la déclaration solennelle du 16 octobre, il avait examiné le carnet de route du véhicule du parc, ainsi que ses feuilles de temps et la feuille de rappel au travail, afin de s’assurer qu’il produirait des renseignements exacts à la cour. La déclaration solennelle du 16 octobre a révélé que, ce jour-là, il n’était pas en route vers les lieux d’une urgence, mais qu’il était l’agent de service.

    157        Le fonctionnaire a en outre admis à l’avocate de l’ASFC que toute urgence ou appel auquel il aurait répondu aurait été consigné quelque part, ce qui n’était pas le cas. Il a convenu qu’au moment de rédiger la déclaration solennelle du 16 octobre, il s’était rafraîchi la mémoire au sujet de ses activités du 8 septembre 2012.

    158        Le fonctionnaire a admis à l’avocate de l’ASFC qu’en 2012, il était membre d’une ligue de football sans contact. Il a confirmé le nom de l’équipe, puis a déclaré que parfois ils jouaient au complexe récréatif Buhler, sur le chemin Murdock, qui se trouve à proximité du chemin Dugald. Il a ensuite reconnu qu’il avait conduit le véhicule du parc à Dugald lorsqu’il avait agi comme agent de service, mais qu’il ne répondait pas à un appel. Pressé de questions par l’avocate, il a déclaré qu’il était allé à Dugald pour la partie de football sans contact et non pour un motif professionnel.

    159        Le fonctionnaire a été renvoyé à sa réponse à la question qui figure dans les notes du 31 mai concernant son utilisation des véhicules du parc en qualité d’agent de service aux fins d’activités autres que les affaires officielles de l’ASFC (« RJ » désigne Mme Jarvis, et « TJ », le fonctionnaire) :

    [Traduction]

    RJ – Aucun appel n’est indiqué; et si vous vous dirigiez vers le lac ou quelque chose comme cela?

    TJ – Moi, personnellement, je reste dans les limites de la ville. Les agents ne veulent pas aller au lac ou quelque chose comme cela parce que cela gâche votre fin de semaine. On s’attend à ce que vous répondiez. Je crois que nous avons tous la même compréhension; si vous êtes l’agent de service 24 heures par jour, sept jours sur sept, vous faites du travail la priorité no 1; vous êtes rémunérés.

    160        Lorsque le fonctionnaire a été renvoyé à cet échange avec Mme Jarvis, on lui a indiqué que si un AELBI s’absentait pour aller au bord d’un lac ou à un chalet, cette personne ne devrait pas être l’agent de service. Le fonctionnaire a déclaré que ce n’était pas exact.

    161        M. Johns a été questionné au sujet de l’utilisation d’un véhicule du parc pour des motifs autres que les fonctions d’agent de service. À titre d’exemple, il a mentionné un AELBI qui apporte un véhicule du parc à la maison parce qu’il doit passer chercher quelqu’un dans un centre de détention tôt le matin, et qu’il serait plus pratique ou plus efficace de son point de vue de disposer du véhicule à la maison et de partir directement de là. Ce type de situation est possible en raison des heures de vol ou d’un déplacement vers les États-Unis. Certains renvois aux États-Unis sont effectués au moyen d’un véhicule du parc et, à ce titre, l’AELBI aurait à se rendre à un centre de détention, ramasser la personne, puis aller la reconduire à un certain endroit et revenir. M. Johns détermine ces utilisations au cas par cas.

    162        En contre-interrogatoire, plusieurs scénarios factuels pouvant constituer ou non une utilisation appropriée du véhicule du parc de la part d’un AELBI ou de l’agent de service ont été passés en revue avec M. Johns. Ce dernier a déclaré qu’il serait approprié pour un AELBI d’utiliser un véhicule du parc et le garer pour aller chercher son repas ou faire le plein de carburant, puis aller à la banque. Il a déclaré qu’il n’était pas approprié pour un agent de service de se rendre à son domicile à bord d’un véhicule du parc et d’arrêter pour faire l’épicerie. Il a déclaré qu’à titre d’agent de service, il n’était pas possible de déposer son conjoint ou sa conjointe en chemin lorsqu’on quittait la maison pour rentrer au bureau dans l’exercice des fonctions d’agent de service. M. Johns a ajouté qu’il n’autorisait pas, et qu’il ne pouvait ni autoriser ni tolérer l’usage personnel des biens de l’ASFC, y compris un véhicule du parc. Dans le cas contraire, il serait également tenu responsable.

    163        M. Johns a déclaré expressément qu’il n’avait pas connaissance d’une utilisation inappropriée des véhicules du parc de la part des AELBI (exception faite du fonctionnaire). Il a été questionné au sujet de l’allégation du fonctionnaire selon laquelle un AELBI avait amené un véhicule du parc à son chalet ou à sa maison de campagne et il a répondu qu’il n’avait pas eu connaissance qu’un tel événement se soit produit.

    164        Dans son témoignage, M. Johns a abordé une situation précise, mettant en cause un AELBI du sud de la Saskatchewan qui avait demandé s’il pouvait amener un véhicule du parc à son chalet pour une fin de semaine, puisqu’il était en disponibilité afin de recouvrer des armes à feu en divers points d’entrée situés le long de la frontière des États-Unis en Saskatchewan. L’AELBI avait porté cette situation particulière à l’attention de son patron, et la demande avait été approuvée, sous réserve que l’agent emporte avec lui tout son matériel de travail et qu’il dispose d’un lieu où ranger son arme de service en toute sécurité. La demande avait été approuvée au motif que le chalet se trouvait plus proche des points d’entrée où l’agent serait appelé. La demande avait aussi été approuvée sous réserve que seul l’agent monterait à bord du véhicule, et qu’à moins d’être rappelé au travail, le véhicule demeurerait au chalet. La famille de l’agent devait faire l’aller-retour au chalet par un autre moyen.

    165        Le fonctionnaire a été questionné au sujet des observations suivantes qui lui sont attribuées dans les notes du 18 janvier :

    [Traduction]

    Tevin a aussi souligné les incohérences dans la façon dont l’Agence traite les infractions au code de la route des employés. Il a cité en exemple un accident qu’il avait eu dans l’exercice de ses fonctions avec un véhicule appartenant à l’Agence. Il avait embouti un autre véhicule dans un parc de stationnement. Il était rentré au bureau, avait signalé l’accident et en avait assumé la responsabilité en admettant qu’il était fautif et qu’il n’avait tout simplement pas vu l’autre véhicule. En conséquence, il n’avait pas eu à payer les frais liés à cet accident. Il ne comprend pas pourquoi il doit payer à l’occasion du présent incident.

    166        Lorsqu’il a été renvoyé à ces observations, le fonctionnaire a déclaré que le 1er septembre 2012, il était au mariage d’un ami de la famille et que, en garant le véhicule du parc, il avait embouti quelque chose et l’avait endommagé. Il a dit qu’il l’avait signalé à l’adjointe administrative, qu’il avait présenté des photos et qu’il avait demandé quoi faire. Il a dit qu’on lui avait donné des papiers à remplir et qu’il avait dû rédiger une déclaration. Il a affirmé qu’il avait remis tous ces documents à l’adjointe administrative et que Mme Fussey était également intervenue. Il a poursuivi en déclarant qu’il était l’agent de service au moment de l’accident et lorsqu’il avait reçu la contravention, et que personne à la direction n’avait relevé cette incohérence.

    167        Les observations consignées dans les notes du 18 janvier au sujet de l’accident présumé avec le véhicule du parc à l’occasion d’un mariage n’ont jamais été soulevées auprès de M. Tisdale, de M. Johns ou de Mme Jarvis en contre-interrogatoire.

    168        Aucun document concernant cet accident n’a été déposé en preuve.

    169        Dans son témoignage en interrogatoire principal, puis de nouveau en contre-interrogatoire, le fonctionnaire a déclaré que jusqu’à l’année qui avait précédé l’enquête, il ignorait que sa mère ne pouvait pas monter à bord d’un véhicule du parc avec lui.

    170        En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a reconnu que, dans le cadre de ses études universitaires, il devait lire et utiliser des compétences en recherche pour réaliser ses travaux. Il a aussi reconnu qu’il devait analyser et synthétiser des renseignements pour rédiger des articles. Il a reconnu travailler comme agent d’immigration, et avoir lu et interprété la LIPR et le règlement connexe.

    171        On a indiqué au fonctionnaire qu’en tant que diplômé universitaire et personne tenue de lire et d’interpréter des lois dans le cadre de son emploi, il était en mesure de comprendre des instructions claires, ce à quoi il a répliqué qu’il n’était pas d’accord.

    172        J’ai demandé au fonctionnaire s’il possédait un véhicule en septembre 2012. Il a répondu ce qui suit : [traduction] « Pendant une certaine période je n’avais pas mon propre véhicule; je ne possédais pas de véhicule autorisé à circuler légalement sur la route. » Le fonctionnaire a indiqué qu’en septembre 2012, il louait un logement et habitait à l’adresse située sur Waterfront Drive. Dans le cadre de sa déclaration au sujet de la contravention pour excès de vitesse reçue en septembre 2012, il a mentionné qu’il en avait reçu d’autres dans le passé. Il a ajouté qu’une fois, il avait reçu une contravention générée par radar photographique et l’avait payée.

    173        Aucun autre AELBI n’a été appelé à témoigner.

    C. Mesures disciplinaires antérieures

    174        Avant l’enquête sur la contravention et l’utilisation du véhicule du parc par le fonctionnaire, l’ASFC lui avait imposé les mesures disciplinaires suivantes :

    1. une réprimande écrite émise le 3 décembre 2010, relativement au mauvais usage de sa carte de crédit de voyage American Express (la « carte AMEX ») délivrée par l’ASFC;
    2. une suspension de 20 jours émise le 20 juin 2012, relativement au mauvais usage de sa carte AMEX.

    1. La réprimande écrite

    175        Le 3 décembre 2010, le fonctionnaire a reçu une réprimande écrite après qu’il eut été établi qu’il utilisait sa carte AMEX pour effectuer des achats personnels sans lien avec son travail. Il a déclaré avoir reconnu qu’entre le 2 juin et le 8 octobre 2010, il avait utilisé la carte AMEX pour effectuer des achats personnels sans lien avec le travail.

    176        Le fonctionnaire n’a pas déposé de grief contestant cette mesure disciplinaire.

    177        En qualité d’AELBI, le fonctionnaire devait se déplacer à l’occasion, au Canada et à l’étranger, surtout pour accompagner des personnes qui étaient renvoyées du Canada (« renvois »). Ces déplacements l’obligeaient à engager des dépenses aux fins des transports (billets d’avion, taxis et voitures de location), de l’hébergement (hôtels et motels), de l’alimentation et, éventuellement, pour acheter divers articles dont il pouvait avoir besoin dans le cadre de l’exécution de ses fonctions pour le compte de l’ASFC alors qu’il était loin de chez lui.

    178        Des lignes directrices sont émises en même temps que la carte AMEX. Cependant, malgré celles-ci, le fonctionnaire a vraisemblablement utilisé la carte pour effectuer des achats sans lien avec le travail. Un courriel que Mme Fussey lui a envoyé le 9 juin 2010, à 17 h 17, a été déposé en preuve. Les parties pertinentes du courriel sont rédigées comme suit :

    [Traduction]

    Je crois que cette affaire a été portée à votre attention par Richard Huntley, qui me remplaçait par intérim le 3 juin 2010. Cependant, j’effectue un suivi afin de vérifier l’état de votre compte et de résoudre le problème lié à votre carte, qui semble avoir été utilisée pour effectuer des achats non gouvernementaux (réparations automobiles, Safeway, Paypal, Winners, Walmart et dans des magasins de boissons).

    Veuillez examiner la note de service ci-jointe et indiquer si votre compte a maintenant été payé intégralement, ainsi que la date de paiement. Merci.

    Si votre compte demeure impayé, veuillez fournir un motif – si, par exemple, vous avez présenté votre demande de remboursement (précisez la date) et n’avez pas encore reçu le paiement. Dans ce cas, je ferai retracer la demande afin de voir où en est le traitement.

    En fonction du motif présenté pour justifier le retard de paiement […] notre coordonnateur des cartes AMEX, [nom omis], sera éventuellement prié d’aviser AMEX du motif justifiant le retard à régler le solde impayé.

    Advenant une erreur ou un retard du ministère, [nom omis] pourra être en mesure de demander que l’intérêt ne soit pas calculé. Advenant que des frais d’intérêt vous soient facturés, vous pouvez présenter votre relevé de compte AMEX comme reçu pour attester les frais d’intérêt que vous avez engagés. Ce reçu peut être joint à une demande de remboursement de frais de voyage et être traité à votre bureau local.

    De plus, j’ai prié votre gestionnaire de discuter avec vous des achats qui semblent être d’ordre personnel et de m’aviser des conclusions.

    À titre indicatif, j’ai joint le dernier message du directeur général régional en date du 26 avril 2010 – « Message du directeur général régional concernant les cartes de voyage désignées du gouvernement », où il est précisé ce qui suit : « La carte de voyage désignée AMEX est une ressource institutionnelle fournie aux fins des achats et/ou du paiement des frais de voyage professionnel autorisés au sens de la Directive du Conseil du Trésor sur les voyages. »

    […]

    [Sic pour l’ensemble de la citation]

    179        Le 6 juillet 2010, à 8 h 37, le fonctionnaire a répondu à Mme Fussey par courrier électronique, avec copie à M. Johns et à une autre personne. La partie pertinente du courriel est ainsi rédigée :

    [Traduction]

    […]

    Voici les détails de ma carte AMEX, conformément à une conversation téléphonique avec le représentant AMEX :

    30 jours – 1 089,93 $

    60 jours – 531,02 $

    90 jours – 673,74 $

    Solde total – 3 744,47 $

    Suivant la conversation que j’ai eue avec Al la semaine dernière, au sujet des lignes directrices applicables aux titulaires de cartes AMEX […] je suis maintenant tout à fait au courant des exigences relatives à la carte indiquant de RÉGLER les soldes ET de NE PAS utiliser la carte pour autre chose que ce qui est précisé. Je croyais comprendre auparavant que la carte pouvait être utilisée à des fins professionnelles justifiables et/ou pour effectuer des achats d’ordre général […] pourvu que le solde soit réglé. L’utilisation de la carte constituait antérieurement un manquement de ma part. Depuis que j’ai reçu cet éclaircissement sur l’utilisation de la carte, avec Al, la semaine dernière (le 28 juin 2010), je suis tout à fait au courant des exigences relatives à la carte et de son utilisation justifiable.

    Par ailleurs, en ce qui concerne le solde courant […] je crois que hormis un montant de 500 $ tout le solde de cette carte est attribuable à des demandes de remboursement de frais de voyage, à Beyrouth, au Liban, et à Thompson, au Manitoba. J’aurai assuré le règlement du solde de 60 jours à la fin de la semaine.

    […]

    180        Une copie d’un courriel que Mike Styre avait envoyé à tous les employés de la région des Prairies de l’ASFC, le 26 avril 2010, à 11 h 05, était jointe au courriel que Mme Fussey a envoyé au fonctionnaire le 9 juin 2010. Ce dernier courriel comportait l’objet suivant : [traduction] « Message du directeur général régional concernant les cartes de voyage désignées du gouvernement ». En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a confirmé avoir reçu, le 9 juin 2010, la copie du courriel du 26 avril 2010, dont les parties pertinentes sont rédigées en ces termes :

    [Traduction]

    OBJET : UTILISATION DES CARTES DE VOYAGE DÉSIGNÉES DU GOUVERNEMENT

    […]

    Que vous soyez un utilisateur chevronné de la carte de voyage ou ayez reçu une carte récemment, j’aimerais vous rappeler l’obligation qui va de pair avec la carte, ainsi que les règles que nous devons tous respecter lorsque nous utilisons la carte de voyage du gouvernement.

    La carte de voyage désignée AMEX est une ressource institutionnelle fournie aux fins des achats et/ou du paiement des frais de voyage professionnel autorisés au sens de la Directive du Conseil du Trésor sur les voyages. L’utilisation de cette carte suppose la reconnaissance et l’acceptation de certaines obligations, notamment, mais sans s’y limiter, les suivantes :

    […]

    Les avances de fonds ne sont pas autorisées pour l’achat d’articles personnels.

    L’utilisation de la carte de voyage n’est pas autorisée pour l’achat d’articles personnels.

    L’utilisation limitée à des fins personnelles n’est autorisée que si les achats sont accessoires au voyage entrepris, c’est-à-dire :

    1. L’employé en déplacement est accompagné de son conjoint, les repas sont portés au compte de la carte désignée du gouvernement, mais le fonctionnaire voyageur demande uniquement le remboursement de l’indemnité de repas de l’employé (aucun remboursement n’est demandé pour les repas du conjoint).
    2. Les frais d’hôtel portés à la carte AMEX sont ceux d’une occupation double, parce que le conjoint accompagnait l’employé, mais le voyageur demande uniquement le remboursement des frais d’occupation simple dans la demande de remboursement de frais de voyage.

      Le titulaire de la carte est tenu de payer à AMEX tous les frais légitimes engagés au moyen de la carte, y compris les coûts différentiels (c’est-à-dire, les intérêts courus, les frais administratifs, etc.) résultant d’un compte impayé.

    À défaut de régler le compte, l’ASFC prendra des mesures de recouvrement à l’encontre des sommes dues à l’employé, y compris le salaire.

    Tous les achats effectués au moyen de la carte de voyage désignée du gouvernement font l’objet d’une surveillance. Le mauvais usage de la carte pourrait entraîner des mesures disciplinaires pouvant mener, entre autres, au licenciement du titulaire de la carte.

    […]

    En cas de doute au sujet de l’utilisation acceptable de la carte AMEX, veuillez demander conseil à votre superviseur.

    […]

    181        Lors de son interrogatoire principal, le fonctionnaire a été interrogé au sujet du moment où il a initialement reçu la carte AMEX et il a déclaré que c’était avant son départ pour Chilliwack, en Colombie-Britannique. Cependant, il n’a pas précisé quand il y était allé. À la question de savoir pourquoi il en avait eu besoin pour ce voyage, il a répondu qu’il ne croyait pas en avoir besoin, mais qu’il avait été informé qu’elle pourrait faciliter les choses. Il a affirmé qu’il n’avait pas été informé que la carte était nécessaire, mais plutôt qu’il s’agissait d’une commodité, parce qu’il voyagerait.

    182        À la question de savoir s’il avait discuté avec M. Johns du fait qu’il ne détenait pas de carte AMEX, le fonctionnaire a répondu qu’il avait dit à M. Johns qu’il n’en avait pas. À la question de savoir s’il possédait une carte de crédit personnelle, il a répondu que oui et il a ajouté que personne ne lui avait demandé s’il en avait une. À la question de savoir s’il avait parlé de sa carte de crédit avec M. Johns, le fonctionnaire a répondu que cette discussion n’avait eu lieu qu’au moment où la carte AMEX est devenue un problème (au moment où la réprimande écrite a été faite), et qu’il avait alors informé M. Johns qu’il n’avait pas de carte de crédit personnelle.

    183        Le fonctionnaire a été interrogé à savoir s’il avait eu d’autres discussions avec M. Johns au sujet de sa carte de crédit personnelle. Il a répondu comme suit (au moment de l’imposition de la deuxième mesure disciplinaire relative à la carte AMEX, en juin 2012) : [traduction] « Al savait que je n’avais pas de carte de crédit personnelle et il l’a dit à Kim Fussey. » Le fonctionnaire a ensuite déclaré qu’il avait dit à M. Johns qu’il détenait une carte de crédit personnelle et souhaitait faire l’objet d’une évaluation à cet égard, afin de conserver la fonction de son poste qui était liée aux renvois.

    184        En octobre 2010, une enquête a eu lieu relativement à l’utilisation que faisait le fonctionnaire de sa carte AMEX. Dans le cadre de l’enquête, le 28 octobre 2010, M. Johns a rencontré le fonctionnaire; ses notes de cette réunion ont été déposées en preuve et ont révélé que les documents suivants avaient été fournis au fonctionnaire à ce moment-là :

    • une copie du Code de valeurs et d’éthique;
    • une copie du Code antérieur à 2012 de l’ASFC;
    • une copie de la lettre d’offre d’emploi en date du 14 décembre 2009;
    • une copie de la Directive sur les cartes de voyage et les chèques de voyage;
    • une copie de la demande de carte AMEX du fonctionnaire;
    • une copie de l’entente entre le fonctionnaire et le gouvernement du Canada;
    • une copie du courriel du 26 avril 2010 de M. Styre, qui s’intitulait « Message du directeur général régional concernant les cartes de voyage désignées du gouvernement »;
    • une série de courriels concernant le compte en souffrance de la carte AMEX du fonctionnaire.

    185        M. Johns a déclaré qu’il avait passé en revue les relevés de compte de la carte AMEX avec le fonctionnaire, et qu’il l’avait questionné au sujet de certains frais. Il a affirmé qu’en fonction du poste du fonctionnaire, il était évident qu’une grande partie de ces frais étaient appropriés et liés au travail. Cependant, certains ressortaient et soulevaient des questions, par exemple dans le cas de l’achat de plus de 400 $ de vêtements dans un magasin de San Francisco, en Californie. Également, M. Johns a cerné des frais de compte et des frais de voyage personnels (billets d’avion et hôtels).

    186        M. Johns a déclaré que la réunion du 28 octobre 2010 visait, en partie, à s’assurer que le fonctionnaire comprenne clairement l’utilisation de la carte AMEX. Il a déclaré qu’il avait eu une discussion avec le fonctionnaire au moment où la carte AMEX lui avait été délivrée, parce qu’il devait se déplacer aux fins d’une formation, qu’il procèderait alors à des renvois et qu’il aurait besoin de la carte.

    187        M. Johns a déclaré qu’un certain temps après que le fonctionnaire ait commencé à la DELBI et obtenu une carte AMEX, il a été avisé par le groupe des finances de l’ASFC que le compte AMEX du fonctionnaire était en souffrance et que certaines dépenses qui y avaient été portées ne correspondaient pas à celles d’un voyage professionnel. Il a affirmé en avoir parlé avec le fonctionnaire, lui avoir expliqué la politique et souligné le but de la carte AMEX et les obligations corrélatives.

    188        M. Johns a poursuivi en déclarant qu’il avait cherché à savoir pourquoi le fonctionnaire ne respectait pas ses obligations financières. En tant qu’employé, s’il éprouvait des difficultés financières, il pouvait y avoir des répercussions sur son travail, de même que des retards dans le traitement des demandes de remboursement de frais de voyage. M. Johns a ajouté qu’il avait revu les paramètres de l’utilisation de la carte AMEX avec le fonctionnaire à ce moment-là. Il a affirmé qu’il n’avait pas imposé de mesures disciplinaires à l’égard de cet incident, qu’il avait estimé qu’il s’agissait d’un encadrement.

    189        M. Johns a déclaré qu’après ce premier incident lié au compte AMEX en souffrance, il avait avisé le fonctionnaire que ce compte ferait probablement l’objet d’une surveillance.

    190        L’avocat du fonctionnaire lui a demandé dans quelle mesure il était certain d’avoir compris les politiques sur les voyages en octobre 2010. Le fonctionnaire a répondu qu’il ne comprenait pas que la carte AMEX était une carte de voyage; il a dit qu’il pensait qu’il s’agissait d’une carte professionnelle. Il a déclaré qu’il croyait comprendre que s’il travaillait un quart de 8 h à 16 h et qu’il prenait un repas, il pouvait le payer avec la carte AMEX.

    191        Cependant, le fonctionnaire a confirmé en contre interrogatoire que le 28 juin 2010, il avait parlé avec M. Johns au sujet de l’utilisation de la carte AMEX, et qu’à ce moment-là, il n’avait pas d’autres questions concernant son utilisation.

    192        Selon le témoignage de M. Johns, après le 3 décembre 2010, le fonctionnaire a été de nouveau autorisé à utiliser la carte AMEX, mais peu de temps après cela, le compte était de nouveau en souffrance. Encore une fois, des dépenses qui ne correspondaient pas à celles d’un voyage professionnel avaient été engagées pendant que le fonctionnaire était en vacances ou en congé de maladie. M. Johns a affirmé qu’il avait demandé au fonctionnaire de présenter une explication par écrit, mais que celui-ci s’était montré réticent à en fournir une.

    193        M. Johns a déclaré que le directeur a le pouvoir délégué en ce qui concerne les cartes AMEX. Il a affirmé qu’aucun autre AELBI n’avait éprouvé des problèmes avec une carte ou un compte AMEX. M. Johns a ajouté qu’il ne traitait pas le fonctionnaire différemment en raison de sa race pour ce qui était de la carte AMEX.

    194        M. Johns a déclaré qu’il s’était entretenu avec le fonctionnaire afin de savoir s’il détenait une carte de crédit personnelle. Il a affirmé que le fonctionnaire lui avait dit qu’il n’en avait pas.

    195        En contre-interrogatoire, M. Johns a été renvoyé au fait que, avant que la carte AMEX ne lui soit délivrée, le fonctionnaire avait demandé s’il pouvait utiliser des avances de voyage et qu’on lui avait répondu que non, parce que ce n’était pas approprié. M. Johns a confirmé que le fonctionnaire avait demandé des avances de voyage, qui lui avaient été refusées, non pas en raison du caractère inapproprié, mais parce que l’ASFC abandonnait progressivement l’utilisation des avances de voyage et adoptait la carte de crédit pour assumer les frais de voyage.

    196        En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a déclaré qu’il avait lu la lettre de mesure disciplinaire en date du 3 décembre 2010, qui concernait son mauvais usage de la carte AMEX, et qu’il avait consenti à prendre la question au sérieux.

    2. La suspension sans rémunération de 20 jours (150 heures)

    197        Le 20 juin 2012, le fonctionnaire a écopé d’une suspension de 20 jours pour inconduite, encore une fois en raison d’achats personnels sans lien avec le travail qu’il avait effectués avec sa carte AMEX. La lettre l’avisant qu’une mesure disciplinaire lui était imposée est rédigée comme suit :

    [Traduction]

    La présente lettre fait suite à la réunion prédisciplinaire tenue le 1er juin 2012, concernant l’allégation que vous avez contrevenu à la Directive sur les cartes de voyage et les chèques de voyage du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) lorsque vous avez utilisé votre carte de voyage désignée American Express (AMEX) pour effectuer des achats personnels et obtenir des avances personnelles. Comme vous le savez, l’enquête a établi que vous n’avez pas respecté la Directive sur les cartes de voyage et les chèques de voyage du SCT.

    […]

    Votre inconduite est grave, compte tenu de la mesure disciplinaire dont vous avez déjà fait l’objet le 3 décembre 2010, pour avoir utilisé votre carte de voyage désignée AMEX pour effectuer des achats personnels. Lors de la réunion prédisciplinaire tenue le 3 décembre 2010, vous avez reconnu que la carte est fournie pour engager et payer des frais de voyage professionnel autorisés. Cependant, vous avez continué à utiliser la carte pour effectuer des achats personnels et obtenir des avances personnelles après cette date et jusqu’à la date de l’annulation de votre carte le 9 septembre 2011.

    […]

    L’ASFC vous a délivré la carte de voyage désignée AMEX au cas où vous auriez à vous déplacer dans le cadre de vos fonctions d’agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs. Tous les achats et retraits en espèces effectués au moyen de la carte de crédit font l’objet d’une surveillance, et l’utilisation personnelle limitée n’est autorisée que si les achats sont accessoires au voyage entrepris. La carte est une ressource qui vous est fournie pour engager et payer des frais de voyage professionnel autorisés au sens de la [Directive] sur les voyages du Conseil national mixte. À l’avenir, vous devez vous assurer de vous conformer à toutes les politiques, procédures et directives de l’ASFC et du Conseil du Trésor. Le défaut de s’y conformer pourrait entraîner des mesures disciplinaires pouvant mener, entre autres, au licenciement.

    […]

    198        Dans son témoignage, M. Johns a présenté les faits qui ont donné lieu à la suspension.

    199        En avril 2011, l’ASFC a été avisée que le compte de la carte AMEX du fonctionnaire avait des arriérés de paiements. Pendant le contre-interrogatoire, le fonctionnaire a confirmé qu’il avait reçu des courriels de Mme Fussey le 5 avril 2011, (auxquels était joint un courriel du groupe des Finances de la région des Prairies de l’ASFC), dont M. Johns avait fait le suivi le 11 novembre 2011, concernant le compte en souffrance de sa carte AMEX. Ces courriels étaient rédigés en ces termes :

    [Traduction]

    [Courriel d’Audrey Carr à Mme Fussey, en date du 5 avril 2011, à 11 h 30]

    Objet : Olivier-Job – AMEX  de l’employé – En souffrance depuis plus de 60 jours – Avril 2011

    Bonjour Kim,

    On nous a avisés que la carte AMEX de Tevin Olivier-Job est en souffrance depuis plus de 60 jours.

    Veuillez signer et daterla lettre ci-jointe, puis transmettre l’original à l’employé et une copie à mon attention.

    N’hésitez pas à communiquer avec moi si vous avez des questions.

    […]

    [Courriel de Mme Fussey au fonctionnaire en date du 5 avril 2011, à 17 h 59, auquel était joint le courriel précité]

    Bonjour Tevin. Veuillez examiner la note de service ci-jointe et indiquer si votre compte a maintenant été payé intégralement, ainsi que la date de paiement. Merci.

    Si votre compte demeure impayé, veuillez fournir un motif – si, par exemple, vous avez présenté votre demande de remboursement (précisez la date) et n’avez pas encore reçu le paiement, je la ferai retracer afin de voir si elle est en cours de traitement et où en est le traitement.

    En fonction du motif présenté pour justifier le retard de paiement (par exemple, dans le cas d’une erreur ou d’un retard du ministère) notre coordonnateur des cartes AMEX, [nom omis], sera éventuellement prié d’aviser AMEX du motif justifiant le retard à régler le solde impayé.

    Advenant une erreur ou un retard du ministère, [nom omis] pourra être en mesure de demander que l’intérêt ne soit pas calculé. Advenant que des frais d’intérêt vous soient facturés, vous pouvez présenter votre relevé de compte AMEX comme reçu pour attester les frais d’intérêt que vous avez engagés. Ce reçu peut être joint à une demande de remboursement de frais de voyage et être traité à votre bureau local.

    […]

    [Courriel d’Al Johns au fonctionnaire en date du 7 novembre 2011, à 14 h 11, auquel était joint le courriel ci-dessus]

    Bonjour Tevin, le directeur m’a avisé aujourd’hui que le solde de votre compte AMEX demeure impayé, et il m’a prié de vous rencontrer pour discuter des choix qui s’offrent à vous pour payer ce solde. J’ai reçu des renseignements du groupe des finances à ce sujet. Alors passez me voir aujourd’hui en fin de journée ou très tôt demain matin afin que je puisse vous en faire part.

    […]

    200        Le fonctionnaire a confirmé en contre-interrogatoire que le compte de sa carte AMEX avait un arriéré de 60 jours en avril 2011. Il a également confirmé qu’en novembre 2011, non seulement il avait encore un arriéré, mais l’ASFC avait dû payer le solde et recouvrer un montant de 1 900 $ auprès de lui.

    201        Le 9 septembre 2011, à 11 h 53, Mme Fussey a envoyé un courriel au fonctionnaire (avec copie à M. Johns) afin de l’aviser qu’on avait porté à son attention qu’il avait de nouveau utilisé sa carte AMEX pour acheter des articles personnels sans rapport avec un déplacement gouvernemental, et qu’on avait discuté avec lui de l’utilisation appropriée de la carte AMEX a trois reprises déjà. Mme Fussey a avisé le fonctionnaire que sa carte AMEX était annulée sur le plan administratif, et qu’elle le demeurerait en attendant l’issue d’une enquête factuelle menée par M. Johns. Mme Fussey a aussi avisé le fonctionnaire qu’il ne serait pas autorisé à remplir des fonctions d’escorte (renvois), puisqu’il ne détiendrait pas de carte de crédit de voyage, et que les avances de voyage n’étaient pas consenties aux fins des fonctions d’escorte.

    202        Le 12 septembre 2011, M. Johns a envoyé un courriel au fonctionnaire en guise de suivi du récent courriel de Mme Fussey. Il a présenté au fonctionnaire des copies du relevé de compte de sa carte AMEX et l’a prié d’expliquer chacune des transactions. Le 15 septembre 2011, le fonctionnaire a répondu à M. Johns. Il a abordé quatre transactions figurant sur le relevé et a avisé que toutes les autres étaient attribuables à des renvois.

    203        Le 21 septembre 2011, à 16 h 30, M. Johns a envoyé au fonctionnaire un courriel faisant état de ce qui suit :

    [Traduction]

    Merci d’avoir répondu, Tevin. J’ai revu le document ci-joint que tu as fourni le 15 septembre, accompagné d’explications écrites concernant quatre transactions (ci-jointes). J’ai encore besoin d’une explication à l’égard des autres transactions relevées dans les documents ci-joints concernant l’activité de ta carte et le relevé AMEX. Une fois que j’aurai reçu ton explication écrite de toutes les transactions énumérées dans ces relevés, je pourrai fixer une date avec toi aux fins d’une entrevue de recherche de faits.

    […]

    204        Le 22 septembre 2011, à 10 h, le fonctionnaire a répondu par courrier électronique en déclarant ce qui suit :

    [Traduction]

    J’ai présenté une explication écrite des dépenses portées à mon relevé AMEX. J’ai déclaré que toutes les autres, laissées sans explication, peuvent être attribuées directement à des renvois. Puisque la carte est annulée, je ne vois aucun motif de faire de plus amples déclarations.

    Cette carte a été annulée avant le processus d’enquête « de recherche de faits ». Il me semble que la direction a déjà conclu que je ne devais pas être autorisé à disposer de cette carte. Jusqu’ici, je me suis plié à toutes les demandes. À part les explications présentées, je n’ai pas le sentiment que quoi que ce soit d’autre ne soit justifié.

    […]

    205        Le fonctionnaire a déclaré qu’il n’avait jamais voulu de carte AMEX, et que si on l’avait écouté, il n’en aurait jamais obtenu une.

    206        Le fonctionnaire a reconnu en contre-interrogatoire qu’entre le moment où il a commencé à travailler à la DELBI et le mois d’octobre 2011, il ne possédait pas de carte de crédit personnelle. Il a ajouté qu’avant de se joindre à la DELBI, il possédait une carte de crédit personnelle, mais qu’il l’avait annulée, parce que le taux d’intérêt et la limite de crédit lui posaient problème. Il a déclaré que la limite approuvée de la carte de crédit personnelle qu’il avait obtenue en octobre 2011 était de 10 000 $.

    207        M. Johns a déclaré qu’il se souvenait que le fonctionnaire avait demandé, pendant l’enquête, d’utiliser sa carte de crédit personnelle à l’occasion de renvois, et qu’il se souvenait de lui avoir demandé s’il pouvait voir la carte de crédit, et de lui fournir des précisions sur le type de carte et la limite de crédit accordée.

    208        Lorsqu’on lui a demandé s’il avait pris d’autres mesures au sujet de l’utilisation que faisait le fonctionnaire de sa carte de crédit personnelle, M. Johns a déclaré qu’il partageait l’opinion de Mme Fussey et ses préoccupations. Il a ajouté qu’il avait trouvé douteuse la demande du fonctionnaire, étant donné l’utilisation personnelle qu’il faisait  de la carte AMEX et son défaut de verser les paiements en temps opportun à l’égard de cette carte. Il a affirmé qu’il doutait de la capacité du fonctionnaire à gérer une carte de crédit personnelle. Si ce dernier éprouvait des difficultés financières et se trouvait à l’étranger aux fins d’un renvoi et ne détenait pas de carte délivrée par l’ASFC, compte tenu des problèmes antérieurs, il y avait lieu de craindre qu’il n’ait pas de fonds en cas de besoin.

    209        Une réunion à laquelle ont assisté le fonctionnaire, Mme Fussey et M. Johns a eu lieu le vendredi 11 novembre 2011. Mme Fussey en a résumé le contenu dans un courriel qu’elle a adressé au fonctionnaire et dont elle a envoyé une copie à M. Johns, le lundi 14 novembre 2011. Cette lettre renferme en partie ce qui suit :

    [Traduction]

    Les présentes confirment votre réunion avec Al et moi-même vendredi matin, de 9 h 10 à 10 h 45 environ, ainsi que ma réponse à votre demande d’être autorisé à utiliser votre carte de crédit personnelle aux fins de renvois escortés à l’étranger.

    Vos préoccupations concernant les mesures prises par la direction concernant l’annulation de votre carte AMEX et le retrait des renvois escortés à l’étranger sont notés et, bien qu’elles ne soient pas exposées ici de façon exhaustive ou textuelle, sont les suivantes :

    Ne pas être traité équitablement, le retrait des missions d’escortes étant perçu comme une sanction.

    […]

    Ne pas vous être vu accorder le bénéfice du doute avant que votre carte AMEX ne soit annulée et qu’on ne vous ait pas appelé avant d’envoyer le courriel vous avisant des mesures prises;

    Ne pas vous voir offrir la possibilité d’utiliser votre propre carte de crédit aux fins des renvois (comme le font d’autres agents) et/ou d’utiliser un compte bancaire de ministère (CBM);

    […]

    Bien que vous ayez été avisé que vous aviez le droit de discuter avec votre représentant syndical ou de demander son aide, vous n’êtes pas intéressé à consulter votre représentant syndical et/ou à lui parler.

    Les mesures que la direction a prises à votre égard sont jugées personnelles; est-ce du harcèlement? Et vous pourriez éventuellement vous adresser à la Commission des droits de la personne.

    Les mesures de la direction ne passeraient pas le test du Globe and Mail;

    […]

    Tevin, comme il a été confirmé pendant notre réunion, l’annulation de votre carte de voyage du gouvernement est attribuable uniquement aux renseignements que nous avons reçus indiquant que vous aviez de nouveau utilisé la carte de manière inappropriée, pour acheter des articles personnels sans rapport avec le déplacement gouvernemental, ce qui révélait qu’en tant que titulaire de la carte, vous ne respectiez pas la reconnaissance signée de responsabilités et d’obligations. Comme la direction avait discuté avec vous de l’utilisation inappropriée de la carte de voyage du gouvernement à trois reprises dans le passé, j’ai demandé que votre carte soit annulée en attendant l’issue de l’enquête administrative de recherche des faits, qui sera menée par le gestionnaire Al Johns.

    […]

    Ce qui est en jeu, c’est votre capacité à respecter la responsabilité et les obligations liées à votre carte de crédit du gouvernement. Par conséquent, votre demande d’utiliser votre carte de crédit personnelle aux fins d’un déplacement gouvernemental, plus particulièrement pour les renvois escortés à l’étranger, ne sera pas retenue avant que nous ayons reçu la conclusion et les constatations de l’enquête administrative.

    […]

    210        Lorsqu’on a demandé directement au fonctionnaire, en contre-interrogatoire, s’il était répréhensible ou discriminatoire de la part de l’ASFC de ne pas l’autoriser à utiliser sa carte de crédit personnelle aux fins des renvois, il a répondu qu’on lui avait dit dès le début qu’il devait détenir une carte AMEX, mais que les autres AELBI lui avaient dit qu’il n’en avait pas besoin.

    211        Le fonctionnaire a confirmé qu’il ne savait pas du tout si les autres AELBI avaient des montants impayés sur leur carte AMEX délivrée par l’ASFC ou leur carte de crédit personnelle. Il ne savait pas si des cartes AMEX délivrées par l’ASFC à d’autres AELBI avaient été suspendues ou annulées. Il ne savait pas non plus si l’ASFC avait dû régler des soldes impayés sur les comptes de cartes AMEX des autres AELBI. Il ne pouvait pas dire non plus si les AELBI avaient eu de la difficulté à payer leur compte AMEX par suite de difficultés financières.

    212        Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait entendu d’autres AELBI dire qu’ils avaient reçu des courriels concernant leur compte de carte AMEX. Cependant, il a déclaré que leurs comptes avaient des arriérés de 30 ou 60 jours parce que le service des finances de l’ASFC avait commis des erreurs dans le traitement des demandes de remboursement, et non en raison d’erreurs de la part des AELBI.

    213        En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a été interrogé à savoir s’il n’avait compris la politique relative à la carte de crédit qu’après avoir suivi la formation sur les renvois, en avril 2012, et ce, malgré les renseignements reçus des gestionnaires, les courriels, les réunions avec M. Johns et les rappels concernant l’utilisation de la carte AMEX. Le fonctionnaire a affirmé que non.

    214        M. Johns a déclaré qu’à sa connaissance, au cours de la période où il était le gestionnaire du bureau de Winnipeg de la DELBI, aucun autre AELBI n’avait eu un solde impayé après 60 ou 90 jours sur le compte de sa carte AMEX délivrée par l’ASFC, et qu’aucune autre carte AMEX délivrée à un AELBI par l’ASFC n’avait été annulée. Il a déclaré que si la carte d’un autre AELBI avait été annulée, il l’aurait su. M. Johns a ajouté qu’il ne se souvenait pas que d’autres AELBI aient eu des frais personnels sur leur carte AMEX délivrée par l’ASFC; seul le fonctionnaire en a eu.

    215        Le fonctionnaire n’a pas contesté la suspension de 20 jours.

    D. Le licenciement

    216        Mme Delgaty était à la retraite au moment oùelle a livré son témoignage. Son dernier poste à la fonction publique fédérale a été celui de directrice générale régionale de l’ASFC pour la région des Prairies; elle a occupé ce poste du mois de janvier 2011 au 27 avril 2014. La carrière de Mme Delgaty aux douanes a débuté en 1979. Elle a déclaré avoir occupé divers postes auprès de l’ASFC et de son prédécesseur, l’Agence des douanes et du revenu du Canada; elle a également travaillé à Service Canada.

    217        Mme Delgaty a déclaré avoir pris connaissance de la conduite du fonctionnaire en ce qui concerne l’utilisation des véhicules du parc lorsque M. Klatt l’en a informée en décembre 2012 ou janvier 2013. Elle a affirmé qu’elle devait être informée de tous les cas d’inconduite éventuelle de la part d’un employé dans sa structure organisationnelle. Elle a ajouté que, d’après son souvenir, elle en avait été informée de vive voix et elle avait consulté la Direction des relations de travail (DRT)et la direction générale responsable des normes professionnelles de l’ASFC, afin de décider si une enquête était justifiée et, dans l’affirmative, qui la mènerait.

    218        Mme Delgaty a déclaré qu’elle avait reçu une copie du rapport et des précisions concernant la discussion qu’avait eue M. Tisdale avec le fonctionnaire. Elle n’a pas précisé exactement ce qui lui a été dit. Après avoir examiné le rapport et discuté avec la DRT et la section des Ressources humaines de l’ASFC, Mme Delgaty a déclaré qu’il avait été décidé qu’il convenait de prendre des mesures disciplinaires et qu’une audience prédisciplinaire aurait lieu; l’audience a eu lieu en septembre 2013, et le fonctionnaire et M. Klatt y ont assisté. Mme Delgaty a déclaré qu’elle avait reçu une copie des notes que M. Hazlitt avait prises à l’audience prédisciplinaire et l’avait examinée. Mme Delgaty a affirmé qu’après avoir examiné le rapport et les notes de l’audience prédisciplinaire, elle a commencé à être préoccupée par la capacité du fonctionnaire à exercer ses fonctions conformément au Code de l’ASFC et au Code de valeurs et d’éthique. Elle a ajouté qu’en tenant compte de la rencontre de M. Tisdale avec le fonctionnaire, elle avait relevé des incohérences dans la version du fonctionnaire.

    219        Mme Delgaty a affirmé qu’elle était préoccupée par la façon dont le fonctionnaire utilisait le véhicule du parc, par sa déclaration inexacte voulant qu’il ne l’utilise que lorsqu’il est en service et par la question de l’excès de vitesse. Elle a ajouté qu’elle était aussi préoccupée par l’expression [traduction] « partenaire associé de l’exécution de la loi », qu’elle jugeait malhonnête, non professionnelle, indiquant un manque de jugement et contraire à l’éthique. Mme Delgaty a aussi déclaré être préoccupée par le manque d’honnêteté du fonctionnaire pendant l’enquête et ses demandes de remboursement liées à des périodes où il ignorait ce qu’il faisait.

    220        Mme Delgaty a confirmé qu’elle était au courant des mesures disciplinaires déjà prises contre le fonctionnaire concernant le mauvais usage de sa carte AMEX.

    221        Mme Delgaty a décidé que le licenciement du fonctionnaire était la mesure disciplinaire qu’il convenait d’imposer, en raison des facteurs suivants :

    • il a reçu une contravention pour excès de vitesse;
    • il a tenté d’obtenir une amende réduite en fonction de son poste d’agent d’exécution de la loi;
    • il a omis de signaler la contravention pour excès de vitesse;
    • il a rédigé des déclarations solennelles sur du papier à correspondance officielle de l’ASFC et utilisé un bien gouvernemental sans autorisation;
    • son explication concernant la déclaration solennelle du 18 décembre était insensée;
    • il n’a reconnu qu’à l’audience prédisciplinaire avoir utilisé le véhicule du parc pour assister à une partie de football sans contact;
    • il a invoqué un appel à Emerson en guise d’excuse, mais il n’y a aucune preuve de cet appel;
    • il a utilisé les véhicules du parc pour des affaires personnelles et y a parfois transporté des personnes sans liens avec l’ASFC;
    • il n’a démontré aucun remords;
    • il n’a pas été franc;
    • il a déjà fait l’objet de mesures disciplinaires à deux reprises.

    222        Mme Delgaty a déclaré que les actes du fonctionnaire lorsqu’il a utilisé le papier à correspondance officielle de l’ASFC, son insigne et son poste d’AELBI auprès de la juge de paix, constituaient un manquement à la valeur d’intégrité du Code de l’ASFC, qui prévoit ce qui suit : « L’intégrité est la pierre angulaire de la bonne gouvernance et de la démocratie. Forts des normes d’éthique les plus rigoureuses, les fonctionnaires maintiennent et renforcent la confiance du public en l’honnêteté, l’équité et l’impartialité du secteur public fédéral. »

    223        Mme Delgaty a déclaré que les actes du fonctionnaire consistant à utiliser le véhicule du parc les 1er et 8 septembre 2012, constituaient un manquement à la valeur de professionnalisme du Code de l’ASFC, qui prévoit ce qui suit : « Nous utilisons les ressources de manière responsable de la façon suivante : en nous assurant que l’utilisation des ressources est efficace, efficiente, approuvée et justifiée; en évitant le gaspillage et le mauvais usage des fonds, des biens et des ressources de l’Agence […] »

    224        Mme Delgaty a déclaré que ces utilisations du véhicule du parc par le fonctionnaire et sa discussion avec son gestionnaire à ce propos constituaient un manquement au Code de l’ASFC, sous le titre « Responsabilisation et conduite professionnelle », qui prévoit ce qui suit : « Nous reconnaissons que les politiques, normes, procédures et pratiques de l’ASFC tracent les limites à l’intérieur desquelles nous affichons une conduite professionnelle tout en faisant preuve de respect et d’intégrité. »

    225        Mme Delgaty a déclaré que les utilisations du véhicule du parc par le fonctionnaire et sa déclaration solennelle du 16 octobre auprès de la juge de paix de la cour provinciale auraient pu porter préjudice à l’ASFC et, par conséquent, constituer un manquement au Code de l’ASFC, sous le titre « Normes de conduite attendue », au point 4, « Conduite privée hors du travail et activités extérieures », qui prévoit ce qui suit : « Nous évitons ces activités, dont celles qui : nuisent à la réputation de l’Agence, de ses employés, y compris les gestionnaires et de ses programmes […] »

    226        Mme Delgaty a déclaré que les utilisations du véhicule du parc par le fonctionnaire constituaient un manquement au Code de l’ASFC, plus particulièrement sous le titre « Normes de conduite attendue », au point 7, « Soin et utilisation des biens et actifs du gouvernement », qui prévoit ce qui suit :

    […] en utilisantles biens et actifs du gouvernement seulement pour l’exécution de nos fonctions officielles et jamais à une fin ou pour un gain personnel.

    Nous demandons l’autorisation de la direction avant d’utiliser, à des fins autres qu’officielles, des biens, de tout équipement, du matériel, des véhicules ou des installations, achetés […] Cela comprend, sans s’y limiter, les véhicules […]

    227        Mme Delgaty a déclaré que le fait que le fonctionnaire ait utilisé son poste d’AELBI pour régler la contravention avec la juge de paix constituait un manquement au Code de l’ASFC, sous le titre « Normes de conduite attendue », au point 7.1, « Insignes, pièces d’identification officielles et timbres du bureau ou de l’agent », qui prévoit ce qui suit : « Nous n’utilisons pas notre titre professionnel, identification officielle, insigne ou tout document officiel (que nous soyons en service ou pas, à titre personnel ou professionnel, ou dans nos activités sur les médias sociaux) à des fins qui sont illégales, inappropriées ou vont à l’encontre des meilleurs intérêts de l’ASFC. »

    228        Mme Delgaty a déclaré que le fonctionnaire n’avait pas soutenu les valeurs d’un professionnel honnête et digne de confiance, et qu’il n’avait pas fait preuve d’un bon  jugement non plus. Il a montré qu’il ne comprenait pas que ses actes étaient répréhensibles et n’a exprimé aucun remords. Mme Delgaty a déclaré qu’à son avis, la mesure disciplinaire devait être corrective; cependant, il était évident que la suspension de 20 jours relative au mauvais usage de la carte AMEX n’avait pas entraîné le changement souhaité. En raison de la nature de l’emploi du fonctionnaire, Mme Delgaty avait le sentiment que le lien de confiance entre celui-ci et l’employeur était brisé et qu’il convenait de le licencier.

    229        Mme Delgaty a déclaré qu’étant donné que le processus d’enquête pouvait être long, elle a décidé de ne pas suspendre le fonctionnaire en attendant la fin du processus.

    E. Activité subséquente au licenciement

    230        Un rapport d’incident relatif à la sécurité, en date du 2 octobre 2013, que Mme Jarvis a déposé, et dans lequel on relevait une menace possible de la part du fonctionnaire, a été présenté en preuve. Selon ce rapport et le témoignage de Mme Jarvis, après le licenciement du fonctionnaire de l’ASFC, Mme Jarvis a reçu un appel d’une ASF qui était membre de sa famille et qui avait eu une conversation avec le fonctionnaire au moyen de Facebook. Selon le rapport d’incident et le témoignage de Mme Jarvis, au cours de la discussion entre l’ASF et le fonctionnaire, il a été question du statut d’emploi de ce dernier auprès de l’ASFC. L’ASF avait avisé Mme Jarvis que lorsqu’elle a questionné le fonctionnaire au sujet de son emploi et appris qu’il avait été licencié, le fonctionnaire lui a dit : [traduction] « Demande à Robin Jarvis. »

    231        Mme Jarvis a aussi déclaré que cette ASF l’avait avisée que le fonctionnaire avait aussi affiché ce qui suit sur son compte Facebook, sous le nom de Shemar Olivier [traduction] : « Je me demande si un éditeur de livres pourrait être intéressé par tous les secrets du gouvernement que j’ai accumulés pendant mes dix ans de carrière. Plus important encore, je me demande quel serait l’intérêt public. »

    232        Selon le rapport d’incident et son témoignage, Mme Jarvis a déclaré que ce compte Facebook était celui du fonctionnaire. Elle a aussi affirmé que plusieurs autres employés de l’ASFC avaient porté à son attention cette publication sur Facebook. Elle a déclaré qu’elle était préoccupée et consternée, parce que le fonctionnaire avait travaillé pour l’ASFC pendant 10 ans et qu’il détenait une attestation de sécurité et que, par conséquent, il avait eu accès à des documents et à des renseignements.

    233        En contre-interrogatoire, Mme Jarvis a été interrogée à savoir si elle avait perçu la publication du fonctionnaire et les observations qu’il a formulées au membre de sa famille comme une menace personnelle. Elle a répondu que non.

    234        Le fonctionnaire a déclaré que Shemar Olivier est une page de médias d’information dont il fait partie, mais qu’il ne s’agit pas de son compte Facebook personnel. À l’audience, il s’est excusé d’avoir publié ce commentaire. Il a affirmé qu’il y avait des milliers de façons de l’interpréter. Il a ajouté qu’à l’époque où il l’avait publiée, il jonglait avec diverses émotions, et que ce commentaire en était le résultat. Il a déclaré que rien dans cette publication ne permet d’identifier l’ASFC. Il a affirmé qu’il savait que son commentaire susciterait des débats, mais qu’il n’avait pas réalisé que l’ASFC l’utiliserait contre lui dans son affaire. Il a ajouté que le commentaire avait été affiché environ une journée et qu’il l’avait retirée à la suite d’une discussion avec cette même parente qui avait communiqué avec Mme Jarvis.

    235        Le fonctionnaire a déclaré qu’il n’était pas fâché contre Mme Jarvis. Il avait renvoyé sa parente à Mme Jarvis parce qu’il savait qu’elles se connaissaient et qu’il ne voulait pas lui expliquer la perte de son emploi au moyen de Facebook. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’avait pas tout simplement dit ce qui s’était passé à sa parente, il a affirmé qu’il était émotif, et qu’il avait l’impression que sa parente et Mme Jarvis se parlaient.

    236        Le fonctionnaire a déclaré qu’il était perçu comme étant en colère. Il a ajouté qu’il s’exprimait avec passion, ce qui vient de ses antécédents culturels, et que les gens y voient de la colère. Il a poursuivi en disant que tout le monde se fait sermonner au sujet de la diversité culturelle. Il a ensuite déclaré que peut-être il ne serait pas fâché et que sa perception des personnes exerçant une autorité sur lui serait différente si les minorités visibles étaient davantage représentées dans la hiérarchie. Il a affirmé qu’aucune des personnes qui avaient pris la parole ne représentait  une minorité visible. Il a ajouté qu’il n’avait aucune raison d’être en colère, qu’il aimait son emploi, et qu’il ne pouvait pas contrôler les figures d’autorité et leur perception de ses actes. Il a déclaré qu’il s’agissait d’un exemple du traitement qu’il avait subi depuis son arrivée à la DELBI. Il a affirmé qu’il n’avait reçu aucune formation, seulement des mesures disciplinaires à répétition.

    237        Pendant le contre-interrogatoire, on a souligné au fonctionnaire que la publication du commentaire sur Facebook était une erreur de jugement. Il a affirmé qu’il serait d’accord s’il était toujours lié aux politiques au moment de sa publication, mais pas s’il n’était plus lié à ces politiques. Lorsque l’avocate de l’ASFC a confirmé qu’il avait déclaré que la publication était acceptable s’il n’était pas lié par les politiques, il a dit [traduction] « Non ».

    238        Le 8 octobre 2013, M. Tisdale a envoyé un courriel dans lequel était transmise une note de service de Mike Skappak, directeur de la Division des opérations relatives à l’exécution de la loi et au renseignement de la région des Prairies de l’ASFC. M. Skappak n’a pas témoigné. La note de service est rédigée comme suit :

    [Traduction]

    En raison de plusieurs événements récents, j’envoie le message suivant au personnel en guise de rappel de nos responsabilités qui se rapportent au Code de conduite de l’ASFC, des attentes selon lesquelles les employés touchent une indemnité de disponibilité conformément à la convention collective du groupe FB et des politiques du Conseil du Trésor en matière d’usage approprié des biens de l’ASFC, y compris, mais sans s’y limiter, les véhicules du parc. J’ai joint un document Word qui fournit des liens pertinents et des renseignements généraux additionnels, notamment des questions et réponses très courantes.

    Le Code de conduite de l’ASFC a été mis à jour en 2012 afin de refléter l’évolution continue de l’Agence en tant qu’organisme d’exécution de la loi et, parallèlement, les attentes élevées des Canadiens à l’égard de notre conduite au travail et en dehors des heures de service. Il incombe à tous les employés de l’ASFC d’être parfaitement au courant du Code, de le respecter et de s’adresser à la direction s’il leur faut des éclaircissements. Le lien au Code de conduite de l’ASFC est intégré à la pièce jointe.

    Comme vous le savez, plusieurs employés de la Direction des opérations relatives à l’exécution de la loi et au renseignement (DORELR) doivent exécuter des fonctions de disponibilité. Selon la convention collective du groupe FB, un employé qui accepte d’être en disponibilité doit être accessible au cours de sa période de disponibilité, à un numéro de téléphone connu, et être en mesure de rentrer au travail dès que possible si on l’appelle. Il est important de noter que les employés en disponibilité sont rémunérés pour leur disponibilité à accomplir des tâches rapidement. Il s’agit d’un facteur important dont tous les employés doivent tenir compte pour élaborer des projets personnels appropriés s’ils sont rémunérés lorsqu’ils sont en disponibilité. La pièce jointe fournit également des renseignements additionnels concernant la mise en disponibilité selon la convention collective du groupe FB.

    Avoir la garde et le contrôle des biens de l’ASFC dans l’exercice de ses fonctions constitue une responsabilité importante. Tous les employés de l’ASFC doivent demander l’autorisation de la direction avant d’utiliser, à des fins autres qu’officielles, des biens, de tout équipement, du matériel, des véhicules ou des installations, achetés, utilisés ou loués par l’ASFC. Cela comprend, sans s’y limiter, les véhicules, les immeubles, l'espace, les locaux, les installations, les uniformes, les fichiers et les documents, le matériel et les fournitures de bureau, les ordinateurs, les logiciels, le matériel vidéo, les dispositifs de télécommunication comme les téléphones cellulaires, les cartes de crédit, les cartes d'appels téléphoniques du gouvernement, ainsi que l'équipement de défense comme le gaz poivré, les menottes, les matraques et les armes à feu de service. Dans la pièce jointe, vous trouverez des renseignements additionnels concernant le Code de conduite de l’ASFC, notamment sur le soin et l’utilisation des biens et actifs du gouvernement. Vous trouverez aussi les politiques du Conseil du Trésor liées à la gestion du parc, ainsi que la directive de l’ASFC concernant les avantages imposables liés à l’utilisation personnelle des véhicules de l’ASFC.

    J’encourage tous les employés de la DORELR à s’adresser à leurs gestionnaires si des précisions sur le contenu du présent message sont nécessaires.

    239        M. Skappak n’a pas témoigné.

    240        En contre-interrogatoire, M. Tisdale a convenu que le renvoi à des [traduction] « événements récents » dans la note de service jointe au courriel du 8 octobre 2013 visait probablement le licenciement du fonctionnaire, d’après les questions qui découlaient de l’utilisation des véhicules du parc.

    241        Le 4 décembre 2013, M. Tisdale a envoyé un courriel à MM. McEvoy et Klatt concernant une conversation qui avait apparemment eu lieu le 3 décembre 2013. Ce courriel était ainsi rédigé :

    [Traduction]

    Pour faire suite à notre conversation au sujet des interventions dans le cadre des fonctions d’agent de service, j’ai pensé résumer notre conversation dans le présent courriel afin de m’assurer que nous sommes tous deux sur la même longueur d’onde.

    Lorsque vous avez reçu l’appel de service hier, vous m’avez demandé des éclaircissements au sujet des dépenses que l’Agence assume lorsqu’il faut répondre à des appels.

    Selon votre souvenir de la réunion du personnel du 30 octobre, Andrew a approuvé le kilométrage et/ou le remboursement des frais de taxi engagés pour se rendre au bureau afin de répondre à un appel de service. Cela incluait le kilométrage ou les frais de taxi engagés pour retourner à la maison depuis un troisième lieu, faire le trajet de la maison au bureau et rentrer à la maison.

    J’ai déclaré que je ne me souvenais pas de cette décision, mais je vous ai avisé que selon la récente décision du directeur Skappak, l’agent se verra rembourser le kilométrage ou les frais de taxi engagés pour effectuer le trajet aller-retour entre le bureau et la maison, ce qui est conforme à la convention collective. Il incombe à l’agent d’être disponible pour se rendre au bureau selon les besoins en réponse à un appel de service.

    Vous avez aussi déclaré que les agents sont fin prêts à intervenir, mais que leurs frais de retour à la maison ne sont pas couverts s’ils ont besoin d’articles tels que leur insigne et la carte d’accès aux édifices avant de se rendre au bureau. J’ai indiqué qu’en tant qu’agent de service vous receviez déjà une rémunération pour être en disponibilité, et que les frais engagés pour vous rendre au bureau seront couverts. J’ai aussi affirmé qu’à certains moments vous retourneriez à la maison depuis un troisième lieu si vous ne receviez pas d’appel de service, et que l’Agence n’était pas tenue de payer les frais de votre retour à la maison.

    Je vous ai aussi indiqué que j’approuverais le remboursement du kilométrage ou des frais de taxi engagés pour quitter l’endroit où vous êtes et vous rendre au bureau lorsque vous recevez un appel de service; par exemple, si vous êtes dans un restaurant et que vous recevez un appel, j’approuverai le remboursement du kilométrage ou des frais de taxi engagés pour effectuer le trajet du restaurant au bureau. Si vous décidez de rentrer d’abord à la maison, vous recevrez dans ce cas le remboursement des frais engagés pour effectuer le trajet de la résidence au bureau. Nous n’avons pas parlé du point suivant, mais le troisième lieu doit se trouver à une distance raisonnable afin que vous puissiez intervenir dans un délai raisonnable, c’est-à-dire qu’il ne doit pas s’agir d’un chalet ou d’un autre endroit considérablement plus éloigné du bureau que votre résidence.

    Vous avez encore l’autorisation d’amener un véhicule du parc à la maison afin de l’avoir à votre disposition aux fins du service lorsque vous êtes en disponibilité en tant qu’agent de service.

    J’ai aussi indiqué que j’enverrais un courriel à tous les agents afin de fournir des éclaircissements additionnels concernant l’utilisation des véhicules du parc. Ce courriel suivra, sous pli distinct.

    Veuillez répondre par courrier électronique afin de reconnaître que notre compréhension de ces  paramètres est le même ou pour demander des éclaircissements.

    [Sic pour l’ensemble de la citation]

    242        Le courriel faisait référence à un autre courriel concernant l’utilisation des véhicules du parc, qui n’a pas été produit à l’audience.

    243        Le courriel a été présenté pendant le contre-interrogatoire de M. Tisdale. Celui-ci a déclaré qu’on l’avait envoyé en raison d’une conversation tenue lors d’une réunion  du personnel sur ce qui était couvert ou non. Il a plus particulièrement été renvoyé au paragraphe où il était question d’amener un véhicule du parc à la maison et il a été questionné à savoir pourquoi cette disposition avait été prévue. Il a répliqué qu’une certaine confusion régnait lors de la réunion du personnel, notamment que le personnel ne pouvait pas amener un véhicule du parc à la maison, ce qui n’était pas le cas. M. Tisdale a déclaré qu’il avait précisé cette question dans le courriel. L’avocat du fonctionnaire lui a demandé ce qui avait causé cette confusion; il a répondu qu’il n’en était pas certain.

    244        Pendant le contre-interrogatoire, ce courriel a été porté à l’attention de M. Klatt. On lui a indiqué qu’il était juste de dire qu’il y avait eu de la confusion. Il a répliqué qu’il ne pouvait pas parler au nom des AELBI.

    F. Violations présumées des droits de la personne

    245        Le fonctionnaire a déclaré qu’en tant qu’AELBI, il était formé pour lire des lois, des politiques et des droits, ainsi que pour recueillir des éléments de preuve et les interpréter afin de déterminer s’il y avait suffisamment des motifs raisonnables justifiant la poursuite des allégations.

    246        Après son licenciement, le fonctionnaire a communiqué avec la CCDP. Il a déclaré qu’il croyait catégoriquement qu’il y avait eu violation de ses droits. Il a ajouté qu’il savait qu’il disposait d’un an pour déposer une plainte, et qu’il avait donc pris quelques mois pour évaluer les renseignements dont il disposait avant de communiquer avec la CCDP, ce qu’il a fait par téléphone. Une copie d’une lettre de la CCDP au fonctionnaire en date du 25 juillet 2014, dont une copie avait été envoyée à l’ASFC, qui faisait référence à la demande du fonctionnaire présentée le 15 juillet 2014, a été déposée en preuve. Cette lettre est en partie rédigée en ces termes :

    [Traduction]

    […]

    Lors d’une conversation avec le personnel de la Commission, vous avez accepté que nous partagions ces renseignements à votre employeur. Par conséquent, nous envoyons une copie des présentes à votre employeur pour l’informer que vous avez l’intention de donner suite aux allégations de discrimination énoncées ci-dessous :

    Le plaignant allègue que le défendeur a fait preuve de discrimination à son endroit du fait de son âge, de sa couleur, de son origine nationale ou ethnique et de sa race, en le défavorisant d’une façon préjudiciable et en le licenciant, en contravention de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

    Veuillez noter qu’en vertu de l’alinéa 41(1)a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Commission peut refuser de traiter votre plainte à moins que vous n’ayez épuisé la procédure de grief. En tant qu’employé de la fonction publique, vous devez d’abord déposer un grief en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Nous vous suggérons de communiquer avec votre représentant syndical dès que possible.

    […]

    247        Dans son témoignage, le fonctionnaire a déclaré être fermement convaincu que, dans le passé, il y avait eu violation de ses droits de la personne à de nombreuses reprises. Il a déclaré qu’il avait fait son premier appel à la CCDP avant le 15 juillet 2014. Il a affirmé qu’une entrevue téléphonique avec un représentant de la CCDP avait eu lieu le 15 juillet 2014, dans le cadre de laquelle il a fourni des renseignements étayant ses allégations et des éléments de preuve à l’appui de sa demande. Il a affirmé que le représentant de la CCDP lui avait dit qu’il avait fait tout ce qu’il devait faire avant la date d’échéance, et qu’en ce qui concerne la CCDP, il s’agissait d’une demande active. Il a ajouté qu’on lui avait dit que la plainte à la CCDP comprendrait son grief de licenciement.

    248        Dans son témoignage en interrogatoire principal, le fonctionnaire a été interrogé au sujet de son expérience du racisme et de la discrimination. Voici ce qu’il a répondu : [traduction] « Le racisme direct, la discrimination, jamais. J’ai l’impression que ma génération le vit indirectement. » Le fonctionnaire a poursuivi en faisant diverses déclarations sur ses sentiments, laissant entendre qu’à l’époque où il travaillait à la DELBI, il avait été retenu un nombre effroyable de fois aux fins de questionnement, et que ses collègues lui avaient souligné que la direction avait toujours besoin de débattre des questions avec lui.

    249        Le fonctionnaire a été interrogé sur ce qui lui donnait l’impression d’avoir été victime de discrimination. Il a répondu que pendant des années, il avait été traité différemment des autres à la DELBI. Ils avaient reçu une formation; il n’en avait pas reçu, n’ayant fait l’objet que de mesures disciplinaires. Il a déclaré qu’il avait été marginalisé à maintes reprises.

    250        Bien que le dossier de formation du fonctionnaire ait été déposé en preuve, aucun élément de preuve portant sur la formation reçue par les autres AELBI n’a été présenté, ni sur la question de savoir s’ils en ont reçu plus, moins ou autant que le fonctionnaire.

    251        Le fonctionnaire a relaté une conversation qu’il avait eue avec une adjointe administrative avec qui il a affirmé être allé prendre un café à plusieurs reprises. Il a déclaré qu’elle lui avait demandé ceci : [traduction] « Pourquoi est-ce toujours toi? »

    252        L’adjointe administrative qui, selon le fonctionnaire, a fait ces commentaires n’a pas témoigné.

    253        Le fonctionnaire a déclaré que pendant deux des trois années qu’il a passées à la DELBI, le manque de formation n’a jamais été un facteur dans les mesures disciplinaires dont il avait fait l’objet.

    254        Le fonctionnaire a déclaré qu’à la DELBI, à [traduction] « l’échelon du pouvoir » il n’y avait aucune diversité. Il a déclaré que chaque fois qu’il avait eu à traiter avec [traduction] « la structure de pouvoir », il n’avait reçu aucune formation au préalable, et qu’on ne lui avait jamais offert pareille formation. Il a ajouté que lorsqu’il a finalement reçu une formation, après deux ans, il a pu constater à quel point le reste de l’ASFC paraissait diversifié. Il a déclaré que c’est la raison pour laquelle il est fermement convaincu que la direction l’a marginalisé en raison de sa couleur, de son origine nationale ou ethnique, de sa race et de son âge. Il a déclaré qu’il est constamment jugé par des personnes ne possédant ni connaissance, ni expérience de l’ensemble de ce qui constitue sa personne (sa couleur, son origine ethnique, sa race et son âge). Il a ajouté qu’en 2014, il avait le sentiment qu’on avait démontré à maintes reprises que ce n’était pas acceptable. Il a affirmé que [traduction] « cela arrive » à Winnipeg, d’après son expérience.

    255        En contre-interrogatoire, on a demandé au fonctionnaire s’il croyait avoir été ciblé injustement en ce qui concerne l’utilisation de la carte AMEX; il a répondu [traduction] « Non ». Lorsque l’avocate de l’ASFC lui a ensuite dit qu’elle devait avoir mal compris son témoignage, le fonctionnaire a déclaré que c’était le cas.

    256        Lorsque l’avocate de l’ASFC a demandé au fonctionnaire s’il avait déclaré qu’il manquait de diversité à la DELBI, il a répondu [traduction] « Non », puis a ajouté qu’il manquait de diversité à [traduction] « l’échelon du pouvoir ».

    257        Le fonctionnaire a reconnu qu’en 2012, l’une des sept AELBI, qui occupaità titre intérimaire le poste de M. Johns après son départ en septembre 2012, était une femme de couleur d’origine africaine, et qu’au moins deux autres AELBI appartenaient à des minorités visibles, et qu’un troisième pourrait s’identifier comme membre de la communauté lesbienne, bisexuelle, homosexuelle et transsexuelle.

    258        M. Johns a été interrogé à savoir quelles avaient été les conséquences, le cas échéant, de l’appartenance du fonctionnaire à une minorité visible, relativement à l’autorisation d’utiliser sa carte de crédit personnelle; il a répondu qu’il n’y en avait eu aucune.

    259        M. Johns a été interrogé à savoir dans quelle mesure, le cas échéant, il avait traité le fonctionnaire différemment des autres AELBI. Il a déclaré qu’il traitait tous ses AELBI de la même façon.

    260        M. Johns a déclaré qu’avant l’embauche du fonctionnaire à la DELBI, il avait établi les paramètres applicables à la personne qu’il recherchait pour doter le poste vacant. Le fonctionnaire faisait partie d’un bassin de candidats qualifiés. Dans les faits, il correspondait aux paramètres. M. Johns a déclaré que l’un des paramètres consistait à trouver une personne appartenant à une minorité visible, précisément en raison du travail effectué par le groupe. Il a affirmé que les personnes avec qui la DELBI traite viennent de plusieurs milieux différents, et qu’il avait le sentiment que la diversification de la DELBI renforçait sa capacité à exercer ses fonctions et aidait les AELBI à comprendre différentes cultures. Il a affirmé qu’il est précieux d’avoir un groupe d’employés diversifié.

    261        Les deux avocats s’entendent sur les faits relatifs à la procédure de grief, ainsi que sur le moment et la façon dont l’affaire de discrimination a été soulevée. Les parties ont convenu que la question de la discrimination n’avait été soulevée que quatre semaines après l’audience au dernier palier de la procédure de grief, le 13 août 2014. Un document a été déposé en preuve, les parties ayant convenu qu’il renfermait les notes d’allocution de la représentante de l’agent négociateur, Mme Randall, provenant d’une réunion avec le représentant des relations de travail de l’ASFC, Matthew Yaworski, qui n’a pris aucune note. Dans ses notes, Mme Randall a souligné que le fonctionnaire souhaitait modifier le grief, afin d’y ajouter des allégations de discrimination. M. Yaworski n’était pas d’accord, mais il a entendu les observations de Mme Randall. Les notes relatives à ses commentaires sur la discrimination mentionnent ce qui suit :

    [Traduction]

    Suivi auprès du conseiller en relations de travail, le 13 août :

    Le fonctionnaire a été victime de discrimination en raison de sa race. Il a été traité différemment de ses collègues qui n’appartiennent pas à une minorité visible. Avant de commencer à travailler à l’Exécution de la loi dans les bureaux intérieurs, le fonctionnaire avait un dossier disciplinaire sans tache.

    Le fonctionnaire a été informé de l’utilisation des véhicules par l’agent de service et a agi comme les autres agents; il a cependant fait l’objet d’une enquête. Lorsqu’il a souligné le traitement discriminatoire, l’employeur n’a pas mené d’enquête afin de voir si ses allégations étaient vraies. Ce n’est pas l’employeur qui lui a expliqué les règles, mais plutôt des collègues. Il a respecté les politiques de la même façon que les autres à son bureau.

    Le fonctionnaire a demandé des directives et des éclaircissements à l’employeur concernant les politiques, et on l’a ignoré.

    Le fonctionnaire a été marginalisé lorsqu’il n’a pas été autorisé à utiliser sa carte de crédit personnelle. D’autres employés étaient autorisés à utiliser leur carte. La direction n’a pas abordé ses préoccupations avec le fonctionnaire, ayant plutôt acheminé ses préoccupations vers des enquêtes factuelles. À la connaissance du fonctionnaire, aucun autre agent n’a été traité de cette façon. Il s’agissait d’un autre exemple de discrimination.

    Le fonctionnaire a été marginalisé. Les enquêtes ont été menées avec partialité et sans équité procédurale.

    Le fonctionnaire appartient à une minorité visible dans le milieu de travail, et à son insu, il a été réprimandé et traité différemment des autres, qui lui ont enseigné à faire précisément ce qui a conduit à son licenciement. Aucun autre employé n’a été interrogé, malgré la gravité des allégations auxquelles il faisait face. La façon dont l’employeur a géré la situation était excessive et répondait à la définition de la discrimination au travail. Le fonctionnaire croit avoir été victime de discrimination.

    Le fonctionnaire demande les recours disponibles en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

    262         M. Yaworski n’a pas pris d’autres mesures, parce que la question de la carte de crédit était sans rapport avec le grief de licenciement.

    263        Le renvoi à l’arbitrage ne contenait aucune allégation de violation de la convention collective, ni avis à la CCDP en vertu du paragraphe 92(1) du Règlement de la CRTFP. Cet avis a été envoyé à la Commission le vendredi 17 juillet 2015.

    264        La décision au dernier palier de la procédure de règlement des griefs ne mentionnait, d’aucune façon que ce soit, la question de la discrimination.

    G. Formation

    265        Le dossier de formation officielle du fonctionnaire à la fonction publique a été déposé en preuve. Entre le 26 avril 2006 et le 12 mai 2012, le fonctionnaire a suivi 590 heures de formation (environ 78,5 jours, selon une journée de travail de 7,5 heures). Il a été muté à la DELBI en décembre 2009 et est devenu AELBI. De la date de sa nomination au 12 mai 2012, il a suivi 205 heures de formation (environ 27 jours, selon une journée de travail de 7,5 heures).

    266        En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a été renvoyé à son dossier de formation et à la formation dont il avait eu besoin, selon lui, soit une formation de trois jours (22,5 heures) intitulée [traduction] « Renvois effectués par les agents d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs ». Selon le dossier, le fonctionnaire a suivi cette formation du 24 au 26 avril 2012. Il a confirmé que, à son avis, les deux années écoulées avant de suivre cette formation n’étaient pas discriminatoires. Il a dit qu’il comprenait qu’il était difficile de s’y inscrire. Il a convenu qu’il n’avait pas été marginalisé du fait qu’il avait dû attendre pour suivre cette formation.

    267        Le fonctionnaire a suivi un cours de conduite les 20 et 21 octobre 2011, lequel était animé par le Service de police de Winnipeg, ainsi qu’un cours de surveillance du 24 octobre au 1er novembre 2011, qui était animé par des instructeurs de l’ASFC.

    IV. Résumé de l’argumentation

    A. Demande de production de documents

    1. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

    268        Le fonctionnaire a soutenu que les documents demandés portent sur sa croyance qu’il suivait la pratique reconnue et que le traitement différent auquel il était soumis de la part de l’ASFC était attribuable à sa race. Il a soutenu que les AELBI étaient tenus de consigner dans un carnet de route toute utilisation des véhicules, et que s’ils recevaient un appel pendant qu’ils étaient en disponibilité, ils avaient droit à des heures supplémentaires. Lorsqu’un AELBI reçoit un appel, il ou elle remplit une feuille de rappel au travail. L’examen des feuilles de temps et des feuilles de rappel au travail des AELBI, ainsi que des carnets de route des véhicules, révèlent la mesure dans laquelle les AELBI, y compris le fonctionnaire, utilisaient les véhicules du parc à des fins personnelles et le fait que cela était ouvertement signalé.

    269        À l’appui de ses affirmations, le fonctionnaire m’a renvoyé à Zhang c. Conseil du Trésor (Bureau du Conseil privé),2010 CRTFP 46, qui souligne qu’il n’y a qu’une seule exigence, soit que les documents soient pertinents ou semblent ou paraissentpertinents à la question à trancher.

    270        La demande du fonctionnaire a été présentée le mercredi 15 juillet 2015, à 16 h 31. Selon cette demande, les documents devaient être produits au plus tard le mardi 21 juillet 2015, à la fermeture des bureaux.

    2. Pour l’ASFC

    271        L’ASFC a répondu à la demande le jeudi 16 juillet 2015, à 14 h 20.

    272        L’ASFC a soutenu que le grief portait sur une mesure disciplinaire qui avait été imposée en septembre 2013, et qui visait une inconduite qui avait eu lieu en septembre 2012, date à laquelle des mesures disciplinaires étaient déjà consignées dans le dossier du fonctionnaire.

    273        Le fonctionnaire a demandé les carnets de route des véhicules, les feuilles de temps et les feuilles de rappel au travail des autres AELBI pour les deux années antérieures et postérieures à l’inconduite présumée. L’ASFC s’est opposée à la demande en invoquant le manque de pertinence et de temps pour déterminer si les documents étaient même disponibles.

    274        L’ASFC a reconnu que bien que le critère de la pertinence qui s’applique au processus de divulgation préalable établi dans la décision Zhang soit d’ordre général, il demeure fondé sur la pertinence, conformément au pouvoir discrétionnaire d’ordonner une divulgation préalable en vertu du paragraphe 226(1) de la LRTFP. Lorsqu’elle a évalué ce qui pouvait être pertinent dans le contexte de cette affaire, l’ASFC a soutenu ce qui suit :

    • La demande de documents du fonctionnaire semblait fondée sur l’allégation qu’il était marginalisé et traité différemment. Cette question serait pertinente si les autres AELBI avaient utilisé les véhicules du parc à des fins personnelles et transporté des personnes ne provenant pas de l’ASFC pour des motifs autres que le travail, et si la direction en avait été avisée.
    • Le fonctionnaire et l’agent négociateur ont reçu la déclaration du gestionnaire indiquant qu’avant que le fonctionnaire ne reçoive la contravention pour excès de vitesse alors qu’il conduisait un véhicule du parc, le gestionnaire n’était au courant d’aucun acte répréhensible de la part du fonctionnaire ou des autres employés, puisqu’il n’approuvait pas l’utilisation personnelle des véhicules du parc; il n’était pas plus au courant du fait que des membres de la famille ou des amis y étaient transportés. Par conséquent, même si les autres AELBI utilisaient réellement les véhicules du parc de manière inappropriée et qu’il y avait moyen de le démontrer, si la direction n’en a pas eu connaissance, on pourrait dire que ce n’est pas pertinent.
    • À aucun moment dans la procédure de griefs il n’a été soulevé que le fonctionnaire avait été victime de discrimination en raison de sa race; il était inapproprié et erroné de la part de l’agent négociateur de laisser entendre le contraire pour tenter d’élargir le contexte de la pertinence. L’ASFC possède un effectif varié et diversifié. Le grief dont est saisie la Commission n’a pas été renvoyé sur le fondement de la discrimination, et aucun renvoi à la CCDP n’a été fait à cet égard. L’agent négociateur disposait de ces voies de recours si le fonctionnaire avait souhaité laisser entendre à un moment donné qu’il avait été victime de discrimination.
    • Bien que l’agent négociateur ait laissé entendre que la production des documents demandés aiderait à établir qu’il avait été traité différemment, ce ne serait pas le cas à moins que ses membres (les autres AELBI) soient disposés à fournir toutes les précisions concernant leur domicile et leur situation personnelle au cours de la période en question (quatre ans), puisqu’il n’est pas contesté que l’agent de service était autorisé à amener un véhicule du parc à la maison lorsqu’il était en disponibilité. Il faudrait alors apporter des ajustements comptables au kilométrage et d’établir des références croisées quant aux rappels au travail pendant quatre années complètes. La demande ne servirait pas le but allégué, à moins que l’audience ne soit reportée de quelques mois pour effectuer les références croisées, en présumant que les renseignements soient disponibles.

    275        L’ASFC a aussi soutenu que nous ne savons pas si les documents sont disponibles ou accessibles.

    276        L’ASFC a soutenu à titre subsidiaire que si la Commission était encline à émettre une ordonnance de divulgation, au lieu d’exiger que l’ASFC se lance dans une chasse aux sorcières, l’agent négociateur devrait fournir les précisions suivantes :

    [Traduction]

    • les noms des autres AELBI qui utilisaient les véhicules du parc à des fins personnelles
    • les dates approximatives des actes répréhensibles;
    • l’identité des gestionnaires qui étaient au courant des actes répréhensibles.

    277        Des renseignements plus précis permettraient à l’ASFC de cibler ses ressources et de déterminer quels documents existent, le cas échéant.

    B. Le grief

    1. Pour l’employeur

    278        Nous devons répondre à deux questions. Premièrement, y a-t-il eu inconduite? Deuxièmement, s’il y a eu inconduite, le licenciement était-il approprié?

    279        Les témoins de l’employeur ont été francs et crédibles. L’employeur a établi qu’il y avait eu inconduite.

    a. Contravention pour excès de vitesse et les questions connexes

    280        Le fonctionnaire roulait à une vitesse excessive à bord d’un véhicule du parc, allant ainsi à l’encontre de la loi. Il a été formé à l’utilisation des véhicules et aux techniques de conduite, et il était plus avisé. Il a tenté de minimiser son comportement et il avait une mémoire sélective. Bien qu’il n’ait pas pu dire pourquoi il se trouvait dans le secteur où il a reçu la contravention pour excès de vitesse, il se souvenait précisément qu’il n’y avait pas d’enfants aux alentours.

    281        Le fonctionnaire n’a pas signalé la réception de la contravention pour excès de vitesse en temps opportun.

    282        Le fonctionnaire a tenté d’utiliser sa position à titre d’AELBI auprès de l’ASFC pour faire réduire le montant de la contravention pour excès de vitesse. Selon les témoignages de M. Tisdale, à partir de sa conversation avec le fonctionnaire, de Mme Jarvis pendant son enquête et de la discussion entre M. Klatt et le fonctionnaire au sujet de l’audience prédisciplinaire, le fonctionnaire avait l’intention de plaider coupable avec explications pour faire réduire le montant de la contravention. Cette intention est également énoncée dans la déclaration solennelle du 18 décembre. Cependant, dans son témoignage, le fonctionnaire a laissé entendre que tout le monde avait mal compris. Son témoignage était un enchevêtrement d’incohérences.

    283        Le témoignage du fonctionnaire au sujet de ce qu’il a fait de la contravention  n’a pas de sens non plus. Tout d’abord, il a déclaré qu’il était allé au palais de justice afin de régler la contravention. Lorsque la juge de paix lui a demandé s’il lui fallait plus de temps, il a affirmé que non, qu’il avait suffisamment de temps, sachant qu’il avait jusqu’au 1er novembre. Cependant, le montant de la contravention lui a manifestement posé problème.

    284        Les actes présumés du fonctionnaire étaient incohérents, puisqu’il a ensuite tout simplement laissé traîner les documents sur son bureau, après quoi il a affirmé les avoir déposés dans la corbeille d’arrivée du gestionnaire. Ultérieurement, en contre-interrogatoire, lorsqu’il a été pressé de répondre à cet égard, il a déclaré qu’il avait remis les documents à l’adjointe administrative.

    285        Le fonctionnaire a ensuite modifié sa version des faits et il a dit que la direction devait régler la contravention et qu’elle ne l’avait pas fait; le fonctionnaire n’a rien fait pour porter la contravention à l’attention de la direction. Il ne s’est adressé à aucun gestionnaire intérimaire. Il a reconnu en contre-interrogatoire qu’on lui avait dit maintes fois de respecter le Code de l’ASFC, mais rien n’indique qu’il ait porté la contravention à l’attention d’un membre quelconque de la direction.

    286        Le compte rendu du fonctionnaire sur ce qu’il a fait est tout simplement bizarre. Il a affirmé qu’on lui avait dit qu’il pouvait se faire céder la contravention, mais qu’il ignorait ce que cela voulait dire et n’avait pas demandé de précision. Il n’a pas agi comme une personne qui s’occupe d’une contravention.

    287        Selon l’autre fil conducteur de la version du fonctionnaire, il a créé la déclaration solennelle du 16 octobre parce qu’il voulait payer la contravention. Il a ensuite laissé entendre qu’il était trop occupé pour la payer, ce qui n’a aucun sens, puisque des choix de paiement sont prévus dans la contravention, y compris un avis de paiement en souffrance indiquant qu’elle peut être payée par carte de crédit ou par chèque envoyé par la poste, si la personne qui reçoit la contravention est trop occupée pour se rendre au palais de justice.

    288        La version du fonctionnaire a changé de nouveau. Cette fois, le fonctionnaire a affirmé qu’il voulait payer la contravention, mais qu’il savait que d’autres AELBI avaient convaincu des gestionnaires de les accompagner et que, par conséquent, ils avaient obtenu une amende réduite. Cela donne à penser que le fonctionnaire voulait voir si sa situation justifiait un traitement d’exception. Cependant, la juge de paix ne lui aurait pas fait une telle proposition le 18 octobre. Le fonctionnaire a ensuite dit à Mme Jarvis qu’il cherchait des directives qui, encore une fois, n’auraient pas découlé de ce que la juge de paix lui a dit.

    289        La version du fonctionnaire a de nouveau changé lorsqu’il a rencontré M. Tisdale, en janvier 2013. Il lui a alors demandé de lui montrer la politique qui prévoyait qu’il devait payer la contravention. Cela ne cadrait pas avec l’attitude d’une personne qui avait toujours eu l’intention de payer la contravention. Le fonctionnaire n’a pas affirmé que la juge de paix lui avait dit d’aller au bureau et de trouver en quoi consistait la politique de l’employeur. À la fin de la journée, il n’a jamais payé la contravention.

    290        À la lumière de ce qui s’est passé, nous sommes forcés de conclure que le fonctionnaire a toujours voulu faire réduire le montant de la contravention. Pour y parvenir, il a utilisé son poste à l’ASFC, ce qui constitue le motif sous-jacent à la déclaration solennelle du 16 octobre.

    b. Utilisation inappropriée du véhicule du parc

    291        Les samedis 1er et 8 septembre 2012, le fonctionnaire a utilisé le véhicule du parc à des fins personnelles. Son argument selon lequel il était toujours en service lorsqu’il était l’agent de service et qu’il devait, par conséquent, utiliser le véhicule est insensé. Bien qu’il ait pu être l’agent de service, s’il avait dû répondre à un appel, il y aurait eu des preuves, notamment, une formule d’heures supplémentaires et une autre relative au rappel au travail auraient été remplies. Il n’y avait aucune preuve ni formule. Le fonctionnaire a reconnu que s’il avait reçu un appel, il aurait rempli les formules pertinentes.

    292        La preuve a établi que les véhicules du parc ne pouvaient pas être utilisés à des fins personnelles. Le Code de l’ASFC précise les restrictions applicables à leur utilisation, et M. Johns a expliqué aux AELBI, y compris le fonctionnaire, en quoi consistait l’utilisation appropriée des véhicules. M. Johns a déclaré qu’il n’autorisait pas l’utilisation d’un véhicule du parc à des fins autres que le travail.

    293        Le fonctionnaire a laissé entendre qu’un AELBI amenait un véhicule du parc à son chalet lorsqu’il était l’agent de service. Cependant, le fonctionnaire a aussi laissé entendre qu’il n’y avait pas de réception cellulaire au chalet de l’AELBI en question. Il aurait été contradictoire d’amener le véhicule à un chalet en tant qu’agent de service et de ne pas pouvoir être joint au moyen du téléphone mobile de la DELBI.

    294        Le fonctionnaire a acheté du carburant pour le véhicule du parc le 8 septembre 2012, à Dugald, ou dans les environs. Lorsque M. Tisdale lui a demandé où il allait et ce qu’il faisait ce jour-là pour avoir reçu une contravention pour excès de vitesse et avoir ultérieurement fait le plein à Dugald, le fonctionnaire a déclaré qu’il ne s’en souvenait pas. Pendant l’enquête, le fonctionnaire a également dit à Mme Jarvis qu’il ne s’en souvenait pas. Cependant, à l’audience prédisciplinaire tenue avec M. Klatt, le fonctionnaire a déclaré qu’il était peut-être allé à une partie de football sans contact à Dugald ce jour-là.

    295        Le fonctionnaire avait transporté des personnes qui ne faisaient pas partie de l’ASFC à bord des véhicules du parc, ce qui était également contraire à la politique. Il a affirmé qu’il ignorait qu’il s’agissait d’un acte répréhensible mais, parallèlement, il a déclaré qu’il avait examiné le Code de l’AFSC à maintes reprises. Le code lui a été remis de nombreuses fois et il a été enjoint de l’examiner et de le respecter.

    296        Le fonctionnaire n’a exprimé aucun remords. Même s’il a déclaré qu’il s’était excusé, ce à quoi l’employeur ne souscrit pas, il n’a exprimé aucun remords. Il n’a démontré aucune compréhension lucide du fait qu’il avait mal agi et n’a pas assumé la responsabilité de ses actes afin qu’ils ne se reproduisent pas. Une personne peut dire qu’elle est désolée d’avoir mal agi, ou bien qu’elle est désolée qu’on ait eu l’impression qu’elle avait mal agi, ce qui n’est pas la même chose. Le fonctionnaire a affiché la deuxième attitude. Il n’a pas reconnu que son utilisation des véhicules du parc était inappropriée ou que ses agissements dans le cadre du règlement de la contravention pour excès de vitesse étaient répréhensibles.

    297        Le fonctionnaire ne comprend pas que son comportement était inapproprié. Son licenciement ne constituait pas la première fois qu’une mesure disciplinaire lui était imposée; son dossier faisait état de mesures disciplinaires. En juin 2012, une  suspension de 20 jours lui a été imposée pour mauvais usage de sa carte AMEX de l’ASFC, qui avait été imposée très peu de temps après une mesure disciplinaire antérieure visant le même comportement.

    298        Dans le cadre de son témoignage de la carte AMEX, le fonctionnaire a laissé entendre qu’il ne pouvait simplement pas assumer la responsabilité de ses actes. Il a dit qu’il n’était pas au courant et qu’il n’avait reçu aucune formation, ce qui va à l’encontre de la preuve documentaire.

    299        Les AELBI mènent leurs activités sans surveillance directe; ils sont souvent sur la route et même à l’étranger. Ils ne sont pas assis à un poste de travail modulaire sous une surveillance quelconque. Compte tenu du peu de surveillance, la confiance est un élément fondamental.

    300        L’employeur m’a renvoyé au paragraphe 117 de McEwan c. Administrateur général (Commission de l’immigration et du statut de réfugié), 2015 CRTEFP 53, qui appuie l’observation selon laquelle un arbitre de grief ne doit réduire une sanction disciplinaire imposée par la direction que si elle est manifestement erronée.

    301        L’employeur m’a aussi renvoyé au paragraphe 7:4312 du Canadian Labour Arbitration, 4e éd., de Brown et Beatty, qui s’intitule [traduction] « L’incident décisif ». Il y est établi que si des mesures disciplinaires progressives sont appliquées, l’employeur doit établir l’existence d’un incident culminant décisif qui justifie de telles mesures. Certaines infractions peuvent être banales et ne pas satisfaire à ce principe.

    302        Dans Reid-Moncrieffe c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CRTFP 25, on prévoit qu’il n’est pas nécessaire que l’incident décisif, considéré isolément, soit de nature à justifier une sanction sévère telle qu’un licenciement. Cependant, en fonction du principe de l’incident décisif ou des mesures disciplinaires progressives, le licenciement peut être justifié si des antécédents disciplinaires justifient qu’un employeur augmente progressivement les sanctions disciplinaires. Ce concept a aussi été suivi dans Société canadienne des postes c. Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes,[2011] C.L.A.D. no 406 (QL), Northwest Territories Power Corp. v. Union of Northern Workers,[2004] N.W.T.L.A.A. no 4 (QL), et Weyerhaeuser Co. (Drayton Valley Operations) v. United Steelworkers Local 1-207, [2007] A.G.A.A. no 14 (QL).

    303        Dans Pagé c. Administrateur général (Service Canada), 2009 CRTFP 26, une fonctionnaire a été congédiée pour avoir commis une fraude contre son employeur. Mme Pagé avait des antécédents professionnels de longue date et exempts de mesures disciplinaires auprès de son employeur. Malgré cela, l’arbitre de grief a maintenu son licenciement, en indiquant au paragraphe 180 de la décision que la nature même de son poste constituait un élément important, parce qu’il lui procurait un niveau élevé d’autonomie, et une marge de manœuvre et des pouvoirs importants. L’employeur a soutenu dans cette affaire que la fonctionnaire occupait un poste comparable à celui d’un AELBI, notamment dans les fonctions d’agent de service. Elle travaillait souvent seule et sans surveillance et se voyait accorder un degré élevé d’autonomie et de confiance.

    304        Dans Gangasingh c. Administrateur général (Commission canadienne du lait), 2012 CRTFP 113, l’arbitre de grief a conclu que même si la fonctionnaire a éventuellement assumé la responsabilité de ses actes, elle ne l’a fait qu’une fois qu’une preuve explicite lui a été présentée. Son refus de reconnaître la responsabilité de sa conduite jusqu’à une étape tardive de la procédure constituait un facteur aggravant qui lui était préjudiciable.

    305        Au paragraphe 131 de McEwan, l’arbitre de grief a affirmé que l’absence de remords et le refus de reconnaître la gravité des actes constituent des facteurs aggravants dont il faut tenir compte. Brazeau c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2008 CRTFP 62, confirme aussi que la reconnaissance de la culpabilité ou d’une certaine responsabilité pour ses actions est un facteur essentiel dans l’évaluation du caractère approprié de la mesure disciplinaire. L’employeur dans cette affaire a soutenu que les remords ne consistent pas seulement à s’excuser pour s’être attiré des ennuis, mais à reconnaître que les gestes posés étaient répréhensibles, à démontrer une véritable compréhension du préjudice causé, ainsi qu’à comprendre que les actes étaient répréhensibles et pourquoi.

    306        Bradley c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Douanes et Accise), 2000 CRTFP 82, mettait en cause un inspecteur des douanes qui avait utilisé le timbre d’un autre inspecteur pour dédouaner des marchandises à leur entrée au pays (lesquelles n’auraient pas dû être dédouanées) et avait subséquemment causé la perte des documents relatifs à ces marchandises. Le fonctionnaire en cause dans Bradley occupait un poste de confiance; malgré ses 27 années de service, son licenciement a été maintenu.

    307        Dans Copp c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 8, au paragraphe 124, il est question de l’importance de l’intégrité dans les postes comme ceux d’ASF.

    308        L’employeur m’a aussi renvoyé à Rivard c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2002 CRTFP 75, Murdoch c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2015 CRTEFP 21, F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, et Faryna c. Chorny,[1952] 2 D.L.R. 354.

    c. Agissement après la cessation d’emploi – Publication dans Facebook

    309        À la suite de son licenciement, le fonctionnaire a publié un message dans Facebook. L’employeur a fait valoir que cet acte pouvait être pris en compte. Normalement, la preuve recueillie après la mesure disciplinaire, et plus particulièrement, à la suite d’un licenciement, se retrouve dans deux types d’affaires, d’abord les cas où l’employeur ne prend connaissance des faits qu’après la mesure disciplinaire ou le licenciement, et ensuite dans les cas où une défense positive est soulevée, comme dans le cas du traitement d’une toxicomanie qui est liée à la mesure disciplinaire.

    310        Sur ce point, l’employeur m’a renvoyé à Cie minière Québec Cartier c. Québec (Arbitre des griefs), [1995], 2 R.C.S. 1095, Conseil de l’éducation de Toronto (Cité) c. Fédération des enseignantes/enseignants des écoles secondaires de l’Ontario, district 15, [1997], 1 R.C.S. 487, Walerius v. McDiarmid Lumber Ltd., 2000 MBCA 18, Gillespie v. 1200333 Alberta Ltd., 2012 ABQB 105, University of Manitoba v. Canadian Auto Workers Union, Local 3007 (2003), 124 L.A.C. (4th) 208, Lake Ontario Portland Cement Company Limited c. Groner, [1961], R.C.S. 553, et Sutherland v. Advance Furniture Distribution Inc., 2010 NSLST 12.

    2. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

    a. Objection à la compétence à l’égard des allégations de discrimination

    311        La discrimination est le seul aspect très important pour le fonctionnaire. Bien qu’il ait été licencié en septembre 2013, il a soulevé la question de la discrimination au travail lorsque sa carte AMEX a été annulée.

    312        Le grief déposé au nom du fonctionnaire dit simplement que le licenciement était injuste et sans motif. Par conséquent, s’il y a eu discrimination, elle serait injuste et sans motif. Le fonctionnaire a reconnu que le grief ne soulève aucune allégation de discrimination.

    313        L’audience au dernier palier de la procédure de grief a eu lieu le 10 juillet 2014. Le représentant de l’agent négociateur a présenté des arguments en ce qui concerne le licenciement. Entre-temps, le fonctionnaire a communiqué avec la CCDP pour demander des renseignements sur le dépôt d’une plainte. La CCDP lui a répondu par écrit, en faisant parvenir une copie à l’ASFC, le 25 juillet 2014, et lui a dit qu’il devait suivre la procédure de grief et que son grief devait englober l’allégation de discrimination.

    314        Selon les éléments de preuve convenus entre les parties, le 13 août 2014, un mois après l’audience au dernier palier de la procédure de grief, la représentante de l’agent négociateur du fonctionnaire et le représentant de l’ASFC ont eu une discussion, et la représentante de l’agent négociateur a fait des observations, qui sont consignées dans ses notes dactylographiées. La réponse au dernier palier de la procédure de grief a été présentée le 27 août 2014.

    315        Bien que l’avis à la CCDP n’ait été déposé qu’immédiatement avant l’audience le 17 juillet 2015, cela ne change rien au fait que l’employeur a été avisé de l’allégation de discrimination du fonctionnaire dans le cadre de son grief de licenciement. À ce titre, le principe énoncé dans Burchill c. Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.) ne s’applique pas. Sur ce point, le fonctionnaire m’a renvoyé à Perron c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2013 CRTFP 109, McMullen c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 64, Leclaire c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2010 CRTFP 82, Delage c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2008 CRTFP 56, et Nadeau c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 82.

    316        L’ASFC n’a pas laissé entendre qu’elle avait subi un préjudice; elle s’est efforcée d’empêcher le fonctionnaire de soulever une question liée aux droits de la personne fondée sur un point technique. Les faits ne changent pas; le grief n’est pas différent.

    317        Le fonctionnaire a fait valoir que la Commission avait compétence pour entendre le grief, y compris les allégations de discrimination.

    318        Le fonctionnaire a demandé, dans l’éventualité où je déciderais que je n’ai pas compétence, que je m’abstienne de tirer des conclusions incidentes sur la question de la discrimination.

    b. Bien-fondé du grief

    319        Le fonctionnaire s’est joint à l’ASFC en août 2005, et il a été nommé pour une période indéterminée en 2007. Il s’est joint à la DELBI en 2009. Il n’a eu aucun problème important avant de se joindre à la DELBI, où il a fait l’objet d’une suspension et d’un licenciement en un court laps de temps.

    320        Le fonctionnaire s’est excusé pour son rôle dans les incidents qui sont survenus et a exprimé des remords.

    321        Le fonctionnaire était convaincu qu’il y avait beaucoup plus.

    322        Le fonctionnaire a expliqué comment et pourquoi il utilisait les véhicules du parc comme il le faisait. Il a déclaré qu’il les utilisait conformément aux directives. Il a dit à la direction de demander à ses collègues comment ils utilisaient les véhicules du parc, ce que la direction n’a pas fait. Le fonctionnaire s’est senti marginalisé. Il avait le sentiment d’avoir appris des autres, et de faire ce qui était approprié, selon lui.

    323        On a demandé à tous les témoins de l’employeur s’ils avaient exercé de la discrimination en raison de la race, et ils ont tous répondu [traduction] « Non ». Ce n’est pas ainsi que se manifestent le racisme ou la discrimination. La discrimination est subtile et voilée; elle peut être déclenchée par les actes d’une personne à son insu. Le fonctionnaire m’a renvoyé à Sinclair v. Corporation of the City of London, 2008 HRTO 48, et Knoll North America Corp. v. Adams, 2010 ONSC 3005.

    324        Même si l’allégation de discrimination ayant trait à la carte AMEX peut être hors délai, les faits peuvent demeurer des circonstances dont il faut tenir compte dans l’ensemble de l’affaire. Le fonctionnaire ne peut pas demander un redressement en ce qui concerne la discrimination liée à la carte AMEX, mais les faits qui entourent la discrimination liée à la carte AMEX peuvent être pris en compte.

    325        Le fonctionnaire est souvent mal compris en raison de sa façon d’agir et de ses manières. Pour ces raisons, il est souvent perçu, à tort,  d’une manière singulière et comme étant en colère ou mécontent. Dans les documents, il est mentionné que [traduction] « Tevin est en colère » et que [traduction] « pris au dépourvu, il a dirigé sa colère contre elle ».

    326        Le fonctionnaire n’a qualifié personne de raciste ouvertement. Il y a à son sujet des perceptions qui sont erronées et qui ont amené la direction à sauter aux conclusions à son sujet. Il a fait valoir que la direction avait tort; elle ne l’a pas écouté et n’a entendu que ce qu’elle voulait bien entendre.

    327        Selon le fonctionnaire, il y a des indicateurs subtils qui sont des caractéristiques de discrimination et qui lui ont donné le sentiment d’être traité différemment en raison de sa race. Il a soutenu que je devais tenir compte de ces indicateurs, et m’a renvoyé à Maillet c. Procureur général du Canada (représentant la Gendarmerie Royale du Canada), 2005 TCDP 48.

    328        En ce qui concerne l’utilisation du véhicule du parc, le fonctionnaire arempli les formules requises suivant les directives de M. Johns, en y consignant des détails flous en raison de la nature délicate des renseignements. Pour cette raison, il est difficile de savoir exactement à quoi le véhicule était utilisé. Au moment de lire le carnet de route du véhicule des mois plus tard, il est difficile de déterminer ce qui se passait. Il est ressorti clairement du témoignage du fonctionnaire qu’il ne se souvenait pas de ce qu’il avait fait.

    329        M. Johns a affirmé qu’il ne vérifiait pas toujours les carnets de route des véhicules du parc, et qu’il n’exerçait aucune surveillance afin de déceler si les véhicules étaient utilisés à des fins personnelles. Il a reconnu qu’il aurait pu vérifier s’il y avait un mauvais usage généralisé. Le fonctionnaire estimait qu’il n’utilisait pas les véhicules du parc à mauvais escient; il a affirmé que son utilisation était la même que celle des autres AELBI, quoique personne n’ait jugé prudent de vérifier leur utilisation. Le fonctionnaire croyait que c’était en raison de sa race. Il croyait avoir été marginalisé.

    330        M. Johns a déclaré que bien qu’il n’y ait aucune directive écrite, les AELBI devaient savoir ce qui était autorisé en raison des conversations qui avaient eu lieu. Selon lui, ses attentes étaient claires comme de l’eau de roche. Cependant, elles ne l’étaient pas pour le fonctionnaire, qui a déclaré qu’il utilisait les véhicules du parc comme il avait vu les autres AELBI le faire et qu’il appliquait le critère du Globe and Mail.

    331        Les circonstances entourant l’annulation de la carte AMEX constituaient une question importante pour le fonctionnaire. Il voulait faire l’objet d’une évaluation afin de pouvoir utiliser sa propre carte. Il a soutenu qu’il n’était pas convaincu qu’il pouvait l’utiliser ou qu’il l’utiliserait, mais qu’il voulait qu’on évalue s’il avait les moyens de voyager. Il avait le sentiment que les décisions prises concernant la carte AMEX avaient été fondées sur d’anciennes suppositions à son sujet. Il a laissé tomber cette affaire et n’a pas présenté de grief, mais les mêmes sentiments ont resurgi à l’occasion de son licenciement, et c’est la raison pour laquelle les renseignements liés à la carte AMEX sont importants.

    332        Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait reçu une formation sur l’utilisation de la carte AMEX, qu’il se conformait à cette formation et qu’il n’y avait pas d’autres problèmes. Le fonctionnaire a déclaré satisfaire à la formation et aux mesures disciplinaires.

    333        M. Tisdale a rencontré le fonctionnaire une première fois le 18 décembre 2012, pour discuter de la contravention. À la réunion, le fonctionnaire a expliqué à M. Tisdale sa compréhension de « disponibilité ».

    334        Le fonctionnaire a demandé des précisions, alors que personne ne lui en a donné. Il a déclaré qu’il avait toujours voulu régler la contravention, mais qu’il n’avait jamais reçu de précisions et qu’il en était frustré.

    335        Les notes du 18 janvier ne traduisent pas fidèlementl’explication du fonctionnaire. M. Tisdale a déclaré que le fonctionnaire était en colère, ce que ce dernier a nié.

    336        Le fonctionnaire a soutenu que le fait que le courriel du 8 octobre 2013, adressé à tout le personnel et qui a été envoyé moins de deux semaines après le licenciement du fonctionnaire, ait dû être envoyé, de même que le courriel de M. Tisdale à un autre AELBI concernant l’agent de service, soulignent que les autres AELBI utilisaient les véhicules du parc de la même façon que lui.

    337        Le fonctionnaire s’est acquitté de ses fonctions habituelles pendant l’enquête, sans susciter de préoccupations.

    338        L’intervention de M. Klatt a été limitée. Il a soutenu que le fonctionnaire n’avait exprimé aucun remords. M. Klatt a déclaré que ses notes étaient exactes, mais elles ne reflètent pas la façon dont le fonctionnaire a livré son témoignage. M. Klatt a déclaré que le fonctionnaire était agressif. Le fonctionnaire est issu de la culture de Caraïbes, qu’il qualifie de passionnée. Ce trait culturel peut être confondu avec l’agressivité et la colère. Il a déclaré que les gens se méprennent souvent à son sujet.

    339        Ni M. Tisdale, ni M. Klatt, ni Mme Jarvis ne se sont penchés sur l’allégation du fonctionnaire voulant que d’autres membres de la DELBI utilisent les véhicules du parc de la même façon que lui, une pratique qui, selon le fonctionnaire, était en place depuis plusieurs années. Le fonctionnaire a soutenu que, par prudence, Mme Jarvis aurait pu se pencher sur son allégation.

    340        Le fonctionnaire a fait l’objet d’une mesure disciplinaire à deux reprises pour avoir utilisé la carte AMEX à mauvais escient. Il n’a pas présenté de grief à cet égard et il était d’avis qu’avec les renseignements additionnels qu’il avait reçus, il comprenait les lignes directrices. Il a déclaré qu’il croyait qu’il n’aurait pas eu les problèmes mentionnés avec la carte s’il avait reçu plus de formation officielle,.

    341        Le fonctionnaire utilisait les véhicules du parc de la même façon que les autres AELBI. Lorsqu’il était en disponibilité, en tant qu’agent de service, il pouvait utiliser un véhicule du parc à des fins personnelles puisqu’il devait répondre à des appels. Il a affirmé avoir vu les autres AELBI agir de la même façon. Il n’a pas caché le fait qu’il utilisait les véhicules de cette façon; il a dûment consigné le kilométrage en tout temps, ce que ne ferait pas une personne qui tente de dissimuler quelque chose.

    342        Le fonctionnaire a reconnu qu’il ne devait pas faire d’excès de vitesse. L’adjointe administrative lui a remis la contravention. Il a présumé que la direction en était avisée, et il a tenté de régler la question en payant la contravention. Il a créé la déclaration solennelle du 16 octobre afin d’expliquer ses agissements à la cour. Il a reconnu ses torts. Toutefois, au palais de justice, il a découvert qu’il n’était pas tenu de payer la contravention et qu’il y avait d’autres options, notamment qu’il pouvait plaider coupable avec explications. Il n’a pas caché la déclaration solennelle du 16 octobre à la direction.

    343        Le fonctionnaire a produit la déclaration solennelle du 18 décembre afin d’expliquer à la direction les directives qu’il avait reçues de la juge de paix au palais de justice. Il a déclaré qu’il voulait que la contravention lui soit cédée afin de la payer. Il avait besoin d’un mécanisme pour le faire. Cependant, du 18 décembre 2012 au 17 janvier 2013, ce mécanisme ne lui a pas été fourni.

    344        Le fonctionnaire a reconnu qu’il n’aurait pas dû faire monter des personnes qui n’étaient ni des employés de l’ASFC ni des personnes sous garde à bord des véhicules du parc. Une fois avisé qu’il n’était pas censé le faire, il a cessé de le faire.

    345        Le fonctionnaire m’a renvoyé à Wm. Scott & Company Ltd. v. Canadian Food and Allied Workers Union, Local P-162, [1977], 1 Can. LRBR 1, dans laquelle il est établi que les questions à trancher dans les affaires d’inconduite consistent d’abord à déterminer s’il y a conduite justifiant une mesure disciplinaire et, le cas échéant, de déterminer si la mesure disciplinaire imposée et sa sévérité sont appropriées dans les circonstances.

    346        Dans Wm. Scott & Company Ltd., il est également question des facteurs atténuants qui doivent être considérés. La liste qui y est établie n’est pas nécessairement exhaustive, mais elle suppose de déterminer si l’employé a été marginalisé, si c’était intentionnel, et si la mesure découlait d’une lacune momentanée.

    347        Andrews c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CRTFP 100, appuie la proposition voulant que l’évaluation du potentiel de réhabilitation devrait être considérée comme un facteur pouvant atténuer une sanction disciplinaire, parallèlement à d’autres facteurs tels que la nature de l’infraction, la durée du service du fonctionnaire, le dossier de rendement, le dossier disciplinaire, les remords, la franchise ou la crédibilité.

    348        Canadian Office and Professional Employees Union v. Yellow Pages Group Co., 2012 ONCA 448, aborde le principe de la proportionnalité, c’est-à-dire de la question de savoir si la sévérité d’une sanction est proportionnelle à l’inconduite. Ce principe tient compte de la reconnaissance de l’importance du travail dans la vie d’une personne et pour son identité. Dans cette affaire, le fonctionnaire a évoqué à quel point son travail était important pour lui.

    349        Kinsey c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2015 CRTEFP 30, souligne que même les employés qui nécessitent une gestion importante ont droit à être traités de manière appropriée par leur employeur et ne peuvent être licenciés que pour un motif valable. L’arbitre de grief dans cette affaire a conclu que les facteurs sur lesquels s’était fondé l’employeur pour justifier le licenciement du fonctionnaire n’avaient pas tous été démontrés et elle a ordonné la réintégration du fonctionnaire dans ses fonctions.

    350        Dans Leadbetter c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), [1999] C.R.T.F.P.C. no 59 (QL), la culture du milieu de travail avait conditionné et toléré le comportement du fonctionnaire. De plus, le fonctionnaire dans cette affaire avait été inculpé et déclaré coupable de vol de moins de 5 000 $.

    351        Le fonctionnaire m’a aussi renvoyé à Niedermeiser c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accise), [1997] C.R.T.F.P.C. no 111 (QL), Hampton c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Impôt), [1998] C.R.T.F.P.C. no 101 (QL), et Turner c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2006 CRTFP 58.

    352        Le fonctionnaire est d’avis que sa race a joué un rôle dans le processus décisionnel. Il n’y avait aucune diversité dans la structure du pouvoir. Ce n’est pas parce qu’il y a une certaine diversité au bureau qu’il n’y régnait pas de stéréotypes inconscients ou que de tels stéréotypes n’entraient pas en jeu et n’imprégnaient pas la culture du bureau.

    353        Les allégations qui ont donné lieu au licenciement visaient la contravention (une chose qui n’entraîne pas le licenciement); le fait que le fonctionnaire ait utilisé son poste pour obtenir un avantage (ce qu’il nie) et l’utilisation personnelle des véhicules du parc par le fonctionnaire (celui-ci n’avait pas l’intention d’enfreindre le Code de l’ASFC et n’a fait que ce qu’on lui avait dit de faire et ce qu’il pensait pouvoir faire). Son absence d’intention d’enfreindre les Codes de l’ASFC est un facteur atténuant, et le fonctionnaire n’a rien fait en vue de tirer un gain personnel.

    354        Le fonctionnaire a reconnu que la contravention et le transport de personnes sans lien avec l’ASFC à bord des véhicules du parc auraient pu justifier la prise d’une mesure disciplinaire, mais il a soutenu que le licenciement n’était pas justifié.

    355        Le fonctionnaire a soutenu qu’il y avait eu violation de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C., 1985, ch. H-6; la « LCDP »). Les actes de l’employeur ont été préjudiciables à son égard, ce qui, selon ses allégations, était attribuable à sa race. Il a fait valoir qu’il y avait des connotations négatives à son sujet. L’employeur l’a traité de manière distincte en ce qui concerne la carte AMEX et l’utilisation des véhicules du parc. L’employeur n’a pas examiné la possibilité d’utiliser une carte de crédit personnelle et n’a pas demandé aux autres agents si leur utilisation des véhicules était la même que la sienne. Le fonctionnaire a soutenu que l’employeur avait fait preuve de discrimination à son égard.

    356        Le fonctionnaire a demandé, dans l’éventualité où je décidais que j’avais compétence à l’égard des questions découlant de la LCDP et qu’il y a eu discrimination, que je convoque une nouvelle audience afin de trancher la question d’un redressement à l’égard de la discrimination. En l’absence de compétence, ou si je conclus qu’il n’y a pas eu discrimination, le fonctionnaire a soutenu que la mesure disciplinaire n’était tout de même pas appropriée et qu’une sanction moins sévère devrait y être substituée.

    357        En ce qui concerne la publication dans Facebook, le fonctionnaire soutient qu’il s’agissait manifestement d’un manque de jugement de sa part et d’une aberration attribuable à l’émotivité. Il a agi comme tel impulsivement et, en dernier ressort, il a retiré la publication très rapidement. Rien n’indique que le fonctionnaire ait eu l’intention de divulguer des secrets. Il s’est excusé, mais a soutenu que la publication dans Facebook n’était pas pertinente en l’espèce.

    3. Réplique de l’employeur

    358        La perception du fonctionnaire à l’égard de la disponibilité est insensée. La disponibilité n’est pas définie tel qu’il l’entend.

    359        Les décisions que le fonctionnaire a présentées sont toutes des cas d’espèce. Un bon nombre d’entre elles mettent en cause des employés dontle service remonte à de nombreuses années et dont le dossier disciplinaire est exempt de mesures disciplinaires.

    360        Dans Andrews, le fonctionnaire possédait 27 ans de service, et n’avait fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire. L’arbitre de grief a conclu que le fonctionnaire était crédible. Dans Kinsey, l’arbitre de grief a conclu que le fonctionnaire était un témoin crédible. En l’espèce, l’ASFC a soutenu que le fonctionnaire n’était pas crédible.

    361        Dans Canadian Office and Professional Employees Union, le fonctionnaire avait un parcours professionnel sans tache et de longue date. Bien que le principe de la proportionnalité existe, il ne fait pas de doute que l’occupation d’un poste à la fonction publique fédérale revêtait de l’importance pour le fonctionnaire, puisque ce genre d’emploi est lucratif. Cela doit être soupesé en fonction du droit de l’employeur à s’attendre à ce que ses employés respectent les règles.

    362        Dans Kinsey, la politique de l’employeur était passablement obscure, et les faits ne correspondaient pas exactement à ce qui a été allégué. Dans le cas du fonctionnaire, les règles (la politique et les Codes de l’ASFC) sont claires, et les faits le sont aussi. Dans Kinsey, l’arbitre de grief a conclu à l’absence d’intention criminelle, que le fonctionnaire avait eu sa leçon, et qu’il n’agirait plus ainsi. En l’espèce, l’ASFC ne croit pas que le fonctionnaire ait tiré une leçon, ni qu’il respectera les règles.

    363        Les décisions dans Niedermeiser et Turner concernent des situations factuelles, qui mettent en cause des cas d’inconduite isolés. Dans Turner, le fonctionnaire, un ASF, croyait qu’un détenu avait ingurgité de la drogue et, à ce titre, il lui avait administré de force du sirop d’ipéca pour provoquer des vomissements.

    364        L’ASFC a soutenu que le fonctionnaire avait retiré un gain personnel. Il a utilisé les véhicules du parc pour transporter des personnes qui, autrement, auraient dû engager des frais de transport. Il exploitait les véhicules aux frais des contribuables au lieu d’engager les frais connexes. Il souhaitait faire réduire la contravention pour excès de vitesse, ce qui était motivé par l’appât du gain personnel.

    365        Le fonctionnaire a soutenu que la contravention ne justifiait pas son licenciement, pas plus que le transport à bord des véhicules du parc de personnes sans lien avec l’ASFC. Cependant, il a été licencié pour des motifs additionnels, notamment son comportement lorsqu’il a décidé de ne pas signaler la contravention, ainsi que la tentative de tirer un avantage de son poste. Il a soutenu qu’il n’avait pas délibérément évité de porter la contravention à l’attention de la direction. Il n’en demeure pas moins qu’en ne signalant pas la contravention à la direction, le fonctionnaire ne s’est pas conformé aux règles. De plus, il possédait aussi un dossier disciplinaire actif.

    366        L’ASFC n’a pas suspendu le fonctionnaire pendant l’enquête. Si elle l’avait fait, le fonctionnaire aurait déclaré que l’employeur n’aurait pas dû agir ainsi et, dans le cas contraire, il aurait fait valoir que cela militait en faveur d’une sanction moins sévère.

    367        La majorité des choses dont M. Tisdale ne pouvait se souvenir n’était liée ni aux faits concernant la réunion, ni à ce que le fonctionnaire avait dit ou non, mais plutôt à la façon dont la question était formulée. L’avocat du fonctionnaire a fait valoir que celui-ci témoignerait du fait que M. Tisdale avait déclaré qu’il l’avait fait. Il s’agit peut-être d’une question de sémantique, mais la façon dont la question a été posée à M. Tisdale ne laissait pas entendre qu’il ne se souvenait pas d’un sujet, d’une question ou d’un fait en particulier, mais qu’il pouvait en avoir qu’un souvenir partiel, ce qui n’est pas la même chose que de ne pas s’en souvenir. Il ne s’agit pas non plus d’une absence de souvenir lorsque l’incident n’a jamais eu lieu.

    368        Les observations du fonctionnaire au sujet de son utilisation des véhicules du parc et de celle des autres AELBI ne correspondaient pas à la preuve. Il n’a pas réellement démontré qu’il avait vu les autres AELBI utiliser les véhicules du parc à des fins personnelles. Selon son témoignage, il a discuté de l’utilisation des véhicules avec un autre AELBI avec plus d’ancienneté, ce qui ne constitue pas une preuve que cela a effectivement eu lieu.

    369        Le fonctionnaire a aussi parlé de l’observation en cours d’emploi en ce qui concerne l’utilisation des véhicules du parc. Or, l’observation en cours d’emploi ne consiste pas à apprendre les particularités d’un poste d’AELBI; le fonctionnaire devait et aurait dû connaître déjà les Codes de l’ASFC et le Code de valeurs et d’éthique, puisqu’il avait déjà occupé un poste d’ASF.

    a. Allégations de discrimination

    370        Les allégations de discrimination ont quelque peu dévié. Le renvoi à l’arbitrage portait sur le licenciement du fonctionnaire. Cependant, celui-ci a essayé de rattacher les actes liés à l’utilisation de la carte AMEX au licenciement.

    371        Le fonctionnaire a tenté d’étayer ses allégations de discrimination en invoquant les stéréotypes en guise de fondement. Il a tenté d’établir que la direction le percevait comme le stéréotype de l’homme noir en colère; en raison de sa race, elle croyait qu’il était en colère alors qu’il ne l’était pas, ce qui correspondait à un stéréotype. Il a été licencié, ce qui, par conséquent, était de la discrimination.

    372        Cet argument ne tient pas parce qu’il y a une faille. Le fonctionnaire n’a pas fait l’objet de mesures disciplinaires en raison de sa colère présumée ou de ses affrontements, ce qui était le cas dans les affaires qu’il a citées. Il doit y avoir un lien entre le comportement discriminatoire allégué qui fait l’objet de la plainte et les mesures prises. Selon la logique du fonctionnaire, l’ASFC ne prend des mesures disciplinaires qu’à l’égard des employés noirs dans les cas de violations de ses codes. L’autre élément qui découlait des affaires que le fonctionnaire a invoquées, c’est que celui-ci devait prouver que l’un des facteurs pris en compte dans les mesures prises à son égard était sa race, ce qui, selon l’ASFC, n’a pas été établi.

    V. Motifs

    A. Production de documents

    373        La demande de production de documents du fonctionnaire a été présentée la veille de l’audience, le 15 juillet 2015, bien que celui-ci ait été licencié le 27 septembre 2013 et que l’enquête sur sa conduite mettant en cause le véhicule du parc remonte au début de 2013.

    374        Le vendredi 17 juillet 2015, à 9 h 53, le greffe de la Commission a avisé les parties que la demande de production de documents du fonctionnaire était rejetée. Plus tard le même jour, par courrier électronique, à 13 h 12, la Commission a reçu la formule 24 (avis à la CCDP), avisant la CCDP que le fonctionnaire soulevait une question concernant l’interprétation ou l’application de la LCDP, relativement à une pratique ou une politique discriminatoire présumée. La représentante de l’agent négociateur l’a signée le 17 juillet 2015.

    375        Dans la demande de production, le fonctionnaire a déclaré que les documents demandés étaient pertinents pour appuyer sa position voulant qu’il se soit conformé à la pratique reconnue et que l’employeur l’ait traité différemment à cet égard. Le fonctionnaire a allégué qu’en le traitant différemment de ses collègues, l’employeur l’avait marginalisé pour lui imposer une mesure disciplinaire en raison de sa race, pour des motifs liés à son utilisation personnelle des véhicules du parc. Il a fait valoir que d’autres AELBI faisaient la même chose et que les documents étaient pertinents tant en ce qui concerne les allégations faites contre lui au sujet du motif valable que les circonstances atténuantes.

    376        Avant le dépôt de la formule 24, rien n’indiquait, ni dans le grief ni dans les réponses au grief déposées auprès de la Commission, qu’une question relative à l’application de la LCDP était soulevée. Avant la demande de production, il n’y avait aucune mention, dans les documents pertinents, que le fonctionnaire avait fait l’objet d’un traitement distinct. Il n’a pas non plus été allégué que les mesures disciplinaires étaient attribuables à la race du fonctionnaire.

    377        Pour dresser un tableau complet de l’usage des véhicules du parc et de la question de savoir si les autres AELBI les utilisaient à mauvais escient, il faudrait examiner exhaustivement qui était l’agent de service, si cette personne consignait des heures supplémentaires lorsqu’elle exerçait ces fonctions, ainsi que le kilométrage consigné dans les carnets de route des véhicules. L’examen complet et la ventilation de toutes les tâches de l’ensemble des AELBI au cours de la période visée (quatre ans), ainsi que de toutes les autres tâches effectuées, aurait exigé d’établir s’il y avait eu des abus, parce que les véhicules du parc n’étaient pas nécessairement immobilisés lorsqu’ils n’étaient pas auprès d’un agent de service. De plus, il aurait fallu demander et divulguer les adresses domiciliaires des AELBI. Aucun de ces renseignements n’a été demandé.

    378        Les carnets de route des véhicules du parc et les copies des feuilles de rappel au travail et des feuilles de temps applicables à la période visée ne rendraient que partiellement compte de l’utilisation des véhicules du parc faite par les AELBI et la DELBI. En l’absence de plus amples renseignements, la description de l’utilisation quotidienne des véhicules du parc et des fonctions quotidiennes de chacun des AELBI ne permettrait pas de soutenir l’allégation du fonctionnaire selon laquelle les autres AELBI faisaient la même utilisation que lui des véhicules du parc et que la direction le savait, feignait de l’ignorer et avait pris des mesures disciplinaires à son égard seulement.

    379        Cependant, une demande de documents peut et doit demeurer un aspect ouvert et fluide de la procédure d’audience. Comme la preuve est présentée par le truchement des témoignages, les demandes de documents peuvent être introduites ou présentées de nouveau (selon le cas) et réévaluées, en fonction de ce que révèle la preuve dont le tribunal est saisi.

    380        L’audience s’est déroulée sur quatre jours, du 28 au 31 juillet 2015. À aucun moment au cours de cette partie de l’audience le fonctionnaire n’a demandé à nouveau la production de documents. L’audience a été ajournée le 31 juillet 2015, en attendant que de nouvelles dates d’audience soient fixées, puis s’est poursuivie cinq mois et demi plus tard, du 16 au 22 janvier 2016. À aucun moment une autre demande de documents n’a été présentée.

    381        Cela étant, il est devenu évident au cours de la production de la preuve que les documents que le fonctionnaire avait demandés ne m’auraient pas aidé à prendre son argumentation en considération. Les témoins de l’employeur, en particulier M. Johns (qui était le superviseur du fonctionnaire pendant toute la période au cours de laquelle ont eu lieu les événements liés à l’utilisation des véhicules du parc), n’examinaient pas les carnets de route des véhicules pour déterminer comment les AELBI, y compris le fonctionnaire, utilisaient les véhicules du parc en tant qu’agent de service. N’eut été la contravention, la façon dont le fonctionnaire utilisait les véhicules du parc aurait pu passer inaperçue.

    B. Compétence relativement aux allégations de discrimination raciale

    382        La Commission a compétence pour traiter les violations présumées de la LCDP au travail (voir le paragraphe 226(2) de la LRTFP). En outre, la clause 19.01 de la convention collective prévoit ce qui suit : « Il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine nationale ou ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion à [l’AFPC] ou son activité dans celle-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle l’employé-e a été gracié. »

    383        Selon l’objection soulevée par l’ASFC, le grief n’a pas été renvoyé à la Commission au titre d’une violation présumée de la convention collective. De plus, il n’est mentionné nulle part dans le grief que les mesures disciplinaires étaient fondées sur une forme quelconque de discrimination, en raison de la race et de l’origine ethnique du fonctionnaire. L’ASFC a invoqué Burchill, selon laquelle un fonctionnaire s’estimant lésé ne peut présenter à l’arbitrage une affaire différente de celle qui a fait l’objet du grief. Burchill appuie la proposition voulant qu’une partie intimée ait le droit de participer à une procédure d’arbitrage en connaissant les arguments qu’elle doit réfuter. Cela protège la partie intimée d’affronter une affaire différente de celle qui a été présentée lors de la procédure de grief.

    384        Le grief conteste le licenciement. C’est la question pour laquelle le défendeur doit présenter sa défense. Ce dernier a soutenu qu’au dernier moment, le fonctionnaire a modifié la nature du grief et que, par conséquent, je ne devrais pas tenir compte des allégations de discrimination.

    385        D’après les faits, je suis convaincu qu’il n’y a pas eu violation des principes établis dans Burchill. Même si le fonctionnaire n’a pas utilisé expressément le terme « discrimination », ni fait des allégations évoquant le traitement distinct en raison de sa race dans son grief, avant que la décision au dernier palier n’ait été rendue la représentante de son agent négociateur avait présenté par écrit des déclarations concernant les allégations de traitement distinct et de discrimination attribuables à la race et à l’origine ethnique du fonctionnaire. Comme l’employeur n’avait pas encore rendu une décision au dernier palier, il aurait pu tenir compte de ces observations avant de le faire; d’après les faits qui m’ont été présentés, il ne l’a pas fait.

    386        Je soupçonne aussi que le fonctionnaire ou ses représentants n’ont pas été aussi diligents à l’égard de cette position, puisque les allégations de discrimination attribuable à sa race et à son origine nationale n’ont été soulevées dans la procédure de grief qu’après la fin de l’audience au dernier palier, et que la formule 24 (avis) n’a été déposée que le 17 juillet 2015. La CCDP n’a répondu qu’en août 2015, après la première semaine d’audience. Ces mesures semblent assurément avoir été une source de confusion pour les parties et la Commission. Cependant, elles n’avaient pas pour effet de nier la compétence de la Commission à évaluer la question de la discrimination pour autant qu’elle se rattache aux mesures disciplinaires.

    387        Comme l’ASFC connaissait la position du fonctionnaire pendant la procédure de grief, elle n’aurait certainement pas dû en être surprise à l’audience. Par conséquent, je ne suis pas disposé à faire droit à l’objection de l’ASFC concernant la prise en compte de la question de la discrimination à l’audience.

    C. Crédibilité

    388        La crédibilité est un facteur clé lorsqu’il s’agit de déterminer si la preuve doit être retenue. Le critère applicable à la crédibilité est expliqué en ces termes dans Faryna :

    [Traduction]

    […]

    Si la conclusion qu’un juge de première instance tirait à l’égard de la crédibilité d’un témoin dépendait uniquement de son opinion quant à la personne qui a, selon lui, fait preuve de la plus grande sincérité à la barre des témoins, nous nous trouverions avec un résultat purement arbitraire, et l’administration de la justice dépendrait alors des talents d’acteur des témoins. Réflexion faite, il devient presque évident que l’apparence de sincérité n’est qu’un des éléments qui entrent en ligne de compte lorsqu’il s’agit d’apprécier la crédibilité d’un témoin. Les possibilités qu’avait le témoin d’être plus au courant des faits, sa capacité d’observation, son jugement, sa mémoire, son aptitude à décrire avec précision ce qu’il a vu et entendu contribuent, de concert avec d’autres facteurs, à créer ce qu’on appelle la crédibilité […] Par son attitude, un témoin peut donner au juge de première instance une impression très défavorable quant à sa sincérité, mais il se peut que les circonstances permettent de conclure sans l’ombre d’un doute qu’il dit la vérité. Je ne pense pas ici aux cas relativement peu fréquents où un juge surprend le témoin en flagrant délit de mensonge maladroit.

    La crédibilité du témoin intéressé ne peut être évaluée, plus particulièrement dans les cas de témoignages contradictoires, en se fondant exclusivement sur la question de savoir si le comportement du témoin permet de penser qu’il dit la vérité. Le critère applicable consiste plutôt à examiner sila version des faits d’un témoin est compatible avec les probabilités qui entourent les faits de l’espèce. Bref, le véritable critère applicable à la véracité de la version du témoin en pareil cas doit être sa conformité à la prépondérance des probabilités qu’une personne pratique et éclairée estimerait d’emblée comme étant raisonnable dans le lieu et le contexte en question […]

    389        En ce qui a trait aux mesures disciplinaires qui ont donné lieu au licenciement du fonctionnaire, les témoins que l’employeur a convoqués ont établi des faits qui étaient en grande partie statiques, comme la structure organisationnelle de l’employeur, la structure de la DELBI, l’emploi du fonctionnaire, les règles, les politiques et les procédures régissant le milieu de travail, et l’environnement de travail.

    390        Les scénarios factuels entourant la conduite du fonctionnaire qui a entraîné la mesure disciplinaire ont été presque exclusivement communiqués par le fonctionnaire. Celui-ci a mentionné plusieurs événements lors des discussions qu’il a eues avec Mme Jarvis et MM. Tisdale et Klatt au sujet de la contravention et de l’utilisation du véhicule du parc. Ces comptes rendus du déroulement des événements ont été consignés dans des documents (parfois par lui, parfois par d’autres personnes) qui ont été déposés en preuve, mentionnés par les témoins qui ont participé aux discussions avec le fonctionnaire et abordé dans le témoignage du fonctionnaire.

    391        Pour ce qui est des faits mettant en cause la carte AMEX, encore une fois, les faits statiques ont été présentés par les témoins de l’employeur, principalement M. Johns, alors que l’utilisation réelle de la carte AMEX par le fonctionnaire a été abordée par lui-même, que ce soit au moyen de courriels, des notes des discussions qu’il a eues avec d’autres personnes et, encore une fois, dans le témoignage qu’il a livré devant moi.

    392        Pendant son témoignage, des questions simples et directes ont été posées au fonctionnaire, auxquelles il n’a pas répondu. Il a plutôt évoqué sa perception de ce que les gens pensaient ou de ce qu’il croyait être leur motivation. Il a spéculé sur les raisons pour lesquelles une personne avait agi d’une telle façon ou que  quelque chose était survenu, au lieu de répondre aux questions qui lui ont été posées. Souvent, il ne répondait pas réellement aux questions qui lui ont été posées.

    393        Comme il est expliqué plus en détail dans les sections de la décision qui sont présentées ci-dessous, le témoignage du fonctionnaire sur des points clés n’était ni vraisemblable ni crédible, et n’avait souvent aucun sens. Il ne s’agit pas seulement de ce qu’il a dit, mais aussi de sa façon de le formuler, de même que ce qu’il n’a pas dit, des incohérences entre son compte rendu d’un événement donné et ses versions antérieures d’un même événement, telles qu’elles ont été consignées les autres fois ou dans ses documents.

    D. Politiques

    394        Le témoignage du fonctionnaire au sujet des politiques a été contradictoire.

    395        Dans son témoignage, il a dit qu’il n’avait pas examiné les politiques. Ceci étant, les multiples lettres d’offre d’emploi ou de prolongation de son emploi qui lui ont été adressées mentionnent qu’il était lié par le Code de l’ASFC en vigueur durant les périodes pertinentes. De plus, lorsqu’il s’est attiré des ennuis pour la première fois, en 2010, relativement à son utilisation de la carte AMEX,  le Code antérieur à 2012 et le Code de valeurs et d’éthique lui ont été remis et il a reconnu les avoir reçus.

    E. Politique et véhicules du parc

    396        Les codes de l’ASFC (qu’il s’agisse du Code antérieur à 2012 ou du Code de 2012) énoncent clairement et simplement en quoi consiste l’utilisation appropriée des biens de l’ASFC (du gouvernement). Les véhicules y sont expressément mentionnés, et il est indiqué qu’ils ne doivent pas être utilisés à des fins autres que les activités officielles, à moins que la direction l’autorise. Il y est également expressément mentionné qu’une personne ne peut être transportée à bord d’un véhicule appartenant au gouvernement (ASFC) ou loué par celui-ci que si elle est associée à une affectation officielle ou autorisée par la direction, ou si le transport est dans l’intérêt supérieur de l’ASFC.

    397        Dans son témoignage, le fonctionnaire a aussi mentionné une discussion qu’il a affirmé avoir eue avec un autre AELBI, environ 6 à 10 semaines après ses débuts à la DELBI. Il a affirmé que l’AELBI lui avait dit que les fonctions d’agent de service exigeaient de répondre aux urgences dans les plus brefs délais. Une « urgence » s’entendait au sens où un autre organisme d’exécution de la loi pouvait avoir besoin que l’ASFC intervienne dans les plus brefs délais et en temps opportun. À ce titre, le véhicule du parc est auprès de l’agent de service afin que cette personne puisse accomplir cette tâche.

    398        Le fonctionnaire a déclaré qu’au cours de leur discussion, il a dit à l’AELBI qu’il avait plusieurs activités en dehors du travail, et qu’il lui avait demandé comment il pouvait utiliser le véhicule à cette fin, en affirmant qu’au point d’entrée, les ASF n’utilisaient jamais un véhicule de cette façon. Le fonctionnaire a déclaré que l’AELBI avait ri et lui avait répondu : [traduction] « Tu es dans les ligues majeures, maintenant, Tevin; ce n’est pas de cette façon que nous utilisons le véhicule dans ce milieu. » Le fonctionnaire a ajouté ce qui suit : [traduction] « je l’ai renvoyé [l’AELBI en question] à la politique et lui ai demandé s’ils avaient une politique différente de celle appliquée au point d’entrée ». D’une part, le fonctionnaire a déclaré qu’il n’avait pas examiné les politiques, mais lorsqu’il a fait allusion à cette discussion concernant l’utilisation des véhicules du parc, il a déclaré qu’il avait renvoyé l’AELBI à la politique, ce qui laisse penser qu’il savait en quoi consistait cette politique.

    399        Le fonctionnaire a déclaré que non seulement M. Johns avait entendu sa discussion avec l’autre AELBI concernant l’utilisation des véhicules du parc, mais qu’il y était intervenu. Il a déclaré que M. Johns lui avait dit qu’il utilisait le critère du Globe and Mail à l’égard de l’utilisation des véhicules du parc. Selon le fonctionnaire, cela voulait dire que si la DELBI ou un AELBI devait justifier son utilisation d’un véhicule du parc, il fallait déterminer si l’utilisation résisterait à la perception du public à l’égard de ce qui est raisonnable (si la question était rendue publique dans les médias). Le fonctionnaire a déclaré que M. Johns avait affirmé que l’agent de service utilise un véhicule de façon à pouvoir intervenir en cas d’urgence policière dans les plus brefs délais. Il a ajouté que M. Johns lui avait dit que l’utilisation ne visait pas [traduction] « à pouvoir faire des courses personnelles ou, dans mon cas, entraîner et jouer au soccer […] ».

    400        Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait demandé des précisions à M. Johns, et que celui-ci lui avait dit ce qui suit au sujet de ses activités extérieures : [traduction] « je ne dois pas utiliser le véhicule pour mener ces activités; je dois l’utiliser pour répondre aux urgences policières. »

    401        Le fonctionnaire a ensuite passé un commentaire au sujet duquel je ne peux que présumer, en me fondant sur la formulation qu’il en a faite, qu’il l’attribuait à M. Johns. Ce commentaire laissait entendre que le fonctionnaire avait une vie, mais que les AELBI se préparent à répondre ou devront éventuellement répondre à un appel en tout temps, n’importe quel jour, et que les véhicules du parc sont des outils. Il a ajouté qu’il avait été satisfait de cette explication et qu’elle lui semblait logique.

    402        Lorsqu’il a évoqué la conversation qu’il a attribuée à M. Johns et à l’autre AELBI concernant l’utilisation d’un véhicule du parc lorsqu’un AELBI était l’agent de service, le fonctionnaire a attribué des déclarations contradictoires à M. Johns. Il a d’abord déclaré que ce dernier lui avait dit expressément à deux reprises pendant cette discussion que les véhicules du parc ne devaient pas être utilisés à des fins personnelles, en allant jusqu’à donner des exemples précis, comme de jouer ou d’entraîner au soccer ou encore de faire des courses personnelles. Le fonctionnaire a ensuite laissé entendre par son commentaire qu’il a une vie, et que, par conséquent, il est acceptable pour un AELBI d’amener le véhicule du parc partout où il va chaque fois qu’il agit comme agent de service. Cela n’a absolument aucun sens.

    403        Ce n’est pas seulement le compte rendu du fonctionnaire qui est insensé, c’est aussi sa façon de rapporter la conversation. Il n’a pas dit ouvertement que M. Johns lui avait dit qu’il était acceptable d’utiliser les véhicules du parc à des fins personnelles. En réalité, les commentaires que le fonctionnaire a attribués plus particulièrement à M. Johns disent exactement le contraire; les AELBI n’étaient pas censés utiliser les véhicules du parc à des fins personnelles. Le fonctionnaire a ensuite ajouté à cette conversation une observation qu’il semble attribuer aux propos de M. Johns selon lesquels le fonctionnaire [traduction] « a une vie », laissant entendre par conséquent qu’il était acceptable d’utiliser les véhicules du parc comme il le faisait.

    404        M. Johns a témoigné à deux reprises, une fois avant le fonctionnaire, puis pendant la contre-preuve. Le fonctionnaire a été présent durant tout le premier témoignage de M. Johns concernant l’utilisation des véhicules du parc et la politique. La discussion présumée dont le fonctionnaire a témoigné, entre lui-même, l’autre AELBI et M. Johns, n’a aucunement été portée à l’attention de M. Johns lorsqu’il a livré son témoignage, ce qui constituait manifestement un manquement à la règle énoncée dans Browne c. Dunn,(1893) 6 R. 67 (C.L.).

    405        Le sujet et la question n’étaient pas surprenants, puisque M. Johns a été questionné, tant en interrogatoire principal qu’en contre-interrogatoire, au sujet de ce qu’il avait dit aux AELBI concernant l’utilisation des véhicules du parc. M. Johns a déclaré qu’il leur avait dit qu’ils ne devaient pas les utiliser à des fins personnelles lorsqu’ils agissaient comme agent de service. Il a affirmé que le véhicule du parc devait rester à leur domicile lorsqu’ils étaient agents de service, à moins qu’un agent de service soit rappelé au travail. Il a affirmé qu’il y avait une zone grise, puis a donné en exemple un arrêt pour prendre un café ou déjeuner, lorsque par ailleurs ils s’acquittaient de fonctions officielles et utilisaient le véhicule du parc. Il a affirmé qu’agir ainsi ne serait pas inapproprié et ne constituerait pas une violation du Code antérieur à 2012, du Code de 2012 ou du Code de valeurs et d’éthique.

    406        Je conclus aussi qu’il est difficile de croire que le fonctionnaire, qui est titulaire d’un diplôme universitaire et a par ailleurs déclaré qu’il avait été formé à la lecture des lois et règlements lorsqu’il s’agit d’appliquer la LIPR, n’ait pas examiné les politiques et les directives, d’autant plus qu’il avait fait l’objet de mesures disciplinaires non pas une fois, mais à deux reprises, pour avoir utilisé les biens de l’employeur à mauvais escient, et que les sections du Code antérieur à 2012 qui traitent de l’utilisation des actifs de l’employeur sont les mêmes pour la carte AMEX et le véhicule du parc.

    F. Le 8 septembre 2012; Dugald (Manitoba) et football sans contact

    407        Éventuellement, les trois éléments figurant dans le sous-titre ci-dessus sont devenus des synonymes.

    408        La preuve a établi que le fonctionnaire avait fait le plein du véhicule du parc à une station-service en périphérie de Winnipeg, à Dugald ou dans ses environs, le jour où il a reçu la contravention.

    409        Le fonctionnaire a dit à Mme Jarvis qu’il ignorait où se trouvait Dugald, et il ne lui a jamais parlé de la partie de football sans contact prévu le 8 septembre 2012. Selon le rapport et les notes du 31 mai, il a fait allusion à un éventuel passage à Emerson à cette date. Selon une autre version de son compte rendu de ce qui s’est passé ce jour-là, il était allé à Milner Ridge. Aucune preuve n’a été fournie à l’ASFC, que ce soit avant le licenciement du fonctionnaire ou à l’audience, qu’un déplacement à Emerson ou à Milner Ridge avait eu lieu.

    410        Le 16 septembre 2013, lors de l’audience disciplinaire, il a été question de la partie de football sans contact pendant la discussion du fonctionnaire avec M. Klatt.

    411        À l’audience, la preuve du fonctionnaire au sujet d’une partie de football sans contact a changé. À un moment donné, il a laissé entendre que cette partie avait eu lieu le 1er et non le 8 septembre 2012.

    412        En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a reconnu qu’il faisait partie d’une équipe de football sans contact, et que l’équipe jouait ses parties dans une installation récréative située à Dugald, ou tout près de là.

    G. Le 1er septembre 2012, le mariage et l’accident

    413        Dans son témoignage, le fonctionnaire a évoqué un accident dans lequel il avait été impliqué avec le véhicule du parc le 1er septembre 2012, alors qu’il se trouvait à un mariage. Il a livré ce témoignage afin de comparer le traitement dont il avait fait l’objet lors de l’accident à celui qu’il avait subi lorsqu’il avait reçu la contravention. Ce témoignage présente les préoccupations et les incohérences suivantes :

    • Dans sa discussion avec M. Tisdale, le 17 janvier 2013, le fonctionnaire a mentionné un accident en passant; cependant, les notes du 18 janvier ne mentionnent pas que le fonctionnaire utilisait le véhicule du parc alors qu’il ne travaillait pas pour le compte de l’ASFC au moment de l’accident.
    • Les notes du 18 janvier ne mentionnent pas que le fonctionnaire se trouvait à un mariage à ce moment-là.
    • Les notes du 18 janvier ne donnent pas de précisions sur l’accident ou ne décrivent pas ce qui s’est produit le 1er septembre 2012.
    • Le rapport ne mentionne pas l’accident allégué; les notes du 31 mai ne mentionnent pas que le fonctionnaire en avait parlé à Mme Jarvis.
    • L’accident et les précisions selon lesquelles il serait survenu le 1er septembre 2012, alors que le fonctionnaire se trouvait à un mariage, n’ont jamais été portés à l’attention de M. Johns (qui était encore le gestionnaire du fonctionnaire à Winnipeg à ce moment-là), de M. Tisdale ou de Mme Jarvis.
    • Aucun document déposé en preuve ne faisait mention d’un accident survenu le 1er septembre 2012, ou lors d’une fin de semaine ou soir de semaine alors que le fonctionnaire était l’agent de service, ni qu’un accident était survenu lorsqu’il avait conduit le véhicule du parc pour se rendre à un mariage.
    • M. Tisdale a témoigné avant le fonctionnaire, qui était présent pendant son témoignage. La réunion du 17 janvier 2013 et les notes du 18 janvier ont fait l’objet de discussion lors de ce témoignage. L’accident survenu alors que le fonctionnaire se trouvait à un mariage, le 1er septembre 2012, n’a pas été porté à l’attention de M. Tisdale en contre-interrogatoire.

    H. Éléments probants qui ont été omis

    414        Il était étrange que le fonctionnaire, qui a témoigné pendant près de quatre jours, n’ait pas dit à l’audience que pendant la période en question, alors qu’il utilisait le véhicule du parc, il ne possédait pas de véhicule pendant quelque temps. Ce n’est que lorsque je lui ai posé cette question, après l’interrogatoire principal, le contre-interrogatoire et le réinterrogatoire, qu’il l’a reconnu.

    415        Malgré la quantité d’éléments de preuve concernant l’utilisation du véhicule du parc et celle du fonctionnaire, la réponse du fonctionnaire à la question de savoir s’il était propriétaire d’un véhicule durant la période en question était loin d’être complète. La réponse du fonctionnaire était vague, et m’a laissé dans le doute à savoir s’il avait déjà été propriétaire d’un véhicule personnel lorsqu’il était AELBI, ou encore pendant une petite partie ou la plus grande partie de cette période.

    416        L’omission du fonctionnaire à dévoiler s’il était propriétaire d’un véhicule était étonnamment similaire à celle de son témoignage sur la possession d’une carte de crédit personnelle et les premières difficultés qui avaient entraîné les premières mesures disciplinaires dont il avait fait l’objet relativement à son utilisation de la carte AMEX délivrée par l’ASFC.

    417        La preuve a établi que le fonctionnaire avait connu à trois reprises des difficultés liées à sa carte AMEX délivrée par l’ASFC. La première fois, M. Johns a souligné qu’il avait simplement eu une discussion avec le fonctionnaire et qu’aucune mesure disciplinaire n’avait été imposée. La deuxième fois, une réprimande écrite (décembre 2010) a été émise. La troisième fois, le fonctionnaire a été suspendu pendant 20 jours (juin 2012). La preuve a établi que le fonctionnaire avait invoqué divers motifs pour justifier son utilisation de la carte AMEX pour effectuer des achats personnels inappropriés (notamment des vêtements, des billets d’avion et des chambres d’hôtel), et qu’il avait laissé entendre qu’au moins certaines de ces dépenses étaient peut-être attribuables à des erreurs administratives que d’autres personnes avaient commises en faisant ses réservations pour lui. Il a fait allusion à des erreurs commises par l’organisation qui avait accepté par erreur la réservation effectuée au moyen de sa carte AMEX, au motif que le numéro de la carte figurait au dossier.

    418        Compte tenu des tâches de renvoi qu’il effectuait, le fonctionnaire devait réserver des hôtels et des billets d’avion au moyen de la carte AMEX pour son travail, et, à ce titre, il était plausible que lorsqu’il effectuait des réservations aux fins d’un voyage personnel, une organisation effectuant des réservations qui demandait ou confirmait s’il avait son numéro de carte de crédit ait pu, par erreur, porter la réservation au compte de la carte AMEX. Cependant, ce témoignage concernant une erreur possible et plausible de la part d’une organisation indépendante a perdu toute sa crédibilité lorsqu’on a porté à l’attention du fonctionnaire, en contre-interrogatoire, que pendant toute la période où il s’est attiré des ennuis avec la carte AMEX délivrée par l’ASFC en effectuant des achats personnels, y compris en réservant des voyages personnels et des hôtels, il ne possédait pas de carte de crédit personnelle.

    419        Lorsqu’il a livré son témoignage en interrogatoire principal, le fonctionnaire a évoqué les erreurs possibles qu’il attribuait à des organisations extérieures à l’égard des réservations d’hôtels et des billets d’avion, puis il s’est plaint de ne pas avoir pu utiliser sa carte de crédit personnelle. Il a évoqué le fait que cela faisait partie de la discrimination à son endroit, parce que les autres AELBI étaient autorisés à utiliser leur carte de crédit personnelle lorsqu’ils travaillaient pour le compte de l’ASFC.

    420        La question préoccupante concerne le fait qu’au moment où le fonctionnaire utilisait la carte AMEX de manière inappropriée, il ne détenait pas de carte de crédit personnelle. Par conséquent, il aurait assurément su, au moment d’effectuer des réservations pour des voyages personnels, des billets d’avion ou d’hôtels, que si une organisation responsable des réservations disait qu’elle avait son numéro de carte dans ses dossiers, la seule carte possible était la carte AMEX délivrée par l’ASFC. Ce que le fonctionnaire a négligé de dire à l’audience avant que cela ne soit porté à son attention en contre-interrogatoire, c’est qu’à aucun moment il n’a détenu une carte de crédit personnelle avant octobre 2011.

    421        En fonction de ces exemples et des autres divergences dans la preuve du fonctionnaire, que je mentionnerai plus loin dans les présents motifs, je suis convaincu que la version du fonctionnaire n’est pas crédible. Sa preuve était suspecte et peu fiable. Ses comptes rendus des faits changeaient souvent. Le fonctionnaire a omis des renseignements pertinents, ce qu’il n’a reconnu qu’après qu’on l’eut découvert.

    422        La preuve du fonctionnaire ne résiste tout simplement pas à l’examen énoncé dans Faryna, à savoir que [traduction] « […] le véritable critère applicable à la véracité de la version du témoin en pareil cas doit être sa conformité à la prépondérance des probabilités qu’une personne pratique et éclairée estimerait d’emblée raisonnable dans le lieu et le contexte en question […] ».

    423        Honnêtement, presque tout ce qu’a déclaré le fonctionnaire était difficile à accepter, à moins qu’un autre motif ne permette de reconnaître sa véracité.

    I. Le grief

    424        Pour trancher les questions disciplinaires, un arbitre de grief se fonde habituellement sur l’examen des trois questions suivantes (voir Wm. Scott & Company Ltd.) : 1) Y a-t-il eu inconduite de la part du fonctionnaire? 2) Dans l’affirmative, la mesure disciplinaire imposée par l’employeur était-elle une sanction appropriée dans les circonstances? 3) Dans le cas contraire, en quoi consisterait une autre sanction juste et équitable dans les circonstances?

    1. Y a-t-il eu inconduite de la part du fonctionnaire?

    425        Le Code de 2012 et le Code antérieur à 2012 traitent tous deux de l’utilisation des biens et actifs du gouvernement. Ils prévoient ce qui suit :

    [Extrait du Code de 2012]

    D. Normes de conduite attendue

    […]

    4. Conduite privée hors du travail et activités extérieures

    […]

    AVERTISSEMENT :Il est interdit de commettre un acte qui est illégal ou qui contrevient au Code criminel, à la Loi sur l’ASFCou à toute loi ou règlementation appliquée par l’Agence. Si nous sommes arrêtés, détenus ou accusés – au Canada ou à l’étranger – relativement à une infraction à une loi ou un règlement, nous devrions signaler immédiatement l’incident à notre gestionnaire. Ceci comprend les incidents mineurs, entre autres, une contravention au code de la route à bord d’un véhicule appartenant au gouvernement ou loué par celui-ci.

    […]

    7. Soin et utilisation des biens et actifs du gouvernement

    Notre valeur liée au professionnalisme comporte l’utilisation efficace et efficiente des biens et actifs de l’Agence dans l’exécution de nos fonctions. À titre de professionnels, nous démontrons notre valeur liée à l’intégrité en utilisant les biens et actifs du gouvernement seulement pour l’exécution de nos fonctions officielles et jamais à une fin ou pour un gain personnel.

    Nous demandons l’autorisation de la direction avant d’utiliser, à des fins autres qu’officielles, des biens, de tout équipement, du matériel, des véhicules ou des installations, achetés, utilisés ou loués par l’ASFC. Cela comprend, sans s’y limiter, les véhicules […]

    […]

    7.1 Insignes, pièces d’identification officielles et timbres du bureau ou de l’agent

    […]

    Nous n’utilisons pas notre titre professionnel, identification officielle, insigne ou tout document officiel (que nous soyons en service ou pas, à titre personnel ou professionnel, ou dans nos activités sur les médias sociaux) à des fins qui sont illégales, inappropriées ou qui vont à l’encontre des meilleurs intérêts de l’ASFC.

     […]

    [Traduction]

    Exemples d’inconduite :

    […]

    Utiliser notre titre officiel pour obtenir un rabais dans un magasin en ligne.

    Utiliser un véhicule appartenant au gouvernement pour déménager du mobilier de propriété privée.

     […]

    [Extrait du Code antérieur à 2012]

    [Traduction]

    Normes de conduite attendue

    […]

    b) Soin et utilisation des biens et objets de valeur du gouvernement

    Vous ne devez pas utiliser, à des fins autres qu’officielles, des biens, des équipements, du matériel, des véhicules ou des installations achetés, utilisés ou loués par l’ASFC, à moins d’avoir reçu l’autorisation de la direction. Cela comprend, mais non de façon limitative, les véhicules […]

    Vous ne pouvez pas transporter une personne à bord d’un véhicule, d’un aéronef ou d’un navire appartenant au gouvernement ou loué par celui-ci, à moins que cette personne ne soit associée à une affectation officielle, autorisée par la direction ou dans l’intérêt supérieur de l’ASFC.

     […]

    Insignes, pièces d’identification officielles et timbres du bureau ou de l’agent

    […]

    Il vous est interdit d’utiliser votre titre professionnel, insigne ou identification officielle pour obtenir ou sembler obtenir un privilège, une faveur pour vous-mêmes ou pour d’autres personnes, ou de poser un geste illégal, inapproprié ou contraire à l’intérêt supérieur de l’ASFC. De pareilles infractions seront jugées graves et entraîneront des mesures disciplinaires.

    […]

    (m) Conduite hors du travail

    Généralités

    […]

    […] Vous devez signaler toute infraction à la circulation ou contravention au code de la route reçue au cours de l’utilisation d’un véhicule appartenant au gouvernement ou loué par celui-ci.

    426        Le Code de valeurs et d’éthique prévoit en partie ce qui suit :

    […]

    Annexe

    Responsabilités et obligations

    Fonctionnaires

    Les fonctionnaires sont censés respecter le présent code et appliquer les valeurs du secteur public dans leurs actions et dans leurs comportements. De plus, ils doivent se comporter en tenant compte des attentes précisées dans le code de conduite de leur propre organisation. Le fonctionnaire qui ne se conforme pas à ces valeurs et attentes s’expose à des mesures administratives ou disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement.

     […]

    427        Comme il a été précisé dans la présente décision, le fonctionnaire avait été avisé que les conditions de son emploi prévoyaient le respect des Codes de l’ASFC et du Code de valeurs et d’éthique, ce qui avait été établi dans plusieurs lettres d’offre d’emploi ou de prolongation de son emploi qui lui avaient été adressées. Lorsqu’il a reçu la réprimande écrite concernant son mauvais usage de sa carte AMEX délivrée par l’ASFC, M. Johns lui a remis des copies du Code antérieur à 2012 et du Code de valeurs et d’éthique.

    428        Bien que les articles puissent avoir été modifiés et que le libellé puisse avoir été quelque peu modifié, à toutes fins pratiques, le Code antérieur à 2012 et le Code de 2012 énoncent la même chose en ce qui a trait à l’usage approprié des biens du gouvernement, plus précisément les véhicules. Le fonctionnaire savait ce qu’on attendait de lui ou aurait certainement dû le savoir.

    429        L’inconduite attribuée au fonctionnaire comportait l’utilisation des véhicules du parc à des fins autres que le travail. La preuve a établi que lorsqu’il était l’agent de service, il amenait un véhicule du parc partout où il devait aller (en dehors d’une distance de marche), de sorte que s’il y avait un appel, il avait le véhicule avec lui, et s’il devait aller travailler quelque part, il l’avait avec lui et pouvait partir dans les plus brefs délais.

    430        Le samedi 1er septembre 2012, le carnet de route du véhicule du parc indique que le fonctionnaire a parcouru 152 km. La feuille de rappel au travail qu’il a remplie montre qu’entre 16 h 10 et 16 h 30, ce jour-là, il a répondu à un appel téléphonique du Service de police de Brandon, au Manitoba, à titre informatif. Selon la feuille de rappel au travail, il n’avait pas à se rendre où que ce soit par suite de l’appel. Sa feuille de temps pour cette semaine-là indique qu’il a été rémunéré pour des heures supplémentaires ce jour-là, on suppose qu’il s’agit de l’appel téléphonique.

    431        Le fonctionnaire n’a pas déclaré, pendant l’entrevue d’enquête du 31 mai 2013 avec Mme Jarvis ou dans le cadre des discussions avec MM. Tisdale ou Klatt, ce qu’il faisait le 1er septembre 2012. À un moment donné pendant l’audience, le fonctionnaire a déclaré que la partie de football sans contact avait eu lieu ce jour-là à Dugald, mais ultérieurement, dans la présentation de sa preuve, il a évoqué un accrochage qu’il avait eu à l’occasion d’un mariage ce jour-là.

    432        Nonobstant le témoignage contradictoire du fonctionnaire, rien n’indiquait qu’il avait dû se déplacer pour le compte de l’ASFC ce jour-là. À ce titre, j’ai la certitude que l’ASFC a établi qu’aucune fin liée au travail n’exigeait que le fonctionnaire conduise le véhicule du parc ce jour-là.

    433        En date du samedi 8 septembre 2012, le carnet de route du véhicule du parc indique que le fonctionnaire a parcouru 215 km et qu’il a acheté pour 85,47 $ de carburant à Dugald. Il n’y a aucune feuille de rappel au travail concernant le fonctionnaire pour ce jour-là, et ses feuilles de temps n’indiquent pas qu’il ait travaillé des heures supplémentaires ce jour-là. La preuve qu’il a présentée laisse penser que, fort probablement, il se trouvait à une partie de football sans contact. Je suis convaincu que l’ASFC a établi qu’aucune fin liée au travail n’exigeait que le fonctionnaire conduise le véhicule du parc ce jour-là.

    434        Les autres formes d’inconduite attribuées au fonctionnaire sont les suivantes :

    • il a transporté une, voire plusieurs personnes, sans lien avec l’ASFC, à des fins sans rapport avec l’ASFC, à bord des véhicules du parc;
    • il a dépassé une limite de vitesse affichée, par suite de quoi un organisme d’exécution de la loi a donné une contravention;
    • il n’a pas signalé la contravention pour excès de vitesse à la direction en temps opportun;
    • il a utilisé son poste à l’ASFC (y compris le  papier à correspondance officielle de l’ASFC) pour profiter d’une réduction de l’amende liée à la contravention pour excès de vitesse.

    435        Au cours de l’enquête et durant la présentation de sa preuve, le fonctionnaire a reconnu avoir fait ce qui est indiqué ci-dessous :

    • avoir transporté des personnes sans lien avec l’ASFC, à des fins sans rapport avec l’ASFC, à bord des véhicules du parc;
    • avoir dépassé une limite de vitesse affichée, par suite de quoi un organisme d’exécution de la loi a donné une contravention.

    436        L’utilisation d’un véhicule du parc comme véhicule personnel, notamment pour y transporter des personnes sans lien avec l’ASFC, à des fins sans rapport avec le travail, et la conduite du véhicule à une vitesse excessive, par suite de quoi un organisme d’exécution de la loi a émis une contravention, constituent des violations du Code antérieur à 2012 et du Code de 2012.

    437        Dans son témoignage, le fonctionnaire a mentionné ce qu’il avait fait après que l’adjointe administrative eut porté la contravention à son attention. Il a déclaré qu’il avait rédigé la déclaration solennelle du 16 octobre, qu’il était allé au palais de justice, qu’il avait parlé à une juge de paix, puis qu’il était rentré au bureau et qu’il avait conservé la contravention et la déclaration solennelle du 16 octobre à son bureau.

    438        Le fonctionnaire a aussi déclaré qu’il avait soulevé la question de la contravention auprès de deux collègues, Mme Nortey et M. McEvoy, qui remplaçaient M. Johns par intérim en son absence. Cependant, il a allégué que Mme Nortey n’avait pas voulu s’en mêler. Il n’a pas fourni de renseignements sur sa discussion présumée avec M. McEvoy. Rien n’indique que le fonctionnaire ait envoyé un courriel à Mme Nortey ou à M. McEvoy, ou encore qu’il ait demandé des directives ou ait consigné la date et l’heure de cette discussion.

    439        Le fonctionnaire n’a pas non plus avisé Mme Fussey (la supérieure hiérarchique de M. Johns et, ultérieurement, de M. Tisdale) de la contravention, bien que le bureau de celle-ci soit à l’étage inférieur et qu’il ait eu son adresse électronique et qu’il ait échangé des courriels avec elle dans le passé.

    440        Une copie de la condamnation par défaut applicable à la contravention a été remise au fonctionnaire, par la même adjointe administrative qu’au début de décembre 2012. À ce moment-là, selon son témoignage, il a rédigé la déclaration solennelle du 18 décembre et l’a présentée, ainsi que la déclaration solennelle du 16 décembre et d’autres documents connexes, à M. Tisdale, le 18 décembre 2012 ou vers cette date.

    441        Mme Jarvis a interrogé le fonctionnaire, et les notes du 31 mai font partie du rapport. Elles ont été fournies au fonctionnaire aux fins d’examen, de commentaires et de corrections, le cas échéant. Le fonctionnaire n’a présenté ni commentaires, ni corrections. Il n’est pas indiqué dans les notes que le fonctionnaire ait porté la contravention à l’attention de Mme Nortey, de M. McEvoy ou de toute autre personne agissant pour M. Johns. Voici l’échange du fonctionnaire (« TJ ») avec Mme Jarvis (« RJ ») sur ce point :

    [Traduction]

    []

    RJ – Expliquez de quelle façon vous avez pris connaissance de la contravention?

    TJ –    L’adjointe a examiné le registre, a vu qu’il s’agissait de moi, a déposé la contravention sur mon bureau, et c’est là que je l’ai vue. J’ai vérifié s’il s’agissait bien de moi. Je gère les choses à mesure qu’elles se présentent. En dernier ressort, j’ai demandé qu’on s’en occupe afin qu’elle soit payée. Je l’ai présentée, j’ai rédigé une déclaration solennelle et je me suis efforcé de me rendre sur Broadway, pour plaider ma cause. Je me suis fait dire par la juge de paix que je n’étais pas autorisé à plaider, puisque la contravention incombait à l’ASFC, et non à moi. Comme il n’y avait pas de gestionnaire en poste je l’ai mise de côté.

    RJ –    Personne n’occupait le poste par intérim?

    TJ – Al était à Regina, par intérim, jusqu’à l’arrivée de Doug. Non, je ne suis pas allé voir Al, la contravention est restée en suspens. Il y avait une date d’exigibilité, et la juge de paix m’a demandé si je voulais obtenir une prolongation; j’ai dit que non, parce que j’ai transmis la contravention à Bobbie (adjointe) avant cette date, afin que la direction y voie.

    RJ – Avant que Doug ne soit ici?

    TJ – Au milieu de sa transition.

    […]

    442        Les notes du 18 janvier indiquent ce qui suit au sujet du signalement de la contravention à l’attention de la direction :

    [Traduction]

    […]

    J’ai avisé Tevin que la contravention avait été payée afin qu’elle ne soit pas en souffrance après le 8 janvier, mais qu’il lui incombe de rembourser l’Agence. À son avis, il n’est pas juste qu’il doive payer les frais de pénalité de retard de 50 $, puisqu’il n’a pas pu porter la contravention à l’attention de la direction parce qu’il n’y avait pas de gestionnaire en poste pendant une bonne partie de l’automne. Il dit qu’il l’a portée à mon attention en temps opportun.

    J’ai demandé s’il avait avisé Kim Fussey de la contravention, et Tevin dit qu’il avait rédigé un courriel qui était censé être envoyé à notre administrateur, mais qu’il n’est pas sûr que celui-ci l’ait envoyé. Je lui ai conseillé de chercher ce courriel et de me l’envoyer s’il le trouve. Cela permettra d’établir la chronologie des mesures prises.

    […]

    443        Les notes que M. Hazlitt a prises lors de la réunion prédisciplinaire entre le fonctionnaire et M. Klatt indiquent ce qui suit au sujet du signalement de la contravention à l’attention de la direction : [traduction] « À la suite de la rencontre avec la juge de paix, il a rédigé une déclaration solennelle sur le papier à correspondance officielle de l’ASFC, puis a glissé le tout dans la corbeille d’arrivée du gestionnaire (Al Johns) ».

    444        La preuve semble indiquer qu’il y a eu différentes versions des mesures prises par le fonctionnaire, le cas échéant, en vue d’aviser la direction de la contravention. Toutes les versions varient; aucune d’elles ne semble coïncider. Selon l’une d’elles, le fonctionnaire ne l’a dit à personne, mais a glissé les documents dans la corbeille d’arrivée de M. Johns. Selon une autre version, le fonctionnaire a conservé tous les documents sur son bureau. Une autre version indiquait qu’il n’y avait personne à aviser et que les gestionnaires intérimaires ne voulaient pas être importunés. Dans les notes du 31 mai, le fonctionnaire affirme avoir remis la contravention à l’adjointe administrative afin qu’elle avertisse la direction. En dernier lieu, le fonctionnaire aurait fait mention de la contravention à Mme Nortey et à M. McEvoy.

    445        La version que le fonctionnaire a présentée dans son témoignage concernant ce qu’il avait fait pour avertir la direction de la contravention différait de celle qu’il avait présentée à Mme Jarvis et de ce qui ressort des discussions avec MM. Tisdale et Klatt. Je me demande encore ce qui s’est réellement passé; peut-être qu’aucune des versions n’en fait état.

    446        Compte tenu des diverses versions de ce qui s’est passé et de ma conclusion au sujet de la crédibilité du fonctionnaire, je suis convaincu que l’ASFC a établi que le fonctionnaire n’a pas porté la contravention à l’attention de la direction en temps opportun. Je suis convaincu que son défaut de le faire avant de remettre cette contravention à M. Tisdale, le 18 décembre 2012 ou vers cette date, contrevenait au Code de 2012, au Code antérieur à 2012 et au Code de valeurs et d’éthique.

    447        La dernière forme d’inconduite attribuée au fonctionnaire concernait le fait qu’il avait tenté de tirer un avantage de son poste en tant qu’employé de l’ASFC.

    448        La déclaration solennelle du 18 décembre est rédigée en ces termes :

    […]

    – Afin que l’auteur puisse livrer un plaidoyer dans cette affaire, il faudrait qu’il reçoive une lettre d’autorisation de l’Agence des services frontaliers du Canada. En l’absence de cette lettre d’autorisation, je ne serais pas en mesure de livrer un plaidoyer au nom de l’Agence, parce que la contravention générée par radar photographique est donnée au nom de l’Agence et non au nom de l’auteur.

    – J’avais pour intention de plaider « coupable avec explications » et de fournir à la cour la déclaration solennelle ci-jointe, afin de pouvoir recevoir une « amende réduite »  à la discrétion du juge de paix. En tant que partenaire associé de l’exécution de la loi, je crois que j’aurais réussi si j’avais pu aller de l’avant.

    […]

    449        Il est difficile d’accepter que le fonctionnaire ne tentait pas de tirer un avantage de son poste, compte tenu de ce qu’il a écrit dans sa déclaration solennelle du 18 décembre, qui indique qu’il voulait plaider coupable avec explications, fournir à la cour la déclaration solennelle du 16 octobre et recevoir une amende réduite, notamment parce qu’il était [traduction] « partenaire associé de l’exécution de la loi ».

    450        Dans la déclaration solennelle du 16 octobre, le fonctionnaire s’identifie en tant qu’AELBI travaillant auprès de l’ASFC. Il renvoie au fait qu’au moment où il conduisait le véhicule du parc (et avait commis un excès de vitesse), il s’acquittait de ses fonctions d’AELBI. Il ressort clairement des mots qu’il a utilisés dans la déclaration solennelle du 18 décembre qu’il avait l’intention d’obtenir une amende réduite ou moins sévère en raison de son poste lié à l’exécution de la loi en tant qu’AELBI à l’ASFC.

    451        Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait créé la déclaration solennelle du 18 décembre pour expliquer à la direction ce qui s’était passé, ce qui ne fait aucun sens. Pourquoi aurait-il eu à rédiger une déclaration solennelle pour dire à son gestionnaire ce qui s’était passé? Selon le fonctionnaire, il a avisé Mme Nortey et M. McEvoy de la contravention en qualité de gestionnaires intérimaires au poste de M. Johns. Il n’a pas produit une déclaration solennelle pour leur expliquer l’affaire. Il importe peu que son compte rendu des raisons pour lesquelles il avait créé la déclaration solennelle soit logique ou non, en raison de ce qu’il y a affirmé. Dans la déclaration solennelle du 18 décembre, le fonctionnaire reconnaît qu’en créant la déclaration solennelle du 16 octobre et en comparaissant devant le tribunal en octobre 2012, son intention était de recevoir une amende réduite en raison de son poste.

    452        Je suis convaincu que l’inconduite présumée du fonctionnaire, soit de tenter d’obtenir un avantage de son poste, ce qui contrevenait au Code de 2012, au Code antérieur à 2012 et au Code de valeurs et d’éthique, a été établie.

    453        Par conséquent, l’ASFC a satisfait au premier volet du critère énoncé dans la décision Wm. Scott & Company Ltd., en établissant que le comportement attribué au fonctionnaire dans le rapport et dans la lettre de licenciement constituait une inconduite.

    2. Allégation de tolérance et de discrimination

    454        Normalement, la deuxième question à laquelle nous devons répondre est celle de savoir si la sanction appliquée à l’inconduite était appropriée. Cependant, le fonctionnaire a plaidé la défense fondée sur la tolérance. Il a déclaré que son utilisation des véhicules du parc à des fins autres que le travail de l’ASFC n’était pas différente de ce que les autres AELBI faisaient; à ce titre, son utilisation ne pouvait pas être assimilée à une inconduite. Cependant, il est allé jusqu’à alléguer que l’ASFC tolérait l’utilisation que faisaient tous les autres AELBI des véhicules du parc à des fins autres que le travail, sauf la sienne, ce qui l’a marginalisé et a été une mesure à caractère raciste.

    455        Cependant, la défense fondée sur la tolérance ne peut être invoquée que dans certains cas d’inconduite, c’est-à-dire, comme l’a indiqué la présente Commission dans Chopra c. Administrateur général (ministère de la Santé),2016 CRTEFP 89, au paragraphe 83 (voir aussi Chopra c. Canada (Procureur général),2014 CF 246, aux paragraphes 109 et 110, confirmée par 2015 CAF 205). Selon cette décision, conformément au principe de la tolérance, un employeur doit déterminer s’il convient de prendre des mesures disciplinaires à l’égard d’un employé lorsqu’il prend connaissance d’un comportement qu’il juge indésirable. Le défaut de le faire en temps opportun peut constituer une absolution de l’inconduite. Une fois que le comportement a été toléré, l’employeur ne peut pas ensuite s’appuyer sur la même conduite pour justifier des mesures disciplinaires. Le défaut d’imposer des mesures disciplinaires en temps opportun peut amener un employé à présumer que sa conduite antérieure a été tolérée par l’employeur. L’excès de vitesse du fonctionnaire, la délivrance de la contravention pour excès de vitesse, le défaut d’en aviser la direction et la tentative du fonctionnaire d’obtenir un avantage à l’égard de l’amende jointe à la contravention en vertu de son poste à l’ASFC ne semblent pas relever de la défense fondée sur la tolérance qu’il a invoquée, ni d’un traitement distinct.

    456        Aucun élément de preuve n’a été présenté selon lequel les autres AELBI avaient reçu des contraventions pour excès de vitesse, ni qu’ils avaient été traités différemment. Bien que le fonctionnaire ait fait allusion à un cas où un autre agent avait comparu devant le tribunal en compagnie de M. Johns, cette comparution concernait une contravention pour avoir brûlé un feu rouge alors que l’agent exerçait une surveillance.

    457        Aucun élément de preuve n’a démontré que les autres AELBI avaient omis de signaler une contravention pour excès de vitesse ou d’autres infractions à la circulation, ni qu’ils avaient été traités différemment du fonctionnaire.

    458        Aucun élément de preuve n’a démontré que les autres AELBI avaient tenté d’utiliser leur poste pour obtenir un avantage. Encore là, même si un autre agent avait reçu une contravention pour avoir brûlé un feu rouge alors qu’il exerçait une surveillance, il ressortait de la preuve que M. Johns et l’agent en question étaient allés en cour afin d’expliquer la situation. Dans ce cas, il est évident que la direction de l’ASFC était au courant de l’infraction, qui lui avait été signalée, et qu’elle avait adopté un point de vue sur cette situation. Le dénouement de cette affaire n’a jamais été présenté en preuve.

    459        Pour les motifs énoncés ci-dessous, je ne suis pas disposé à accueillir l’argument du fonctionnaire selon lequel son utilisation personnelle d’un véhicule du parc lorsqu’il était l’agent de service constituait la norme au sein de la DELBI; je ne suis pas disposé non plus à admettre qu’il faisait l’objet d’un traitement distinct en raison de sa race.

    460        Comme il a déjà été établi dans la présente décision, j’ai conclu que le témoignage du fonctionnaire était peu fiable, suspect et non crédible, et que, parfois, il ne faisait aucun sens. Comme il a aussi déjà été établi dans la présente décision, il ne s’agit pas seulement du contenu de son témoignage ou de sa façon de le formuler, mais aussi de ce qu’il n’a pas dit, de l’importance des incohérences entre les différentes versions des faits relatés et de sa façon de livrer son témoignage. Sa défense fondée sur la tolérance reposait presque entièrement sur les éléments de preuve qu’il avait présentés. Son témoignage a duré quatre jours, et il était évident que son compte rendu des faits variait souvent.

    461        Selon la position du fonctionnaire, les autres AELBI, lorsqu’ils étaient agents de service, utilisaient les véhicules du parc de la même façon que lui. Selon la preuve qu’il a présentée, lorsqu’il était l’agent de service, s’il devait quitter son domicile et se rendre en un lieu qui exigeait d’utiliser un véhicule, il utilisait le véhicule du parc.

    462        Le fonctionnaire a affirmé qu’il régnait une culture au sein de laquelle tous les AELBI avec lesquels il avait travaillé pendant sa période initiale de 6 à 10 semaines avaient leur propre façon d’exploiter les véhicules du parc, de faire ce qu’ils voulaient faire des véhicules et de consigner ce qu’ils faisaient dans le carnet de route. Il a affirmé que certains faisaient ce qu’ils étaient censés faire [traduction] « […] pour se couvrir, ils suivaient la politique à la lettre. » Il a affirmé que pendant cette période initiale de 6 à 10 semaines, il utilisait un véhicule du parc de la même façon qu’il l’avait fait à l’aéroport, c’est-à-dire qu’il le laissait au bureau, et que s’il recevait un appel, il passait le chercher au bureau, le conduisait, puis le remettait, en laissant sa voiture au bureau.

    463        J’ai déjà mentionné dans la présente décision les discussions que le fonctionnaire a déclaré avoir eues avec un autre AELBI et M. Johns concernant l’utilisation des véhicules du parc après sa période initiale de 6 à 10 semaines à la DELBI et mes conclusions à cet égard.

    464        Il ressort de la preuve qu’au moins six ou sept AELBI travaillaient au bureau de Winnipeg. Lorsque le fonctionnaire a été questionné plus particulièrement sur l’utilisation que faisaient les autres AELBI des véhicules du parc, il a affirmé qu’ils en faisaient tous un usage différent; certains refusaient de l’utiliser à moins que ce soit le jour, d’autres refusaient de l’utiliser à moins que ce soit aux fins d’une arrestation, et d’autres agents de service amenaient le véhicule à la maison parce qu’ils devaient procéder à un renvoi. Lorsqu’on lui a demandé combien d’AELBI utilisaient le véhicule comme lui, il a répondu un ou deux, mais il a déclaré ensuite qu’ils ne l’utilisaient pas régulièrement de cette façon.

    465        Le fonctionnaire n’a pas dit ce qu’il avait réellement vu en ce qui concerne l’utilisation des véhicules par les AELBI qui exécutaient les fonctions d’agent de service. Il n’a pas non plus affirmé s’il les avait déjà accompagnés lorsqu’ils exerçaient les fonctions d’agent de service et s’il les avait vu utiliser les véhicules du parc de la même façon que lui. En fait, à l’exception d’une vague observation selon laquelle un AELBI amenait un véhicule du parc à son chalet, le fonctionnaire n’a fourni aucun exemple de l’utilisation à mauvais escient des véhicules du parc par les AELBI qui agissent à titre d’agent de service, pas plus qu’il n’a donné de précisions sur l’identité des AELBI qui les utilisaient et de quelle façon.

    466        Le fonctionnaire a ensuite déclaré que la DELBI tenait des réunions hebdomadaires, que M. Johns les présidait et que tous les AELBI y assistaient. Il a ajouté qu’à ces réunions, ils discutaient en plénière de ce qu’ils avaient fait, et qu’ils s’exprimaient ouvertement et simplement et, souvent, parlaient de ce qu’ils avaient fait pendant la fin de semaine. Il a affirmé qu’ils ne se posaient jamais de questions sur leur utilisation des véhicules du parc aux fins de ces activités, parce qu’ils savaient tous qui, parmi eux, utilisaient les véhicules de telle ou telle façon. Il a affirmé que M. Johns était parfaitement au courant des commentaires et de l’utilisation parce qu’il était présent, et que tous les AELBI s’exprimaient ouvertement.

    467        Lors de son entrevue avec Mme Jarvis, le 31 mai 2013, le fonctionnaire a été questionné au sujet de la possibilité d’amener un véhicule du parc à un chalet. Les notes du 31 mai, dont une copie a été envoyée au fonctionnaire pour examen, commentaires et modifications, s’il y avait lieu, indiquent qu’il a dit ce qui suit :

    [Traduction]

    [...] Les agents ne veulent pas aller au lac ou quelque chose comme cela parce que cela gâche votre fin de semaine. On s’attend à ce que vous répondiez. Je crois que nous avons tous la même compréhension; si vous êtes l’agent de service 24 heures par jour, sept jours sur sept, vous faites du travail la priorité no 1; vous êtes rémunérés.

    468        Encore là, il y a une contradiction avec l’allégation du fonctionnaire selon laquelle un autre AELBI amenait un véhicule du parc à son chalet. Bien que, d’un côté, il ait fait cette allégation, de l’autre côté il a laissé entendre qu’aucun des AELBI ne faisait cela, car cela gâche une fin de semaine parce qu’ils doivent répondre à des appels.

    469        Comme il a déjà été établi, dans la preuve qu’il a présentée, M. Johns a déclaré qu’il avait communiqué aux AELBI qu’ils ne pouvaient pas utiliser les véhicules du parc à des fins personnelles, et que lorsqu’ils étaient agents de service, à moins d’être rappelés au travail, le véhicule devait rester à leur domicile.

    470        Le fonctionnaire a présenté son témoignage après M. Johns. La discussion que le fonctionnaire a prétendu avoir eue avec un autre AELBI, au cours de laquelle M. Johns serait intervenu, n’a jamais été portée à l’attention de ce dernier lors du contre-interrogatoire de son témoignage initial. Il s’agissait manifestement d’un manquement à la règle énoncée dans Browne, ce qui rend suspect le témoignage du fonctionnaire à ce sujet. De plus, les questions posées à M. Johns ne reflétaient pas la discussion que le fonctionnaire a relatée dans son témoignage, ni, plus particulièrement, la formulation qu’il a attribuée à M. Johns. En fait, les questions étaient formulées de manière à laisser entendre que, selon la compréhension du fonctionnaire en ce qui concerne les discussions, il pouvait utiliser les véhicules du parc d’une certaine manière.

    471        Lorsque M. Johns a été convoqué en réplique à la suite du témoignage du fonctionnaire, il a été porté expressément à son attention qu’un AELBI amenait un véhicule du parc à son chalet. M. Johns a affirmé qu’il ne se souvenait pas qu’on lui ait dit cela. Cependant, il a mentionné un cas différent, mettant en cause des agents de l’ASFC relevant de sa ligne hiérarchique en Saskatchewan, qui avaient amené un véhicule du parc à leur chalet, mais uniquement dans des circonstances très particulières et seulement après avoir reçu l’autorisation de leur supérieur, qui était alors M. Johns.

    472        Dans l’ensemble, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve à l’appui de l’allégation du fonctionnaire selon laquelle l’employeur tolérait les actes qui ont été assimilés à une inconduite, et, plus particulièrement, l’utilisation personnelle des véhicules du parc. Le témoignage du fonctionnaire concernant l’utilisation du véhicule du parc que faisaient les autres AELBI, lorsqu’ils étaient agents de service, n’a pas démontré que ceux-ci utilisaient les véhicules du parc à mauvais escient en ces occasions. Le fonctionnaire a soulevé des allégations, mais elles étaient limitées et vagues. Compte tenu des conclusions que j’ai tirées concernant la crédibilité du fonctionnaire, je ne suis pas disposé à admettre son témoignage très limité à cet égard. À ce titre, je ne suis pas disposé à accueillir l’allégation du fonctionnaire selon laquelle l’employeur tolérait le mauvais usage des véhicules du parc parce que les autres AELBI les utilisaient de la même façon que lui, et je ne peux pas retenir cette défense.

    473        En ce qui concerne les allégations de discrimination, la preuve a établi que cinq des six ou sept AELBI du bureau de Winnipeg de la DELBI, y compris le fonctionnaire, pouvaient s’identifier à une minorité visible en vertu des Lignes directrices sur l’équité en matière d’emploi. le fonctionnaire, qui s’identifiait en tant que personne de couleur issue de la culture des Caraïbes, n’était pas le seul AELBI qui pouvait s’identifier en tant que membre d’une minorité visible et noir.

    474        L’ASFC a établi que le comportement que le fonctionnaire avait affiché constituait une inconduite et justifiait la prise de mesures disciplinaires. Pour maintenir qu’il n’aurait pas dû faire l’objet de mesures disciplinaires et qu’il en avait fait l’objet uniquement en raison de la couleur de sa peau ou de son origine ethnique, le fonctionnaire devait établir un lien entre les actes de l’ASFC et le motif de distinction illicite sur lequel se fondait la discrimination alléguée.

    475        Il ne suffisait pas que le fonctionnaire se présente et déclare que son cas relevait des motifs de distinction illicite, en raison de la couleur de sa peau ou de son origine ethnique, et qu’il avait fait l’objet de mesures disciplinaires. Il fallait plus que cela. Le fonctionnaire devait établir que la couleur de sa peau ou son origine ethnique étaient un facteur dans la décision de l’employeur de lui imposer des mesures disciplinaires (voir Moore c. Colombie-Britannique (Éducation),2012 CSC 61, au paragraphe 33).

    476        Si l’effectif de la DELBI n’était pas diversifié et se composait, disons, de personnes ayant la même origine raciale à l’exception du fonctionnaire, et si tous avaient violé certaines règles, à l’égard desquelles seul le fonctionnaire aurait fait l’objet de mesures disciplinaires, celles-ci sembleraient certainement discriminatoires. Cependant, le groupe de travail du fonctionnaire était très restreint et diversifié; à vrai dire, le fonctionnaire n’était pas la seule personne qui s’identifiait à sa couleur de peau.

    477        Il n’y a tout simplement aucun élément de preuve permettant de relier les allégations du fonctionnaire aux mesures disciplinaires.

    478        Le fonctionnaire a laissé entendre qu’il y avait eu des antécédents de discrimination, mais il n’a jamais déposé de griefs ou de plaintes à ce sujet, et aucun élément de preuve n’a été présenté à l’appui de cette allégation.

    479        Le fonctionnaire a laissé entendre que le traitement consistant à ne pas l’autoriser à utiliser sa carte de crédit personnelle pour s’acquitter des renvois après la suspension de sa carte AMEX (septembre 2011, ayant entraîné les mesures disciplinaires de juin 2012) équivalait à une discrimination.

    480        La preuve a établi que dans le cadre de son emploi, le fonctionnaire renvoyait des personnes qui n’étaient pas censées être au Canada. L’allégation de discrimination était fondée sur le fait que les autres AELBI étaient autorisés à utiliser leur carte de crédit personnelle lorsqu’ils s’acquittaient des renvois.

    481        Bien que l’argumentation du fonctionnaire soulève plusieurs problèmes, le plus criant est que, hormis son allégation et son témoignage, il n’existe aucune véritable preuve de quoi que ce soit, à part son affirmation selon laquelle les autres AELBI étaient autorisés à utiliser leur carte de crédit personnelle, alors que lui ne l’était pas.

    482        Il est ressorti de la preuve que les AELBI, y compris le fonctionnaire, devaient détenir une carte AMEX. Ils se rendaient à l’étranger et devaient être en mesure de payer certaines choses, ce qui était le but de la carte AMEX. L’utilisation de leurs cartes personnelles ne posait pas nécessairement un problème, mais ils avaient leur carte AMEX spécialement aux fins des voyages, afin de payer les dépenses connexes lorsqu’ils travaillaient pour le compte de l’ASFC.

    483        La preuve a établi que le fonctionnaire avait utilisé sa carte AMEX à mauvais escient en achetant des articles personnels par ce moyen, et qu’il avait laissé s’accumuler des arriérés importants, ce qui ne serait pas arrivé s’il avait présenté ses frais de voyage en temps opportun. Aucun élément de preuve ne permettait de croire que l’ASFC n’avait pas remboursé les frais de voyage du fonctionnaire en temps opportun, et celui-ci n’a pas allégué qu’il s’agissait d’un problème.

    484        Dans son témoignage, le fonctionnaire a révélé que jusqu’à octobre 2011 au moins, il n’avait pas de carte de crédit personnelle. Hormis le fait d’avoir dit qu’il en possédait une (après octobre 2011), il n’a fourni aucune preuve. M. Johns, son superviseur immédiat qui a enquêté sur son mauvais usage de la carte AMEX, doutait que le fonctionnaire soit titulaire d’une carte de crédit personnelle. M. Johns a déclaré qu’il croyait avoir effectivement demandé à la voir.

    485        Cependant, le fonctionnaire a démontré plus d’une fois, entre le moment où il s’est joint à la DELBI, le 14 décembre 2009, jusqu’à novembre 2011 (un peu moins de deux ans), que non seulement on ne pouvait pas lui faire confiance quant à l’utilisation de la carte AMEX, mais aussi qu’il éprouvait manifestement des problèmes de gestion de l’argent, parce qu’il n’avait pas payé le solde de la carte AMEX et avait laissé s’accumuler des arriérés, ce qui a entraîné l’annulation de la carte.

    486        Bien que je garde à l’esprit que la preuve de la discrimination n’est pas nécessairement directe et évidente, et qu’elle est vraisemblablement susceptible de faire surface dans la compilation de divers fragments de preuves circonstancielles, le fonctionnaire n’a fourni aucune preuve, ni directe, ni circonstancielle, à cet égard. Il a fait diverses allégations. Cependant, rien ne m’incite à conclure qu’il a été traité de manière inappropriée, et aucune preuve n’a été présentée attestant qu’il avait été traité différemment de ses collègues, de façon illicite ou non en vertu de la LCDP.

    3. Les mesures disciplinaires imposées par l’employeur constituaient-elles une sanction appropriée dans lescirconstances?

    487        Cela nous amène à la dernière question énoncée dans Wm. Scott & Company Ltd., soit celle de savoir si la sanction était appropriée dans les circonstances.

    488        Au moment d’examiner la sanction, il faut tenir compte des circonstances atténuantes et aggravantes. Il semble y avoir très peu de facteurs atténuants qui militent en faveur du fonctionnaire.

    489        Le fonctionnaire s’est joint à la fonction publique fédérale en 2000, comme stagiaire. En 2005, il est devenu un employé à temps plein (quoique pour une période déterminée), et ce, jusqu’en 2007, lorsqu’il est devenu un employé nommé pour une période indéterminée. Il a passé environ deux ans à titre d’ASF à temps plein nommé pour une période indéterminée avant d’être muté à la DELBI à la fin de 2009. Lorsqu’il a été licencié, à l’automne 2013, il avait travaillé environ huit ans comme employé à temps plein. La période qu’il a passée à titre agent de citoyenneté et immigration ou comme ASF semble exempte de mesures disciplinaires.

    490        La période que le fonctionnaire a passée à la DELBI a été plus problématique. Avant que ne surviennent les problèmes ayant entraîné les mesures disciplinaires qui font l’objet de la présente audience, le fonctionnaire s’est heurté à la même difficulté avec sa carte AMEX à trois reprises, dont deux qui avaient donné lieu à des mesures disciplinaires. La conduite à l’origine des ennuis du fonctionnaire, que ce soit à l’égard du véhicule du parc ou de la carte AMEX, découlait de l’inobservation des mêmes règles et principe, à savoir de ne pas utiliser les biens de l’employeur à mauvais escient.

    491        Compte tenu de mes conclusions sur la crédibilité du fonctionnaire, il m’est difficile de croire qu’il éprouve des remords à l’égard de son comportement ou qu’il le modifiera. En ce qui a trait au mauvais usage de la carte AMEX, il a tenté de rejeter le blâme sur ses supérieurs pour ne pas avoir été aiguillé vers la formation appropriée. J’estime que ces commentaires sont particulièrement fallacieux, puisque parallèlement à cela, de longues discussions avaient eu lieu et des directives avaient été données, et que le fonctionnaire a déclaré qu’il connaissait les règles [traduction] « parfaitement ».

    492        J’ai été renvoyé à Canadian Office and Professional Employees Union, qui traite du principe de la proportionnalité, ainsi que de l’importance du travail dans la vie et pour l’identité d’une personne. En pareilles circonstances, le fonctionnaire a démontré une tendance à ignorer des normes de conduite de l’employeur concernant l’utilisation de ses biens, qu’il s’agisse d’un véhicule du parc ou d’une carte AMEX. Le principe sous-jacent aux règles régissant l’utilisation de ces biens est le même. Il semble ressortir de la preuve que le fonctionnaire n’ait pas respecté ces règles.

    493        Il est bien établi que l’emploi revêt de l’importance pour la plupart des gens, puisque peu de gens sont suffisamment fortunés pour se passer d’un revenu. Le concept de l’importance du travail dans la vie et pour l’identité d’une personne ne permet pas, en soi, d’argumenter que malgré un écart de conduite, les employés ne peuvent jamais perdre leur emploi parce qu’il revêt de l’importance pour eux et qu’ils s’identifient aux postes qu’ils occupent.

    494        Compte tenu de l’ensemble des circonstances, je ne suis pas disposé à modifier le licenciement.

    495        Pour tous les motifs énoncés ci-dessus, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

    VI. Ordonnance

    496        Le grief est rejeté.

    Le 29 août 2017.

    Traduction de la CRTESPF

    John G. Jaworski,
    une formation de la Commission
    des relations de travail et de l’emploi
    dans le secteur public fédéral

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