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Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20171129
  • Dossier:  550-18-10
  • Référence:  2017 CRTESPF 42

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

AJAY LALA

demandeur

et

LES TRAVAILLEURS UNIS DE L’ALIMENTATION ET DU COMMERCE, SECTION LOCALE 401

défendeur

et

PERSONNEL DES FONDS NON PUBLICS, FORCES CANADIENNES

employeur et intervenant

Répertorié
Lala c. Les travailleurs unis de l'alimentation et du commerce, section locale 401


Affaire concernant une demande de révocation d’accréditation en vertu de l’article 94 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral


Devant:
David Olsen, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le demandeur :
Lui-même
Pour le défendeur :
Kelly Nychka, avocate
Pour l'employeur et intervenant :
François Paltrinieri, représentant
Affaire entendue à Edmonton (Alberta),
du 25 au 28 octobre 2016, du 21 au 24 mars 2017 et les 2, 4 et 5 mai 2017.
(Observations écrites déposées les 5, 9, 12 et 15 mai 2017.)
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Demande devant la Commission

1        Le 26 octobre 2015, Ajay Lala (le « demandeur ») a présenté une demande en vertu de l’article 94 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2), afin d’obtenir la révocation de l’accréditation d’une unité de négociation pour laquelle le défendeur, Les travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 401 (« TUAC ») (aussi appelé l’« agent négociateur » ou le « syndicat »), était accrédité.

2        Selon le motif invoqué à l’appui de la demande, l’agent négociateur ne représentait plus une majorité des employés de l’unité de négociation.

3        Le 2 décembre 2015, l’agent négociateur a demandé à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « CRTEFP ») de rejeter la demande en raison de la domination de l’employeur et de son ingérence inappropriée dans le processus.

4        Le 4 juillet 2016, j’ai rendu une décision provisoire (Lala c. Les travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 401 et Personnel des Fonds non publics, Forces canadiennes, 2016 CRTEFP 59) dans laquelle j’ai ordonné la tenue d’un scrutin de représentation. J’ai aussi ordonné que les bulletins de vote soient scellés et non dépouillés jusqu’à ce que j’aie statué sur les allégations de l’agent négociateur voulant que la demande de révocation soit rejetée en raison de la domination de l’employeur et de son ingérence inappropriée dans le processus.

5        Immédiatement avant l’audience qui a débuté le 25 octobre 2016, l’agent négociateur a informé les autres parties des motifs supplémentaires qu’il souhaitait ajouter à sa requête visant le rejet de la demande de révocation.

6        Le 24 octobre 2016, le demandeur a informé la CRTEFP qu’il avait conclu que sa participation à l’audience n’était plus justifiée ni nécessaire et que, par conséquent, il se retirait.

7        L’agent négociateur a déposé une requête afin d’ajouter des motifs aux allégations de domination présumée et d’ingérence inappropriée de l’employeur dans le processus qui a eu lieu après le 16 janvier 2016. La demande a été accueillie, de même qu’une requête de l’employeur visant à radier certains termes de la modification.

8        Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et du Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’il devienne, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi ») et le Règlement sur les relations de travail dansle secteur public fédéral (le « Règlement »).

II. Contexte, allégations de l’agent négociateur et réplique de l’employeur

9        Le 26 septembre 1985, l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique a accrédité les TUAC à titre d’agent négociateur pour tous les employés de la catégorie Exploitation,à la Base des Forces canadiennes (BFC) d’Edmonton, en Alberta, à l’exception des gestionnaires et des employés de catégorie II. Les superviseurs font partie de l’unité de négociation.

10        L’employeur est Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représenté par le Personnel des Fonds non publics (FNP), Forces canadiennes, BFC d’Edmonton.

11        L’unité de négociation comprend des employés qui travaillent à la salle à manger, au centre de conditionnement physique, à l’aréna, au CANEX Expressmart, aux magasins des alcools et aux commerces de détail, ainsi qu’aux clubs de golf et de curling de la BFC d’Edmonton.

12        L’agent négociateur et l’employeur étaient des parties à une convention collective qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2012, et qui est venue à échéance le 30 juin 2015 (la « convention collective »). Le 4 mars 2015, l’agent négociateur a signifié à l’employeur un avis de négocier.

13        En juin 2015, ou vers cette date, l’agent négociateur a convoqué une assemblée de ses membres, à la BFC d’Edmonton, afin de discuter de ses propositions aux fins de la négociation collective.

14        M. Lala était le chef cuisinier du club de golf de la base et le superviseur; il faisait partie de l’unité de négociation mais n’était pas membre de l’unité de négociation. À la fin de l’été et au début de l’automne 2015, M. Lala et Geraldine Arey, une autre superviseure employée au CANEX et membre de l’unité de négociation, ont lancé parmi les employés une campagne visant à révoquer l’accréditation de l’agent négociateur.

15        L’agent négociateur allègue que l’employeur a appuyé de manière inappropriée l’initiative de révocation soutenue par M. Lala. Selon l’agent négociateur, l’employeur n’a pas tenté d’empêcher M. Lala de mener sa campagne au travail, pendant les heures de travail, et lui a fourni des renseignements cruciaux au sujet des membres de l’unité de négociation, facilitant ainsi les efforts de M. Lala en ce qui concerne la révocation de l’accréditation.

16        L’employeur souligne qu’aucune preuve objective n’a été déposée à l’appui de l’affirmation voulant que les employés aient eu l’impression que M. Lala agissait au nom de la direction. Il a ajouté que la direction avait rencontré M. Lala pour le prier de cesser de faire campagne pendant les heures de travail. L’employeur nie avoir appuyé ou facilité la demande de révocation en fournissant des renseignements confidentiels au sujet du milieu de travail à M. Lala.

17        L’agent négociateur et l’employeur se sont rencontrés à Edmonton, du 16 au 18 septembre 2015, afin de négocier une nouvelle convention collective. Les parties ont fixé les dates de la poursuite des négociations aux 24 et 25 novembre 2015.

18        Le 26 octobre 2015, M. Lala a déposé sa demande auprès de la Commission.

19        Le 13 novembre 2015, l’employeur a écrit à l’agent négociateur pour lui mentionner qu’il serait inapproprié de poursuivre les négociations pendant que la demande de révocation était en instance. Il a mentionné que de nouvelles dates de négociation seraient prévues à la suite du règlement de la demande.

20        Le 18 novembre 2015, l’agent négociateur a déposé une plainte de pratique déloyale de travail en vertu de l’alinéa 190(1)b) de la Loi, alléguant que l’employeur avait contrevenu à l’article 106, qui porte sur l’obligation de négocier de bonne foi.

21        La plainte a été entendue du 25 au 27 mai 2016. Dans une décision rendue le 28 juin 2016 (Les travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 401 c. Personnel des fonds non publics, Forces canadiennes, 2016 CRTEFP 57), la Commission a conclu que la plainte était fondée et a déclaré que l’employeur avait manqué à l’obligation de négocier de bonne foi. La Commission a ordonné à l’employeur de prévoir avec l’agent négociateur les dates de poursuite des négociations collectives, d’afficher des copies de la décision dans tous les lieux de travail, et d’en distribuer à tous les membresde l’unité de négociation.

22        Parmi les allégations dont je suis saisi, l’agent négociateur allègue que le refus illicite de l’employeur de négocier de bonne foi a miné sa capacité de représentation et a donné l’impression aux employés que le processus était inefficace. L’agent négociateur soutient que les négociations de mauvaise foi peuvent constituer une ingérence de la part de l’employeur lorsqu’elles créent dans le milieu de travail un climat propice à une demande de révocation.

23        L’employeur affirme qu’il n’a pas refusé de négocier une nouvelle convention collective avec l’agent négociateur afin de soutenir M. Lala dans ses activités visant la révocation d’accréditation. Il déclare que les parties ont repris les négociations en août 2016, et que les membres ont accepté l’entente conclue dans les négociations lors d’un scrutin de ratification qui a été tenu le 30 août 2016. Il soutient que les faits qui sont survenus après l’achèvement des négociations et le scrutin de ratification n’appuient pas une conclusion d’ingérence de la part de l’employeur.

24        Comme il a été mentionné, au moyen d’une décision provisoire rendue le 4 juillet 2016, j’ai informé les parties qu’après examen de la preuve jointe à la demande de révocation, j’étais convaincu qu’à la date du dépôt, au moins 40 p. 100 des employés de l’unité de négociation ne souhaitaient plus être représentés par l’organisation syndicale. J’ai ordonné la tenue d’un scrutin secret de représentation par voie électronique, conformément au paragraphe 65(2) de la Loi.

25        J’ai aussi ordonné que les bulletins de vote soient scellés et non dépouillés jusqu’à ce que j’aie statué sur les allégations de l’agent négociateur voulant que la demande de révocation soit rejetée en raison de la domination de l’employeur et de son ingérence inappropriée dans le processus.

26        M. Lala a été suspendu de ses fonctions le 22 juillet 2016, en attendant la tenue d’une enquête sur une inconduite présumée mettant en cause un autre employé. L’employeur lui a interdit de communiquer avec qui que ce soit dans le milieu de travail ou ayant un lien avec le milieu de travail, à l’exception du représentant de son agent négociateur ou des membres de sa famille qui pourraient être liés au milieu de travail. L’employeur a entamé l’enquête.

27        L’agent négociateur allègue que l’employeur n’a pas enquêté raisonnablement sur l’inconduite grave de M. Lala dans le milieu de travail, ce qui a miné la crédibilité de l’agent négociateur et facilité la présente campagne de révocation d’accréditation.

28        L’employeur soutient que le processus de révocation d’accréditation n’a en rien motivé ou influencé ses actes et sa conduite en rapport avec l’enquête, et qu’il n’a pas dévié de sa pratique habituelle en matière d’enquêtes disciplinaires.

29        Le 28 juillet 2016, en réponse aux préoccupations de l’agent négociateur, la Commission a écrit aux parties pour les informer que le scrutin de représentation se tiendrait par vote secret et non par procuration et que : [traduction] « […] aucun vote par procuration ne sera toléré. Chaque électeur doit présenter un unique bulletin de vote et toute allégation de conduite inappropriée ou toute mesure qui pourrait compromettre l’intégrité du scrutin sera prise au sérieux ».

30        Les parties sont retournées à la table de négociation les 3 et 4 août 2016, et ont conclu le renouvellement de la convention collective.

31        La convention collective a été ratifiée le 30 août 2016.

32        La convention collective prévoyait des augmentations de salaire et un traitement rétroactif.

33        L’agent négociateur allègue que l’employeur a retardé le paiement des augmentations de salaire et du traitement rétroactif convenu par les membres de l’unité de négociation, ce qui a miné la capacité de représentation de l’agent négociateur et laissé entendre aux employés qu’il était affaibli et incapable de tenir l’employeur responsable de ses ententes. Par conséquent, le message de la campagne de révocation menée par M. Lala, selon lequel les employés se porteraient mieux en l’absence de l’agent négociateur, a été renforcé.

34        L’employeur affirme que bien avant avoir eu connaissance de la date du scrutin de représentation, il a expliqué à l’agent négociateur les motifs du délai, soit la pénurie de personnel au bureau des Ressources humaines (RH) de la BFC d’Edmonton.

35        Le 29 septembre 2016, la Commission a informé les parties que la liste électorale avait été soumise au fournisseur de services responsable du scrutin électronique. Elle a ajouté que le scrutin commencerait le 17 octobre et serait clos le 21 octobre 2016.

36        L’agent négociateur allègue que la veille du scrutin de révocation, l’employeur a fait des promesses et des menaces aux employés directement.

37        L’employeur soutient qu’il a uniquement communiqué sa neutralité et qu’il a enjoint les employés à demeurer respectueux et à limiter les discussions syndicales aux pauses ou à en-dehors des heures de travail. Aucune menace n’a été faite aux employés concernant les heures de travail, les salaires ou les mises en disponibilité.

38        Le scrutin a été administré du 17 au 21 octobre 2016.

39        À la suite du scrutin, les bulletins de vote ont été scellés en attendant le règlement des allégations de l’agent négociateur en ce qui concerne l’ingérence de la part de l’employeur.

40        M. Lala a démissionné de son poste le 3 novembre 2016.

41        Pour les motifs énoncés ci-après, j’estime que l’employeur s’est livré à une pratique déloyale de travail et qu’il est intervenu dans le processus de révocation lorsqu’il a annulé les négociations en novembre 2015, à la demande du demandeur, qui avait engagé la demande de révocation et fait une déclaration à cette fin.

42        Indépendamment de ce qui précède, et pour les motifs que j’expose en détail ci-après dans ma décision, j’ai conclu qu’iln’existe aucun motif raisonnable permettant de conclure que le scrutin de représentationtenu par bulletin secret du 17 au 25 octobre 2016 ne reflète pas la véritable volonté des employés, compte tenu des événements survenus après l’émission de la décision de la Commission le 28 juin 2016, auxquels j’ai fait allusion ci-dessus, concernant les négociations de mauvaise foi, à savoir, le retour à la table de négociation et la conclusion de la nouvelle convention collective qui a été ratifiée par l’ensemble des membres de l’unité de négociation qui ont voté le 30 août 2016.

43        J’ordonne que les scellés soient retirés de la boite de scrutin et que les bulletins de vote soient comptés.

III. Les témoins

44        L’agent négociateur a cité les huit témoins suivants :

  • Richelle Stewart, directrice du nord pour la section locale 401 des TUAC; Mme Stewart supervise les activités quotidiennes de la section locale dans le nord de l’Alberta;
  • Steven Nanson, caissier au CANEX Expressmart et membre de l’unité de négociation;
  • Danielle Gracie, ancienne caissière au CANEX Expressmart et ancienne membre de l’unité de négociation;
  • Rebecca Fanjoy, commis au bureau de poste du CANEX Expressmart et membre de l’unité de négociation;
  • Serena Van Hees, barmaid à temps partiel au club de golf et de curling, membre de l’unité de négociation et déléguée syndicale;
  • Larry Zima, agent principal des relations du travail/agent d’affaires pour l’agent négociateur et représentant des services depuis 15 ans à la BFC d’Edmonton, jusqu’à septembre 2014;
  • Melissa Lachance, barmaid au mess des caporaux et des soldats et membre de l’unité de négociation;
  • Vinko Zigart, agent principal des relations du travail auprès de l’agent négociateur et représentant actuel des services à la BFC d’Edmonton.

45        L’employeur a cité les cinq témoins suivants :

  • Erin Stevens, agente principale des relations du travail pour les FNP;
  • Elaine Stanners, gestionnaire responsable des commerces de détail et des magasins d’alcool au CANEX de la base;
  • Matt Gawley, directeur général, exploitation du club de golf;
  • William (Bill) Pigden, gestionnaire principal des programmes de soutien du personnel à la BFC d’Edmonton;
  • Herb Martin, gestionnaire régional, RH, région de l’ouest, FNP.

46        Le demandeur n’a pas assisté à l’audience et n’a cité aucun témoin.

IV. Liste des lois examinées

  • Charte canadienne des droits et libertés (Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982; la « Charte »), al. 2d);
  • Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2 (la « LRTFP »);
  • Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »);
  • Code canadien du travail (L.R.C., 1985, ch. L -2; le « Code »);
  • The Trade Union Act (R.S.S. 1978, ch. T -17);
  • The Trade Union Amendment Act (S.S. 2008, ch. 26);
  • The Saskatchewan Employment Act, S.S. 2013, C5-15.1;
  • Loi de 1995 sur les relations de travail (L.O. 1995, ch. 1, ann. A; la « LRTO »);
  • Labour Act (R.S.P.E.I. 1988, ch. L -1);
  • Loi sur les relations industrielles (L.R.N.-B. 1973, ch. I-4);
  • Labour Relations Code (R.S.B.C. 1996, ch. 244; le « Code de la C.-B. »);
  • Labour Relations Code (R.S.A. 2000, ch. L -1; le « Code de l’Alberta »).

V. Liste de la jurisprudence et des ouvrages consultés

  • Rex v. Pressley, [1948] B.C.J. No. 63 (QL) (« Rex »);
  • Fallico v. International Ladies’ Garment Workers’ Union, 1982 CarswellOnt 1217 (« Fallico »);
  • C.J.A., Local 1338 v. MacLean Construction Ltd. (Employees of), 1984 CarswellPEI 68 (« C.J.A., Local 1338 »);
  • Air Canada c. Association des pilotes d’Air Canada, [2012] C.C.R.I. no 644 (« Re Air Canada »);
  • International Woodworkers of America v. G.W. Martin Lumber Ltd., 1980 CarswellOnt 968 (« G.W. Martin »);
  • Mitchell v. Universal Workers Union (LIUNA, Local 183), 2013 CarswellOnt 16424 (« Mitchell »);
  • Association professionnelle des agents du service extérieur c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement), 2013 CRTFP 111(« APASE »);
  • Robinson c. D.M. Stewart’s Cartage Ltd., [2003] C.C.R.I. no 209 (« Re Robinson »);
  • Métallurgistes unis d’Amérique, section locale 6551 c. Laidlaw Transit Ltd. (exploitée sous la raison sociale Laidlaw Education Services), [2005] C.C.R.I. no 327 (« Laidlaw »);
  • Feldsted c. Conseil du Trésor, dossiers de la CRTFP nos 161-02-944, 947 et 954 (19990429), 1999 C.R.T.F.P.C. no 57 (QL) (« Feldsted »);
  • Northern Nishnawbe Education Council c. McNear, [2013] C.L.A.D. no 141 (QL) (« Nishnawbe »);
  • Banque Canadienne Impériale de Commerce c. Torre, 2010 CF 105 (« Torre »);
  • United Association of Journeymen and Apprentices of the Plumbing and Pipe Fitting Industry of the United States and Canada, Local Union No. 488 v. Tundra Boiler & Instrumentation Ltd., [2010] A.L.R.B.D. No. 81 (QL) (« Tundra Boiler »);
  • C-Tron Systems Corp. v. International Brotherhood of Electrical Workers, Locals Nos. 213, 230, 344, 993, 1003, and 2203, [1995] B.C.L.R.B.D. No. 35 (QL) (« C-Tron »);
  • Certain Employees of Kolbina Care for Seniors Incorporated v. Hospital Employees’ Union, 2016 CanLII 10575 (CRTCB) (« Kolbina Care »);
  • FedEx Ground Package Systems Ltd. c. Conseil canadien des Teamsters,
    [2011] C.C.R.I. no 51 (« FedEx »);
  • Williams v. United Food and Commercial Workers, Local 1400,
    [2014] S.L.R.B.D. No. 8 (QL) (« Re Williams »);
  • Simplex International Time Equipment Co. v. International Brotherhood of Electrical Workers, Local 213, [1994] B.C.L.R.B.D. No. 359 (QL) (« Simplex »);
  • Certain Employees of 24/7 Traffic Control Ltd. v. Telecommunications Workers’ Union, 2011 CanLII 49032 (CRTCB) (« 24/7 Traffic »);
  • Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Territoires du Nord-Ouest (Commissaire), [1990] 2 R.C.S. 367 (« IPFPC »);
  • Certain Employees of Thompson Interior Savings Credit Union v. Industrial, Wood and Allied Workers of Canada, Local 1-423, 2003 CarswellBC 2858 (« Thompson Credit Union »);
  • Doherty v. United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America, Local 1386,2004 CarswellNB 511 (« Doherty »);
  • Canadian Chemical Workers Union v. Somerville Belkin Industries Ltd., Brockville Packaging Division, 1980 CarswellOnt 978 (« Somerville Belkin Industries Ltd. »);
  • Bateman Foods Ltd. (Employees of) v. Amalgamated Meat Cutters & Butcher Workmen, Local 312,1971 CarswellAlta 153 (« Bateman Foods »);
  • Vandermeer v. United Food and Commercial Workers International Union, Locals 175 and 633, [1998] O.L.R.B. Rep. July/August 543 (« Vandermeer »);
  • Landry v. New Brunswick Government Employees Union, Local 27,2000 CarswellNB 552 (« Landry »);
  • Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 1 (« APMO »);
  • Saskatchewan v. Saskatchewan Federation of Labour, 2012 SKQB 62 (« Saskatchewan Federation of Labour »);
  • Ross v. PEI Union of Public Sector Employees, 2015 CarswellPEI 20 (« Re Ross »);
  • Vector Energy Inc. v. Pacific Gas & Electric Co.,2000 ABQB 178 (« Vector Energy »);
  • Pombinho v. C.A.W., Local 444, 1990 CarswellOnt 1161 (« Pombinho »);
  • Chapman v. International Association of Machinists and Aerospace Workers,2001 CarswellNS 519 (« Chapman »);
  • Les travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 401 c. Personnel des fonds non publics, Forces canadiennes, 2016 CRTEFP 57 (la « décision concernant la négociation de mauvaise foi »);
  • Certain Employees of Lansdowne Foods Ltd. v. United Food and Commercial Workers Union, section locale 401, [1992] Alta.L.R.B.R. 413 (« Lansdowne »);
  • Jean-Claude Harrison c. Syndicat international des marins canadiens, [1983] 53 di 85 (« Harrison »);
  • Bytown Electrical Services Ltd., [1996] O.L.R.D. No. 3449 (« Bytown Electrical »);
  • Triac Industries Inc., [2000] O.L.R.D. No. 2048 (« Triac »);
  • Adams, George W. Canadian Labour Law, 2e éd., Aurora, Canada Law Book, 1993;
  • Clarke, Graham J. Clarke’s Industrial Relations Board, Toronto, Canada Law Book, 1999;
  • Sack, Jeffrey. Ontario Labour Relations Board law and practice, 3e éd., Markham, Butterworths, 1997;
  • Sopinka, John. The Law of Evidence in Canada, 2e éd., Toronto, Butterworths, 1999.

VI. Approche de la Commission

47        Par souci de commodité, la présente décision contiendra un examen de la preuve, des conclusions de fait, une analyse et des décisions concernant l’ensemble des allégations soulevées par l’agent négociateur. De nombreux faits sont en litige. Qui plus est, les inférences à tirer de ces faits dans leur ensemble sont contestées.

48        Pour apprécier la fiabilité, il est utile de garder à l’esprit les observations du juge O’Halloran, dans Rex, au paragraphe 12 :

[Traduction]

[…]Le juge ne saurait deviner ce qui est dans le cœur et dans l’esprit des témoins qui comparaissent devant lui. La justice ne donne pas automatiquement raison au meilleur acteur à la barre des témoins. Le critère judiciaire le plus satisfaisant consiste à déterminer si la vérité concorde avec la prépondérance des probabilités, telle que les faits et les circonstances la révèlent eu égard aux circonstances de l’affaire.

VII. Aperçu des parties quant aux principes juridiques généraux à appliquer pour trancher les questions découlant des allégations selon lesquelles l’employeur est intervenu dans la demande de révocation

49        Les parties ont toutes deux renvoyé à la jurisprudence des tribunaux et des commissions d’arbitrage de compétence fédérale et de diverses compétences provinciales. Pour déterminer si les principes découlant de cette jurisprudence s’appliquent en l’espèce, il faut tenir compte des régimes législatifs qui étaient en place au moment où les décisions ont été rendues.

A. Pour l’agent négociateur

50        L’agent négociateur affirme que l’employeur s’est livré à une pratique déloyale de travail. Plus précisément, il affirme que l’employeur s’est ingéré dans la demande de révocation présentée par M. Lala, qui était en instance devant la Commission, et du vote subséquent sur la révocation. L’agent négociateur demande à la Commission de remédier à cette ingérence en déclarant que l’employeur a violé la convention collective et en rejetant la demande de révocation. À titre subsidiaire, l’agent négociateur demande à la Commission d’ordonner la tenue d’un nouveau scrutin, en personne, à la BFC d’Edmonton. De plus, il demande à la fois un délai de réflexion et des dommages.

51        L’agent négociateur allègue que l’article 185 et l’alinéa 186(1)a) de la Loi ont été violés. À l’époque pertinente, ces dispositions étaient ainsi libellées :

Pratiques déloyales

185Dans la présente section, pratiques déloyales s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

Pratiques déloyales par l’employeur

186 (1) Il est interdit à l’employeur et au titulaire d’un poste de direction ou de confiance, qu’il agisse ou non pour le compte de l’employeur :

a)de participer à la formation ou à l’administration d’une organisation syndicale ou d’intervenir dans l’une ou l’autre ou dans la représentation des fonctionnaires par celle-ci[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

52        Chacune des provinces canadiennes a promulgué des lois sur les relations de travail qui comportent des dispositions comparables à l’article 186 de la Loi. L’agent négociateur s’appuie sur la jurisprudence de ces compétences, si approprié.

53        De plus, les allégations soulevées se situent dans le contexte d’une demande derévocation de l’accréditation de l’agent négociateur. Le paragraphe 94(1) de la Loi prévoit en ces termes les conditions qui régissent les demandes de révocation :

Révocation de l’accréditation

Non-représentativité de l’organisation syndicale

94 (1) Quiconque affirme représenter au moins quarante pour cent des fonctionnaires d’une unité de négociation régie par une convention collective ou une décision arbitrale encore en vigueur peut demander à la Commission de déclarer non représentative l’organisation syndicale accréditée pour cette unité.

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

54        Selon la règle essentielle et consacrée dans la constitution qui régit les relations de travail au Canada, les employés doivent pouvoir choisir leurs propres représentants de l’agent négociateur, à l’abri de l’influence de la direction (voir, de façon générale, APMO). Le choix des employés comprend le droit de décider de révoquer ou non l’accréditation d’un agent négociateur, sans que les employeurs ou les personnes qui agissent en leur nom n’interviennent. La Loi protège explicitement ces droits.

55        L’intervention de l’employeur est interdite dans le contexte de la révocation afin de s’assurer que les employés prennent librement la décision sérieuse de révoquer l’accréditation d’un agent négociateur, dont ils doivent assumer les conséquences. La révocation exige non seulement l’appui de la majorité des membres de l’unité de négociation, comme le prévoit l’article 96 de la Loi, mais aussi un appui majoritaire volontaire. Une demande qui, à première vue, satisfait aux critères de la révocation peut être invalide si elle est viciée par l’intervention de l’employeur.

56        L’intervention de l’employeur peut prendre diverses formes. Le libellé général de l’alinéa 186(1)a) de la Loi vise tout comportement de l’employeur consistant à « […] participer à la formation ou à l’administration d’une organisation syndicale ou d’intervenir dans l’une ou l’autre ou dans la représentation des fonctionnaires par celle-ci […] »

57        Afin d’assurer une protection contre l’intervention de l’employeur, la Commission doit veiller à ce que toute déclaration d’appui à la révocation de l’accréditation [traduction] « […] constitue une représentation fiable des souhaits des employés, exempte de toute préoccupation que leur opinion ne soit portée à la connaissance de leur employeur d’une façon ou d’une autre » (voir Fallico, au paragraphe 6).

58        La Cour suprême de l’Île-du-Prince-Édouard a confirmé que, dans le contexte de la révocation, les commissions des relations de travail [traduction] « […] doivent s’appuyer sur l’environnement global du milieu de travail au moment de décider si une déclaration de volonté [d’appuyer la révocation] constitue l’expression volontaire des personnes qui l’ont signée » (l’agent négociateur souligne; voir C.J.A., Local 1338, au paragraphe 32).

59        Par conséquent, dans la présente affaire, la Commission doit tenir compte du contexte militaire hautement hiérarchisé dans lequel le litige en milieu de travail est survenu. La Commission doit s’interroger sur l’incidence du respect des grades et de la hiérarchie – qui sont inhérents à l’armée et que respectent un bon nombre d’employés civils en raison de leur exposition professionnelle aux membres du personnel en uniforme et de leurs relations familiales avec eux – sur la perception qu’ont les employés de l’ingérence de l’employeur.

60        L’agent négociateur n’a pas à démontrer l’intention antisyndicale pour établir l’ingérence de l’employeur. Dans Re Air Canada, au paragraphe 33, le Conseil canadien des relations industrielles (le « CCRI ») a déclaré ce qui suit dans le contexte des dispositions anti-ingérence du Code :

[…] L’alinéa 94(1)a) a pour objet de protéger un syndicat contre les pressions que pourrait exercer un employeur afin de saper l’autorité du syndicat aux yeux de ses membres. Lorsqu’est alléguée une violation de cette disposition du Code, il incombe au plaignant de prouver que les actes de l’employeur ont constitué une intervention dans les affaires internes du syndicat. Il n’est pas nécessaire de faire la preuve d’un sentiment antisyndical, mais le plaignant doit absolument démontrer que les actes de l’employeur ont entravé sa capacité de représenter les employés de l’unité de négociation.

[L’agent négociateur souligne.]

61        Les décisions subséquentes ont confirmé que l’intention véritable de l’employeur n’est pas déterminante; [traduction] « la perception des employés est […] primordiale (voir Fallico, au paragraphe 8). Comme l’a souligné la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO) dans G.W. Martin, au paragraphe 16, cela est en grande partie attribuable au fait que les relations entre employés et employeurs sont [traduction] « de nature réactive » et que, de façon générale, les employés ont le [traduction] « désir naturel » d’aligner leurs intérêts sur ceux de leur employeur.

62        De plus, la Commission doit évaluer comment un employé raisonnable [je souligne] percevrait la violation présumée de l’employeur; le critère est objectif (voir Re Ross, au paragraphe 65). En raison des difficultés qui se posent lorsqu’il s’agit de prouver l’ingérence de l’employeur, plus particulièrement dans le contexte de la révocation d’une accréditation, l’agent négociateur peut s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe en s’appuyant sur une preuve circonstancielle (voir Mitchell, au paragraphe 21).

63        Aucune preuve directe n’est nécessaire pour établir les répercussions de la conduite inappropriée de l’employeur sur l’état d’esprit des employés. La Commission doit plutôt chercher la preuve de circonstances permettant raisonnablement de conclure qu’il était peu probable qu’un vote sur la révocation de l’accréditation exprime la véritable volonté des employés (voir Thompson Credit Union, au paragraphe 42).

64        En dernier lieu, [traduction] « […] les employés sont si vulnérables à l’influence de l’employeur que celui-ci n’a même pas à la concevoir [dans le cadre d’une campagne de révocation] » (voir Doherty,au paragraphe 26). Il a souvent été constaté que les déclarations d’opposition à un syndicat étaient involontaires lorsqu’elles étaient signées dans des circonstances où l’employé pouvait raisonnablement croire que le défaut de signer serait porté à l’attention de la direction (voir Doherty,au paragraphe 26). Par conséquent, l’ingérence peut provenir de tiers dont la relation avec la direction est telle qu’un employé raisonnable pourrait craindre que l’employeur ne prenne connaissance de sa décision concernant la révocation (voir Doherty, au paragraphe 34).

65        La jurisprudence révèle une pléthore d’activités de l’employeur ou sanctionnées par celui-ci pouvant constituer une ingérence de l’employeur.

66        Ces activités comprennent une approche passive lorsqu’un employé antisyndical organise une campagne de révocation (voir Fallico, au paragraphe 8); l’autorisation de faire circuler une pétition visant la révocation en milieu de travail pendant les heures de travail, dans des circonstances où les employés pourraient avoir l’impression que la direction était au courant de la pétition (voir Fallico, aux paragraphes 9 et 10); l’offre de congés payés pour assister à une réunion en milieu de travail organisée par un employé antisyndical (voir Somerville Belkin Industries Ltd., plus particulièrement au paragraphe 46); la contribution indirecte au financement du club social des employés, qui sert ensuite à payer les frais juridiques d’une campagne de révocation d’accréditation (voir Bateman Foods); le défaut de veiller à ce que les employés antisyndicaux ne sollicitent pas des signatures à l’appui d’une pétition visant la révocation d’accréditation en dehors des heures de travail (voir Vandermeer, plus particulièrement au paragraphe 109).

67        Il existe d’innombrables autres exemples de l’existence d’ingérence, lesquels ont tous pour effet de saper l’exercice du libre arbitre des employés. S’ils se présentent pendant une campagne de révocation, la pétition qui en résulte [traduction] « […] témoigne plus probablement de la vulnérabilité des employés et de leur inégalité inhérente dans le cadre de leur relation avec l’employeur que de la véritable expression volontaire de leur volonté » (voir Landry, au paragraphe 27).

68        Par conséquent, la Commission doit se pencher sur les répercussions à l’égard des employés raisonnables de tout geste qui a été posé dans le cadre d’une campagne de révocation, plutôt que de rechercher formellement des activités précises de l’employeur ou des activités appuyées par l’employeur.

69        Les gestes de l’employeur, à la fois directement et en facilitant la campagne de révocation d’accréditation menée par M. Lala, permettent à la Commission de conclure qu’un employé raisonnable aurait perçu la volonté de l’employeur que l’accréditation de l’agent négociateur soit révoquée. Cela jette le doute sur le caractère volontaire de la pétition visant la révocation et du scrutin, une situation à laquelle il ne peut être remédié que si la Commission rejette la demande de révocation ou, à titre subsidiaire, ordonne la tenue d’un nouveau scrutin.

B. Pour l’employeur

70        L’employeur affirme sans équivoque qu’il est demeuré neutre pendant tout le processus de révocation et qu’il ne s’y est pas ingéré tel que l’a allégué l’agent négociateur, ni autrement.

71        L’agent négociateur allègue que l’employeur est intervenu de manière inappropriée, non seulement dans le cadre de la demande, mais aussi à l’égard du scrutin de représentation. Ces allégations concernent deux périodes distinctes, et l’employeur soutient que, par conséquent, la Commission devrait tenir compte uniquement de la preuve des circonstances antérieures au dépôt de la demande (c’est-à-dire avant le 19 octobre 2015) pour décider si l’employeur est intervenu de manière inappropriée à l’égard de la demande.

72        Il s’ensuit que la Commission devrait tenir compte uniquement de la preuve postérieure au dépôt de la demande (c’est-à-dire, présentée après le 19 octobre 2015) pour décider s’il faut écarter le scrutin de représentation.

73        L’employeur propose une norme de preuve pour analyser les faits qui se rattachent à chacune des périodes et les allégations soulignant les circonstances inhabituelles de la présente affaire, où plusieurs mois se sont écoulés entre le dépôt de la demande et le scrutin de représentation.

74        Comme la Loi prévoit la tenue d’un scrutin, le rejet de la demande empêcherait de compter les bulletins de vote déjà déposés plutôt que d’empêcher la tenue d’un scrutin. Une fois qu’un scrutin est ordonné, le seuil d’intervention requis pour rejeter l’authenticité des votes déjà exprimés est sans doute plus élevé que celui de l’appréciation de la preuve relative à la pétition.

75        Pour que la Commission conclue à l’ingérence de l’employeur à l’égard de la demande de révocation ou du scrutin subséquent, l’agent négociateur doit établir ce qui suit :

  • M. Lala et Mme Arey sont des gestionnaires ou des personnes qui agissent pour le compte de l’employeur, comme il est précisé à l’article 186 de la Loi, ou pourraient raisonnablement être perçus à ce titre, au vu de la preuve pertinente;
  • les circonstances attribuables à l’employeur sont de nature à être en mesure d’affirmer que celui-ci est intervenu à l’égard de la demande et du scrutin, dans la mesure où il est peu probable que le scrutin soit révélateur de la volonté librement exprimée des employés de l’unité de négociation.

76        Avant d’examiner ces questions, l’employeur propose le cadre juridique ci-après pour trancher la présente affaire.

1. Régime fédéral des relations de travail

77        La Loi (y compris tous les règlements connexes) ne fait aucune allusion à [traduction] « l’ingérence de l’employeur » dans le contexte d’un scénario de révocation d’accréditation. À l’article 186 de la Loi, dans les dispositions sur les pratiques déloyales de travail, il est question de l’ingérence de l’employeur, dans la mesure où aucun [traduction] « employeur » ne doit s’[traduction] « ingérer ».

78        La Commission n’est saisie d’aucune plainte de pratique déloyale de travail dans la présente affaire.

79        Comme il n’y a aucune plainte au titre de l’article 190 de la Loi, l’employeur soutient que la Commission doit considérer les allégations de l’agent négociateur en fonction de l’article 186 de la Loi et des dispositions concordantes des autres sphères de compétence, notamment le Code et les régimes de travail provinciaux.

80        Les paragraphes 186(1) et (2) de la Loi soulignent en quoi consiste une pratique déloyale de travail de la part d’un employeur.

81        À la lumière de cette disposition législative, l’employeur soutient que l’agent négociateur doit démontrer que l’employeur, l’un de ses gestionnaires ou une personne agissant en son nom s’est ingéré dans la demande.

2. Approche fondée sur la preuve – perception des employés

82        L’agent négociateur fait valoir que la perception des employés voulant que l’employeur ait participé ou se soit ingéré relativement à la demande ou au scrutin de représentation est fondamentale pour déterminer si tel est réellement le cas [je souligne]. L’agent négociateur affirme en outre que la Commission doit évaluer comment un employé raisonnable pourrait percevoir les actes de l’employeur et, à partir de là, tirer une conclusion raisonnable relativement à l’intervention. L’agent négociateur souligne que le critère est objectif.

83        L’employeur soutient que le critère est effectivement objectif. La Commission doit tenir compte uniquement de la preuve relative aux circonstances entourant la demande ou le scrutin subséquent, et ne pas entendre la preuve relative à l’état d’esprit subjectif des employés qui ont signé à l’appui de la demande ou participé au scrutin secret (voir Tundra Boiler).

84        Même si on peut considérer la preuve subjective (comme celle concernant les perceptions des employés à titre individuel) comme un critère objectif, la Commission doit adopter une approche nuancée au moment de s’appuyer sur une telle preuve ou de lui accorder du poids, le cas échéant.

85        La preuve subjective n’est ni concluante ni déterminante, et la Commission est justifiée d’adopter une approche nuancée. Comme l’a affirmé la Commission des relations de travail de la Colombie-Britannique (la « commission de la C.-B. ») dans C-Tron, au paragraphe 27, comme suit :

[Traduction]

27 […] Premièrement, nous pouvons mettre en doute l’intégrité d’un scrutin secretdans le cadre de ce processus en raison du risque pour la confidentialité. Deuxièmement, nous reconnaissons que les employés cités à témoigner devant leur employeur et le syndicat au sujet de leurs réflexions ou de leurs sentiments concernant un scrutin de représentation sont soumis à la pression de plaire à l’une ou l’autre des parties. C’est pourquoi la Commission a des raisons valables de se préoccuper du poids qu’elle doit accorder à ces témoignages faisant suite à des déclarations factuelles lors d’une audience. Troisièmement, il y a une préoccupation que cette approche puisse mener à une détérioration du processus de présentation de la preuve en un concours axé sur le nombre de témoins. Non seulement cela allongerait le processus, mais le risque pour la confidentialité serait également grandement accru. Pour tous ces motifs, nous penchons fortement en faveur d’une norme objective et d’un recours très limité aux points de vue subjectifs des témoins.

3. Le Code

86        Les articles 38 et 39 du Code régissent la révocation des droits de négociation dans le contexte des affaires dont le CCRI est saisi. Ces articles sont pratiquement identiques aux dispositions de la Loi.

87        L’article 94 du Code aborde les pratiques déloyales de travailliées à l’ingérence d’un employeur auprès d’un agent négociateur. Les dispositions d’intérêt sont les alinéas 94(1)a) et (3)e) et le sous-alinéa (3)a)(i), qui sont pratiquement identiques aux dispositions suivantes de la Loi : alinéa 186(1)a), (2)a) et (2)c).

88        L’employeur soutient que Re Robinson est utile pour interpréter le régime de révocation prévu par le Code, qui peut s’appliquer à la présente affaire.

89        Le CCRI estime qu’un employeur s’est ingéré dans le cadre d’une demande de révocation si les circonstances entourant cette demande sont telles que la preuve relative aux signatures découle de l’influence de l’employeur. Le CCRI examinera si les employés « ont pris une décision “précipitée” », si les gestes de l’employeur ont eu pour conséquence de « restreindre » les employés dans leur choix, et si les employés « ont agi de leur propre volonté et non par crainte ou contre la promesse d’une faveur » (toutes les citations sont extraites de Re Robinson, au paragraphe 35).

90        À la lumière de Re Robinson et a priori, l’employeur croit que la Commission doit donner effet au scrutin de représentation qui a déjà été tenu, puisqu’il a donné aux employés des FNP de la BFC d’Edmonton la possibilité d’exercer leur droit démocratique de trancher la question de leur représentation (voir Re Robinson, aux paragraphes 34 et 35).

91        Conformément à Re Robinson, Laidlaw permet de faire la lumière sur l’approche du CCRI, au paragraphe 50 :

[50] À l’exception des dispositions générales de l’article 96 du Code, pour l’application des alinéas 94(1)a) et 94(3)e), et des sous-alinéas 94(3)a)(i) ou (vi), il est nécessaire que l’employeur ou quiconque agissant pour son compte ait pris part au prétendu abus. Il faut donc déterminer si Laidlaw ou quiconque agissant pour son compte s’est livré à des activités interdites par le Code.

[L’employeur met en évidence.]

92        Le seuil établi dans Laidlaw exige de conclure d’abord que l’employeur a fait preuve d’ingérence et que cette ingérence a mis en péril la probabilité qu’un scrutin puisse rendre compte de la volonté réelle des membres de l’unité de négociation (voir Laidlaw, au paragraphe 80).

4. Régimes provinciaux

93        La Cour suprême du Canada a souligné les similitudes des régimes fédéral et provinciaux (voir IPFPC).

94        Dans cet esprit, l’employeur a présenté deux régimes de travail provinciaux qui, à son avis, fournissent des dispositions législatives et une jurisprudence qui sont très utiles pour trancher la présente affaire : le Code de l’Alberta et le Code de la C.-B., qui sont mentionnés dans IPFPC. Il en sera question dans l’argumentation concernant les questions individuelles, le cas échéant.

95        L’agent négociateur allègue que l’employeur s’est ingéré de manière inappropriée, non seulement à l’égard de la demande, mais aussi à l’égard du scrutin de représentation. Ces allégations concernent deux périodes distinctes et l’employeur soutient que, par conséquent, la Commission devrait tenir compte uniquement de la preuve des circonstances antérieures au dépôt de la demande (c’est-à-dire, présentée avant le 19 octobre 2015) pour décider si l’employeur s’est ingéré de manière inappropriée à l’égard de la demande.

96        Il s’ensuit que la Commission devrait tenir compte uniquement de la preuve postérieure au dépôt de la demande (c’est-à-dire, présentée après le 19 octobre 2015) pour décider s’il faut écarter le scrutin de représentation.

VIII. Analyse de la Commission visant à établir les principes à appliquer dans l’examen des allégations du syndicat quant à l’ingérence de l’employeur

97        Au moment de la présentation de la demande de révocation, les dispositions pertinentes des articles 94 à 96 de la Loi étaient libellées comme suit :

94 (1)Quiconque affirme représenter au moins quarante pour cent des fonctionnaires d’une unité de négociation régie par une convention collective ou une décision arbitrale encore en vigueur peut demander à la Commission de déclarer non représentative l’organisation syndicale accréditée pour cette unité.

[…]

95Si la Commission, saisie d’une demande au titre du paragraphe 94(1), est convaincue, sur le fondement de la preuve documentaire, qu’à la date du dépôt de la demande, au moins quarante pour cent des fonctionnaires de l’unité de négociation ne souhaitaient plus que l’organisation syndicale les représente à titre d’agent négociateur, elle ordonne la tenue d’un scrutin de représentation. Le paragraphe 65(2) s’applique à l’égard de la tenue du scrutin.

96Si, à la suite de la tenue du scrutin de représentation prévu à l’article 95, la Commission est convaincue que la majorité des fonctionnaires de l’unité de négociation qui ont participé au scrutin ne souhaitent plus être représentés par l’organisation syndicale qui en est l’agent négociateur, elle révoque l’accréditation de l’organisation syndicale en cause.

98        L’agent négociateur considère qu’il a déposé sa plainte au titre de l’article 190 de la Loi, dans la mesure où il a allégué une violation de l’article 185 et de l’alinéa 186(1)a), qui portent sur les pratiques déloyales de travail.

99        L’employeur affirme que la Commission n’est saisie d’aucune plainte de pratique déloyale de travail. La Commission doit envisager les allégations de l’agent négociateur conformément aux paragraphes186(1) et (2) de la Loi et des dispositions correspondantes des autres sphères de compétence, notamment le Code et les régimes de travail provinciaux applicables.

100        L’agent négociateur n’a pas déposé de plainte au titre de l’article 190 de la Loi. Il a soulevé des allégations selon lesquelles l’employeur s’est livré à une pratique déloyale de travail dans le contexte de sa réplique à la demande de révocation initiale.

101        Dans Harrison, le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) a déterminé qu’il pouvait se pencher sur l’ingérence potentielle de l’employeur dans le cadre d’une demande de révocation même si le syndicat n’a déposé aucune plainte de pratique déloyale de travail.

102        Compte tenu des lois qui sont pratiquement identiques, je suis convaincu que la jurisprudence du CCRI établit de façon juste le droit applicable à cette question. Je conclus également que la Commission peut examiner la conduite de l’employeur afin de s’assurer que celui-ci n’est pas intervenu dans le cadre d’une demande de révocation, en tenant compte des dispositions de la Loi qui traitent des pratiques déloyales de travail.

103        Les dispositions pertinentes de la Loi qui s’appliquent à la présente demande sont énoncées à l’article 185, à l’alinéa 186(1)a) (précité) et au paragraphe 186(5).

104        Une pratique déloyale de travail est constatée lorsqu’un employeur ou un titulaire d’un poste de direction ou de confiance s’ingère dans la formation ou l’administration d’une organisation syndicale ou dans la représentation des fonctionnaires par celle-ci.

105        Le paragraphe 186(5) est une disposition traitant de la « libre expression » de l’employeur, en vertu de laquelle un employeur ne se livre pas à une pratique déloyale de travail du seul fait qu’il exprime son point de vue, pourvu qu’il n’ait pas indûment usé de son influence, fait des promesses ou eu recours à la coercition, à l’intimidation ou à la menace.

A. Principes généraux applicables en vertu de la Charte

106        Dans APMO, la Cour suprême du Canada a statué que la liberté d’association garantie par l’alinéa 2d) de la Charte protège l’existence d’un processus véritable de négociation collective qui offre aux employés une liberté de choix et une indépendance suffisantes pour leur permettre de décider de leurs intérêts collectifs et de les défendre.

107        La Cour a déclaré ce qui suit au paragraphe 86 :

[86] Parmi les caractéristiques de la liberté de choix des employés dans un tel contexte figurent la capacité de constituer de nouvelles associations et d’y adhérer, celle de changer de représentants, celle d’établir et de modifier les objectifs collectifs relatifs au travail et celle de dissoudre les associations existantes. Certes, la liberté de choix des employés peut susciter une diversité de structures associatives et une concurrence entre les associations, mais cette forme d’exercice de la liberté d’association est essentielle à l’existence des associations de travailleurs et au maintien de la confiance des membres à l’égard de ces dernières […]

108        La Cour a confirmé ce qui suit au paragraphe 88 : « […] un processus véritable de négociation collective protège le droit des employés de former des associations qui sont indépendantes de la direction, et d’y adhérer […] ».

109        L’une des caractéristiques de la liberté de choix des employésest la possibilité de dissoudre les associations existantes.

110        Dans Saskatchewan Federation of Labour, le juge Ball de la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan a statué que si les intérêts d’un agent négociateur et ceux d’un employé divergent, par exemple dans une demande de révocation, la Charte protège les intérêts des employés.

111        Le juge Ball a rendu sa décision dans le contexte d’une contestation syndicale, présentée en vertu de la Charte relativement au Trade Union Amendment Act 2008 (S.S. 2008, c. 26 et 27) (la « TUAA ») de la Saskatchewan, qui modifiait le processus suivant lequel les agents négociateurs pouvaient obtenir ou perdre le statut de représentant négociateur.

112        La TUAA a modifié le niveau de soutien requis dans le cadre des demandes d’accréditation et de révocation d’accréditation. Avant cette modification, l’agent négociateur visé dans une demande d’accréditation devait obtenir l’appui de 25 p. 100 à 50 p. 100 des employés de l’unité de négociation proposée. Si l’agent négociateur atteignait ce seuil, la demande était alors soumise à un scrutin. S’il obtenait l’appui de 50 p. 100 des employés plus un, il était automatiquement accrédité.

113        La TUAA a établi le seuil de soutien requis dans le cadre des demandes d’accréditation à 45 p. 100 des employés de l’unité de négociation proposée, à la suite de quoi un scrutin secret obligatoire est tenu.

114        En ce qui concerne la révocation de l’accréditation, avant la modification, un employé qui demandait la révocation de l’accréditation devait obtenir l’appui de 50 p. 100 des employés de l’unité de négociation plus un, à la suite de quoi un scrutin secret obligatoire était tenu. La TUAA a abaissé le seuil à 45 p. 100.

115        Les syndicats ont fait valoir que le niveau de soutien de 45 p. 100 prévu dans le projet de loi visant les demandes d’accréditation était un seuil extrêmement difficile à atteindre. Cependant, ils n’ont pas exprimé de préoccupation analogue en ce qui concerne la capacité d’atteindre le même seuil de soutien aux fins des demandes de révocation de l’accréditation.

116        Le juge Ball a tenu le raisonnement suivant au paragraphe 257 :

[Traduction]

[257] À l’occasion, les employés peuvent se trouver partagés entre leur syndicat et leur employeur, incapables en tant qu’individus à faire face au pouvoir de l’une ou l’autre organisation, par exemple dans un cas où un syndicat perd la confiance et le soutien de la majorité des employés au sein d’une unité de négociation. Ces employés choisiront alors d’exercer leur droit de ne pas s’associer — un droit qui a été reconnu dans Lavigne c. Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario et dans R. c. Advance Cutting & Coring Ltd. Ils exercent ce droit négatif en demandant une ordonnance de révocation de l’accréditation du syndicat.

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

117        Les syndicats ont fait valoir que le projet de loi contrevenait à la Charte. Le juge Ball a résumé leur argumentation en ces termes au paragraphe 259 :

[Traduction]

[259] Du point de vue du syndicat, il y a une raison de principe. Selon ce point de vue, la syndicalisation est un bien collectif que les lois sur le travail facilitant l’accréditation doivent promouvoir, afin d’assurer la sécurité du syndicat et d’éluder la révocation de l’accréditation autant que possible. Le syndicat fait valoir que le Canada est lié par le droit international visant à promouvoir (et non seulement à protéger) la syndicalisation, et que l’alinéa. 2d) de la Charte doit être interprété en conséquence. En raison du fait que selon son point de vue la syndicalisation est avantageuse pour les employés et, par extension, pour la société, la liberté d’association prévue à l’alinéa 2d) de la Charte doit être interprétée de manière à promouvoir les intérêts institutionnels des syndicats eux-mêmes.

118        Le juge a ensuite formulé l’autre point de vue en ces termes, au paragraphe 260 :

[Traduction]

[260] Selon l’autre point de vue, qui repose également sur une raison de principe, les employés doivent être libres de s’organiser, de s’unir et de constituer ou de soutenir des syndicats sans que quiconque n’exerce sur eux une contrainte ou n’intervienne. Ce point de vue, qui est plus neutre, est axé sur la protection de la liberté individuelle de décider de s’associer ou non en vue d’atteindre les objectifs du milieu de travail. Cette protection s’étend au fonctionnement indépendant et démocratique du syndicat. Elle ne s’étend pas à la promotion des intérêts institutionnels des syndicats eux-mêmes.

119        Le juge a conclu que l’alinéa 2d) dela Charte protège les intérêts des employés qui demandent la révocation de l’accréditation d’un agent négociateur (au paragraphe 261), comme suit :

[Traduction]

[261] À mon avis, l’alinéa 2d) de la Charte englobe le concept antérieur à titre du seuil minimal de protection, en laissant aux organes législatifs la possibilité de consolider cette protection comme ils le jugent bon. Ainsi, lorsque les intérêts du syndicat et ceux des employés divergent, l’alinéa 2d) de la Chartesert à protéger les intérêts des employés.

120        En fin de compte, le juge Ball a statué que les TUAC n’avaient pas contrevenu à la Charte.

121        La Cour d’appel de la Saskatchewan (dans R. v. Saskatchewan Federation of Labour,2013 SKCA 43) et la Cour suprême du Canada (dans Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan, 2015 CSC 4) ont souscrit aux conclusions du juge de première instance sur cette question.

122        Dans Re Williams, la commission des relations de travail de la Saskatchewan (la « commission de la Saskatchewan ») a appliqué la décision du juge Ball dans le contexte d’une demande de révocation d’accréditation.

123        Après avoir cité la conclusion du juge Ball selon laquelle l’alinéa 2d) de la Charte protège les intérêts des employés et non ceux des syndicats, la commission de la Saskatchewan a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…]

L’article 9 de la Trade Union Act [qui autorise la Commission à rejeter une demande de révocation si elle est convaincue que la demande a été présentée sur les conseils ou par suite de l’influence, de l’ingérence ou de l’intimidation de l’employeur] apporte un complément important au droit fondamental des employés de prendre des décisions au sujet de la question de la représentation. S’il est invoqué, l’art. 9 procure aux employés une protection permettant de s’assurer qu’un employeur n’a pas utilisé sa situation d’autorité pour influencer de manière inappropriée les actes de ses employés dans l’exercice de leurs droits. Dans de nombreuses affaires, y compris celles citées par le syndicat, la Commission a reconnu son obligation de surveiller les signes indiquant que les gestes de l’employeur sont à l’origine d’une demande de révocation d’accréditation ou l’ont encouragée, soutenue ou influencée. La Commission a réitéré maintes fois son intention de veiller à se prémunir contre les demandes de révocation de l’accréditation d’un syndicat qui semblent refléter la volonté de l’employeur, plutôt que celle des employés. Ce faisant, toutefois, il est important de garder à l’esprit que l’objet de l’art. 9 est de protéger les employés contre les influences indues de la direction, et non de protéger les syndicats contre la volonté de changement de leurs membres.

[…]

Il est également important de garder à l’esprit que l’invocation de l’art. 9 a pour conséquence de délester les employés du droit même que ledit article vise à protéger : celui de décider de la question de la représentation. Si la Commission est convaincue que la conduite inappropriée de l’employeur a entaché une demande de révocation, le redressement consiste à rejeter ou annuler cette demande. Par conséquent, il faut invoquer un motif impérieux lié aux relations de travail pour que la Commission refuse aux employés le droit de décider par eux-mêmes s’ils veulent ou non continuer à être représentés. Comme la Commission l’a affirmé à maintes reprises dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré en vertu de l’art. 9 de la Loi, elle doit établir avec soin [souligné dans l’original] un équilibre entre le droit des employés à revoir la question de la représentation (maintenant reconnue à titre d’activité d’association protégée) et la nécessité de surveiller les signes des influences inappropriées de l’employeur. Pour ce faire, la Commission examine le comportement contesté de l’employeur et en évalue les répercussions probables sur les employés raisonnablement courageux, en tenant dûment compte des circonstances survenues dans le milieu de travail à l’époque pertinente, notamment la maturité et l’état de la négociation collective.

Il s’agit d’un critère objectif, et la commission part du postulat que les employés sont raisonnablement courageux et aptes à recevoir divers renseignements, à les évaluer et à être même soutenus ou influencés par ceux-ci, sans perdre nécessairement la capacité de penser ou d’agir de manière indépendante. Les employés ne sont pas présumés être des larbins timorés qui tremblent de peur devant leurs maîtres. La commission présume plutôt que les employés sont en mesure de décider ce qui leur convient le mieux, qu’ils soupèseront tous les renseignements qu’ils recevront, y compris ceux de l’employeur, et qu’ils prendront des décisions rationnelles en réaction à ces renseignements. C’est pourquoi une déclaration d’un employeur ou une mesure qu’il a prise faisant l’objet d’une contestation ne mènera pas nécessairement à la conclusion qu’une demande de révocation a été présentée par suite de l’influence, de l’intervention, de l’aide ou de l’intimidation de l’employeur. Voir : Ray Hudon v. Sheet Metal Workers International Association, Local 296 and Inter-City Mechanical Ltd., [1984] Aug. Sask. Labour Rep. 32, LRB File No. 105-84. Dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré en vertu de l’art. 9 de la Loi, les droits démocratiques des employés ne doivent pas être refusés simplement parce que ceux-ci ont reçu des renseignements de leur employeur et que ces renseignements peuvent les avoir aidés. Voir : Button v. United Food and Commercial Workers, Local 1400 and Wal-Mart Canada, supra.Le comportement contesté de l’employeur doit plutôt atteindre un seuil plus élevé; sa nature et son importance doivent être telles que ces renseignements auront probablement pour conséquence de restreindre la capacité des employés (raisonnablement courageux) à exercer librement leurs droits en vertu de la Loi. Voir :Shane Reese v. Saskatchewan Joint Board, Retail, Wholesale and Department Store Union and Holiday Inn Ltd., [1989] S.L.R.B.D. No. 33, [1989] Summer Sask. Labour Rep. 84, LRB File No. 207-88 & 003-89.

[…]

[Je souligne.]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

B. Conclusions sur l’incidence de la Charte

124        L’alinéa 2d) de la Charte protège les intérêts des employés qui demandent la révocation de l’accréditation d’un agent négociateur, et non ceux de l’agent négociateur.

125        Les dispositions sur les pratiques déloyales de travail quiinterdisent à un employeur d’intervenir à l’égard d’une question touchant la représentation protège les employés afin de veiller à ce que l’employeur n’utilise pas sa situation d’autorité pour influencer de manière inappropriée les gestes que posent ses employés dans l’exercice de leurs droits en initiant, en encourageant ou en soutenant une demande de révocation d’accréditation.

126        Ces dispositions protègent les employés contre l’influence inappropriée de la direction et ne protègent pas les syndicats contre la volonté des employés de modifier la représentation. Si une commission des relations de travail rejette une demande de révocation en raison de l’ingérence de l’employeur, elle nie le droit des employés à décider de la question de la représentation, qui est protégé par la Charte. Il faut un motif impérieux lié aux relations de travail pour refuser aux employés le droit de décider par eux même s’ils veulent ou non continuer à être représentés.

127        La nature et l’importance de la conduite contestée de l’employeur doivent être telles qu’elles auront probablement pour conséquence de compromettre la capacité des employés raisonnablement courageux à exercer librement leurs droits.

C. La Loi

128        Comme l’a souligné l’employeur, aucune décision pertinente de la Commission n’aborde les allégations d’ingérence de l’employeur dans le contexte d’une demande de révocation de l’accréditation.

D. Le Code

129        Les dispositions du Code qui portent sur la révocation de l’accréditation et les pratiques déloyales de travail qui étaient en vigueur à la date du dépôt de la demande sont très similaires aux dispositions correspondantes de la Loi. Les décisions rendues en vertu du Code ont guidé la Commission lorsqu’elle a rendu les décisions antérieures mettant en cause la présente demande.

130        Les articles 38 et 39 du Code, dans leur version applicable à la date du dépôt de la demande, portent sur la révocation. Le seuil de soutien des employés est le même en vertu des deux lois.

131        L’alinéa 94(1)a) du Code, qui porte sur les pratiques déloyales de travail, utilise un libellé semblable à celui de l’alinéa 186(1)a) de la Loi. Selon cette disposition, il est interdit à tout employeur et à quiconque agit pour son compte de participer à la formation ou à l’administration d’un syndicat ou d’intervenir dans l’une ou l’autre ou dans la représentation des employés par celui-ci. Contrairement à l’article correspondant de la Loi, l’alinéa 94(1)a) du Code ne limite pas les personnes agissant pour l’employeur aux « titulaires d’un poste de direction ou de confiance ».

132        L’alinéa 94(2)c) du Code, qui traite de la liberté d’expression de l’employeur, est pratiquement identique au paragraphe 186(5) de la Loi.

E. Décisions pertinentes du Conseil canadien des relations du travail (CCRT) et du CCRI concernant l’intervention de l’employeur, dans le contexte d’une demande de révocation 

133        Dans Harrison, le CCRT a décrit en ces termes l’influence de l’employeur, à la page 98 :

Le Conseil doit savoir si les employés ont pris une décision « précitée » (J. Phillips […]), si les gestes de l’employeur ont eu pour conséquence de « [restreindre] les employés dans leur liberté de demander la révocation de l’accréditation de l’agent négociateur » (J. Phillips […]), ou si les employés ont agi de leur propre volonté et non par crainte ou contre la promesse d’une faveur.

[…]

134        Dans Laidlaw, le CCRI, qui était saisi d’une plainte de pratique déloyale de travail dans le contexte d’une demande de révocation, a ainsi résumé, au paragraphe 71, la jurisprudence passée en revue concernant la question de savoir en quoi consistait l’ingérence illégale d’un employeur :

[71] Il ressort de ces décisions que chaque affaire est un cas d’espèce. Dans Mike Schembri et autres et Marcel Roussel et autres, précitées, le Conseil a conclu que le fait de faire circuler une pétition durant les heures de travail était un indice d’intervention de l’employeur, alors que dans Steve Baidwan, précitée, il a tiré la conclusion contraire. Il s’ensuit que le fait qu’une pétition circule au lieu de travail n’est pas le seul facteur décisif et que d’autres conditions sont nécessaires, par exemple, les communications de l’employeur avec les employés (Car-Ar Transit Services, Division of Tokmakjian Limited, précitée), des récompenses inhabituelles (Mike Schembri et autres, et Ken Robinson, précitées), des pratiques déloyales de travail confirmées (Jean-Claude Harrison et autres, précitée), la conduite générale de l’employeur (Can-Ar Transit Services, Division of Tokmakjian Limited; et Jean-Claude Harrison et autres; et Rogers Cable T.V. Ltd. (Hamilton), précitées) et des preuves circonstancielles (Greg W. Prichard et Mike Schembri et autres, précitées).

135        Dans FedEx, le CCRI a examiné diverses plaintes de pratique déloyale de travail découlant d’une campagne nationale d’organisation au sein du groupe de sociétés Federal Express, menée par le Canadian Council ofTeamsters. L’agent négociateur a allégué que l’employeur avait entravé ses efforts d’organisation et contrevenu au paragraphe 94(1) du Code. Dans cette affaire, l’employeur a exprimé, dans une correspondance à l’intention de ses employés, qu’il n’avait pas besoin d’un syndicat.

136        Après avoir examiné le Code, plus particulièrement le paragraphe 94(1) (disposition sur la libre expression de l’employeur), ainsi que la jurisprudence pertinente relevant du Code et des commissions provinciales, le CCRI a énoncé les principes non exhaustifs suivants, au paragraphe 81 :

– Un employeur a le droit d’exprimer son point de vue et n’est pas confiné à de simples banalités. Il y a un juste milieu, entre de simples banalités et l’ingérence et l’influence indue, qui permet à l’employeur d’exprimer librement son point de vue.

– En évaluant le comportement de l’employeur, le Conseil devrait chercher à établir si ledit comportement a porté atteinte à la capacité des employés d’exprimer leurs véritables désirs. Autrement dit, le comportement de l’employeur a-t-il privé les employés de la capacité d’exprimer leurs véritables désirs de décider d’adhérer ou non au syndicat?

– La définition de l’intimidation, de la coercition et de l’influence indue dans le contexte des relations de travail renferme l’élément fondamental suivant : le recours à une certaine forme de force ou à la menace, ou le fait d’exercer une pression indue ou une contrainte dans le but de contrôler ou d’influencer la liberté d’association des employés.

– Le fait qu’un employeur ne désire pas de syndicat et qu’il exprime son opinion en ce sens ne constitue pas nécessairement une violation du Code; il faut procéder à une analyse factuelle afin de déterminer si la manière dont cette opinion est exprimée renferme un élément de coercition ou d’intimidation, des menaces ou des promesses, ou une influence indue.

– Le Conseil devrait tenir compte du contexte dans lequel les déclarations sont faites et l’incidence probable sur un employé raisonnable des moyens utilisés. Le mode privilégié est la mise en circulation de documents écrits. Ce mode de communication est moins envahissant que les réunions à auditoire contraint ou des discussions privées avec les employés.

137        Dans le même ordre d’idées, le paragraphe 186(5) de la Loi autorise un employeur à exprimer son point de vue sans que cela ne constitue une pratique déloyale de travail, pourvu qu’il n’use pas indûment de son influence, ne fasse pas de promesses ou n’ait pas recours à la coercition, à l’intimidation ou à la menace.

138        Sur le fondement de ces décisions du CCRI, je conclus que chaque affaire est un cas d’espèce; le fait qu’une pétition circule au lieu de travail en l’absence d’intervention de l’employeur n’est pas le seul facteur décisif. D’autres circonstances s’avèrent nécessaires, comme les communications de l’employeur avec les employés ou encore le recours de celui-ci à la coercition, à l’intimidation, aux menaces, aux promesses, à une influence indue, à des récompenses inhabituelles ou à des pratiques considérées comme des pratiques déloyales de travail, ainsi que le comportement général de l’employeur.

F. Jurisprudence et régimes provinciaux de relations de travail

1. Ontario

139        L’agent négociateur fait valoir que la révocation exige non seulement l’appui de la majorité des membres d’une unité de négociation, comme il est énoncé à l’article 96 de la Loi, mais aussi que cet appui majoritaire soit volontaire. Il prétend qu’afin de veiller à ce que l’employeur n’intervienne pas dans le processus, la Commission doit s’assurer que toute déclaration d’appui à la révocation de l’accréditation constitue l’expression fiable de la volonté des employés et que ces derniers n’aient pas à se préoccuper que leur employeur ait connaissance, d’une façon ou d’une autre, de la volonté exprimée. L’agent négociateur se fonde sur Fallico à l’appui de saposition.

140        Le paragraphe 57(2) de la LRTO dans sa version alors en vigueur prévoyait ce qui suit :

[Traduction]

57(2) Tout employé compris dans l’unité de négociation définie dans la convention collective peut[…]demander à la Commission par voie de requête de déclarer que le syndicat ne représente plus les employés compris dans cette unité[…]

141        Le paragraphe 57(3) prévoyait que ce qui suit aurait lieu sur présentation d’une requête en vertu du paragr. 57(2) :

[Traduction]

57(3) […]la Commission vérifie le nombre d’employés compris dans l’unité de négociation à la date de la présentation et s’assure qu’au moins 45 pour cent d’entre eux ont librement exprimé par écrit, à la date fixée en vertu de l’alinéa 103(2)j), qu’ils ne veulent plus être représentés par le syndicat. En ce cas, la Commission tient un scrutin de représentation afin de s’assurer que la majorité des employés veulent que prenne fin le droit du syndicat de négocier pour leur compte.

[Je souligne.]

142        Après avoir cité le paragr. 57(3), la CRTO a déclaré ce qui suit dans Fallico :

[Traduction]

[…]

En raison de l’utilisation du mot « volontaire » dans cet article, la Commission doit s’assurer, dans tous les cas, qu’une pétition ou déclaration déposée à l’appui de la demande constitue l’expression fiable de la volonté des employés, lesquels doivent être raisonnablement à l’abri de toute inquiétude que leurs opinions parviennent à la connaissance de leur employeur d’une façon ou d’une autre. D’un autre côté, le fait qu’un employeur sache qu’une pétition est signée contre le syndicat, ou que les employés reconnaissent que l’employeur préfèrerait qu’il n’y ait pas de syndicat, ne constitue pas en soi des questions qui perturbent la Commission […]

[…]

143        L’article 63 est la disposition législative actuelle de la LRTO qui porte sur la révocation. Cette disposition a été adoptée en 1995 et est en partie libellée comme suit :

63(2)Tout employé compris dans l’unité de négociation définie dans la convention collective peut, sous réserve de l’article 67, demander à la Commission par voie de requête de déclarer que le syndicat ne représente plus les employés compris dans cette unité […]

[…]

(4)La requête qui est déposée auprès de la Commission est accompagnée d’une liste des noms des employés compris dans l’unité de négociation qui ont exprimé le désir de ne pas être représentés par le syndicat ainsi que de la preuve des désirs de ces employés, mais le requérant ne doit pas donner ces renseignements à l’employeur ni au syndicat.

(5)Si elle détermine que 40 pour cent ou plus des employés compris dans l’unité de négociation semblent avoir exprimé le désir de ne pas être représentés par le syndicat au moment du dépôt de la requête, la Commission ordonne la tenue d’un scrutin de représentation auprès des employés compris dans l’unité de négociation.

[…]

(10)Lors d’un scrutin de représentation, les bulletins de vote sont remplis de manière que l’identité de la personne qui vote ne puisse être déterminée.

(11)La Commission peut ordonner qu’un ou plusieurs bulletins de vote soient séparés et que les urnes où ils sont déposés soient scellées jusqu’au moment qu’elle indique.

(12)Une fois tenu le scrutin de représentation, la Commission peut tenir une audience si elle le juge nécessaire pour statuer sur la requête.

(13)Lorsqu’elle statue sur une requête, la Commission ne doit tenir compte d’aucune contestation des renseignements fournis aux termes du paragraphe (4).

(14)Si, lors de ce scrutin, plus de 50 pour cent des bulletins de vote sont à l’encontre du syndicat, la Commission déclare que le syndicat accrédité ou qui est ou était partie à la convention, selon le cas, ne représente plus les employés compris dans l’unité de négociation.

(15)La Commission rejette la requête à moins que plus de 50 pour cent des voix exprimées lors du scrutin de représentation par les employés compris dans l’unité de négociation ne le soient contre le syndicat.

(16)Malgré les paragraphes (5) et (14), la Commission peut rejeter la requête si elle est convaincue que l’employeur ou une personne qui agit pour son compte est à l’origine de la requête ou a eu recours à la menace, à la contrainte ou à l’intimidation relativement à la requête.

[Je souligne.]

144        Dans Ontario Labour Relations Board Law and Practice, troisième édition, volume 1, Sack, Mitchell et Price formulent les commentaires qui suivent relativement à l’origine législative de l’article 57(3), au paragraphe 4.21, pages 4-30 et 4-31 :

[Traduction]

Avant la Loi de 1995, la Commission devait établir si les employés avaient « exprimé volontairement par écrit » qu’ils ne souhaitaient plus être représentés par le syndicat, ce qui supposait souvent d’établir le caractère volontaire des pétitions et contre-pétitions.

La Loi ne fait plus allusion au « caractère volontaire », mais prévoit que la Commission peut rejeter une demande de révocation si elle est convaincue que « l’employeur ou une personne qui agit pour son compte est à l’origine de la requête ou a eu recours à la menace, à la contrainte ou à l’intimidation relativement à la requête » : paragraphe 63(16).

Dans Elirpa Construction and Materials Ltd., la Commission a rejeté l’argument du syndicat voulant que le paragraphe 63(16) confirme la pratique historique de la Commission exigeant qu’un demandeur établisse le caractère volontaire des documents écrits déposés auprès d’elle à l’appui de la demande, en soutenant que la Loi ne le prévoyait plus. La Commission a ajouté que sa conclusion était caractérisée par le pouvoir discrétionnaire accordé à la Commission en vertu du paragraphe 63(16), de rejeter une demande de révocation en raison du comportement de l’employeur, mais elle a affirmé qu’elle ne devait tenir une audience pour trancher ces questions que si les allégations d’inconduite étaient soulevées de manière à établir une apparence de violation du paragraphe 63(16).

145        Dans Bytown Electrical, la CRTO a formulé les commentaires qui suivent concernant les modifications législatives, aux paragraphes 107 à 109 (QL) :

[Traduction]

La disposition actuelle est énoncée au paragraphe 63(16) de la Loi : le caractère volontaire de la pétition n’est plus l’élément crucial à prendre en considération pour décider de la validité d’une pétition. En ayant à l’esprit que le syndicat n’a que faiblement soutenu que Bytown ou M. Boyd [traduction] « avait proféré des menaces ou eu recours à la coercition ou à l’intimidation relativement à la demande », la question à trancher est celle de savoir si l’employeur ou une personne agissant pour son compte est à l’origine de la demande de révocation de l’accréditation. Il ne s’agit pas de la même décision qu’il fallait prendre antérieurement. Il y a eu déplacement du FARDEAU DE LA PREUVE. Le syndicat doit maintenant établir que l’employeur est à l’origine de la demande, et il n’incombe plus aux pétitionnaires de prouver le caractère volontaire de leur pétition. Il ne s’agit pas de la seule différence. Les notions de « caractère volontaire » et d’absence d’« intervention de l’employeur » ne coïncident pas nécessairement. En outre, le point à prendre en considération pour la Commission est différent, l’ancienne décision ayant porté sur le « caractère volontaire », alors que le présent examen vise l’application du paragraphe 63(16) de la Loi. L’examen du caractère volontaire mettait l’accent sur les circonstances entourant la signature d’une pétition, tandis que l’examen actuel met l’accent sur l’origine de la demande. L’accent n’est pas mis uniquement sur la signature de la pétition et comprend la présentation de la demande. Dans la plupart des cas, cette distinction ne fera aucune différence, mais dans d’autres cas, elle pourrait être importante.

146        En invoquant Fallico, l’agent négociateur fait aussi valoir que la jurisprudence a confirmé que l’intention réelle de l’employeur n’est plus déterminante, puisque [traduction] « la perception des employés est fondamentale ». Dans cette affaire, la CRTO a déclaré ce qui suit au paragraphe 8 :

[Traduction]

Si l’initiative d’une pétition a effectivement lieu durant les heures de travail, la Commission a souligné que la simple indulgence de la part de la direction peut être suffisante pour invalider la pétition, parce qu’elle ne traduit plus la volonté des employés de manière fiable, et cela, encore une fois, parce que la perception des employés est fondamentale […]

147        Cette observation a aussi été faite dans le contexte de la version antérieure à 1995 de la LRTO, dans laquelle, comme il a été souligné, la CRTO était chargée de vérifier le nombre d’employés compris dans l’unité de négociation qui avaient librement exprimé par écrit qu’ils ne voulaient plus être représentés par le syndicat.

148        Par conséquent, je conclus que les décisions rendues dans le contexte de la version antérieure à 1995 de la LRTO, qui obligeait la CRTO à établir le caractère volontaire des signatures figurant dans la pétition, ne me sont pas utiles dans le contexte de la Loi, qui ne renferme aucune disposition directe ou analogue.

149        Quoi qu’il en soit, la disposition actuelle de la LRTO, au paragraphe 63(16), qui énonce les motifs pour lesquels la CRTO peut rejeter une demande, notamment lorsqu’un employeur ou une personne qui agit pour son compte est à l’origine de la requête ou a eu recours à la menace, à la contrainte ou à l’intimidation relativement à la requête, ainsi que les décisions rendues en vertu de ces dispositions, peuvent être utiles pour statuer sur les allégations dont je suis saisi. Je n’ai aucune difficulté à conclure qu’un pareil comportement, s’il est établi, constituerait une pratique déloyale de travail en vertu des dispositions prévues à l’article 186 de la Loi.

150        Dans Canadian Labour Law, deuxième édition, volume 2, George W. Adams formule des observations sur la pratique en vertu des dispositions actuelles de l’Ontario, au paragraphe 9.80 :

[Traduction]

[…] il incombe à la partie qui allègue une inconduite de présenter des éléments de preuve à l’appui de ses allégations, en apportant des preuves directes ou circonstancielles étayant l’ingérence ou l’inconduite de l’employeur. S’il est allégué que l’employeur est à l’origine de la demande, il faut démontrer que le comportement de l’employeur se traduit par une ingérence importante visant à influencer et que ce comportement a entraîné la demande de révocation. À titre d’exemple, la Commission a rejeté une demande de révocation en vertu de cet article dans un cas où l’employeur avait prié le demandeur de déposer la demande, l’avait aidé à préparer des arguments de droit et avait promis de fournir un soutien financier. La Commission demeure disposée à conclure qu’un employeur est intervenu de manière inappropriée sur le fondement des inférences raisonnables qui ressortent des éléments de preuve présentés ou non par les parties.

151        Pour décider s’il y a eu pratique déloyale de travail dans ce contexte, je m’appuie sur la jurisprudence de l’Ontario, qui ne met plus l’accent sur le caractère volontaire de la pétition et sur l’ingérence perçue de l’employeur dans le cadre de la demande de révocation, mais plutôt sur la preuve de l’intervention réelle de l’employeur.

2. Saskatchewan

152        L’article 5 de la Trade Union Act a habilité la commission de la Saskatchewan à rendre des ordonnances visant à annuler ses ordonnances ou à rendre des décisions visant l’accréditation des agents négociateurs à l’intention des unités d’employés.

153        Comme il a été souligné dans les discussions relatives à la Charte, l’article 9 de la Trade Union Act prévoit que la commission de la Saskatchewan peut rejeter ou annuler une demande qui lui est présentée par un employé ou un groupe d’employés, si elle est convaincue que la demande est présentée entièrement ou partiellement sur les conseils ou par suite de l’influence, de l’ingérence ou de l’intimidation de l’employeur ou de l’un de ses mandataires.

154        La Trade Union Act a été abrogée en 2013 et a été remplacée par la Saskatchewan Employment Act. La disposition explicite qui était prévue à l’article 9 ne figure plus dans la disposition qui traite maintenant de la révocation de l’accréditation. Les renvois aux dispositions sur les pratiques déloyales de travail peuvent être faits aux termes du paragraphe 6-62(1).

155        Les affaires dans lesquelles la commission de la Saskatchewan a invoqué l’article 9 de la Trade Union Act s’inscrivaient généralement dans l’une de deux catégories, comme il est précisé comme suit dans Re Williams, à la page 11 :

[Traduction]

[…]

1. Les circonstances dans lesquelles la Commission avait un motif impérieux de croire que la véritable motivation à l’origine de la décision de présenter une demande d’annulation était la volonté de l’employeur, plutôt que le souhait des employés. Voici des exemples de ces affaires : Wilson v. RWDSU and Remai Investment Co., supra; Larry Rowe and Anthony Kowalski v. Saskatchewan Joint Board, Retail, Wholesale and Department Store Union and Canadian Linen and Uniform Services Co., [2001] S.L.R.B.D. No. 74 [2001] Sask. L.R.B.R. 760, LRB File No. 104-01; Tyler Nadon v. United Steelworkers of America and X-Potential Products Inc., [2003] Sask. L.R.B.R. 383, 2003 CanLII 62864 (SK LRB), LRB File No. 076-03; Paproski v. International Union of Painters and Jordan Asbestos Removal, supra.

2. Les circonstances dans lesquelles la Commission a perdu confiance en la capacité des employés à décider de façon indépendante de la question de la représentation, au motif qu’en raison de la nature du comportement inapproprié de l’employeur, il est probable que leur capacité à en décider librement soit compromise. Voici des exemples de ces affaires : Schaeffer v. RWDSU and Loraas Disposal Services, supra; Patricia Bateman v. Saskatchewan Joint Board, Retail, Wholesale and Department Store Union and Empire Investments Corporation (Northwood Inn & Suites), 2009 CanLII 18238 (SK LRB), LRB File No. 149-08.

3. Île-du-Prince-Édouard

156        À l’appui de son argumentation, l’agent négociateur renvoie également à des décisions de l’Île-du-Prince-Édouard, qui mettent l’accent sur le caractère volontaire de l’appui de la majorité.

157        Dans Re Ross, la Commission des relations de travail de l’Île-du-Prince-Édouard devait décider si les exigences applicables à la révocation d’une ordonnance d’accréditation avaient été satisfaites. La Commission a établi que la majorité des employés avait effectivement signé la pétition, puis elle s’est penchée sur ce qu’elle a appelé [traduction] « le deuxième volet du critère législatif », qui consiste à déterminer si la majorité des employés ne souhaitait plus que le syndicat agisse comme agent négociateur.

158        Cette commission s’est fondée sur des décisions que la CRTO a rendues avant les modifications apportées à la LRTO en 1995, plus particulièrement sur l’exigence consistant à établir le caractère volontaire de la volonté des employés, comme il est précisé au paragraphe 57(3) de la version antérieure à 1995 de la LRTO, en invoquant Fallico, au paragraphe 69, et Pombinho.

159        Pour les motifs déjà exposés à la lumière des dispositions de la Loi, j’estime que cette décision n’est pas utile.

4. Nouveau-Brunswick

160        L’agent négociateur fait valoir que les employés sont si vulnérables à l’influence de l’employeur que celui-ci n’a même pas à créer cette influence, et que les déclarations d’opposition à un syndicat ont souvent été jugées involontaires lorsqu’elles étaient signées dans des circonstances où les employés pouvaient raisonnablement croire que le défaut de le faire parviendrait à l’attention de la direction. À l’appui de ces principes, l’agent négociateur a cité la décision de laCommission du travail et de l’emploi du Nouveau-Brunswick(la « commission du Nouveau-Brunswick ») dans Doherty, au paragraphe 26.

161        L’une des questions à trancher en l’espèce était celle de savoir si les signatures figurant dans la déclaration de volonté avaient été librement et volontairement obtenues. Le paragraphe 23(3) de la Loi sur les relations industrielles du Nouveau-Brunswick, qui a fait l’objet d’un examen, prévoit ce qui suit :

23(3) Lorsqu’une demande est faite en vertu des paragraphes (1) ou (2), la Commission doit s’assurer du nombre de salariés formant l’unité de négociation à la date de la présentation de cette demande et, si elle est convaincue que cette demande est appuyée, au moment déterminé en application de l’alinéa 126(2)e), par quarante pour cent au moins des salariés de l’unité de négociation ou a leur appui volontaire, alors la Commission doit s’assurer par un vote de représentation que la majorité des salariés désire qu’il soit mis fin au droit du syndicat ou du conseil syndical de négocier en leur nom.

[Je souligne.]

162        La commission du Nouveau-Brunswick a déclaré ce qui suit à la page 13, en citant une affaire antérieure :

[Traduction]

[…]

En l’espèce, la Commission est saisie d’une déclaration de volonté rédigée de manière convaincante et signée par presque tout l’effectif de l’unité de négociation. La Commission doit cependant toujours être convaincue que la motivation sous-jacente à cette déclaration était réellement de nature volontaire, c’est-à-dire, comme l’indiquent les affaires précitées, que les employés ne s’alignent pas simplement sur le choix de leur employeur, par crainte de s’y opposer, par peur des représailles ou pour toute autre raison. Il s’agit d’une obligation fondamentale de la Commission envers les employés eux-mêmes, qui constitue une condition préalable à l’exercice de son pouvoir d’ordonner la tenue d’un scrutin de représentation en vertu du paragraphe 49(3) de la Loi sur les relations de travail.

[…]

163        C’est dans ce contexte de la décision relative à la nature volontaire de la déclaration de volonté, au paragraphe 18, que la commission du Nouveau-Brunswick a déclaré ceci : [traduction] « […] les employés sont si vulnérables à l’influence de l’employeur que celui-ci n’a même pas à créer cette influence ».

164        Comme pour l’Ontario, dans le contexte de la Loi sur les relations industrielles du Nouveau-Brunswick qui oblige la commission du Nouveau-Brunswick à décider du caractère volontaire des signatures figurant dans une pétition, cette jurisprudence n’est guère utile pour interpréter la Loi, qui ne comporte aucune disposition directe ou analogue.

5. Colombie-Britannique

165        Lorsqu’une demande de révocation d’accréditation est présentée, l’alinéa 33(6)b) du Code de la Colombie-Britannique (C.-B.) autorise la commission de la C.-B. à annuler ou à refuser d’annuler l’accréditation d’un syndicat à titre d’agent négociateur d’une unité en l’absence de scrutin de représentation, ou sans égard au résultat d’un scrutin de représentation, dans tous les cas où [traduction] « […] la commission estime qu’en raison de l’ingérence inappropriée d’une personne, il est peu probable qu’un scrutin de représentation soit révélateur de la véritable volonté des employés » [je souligne].

166        Dans Kolbina Care,la commission de la C.-B. a appliqué une analyse en deux étapes pour statuer sur les allégations d’ingérence de l’employeur dans un cas de révocation d’accréditation.

167        La commission a déclaré ce qui suit (à la p. 15) :

[Traduction]

[…]

Pour exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’alinéa 33(6)b), la commission doit effectuer une analyse en deux étapes. Tout d’abord, elle doit conclure qu’il y a eu intervention inappropriée. Dans l’affirmative, à la deuxième étape de l’analyse, la commission doit décider s’il est peu probable que le scrutin de révocation d’accréditation soit révélateur de la véritable volonté des employés en raison de l’ingérence inappropriée […]

[…]

168        Dans C-Tron,la commission de la C.-B. a interprété l’expression [traduction] « ingérence inappropriée » qui est employée dans le Code de la C.-B. au sens d’un concept plus large que celui de pratique déloyale de travail. La commission de la C.-B. a élaboré un critère pour déterminer la véritable volonté des employés dans le contexte d’un scrutin de représentation et d’une conclusion d’ingérence inappropriée, au paragraphe 26, comme suit :

[Traduction]

[…] comment déterminer qu’il s’agit d’une « véritable volonté »? La norme est-elle objective ou subjective? Nous concluons que la norme pertinente est objective, et non subjective. L’utilisation d’un critère objectif a été confirmée dans South Surrey Hotel Ltd., BCLRB No. B25/94, qui traitait de la preuve dans le cadre d’une plainte de pratique déloyale de travail. La logique sous-jacente à un critère objectif dans cette affaire est aussi, sinon plus convaincante. En outre, la Commission a affirmé dans Simplex International Time Equipment Co., BCLRB No. B355/94 qu’il ne s’agit :

[Traduction]

[…] pas nécessairement d’une preuve directe de l’incidence de l’ingérence inappropriée sur l’état d’esprit des employés, mais plutôt d’une preuve des circonstances à partir desquelles [la Commission] peut raisonnablement conclure qu’il est peu probable qu’un scrutin de révocation d’accréditation soit révélateur de la véritable volonté des employés (p. 19).

En dernier lieu, la Commission peut examiner l’ensemble du cours des événements antérieurs au dépôt de la demande pour décider s’il est peu probable qu’un scrutin soit révélateur de la véritable volonté des employés : Michael C Wright Sales Ltd., BCLRB No. B221/93.

[…]

169        Cette disposition du Code de la C.-B. n’a pas été modifiée.

170        La Loi ne fait aucune allusion à l’ingérence de l’employeur dans le contexte d’une demande de révocation d’accréditation. Contrairement au Code de la C.-B., la Loi n’habilite pas la Commission à décider s’il y a eu « ingérence inappropriée » englobant non seulement les activités qui auraient été visées sous un libellé relatif aux pratiques déloyales de travail, mais aussi des activités d’ordre plus général qui n’auraient pas nécessairement été visées par le libellé.

171        L’approche axée sur l’analyse en deux étapes est fort intéressante. En réalité, beaucoup de commissions des relations de travail l’utilisent pour établir, en premier lieu, s’il y a eu ingérence de l’employeur constituant une pratique déloyale de travail et, en deuxième lieu, pour déterminer s’il est peu probable que le scrutin de révocation d’accréditation soit révélateur de la véritable volonté des employés, en raison de l’intervention inappropriée.

172        Pour décider si la volonté des employés a été entachée, la commission de laC.-B. applique une norme objective en fonction de laquelle il doit y avoir une preuve des circonstances permettant de conclure raisonnablement qu’il était peu probable que le scrutin fût révélateur de la véritable volonté des employés.

6. Alberta

173        Le paragraphe 51(1) du Code de l’Alberta prévoit les demandes de révocation d’accréditation. Il indique qu’avant d’accueillir pareille demande, l’Alberta Labour Relations Board (la « commission de l’Alberta ») doit être convaincue qu’à la suite d’un examen qu’elle jugeait nécessaire, certaines conditions relatives à la demande sont satisfaites :

[Traduction]

[…]

53(5) Avant de tenir un scrutin de représentation concernant une demande de révocation présentée par les employés, la Commission doit être convaincue, sur le fondement de la preuve présentée à l’appui de la demande et de son examen de cette preuve, qu’au moment du dépôt de la demande de révocation 40 p. 100 des employés de l’unité ont indiqué par écrit qu’ils appuient la demande de révocation.

[Je souligne.]

[…]

54(1) Lorsque la Commission est convaincue, au sujet des questions auxquelles renvoie le paragraphe 53(2) et, après avoir examiné les autres questions pertinentes, que les droits de négociation doivent être révoqués, la commission doit déclarer que les droits de négociation du syndicat sont révoqués, puis révoquer l’accréditation.

[…]

174        Dans Tundra Boiler, la commission de l’Alberta s’est penchée sur une demande de révocation des droits de négociation.

175        Un agent de la commission de l’Alberta a examiné la demande et conclu qu’elle avait été présentée dans le délai imparti, mais il était préoccupé par l’authenticité de la pétition et a confié à la commission le soin d’en établir le caractère volontaire.

176        Aux paragraphes 25 et 26 de la décision, la commission de l’Alberta a mentionné sa pratique concernant la pétition en tant que preuve, qui est énoncée dans le [traduction] Bulletin d’information no 13, Révocation des droits de négociation, V. Formule de demande, comme suit :

[Traduction]

25 Il est bien établi en droit que la Commission n’accepte la pétition en tant que preuve que si elle est convaincue que cette pétition constitue l’expression libre et volontaire de la volonté des employés. Autrement dit, il faut déterminer si nous pouvons avoir confiance que les signatures des employés reflétaient leur véritable volonté à ce moment-là. Dans le cadre de cette vérification, la commission examine si :

*la déclaration d’intention qui apparaît au haut de chaque page est remplie avant qu’une personne ne signe;

*chaque personne a la possibilité de lire la déclaration d’intention qui apparaît au haut de la pétition afin de comprendre ce qu’elle appuie en la signant;

*les signatures ont lieu devant témoin lorsqu’elles sont recueillies;

*les signatures ne sont pas recueillies durant les heures de travail;

*le ou les organisateurs de la pétition sont toujours en possession matérielle de la pétition. (Voir : Bulletin d’information no 13, Révocation des droits de négociation, V. Formule de demande).

26 La commission examine aussi si la direction est intervenue dans le lancement de la pétition ou dans sa mise en circulation. À cet égard, la Commission examine si l’employeur a exercé des pressions de manière injustifiée. La Commission examine notamment les facteurs suivants :

*la demande n’était pas l’idée de la direction;

*la demande ou son intention n’ont fait l’objet d’aucune discussion avec un membre de la direction;

*aucun membre de la direction n’a offert aux employés une récompense ou un avantage pour avoir lancé ou acheminé la demande de révocation;

*aucun membre de la direction n’a menacé de licenciement, de réduction de salaire ou de toute autre chose liée à l’emploi auprès de l’employeur une personne qui n’aurait pas appuyé la demande;

*le porte-parole n’a pas été incité à croire que la demande de révocation serait financée totalement ou partiellement par l’employeur […]

177        La commission de l’Alberta, on présume en s’appuyant sur son vaste pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 54 de la loi applicable et sur la directive de l’organe législatif consistant à examiner la preuve à l’appui de la pétition, a incorporé à sa législation un critère selon lequel elle n’accepte la pétition en tant que preuve que si celle-ci constitue l’expression libre et volontaire de la volonté des employés, comme en témoigne son bulletin d’information.

178        Comme en ce qui concerne les décisions rendues en Ontario avant 1995, et pour les mêmes motifs, j’estime que la pratique de la commission de l’Alberta concernant l’examen du caractère volontaire n’est pas utile à l’égard de la question à trancher, puisqu’il n’y a aucune disposition analogue dans la Loi. Quoi qu’il en soit, j’estime que l’énoncé des considérations dont tient compte la commission de l’Alberta, dont celles énoncées ci-après, est utile lorsqu’il faut décider s’il y a eu des pressions injustifiées de la part de l’employeur :

  • l’initiative de la pétition, comme en Ontario;
  • l’absence d’offre de récompense ou d’avantage aux employés pour avoir lancé ou acheminé la demande de révocation;
  • l’absence de menace de licenciement, de réduction de salaire ou autre à l’égard de l’emploi auprès de l’employeur si une personne n’appuie pas la demande;
  • le demandeur n’a pas été incité à croire que la demande de révocation serait financée intégralement ou partiellement par l’employeur.

IX. Conclusion sur la jurisprudence et les régimes de relations du travail fédéral et provinciaux

179        Aucune disposition analogue de la Loi n’habilite la Commission à outrepasser ses pouvoirs énoncés à l’article 186, qui porte sur les pratiques déloyales de travail, lorsqu’il s’agit de décider si un employeur est intervenu à l’égard d’une demande de révocation.

180        Comme il a déjà été mentionné, je conclus que les décisions rendues en vertu du Code sont utiles pour statuer sur les allégations dont je suis saisi, puisque les dispositions législatives sont très similaires à celles de la Loi.

181        De plus, comme je l’ai déjà dit, je n’ai aucune difficulté à conclure que les motifs sur lesquels la CRTO peut se fonder pour rejeter une demande de révocation d’accréditation en vertu des dispositions actuelles de l’Ontario, à savoir le paragraphe 63(16), constitueraient, s’ils sont prouvés, une pratique déloyale de travail en vertu des dispositions prévues à l’article 186 de la Loi. Selon ces motifs, l’employeur ou une personne agissant pour son compte serait à l’origine de la demande ou aurait eu recours aux menaces, à la coercition ou à l’intimidation dans le cadre de celle-ci.

182        J’estime également que les décisions rendues en vertu de cette disposition sont utiles, dans la mesure où un critère raisonnable y est énoncé pour décider s’il y a eu ingérence de l’employeur en ce qui concerne l’origine des allégations de l’agent négociateur, à savoir que le comportement de l’employeur a exercé une forte influence sur la décision de présenter la demande de révocation.

183        Ces décisions traitent également de la façon d’aborder les préoccupations concernant le caractère inapproprié de l’ingérence de l’employeur à l’égard d’une demande de révocation, c’est-à-dire le caractère volontaire, dans les cas où aucune disposition expresse de la Loi n’habilite la Commission à procéder à cet examen. Un comportement tel que la mise en circulation de pétitions durant les heures de travail peut constituer une intervention inappropriée de l’employeur si, lorsque combiné à d’autres facteurs, il permet de conclure que le comportement de l’employeur a exercé une forte influence sur la décision de présenter la demande de révocation.

184        De plus, ces décisions défendent le principe voulant qu’en vertu de la version actuelle de la LRTO, la CRTO se préoccupe davantage de l’intervention réelle que de l’intervention perçue à l’égard des demandes de révocation.

185        J’estime par ailleurs que l’énoncé des considérations dont la commission de l’Alberta a tenu compte est utile lorsqu’il faut décider s’il y a eu des pressions injustifiées de la part de l’employeur.

186        Il semble y avoir unchevauchement important des facteurs examinés par le CCRI, la CRTO et la commission de l’Alberta.

187        Quant au fardeau dont il faut s’acquitter, il est reconnu dans la jurisprudence qu’il incombe à l’agent négociateur d’établir qu’il y a eu ingérence inappropriée de la part de l’employeur. Les preuves circonstancielles peuvent suffire pour tirer cette conclusion, surtout dans des circonstances où l’employeur ne cite aucun témoin en réplique.

188        L’analyse en deux étapes adoptée par la commission de la C.-B. est fort intéressante. Quant au processus, je propose de l’utiliser dans les circonstances en l’espèce. En premier lieu, je déciderai si l’employeur s’est livré à une pratique déloyale de travail; dans l’affirmative, je déciderai si, en raison des circonstances entourant cette pratique, il est peu probable que le scrutin de révocation d’accréditation soit révélateur de la véritable volonté des employés.

189        De plus, je m’appuie sur les décisions rendues par les tribunaux et la commission des relations de travail de la Saskatchewan, dans lesquelles il est affirmé qu’il faut invoquer un motif impérieux lié aux relations de travail pour refuser les droits des employés garantis par la Charte à décider par eux-mêmes s’ils souhaitent continuer d’être représentés par un syndicat, et que le comportement contesté de l’employeur est de nature et d’une importance telles que ses répercussions probables pourraient compromettre la capacité des employés raisonnablement courageux à exercer leurs droits en toute liberté.

X. Les questions à trancher

190        En l’espèce, je dois trancher deux questions distinctes. La première est la suivante : y a-t-il eu ingérence de l’employeur ou de personnes agissant pour son compte, dans le cadre d’une pratique déloyale de travail, à l’égard de la demande de révocation qui a été déposée le 26 octobre 2015?

191        L’autre question est celle de savoir si l’employeur ou une personne agissant pour son compte est intervenu dans le cadre de la demande de révocation après le 26 octobre 2015, en s’adonnant à une pratique déloyale de travail et, le cas échéant, si en raison des circonstances entourant cette inconduite, il est peu probable que le scrutin de révocation d’accréditation soit révélateur de la véritable volonté des employés de l’unité de négociation.

192        La preuve pertinente à la première question concerne la période suivant la campagne de révocation qui a débuté le 26 octobre 2015, date à laquelle la demande de révocation a été déposée auprès de la Commission.

193        La preuve pertinente à la deuxième question concerne la période postérieure au 26 octobre 2015, qui comprend la tenue du scrutin de révocation entre le 17 et le 25 octobre 2016.

XI. M. Lala ou Mme Arey occupaient-ils un poste de directionou de confiance ou agissaient-ils pour le compte del’employeur durant la campagne de révocation?

194        Le paragraphe 186(1) de la Loi prévoit qu’il est interdit à l’employeur et au titulaire d’un poste de direction ou de confiance, qu’il agisse ou non pour le compte de l’employeur, de participer à la formation ou à l’administration d’une organisation syndicale ou d’intervenir dans l’une ou l’autre ou dans la représentation des fonctionnaires par celle-ci.

195        M. Lala ou Mme Arey occupaient-ils un poste de directionou de confiance auprès de l’employeur? Subsidiairement, l’un ou l’autre a-t-il agi pour le compte de l’employeur durant la campagne de révocation?

196        Le directeur général de l’exploitation du club de golf à la BFC d’Edmonton, M. Gawley, qui était chargé de toutes les activités liées au golf et au curling, ainsi que des aliments et des boissons et du bar et de la cuisine, a déclaré que M. Lala étaitle responsable des aliments et des boissons. M. Lala relevait de lui.

197        Le poste de superviseur des aliments et des boissonsa été créé parce que les activités de l’employeur nécessitaient une voie unique pour donner les directives à l’intention du bar se trouvant à la cuisine. M. Lala a occupé le poste pendant environ deux ans. Il était titulaire d’un poste de supervision et il était chargé de la préparation des aliments; ses heures de travail étaient variables. Le poste était syndiqué, tout comme ceux de tous les employés participant aux opérations, à l’exception des postes de gestionnaire et de gestionnaire adjoint. M. Lala n’occupait pas un poste de direction.

198        Peu de temps après l’embauche de M. Lala comme chef cuisinier et superviseur, il a demandé une carte professionnelle arborant le titre de [traduction] « gestionnaire », afin d’obtenir de meilleures offres des fournisseurs. M. Gawley y a consenti. M. Lala demeurait superviseur; il n’était pas un gestionnaire et aucun changement n’a été apporté à son autorité au travail. M. Gawley a affirmé que l’attribution d’un titre à M. Lala n’était pas un cas particulier dans l’organisation, et qu’il n’était pas inhabituel dans l’industrie du golf, où le titre de [traduction] « gestionnaire des aliments et des boissons » est habituel.

199        Le gestionnaire principal du programme de soutien du personnel (PSP) à Edmonton, M. Pigden, a corroboré le témoignage de M. Gawley concernant la création du poste de superviseurdes aliments et des boissonset a confirmé qu’il était inclus dans l’unité de négociation.

200        Mme Stanners, a occupé le poste de gestionnaire responsable des magasins de détail et d’alcools à la BFC. Elle a déclaré que Mme Arey était superviseure à l’Expressmart. Toutes les personnes qui y travaillaient relevaient de Mme Arey, qui était leur premier point de contact. Mme Arey était chargée de la gestion du personnel pour ce qui était des horaires, des congés, des vacances, etc. En qualité de superviseure, elle pouvait donner des avertissements. Cependant, elle devait consulter Mme Stanners si elle devait émettre un avertissement par écrit. Le poste de Mme Arey faisait partie de l’unité de négociation.

201        Les témoins de l’agent négociateur n’ont pas contesté que les superviseurs faisaient partie de l’unité de négociation, y compris les postes de M. Lala et de Mme Arey. M. Lala n’était pas membre de l’agent négociateur; cependant, en tant qu’employé assujetti à la formule Rand, il lui versait des cotisations.

202        L’article 2 de la Loi définit un « poste de direction ou de confiance » comme un poste déclaré tel au moyen d’une ordonnance de la Commission. Rien n’indiquait que le poste de M. Lala ou celui de Mme Arey avait été déclaré poste de direction ou de confiance par la Commission.

203        Aucun élément de preuve n’a été produit à l’appui de la conclusion selon laquelle M. Lala ou Mme Arey agissait pour le compte de l’employeur.

204        Par conséquent, je conclus que M. Lala et Mme Arey n’étaient pas titulaires d’un poste de direction ou de confiance ou et qu’ils n’agissaient pas pour le compte de l’employeur.

205        Cependant, l’agent négociateur prétend que l’employeur a appuyé de manière inappropriée la campagne de révocation menée par M. Lala, en autorisant celui-ci à utiliser le titre de [traduction] « gestionnaire ». Les employés le percevaient donc comme un gestionnaire et, par conséquent, l’employeur est intervenu à l’égard de la demande de révocation.

XII. L’employeur a-t-il appuyé de manière inappropriée la campagne de révocation menée par M. Lala?

206        J’aborderai dans l’ordre qui suit les allégations voulant que l’employeur ait appuyé de manière inappropriée la campagne de révocation menée par M. Lala :

  • en ne l’empêchant pas de faire campagne en milieu de travail durant les heures de travail avant le 26 octobre 2015;
  • en lui fournissant des renseignements cruciaux concernant les membres de l’unité de négociation facilitant ainsi ses efforts en lien avec la révocation de l’accréditation
  • en l’autorisant à utiliser le titre de [traduction] « gestionnaire ».

A. L’employeur a-t-il omis d’empêcher M. Lala de faire campagne en milieu de travail durant les heures de travail avant le 26 octobre 2015?

1. Résumé de la preuve de l’agent négociateur

a. Mme Stewart

207        Mme Stewart supervise les activités quotidiennes de la section locale 401 des TUAC dans le nord de l’Alberta. En date de l’audience, elle occupait son poste depuis environ trois ans.

208        En juin 2015 ou vers cette date, Mme Stewart a appris que certains employés souhaitaient révoquer l’accréditation de l’agent négociateur.

209        Mme Stewart s’est souvenue d’une conversation téléphonique avec M. Lala au début de septembre 2015. Il appelait pour se plaindre au sujet du représentant de son agent négociateur. Pendant cet appel, ils ont parlé de la demande de révocation qui circulait à la base. À la fin de l’appel, ils ont proposé de se rencontrer, ainsi que d’autres employés de la base, pour discuter de leurs préoccupations.

210        M. Lala a avisé Mme Stewart que certains employés lui avaient demandé d’entamer une demande de révocation.

211        M. Lala a avisé Mme Stewart que certains employés signaient une pétition et que, à ce moment-là, ils la signaient depuis deux semaines environ.

212        M. Lala a informé Mme Stewart qu’il avait l’appui des employés qui travaillaient au poste d’essence, au magasin d’alcools, à la salle à manger et dans son secteur du parcours de golf.

213        M. Lala a parlé d’une rencontre remontant à juin 2015, avec le représentant de l’agent négociateur pour la base, M. Zigart, et des membres del’unité de négociation, concernant les propositions de l’agent négociateur aux fins de la négociation collective. M. Lala a avisé Mme Stewart qu’il ne souhaitait pas que la négociation collective eût lieu, parce que, à son avis, les propositions n’étaient pas équitables.

214        M. Lala a aussi avisé Mme Stewart que les RH lui avaient demandé s’il faisait circuler la pétition pendant les heures de travail. Il lui a dit qu’il avait avisé les RH que ce n’était pas le cas. Celles-ci lui ont dit qu’il pouvait aller de l’avant.

215        M. Lala a dit à Mme Stewart que huit femmes qui travaillaient au poste d’essence souhaitaient quitter l’agent négociateur, et que d’autres employés étaient mécontents de l’augmentation des cotisations syndicales.

b. M. Nanson

216        Durant l’été 2015, Mme Arey était la superviseure de M. Nanson. Elle relevait de Mme Stanners. Mme Arey était notamment chargée du travail d’employés de bureau et de veiller à ce que la caisse balance.

217        M. Nanson a déclaré qu’il avait rempli une formule 5 de la Commission (« Demande de révocation d’accréditation ») à l’appui de la révocation, en septembre 2015 ou vers cette date. Mme Arey lui avait montré la formule et la lui avait expliquée. Il l’a signée dans l’arrière-boutique du CANEX.

218        Mme Arey a avisé M. Nanson que la convention collective n’apportait aucun avantage supplémentaire par rapport à la politique du personnel des RH, et que le versement de cotisations à l’agent négociateur était de l’argent gaspillé.

219        M. Nanson a déclaré que, à ce moment-là, il croyait recevoir des renseignements factuels. Subséquemment, il a lu la politique des RH, l’a comparée aux dispositions de la convention collective et a conclu que cette politique comportait sensiblement moins d’avantages que n’en prévoyait la convention collective. Par conséquent, il a ensuite signé une déclaration d’opposition à la demande de révocation.

220        M. Nanson n’était pas en fonction au moment où il a signé la formule 5. Il ne savait pas si Mme Arey était en fonction ou non, parce qu’elle avait un horaire de travail souple. Il n’y a aucun règlement officiel en place afin d’empêcher un employé de rester dans l’antichambre lorsqu’il n’est pas en fonction. M. Nanson passe aussi du temps à parler avec les superviseurs et les gestionnaires dans la zone arrière.

221        M. Nanson s’est souvenu d’une conversation qu’il avait eue avec Mme Arey au sujet de la révocation de l’agent négociateur avant de signer la formule. La conversation avait eu lieu dans l’aire de chargement de l’Expressmart avant son quart de travail et celui de Mme Arey.

222        M. Nanson a rempli une déclaration d’opposition le 23 novembre 2015. Il y a écrit qu’après avoir recueilli tous les renseignements pertinents, il était d’avis qu’il souhaitait maintenir l’agent négociateur.

223        M. Nanson a vu M. Lala parler à un collègue à propos de ses sentiments au sujet de l’agent négociateur. La conversation a eu lieu à l’extérieur, devant le magasin, dans une zone désignée aux pauses pour fumeurs.

224        Mme Arey n’a pas discuté de cette question avec M. Nanson après que ce dernier ait signé la déclaration d’opposition. M. Lala s’est adressé à lui pendant qu’il était en fonction, à la caisse enregistreuse. M. Lala a dit à M. Nanson qu’il l’avait entendu dire qu’il avait signé une déclaration d’opposition et il lui a demandé pourquoi il avait changé d’idée. M. Nanson lui a répondu qu’il avait lu la politique des RH.

225        Le comportement de M. Lala est devenu offensant, mais il est parti après quelques minutes. M. Nanson ne se souvenait pas si des clients se trouvaient dans le magasin à ce moment-là. La conversation a eu lieu entre midi et 13 h 30. M. Lala portait son uniforme, soit un pantalon noir et une chemise noire arborant l’insigne du club de curling.

226        Lorsque M. Lala discutait avec d’autres personnes, M. Nanson n’entendait pas ce qui se disait. Ses collègues l’avaient avisé qu’ils parlaient de l’agent négociateur.

227        À la connaissance de M. Nanson, seuls les employés de l’Expressmart étaient autorisés à entrer dans l’arrière-boutique, à moins que d’autres personnes aient reçu l’autorisation.

228        M. Lala allait dans l’arrière-boutique deux ou trois fois par semaine, vers l’heure du déjeuner, afin de s’entretenir avec Mme Arey.

229        M. Nanson a confirmé que lorsqu’il a vu M. Lala parler avec des employés dans la zone réservée aux fumeurs, qui se trouvait à environ trente ou quarante pieds du CANEX, il ne pouvait pas entendre ce qui se disait.

230        M. Nanson n’était pas au courant de l’horaire de M. Lala, ni du moment où il prenait ses pauses.

c. Mme Gracie

231        Au cours de l’été 2015, Mme Arey était la superviseure de Mme Gracie.

232        Mme Arey a communiqué avec Mme Gracie alors que cette dernière était en congé de maladie. Elle lui a dit que la politique des RH était meilleure que la convention collective et que les employés s’en tireraient mieux sans l’agent négociateur.

233        Lorsque Mme Gracie est retournée au travail, Mme Arey lui a remis une formule concernant la demande de révocation. Mme Gracie était alors à la caisse, pendant ses heures de travail. Mme Arey a demandé que la formule lui soit retournée à la fin de la journée. Mme Gracie s’est sentie obligée de signer la formule, parce que Mme Arey le demandait continuellement. Au meilleur des souvenirs de Mme Gracie, cet événement a eu lieu en septembre 2015. Elle ne parvenait pas à se rappeler si c’était au début ou à la fin du mois.

234        Mme Gracie a eu d’autres discussions avec Mme Arey dans l’arrière-boutique au sujet de la révocation de l’agent négociateur, dont certaines ont eu lieu pendant les heures de travail.

235        Mme Gracie a aussi déclaré que la gestionnaire, Mme Stanners, avait été présente à certaines de ces discussions.

236        Mme Gracie a reconnu qu’elle n’avait pas abordé cette question avec Mme Stanners.

237        Mme Gracie et plusieurs autres employés qui avaient signé la demande de révocation souhaitaient modifier leur position. Ils ont demandé à rencontrer l’agent négociateur à l’extérieur. Un collègue a organisé une rencontre avec M. Zigart.

238        M. Lala a confronté Mme Gracie quelques semaines après que cette dernière ait signé une déclaration d’opposition. Il lui a dit qu’elle n’aurait pas dû la signer et il l’a informée qu’il tentait d’obtenir des augmentations de salaire, des avantages sociaux et des emplois à temps plein. Mme Gracie a déclaré qu’elle en avait été troublée.

239        Mme Gracie lui a demandé comment il avait appris qu’elle avait signé la déclaration d’opposition. Elle croyait que c’était confidentiel. La conversation a eu lieu derrière la caisse parce qu’elle travaillait à ce moment-là. M. Lala ne lui a pas dit comment il avait appris qu’elle avait signé la déclaration d’opposition.

240        Mme Gracie a vu M. Lala et Mme Arey parler de révoquer l’accréditation de l’agent négociateur. Leurs discussions avaient lieu deux ou trois fois par semaine, pendant les heures de travail de Mme Arey, et duraient une quinzaine ou une vingtaine de minutes.

241        Mme Gracie croyait que Mme Stanners était au courant de ces discussions, parce que M. Lala allait rencontrer Mme Arey dans l’arrière-boutique. Le bureau de Mme Stanners se trouvait aussi à l’arrière du CANEX.

242        En contre-interrogatoire, Mme Gracie a reconnu qu’elle n’avait pas assisté à ces discussions qui se tenaient dans l’arrière-boutique et qu’elle ignorait si elles concernaient la demande de révocation.

243        Mme Gracie a vu M. Lala venir à l’Expressmart afin d’acheter des articles. Il discutait alors avec les caissiers.

d. Mme Fanjoy

244        Mme Fanjoy est actuellement au service du bureau de poste de l’Expressmart, et ce, depuis décembre 2016. Avant, elle a été employée comme commis et caissière à temps partiel à l’Expressmart pendant cinq ans et demi.

245        Au moment du dépôt de la demande de révocation, la superviseure de Mme Fanjoy était Mme Arey.

246        Mme Fanjoy a rempli une déclaration d’opposition à la demande de révocation qu’elle avait initialement appuyée. Elle a déclaré ce qui suit : [traduction] « J’ai été induite en erreur et je me suis sentie forcée de signer la pétition concernant la révocation du syndicat ».

247        Mme Fanjoy a déclaré que Mme Arey l’avait approchée pendant sa pause déjeuner, alors qu’elle était assise dans la zone arrière de l’Expressmart. Mme Arey lui a demandé si elle pouvait signer les documents et lui a précisé qu’elle en avait besoin avant la fin de la journée. Mme Arey était debout derrière elle et s’est ensuite assise avant de lui demander si elle pouvait signer rapidement les documents.

248        Mme Fanjoy a signé la demande. Elle a affirmé qu’elle avait senti une certaine pression puisqu’elle n’avait qu’une courte pause pour le déjeuner.

249        Mme Fanjoy a affirmé avoir été induite en erreur à l’égard de la déclaration d’opposition parce que la superviseure lui avait dit que les employés obtiendraient divers avantages et que M. Lala avait dit qu’il s’efforcerait de renégocier au nom des employés, notamment les avantages pour les employés à temps partiel, dont la création d’un plus grand nombre de postes à temps plein.

250        Selon Mme Fanjoy, il était fort probable que M. Lala atteigne ces objectifs. Compte tenu de son savoir-être, de sa capacité à interagir avec les personnes plus haut placées dans la hiérarchie et à faire du va-et-vient, il semblait avoir l’appui de l’employeur.

251        À la fin du printemps ou au début de l’été 2015, Mme Fanjoy a parlé de la révocation de l’agent négociateur avec Mme Arey. Cette dernière a mentionné qu’une somme importante était versée à l’agent négociateur par le biais des cotisations. Si l’accréditation était révoquée, M. Lala se battrait pour améliorer les avantages des employés. Trois à cinq discussions de cet ordre ont été tenues, parfois durant les heures de travail.

252        Mme Fanjoy a signé la demande initiale durant une pause déjeuner.

253        À l’époque, Mme Fanjoy était d’avis que Mme Arey veillait à ses intérêts, puisqu’elle était sa superviseure. Elle a aussi tenu compte du fait qu’il valait mieux s’entendre avec Mme Arey en sa qualité de superviseure, puisque celle-ci prévoyait les quarts de travail, les vacances etc., et qu’elle ne voulait pas se la mettre à dos.

254        Mme Fanjoy a vu M. Lala parler avec des employés dans les zones fumeurs à l’extérieur des installations durant les heures de travail. Au début, cela se produisait environ une fois par semaine puis, par la suite, deux ou trois fois par semaine. M. Lala portait ses uniformes de chef blancs ou kaki.

255        Mme Fanjoy était d’avis que Mme Stanners devait être au courant de la présence de M. Lala, puisque des caméras de surveillance étaient branchées vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept.

256        Mme Fanjoy a reconnu en contre-interrogatoire qu’elle ne connaissait pas l’horaire de travail de M. Lala, ni ses jours de congé.

257        Mme Fanjoy était d’avis que seuls les employés du CANEX, les représentants des fournisseurs, le personnel des RH ou celui du quartier général étaient censés avoir accès à l’arrière-boutique du CANEX, à moins qu’une personne ne soit invitée.

258        À son avis, en tant qu’employé du club de golf et du cercle sportif, M. Lala n’aurait eu aucune raison d’aller dans l’arrière-boutique.

259        Mme Fanjoy avait l’impression que l’employeur appuyait M. Lala. Il lui semblait que l’employeur accordait des congés à M. Lala pour discuter de certaines affaires avec les employés.

260        Mme Fanjoy a aussi reconnu qu’elle avait parlé de la question de la révocation avec M. Nanson et Mme Gracie durant les pauses.

e. Mme Van Hees

261        Mme Van Hees est une employée à temps partiel des FNP. Elle occupe un poste de barmaid au club de golf et de curling. Elle a commencé à travailler au service de bar en avril 2015. Entre autres tâches, elle ouvre et ferme le bar, veille au contrôle des clés, sert les clients, prépare les boissons, sert les repas et effectue les dépôts bancaires.

262        À titre d’employée à temps partiel, Mme Van Hees travaille de treize à trente-deux heures par semaine.

263        Mme Van Hees a été nommée déléguée syndicale en juin 2016.

264        Mme Van Hees a été interrogée au sujet des horaires de travail de M. Lala. Les horaires des employés étaient affichés sur un babillard. M. Lala était un employé à temps plein qui travaillait supposément des quarts de jour, à raison de quarante heures par semaine. Selon l’horaire, il ne devait pas travailler les quarts de nuit, ni les fins de semaine. Il travaillait en première ligne aux heures d’affluence, par exemple, pendant le déjeuner. S’il n’effectuait pas des tâches administratives, il travaillait à l’arrière à la préparation des aliments.

265        Mme Van Hees a eu des discussions avec M. Lala au sujet de l’agent négociateur. Habituellement, ces discussions n’allaient pas bien, parce que M. Lala était le fer de lance de la demande de révocation. L’interaction se produisait lorsque Mme Van Hees intervenait dans les discussions que M. Lala avait avec d’autres membres du personnel au sujet de l’agent négociateur. Elle croyait que M. Lala donnait des informations erronées aux employés.

266        Mme Van Hees s’est souvenue d’avoir vu M. Lala fournir des documents à une employée qui travaillait au dénombrement des boissons. Il lui avait alors demandé de lire le document et de le signer. Mme Van Hees cherchait alors M. Lala. Elle avait ouvert la porte arrière de l’installation où s’effectue le dénombrement des boissons et avait été témoin de leur entretien.

267        M. Lala a alors demandé à Mme Van Hees ce qu’elle voulait. Elle a répondu qu’elle avait besoin de l’aide de l’employée pour fermer la cuisine.

268        Mme Van Hees a dit à M. Lala qu’il ne pouvait pas s’occuper des affaires liées à l’agent négociateur pendant les heures de travail. Il s’est fâché contre elle. Mme Van Hees a dit ceci : [traduction] « Super. Je suis membre de l’agent négociateur. Moi aussi je veux les documents ». M. Lala a répondu « non », parce qu’elle n’appuyait pas la demande de révocation. Mme Van Hees a de nouveau avisé M. Lala qu’il n’était pas autorisé à faire signer des documents durant les heures de travail.

269        Mme Van Hees a déclaré s’être sentie intimidée et menacée. M. Lala était agressif et fâché, et il était son superviseur. Elle a rédigé une déclaration et l’a transmise à M. Zigart.

270        Mme Van Hees a constaté que M. Lala entrait et sortait des installations à son gré. Il ne devait être sur place en première ligne qu’aux heures d’achalandage et au déjeuner.

271        Des plaintes ont été adressées au superviseur du bar-salon concernant les allées et venues de M. Lala. Le superviseur du bar-salon a soulevé la question auprès du gestionnaire de M. Lala, M. Gawley. Par la suite, M. Lala avisait les employés qu’il allait prendre une pause. Il lui arrivait parfois de s’absenter jusqu’à quarante minutes. Les employés à temps plein avaient droit à deux pauses de dix minutes.

272        Mme Van Hees a reconnu que l’exploitation des services d’aliments et de boissons et de bar est un jeu d’équilibre, et que les demandes fluctuent. Elle était une employée à temps partiel avec un horaire variable. Elle n’était pas toujours au travail lorsque M. Lala, un employé à temps plein, travaillait.

f. Mme Lachance

273        Mme Lachance travaille actuellement comme barmaid au mess des caporaux et des soldats de la BFC Edmonton. Elle est au service de la base depuis août 2014. Initialement, elle a travaillé comme barmaid au mess des officiers à titre occasionnel. Les employés occasionnels ne sont pas couverts par la convention collective. Mme Lachance est devenue employée à temps partiel en juin 2015. Elle a commencé à travailler au mess des caporaux et des soldats en juillet 2016.

274        Pendant que Mme Lachance travaillait au mess des officiers, sa superviseure était Dawn Decosse, qui relevait elle-même d’un gestionnaire.

275        Le mari et le père de Mme Lachance sont des militaires.

276        En septembre 2015, Mme Lachance a eu une conversation avec M. Lala durant son quart de travail au bar du sous-sol. Celui-ci lui a remis un document et lui a dit que si elle était d’avis que l’accréditation de l’agent négociateur devait être révoquée, elle devait signer ce document. M. Lala a expliqué qu’il n’y avait aucune bonne raison de garder l’agent négociateur et que les forces armées les protègeraient, eux et leurs postes. Il a affirmé qu’il ne voulait pas lui dire quoi faire et qu’il s’agissait de son choix. Elle travaillait à ce moment-là.

277        Mme Lachance a déclaré s’être sentie obligée, parce que M. Lala insistait. La conversation a duré une quinzaine de minutes.

278        M. Lala a remis deux documents à Mme Lachance, un pour elle et l’autre pour sa collègue. Elle les a rangés à l’arrière du bar.

279        Mme Lachance a déclaré que seuls les officiers et le personnel affecté sont admis au mess des officiers. Elle a dit à sa superviseure que M. Lala lui avait remis les documents. Sa superviseure a rétorqué que M. Lala ne pouvait pas entrer au mess des officiers et qu’elle n’avait pas à signer les documents. Mme Lachance a affirmé qu’il s’agissait alors d’une conversation amicale avec sa superviseure, et qu’elle n’avait pas eu le sentiment d’être obligée de partager l’avis de celle-ci.

280        Cette conversation a eu lieu quelques jours après la discussion de Mme Lachance avec M. Lala. Mme Decosse a dit à Mme Lachance que l’information transmise par M. Lala était fausse, et que l’armée pouvait sous-traiter du travail. Sa superviseure lui a dit que l’agent négociateur offrait une protection. Cette discussion a eu lieu avant le quart de travail de Mme Lachance.

281        À l’occasion de l’événement [traduction] « Dieu, merci, c’est vendredi», les officiers vont prendre une bière et dîner sans frais au mess. Le vendredi suivant la discussion de Mme Lachance avec M. Lala ou la semaine d’après, celui-ci est entré dans le mess. Il apportait les plats. Il a demandé à Mme Lachance si elle avait pensé à ce qu’il lui avait dit au sujet de la révocation. Elle a répondu : [traduction] « Oui »; elle a cependant déclaré qu’elle « n’avait pas le temps cette journée-là ». C’est la seule phrase qui a été prononcée. Il y avait beaucoup de clients au mess.

282        Mme Lachance a informé sa superviseure de l’incident et cette dernière lui a dit que M. Lala ne pouvait pas entrer dans le bar. Lors de sa première conversation avec M. Lala, elle ignorait s’il travaillait à ce moment-là.

283        Mme Lachance a déclaré ne pas avoir signé la formule de demande de révocation.

g. M. Zigart

284        M. Zigart est agent principal des relations du travail auprès de l’agent négociateur. Il est représentant à temps plein de l’agent négociateur depuis quinze ans. Il a été représentant pour les redressements pendant cinq ans et délégué syndical pendant huit ans. Il travaillait auparavant pour Safeway Warehousing.

285        M. Zigart est chargé d’administrer dix conventions collectives, dont une à la BFC Edmonton. Il est responsable de cette convention collective depuis janvier 2015. L’unité de négociation comprend environ 74 personnes. À la fin de septembre ou au début d’octobre, la plupart des employés du parcours de golf sont mis en disponibilité. Les autres unités mènent des activités stables toute l’année. Les superviseurs font partie de l’unité de négociation.

286        Il y a d’autres agents négociateurs à la base, par exemple le Syndicat canadien de la fonction publique, l’Union des employés de la Défense nationale et l’Alliance de la Fonction publique du Canada. Le principal objectif des employés qui travaillent dans l’unité de négociation en litige consiste à offrir des services à l’armée. Les mess sont un peu comme des clubs privés réservés aux gradés. Beaucoup d’employés sont des conjoints ou des enfants des membres du personnel militaire. Plusieurs anciens membres du personnel militaire font partie de l’unité de négociation.

287        M. Zigart avait rencontré M. Lala. Il a dit de leur première conversation qu’elle n’avait guère été concluante. Peu de temps après avoir été nommé représentant de l’agent négociateur à la base, il s’est présenté à M. Lala, qui travaillait à ce moment-là. M. Lala avait alors émis un commentaire désagréable sur l’agent négociateur.

288        Quelques semaines plus tard, M. Lala a abordé M. Zigart dans le bar-salon. Il lui a dit qu’il représentait tous les employés de l’unité et qu’il voulait se débarrasser de l’agent négociateur. Cette conversation a eu lieu en avril ou mai 2015.

289        En septembre 2015, des représentants de l’agent négociateur ont visité la base afin de contrer la campagne de révocation menée par M. Lala. M. Zigart a déclaré qu’en raison des questions qu’il soulevait au nom du syndicat, la direction est allée le voir au sujet des visites de la base, en alléguant qu’il ne l’avait pas informée et qu’il n’avait pas reçu l’autorisation de visiter la base.

290        M. Zigart a convenu qu’il aurait dû informer la direction des visites de la base au préalable. Cette question n’avait pas soulevé à titre de préoccupation auparavant.

291        Un échange de courriels entre M. Zigart et les RH a été déclenché lorsque la gestionnaire des RH, Sandra Dauphinee, a affirmé que les membres du personnel des TUAC qui voulaient venir à la base devaient en informer les gestionnaires au préalable en s’adressant à la personne la plus haut placée qui était disponible.

292        M. Zigart était d’avis que Mme Dauphinee ou la gestionnaire de M. Lala n’avaient pas mené d’enquête au sujet de la campagne pendant les heures de travail et qu’ils n’en avaient pas parlé à M. Lala. Il a reconnu qu’elles lui avaient peut-être parlé, mais il ne le croyait pas.

293        M. Zigart a reconnu qu’il n’avait pas vu M. Lala mener campagne pendant les heures de travail. Lorsqu’il a été confronté au fait qu’il ne connaissait pas avec certitude l’horaire de travail de M. Lala, il a répondu qu’il en était sûr, parce que M. Lala travaillait du lundi au vendredi. Il a toutefois reconnu qu’il ne connaissait pas l’horaire de travail de M. Lala.

2. Résumé de la preuve de l’employeur

a. Mme Stanners

294        Au moment de l’audience, Mme Stanners était gestionnaire responsable des magasins de détail et d’alcools du CANEX de la base.

295        Il s’agit d’un endroit achalandé. Le CANEX a un chiffre d’affaires de cinq millions de dollars par année. À l’époque pertinente, neuf employés à temps partiel travaillaient à l’Expressmart et trois autres au bureau de poste. Il y avait deux employés à temps plein, soit deux superviseurs, dont l’un travaillait à l’Expressmart et l’autre au bureau de poste. Ces postes relevaient de Mme Stanners.

296        Mme Arey était superviseure à l’Expressmart. Elle a pris sa retraite le 16 octobre 2016. Toutes les personnes qui travaillaient à l’Expressmart relevaient d’elle; elle était leur premier point de contact. Elle était responsable du personnel, des horaires, des congés, des vacances, etc. En qualité de gestionnaire, Mme Stanners exerçait l’autorité finale.

297        Mmes Stanners et Arey discutaient de tout ce qui se passait dans le magasin, notamment ladotation en personnel, les conflits et les préoccupations des employés. Mme Stanners encourageait les membres du personnel à exprimer leurs préoccupations à Mme Arey, qui avait de bons rapports avec eux. S’il n’était pas possible de résoudre certains problèmes, Mme Arey les déférait à Mme Stanners et, selon la nature des problèmes, cette dernière s’adressait aux RH.

298        En qualité de superviseure, Mme Arey pouvait donner des avertissements verbaux aux employés. Mme Stanners était autorisée à donner des avertissements écrits. Elle faisait intervenir les RH si des mesures disciplinaires plus sérieuses devaient être imposées. Le congédiement exigeait d’obtenir l’autorisation du vice-président du CANEX à Ottawa (Ontario).

299        Mme Stanners a désigné M. Pigden comme étant le gestionnaire des PSP responsable des mess, du gymnase et du parcours de golf. Il est l’agent de liaison avec la base et n’intervient pas dans la gestion du CANEX.

300        À l’arrière du CANEX, il y a un couloir et une arrière-boutique. Dans cette zone se trouve le tableau d’affichage de l’agent négociateur et des panneaux d’information où sont affichées des informations telles que l’horaire du personnel. Mmes Stanners et Arey partageaient le bureau. Le matériel excédentaire est entreposé dans le bureau et le coffre-fort du magasin s’y trouve.

301        Les fournisseurs, le personnel des FNP et les représentants des cabinets comptables et des RH ont aussi accès à cette zone. Il n’y a guère d’intimité. Comme le CANEX vend de la marchandise aux mess, au gymnase et au club de golf, les employés des PSP ont constamment accès à cette zone.

302        Il n’existe aucun règlement concernant l’identité des personnes qui peuvent accéder à cette zone. Cependant, si Mmes Arey et Stanners n’y étaient ni l’une ni l’autre, la zone était fermée à clé du fait qu’un coffre-fort s’y trouvait.

303        Au printemps 2015, Mme Stanners a reçu un courriel de Mme Dauphinee l’avisant que les cotisations syndicales avaient augmenté. Elle en a informé Mme Arey, qui n’était pas au courant.

304        Vers cette date, une réunion de l’agent négociateur a été tenue à la base avec les employés.

305        Après la réunion, Mme Arey a dit à Mme Stanners qu’elle était bouleversée parce que le ton avait monté à la réunion. Elle avait posé quelques questions. M. Lala s’était mis en colère.

306        Quelque temps après la réunion, Mme Arey et M. Lala ont parlé de se débarrasser de l’agent négociateur.

307        Mme Stanners a entendu Mme Arey demander une liste de préoccupations à certains membres du personnel. Mme Stanners n’a pas vu cette liste. Mme Arey a fourni des réponses au personnel.

308        Mme Arey a informé Mme Stanners qu’ils devaient obtenir l’appui d’un certain pourcentage d’employés pour se débarrasser de l’agent négociateur.

309        Mme Arey est arrivée tôt, afin de s’adresser au personnel.

310        Mme Stanners a reçu un mot des RH l’avisant que les employés ne pouvaient pas mener campagne durant les heures de travail. Elle a avisé Mme Arey, qui avait reçu pour consigne de discuter des problèmes avec les employés après, et non pendant, les heures de travail. Mme Stanners a reconnu que certaines discussions pouvaient avoir eu lieu durant les heures de travail avant l’émission de la directive.

311        Mme Stanners a vu undélégué syndical s’entretenir avec le personnel du bureau de poste, et plus particulièrement avec l’un des employés, alors qu’il y avait une file de clients qui attendaient d’être servis.

312        Mme Stanners a déclaré qu’un incident avait eu lieu dans le magasin d’alcools, où un représentant de l’agent négociateur voulait s’entretenir avec le personnel. Le représentant se retirait lorsqu’un client était servi, puis rentrait afin de parler à l’employé. Mme Stanners n’a pas été témoin de cet incident personnellement.

313        L’agent négociateur donnait un avis avant de venir sur place. Les délégués se rendaient dans chacune des installations. Le plus souvent, cela se produisait lorsque Mmes Stanners et Arey étaient absentes. Mme Stanners a revu la séquence de la caméra vidéo de sécurité.

314        Un dimanche, Mme Stanners a vu M. Zigart s’entretenir avec deux employés devant le comptoir d’accueil de l’Expressmart durant les heures de travail. La conversation a duré une vingtaine de minutes. Mme Stanners a déclaré qu’il ressortait clairement que le travail ne se faisait pas.

315        En sa qualité de superviseur, M. Lala allait à l’Expressmart à titre de client. On lui a dit de ne pas parler de la demande de révocation avec Mme Arey sur les lieux. Ils allaient à l’extérieur durant les pauses pour fumeurs. Après les heures de travail, Mme Arey allait rencontrer M. Lala au parcours de golf.

316        À quelques reprises, M. Lala et Mme Arey ont tenu une discussion dans l’arrière-boutique; Mme Stanners quittait alors les lieux.

b. M. Gawley

317        M. Gawley est directeur général de l’exploitation du club de golf. Il est responsable de toutes les activités de golf et de curling, des aliments et des boissons, du bar et de la cuisine.

318        M. Gawley est chargé d’offrir des services au personnel militaire et aux civils qui habitent à l’extérieur de la base. Il organise les tournois de golf et fournit les repas pour ces occasions. Il organise aussi des tournois de curling en hiver et planifie des banquets et des services de traiteur pour 50 à 300 personnes, sur place ou aux mess. Il participe à l’organisation de 150 à 200 événements par année.

319        En vertu de la convention collective, des heures supplémentaires sont payées aux superviseurs du personnel de première ligne, qui peuvent les déposer en banque ou en demander le versement.

320        M. Lala travaillait beaucoup d’heures supplémentaires et passait beaucoup de temps libre à travailler. Il accumulait les heures supplémentaires dans le système informatique. Il prenait ses heures en banque sous forme de longues tranches horaires. En vertu de la convention collective précédente, les heures accumulées devaient être utilisées dans un délai de 30 jours ou être payées. Parfois, M. Lala se présentait au travail pendant ses heures accumulées. Il voulait que l’entreprise ait du succès.

321        Au printemps 2015, les employés ont accueilli un nouveau représentant de l’agent négociateur, qui a visité le bar-salon du club de golf. M. Gawley se rappelait que M. Lala et le représentant de l’agent négociateur s’étaient lancés dans une discussion échauffée à l’extérieur de la boutique du pro. M. Lala a tenu des propos du genre : [traduction] « Qu’est-ce que tu fais pour moi? » Le langage utilisé était fort et coloré. M. Gawley a dû fermer sa porte.

322        M. Lala a dit à M. Gawley que le représentant n’était pas en mesure de répondre à ses questions et qu’il essaierait éventuellement de se débarrasser de l’agent négociateur. M. Gawley a répondu ceci : [traduction] « Je ne peux pas t’aider; je fais partie de la direction ».

323        Subséquemment, M. Gawley a vu un nombre croissant d’employés aller voir M. Lala.

324        M. Lala est allé voir M. Gawley et l’a informé qu’il avait recueilli les signatures d’autres personnes aux fins d’une demande de révocation de l’accréditation. M. Gawley ne lui a pas donné satisfaction. Lorsque M. Lala a essayé de lui parler de la révocation de l’accréditation, M. Gawley lui a dit qu’il ne pouvait pas l’aider à cet égard et il a ajouté que s’il travaillait à la révocation de l’accréditation, il devait le faire dans ses temps libres.

325        M. Gawley a affirmé qu’une discussion à huis clos avec M. Lala avait eu lieu. M. Martin, des RH régionales, y avait aussi assisté. M. Lala les a alors assurés qu’il travaillait à la révocation de l’accréditation dans ses temps libres. M. Martin a réitéré la même chose. Il a déclaré que cette discussion avait eu lieu à l’été 2015.

326        En contre-interrogatoire, on a demandé à M. Gawley s’il était certain que la réunion avec M. Lala avait eu lieu au cours de l’été 2015. Il a d’abord déclaré qu’il n’était pas certain, puis a pensé que c’était au cours de l’été 2016, après le dépôt de la demande de révocation de l’accréditation.

327        M. Gawley a été questionné au sujet de son témoignage selon lequel M. Lala se présentait au travail certains jours où il n’était pas inscrit à l’horaire. Il a reconnu que ces heures n’étaient pas payées à M. Lala. Il a convenu que le fait de ne pas rémunérer M. Lala pour son travail contrevenait à la convention collective.

c. M. Pigden

328        M. Pigden est gestionnaire principal des PSP à la BFC d’Edmonton. Il y a environ 5 000 soldats à la BFC d’Edmonton.

329        M. Pigden connaît le personnel affecté au parcours de golf. Il s’y trouve souvent et interagit avec M. Gawley et son adjoint.

330        M. Pigden a aussi interagi avec le superviseur de la cuisine et du bar-salon, M. Lala, qu’il a qualifié de personne sociable. Il a déclaré que le bar-salon avait traversé une période difficile et que M. Lala y était pour beaucoup dans l’augmentation importante des ventes.

331        M. Lala a dû être renvoyé chez lui à quelques reprises, parce qu’il effectuait beaucoup d’heures supplémentaires et qu’il devait prendre garde à l’annulation des avances. Au début, il recevait des primes d’heures supplémentaires. Cependant, il a préféré utiliser les heures supplémentaires en guise de congés. M. Gawley a conclu une entente avec lui. S’il y avait un événement important, M. Lala devait se présenter au travail et en assurer la surveillance, même si ces heures de travail n’étaient pas prévues à l’horaire.

332        M. Pigden s’est souvenu qu’à la mi-juillet 2015, il a entendu dire que M. Lala était allé à une réunion de l’agent négociateur. Les cotisations syndicales avaient augmenté. Il a cru comprendre que peu d’employés y avaient assisté. Il y a eu un affrontement lors de la réunion, et M. Lala avait eu le sentiment que Mme Arey avait été traitée de manière inappropriée. Il voulait faire quelque chose à ce propos. M. Pigden a affirmé que, parfois, M. Lala était un grand parleur et un petit faiseur.

333        M. Pigden a cru comprendre que M. Lala avait commencé à s’entretenir avec les gens. Les employés parlaient avec M. Pigden. Il les a avisés qu’il n’avait rien à dire à ce sujet.

334        M. Pigden a parlé du processus avec les RH. Il a souligné qu’il avait reçu des directives des Relations de travail selon lesquelles il pouvait écouter, mais sans formuler de commentaires. Tous les gestionnaires ont été informés de ce qu’ils pouvaient dire ou non. Peu de temps après le début de la campagne de M. Lala, les gestionnaires ont tenu une réunion. Les deuxième et troisième réunions ont eu lieu lorsque le personnel des Relations de travail est venu d’Ottawa et a expliqué à tous les gestionnaires qu’ils ne pouvaient pas formuler de commentaires au sujet de la campagne.

335        Au cours de l’automne 2015, un certain nombre de problèmes sont survenus au travail, auxquels participaient tant des employés qui s’opposaient à l’agent négociateur que des employés qui l’appuyaient. Les gestionnaires ont demandé s’ils pouvaient faire quelque chose pour résoudre la situation et ils ont été avisés qu’ils ne le pouvaient pas.

336        Un incident a eu lieu mettant en cause les sept instructeurs de conditionnement physique et de sports, qui étaient membres de l’agent négociateur. Un représentant de l’agent négociateur est allé au bureau et a commencé à [traduction] « dénigrer » les antécédents de M. Lala devant le personnel. Un gestionnaire est allé voir M. Pigden et l’a avisé qu’un représentant de l’agent négociateur entachait la réputation d’un autre employé au travail. M. Pigden a rétorqué qu’il n’y pouvait rien et que la direction ne pouvait intervenir ni d’un côté ni de l’autre.

337        En contre-interrogatoire, M. Pigden a été interrogé au sujet de ses discussions avec M. Lala concernant les activités de l’agent négociateur. M. Pigden a déclaré que M. Lala était venu lui parler. Il n’a pas entamé la conversation. M. Lala était en colère au sujet d’une réunion de l’agent négociateur qui avait eu lieu en juin 2015, ou vers cette date. M. Pigden lui a conseillé d’aborder ses préoccupations avec son agent négociateur. M. Pigden a affirmé que la conversation avait eu lieu dans le bar-salon ou le chalet, et que M. Lala était arrivé par la cuisine, à l’arrière.

338        M. Pigden n’a pas soulevé la question auprès des RH à ce moment-là, parce que M. Lala était parfois un grand parleur et un petit faiseur. Lorsque la situation a pris une tournure plus grave au cours de l’automne, la question a été abordée.

339        M. Pigden a été questionné à savoir si le courriel du 24 novembre 2015, enjoignant les gestionnaires à s’abstenir de parler du processus de révocation avec les employés, était le premier à ce sujet. M. Pigden a répondu qu’il était plutôt certain que des réunions avec le personnel avaient eu lieu avant cela. Les gestionnaires avaient déjà été informés. Les RH devaient être au courant. Ce courriel était officiel. Au moins trois réunions avec le personnel avaient eu lieu auparavant.

d. M. Martin

340        M. Martin est gestionnaire régional des RH pour la région de l’Ouest des FNP, poste qu’il occupe depuis mai 2009, au bureau d’Edmonton. M. Martin supervise treize gestionnaires des RH affectés dans diverses bases. La région de l’Ouest comprend toutes les bases situées à l’ouest de Kingston (Ontario). M. Martin relève à son tour du directeur des RH en poste à Ottawa. Il fournit des directives stratégiques et des directives relatives aux opérations quotidiennes.

341        À Edmonton, il y a un gestionnaire des RH qui offre de l’aide et des services à environ 300 membres du personnel des FNP. Certains employés sont syndiqués, d’autres pas. Le bureau des RH fournit des conseils sur la dotation en personnel, les relations de travail, la paye et les avantages sociaux.

342        Mme Dauphinee a été la gestionnaire des RH; elle possédait douze ans d’expérience. Elle a quitté son emploi en juillet 2016.

343        Le bureau d’Edmonton des FNP offre des programmes de soutien du personnel à M. Pigden.

344        Il y a aussi des programmes de soutien du personnel à l’intention des familles des militaires et des services financiers.

345        M. Martin a pris connaissance de la campagne de révocation de l’accréditation menée à la base au début de l’automne 2015. M. Lala avait fait savoir qu’il allait s’efforcer de faire annuler l’accréditation de l’agent négociateur. Il a été porté à l’attention de M. Martin que M. Lala tentait de trouver un appui durant les heures de travail.

346        M. Martin a rencontré MM. Gawley et Lala le 10 septembre 2015. M. Lala a reconnu qu’il tentait de trouver un appui durant les heures de travail. M. Martin l’a prié de cesser. M. Lala a dit à M. Martin qu’il cesserait de faire campagne durant les heures de travail.

347        À la demande de Mme Stevens, M. Martin a informé celle-ci de la réunion du 10 septembre 2015, en vue de réagir à la réplique de l’agent négociateur dans le cadre des présentes procédures.

348        Le 9 décembre 2015, M. Martin a envoyé à Mme Stevens un courriel rédigé en ces termes :

[Traduction]

[…]

Le 10 septembre ou vers cette date, en qualité de gestionnaire régional des Ressources humaines (Ouest), j’ai rencontré Ajay Lala et Matt Gawley en réaction aux allégations selon lesquelles Ajay utilisait les heures de travail pour parler aux employés des procédures de révocation de l’accréditation du syndicat. J’ai avisé Ajay qu’il devait s’abstenir de parler du processus de révocation de l’accréditation aux employés durant les périodes de travail. Ajay a affirmé que, au départ, il utilisait les heures de travail pour discuter du processus de révocation de l’accréditation avec ses collègues, mais qu’il avait désormais mis fin aux discussions durant les heures de travail et ne s’adressait aux gens que pendant ses pauses et les leurs. J’ai conclu la discussion en réitérant à Ajay de ne pas s’adresser aux employés durant les périodes de travail, parce que cela donnait l’impression que l’employeur intervenait dans ce processus d’une certaine manière et que celui-ci ne voulait aucunement intervenir à l’égard de cette initiative.

349        On a demandé à M. Martin si, subséquemment à la réunion du 10 septembre 2015, l’agent négociateur avait de nouveau allégué que M. Lala continuait à s’adresser aux employés durant les heures de travail. Il ne s’en souvenait pas. Il n’avait parlé ni à Mme Dauphinee ni à d’autres personnes de plaintes supplémentaires indiquant que M. Lala discutait de la révocation de l’accréditation pendant ses heures de travail.

3. Résumé de l’argumentation de l’agent négociateur

350        L’employeur facilitait les efforts de M. Lala durant les heures de travail afin de faire révoquer l’accréditation et, ce faisant, communiquait son appui à la révocation des droits de négociation des membres. La jurisprudence démontre que le seuil d’intervention de l’employeur dans les campagnes de révocation est très bas. Le fait qu’un employé mène ouvertement des activités visant la révocation de l’accréditation peut être suffisant pour que des employés raisonnables concluent que cet employé jouit de l’approbation tacite de la direction (voir Thompson Credit Union, au paragraphe 47). Le fait que l’employeur soit au courant d’une campagne de révocation de l’accréditation peut également entraîner une intervention illicite dans les activités de l’agent négociateur.

351        La CRTO a déclaré ce qui suit au paragraphe 109 de Vandermeer :

[Traduction]

109. La façon dont les demandeurs ont recueilli les signatures accompagnant la pétition présentée à l’appui de la demande de révocation donne à penser que la direction a appuyé la demande de manière voilée. Les signatures ont été recueillies durant les heures de travail, et pendant que le magasin faisait des affaires. Mme Thain, plus particulièrement, semble être demeurée assise dans la boulangerie du magasin et y avoir appelé les employés de l’étage afin qu’ils signent la pétition. Même si elle prétend qu’elle prenait alors ses pauses ou son déjeuner, comme l’a indiqué M. Schramn dans son témoignage, les membres du personnel ne sont pas censés prendre leurs pauses et leurs déjeuners à l’étage du magasin. De plus, même si Mme Thain prenait sa pause ou son déjeuner, tous les employés qu’elle invitait dans la boulangerie n’étaient pas en pause ou en train de déjeuner comme elle – autrement, eux non plus n’auraient pas été présents à l’étage du magasin. Il est ressorti clairement de la preuve présentée par les demandeurs qu’il n’y avait aucun camouflage et que la direction aurait été en mesure de savoir ce qui se passait.À vrai dire, Mme Thain a honnêtement admis que tout le monde savait ce qui se passait. Il est évident pour la majorité de la Commission que l’employeur n’a pris aucune mesure afin de s’assurer que les demandeurs de la révocation mènent leur campagne en dehors des heures de travail, donnant ainsi son approbation à la campagne.

[L’agent négociateur met en évidence.]

352        Dans même, l’agent négociateur a présenté des preuves non contredites indiquant que M. Lala menait une campagne de révocation de l’accréditation sur les lieux mêmes du travail et durant les heures de travail. En réalité, les gestionnaires de l’employeur ont déclaré que M. Lala menait campagne pendant les heures de travail. Dans sa preuve, l’employeur a admis qu’il avait adopté l’approche du laissez-faire jusqu’au 10 septembre 2016 au moins, date à laquelle MM. Martin et Gawley ont rencontré M. Lala et lui ont dit qu’il devait mettre fin à son comportement. De plus, une gestionnaire, Mme Stanners, a déclaré qu’elle avait autorisé une alliée de M. Lala aux fins de la révocation, Mme Arey, à faire campagne contre l’agent négociateur, et ce, pendant les heures de travail, jusqu’à ce que les RH lui demandent de cesser à un moment donné après le début de la campagne.

353        L’incidence de ce laissez-faire sur le caractère volontaire du processus de révocation a été spectaculaire. Les employés ont vu que leurs gestionnaires autorisaient M. Lala et ses alliés à faire campagne au travail, durant les heures de travail. L’intervention des RH des mois après que la campagne de révocation de l’accréditation ait été portée à leur attention n’a pas corrigé l’intervention initiale. Selon l’agent négociateur, la décision dans Fallico est claire [traduction] : « Si les activités liées à la révocation ont effectivement lieu durant les heures de travail […] la simple indulgence de la part de la direction peut être suffisante pour invalider la pétition, parce qu’elle ne traduit plus la volonté des employés de manière fiable ».

354        Les tentatives de l’employeur visant à empêcher M. Lala de mener campagne de manière inappropriée ont été tardives et insuffisantes. Les témoignages des témoins de l’employeur, notamment M. Martin, le démontrent. M. Martin a été le représentant des RH le plus haut placé (et le seul) à témoigner. Même si la Commission accepte sa version comme étant crédible, ce témoignage révèle que la tentative visant à bloquer la campagne de révocation illicite de M. Lala a été peu brillante.

355        Par exemple, M. Martin a déclaré qu’il n’avait rencontré M. Lala qu’une seule fois, apparemment le 10 septembre 2015, afin de le prier de cesser de faire campagne pendant les heures de travail. M. Martin, de son propre aveu, n’a ni effectué de suivi ni empêché la poursuite de la campagne inappropriée, même après avoir été informé qu’elle avait cours, le 15 juin 2016. Cette inaction sape l’affirmation de M. Martin selon laquelle il a pris au sérieux l’obligation de neutralité de l’employeur et confirme le caractère raisonnable de la perception des employés, à savoir que l’employeur n’intervenait pas de façon à prévenir les activités inappropriées de M. Lala.

356        Il y a aussi des aspects importants du témoignage de M. Martin qui minent sa crédibilité. Bien qu’il affirme avoir cru que les gestes de M. Lala étaient graves, M. Martin n’a pas pris de notes de sa prétendue rencontre avec M. Lala le 10 septembre 2015. La seule pièce documentaire de cette rencontre est un courriel que M. Martin a envoyé à Mme Stevens trois mois plus tard. De plus, il a initialement nié avoir été mis au courant que des problèmes supplémentaires étaient survenus par suite de la campagne de révocation menée par M. Lala après sa première rencontre. Et ce, en dépit du fait que M. Martin ait admis que son bureau ne se trouve qu’à quelques portes de ceux de ses gestionnaires locales des RH (Mme Dauphinee et Cheryl Petruk), et qu’il avait des relations de travail étroites avec celles-ci, notamment sa gestionnaire des RH à Edmonton, en raison de la proximité de leurs lieux de travail. M. Martin a avoué qu’il n’avait été mis au courant des problèmes supplémentaires qu’au moment où on lui avait présenté un courriel dans lequel ses propos avaient été copiés. Par conséquent, la Commission ne doit pas accorder beaucoup de poids aux allégations de M. Martin, à savoir que l’employeur et lui ont agi avec suffisamment de sérieuxpour empêcher la campagne de M. Lala.

4. Résumé de l’argumentation de l’employeur

357        Les principales considérations qui découlent de la jurisprudence pertinente à la question à trancher sont énoncées ci-après (voir Laidlaw, aux paragraphes 62 à 71, Tundra Boiler, au paragraphe 26 et Kolbina Care).

  • La demande était-elle l’idée de la direction?
  • Son objet a-t-il été discuté de façon significative avec la direction?
  • La direction a-t-elle offert une récompense en échange de la signature de la demande, ou fait des menaces relativement aux salaires ou à la sécurité d’emploi pour avoir refusé de signer?
  • La direction a-t-elle financé la demande ou fourni un soutien financier aux demandeurs, comme le paiement des frais d’avocat?
  • Les formules de demande étaient-elles sur les lieux de travail?
  • Les formules de demande étaient-elles signées en présence d’un gestionnaire ou dans le bureau d’un gestionnaire?
  • Les signatures étaient-elles librement sollicitées au travail en l’absence d’intervention de la direction?
  • L’employeur a-t-il mentionné aux employés qu’ils s’en tireraient mieux en l’absence de l’agent négociateur?
  • L’employeur a-t-il facilité la circulation de la demande ou autorisé les employés à tenir des réunions sur la révocation de l’accréditation sur les lieux de travail?
  • L’employeur a-t-il régulièrement fait preuve d’un manque de respect envers l’agent négociateur, négligé de remettre les cotisations perçues, renié les ententes ou refusé de se conformer aux décisions arbitrales ou aux ordonnances des tribunaux?

358        Dans le contexte d’une allégation voulant que l’employeur ait autorisé la circulation d’une pétition au travail durant les heures de travail, l’employeur a renvoyé à Laidlaw. Il a déclaré qu’il était important de souligner que le CCRI a conclu que si un syndicat ne parvient qu’à établir la preuve qu’une pétition a été diffusée sur le lieu de travail,  alors on ne peut, sur la base de cette seule preuve, conclure à une ingérence de l’employeur. Il doit y avoir quelque chose de plus, c’est-à-dire un lien entre la circulation de la pétition et la direction. Dans ladite affaire, la répartitrice qui faisait circuler la pétition aurait pu être perçue comme ayant l’autorité d’agir pour le compte de l’employeur.

359        Il n’y a aucune preuve objective sur laquelle fonder l’affirmation selon laquelle les employés ont perçu le demandeur comme agissant pour le compte de la direction. La preuve a soulevé que M. Lala travaillait des heures irrégulières. Mme Van Hees et M. Gawley ont tous deux évoqué la nature imprévisible du parcours de golf et des heures de travail qui en découlent. MM. Gawley et Pigden ont parlé de l’habitude de M. Lala de venir au travail pendant ses jours de congé. M. Nanson et Mmes Gracie et Fanjoy ont déclaré avoir vu M. Lala visiter le CANEX pendant la journée. Mais ils ne travaillaient pas avec lui et ne pouvaient pas affirmer avec certitude qu’il le faisait durant ses heures de travail.

360        Ces témoins ont aussi qualifié la présence de M. Lala dans l’arrière-boutique d’inhabituelle et contraire à la politique, ce que Mme Stanners a réfuté. Celle-ci a déclaré que les employés de toutes les divisions de l’employeur entraient dans l’arrière-boutique, tout comme les militaires, les membres des familles des employés et les fournisseurs. Les témoins de l’agent négociateur ont exprimé leurs impressions que M. Lala circulait librement sur les lieux de travail. Toutefois, dans tous les cas, des explications ont été présentées précisant que sa présence en ces lieux était autorisée, qu’il avait exécuté une fonction (mess) ou organisé des événements en milieu de travail. Par conséquent, aucune preuve objective ne permet de conclure que M. Lala jouissait d’un pouvoir plus grand que celui que son poste syndiqué de superviseurdes aliments et des boissons offerts au bar-salon ne lui conférait ni, à coup sûr, qu’il détenait un pouvoir de gestion ou bénéficiait d’une absolution explicite de la part de l’employeur à l’égard de ses efforts visant la révocation de l’accréditation.

5. Analyse et conclusion

a. Analyse

361        La jurisprudence appuie la conclusion que la circulation de pétitions durant les heures de travail peut constituer une ingérence inappropriée de l’employeur si, de pair avec d’autres facteurs, elle mène à la conclusion que le comportement de l’employeur a été à la fois important et influent dans le déclenchement de la demande de révocation.

362        Mme Stewart a déclaré qu’à la mi-septembre 2015 ou vers cette date (probablement le 10 septembre, puisqu’elle a envoyé un courriel à M. Lala ce soir-là), pendant une conversation téléphonique, M. Lala l’a avisée que divers employés signaient une pétition, et que certains d’entre eux la signaient depuis environ deux semaines. Il l’a aussi informée que les RH lui avaient demandé s’il faisait circuler la pétition pendant les heures de travail. Il lui a dit qu’il leur avait répondu que non. Celles-ci l’ont avisé qu’il pouvait poursuivre.

363        M. Nanson a déclaré qu’il n’était pas en fonction au moment de signer la demande de révocation en septembre 2015. Sa superviseure, Mme Arey, lui avait montré la formule et la lui avait expliquée. Il a signé la formule dans l’arrière-boutique du CANEX. Il a eu une discussion avec Mme Arey au sujet de la révocation de l’agent négociateur avant de signer la formule. La discussion a eu lieu dans la zone de chargement de l’Expressmart, avant leurs quarts de travail respectifs.

364        M. Nanson a déclaré qu’il avait vu M. Lala parler avec des collègues à propos de leurs sentiments au sujet de l’agent négociateur. Ils étaient devant le magasin, dans une zone désignée aux fins des pauses pour fumeurs. En contre-interrogatoire, M. Nanson a reconnu qu’il ignorait s’ils parlaient alors de la révocation.

365        Mme Gracie a déclaré que Mme Arey lui avait remis une formule concernant la demande de révocation alors qu’elle était à la caisse, pendant les heures d’ouverture, et qu’elle avait discuté du retrait de l’agent négociateur avec Mme Arey dans l’arrière-boutique. Certaines discussions ont eu lieu pendant les heures de travail, et d’autres non.

366        Mme Fanjoy a déclaré que Mme Arey l’avait abordée pendant sa pause déjeuner, dans la zone arrière de l’Expressmart, et qu’elle lui avait demandé de signer les documents.

367        Mme Fanjoy a vu M. Lala parler avec des employés dans les zones fumeurs situées à l’extérieur des installations durant les heures de travail. Initialement, cela se produisait environ une fois par semaine et, par la suite, deux ou trois fois par semaine.

368        Mme Van Hees a déclaré que M. Lala avait fourni des documents à une employée qui effectuait le dénombrement des boissons à l’arrière de l’installation.

369        Mme Lachance se souvenait d’avoir eu une conversation avec M. Lala durant son quart de travail au bar du sous-sol, en septembre 2015. Il lui a remis un document et lui a dit que si elle était d’avis que l’accréditation de l’agent négociateur devait être révoquée, elle devrait signer ce document. Environ deux semaines plus tard, à l’occasion de l’événement [traduction] « Dieu merci, c’est vendredi » alors que M. Lala apportait des plats au mess, il lui a demandé si elle avait pensé à ce qu’il lui avait dit au sujet de la révocation.

370        Mme Stanners a déclaré qu’elle avait reçu un mot des RH, après quoi elle a dit à Mme Arey qu’elle ne pouvait pas s’adresser au personnel durant les heures de travail. Mme Arey avait reçu pour consigne de discuter des problèmes avec les employés après, et non pendant, les heures de travail.

371        Mme Stanners a déclaré que Mme Arey avait respecté les instructions. Bien qu’il soit possible que certaines discussions aient eu lieu durant les heures de travail, celles-ci auraient eu lieu avant l’émission de la directive.

372        M. Gawley a déclaré que, de concert avec M. Martin, il avait eu une discussion à huis clos avec M. Lala, au cours de laquelle il lui avait dit que s’il voulait travailler sur la révocation de l’accréditation, il devait le faire dans ses temps libres et non pendant les heures de travail. M. Lala l’a assuré qu’il ne travaillait pas sur la révocation de l’accréditation pendant les heures de travail. M. Gawley pensait que la discussion avait eu lieu au cours de l’été 2015. En contre-interrogatoire, il a déclaré qu’il n’était pas certain et qu’elle avait peut-être eu lieu en 2016.

373        M. Martin a déclaré qu’il avait pris connaissance de la campagne de révocation de l’accréditation menée à la base au début de l’automne 2015. Il a eu connaissance que M. Lala recherchait un appui durant les heures de travail. Il a déclaré qu’il avait rencontré MM. Gawley et Lala le 10 septembre 2015, et qu’à cette occasion M. Lala avait reconnu qu’il tentait de trouver un appui durant les heures de travail. M. Martin l’a prié de cesser et M. Lala lui a répondu qu’il cesserait. À la demande de Mme Stevens, M. Martin a préparé un résumé de la réunion du 9 décembre 2015.

374        Il ressort de l’examen des formules 5 jointes à la demande que trois employés l’ont signé avant le 10 septembre 2015. Toutes les autres formules 5 portent une date postérieure au 12 septembre 2015.

b. Conclusion

375        Il n’est pas contesté que, avant le 10 septembre 2015, et dans une certaine mesure, M. Lala ait fait campagne. MM. Martin et Gawley ont tous deux déclaré qu’ils avaient rencontré M. Lala lorsqu’ils ont appris qu’il faisait campagne. M. Gawley n’était pas certain si la rencontre avait eu lieu le 10 septembre 2015 ou le 10 septembre 2016. M. Martin était certain qu’il s’agissait du 10 septembre 2015, parce qu’il avait confirmé par écrit les détails de la rencontre à Mme Stevens quelques mois plus tard. Lors de la réunion, ils avaient prié M. Lala de cesser de faire campagne durant les heures de travail. Celui-ci avait affirmé qu’il cesserait de le faire durant les heures de travail.

376        Mme Stewart a déclaré que pendant sa conversation téléphonique avec M. Lala, qui a probablement eu lieu le 10 septembre 2015, compte tenu du courriel qu’elle lui a envoyé ce jour-là, M. Lala lui avait dit que les RH lui avaient demandé s’il faisait circuler la pétition pendant les heures de travail.

377        Je considère comme un fait que la rencontre a eu lieu le 10 septembre 2015, et non le 10 septembre 2016, puisqu’il y a des preuves corroborantes à la fois dans le courriel de M. Martin à Mme Stevens en date du 9 décembre 2015, et dans le témoignage de Mme Stewart concernant sa discussion avec M. Lala, qui a probablement eu lieu le même jour.

378        Aucun des employés qui ont présenté un témoignage n’a indiqué qu’il avait signé la formule 5 durant les heures de travail. M. Nanson l’a signée en dehors de ses heures de travail, dans l’arrière-boutique du CANEX, en présence de la superviseure, Mme Arey, qui est membre de l’unité de négociation.

379        Mme Gracie n’a pas précisé où elle avait signé la formule, et Mme Fanjoy a déclaré qu’elle l’avait signée durant sa pause déjeuner.

380        Il est également important, au vu des dossiers de la Commission, que seulement trois formules 5 ont été signées avant le 10 septembre 2015. La Commission n’est saisie d’aucune preuve concernant les circonstances dans lesquelles ces formules ont été signées.

381        Aucune preuve n’a été déposée voulant que les formules de demande aient été laissées dans le milieu de travail. Aucune preuve n’indique que l’employeur a facilité la circulation de la demande ni qu’il ait autorisé les employés à tenir des réunions sur la révocation de l’accréditation au travail.

382        Je conclus que l’employeur n’a pas fermé les yeux sur la campagne et qu’il a cherché à traiter cette question dans le cadre de rencontres avec M. Lala et Mme Arey.

383        M. Nanson et Mme Fanjoy ont vu M. Lala s’entretenir avec des employés dans les zones fumeurs situées à l’extérieur des installations durant les heures de travail. Mme Fanjoy a déclaré qu’initialement, ces entretiens avaient lieu environ une fois par semaine et, par la suite, deux ou trois fois par semaine. Elle a reconnu qu’elle ne connaissait pas l’horaire de travail de M. Lala, ni ses jours de congé. M. Nanson a reconnu de même.

384        Mme Van Hees a déclaré que M. Lala était un employé à temps plein, qui était censé travailler quarante heures par semaine, au quart de jour. Selon l’horaire, il ne devait pas travailler les quarts de nuit ni les fins de semaine.

385        Mme Van Hees a constaté que M. Lala entrait et sortait des installations à son gré. Il ne devait être sur place en première ligne qu’aux heures d’achalandage et au déjeuner. Des plaintes ont été adressées au superviseur du bar-salon, qui a soulevé la question auprès de M. Gawley. Mme Van Hees a déclaré que, par la suite, M. Lala informait d’autres employés qu’il allait une pause. Il lui arrivait parfois de s’absenter jusqu’à quarante minutes. Les employés à temps plein avaient droit à deux pauses de dix minutes.

386        Mme Van Hees a reconnu que l’exploitation des services d’aliments et de boissons et de bar est un jeu d’équilibre en raison des fluctuations de la demande. Elle a aussi reconnu qu’elle était une employée à temps partiel, qu’elle travaillait selon un horaire de travail variable et qu’elle n’était pas toujours au travail en même temps que M. Lala.

387        M. Gawley a déclaré que M. Lala occupait un poste de superviseur, qu’il préparait les repas et qu’il avait des horaires de travail variables. Il pouvait commencer à travailler dès 6 h, alors que d’autres fois, il travaillait de 15 h à minuit ou effectuait parfois un quart de huit heures. Ses heures de travail étaient éparpillées au fil des fins de semaine et des jours fériés, parce que les services étaient offerts sept jours sur sept et qu’il y avait toujours un événement qui se déroulait.

388        De plus, M. Lala travaillait de nombreuses heures supplémentaires et pendant ses temps libres, sans être rémunéré.

389        Aucun des témoins de l’agent négociateur ne connaissait l’horaire de travail de M. Lala. Même si Mme Van Hees avait constaté qu’il venait à l’installation à son gré, elle ignorait son horaire et a reconnu que l’exploitation des services d’aliments et de boissons et de bar est un jeu d’équilibre et que la demande fluctue. En outre, M. Gawley a déclaré que les heures de travail de M. Lala étaient éparpillées afin de satisfaire aux exigences du milieu de travail.

390        Qui plus est, Mme Van Hees a confirmé que des plaintes avaient été adressées à M. Gawley concernant les allées et venues de M. Lala, lesquels auraient été liés à la demande, à la suite de quoi M. Lala est devenu plus prudent au moment de prendre ses pauses.

391        Je ne suis pas convaincu que l’employeur ait facilité la campagne de révocation déclenchée par M. Lala en autorisant celui-ci à la mener durant ses heures de travail après le 10 septembre 2015.

B. L’employeur a-t-il fourni à M. Lala des renseignements cruciaux au sujet des membres de l’unité de négociation qui ont facilité ses efforts visant la révocation de l’accréditation?

1. Mme Stewart

392        Mme Stewart a déclaré que pendant sa conversation téléphonique avec M. Lala, le 10 septembre 2015 ou vers cette date, elle lui a demandé combien d’employés travaillaient à la base. Il lui a dit qu’il y en avait 76. Il lui a dit qu’il avait la liste des employés, y compris leurs titres de poste et leurs coordonnées, et qu’il avait reçu cette liste des RH.

393        Comme Mme Stewart venait d’être embauchée, elle a été surprise de voir que M. Lala connaissait le nombre d’employés de l’unité de négociation. Selon les seuls renseignements qu’elle possédait, il y avait eu des mises en disponibilité et il y avait des employés assujettis à la formule RAND. À ce moment, elle ne connaissait pas les employés qui travaillaient à la base.

394        À la suite d’un échange de courriels, Mme Stewart a rencontré M. Lala, le 15 ou le 16 septembre. Elle souhaitait lui parler en présence de témoins par suite de leur conversation téléphonique. Elle était accompagnée de l’ancien représentant de l’agent négociateur, M. Zima, et de son représentant national.

395        Ils étaient préoccupés par la provenance de la liste des employés de M. Lala. Sans planifier de rencontre avec lui, ils se sont rendus au parcours de golf, puis à son bureau, en fin d’après-midi.

396        Pendant le contre-interrogatoire, Mme Stewart a été questionnée à savoir si elle avait effectué un suivi auprès de l’employeur après que M. Lala lui eut dit qu’il avait reçu une liste des employés, y compris leurs adresses. Mme Stewart a déclaré qu’elle n’avait effectué aucun suivi.

2. Mme Fanjoy

397        M. Lala a parlé de la taille de l’unité de négociation et a informé Mme Fanjoy qu’une majorité composée des trois quarts des membres cherchait à se débarrasser de l’agent négociateur. Il n’a pas parlé de la provenance de cette information. Mme Stewart a présumé qu’il avait reçu ces renseignements de l’employeur. Même s’il n’a pas mentionné comment il les avait reçus, il a laissé entendre que c’était du service des RH. Mme Stewart ne le lui a pas demandé.

3. M. Martin

398        Le 10 septembre 2015, M. Lala a écrit à Stephanie Au-Yeung, des RH, parce qu’il voulait savoir combien de membres étaient représentés par la section locale 401 des TUAC. Comme M. Lala demandait seulement le nombre et non les noms des personnes faisant partie de l’unité de négociation, Mme Au-Yeung lui a répondu, le 17 septembre 2015, et lui a dit qu’il y avait à ce moment-là 42 employés à temps partiel et 27 employés syndiqués à temps plein, soit 69 employés en tout.

399        Le 23 décembre 2015, M. Lala a écrit ce qui suit à Mme Dauphinee :

[Traduction]

J’ai [reçu] une lettre de la commission des relations publiques le 21 décembre 2015.

La lettre mentionnait que je recevrais la liste complète des employés des FNP qui font partie de la section locale 401 des TUAC à la BFC Edmonton.

J’ai demandé la liste à votre bureau en octobre, et j’ai essuyé un refus en raison de la politique.

La commission des relations publiques a consenti à me fournir la liste, une fois qu’elle l’aura reçue de vous.

Comme j’obtiendrai la liste de la commission des relations publiques après le 9 janvier 2016,

J’aimerais la recevoir au niveau local avant cette date.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

400        Mme Dauphinee s’est adressée à M. Martin, qui lui a dit de vérifier auprès de Mme Stevens. Mme Dauphinee a écrit à Mme Stevens afin de recevoir des directives. Celle-ci l’a informée qu’en l’absence d’instructions directes de la Commission, l’employeur ne pouvait pas divulguer ces renseignements. Mme Dauphinee a avisé M. Lala qu’elle ne pouvait pas lui fournir la liste directement.

4. Argumentation de l’agent négociateur

401        L’agent négociateur souligne qu’à ce stade, l’employeur a omis de citer Mme Dauphinee afin de réfuter facilement l’allégation voulant qu’elle ait fourni des renseignements confidentiels à M. Lala afin de soutenir sa campagne de révocation. De plus, comme elle était une employée de l’employeur [traduction] « […] il était naturel et logique de présenter sa preuve […] » (voir Vector Energy,au paragraphe 35). L’employeur n’a offert aucune explication pour ne pas avoir cité Mme Dauphinee, qui était une participante clé du milieu de travail pendant la campagne de révocation.

402        Par conséquent, l’agent négociateur soutient que pour la Commission, il s’agit d’un cas idéal pour tirer une inférence défavorable en ce qui concerne l’omission de l’employeur de citer Mme Dauphinee. De plus, il a soutenu que la Commission devrait conclure que Mme Dauphinee n’aurait pas contredit le témoignage de Mme Stewart selon lequel M. Lala avait reçu une liste des membres de l’unité de négociation par l’entremise de Mme Dauphinee. Le critère applicable aux inférences défavorables le confirme (voir The Law of Evidence in Canada, qui a été adoptée dans Vector Energy, au paragraphe 32).

403        D’une manière ou d’une autre, le témoin de l’employeur, M. Martin, a reconnu que Mme Stevens leur avait demandé, à lui et à son personnel, de communiquer à M. Lala la ventilation du nombre d’employés faisant partie de l’unité de négociation au moment de sa demande. Il est difficile de surévaluer la mesure dans laquelle ces renseignements ont aidé M. Lala dans le cadre de sa demande de révocation [l’agent négociateur souligne]. Le milieu de travail est extrêmement diffus, comprend de multiples lieux de travail et d’autres agents négociateurs y sont présents. En l’absence de ventilation du personnel en service, M. Lala aurait été incapable d’évaluer combien de membres de l’unité de négociation il devait convaincre pour assurer la réussite de la demande de révocation. Suivant les directives explicites de Mme Stevens, l’employeur a fourni à M. Lala des renseignements stratégiques qui ont permis de court-circuiter le processus organisationnel normal et de favoriser sa demande de révocation. En soi, cela constitueune ingérence de l’employeur [l’agent négociateur souligne].

5. L’argumentation de l’employeur

404        Le syndicat allègue que l’employeur a, en quelque sorte, soutenu ou appuyé la demande de révocation et M. Lala en fournissant des renseignements confidentiels concernant le milieu de travail, sous la forme d’une liste d’ancienneté ou d’une liste des coordonnées des employés.

405        Selon le témoignage de M. Martin, il ressort de la preuve que l’employeur a refusé la demande de M. Lala visant à obtenir la liste des coordonnées des employés. Néanmoins, l’employeur a fourni à M. Lala le nombre de membres inclus dans l’unité de négociation. Cependant, l’employeur soutient qu’il s’agissait de renseignements publics de base et que, à ce titre, il ne s’agissait pas d’une aide supplémentaire apportée à M. Lala dans le cadre de ses efforts pour présenter la demande.

406        Si un employeur fournit des renseignements généraux ou même publics, ce geste n’est pas assimilé à une ingérence de l’employeur. Dans Re Williams, l’employeur a été accusé d’être intervenu dans un processus de révocation de l’accréditation parce que son gestionnaire des relations de travail avait fourni à la demanderesse des renseignements généraux concernant le processus de révocation de l’accréditation, notamment les coordonnées de la commission de la Saskatchewan (voir Re Williams, au paragraphe 7).

407        Dans ses observations sur cette aide, la commission de la Saskatchewan a souligné qu’il est habituel pour les employés de demander des renseignements dans les cas de révocation de l’accréditation parce qu’ils sont défavorisés sur le plan informatif par rapport au syndicat, qui n’est pas la seule source de renseignements. Par conséquent, il est raisonnable pour les employés de se tourner vers leurs employeurs pour obtenir des renseignements de base quant au processus et à leurs droits. On ne considère pas que les renseignements généraux de ce type motivent un employé à déposer une demande de révocation, ni qu’ils altèrent la capacité des employés à exprimer leur volonté à l’égard de la représentation (voir Re Williams, aux paragraphes 40 à 42).

408        Dans le même ordre d’idées, il a été statué, dans 24/7 Traffic, que la communication de renseignements élémentaires aux employés par l’employeur à l’égard du processus de révocation d’accréditation ne constitue pas une intervention dans ce processus (voir les paragraphes 68 à 70). Compte tenu de cette affaire et de Re Williams, l’employeur soutient que la communication au demandeur du nombre d’employés de l’unité de négociation n’a pas nui au processus de révocation de l’accréditation.

6. Conclusion

409        Dans Re Williams,la commission de la Saskatchewan a établi que certains renseignements élémentaires peuvent être obtenus auprès de l’employeur ou fournis par celui-ci sans que cela ne constitue nécessairement une ingérence à l’égard de la demande de révocation, pourvu que l’employeur demeure manifestement neutre dans ses interactions avec ses employés à l’égard de la question de la représentation.

410        Il incombe à l’agent négociateur d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il est plus probable que le contraire que l’employeur ait fourni à M. Lala la liste des employés de l’unité de négociation, ainsi que leurs coordonnées.

411        Mme Stewart a déclaré que pendant sa conversation téléphonique avec M. Lala, le 10 septembre 2015 ou vers cette date, il lui a dit qu’il avait reçu des RH la liste des employés ainsi que leurs coordonnées. Cependant, dans sa correspondance à Mme Dauphinee en date du 23 décembre 2015, M. Lala reconnaît qu’il avait demandé cette information en octobre 2015. Sa demande a été refusée.

412        Encore une fois, en décembre 2015, l’employeur a refusé de fournir cette information à M. Lala. Je ne suis pas convaincu que l’agent négociateur se soit acquitté du fardeau d’établir qu’il est plus probable que le contraire que les RH aient fourni la liste des employés à M. Lala.

413        Je ne suis pas non plus disposé à tirer une inférence défavorable du fait que l’employeur n’a pas cité Mme Dauphinee à témoigner. La lettre de M. Lala est enregistrée auprès de la Commission. Dans sa correspondance, il a reconnu qu’il avait demandé cette information antérieurement, ce qui lui a été refusé. M. Martin a déclaré directement que le refus de la nouvelle demande visant à obtenir cette information reposait sur les conseils de Mme Stevens.

414        Le fait que M. Lala ait les adresses électroniques de certains employés de l’unité de négociation n’est pas surprenant, étant donné que lui et Mme Arey supervisaient un nombre important d’employés de l’unité de négociation qui devaient leur avoir fourni d’office leurs adresses électroniques aux fins du contrôle de l’assiduité.

415        L’employeur a communiqué à M. Lala le nombre d’employés à temps plein et à temps partiel de l’unité de négociation.

416        L’agent négociateur fait valoir que le milieu de travail est extrêmement diffus, qu’il comprend de multiples lieux de travail, que d’autres agents négociateurs sont présents à la base et que ces renseignements stratégiques ont permis de court-circuiter le processus organisationnel normal.

417        J’ai de la difficulté à comprendre comment les données brutes concernant le nombre d’employés à temps plein et à temps partiel de l’unité de négociation, sans qu’aient été mentionnés leurs noms, postes ou lieux de travail, aient pu constituer pour M. Lala une aide stratégique pour obtenir l’appui des employés à l’égard de la demande de révocation.

418        Par conséquent, je ne suis pas convaincu que la communication des données brutes relatives au nombre d’employés de l’unité de négociation à M. Lala ait constitué une ingérence de l’employeur à l’égard de la demande de révocation.

C. L’employeur a-t-il autorisé M. Lala à utiliser le titre de « gestionnaire »? Est-ce que sa relation étroite avec ses gestionnaires faisait en sorte que la perception des employés, selon laquelle M. Lala avait une relation étroite avec l’employeur à l’égard de sa campagne active de révocation de l’accréditation au travail, était raisonnable?

1. Pour l’agent négociateur

a. Mme Stewart

419        Lorsque Mme Stewart a appris que M. Lala était superviseur, elle a songé que la présence de superviseurs au sein de l’unité de négociation entraînait un conflit d’intérêts. À ce moment-là, elle ignorait qu’ils en faisaient partie.

420        Mme Stewart ne connaissait pas le titre de M. Lala. Elle savait qu’il était chef cuisinier.

421        Pendant leur conversation téléphonique, le 10 septembre 2015 ou vers cette date, Mme Stewart a demandé s’ils pouvaient se rencontrer pour discuter de certains problèmes. Elle a envoyé à M. Lala un courriel qui lui fournissait son adresse électronique, afin d’organiser une réunion avec les membres.

422        M. Lala a répondu et lui a donné l’adresse électronique de M. Gawley. Il l’a avisé de ce qui suit :

[Traduction]

[…]

J’ai pris un café avec lui, nous formons une équipe ici – c’est-à-dire que j’ai toujours pour politique d’ouverture de l’informer si le personnel éprouve des problèmes d’un côté ou de l’autre.

Il est convaincu qu’en qualité de gestionnaire général, il a pour mandat de faire en sorte que tous les employés travaillent de concert, indépendamment de leur statut.

Je vous ai transmis son courriel aux fins de classement, il est un chef formidable […]

423          Mme Stewart a déclaré qu’à un moment donné, au beau milieu de l’échange de courriels avec M. Lala en vue d’organiser une réunion, elle a remarqué qu’il utilisait le titre de [traduction] « gestionnaire » sous son nom. Elle en a parlé au représentant de l’agent négociateur. Il n’était pas fréquent qu’une personne eût ce titre au sein de l’unité de négociation.

424        Lors de la réunion au club de golf, le 10 septembre 2015, M. Lala a expliqué à Mme Stewart qu’il se disait gestionnaire parce que ce titre avait plus de poids lorsqu’il tentait d’obtenir de meilleures offres dans les négociations de marchés avec les fournisseurs.

425        M. Lala a déclaré que sa superviseure directe et lui avaient une bonne relation.

426        M. Lala a remis à Mme Stewart une copie de sa carte professionnelle arborant le titre de [traduction] « Chef cuisinier de la BFC, gestionnaire des aliments et des boissons. Elle a cru qu’il détenait le pouvoir de négocier des marchés pour le compte de l’employeur.

b. M. Nanson

427        Au meilleur des connaissances de M. Nanson, M. Lala était superviseur, et non gestionnaire.

c. Mme Fanjoy

428        De l’avis de Mme Fanjoy, les allées et venues de M. Lala donnaient à penser qu’il était d’un niveau plus élevé que les employés réguliers et qu’il était au moins superviseur, voire titulaire d’un poste supérieur.

429        En contre-interrogatoire, Mme Fanjoy a déclaré qu’elle savait que M. Lala, sa superviseure, Mme Arey, ainsi que sa superviseure actuelle étaient membres de l’unité de négociation.

d. Mme Van Hees

430        On a demandé à Mme Van Hees comment M. Lala se désignait. Elle a répondu que cela dépendait de la personne avec qui il s’entretenait. Il laissait entendre qu’il occupait le poste le plus élevé parmi les personnes qui étaient rémunérées sur une base horaire.

431        Les cadres et les titulaires de postes plus élevés reçoivent un salaire. Mme Van Hees a déclaré que même si M. Lala était membre de l’unité de négociation, il laissait entendre qu’il faisait partie de la direction, selon la personne avec qui il parlait.

432        À titre d’exemple, les mineurs qui travaillaient au club de golf ignoraient probablement quel était son poste.

433        M. Lala n’a pas remis de carte professionnelle à Mme Van Hees. Elle a vu sa carte et a photographié une de ses cartes, qui a été déposée en preuve auprès de la Commission.

434        Mme Van Hees a déclaré que pour M. Lala, l’avantage d’être gestionnaire était probablement de ne pas avoir à passer par la direction lorsqu’il traitait avec les fournisseurs. Elle a été témoin de décisions d’achat qu’il a prises.

435        Mme Van Hees a déclaré que M. Lala se trouvait régulièrement dans les bureaux de la direction, puisque cela faisait partie de son travail.

436        Mme Van Hees a fourni des preuves que des représentants de fournisseurs, notamment des représentants d’entreprises de spiritueux, avaient offert des articles promotionnels à M. Lala. Après le départ des représentants, elle a vu M. Lala sortir de son bureau en brandissant une bouteille d’alcool, supposément en route vers le bureau de M. Gawley, afin de prendre un verre.

437        Mme Van Hees n’a jamais vu MM. Lala et Gawley boire ensemble.

438        Elle a vu M. Lala recevoir MM. Pigden et Gawley.

439        Mme Van Hees a déclaré que M. Lala entretenait une relation étroite avec la dirigeante des RH, Mme Dauphinee. Lorsque celle-ci venait déjeuner au club de golf, il lui offrait un traitement de faveur, notamment de plus grosses portions et un dessert.

e. M. Zima

440        Lors de la réunion du 10 septembre 2015, M. Lala a parlé de sa façon de négocier des marchés avec les fournisseurs. Il a décrit avec exubérance comment il avait passé un marché avec un fournisseur aux fins de l’approvisionnement en boissons du club de golf et de curling pour un moindre prix qu’un fournisseur concurrent. M. Lala a affirmé qu’il avait reçu un avis indiquant que le quartier général de l’employeur, à Ottawa, était ravi.

441        En ce qui concerne les antécédents des postes faisant partie de l’unité de négociation et les évaluations des emplois, l’agent négociateur avait été avisé qu’un employé syndiqué de « catégorie 1 », titulaire du poste occupé par M. Lala, ne pouvait pas mener ce type de négociation.

f. Mme Lachance

442        En septembre 2015, lorsque M. Lala a discuté avec Mme Lachance au sujet de la demande de révocation, elle a supposé qu’il occupait un poste supérieur, comme celui de gestionnaire.

2. Pour l’employeur

a. M. Gawley

443        Le superviseur des aliments et des boissons relève du poste occupé par M. Gawley et est chargé de préparer l’horaire de travail des employés aux fins d’examen par M. Gawley. Dans le passé, il y avait deux superviseurs, un chargé des aliments et l’autre du bar. On a constaté que les opérations devenaient de plus en plus occupées. Il était difficile de consulter deux superviseurs différents.

444        Un poste de superviseur des aliments et des boissons a été créé puisque les activités nécessitaient un seul relais afin que des directives puissent être données au bar et à la cuisine. Le poste est actuellement vacant. Il était occupé par M. Lala, qui a démissionné en novembre 2016, après avoir occupé le poste pendant environ deux ans. Tous les employés qui participent aux opérations sont syndiqués, à l’exception du gestionnaire et du gestionnaire adjoint.

445        M. Gawley avait une bonne relation de travail avec M. Lala. Il pouvait régler rapidement les problèmes. M. Lala avait une relation difficile avec le gestionnaire adjoint et, en conséquence, il relevait de M. Gawley.

446        M. Lala était chargé de tout ce qui concernait la cuisine. Il commandait les fournitures et formulait des recommandations relatives aux achats d’immobilisations. M. Gawley lui a accordé une importante marge de manœuvre en ce qui concerne la commande de fournitures puisque M. Lala tentait d’épargner beaucoup d’argent pour l’employeur.

447        M. Lala négociait les contrats avec les fournisseurs. Toutefois, il n’avait aucun pouvoir de signature et il présentait les contrats à M. Gawley aux fins de signature.

448        Les cuisiniers et les aides de cuisine relevaient tous de M. Lala qui leur attribuait leurs tâches quotidiennes.

449        En ce qui concerne l’embauche, M. Lala recommandait les employés potentiels à M. Gawley et ils les présentaient à M. Pigden, le gestionnaire principal du PSP. Pour ce qui est de l’autorité en matière de congédiement, M. Pigden présentait une recommandation au vice-président principal du PSP, à Ottawa.

450        Si des problèmes survenaient dans le lieu de travail, comme des retards, les superviseurs les réglaient. Si les problèmes survenaient de nouveau, ils étaient portés à l’attention de M. Gawley ou de son adjoint. Il avait le pouvoir d’imposer des mesures disciplinaires, comme des avertissements verbaux ou écrits. M. Pigden s’occupait des mesures disciplinaires plus graves, comme les suspensions.

451        M. Lala était titulaire d’un poste de supervision à horaire variable et il était chargé de la préparation des aliments. Il pouvait commencer à travailler dès 6 h, alors que d’autres fois, il travaillait de 15 h à minuit ou effectuait parfois un quart de huit heures. Ses heures de travail étaient éparpillées et comprenaient les fins de semaine et les jours fériés, parce que les services étaient offerts sept jours sur sept et qu’il y avait toujours un événement qui se déroulait.

452        Le style de gestion de M. Gawley consistait à accorder aux gestionnaires et aux superviseurs beaucoup d’indépendance. Selon lui, la microgestion est contre-productive puisqu’elle l’empêche d’effectuer son propre travail. Il visite quotidiennement le lieu de travail.

453        Peu de temps après son embauche en tant que chef cuisinier et avoir été promu à son nouveau poste de superviseur, M. Lala a demandé une nouvelle carte professionnelle arborant le titre de [traduction] « gestionnaire », afin d’obtenir de meilleures offres des fournisseurs. M. Gawley y a consenti. M. Lala demeurait superviseur et n’était pas gestionnaire. Aucun changement n’a été apporté à son autorité au travail.

454        Il a affirmé que l’attribution du titre de [traduction] « gestionnaire » à M. Lala n’était pas un cas particulier dans l’organisation ni inhabituel dans l’industrie du golf, où le titre de [traduction] « gestionnaire des aliments et des boissons » est caractéristique. Le titre lui a été donné pour l’aider lorsqu’il faisait affaire avec les fournisseurs externes.

455        M. Lala a informé M. Gawley que le nouveau représentant ne pouvait pas répondre à ses questions et qu’il tenterait peut-être de se débarrasser de l’agent négociateur. M. Gawley a répondu ceci : [traduction] « Je ne peux pas t’aider; je fais partie de la direction ».

456        Ultérieurement, M. Lala est allé voir M. Gawley et l’a avisé qu’il avait recueilli les signatures de personnes aux fins de révocation de l’accréditation. M. Gawley ne lui a pas donné satisfaction. M. Lala a tenté de discuter avec lui de la révocation de l’accréditation à une autre occasion et M. Gawley lui a dit qu’il ne pouvait pas l’aider et que s’il voulait consacrer des heures à la révocation de l’accréditation, il devait le faire pendant son temps libre.

457        En contre-interrogatoire, M. Gawley a été interrogé quant à l’autorisation accordée à M. Lala d’utiliser le titre [traduction] « gestionnaire des aliments et des boissons » et il a été renvoyé à la « Politique des FNP sur les valeurs et l’éthique ». Plus particulièrement, il a été renvoyé à l’alinéa 14b) qui est ainsi rédigé :

[Traduction]

14. Les employés des FNP serviront les intérêts du public et de l’organisation comme suit :

[…]

b) ils n’utilisent jamais leur rôle officiel en vue d’obtenir de façon inappropriée un avantage pour eux-mêmes ou autrui ou en vue de nuire à quelqu’un.

458        Il a été suggéré à M. Gawley qu’en utilisant un titre inapproprié, M. Lala exploitait les fournisseurs, contrairement à cette politique. Il n’était pas d’accord. Selon lui, le titre conférait plus de crédibilité à M. Lala puisqu’il lui avait délégué le pouvoir de négocier.

b. M. Pigden

459        M. Pigden  a décrit l’organisation. Elle compte un gestionnaire adjoint de « catégorie 2 », un gestionnaire sportif et de la condition physique, un gestionnaire des loisirs, deux gestionnaires de l’accueil, un gestionnaire du parcours de golf (M. Gawley) et un gestionnaire de la santé et promotionnel. Il existe un autre niveau de direction de catégorie 2 non syndiqué inférieur à ce niveau.

460        Les employés de la catégorie 1 comprennent les superviseurs qui font partie de l’unité de négociation.

461        Lorsque le poste de superviseur de M. Lala a été établi, l’approbation des RH au niveau national a été nécessaire afin de créer un poste pour gérer à la fois le bar-salon et la cuisine. Le superviseur du bar relevait de M. Lala.

462        M. Pigden a déclaré que le poste de M. Lala était nouveau et qu’il combinait un certain nombre de descriptions de travail. Il a déclaré qu’il existait un poste de chef de cuisine, ce qui ne permettait pas à la base d’attirer de bons candidats. Conjointement avec les RH, l’employeur a étudié l’échelle salariale et a créé un nouveau poste classifié à un niveau supérieur de l’échelle salariale. Ce poste regroupait les fonctions de cuisinier et administratives. Même si les cuisiniers antérieurs étaient bons dans leur profession, ils ne l’étaient pas au niveau administratif. De plus, la direction souhaitait avoir une personne chargée à la fois de la cuisine et du bar-salon.

463        Il avait interagi avec M. Lala et il l’a décrit comme une personne sociable.

464        Il savait que M. Lala avait une carte professionnelle arborant le titre [traduction] « gestionnaire ». Il a expliqué que M. Gawley l’avait consulté pour lui demander si l’employeur fournirait à M. Lala une carte arborant ce titre aux fins d’utilisation auprès des fournisseurs. M. Pigden a accepté puisqu’il savait à quoi elle servirait, soit la négociation avec les fournisseurs, ce qui constituait son seul objectif.

465        M. Pigden a été renvoyé à la Politique des FNP sur les valeurs et l’éthique et plus particulièrement à l’article portant sur l’intégrité. L’alinéa 14b) prévoit que : [traduction] « Les employés des FNP serviront les intérêts du public et de l’organisation en : […] ils n’utilisent jamais leur rôle officiel en vue d’obtenir de façon inappropriée un avantage pour eux-mêmes ou autrui ou en vue de nuire à quelqu’un […] »

466        On a laissé entendre à M. Pidgen que l’utilisation par M. Lala d’une carte professionnelle arborant le titre de [traduction] « gestionnaire » contrevenait à la politique. M. Pigden n’était pas d’accord et a déclaré que M. Lala n’utilisait pas la carte pour obtenir un gain personnel, mais pour tirer un avantage pour l’organisation.

467        Il a été interrogé sur ses discussions avec M. Lala au sujet des activités syndicales. M. Lala était venu lui parler. Il n’a pas initié la conversation. M. Lala était en colère au sujet d’une réunion de l’agent négociateur qui avait eu lieu en juin 2015, ou vers cette date. M. Pigden lui avait dit de discuter de ses préoccupations avec l’agent négociateur. La conversation a eu lieu dans le bar-salon ou le chalet; M. Lala était arrivé par l’arrière de la cuisine.

c. M. Martin

468        Il ne savait pas que M. Lala avait utilisé le titre de « gestionnaire » pendant qu’il travaillait à la base. Il avait entendu des rumeurs à ce sujet, mais il a confirmé que M. Lala n’était définitivement pas un gestionnaire.

3. Résumé de l’argumentation

a. Pour l’agent négociateur

469        Le défaut de l’employeur d’empêcher la campagne de révocation de l’accréditation intentée par M. Lala était particulièrement flagrant en raison de la position de ce dernier au lieu de travail. Le syndicat a présenté des éléments de preuve non contredits selon lesquels lui et son gestionnaire, M. Gawley, étaient des amis proches et des [traduction] « copains qui aimaient prendre un verre ensemble ». Cette description est conforme à celle de M. Gawley en ce qui concerne sa relation étroite avec M. Lala; M. Gawley a déclaré qu’ils étaient proches et que M. Lala était un ami proche de sa famille. Le fait que M. Gawley privilégiait M. Lala était également évident dans le lieu de travail. Par exemple, lorsqu’un conflit survenait entre M. Lala et le gestionnaire adjoint (de qui relevait M. Lala), M. Gawley permettait à M. Lala de relever directement de lui, plutôt que d’insister sur le fait que M. Lala devait respecter la chaîne de commandement appropriée et continuer de se rapporter au gestionnaire adjoint.

470        L’employeur a permis à M. Lala de se présenter comme un gestionnaire et a même fait imprimer des cartes professionnelles à cet égard. Mme Fanjoy et Mme Lachance ont affirmé qu’elles croyaient que M. Lala occupait un [traduction] « poste de niveau supérieur » et qu’il disposait d’un pouvoir considérable conformément au titre de « gestionnaire » que l’employeur lui permettait d’utiliser. L’agent négociateur soutient que cela contrevenait à la [traduction] « Politique sur l’éthique » des RH.

471        La relation étroite entre M. Lala et Mme Dauphine, l’ancienne gestionnaire des RH de l’employeur, ainsi que le traitement préférentiel accordé à M. Lala par celle-ci faisaient également en sorte qu’il était raisonnable pour les employés de croire que lorsque M. Lala les approchait au sujet de la révocation, l’employeur [traduction] « pourrait avoir connaissance de [leur] décision de la signer ou non » (voir C.J.A., Local 1338, au paragraphe 32).

472        Durant son témoignage, à la question de savoir si le mauvais usage de la part de M. Lala du titre de « gestionnaire » en vue de tirer un avantage auprès des fournisseurs contrevenait à la Politique sur les valeurs et l’éthique de l’employeur, M. Pigden s’est donné beaucoup de mal pour éviter d’admettre que tel était le cas. Il a refusé de reconnaître que la malhonnêteté en vue d’obtenir un gain pécuniaire équivalait à « utilis[er] […] rôle officiel en vue d’obtenir […] un avantage pour eux-mêmes ou autrui ou en vue de nuire à quelqu’un […] ». Il l’a fait malgré sa reconnaissance de l’importance des rangs militaires et sa vaste expérience de la discipline militaire puisqu’il était un major à la retraite. M. Pigden a démontré qu’il avait davantage à intérêt à protéger la façon dont lui et l’employeur ont géré les actions de M. Lala plutôt que de donner une version simple et véridique des faits.

473        Quoi qu’il en soit, même si la Commission choisit de croire la majorité du témoignage de M. Pigden, ce dernier a reconnu avoir discuté de la campagne de révocation de l’accréditation avec M. Lala dans le lieu de travail alors que celui-ci travaillait. Il a indiqué M. Lala venait le voir de l’arrière de la cuisine lorsqu’il visitait le bar-salon et qu’il remerciait M. Lala de lui avoir donné des renseignements sur l’état de la révocation de l’accréditation. Même si M. Pigden n’appuyait pas expressément M. Lala, les autres employés auraient constaté que M. Lala discutait avec M. Pigden, un haut fonctionnaire dans le lieu de travail, au sujet de la révocation de l’accréditation, et ce, de manière amicale. M. Pigden a affirmé qu’il le remerciait parfois pour les renseignements. Le fait que ces conversations aient eu lieu pendant les heures de travail, devant d’autres employés et dans le bar-salon, alors que M. Lala et M. Pigden travaillaient leur quart, suffit en soi pour vicier la demande de révocation.

474        En général, l’ensemble de ces éléments de preuve étaye fortement qu’il était raisonnable que les employés perçoivent une relation étroite entre M. Lala et l’employeur à l’égard de sa campagne active de révocation de l’accréditation en milieu de travail. Cela vicie en outre le caractère volontaire de la demande de révocation et justifie son rejet (voir Re Ross, au paragraphe 69).

b. Pour l’employeur

475        L’agent négociateur fait valoir que, selon la perception des employés de la BFC d’Edmonton, M. Lala était un gestionnaire qui occupait un poste supérieur et qui disposait d’un pouvoir considérable, conformément au titre de « gestionnaire », en raison d’une carte professionnelle qui lui a été donnée par son gestionnaire, M. Gawley, aux fins d’utilisation auprès des fournisseurs et des vendeurs externes. L’agent négociateur soutient qu’il y a violation de la Politique sur les valeurs et l’éthique de l’employeur, et ce, malgré le fait que la politique s’applique uniquement à l’interne, aux employés de l’employeur.

476        L’agent négociateur fait valoir que la perception des employés est au cœur de la question de savoir si l’employeur a participé ou s’est ingéré dans le processus de demande ou le scrutin de représentation. Il affirme en outre que la Commission doit examiner comment un employé raisonnable percevrait les actes de l’employeur et, le cas échéant, tirer une conclusion raisonnable relativement à la question de l’ingérence. L’agent négociateur souligne que le critère est objectif.

477        Le critère est effectivement objectif. Bien que la preuve subjective (comme celle concernant les perceptions des employés à titre individuel) puisse être considérée comme un critère objectif, la Commission doit adopter une approche nuancée lorsqu’il s’agit de s’appuyer sur cette preuve ou de lui accorder du poids, le cas échéant. La preuve subjective n’est ni concluante ni déterminante, et la Commission est justifiée d’adopter une approche nuancée.

478        En conséquence, l’employeur soutient que l’agent négociateur n’a déposé qu’une preuve subjective quant à la raison pour laquelle les employés percevaient M. Lala (ou même Mme Arey) comme étant apparenté à un gestionnaire, occupant un [traduction] « poste supérieur » disposant d’un pouvoir considérable conformément au titre de « gestionnaire » qu’il était autorisé à utiliser. Dans le cadre de leurs témoignages, ces témoins ont exprimé leurs impressions quant au pouvoir de gestion de M. Lala, tout en reconnaissant qu’il faisait partie de l’unité de négociation. Ils ne semblaient pas l’assimiler (ou Mme Arey) à ceux qu’ils ont clairement identifiés comme étant des gestionnaires (Mme Stanners, M. Gawley et M. Pigden).

479        De manière objective, il ressort de la preuve que ni M. Lala ni Mme Arey n’avait le pouvoir ou démontrait des caractéristiques propres à un gestionnaire. Il n’a pas été démontré non plus que l’un ou l’autre avait un contrôle déterminant ou avait formulé des recommandations déterminantes ayant des répercussions substantielles sur la vie économique des employés qu’ils supervisaient (voir Tundra Boiler, aux paragraphes 19 à 21). Ils n’avaient aucun pouvoir en matière d’embauche, de discipline ou de congédiement des employés. Même les horaires de travail qu’ils établissaient devaient être autorisés par leurs gestionnaires. Il n’a pas été démontré qu’ils avaient une marge de manœuvre pour exécuter leurs fonctions; ils ne disposaient d’aucune autonomie décisionnelle et n’avaient aucun pouvoir quant à l’établissement de budgets ni capacité réelle en ce qui concerne la prise de décision ou l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire (voir Feldsted, au paragraphe 10; Nishnawbe, aux paragraphes 22, 23 et 83; Torre, aux paragraphes 13, 16 et 17).

480        M. Lala pouvait négocier les modalités avec les vendeurs et fournisseurs, mais il ne pouvait pas lier l’organisation sur le plan contractuel. Ses cartes professionnelles étaient à des fins d’utilisation externes. M. Gawley et M. Pigden ont témoigné au sujet de la façon dont les titres de l’employeur sont interchangeables et du fait que le titre de M. Lala ne lui conférait aucun pouvoir dans le lieu de travail. Quoi qu’il en soit, les titres ne sont d’aucune pertinence pour déterminer si une personne est un gestionnaire ou peut être identifiée à ce titre (voir Tundra Boiler, au paragraphe 20).

481        À la lumière de cette preuve objective, l’employeur fait valoir que la perception des employés, telle qu’elle est présentée par l’agent négociateur, selon laquelle ils croyaient que M. Lala occupait un poste de gestion ou disposait d’un [traduction] « pouvoir considérable allant de pair au titre de gestionnaire » n’était pas raisonnable. En conséquence, l’employeur soutient qu’il n’existe aucune preuve objective permettant de conclure que M. Lala (ou Mme Arey) pourraient avoir été perçu comme étant des gestionnaires.

482        La perception subjective des employés n’est pas fiable et il ne faut lui accorder que peu de poids. Il faut fonder cette décision sur une preuve objective et aucune n’a été présentée. M. Lala n’était pas un gestionnaire et, en raison de ses fonctions, de ses responsabilités, de son inclusion à l’unité de négociation et du niveau de pouvoir, il ne pouvait être raisonnablement assimilé à une personne ayant un pouvoir de gestion. Le même raisonnement s’applique à Mme Arey. En conséquence, ils ne pouvaient être considérés comme des gestionnaires qui s’ingèrent dans le processus relatif à la demande.

483        L’agent négociateur allègue que M. Lala a présenté de manière erronée son titre de « gestionnaire » et que, par conséquent, il a commis une infraction grave parce que, sans égard au fait qu’il était un civil travaillant dans un lieu de travail civil avec des employés civils, le lieu de travail était situé sur une base militaire.

484        L’agent négociateur n’a déposé aucun élément de preuve visant à assimiler les titres civils utilisés par l’employeur dans son lieu de travail civil aux titres militaires. Il a déposé des éléments de preuve quant à l’importance des rangs dans un environnement militaire et à la gravité de les présenter de manière inexacte. L’employeur n’a pas contesté cette preuve. Toutefois, les employés de l’employeur ne sont pas des militaires. La preuve a révélé qu’ils étaient des employés civils qui travaillaient pour une organisation qui sert les militaires. L’agent négociateur n’a déposé aucun élément de preuve pour étayer l’assimilation des titres militaires aux titres dans le lieu de travail civil de cet employeur civil.

485        Par conséquent, tel qu’il est décrit, l’employeur soutient que le titre d’un d’employé n’est d’aucune utilité pour décider s’il est ou pas gestionnaire ou s’il peut être perçu ainsi. Par ailleurs, selon la preuve, M. Lala a utilisé le titre de « gestionnaire » lorsqu’il faisait affaire avec les vendeurs et les fournisseurs externes et non dans le cadre de ses interactions avec ses collègues dans le lieu de travail. La preuve de l’employeur a permis de confirmer que le titre de M. Lala n’avait aucune incidence sur son pouvoir dans le lieu de travail et que les membres du personnel le reconnaissaient en tant que collègue faisant partie de l’unité de négociation. Aucune preuve objective n’a été déposée à l’appui de toute allégation qu’il utilisait son titre de gestionnaire à des fins personnelles. En conséquence, on ne peut conclure qu’il a bénéficié d’un traitement privilégié ou qu’il a été [traduction] « autorisé » à contrevenir à la politique, conformément à ce que suggère l’insinuation de l’agent négociateur que son usage du titre « gestionnaire », dans le cadre de ses interactions avec des fournisseurs, faisait fi de la politique relative à l’éthique de l’employeur.

4. Conclusions

486        Selon la jurisprudence, même si une preuve subjective peut être prise en considération dans le cadre d’un critère objectif, je suis convaincu que la Commission doit adopter une approche nuancée au moment de s’appuyer sur une telle preuve. En outre, d’après mon examen de la jurisprudence, en l’absence d’une disposition dans la LRTFP semblable à celle figurant dans la loi antérieure à la Loi de 1995 sur les relations de travail de l’Ontario, la Commission doit se préoccuper davantage de la véritable participation de l’employeur aux demandes de révocation plutôt que des perceptions à cet égard.

487        L’agent négociateur soutient que l’employeur a autorisé M. Lala à s’identifier comme un gestionnaire et qu’il lui a même donné une carte professionnelle à cet effet. Il a fait valoir que Mme Fanjoy et Mme Lachance ont affirmé qu’elles croyaient qu’il occupait un poste supérieur comportant un pouvoir considérable, conformément au titre de « gestionnaire ».

488        Au meilleur des connaissances de M. Nanson, M. Lala était un superviseur et non un gestionnaire. Mme Fanjoy a déclaré qu’elle était d’avis que les allées et venues de M. Lala donnaient à penser qu’il occupait un poste supérieur à celui des employés réguliers, au moins un poste de superviseur ou plus élevé. En contre-interrogatoire, elle a reconnu qu’elle savait que Mme Arey et M. Lala étaient membres de l’unité de négociation.

489        Mme Gracie a reconnu qu’elle savait que Mme Arey était une superviseure et qu’elle faisait partie de l’unité de négociation. Elle n’a présenté aucun témoignage au sujet de ses connaissances du poste de M. Lala.

490        Mme Van Hees a reconnu qu’elle savait que M. Lala était un superviseur et qu’il était membre de  l’unité de négociation. Elle avait vu sa carte professionnelle qui l’identifiait comme un gestionnaire des aliments et des boissons. Elle a déclaré que l’avantage qu’il tirait d’être identifié en tant que gestionnaire sur sa carte professionnelle était qu’il n’était pas tenu de passer par la direction lorsqu’il traitait avec les fournisseurs.

491        Elle n’a pas laissé entendre que M. Lala avait plus de pouvoir que celui conféré à un superviseur qui traite avec les employés.

492        Elle a supposé que certains mineurs qui travaillaient au club de golf ignoraient probablement quel était son poste.

493        Mme Lachance travaillait à titre occasionnel dans le mess des officiers et occupait un poste qui ne faisait pas partie de l’unité de négociation, et ce, d’août 2014 à juin 2015, lorsqu’elle est devenue une employée à temps partiel occupant un poste faisant partie de l’unité de négociation.

494        À un moment donné en septembre 2015, alors qu’elle travaillait au bar à l’étage inférieur, elle a discuté avec M. Lala et celui-ci lui a donné des documents. Elle les a mis derrière le bar et ne les a pas signés. Elle a supposé qu’il occupait un poste supérieur, comme celui de gestionnaire. Quelques jours plus tard, elle en a informé son superviseur qui l’a informé que M. Lala ne pouvait entrer dans le mess des officiers et qu’elle n’avait pas à signer les documents.

495        Tous les employés qui ont témoigné, à l’exception de Mme Lachance, savaient que M. Lala et Mme Arey étaient des superviseurs et qu’ils faisaient partie de l’unité de négociation. Mme Van Hees n’a pas laissé entendre que le pouvoir de M. Lala à l’endroit des employés était supérieur à celui de tout autre superviseur et que l’utilisation du titre « gestionnaire » était uniquement aux fins des interactions avec les fournisseurs.

496        La suggestion selon laquelle les mineurs qui travaillaient au club de golf ignoraient probablement quel était le poste de M. Lala est au mieux de la conjecture.

497        Selon la perception de Mme Lachance, une nouvelle employée, M. Lala occupait un poste supérieur, par exemple un poste de gestionnaire, lorsqu’elle lui a parlé en septembre 2015. Toutefois, au cours des deux jours qui ont suivi, elle a discuté avec ses superviseurs qui lui ont dit que M. Lala ne pouvait pas entrer dans le mess des officiers et qu’elle n’était pas tenue de signer les documents. Elle ne les a pas signés.

498        Aucun élément de preuve n’a été présenté alléguant que M. Lala a réellement exécuté des responsabilités de gestionnaire dans le lieu de travail en litige. De plus, je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que les employés percevaient M. Lala comme étant un gestionnaire ou qu’il agissait au nom de la direction, en supposant qu’il s’agit du critère approprié.

499        L’agent négociateur soutient également que, selon la preuve, il était raisonnable que les employés perçoivent une relation étroite entre M. Lala et l’employeur à l’égard de la campagne de révocation de l’accréditation au travail. Il souligne aussi que cette relation vicie le caractère volontaire de la demande de révocation, même si l’employeur n’a pas expressément appuyé la demande de M. Lala.

500        Tel qu’il a été mentionné, la Commission devrait se préoccuper davantage de l’intervention réelle de l’employeur à l’égard d’une demande de révocation d’accréditation plutôt que sur les perceptions liées à son intervention.

501        Mme Van Hees a déclaré que M. Lala se trouvait régulièrement dans les bureaux des gestionnaires, puisque cela faisait partie de son travail.

502        Elle a déclaré qu’à une occasion, M. Lala était sorti de son bureau avec une bouteille d’alcool provenant supposément d’un représentant de l’industrie. Elle a déclaré qu’il se dirigeait vers le bureau de M. Gawley pour la boire. Elle ne les a pas vus prendre un verre ensemble.

503        Elle a observé M. Lala accueillir M. Gawley, M. Pidgen et M. Wittier. Aucun autre détail n’a été fourni.

504        M. Gawley travaillait étroitement avec M. Lala parce que ce dernier agissait comme personne intermédiaire entre la direction et le bar et la cuisine dont il était responsable. Son poste comprenait de vastes responsabilités et il supervisait un effectif important. M. Gawley a déclaré qu’il avait une bonne relation de travail avec M. Lala.

505        M. Pigden avait des interactions commerciales avec M. Lala. Il s’est souvenu d’une réunion au cours de laquelle M. Lala est sorti de la cuisine pour discuter de la réunion de l’agent négociateur qui avait été tenue en juin 2015. La réunion avait été tenue dans le bar-salon ou au club de golf. Rien dans la preuve n’indique que d’autres employés étaient présents. M. Pigden avait alors recommandé à M. Lala de discuter de ses préoccupations avec l’agent négociateur.

506        Selon la définition d’ « employé » figurant dans le Code, l’« employé » comprend les personnes qui exercent des fonctions de supervision, mais qui n’exercent pas suffisamment de fonctions de gestion pour être exclu de la négociation collective. Malgré les droits des superviseurs de négocier collectivement, le CCRI les regroupe habituellement dans leur propre unité de négociation afin d’éviter les conflits d’intérêts possibles avec les employés qu’ils supervisent. (Voir Clarke’s Industrial Relations Board, I 8-61, commentaires S27(5).)

507        Ce lieu de travail ressemble plus à un lieu de travail du secteur privé que de la fonction publique fédérale où les unités de négociation sont fondées sur les groupes professionnels. Contrairement à la plupart des lieux de travail du secteur privé, les superviseurs font partie de la même unité de négociation que les employés qu’ils supervisent. Lorsque Mme Stewart a appris que M. Lala était superviseur, elle a cru que la présence de superviseurs au sein de l’unité de négociation entraînait un conflit d’intérêts. À ce moment-là, elle ne savait pas que les superviseurs étaient inclus dans l’unité de négociation.

508        Dans les circonstances en l’espèce, il est clair que M. Lala avait une relation étroite avec la direction puisque cela faisait partie de son travail, tel qu’en a attesté Mme Van Hees.

509        Selon la preuve, il est exagéré de dire que M. Gawley et M. Lala étaient des [traduction] « copains qui aiment prendre un verre ensemble ». Néanmoins, M. Gawley a déclaré qu’il avait une bonne relation de travail avec M. Lala. Je suis d’avis qu’une bonne relation de travail entre un gestionnaire et un superviseur qui exerce les types de responsabilités attribuées à M. Lala est essentielle aux fins d’une organisation efficace.

510        En ce qui concerne la fois où, selon la preuve, M. Lala est sorti de l’arrière de la cuisine pour discuter avec M. Pigden dans le bar-salon ou au club de golf, aucun élément de preuve n’a démontré que d’autres employés étaient présents ou qu’une personne quelconque avait entendu la discussion. Supposant que des employés étaient présents et qu’ils ont entendu la conversation, M. Pigden avait alors recommandé à M. Lala de soulever ses préoccupations auprès de l’agent négociateur. Aucun employé n’a témoigné pour confirmer leur présence.

511        Même s’ils sont éligibles à la négociation collective, les superviseurs font néanmoins partie de l’équipe de gestion et doivent avoir des relations de travail efficace avec les gestionnaires. Je suis d’avis qu’il n’y a aucune justification appuyant la conclusion qu’en raison des bonnes relations de travail entre les superviseurs et leurs gestionnaires, il y a lieu de supposer que la direction a participé à la campagne de révocation amorcée par deux superviseurs qui étaient membres de l’unité de négociation.

512        Je ne suis pas convaincu que l’agent négociateur a présenté des éléments de preuve établissant que, vraisemblablement, sur la base de cette allégation, il est raisonnable pour les employés de conclure que l’employeur a participé à la demande de révocation.

XIII. M. Lala ou Mme Arey ont-ils intimidé, menacé ou exercé une influence indue sur les employés afin d’appuyer la demande de révocation? L’employeur les a-t-il appuyés?

A. M. Nanson

513        M. Nanson a indiqué qu’il avait rempli une formule 5 à l’appui de la demande de révocation en septembre 2015 et que sa superviseure, Mme Arey, lui avait montré et expliqué la formule. Il a déclaré qu’elle lui avait dit que la convention collective ne prévoyait aucun avantage supplémentaire à ce que prévoit la politique sur le personnel des RH et que le versement des cotisations à l’agent négociateur constituait un gaspillage d’argent. Il a mené sa propre recherche et conclu que la politique des RH comportait sensiblement moins d’avantages que la convention collective et, par conséquent, il a ultérieurement signé une déclaration d’opposition (formule 5).

B. Mme Gracie

514        La superviseure de Mme Gracie, Mme Arey, a communiqué avec elle pendant qu’elle était en congé de maladie. Lorsqu’elle est retournée au travail, Mme Arey lui a donné une formule concernant la demande de révocation et lui a demandé de la lui retourner à la fin de la journée. Mme Arey demandait continuellement à Mme Gracie de signer la formule et, par conséquent, cette dernière a ressenti de la pression.

515        Quelques semaines après avoir signé la déclaration d’opposition, M. Lala l’a confronté. Il lui a dit qu’elle n’aurait pas dû signer la formule et qu’il consacrait des efforts en vue d’obtenir des augmentations de salaire, des avantages et des postes à temps plein. Mme Gracie a déclaré qu’elle en avait été contrariée. Il ne ressort pas clairement de son témoignage si elle était contrariée parce que M. Lala l’avait confronté ou parce qu’il avait été informé qu’elle avait signé la déclaration d’opposition.

C. Mme Fanjoy

516        Mme Fanjoy a déclaré que Mme Arey l’avait abordé pendant sa pause déjeuner. Mme Arey lui a demandé si elle pouvait signer les documents et a déclaré qu’elle en avait besoin avant la fin de la journée. Au départ, Mme Arey était debout derrière elle, puis elle s’est assise et lui a demandé de signer rapidement les documents. Elle a signé la demande en indiquant qu’elle ressentait de la pression puisqu’elle n’avait qu’une courte pause déjeuner.

D. Mme Van Hees

517        Le 15 juillet 2016, Mme Van Hees a envoyé un courriel à M. Zigart, auquel elle a joint une déclaration écrite qu’elle avait rédigée et qu’elle et un autre employé avaient signée. La déclaration soulignait que le mercredi 29 juin 2016, elle avait discuté avec un employé, qui avait déclaré qu’elle souhaitait exprimer clairement qu’elle n’était ni pour ni contre l’agent négociateur. Elle a indiqué que son superviseur, M. Lala, avait demandé à elle et à d’autres employés de la cuisine à maintes reprises de signer la demande de révocation. À un moment donné, il lui a demandé de se présenter à son bureau pour signer la révocation. Elle a déclaré avoir ressenti de la pression pour la signer et qu’elle l’a finalement fait pour mettre fin au harcèlement.

518        L’employé en question n’a pas été identifié ni cité à témoigner. Il a été reconnu que le document constituait du ouï-dire et que même s’il était admissible en preuve, des arguments concernant le poids à y accorder pouvaient être présentés.

E. Mme Lachance

519        En septembre 2015, Mme Lachance a eu une conversation avec M. Lala durant laquelle il lui a donné un document et l’a informé que si elle était d’accord avec la révocation de l’accréditation de l’agent négociateur, elle devrait le signer. Il lui a dit qu’il ne voulait pas lui dire quoi faire et qu’il s’agissait de son choix. Elle a déclaré avoir ressenti de la pression parce que M. Lala insistait. Elle ne l’a pas signé et en a discuté avec son superviseur.

F. Pour l’agent négociateur

520        L’agent négociateur soutient que M. Lala et Mme Arey ont intimidé les employés afin qu’ils signent des documents à l’appui de la demande de révocation. Il a renvoyé au témoignage de Mme Van Hees, de Mme Lachance, de Mme Gracie, de M. Nanson et de Mme Fanjoy.

G. Pour l’employeur

521        M. Nanson, Mme Gracie et Mme Fanjoy ont présenté un témoignage et ont présenté des déclarations d’opposition contestant le caractère volontaire de leur signature à l’appui de la demande en invoquant l’influence que M. Lala ou que Mme Arey a exercé à leur égard. Mme Lachance et Mme Van Hees ont également affirmé avoir observé ou ressenti de la pression de la part de M. Lala. Toutefois, en l’absence d’une preuve objective démontrant que M. Lala ou Mme Arey pourraient être ou ont été des membres de la direction ou auraient pu agir au nom de l’employeur, il ne s’agit que d’une preuve de la pression exercée par un autre membre de l’unité de négociation. La preuve a démontré qu’elles auraient pu signaler les incidents à leur gestionnaire et qu’elles ont choisi de ne pas le faire.

522        Ces témoins n’ont déposé aucun élément de preuve indiquant qu’ils ont été forcés d’une manière quelconque à signer un document indiquant qu’ils appuyaient la demande. Ni Mme Lachance ni Mme Van Hees n’ont signé la demande. Quoi qu’il en soit, elles n’ont pas été forcées à signer par une personne pouvant être identifiée comme gestionnaire, mais bien par des collègues faisant partie de l’unité de négociation. M. Nanson, Mme Fanjoy et Mme Gracie n’ont exprimé aucune crainte par rapport à leur signature de la déclaration d’opposition subséquente avec l’aide et en présence de leur représentant syndical. Ni l’un ni l’autre n’a présenté un témoignage faisant état d’une crainte qu’un membre de la direction ait connaissance de cette déclaration ou de subir des conséquences pour avoir révoqué leur appui à la demande de révocation.

H. Conclusion

523        Dans FedEx, en interprétant l’art. 94 du Code, le CCRI a déclaré ce qui suit au paragraphe 81 :

[…] La définition de l’intimidation, de la coercition et de l’influence indue dans le contexte des relations de travail renferme l’élément fondamental suivant : le recours à une certaine forme de force ou à la menace, ou le fait d’exercer une pression indue ou une contrainte dans le but de contrôler ou d’influencer la liberté d’association des employés. […]

524        Dans Re Williams, la commission de la Saskatchewan a déclaré que dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire en vue de rejeter une demande de révocation en raison d’une influence, d’une ingérence ou de l’intimidation de la part de l’employeur, la commission doit pondérer attentivement le droit des employés d’étudier de nouveau la question de la représentation (reconnu maintenant comme des activités d’association protégées) à la nécessité d’être conscient des indications d’ingérence inappropriée de la part de l’employeur. La commission a indiqué ce qui suit aux paragraphes 32 et 33 :

[Traduction]

32 […] Pour ce faire, la commission examine la conduite contestée de l’employeur et évalue l’incidence possible de cette conduite sur les employés d’une endurance raisonnable en tenant dûment compte des circonstances survenues dans le lieu de travail pendant la période pertinente, y compris l’échéance et l’état de la négociation collective.

33 Il s’agit d’un critère objectif et la commission commence par la présomption que les employés sont dotés d’une endurance raisonnable et qu’ils sont en mesure de recevoir divers renseignements, d’évaluer ces renseignements, d’être assisté ou influencé par ces renseignements, et ce, sans nécessairement perdre la capacité de réflexion ou d’action indépendantes. Les employés ne sont pas présumés être des subordonnés timides qui tremblent de peur devant leurs maîtres. La commission présume plutôt que les employés sont en mesure de décider ce qui leur convient le mieux, qu’ils soupèseront tous les renseignements qu’ils recevront, y compris ceux de l’employeur, et qu’ils prendront des décisions rationnelles en réaction à ces renseignements. […]

525        Je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que M. Lala ou Mme Arey se sont livrés à de l’intimidation ou à une coercition ou qu’ils ont exercé une influence indue en vue d’inciter les employés à signer la formule 5 à l’appui de la campagne. Selon les faits, il manque l’invocation d’une certaine forme de force, de menace ou d’influence indue.

526        Le fait que Mme Arey ait continuellement demandé la formule durant la journée de travail ou qu’une pause déjeuner puisse avoir été raccourcie en raison de la pression exercée ne satisfait pas à ce seuil.

527        La déclaration de l’employée non identifiée, qui n’a pas été citée à témoigner, a été faite environ neuf mois après le dépôt de la demande auprès de la Commission et constitue une preuve par ouï-dire. Selon cette déclaration, M. Lala a exercé de la pression à son égard afin qu’elle signe la demande, tel qu’il a été mentionné à l’audience. Je ne peux tirer une conclusion de fait sur une question fondamentale de l’affaire en l’espèce en m’appuyant sur la nature de cet élément.

528        Qui plus est, il n’existe aucune preuve convaincante que la direction a participé ou pourrait être perçue comme ayant participé à ces réunions avec les employés.

XIV. L’employeur a-t-il offert une récompense ou un avantage aux employés afin qu’ils appuient la demande de révocation?

A. M. Nanson, Mme Gracie et Mme Fanjoy

529        M. Nanson a déclaré qu’au milieu de l’été 2015, M. Lala lui a offert de jouer gratuitement au golf au club. Il avait l’impression que M. Lala tentait d’établir une camaraderie et un lien de confiance avec lui afin de le convaincre de l’appuyer dans le conflit concernant la révocation de l’accréditation de l’agent négociateur parce que M. Lala ne lui avait jamais offert quoi que ce soit auparavant. Il a déclaré que M. Lala lui avait demandé s’il jouait au golf, lui a dit qu’il pourrait jouer une ronde gratuitement et qu’il n’avait qu’à le demander. M. Lala n’a pas discuté de la révocation avec lui.

530        Il a également remarqué que M. Lala apportait de la nourriture aux employés qui travaillaient un quart à l’Expressmart. Selon lui, il s’agissait d’une tentative de convaincre les gens de l’appuyer dans le cadre du conflit. M. Nanson a déclaré qu’avant cette date, il était rare que de la nourriture soit livrée aux employés sans frais. Il ne savait pas si la révocation avait été discutée avec ces employés.

531        Il n’a pas mentionné à la direction qu’une ronde de golf gratuite lui avait été offerte ou qu’il avait vu M. Lala apporter de la nourriture aux employés travaillant un quart.

532        Mme Gracie a confirmé que M. Lala ne lui avait offert aucun avantage, notamment de la nourriture, pendant l’été 2015.

533        Mme Fanjoy a déclaré que pendant la période de préparation de la demande de révocation, un employé du club de golf qui travaillait à l’entretien des terrains lui a apporté une poutine et lui a mentionné qu’elle provenait de M. Lala parce qu’elle travaillait tellement fort; il n’a rien dit au sujet de la demande de révocation. Elle n’avait jamais reçu de nourriture club de golf auparavant.

534        Mme Fanjoy avait l’impression qu’il s’agissait d’un pot-de-vin.

535        Elle a également entendu d’une tierce personne que les employés pouvaient obtenir une ronde de golf gratuite auprès de M. Lala.

536        M. Gawley a été interrogé dans le but de déterminer ce que la cuisine faisait avec la nourriture excédentaire. Il a déclaré que la nourriture qui ne pouvait être utilisée était donnée aux employés. Il est arrivé que M. Lala donne des desserts périssables au personnel des RH. Le don de nourriture excédentaire au personnel est une procédure typique dans l’industrie des aliments et des boissons et aux clubs de golf.

537        M. Gawley et le gestionnaire adjoint étaient les seules personnes autorisées à offrir des rondes de golf gratuites. Ces rondes gratuites doivent être comptabilisées dans leur budget, à titre d’articles promotionnels.

B. Pour l’agent négociateur

538        L’agent négociateur soutient que M. Lala a offert de la nourriture et des billets de golf aux membres de l’unité de négociation situés sur la base; dans les circonstances, ces offres ont été considérées comme des pots-de-vin en vue d’influencer leur scrutin en faveur de la révocation, selon ce qui découle des témoignages de M. Nanson et de Mme Fanjoy.

C. Pour l’employeur

539        La preuve ne permet pas d’établir que M. Lala avait donné de la nourriture au club de golf de manière inhabituelle dans le contexte de cette industrie dans laquelle il travaillait ou qui était contraire aux directives ou aux politiques de son gestionnaire, M. Gawley. La nourriture apportée à Mme Fanjoy est arrivée sans qu’il soit question de la demande et sans lien avec celle-ci. M. Nanson et Mme Fanjoy ont tous les deux présenté un témoignage au sujet des interactions avec M. Lala et ni l’un ni l’autre n’a mentionné la révocation. L’employeur fait valoir qu’ils ont tiré ces conclusions de manière indépendante et que, en outre, cela n’établit pas que la nourriture a été offerte de manière irrégulière en lien avec les connaissances ou l’autorisation de la direction.

D. Conclusions

540        Je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que M. Lala ait donné de la nourriture d’une manière inhabituelle dans le contexte de cette industrie ou qui était contraire aux directives ou aux politiques de M. Gawley, qui n’a pas été contre-interrogé relativement à ces témoignages.

541        Rien dans la preuve n’indique que M. Lala a réellement donné des laissez-passer pour le golf. Il n’avait pas le pouvoir de le faire et si M. Gawley ou le gestionnaire adjoint, qui avaient ce pouvoir, donnait un laissez-passer pour une ronde de golf gratuite, celui-ci aurait dû être comptabilisé. Même si je n’ai aucun motif de ne pas croire la version de M. Nanson de cette discussion avec M. Lala, il n’a pas décrit l’offre comme un pot-de-vin, mais comme une tentative par M. Lala d’établir une camaraderie avec lui. Il avait droit à cette perception.

542        Quoi qu’il en soit, rien dans la preuve n’indique que l’offre d’un laissez-passer de golf ou le don de nourriture excédentaire ait été fait à la connaissance ou avec l’autorisation de la direction en vue d’appuyer la demande de révocation.

XV. Conclusions relatives à l’ingérence alléguée en ce qui concerne la demande de révocation de l’accréditation

543        J’ai conclu que l’agent négociateur ne s’était pas acquitté de son fardeau d’établir que l’employeur avait appuyé de manière inappropriée la demande de révocation de M. Lala en ne tentant pas de l’empêcher de mener sa campagne au travail pendant les heures de travail.

544        J’ai conclu que l’agent négociateur ne s’était pas acquitté de son fardeau d’établir que l’employeur avait fourni à M. Lala des renseignements importants au sujet des membres de l’unité de négociation qui ont habilité ses efforts relativement à la révocation de l’accréditation.

545        J’ai également conclu que même si M. Lala utilisait le titre de « gestionnaire » lorsqu’il faisait affaire avec les fournisseurs externes, il ne l’a pas utilisé dans le cadre de ses interactions avec les employés de l’unité de négociation. Il n’y a tout simplement pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir qu’il a vraisemblablement exercé un pouvoir en tant que gestionnaire à leur égard.

546        Rien dans la preuve n’indique que M. Lala ou Mme Arey ont intimidé, menacé ou exercé une influence indue sur les employés afin qu’ils appuient la demande de révocation ni que l’employeur les a appuyés.

547        Il ne ressort aucunement de la preuve que l’employeur a offert une récompense ou un avantage aux employés en retour de leur appui à la demande.

548        Rien dans la preuve n’indique que l’employeur a menacé de congédier des employés ou de réduire les salaires si les employés n’appuyaient pas la demande de révocation.

549        Il ne ressort aucunement de la preuve que l’employeur a laissé M. Lala croire qu’il lui rembourserait les frais liés à la demande.

550        En conséquence, je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur s’est ingéré de manière inappropriée dans la demande de révocation de l’accréditation.

XVI. L’employeur est-il intervenu de manière inappropriée dans la campagne de révocation après le 26 octobre 2015, de façon à ce que le vote par scrutin secret ne corresponde probablement pas à la véritable volonté des employés?

551        L’agent négociateur a formulé un certain nombre d’allégations fondées sur des faits qui sont survenus après le dépôt de la demande de révocation, à l’égard desquelles il est permis de penser qu’elles sont pertinentes à la question en l’espèce :

  • l’affichage d’un bulletin rédigé par M. Lala dans le lieu de travail en novembre 2015, et sa distribution aux employés, et la question de savoir si l’employeur a fourni à M. Lala une liste de courriel des employés faisant partie de l’unité de négociation;
  • une allégation voulant que, selon ce qu’une employée a entendu au CANEX au printemps 2016, M. Pigden ait déclaré que [traduction] « [M. Lala] est notre homme et le syndicat lui donne de la misère »;
  • le retard allégué de l’employeur de verser les augmentations salariales et les salaires rétroactifs négociés;
  • l’omission mener une enquête rapidement sur la supposée inconduite de M. Lala;
  • les promesses et les menaces de l’employeur la veille du scrutin;
  • la négociation de mauvaise foi.

552        Dans cette section, je résumerai les événements qui sont survenus après le 26 octobre 2015. J’aborderai les trois premières questions, autre que celles ayant trait à l’omission d’enquêter l’inconduite de M. Lala, la négociation de mauvaise foi et les allégations de promesses et de menaces faites la veille du scrutin. J’aborderai chaque allégation séparément.

A. L’affichage dans le lieu de travail de la lettre de M. Lala à l’intention des employés en date du 25 novembre 2015 et la question de savoir si l’employeur a fourni à M. Lala les adresses de courriel des employés

1. Pour l’agent négociateur

a. Mme Stewart

553        Mme Stewart a présenté un courriel qui lui a été envoyé par M. Zigart au sujet d’une lettre que M. Lala aurait affichée dans le lieu de travail le 25 novembre 2015 ou vers cette date. Elle était jointe au courriel. Un employé l’avait fournie à M. Zigart.

554        La lettre était adressée à tous les employés. Elle faisait référence à la demande de révocation et les informait qu’elle était en instance devant la Commission. La lettre indiquait qu’elle avait été rédigée en réponse à des courriels envoyés aux employés par l’agent négociateur.

555        La lettre comprenait environ 13 commentaires. Mme Stewart a répondu aux commentaires 7 et 13. Le commentaire 7 indiquait que les autres agents négociateurs avaient une réception pour Noël, mais pas le leur. Mme Stewart a indiqué que c’était le cas. Le commentaire 13 énonçait que l’agent négociateur avait indiqué que toutes les cotisations perçues étaient acheminées à Washington, D.C., son siège social. Mme Stewart a indiqué que ce n’était pas le cas.

556        Mme Stewart a renvoyé au dernier paragraphe, qui énonçait ce qui suit :

[Traduction]

Nous, les employés des SBMFC sommes guidées par les valeurs et le code d’éthique qui servent les membres des Forces armées canadiennes. Les organisations qui représentent les employés des SBMFC, comme la section locale 401 des TUAC qui accepte de l’argent tenant lieu de services, devraient également être jugées selon les mêmes valeurs et le même code d’éthique.

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

557        Selon l’interprétation de Mme Stewart, cela signifiait que la base avait de hautes valeurs et éthique et qu’un agent négociateur autonome devrait être tenu de respecter ces mêmes valeurs et ce même code d’éthique.

b. M. Nanson

558        M. Nanson a été renvoyé à un document rédigé par M. Lala et adressé aux employés des FNP associés à la section locale 401 des TUAC, qui renvoie à la demande de révocation et qui aurait été rédigée en réponse aux courriels acheminés aux employés par l’agent négociateur.

559        M. Nanson a vu le document collé au comptoir du CANEX qui était situé près du tiroir-caisse. Les bulletins de l’agent négociateur sont affichés sur un tableau dans l’arrière-boutique. Il n’avait aucune connaissance directe de la personne qui l’avait collé au comptoir, mais un collègue lui a dit qu’il s’agissait de Mme Arey. Le document y est resté pendant environ une semaine.

560        M. Nanson a lu le document. Il a été renvoyé à l’extrait figurant à la fin du bulletin.

561        M. Nanson était d’avis que la déclaration laissait entendre que les TUAC ne respectaient pas le code d’éthique des Forces armées canadiennes (FAC).

c. Mme Gracie

562        Mme Gracie a vu le document collé au comptoir, dans l’Expressmart, à l’endroit où se trouvent les manuels de référence et les feuilles de temps, à quelques pieds de la caisse enregistreuse.

563        Elle a demandé à la gestionnaire, Mme Stanners, s’il était approprié de l’afficher à cet endroit. Mme Gracie estimait que puisque le document portait sur des questions liées à l’agent négociateur, il devrait être affiché sur le babillard de l’agent négociateur. Mme Stanners lui a dit d’en discuter avec sa superviseure, Mme Arey.

564        Mme Gracie a demandé à Mme Arey s’il était approprié que le document soit affiché à cet endroit. Mme Arey a répondu que oui.

565        Mme Gracie ne savait pas qui avait affiché le document. À la question de savoir si des règles étaient en place relativement à l’affichage de documents, elle a déclaré que, à sa connaissance, Mme Arey ou Mme Stanners auraient eu à donner leur approbation au préalable.

566        Mme Gracie croyait que la direction avait approuvé l’affichage du document.

567        Le père et le frère de Mme Gracie sont tous les deux des membres actifs du service militaire.

568        Elle a été renvoyée au dernier paragraphe du document. Selon son interprétation, on y laissait entendre que l’agent négociateur ne partageait pas les mêmes valeurs et le même code d’éthique que les forces armées.

569        Elle avait l’impression que Mme Stanners aurait vu le document puisque les caméras étaient susceptibles de l’avoir saisi. Par ailleurs, Mme Stanners et Mme Arey aiment toutes les deux le café et l’auraient probablement vu parce qu’il était situé près de la cafetière.

d. Mme Fanjoy

570        Mme Fanjoy a reçu un courriel de M. Lala le 24 novembre 2015, auquel était joint un document adressé à tous les employés et à tous les membres de l’unité de négociation. Elle l’a acheminé à M. Zigart le lendemain.

571        Elle ne savait pas comment M. Lala avait obtenu son adresse électronique personnelle. Elle a déclaré que les seules personnes qui avaient accès à cette adresse étaient son employeur, sa gestionnaire ou sa superviseure, et les RH. Elle estimait que quelqu’un avait donné l’adresse à M. Lala, peut-être Mme Arey ou une personne des RH. Elle a reconnu en contre-interrogatoire ne pas lui avoir demandé comment il avait obtenu son adresse électronique.

e. Mme Van Hees

572        Mme Van Hees a reçu un courriel de M. Lala que le superviseur du bar lui a fait suivre. Le document rédigé par M. Lala et adressé à tous les membres de l’unité de négociation y était joint.

573        Elle a été orientée vers le dernier paragraphe du document qui renvoyait aux valeurs et au code d’éthique des membres des FAC. À la question de savoir quelles étaient ses impressions de ce message, elle a déclaré qu’il laissait entendre que l’agent négociateur agissait de manière contraire à l’éthique.

574        Elle a affirmé qu’elle avait vu le document affiché sur le babillard des employés ou à l’arrière de la maison au terrain de golf.

f. M. Zigart

575        M. Zigart a mentionné la lettre de M. Lala à l’intention des employés en date du 25 novembre 2015. Il a déclaré qu’il était d’avis qu’un certain nombre de déclarations figurant dans la réponse de M. Lala aux courriels de l’agent négociateur étaient fausses, plus précisément l’énoncé selon lequel la politique des RH des FNP offre plus d’avantages que la convention collective.

576        En ce qui concerne les cotisations syndicales, un taux hebdomadaire est fixé en fonction des heures de travail.

577        La déclaration selon laquelle les travailleurs à temps partiel qui travaillaient 15 heures ou moins perdaient jusqu’à 8 p. 100 de leur salaire brut au titre de cotisations versées à l’agent négociateur n’était pas inexacte, mais M. Zigart a remis en question la façon dont M. Lala aurait été au courant de cette question puisque seule la direction aurait pu lui expliquer.

578        En ce qui concerne la déclaration selon laquelle la politique des RH ne permet pas à l’employeur de simplement congédier des personnes et que, en réalité, il est plus difficile de le faire en fonction de la politique des RH que de la convention collective, M. Zigart a déclaré qu’elle comprenait de demi-vérités, mais que la convention collective permettait de déposer des griefs.

579        Pour ce qui est de la déclaration que les employés qui ne font pas partie de l’agent négociateur profitent du même régime d’avantages ou d’un meilleur régime en vertu de la politique des RH sans avoir à verser de cotisations syndicales, M. Zigart a déclaré que si la partie relative à la direction était supprimée, il s’agirait d’une déclaration exacte.

580        M. Zigart a affirmé que M. Lala versait des cotisations même s’il n’était pas un membre de l’agent négociateur, mais qu’il était un employé régi par la formule RAND.

581        Il a estimé que les commentaires de M. Lala au sujet de l’éthique de l’agent négociateur étaient offensifs vu les motifs de suspension de M. Lala.

2. Pour l’employeur

a. Mme Stanners

582        Mme Stanners se rappelait avoir entendu une conversation entre Mme Arey et Mme Dauphinee au sujet des conditions de travail des employés à Cold Lake, en Alberta, dans l’éventualité où elle y serait mutée, quelque peu après la réunion de l’agent négociateur tenue sur la base en juin 2015.

583        Elle a été en mesure d’identifier la lettre de M. Lala datée du 25 novembre 2015, qui était adressée aux membres de l’unité de négociation au sujet de la demande de révocation. Selon elle, la lettre figurait peut-être sur le babillard dans l’arrière-boutique ou dans la zone avant du CANEX. Elle a affirmé ne pas y avoir placé le document, mais elle a ajouté que Mme Arey l’avait peut-être fait.

b. M. Martin

584        M. Martin a déclaré qu’en novembre 2015 ou vers cette date, de nombreuses questions ont été soulevées au sujet de la révocation de l’accréditation. Les gestionnaires étaient préoccupés du fait que les représentants de l’agent négociateur se présentaient à la base, qu’ils faisaient des déclarations trompeuses et qu’ils décrivaient les gestionnaires de manière défavorable. Les gestionnaires ont demandé ce qu’ils pouvaient faire.

585        Adrian Scales, le directeur des relations de travail de l’employeur, a envoyé un courriel aux gestionnaires le 24 novembre 2015, dans lequel il a décrit le rôle et les responsabilités de la direction. Il a aussi mentionné aux gestionnaires qu’ils devaient demeurer neutres. Sa directive de demeurer neutre a été prise très au sérieux par l’employeur.

586        Le courriel indiquait en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

L’employeur participe-t-il au processus de révocation?

Non. Ce sont les employés qui décident s’ils seront représentés ou pas par le syndicat. À titre d’employeur, et dès le départ, nous avons maintenu une position neutre dans le cadre de ce processus. Cette approche n’est pas seulement conforme à notre politique ministérielle, elle est également conforme à nos obligations légales. Il est interdit à un employeur de prendre une mesure qui intervient dans la décision des employés au sujet de leur volonté d’être représentés par leur syndicat.

Nous demandons à tous les gestionnaires de continuer de s’abstenir de discuter de ce processus avec les employés, en personne, au téléphone ou par courriel.

Selon la LRTFP, il est interdit à une personne qui est titulaire d’un poste de direction de prendre une mesure qui aurait pour effet de décourager un employé de devenir membre ou de cesser d’être membre d’un syndicat. Si un gestionnaire est jugé avoir participé au processus de révocation ou d’avoir contraint les employés à appuyer la révocation, la Commission peut refuser la demande de révocation.

Il s’agit d’un exemple de « pratique déloyale de travail » qui est interdite par la Loi. Nous avons été informés que cette Commission a une politique de tolérance zéro pour toute ingérence de l’employeur dans le processus de ‘révocation de l’accréditation’. Si un employeur est considéré comme y ayant participé, les employés peuvent perdre leurs droits de décider pour eux-mêmes s’ils souhaitent garder leur syndicat.

[…]

Si un membre de l’unité de négociation nous pose une question au sujet de ce processus, nous pouvons dire à nos employés que nous ne participons pas au processus et que nous demeurerons neutres jusqu’à ce que la demande soit réglée. Il est déconseillé de discuter davantage avec l’employé au sujet de la demande puisque tout énoncé peut être mal interprété et faire l’objet d’une plainte par le syndicat.

[…]

Quel est le rôle du syndicat dans le cadre de ce processus? Pourquoi l’employeur ne répond-il pas publiquement aux communications du syndicat?

Vous aurez constaté que le syndicat a adopté un rôle très actif dans le cadre du processus de révocation. Dans la correspondance qu’il a envoyée à nos employés et lorsque ses représentants se sont présentés sur les lieux de l’employeur, il a signalé aux employés qu’il n’était pas du tout d’accord avec la demande de révocation. Il a adopté un ton agressif et accusateur dans ses communications afin de décourager les employés d’appuyer la révocation. Même si les communications du syndicat comprennent des énoncés qui sont trompeurs, inexacts et qui pourraient constituer des menaces envers nos employés, nous avons été informés qu’il […] une mauvaise stratégie pour l’employeur d’y répondre. Tout effort d’agir comme tel sera interprété par le syndicat comme une tentative d’intervenir dans le processus de révocation et entraînera une autre plainte de pratique déloyale de travail et une requête en rejet de la demande de révocation en raison de l’ingérence de l’employeur. Nous avons été informés que la Commission confère aux syndicats une grande latitude pour distribuer de telles communications tout en insistant que les employeurs adoptent une position neutre. Nous soulignons que les employés qui appuient la demande de révocation ont exercé leur droit de communiquer leur point de vue et ont répondu entièrement aux nombreux énoncés trompeurs du syndicat.

[…]

587        Le courriel rappelait également aux gestionnaires que les représentants de l’agent négociateur qui souhaitaient visiter le lieu de travail devaient donner un préavis, conformément à la clause 9.03 de la convention collective. Après avoir cité le texte de cette clause, le courriel indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Si les représentants syndicaux empêchent nos employés d’accomplir leur travail ou qu’il y a apparence de harcèlement ou de comportement agressif à l’égard de nos employés, nous pouvons leur demander de cesser cette conduite. Si les gestionnaires observent cette conduite dans le lieu de travail, ils doivent en informer immédiatement leur chaîne de commandement et le gestionnaire des RH.

[…]

588        En conclusion du courriel, un communiqué provisoire était joint et les gestionnaires étaient informés que ce communiqué serait envoyé immédiatement à tous les membres de l’unité de négociation dans le cadre d’une communication distincte. Le communiqué est daté du 23 novembre 2015 et est intitulé [traduction] « Avis à tous les employés affectés de catégorie 1 concernant la demande de révocation de l’accréditation ». On peut y lire ce qui suit :

[Traduction]

Le 2 novembre 2015, l’employeur a reçu une copie d’une demande de révocation de l’accréditation provenant de la Commission des relations de travail dans la fonction publique.

L’employeur souhaite informer tous les employés touchés par la demande que l’employeur est demeuré neutre dès le début de ce processus et qu’il continuera de le faire.

En vue de demeurer neutre, nous ne répondrons pas aux énoncés publics du syndicat afin de n’intervenir d’aucune manière que ce soit dans le processus de révocation. Ce processus concerne strictement les membres de l’unité de négociation et leur syndicat, et l’employeur se comportera en conséquence.

589        Ce courriel a été envoyé à tous les employés de catégorie 1, le 24 novembre 2015, et il a été signé par Ginette Champagne, vice-présidente des RH aux FNP.

590        Selon M. Martin, le courriel en date du 24 novembre 2015, de M. Scales à l’intention des gestionnaires, concernant ce que les gestionnaires pouvaient et ne pouvaient pas faire pendant le processus de révocation, ainsi que le courriel du lendemain à l’intention de tous les employés, constituaient la première communication officielle portant sur ce que les gestionnaires pouvaient faire, ou pas, pendant le processus de révocation.

3. Résumé de l’argumentation de l’agent négociateur

591        M. Lala a utilisé sa relation perçue avec l’employeur pour communiquer des renseignements inexacts aux membres de l’unité de négociation et pour exercer une pression à leur égard afin qu’ils appuient la révocation. En conséquence, lorsque M. Lala a fait valoir que la convention collective des parties était moins avantageuse pour les membres que les politiques générales des RH de l’employeur, ou que les cotisations versées à l’agent négociateur constituaient des coûts prohibitifs, un employé raisonnable aurait eu l’impression que M. Lala communiquait une position conforme à celle de l’employeur.

592        Cette perception était non seulement raisonnable, mais le témoin de l’employeur a également indiqué que les renseignements trompeurs quant à la façon dont les employés seraient traités si l’accréditation de l’agent négociateur était révoquée ont été donnés à Mme Arey par Mme Dauphinee, la gestionnaire des RH de l’époque. Encore une fois, ce fait seul aurait suffi pour entraver la campagne de révocation : [traduction] « si les employés sont motivés à signer une pétition […] en raison d’une attente qu’ils recevront une récompense financière par l’employeur pour ce faire, la pétition ne sera pas "volontaire" […] » (voir Pombinho, au paragraphe 7)

4. Résumé de l’argumentation de l’employeur

593        L’agent négociateur allègue que M. Lala a trompé les membres de son unité de négociation au moyen d’une affiche ou d’un courriel qui comprenaient son opinion de l’agent négociateur.

594        Même si la preuve indiquait que le document était lié à M. Lala, il n’existait aucun lien entre la direction et sa production ou même son affichage.

595        Il ressort de la preuve que le document a été affiché dans le CANEX Expressmart, plus précisément qu’il a été collé à un comptoir derrière les tiroirs-caisses et peut-être sur le babillard des employés pendant environ une semaine et qu’il a ensuite été enlevé.

596        La preuve allègue que la superviseure syndiquée, Mme Arey, pouvait y afficher des documents et que M. Lala n’avait pas accès à l’espace derrière les tiroirs-caisses. Quoi qu’il en soit, l’affiche a été enlevée rapidement, probablement par Mme Arey ou Mme Stanners.

597        L’employeur soutient que la présence du document à l’arrière du comptoir ne mène pas en soi à une conclusion voulant que Mme Stanners ou l’employeur appuyait la présence d’une telle affiche ou de son contenu, parce que Mme Stanners la reconnaissait à peine étant donné qu’elle n’avait pas participé à sa création ou à son affichage.

5. Conclusions

598        Je ne suis pas convaincu que l’agent négociateur s’est acquitté de son fardeau d’établir que la direction appuyait vraisemblablement le contenu de la communication de M. Lala à l’intention des autres employés de l’unité de négociation. Rien dans la preuve n’indique que la direction a participé à la création du document et à sa diffusion ou que la direction appuie les positions exprimées dans le document.

599        L’agent négociateur fait valoir qu’un employé raisonnable percevrait que M. Lala a communiqué une position conforme à celle de l’employeur. Le principe selon lequel [traduction] « la perception des employés est fondamentale » découle de la jurisprudence de la CRTO avant 1995 portant sur l’interprétation de la LRT de l’Ontario, qui a imposé à la CRTO le mandat de déterminer le nombre d’employés de l’unité de négociation qui avaient signé volontairement par écrit qu’ils ne souhaitaient plus être représentés par une organisation syndicale. Il n’y a aucune disposition analogue dans la Loi.

600        La Commission n’est saisie d’aucune preuve voulant que Mme Dauphinee ait fourni à Mme Arey des renseignements trompeurs concernant les conditions d’emploi des employés à Cold Lake. Aucun élément de preuve n’a été présenté démontrant que Mme Arey a fourni des renseignements à M. Lala. Même si elle l’avait fait, il n’existe aucun renseignement quant à savoir s’ils reflétaient véritablement les renseignements qui lui ont été fournis par Mme Dauphinee. Au mieux, la thèse de l’agent négociateur est spéculative. Je ne suis pas prêt à conclure que Mme Dauphinee a fourni des renseignements trompeurs à Mme Arey en vue d’appuyer la demande de révocation.

601        L’argument selon lequel les employés étaient motivés à signer la pétition parce qu’ils s’attendaient  à ce que leur employeur leur donne une récompense pécuniaire n’est étayé par aucun élément de preuve.

602        De plus, le même jour que M. Lala a envoyé son courriel aux employés, l’employeur a communiqué à tous les employés de l’unité de négociation qu’il demeurerait neutre et que le processus était strictement entre les membres de l’unité de négociation et leur syndicat.

603        En ce qui concerne l’allégation selon laquelle l’employeur a fourni à M. Lala les adresses courriels des employés de l’unité de négociation, Mme Fanjoy estime qu’une personne a fourni à M. Lala son adresse électronique, peut-être Mme Arey ou une personne des RH. Mme Van Hees a reçu le courriel de M. Lala que le superviseur du bar lui a fait suivre. La page couverture du courriel de M. Lala, en date du 24 novembre 2015, y compris sa réponse à la position de l’agent négociateur relativement à la demande de révocation, est adressée à environ 23 employés. La page couverture du courriel énonce que [traduction] « Je n’ai envoyé le courriel qu’aux membres qui ont une adresse courriel, veuillez le communiquer aux autres membres à qui je n’ai pas envoyé un courriel, ainsi qu’aux membres qui sont en faveur du syndicat. »

604        Tel qu’il est indiqué au paragraphe 414, le fait que M. Lala ait en sa possession les adresses courriels de certains employés de l’unité de négociation n’est pas surprenant, étant donné que lui et Mme Arey supervisaient un nombre important d’employés de l’unité de négociation qui devaient leur avoir fourni d’office leurs adresses électroniques aux fins du contrôle de l’assiduité. D’après la page couverture du courriel de M. Lala en date du 24 novembre 2015, il est évident que M. Lala n’avait l’adresse électronique que d’environ 23 des 69 employés de l’unité de négociation. Le courriel lui-même indique qu’il n’a pas été envoyé aux membres qui appuyaient le syndicat. La plupart des déclarations des employés qui ont signé la pétition à l’appui de la demande de révocation avant le 25 octobre 2015 comprenaient leur adresse électronique. Ces déclarations ont été déposées auprès de la Commission par M. Lala. Ces adresses électroniques proviennent des employeurs. Pour ces motifs, je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur a fourni à M. Lala de manière inappropriée les adresses électroniques des employés de l’unité de négociation.

B. Visites de la base par les représentants de l’agent négociateur

605        Les visites des représentants de l’agent négociateur à la base ont continué d’être soulevées après le dépôt de la demande de révocation. M. Zigart a expliqué qu’en raison des problèmes à la base, ces représentants la visitaient régulièrement. L’employeur a demandé qu’ils s’identifient aux gestionnaires des différents établissements. Des questions ont été soulevées entre les parties. Je ne citerai pas tous les éléments de preuve concernant ces questions puisque leur pertinence est marginale.

C. Commentaires de M. Pigden à l’Expressmart au printemps 2016

1. Preuve de l’agent négociateur

a. Mme Gracie

606        Dans son témoignage, Mme Gracie a indiqué qu’elle avait l’impression que l’employeur participait à la demande de révocation. Elle a observé M. Pigden à l’Expressmart au début de printemps 2016. Il était avec deux autres personnes qu’elle ne connaissait pas. Il est venu à son tiroir-caisse pour acheter des cigares. Elle a indiqué l’avoir entendu dire ce qui suit à la personne qui l’accompagnait : [traduction] « Ajay [M. Lala] est notre homme et le syndicat lui donne de la misère ».

607        En contre-interrogatoire, elle a reconnu qu’elle ne savait pas ce qui avait été dit avant ou après cette déclaration et qu’elle ne connaissait pas le contexte. Elle a conclu qu’ils discutaient de la demande de révocation, mais rien n’a été dit expressément. Elle ne pouvait pas être certaine qu’ils discutaient de la demande de révocation.

2. Preuve de l’employeur

a. M. Pigden

608        M. Pigden ne se rappelait pas avoir tenu des propos semblables à [traduction] « Ajay [M. Lala] est notre homme et le syndicat lui donne de la misère » en présence des employés dans le CANEX. Ce n’est pas ce qu’une personne militaire dirait.

609        Il a dit qu’en pensant comme un commandant, la bonne stratégie aurait été que l’agent négociateur retire M. Lala. Il a déclaré qu’il était impressionné par les tactiques de l’agent négociateur.

610        Il a discuté avec le colonel McLachlan, le commandant de la base, de l’approche de l’agent négociateur en ce qui concerne M. Lala. La discussion a eu lieu dans la salle à manger ou dans son bureau.

3. Observations de l’agent négociateur

611        Dans son témoignage, Mme Gracie a mentionné qu’elle croyait que l’employeur participait à la demande en raison de ce qu’elle avait entendu M. Pigden dire dans l’Expressmart. En contre-interrogatoire, elle a indiqué qu’elle avait supposé que M. Pidgen discutait de la demande de révocation, mais elle a admis qu’elle n’en était pas certaine.

612        M. Pigden a dit que l’événement observé par Mme Gracie dans l’Expressmart n’avait pas eu lieu; néanmoins, les incohérences de son témoignage ont considérablement miné sa crédibilité. En contre-interrogatoire, son témoignage était alambiqué à cet égard. À l’origine, il a reconnu avoir fait la déclaration au colonel McLachlan en privé. Par la suite, il a dit qu’il avait fait cette déclaration dans le bar-salon du club de golf, mais que les employés ne l’avaient pas entendu. Peu importe, il a admis avoir fait cette déclaration au colonel McLachlan et qu’elle allait dans le sens de ce qu’il pensait à ce moment-là.

4. Observations de l’employeur

613        L’employeur déclare que toutes ses communications à ses employés étaient loin de constituer de l’intimidation, de la coercition ou une influence indue. Rien dans la preuve n’indique un recours à la force, aux menaces ou à une pression indue, ou à la contrainte afin de contrôler ou d’influencer la liberté d’association d’un employé.

5. Conclusions

614        Après avoir examiné les éléments de preuve, j’ai conclu qu’il est plus probable qu’improbable qu’on ait entendu M. Pigden dire à deux personnes non identifiées qui l’accompagnaient dans la ligne à l’Expressmart que le syndicat [traduction] « donnait de la misère » à M. Lala ou des propos du genre. Il a reconnu qu’il était de cet avis et qu’il l’avait exprimé en différents termes au colonel McLachlan, soit dans le bureau du colonel, soit dans le mess.

615        La preuve n’étaye pas la conclusion que la déclaration avait pour objet d’être entendue par les employés ou qu’il exprimait son appui à la campagne de révocation de M. Lala. Il ressort de la preuve que certains représentants de l’agent négociateur dénigraient les antécédents et le caractère de M. Lala et que des gestionnaires avaient soulevé des préoccupations qui avaient amené l’employeur à informer ses gestionnaires de rester neutre, de crainte qu’ils offrent à l’agent négociateur des motifs de déposer une plainte de pratique déloyale de travail.

616        Le paragraphe 186(5) de la Loi prévoit qu’un employeur ne se livre pas à une pratique déloyale de travail du seul fait qu’il exprime son point de vue, pourvu qu’il n’ait pas indûment usé de son influence, fait des promesses ou eu recours à la coercition, à l’intimidation ou à la menace.

617        Dans FedEx, au paragraphe 81, le CCRI a étudié une disposition presque identique à celle figurant dans le Code et a déclaré que le fait qu’un employeur ne souhaite pas avoir un syndicat et qu’il exprime son opinion à cet effet ne contrevient pas nécessairement au Code. Une analyse factuelle doit être effectuée afin de déterminer si la manière dont cette opinion est exprimée renferme un élément de coercition ou d’intimidation, des menaces ou des promesses, ou une influence indue.

618        En m’appuyant sur la preuve, je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que M. Pigden a exprimé son appui à la campagne de révocation, mais qu’il a plutôt reconnu l’efficacité des tactiques de l’agent négociateur. Certes, le contexte dans lequel la déclaration a été faite ne contient aucun élément de coercition, d’intimidation, de menace ou d’influence indue visant les membres de l’unité de négociation.

D. Communications de l’employeur, été 2016

619        Dans le cadre de la chronologie des événements, Mme Stanners a indiqué qu’en juillet 2016, tous les employés de « catégorie 2 », soit les gestionnaires qui ne font pas partie de l’unité de négociation et qui composent l’équipe de gestion, ont été convoqués à une réunion et ont été informés de nouveau de suivre les lignes directrices. Un registre situé à l’avant de l’établissement énonçait les règles relatives à ce que l’agent négociateur pouvait et ne pouvait pas faire. Il indiquait que les employés ne devaient pas discuter de la demande pendant qu’ils travaillaient au tiroir-caisse. S’ils souhaitaient discuter de la demande, ils devaient le faire pendant leur pause.

E. Malgré les préoccupations des employés, l’employeur a retardé le versement des augmentations de salaire et des salaires rétroactifs aux membres de l’unité de négociation et il n’a donné aucune raison

1. Résumé de la preuve de l’agent négociateur

a. Mme Fanjoy

620        Elle a indiqué que la dernière convention collective a été ratifiée en juillet 2016. Elle était d’avis que beaucoup de temps s’était écoulé avant qu’ils ne reçoivent leur salaire rétroactif. Dans le passé, le salaire rétroactif était versé presque immédiatement. Elle avait l’impression que l’employeur retardait le versement et attendait de voir si l’accréditation de l’agent négociateur serait révoquée, par suite de quoi il n’aurait pas à accorder d’augmentation salariale aux employés.

621        Le 14 octobre 2016, les employés de l’unité de négociation, y compris Mme Fanjoy, ont reçu un courriel rédigé par M. Pidgen portant sur un certain nombre de sujets, y compris le salaire rétroactif. La section portant sur le salaire rétroactif était ainsi rédigée :

[Traduction]

[…]

J’ai consulté notre personnel des relations de travail à l’administration centrale. Tout personnel qui était employé au 30 août 2016 (date de la ratification) recevra un salaire rétroactif proportionnel à son service. Les employés mis en disponibilité ont également droit à un salaire rétroactif conformément à la période qu’ils ont travaillé entre la date d’expiration de la convention précédente (le 30 juin 2015) et la date de ratification. […] Si un employé a une question précise relative relativement à son salaire rétroactif ou au contenu du présent courriel, il est encouragé à communiquer avec le bureau des RH.

[…]

622        Le versement du salaire rétroactif a été reporté plusieurs fois. Les employés n’ont reçu leur salaire rétroactif qu’après la tenue du scrutin de révocation.

623        Mme Fanjoy a eu des discussions avec les membres de l’agent négociateur. Ils étaient contrariés et se demandaient pourquoi l’agent négociateur ne pouvait pas forcer l’employeur à respecter ses promesses. Elle est d’avis que le retard donnait l’impression que l’agent négociateur était faible. Les membres de l’agent négociateur se demandaient quel avantage il y avait si l’agent négociateur ne pouvait pas assurer le versement de l’argent. Elle ne pouvait pas dire si le retard a influencé le scrutin.

624        En contre-interrogatoire, Mme Fanjoy a été interrogée à savoir si elle se rappelait que l’employeur avait informé l’agent négociateur qu’il verserait le salaire rétroactif au plus tard à une date précisée et que la direction avait dû embaucher des employés pour effectuer les calculs. Elle ne s’en souvenait pas. Elle a été renvoyée au courriel de M. Pigden qui portait sur la question du salaire rétroactif. Elle a reconnu que cette question était survenue en raison du renouvellement de la convention collective. À la question de savoir si elle avait eu une discussion avec M. Zigart quant à savoir si l’agent négociateur devrait clarifier la situation auprès des employés, elle a répondu qu’elle ne le croyait pas puisqu’il disposait des mêmes renseignements.

b. M. Zigart

625        M. Zigart a reconnu avoir reçu un courriel de M. Petruk, le 7 septembre 2016, informant l’agent négociateur des dates auxquelles les augmentations de salaire et le salaire rétroactif seraient versés, notamment les 17 et le 31 octobre 2016, et qu’ils seraient le 1er novembre 2016.

626        Il a reconnu que le courriel comportait une date antérieure à l’avis provenant de la Commission établissant les dates du vote au scrutin secret, soit du 17 au 21 octobre 2016. Toutefois, il était d’avis que les dates de versement avaient été prévues ainsi afin de ternir le syndicat.

627        Il a été renvoyé au fait que l’employeur ne pouvait pas avoir raisonnablement connu les dates du scrutin lorsqu’il a envoyé son courriel le 7 septembre 2016. Il a répondu qu’il ne savait pas si M. Scales avait un lien plus important avec la Commission.

c. M. Zima

628        Dans le passé, le salaire rétroactif était toujours versé dans un délai d’un mois suivant la ratification de la convention collective, ce qui impliquait entre une et trois périodes de paie. M. Zima a déclaré que le système de paie de l’employeur est un système informatique typique et que les augmentations pouvaient être calculées au sein de cette structure. Dans l’éventualité où le système ne pourrait traiter les augmentations, il aurait pu être nécessaire de les calculer manuellement, ce qui était le cas en 2002. Il était d’avis que le tout pouvait être accompli dans un délai d’un mois.

629        Il savait que les parties avaient conclu un règlement et qu’il avait fallu beaucoup de temps pour mettre en œuvre les augmentations de salaire rétroactives, ce qui, selon son expérience, n’était pas habituel. Il a reconnu en contre-interrogatoire qu’il n’avait jamais eu à calculer le salaire rétroactif.

630        Selon lui, le retard aurait pu avoir une incidence sur le scrutin de révocation puisque les employés pourraient percevoir l’agent négociateur comme étant inefficace, bien que l’ensemble des employés aient accepté la nouvelle convention collective.

2. Résumé de la preuve de l’employeur

a. M. Pigden

631        M. Pigden se rappelait d’avoir envoyé un courriel au personnel en octobre 2016, après les négociations collectives, sur l’engagement de l’employeur à verser le salaire rétroactif. Il a déclaré qu’il avait reçu un certain nombre de demandes de renseignements écrites de la part d’employés qui s’étaient fait dire que s’ils ne votaient pas contre la révocation, ils ne toucheraient aucun salaire rétroactif. Il leur a conseillé de communiquer avec leur agent négociateur. Il a décidé d’envoyer un courriel au personnel afin de clarifier qu’il n’y avait aucun lien entre le salaire rétroactif et le scrutin de révocation.

b. M. Martin

632        Un gestionnaire des RH et deux adjoints sont situés dans le bureau des FNP, à Edmonton. Ils offrent des services à plus de 300 employés des FNP. Certains employés sont syndiqués, d’autres non. Ils fournissent des conseils sur la dotation en personnel, les relations de travail, la paie et les avantages sociaux.

633        En juillet 2016, ou aux environs de cette période, il y a eu un roulement complet du personnel au bureau des RH, à Edmonton, visant les gestionnaires et les adjoints.

634        Mme Dauphinee était la gestionnaire des RH et comptait 12 ans d’expérience. Elle a quitté son emploi en juillet 2016. Il y avait un chevauchement de deux semaines avec la nouvelle gestionnaire, Mme Petruk. Vers cette date, deux adjointes ont pris un congé de maternité. La personne embauchée temporairement pour remplacer l’une des adjointes a ensuite pris son congé de maternité aussi, laissant un seul adjoint temporaire.

635        La création du salaire rétroactif est un processus compliqué. Afin de le traiter, il faut déterminer les anciens taux, s’il y a eu un changement de statut, comme un changement de temps partiel à temps plein et si une rémunération intérimaire ou un congé sans traitement entrent en jeu. En l’espèce, de nombreux calculs manuels effectués par un personnel des RH entièrement nouveau ont dû être effectués.

636        Mme Petruk a rédigé une lettre à l’intention de M. Zigart, le 7 septembre 2016, en vue de l’informer qu’un paiement rétroactif, dans la mesure où il se rapporte à la convention collective ratifiée récemment, comprendrait la paie pour la période du 17 au 31 octobre 2016 qui serait traité le 1er novembre 2016 et versé le jour de paie régulier du 10 novembre 2016.

637        M. Zigart a renvoyé l’affaire à Lee Clarke, le négociateur en chef de l’agent négociateur, qui a envoyé une lettre à M. Scales en vue de l’informer que les employés en seraient préoccupés et qu’il aurait définitivement soulevé une question à cet égard si l’agent négociateur en avait été informé avant le scrutin de ratification. M. Scales a ensuite fait suivre le courriel de M. Clarke à M. Martin en vue d’obtenir une réponse.

638        Le 8 septembre 2016, M. Martin a rédigé ce qui suit à l’intention de M. Clarke :

[Traduction]

[…]

Nous sommes à court de personnel au bureau des RH à Edmonton en septembre, une seule adjointe des RH est disponible pour accomplir son propre travail et celui de l’autre adjointe des RH. Nous ferons de notre mieux pour traiter le salaire rétroactif au cours d’une période de paie plus hâtive, mais en raison de la complexité des changements aux taux horaires et du nombre d’employés que nous avons, nous ne sommes pas en mesure de nous engager à une date ultérieure à celle qui a été communiquée à l’origine. Je comprends votre position à cet égard, mais j’estime qu’il sera dans l’intérêt supérieur de tout le monde de s’assurer que les changements à la paie soient effectués correctement en raison de la complexité y afférente.

[…]

639        À la date de rédaction de ce courriel par M. Martin, la Commission n’avait pas encore fixé la date du vote électronique au scrutin secret.

3. Résumé de l’argumentation de l’agent négociateur

640        Le retard de l’employeur à verser l’augmentation de salaire négociée aux membres de l’unité de négociation a miné l’agent négociateur et laissait entendre aux employés que l’agent négociateur était faible et incapable de tenir l’employeur responsable de ses ententes. Ce refus s’ajoutait aux difficultés existantes causées par le refus illégal de l’employeur de négocier de bonne foi et renforçait le message de la campagne de révocation de M. Lala que les employés seraient mieux sans agent négociateur.

641        Selon la preuve présentée par M. Zigart, l’intégration par les parties d’un libellé dans la convention collective relativement à une date limite pour le versement des augmentations de salaire et le salaire rétroactif ne constituait pas une pratique antérieure. M. Zigart et M. Zima ont affirmé qu’une telle question n’avait jamais constitué un problème dans le passé puisque ces paiements étaient toujours versés dans un délai d’une ou de deux périodes de paie ou dans le mois suivant la date de la ratification.

642        Selon la preuve présentée, les employés ont touché leurs nouveaux taux de rémunération le 27 octobre 2016, et leur salaire rétroactif figurait à leur chèque de paie du 10 novembre 2016. Il ne s’agit pas d’une coïncidence que l’employeur ait attendu après le scrutin de révocation pour finalement verser ces paiements.

4. Résumé de l’argumentation de l’employeur

643        L’agent négociateur allègue que l’employeur a retardé intentionnellement le versement du salaire rétroactif découlant de la convention renouvelée, et ce, afin d’influencer le résultat du vote de représentation au scrutin secret ordonné par la Commission.

644        Toutefois, aucun élément de preuve n’a été déposé pendant l’audience qui permet d’établir que le retard du versement du salaire rétroactif et des augmentations de salaire était lié au scrutin de représentation. Il ressort de la preuve que l’employeur s’est conformé à cet engagement concernant le salaire. Conformément au témoignage de M. Martin, l’employeur a informé le syndicat des dates de versement des salaires rétroactifs le 7 septembre 2016, bien avant d’avoir été informé des dates du scrutin de représentation. Les raisons du retard ont été données au syndicat et ce dernier aurait pu les communiquer à ses membres.

645        Aucun élément de preuve n’a été présenté démontrant que des employés ont présenté à l’employeur des demandes de renseignements quant à la date de versement du salaire rétroactif. L’employeur soutient que le syndicat aurait pu répondre à toute question de ses membres au sujet de leur salaire en leur fournissant les explications qu’il a obtenues de l’employeur le 7 septembre 2016; la preuve démontre toutefois que l’agent négociateur ne l’a pas fait.

5. Analyse et conclusion

646        Il incombait à l’agent négociateur d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur avait retardé intentionnellement le versement du salaire rétroactif afin d’entraver l’agent négociateur et d’influencer le résultat du vote de représentation au scrutin secret.

647        Le 10 septembre 2016, Mme Petruk a informé M. Zigart que les paiements rétroactifs seraient inclus à même la rémunération de la période de paie du 17 au 31 octobre 2016, qui serait traitée le 1er novembre 2016 et versée le 10 novembre 2016.

648        Le 8 septembre 2016, M. Martin a informé M. Clarke que l’employeur était à court de personnel en RH au bureau des FNP à Edmonton, laissant une seule adjointe des RH. Il a mentionné la complexité des changements du taux horaire, mais a déclaré néanmoins que l’employeur s’efforcerait de traiter le salaire rétroactif en temps opportun.

649        À la date de cette correspondance, aucune date n’avait été fixée pour le scrutin électronique.

650        L’agent négociateur n’a pas contesté considérablement le témoignage de M. Martin à ce sujet. Je conclus qu’il existait une explication innocente pour le retard.

651        Mme Fanjoy, membre de l’équipe de négociation de l’agent négociateur, a déclaré qu’elle avait eu des discussions avec les membres de l’agent négociateur qui étaient contrariés. Ces membres se demandaient pourquoi l’agent négociateur ne pouvait pas s’assurer que l’employeur donne suite à ses promesses. Je suis d’avis qu’il est significatif que l’agent négociateur, même après avoir été informé des raisons du retard au début de septembre, n’ait pris aucune mesure pour expliquer ces raisons à ses membres.

652        Ce n’est qu’après que M. Pigden ait reçu un certain nombre de demandes écrites de la part des employés au sujet du fait qu’ils avaient été informés que s’ils ne votaient pas contre la révocation ils ne recevraient pas le salaire rétroactif, et après que M. Pigden ait informé ces mêmes employés de communiquer avec leur agent négociateur, que ce dernier a décidé d’envoyer un courriel aux employés pour leur préciser qu’il n’y avait aucun lien entre le salaire rétroactif et le vote de révocation.

653        Je ne suis pas convaincu que l’agent négociateur s’est acquitté de son fardeau relativement à cette allégation.

F. L’employeur a omis de mener une enquête raisonnable à l’égard de M. Lala pour inconduite grave dans le lieu de travail, ce qui a miné la confiance accordée à l’agent négociateur

1. Résumé de la preuve de l’agent négociateur

a. Mme Van Hees

654        Puisque Mme Van Hees était la déléguée syndicale, un des employés l’a informé d’une situation qui a donné lieu à une enquête sur la conduite de M. Lala dans le lieu de travail. Il a été suspendu pendant l’enquête et muté avant la fin de l’enquête.

655        Mme Van Hees a été interrogée quant à son impression au sujet du délai nécessaire pour effectuer l’enquête. Elle a déclaré que puisque M. Lala menait la demande de révocation, le résultat de la révocation de l’accréditation aurait été affecté s’il n’avait plus été au service de l’employeur. Elle a déclaré que pour une raison quelconque, il lui semble que l’enquête avait traîné.

656        Si l’employeur avait pu reporter l’enquête et que l’accréditation de l’agent négociateur avait été révoquée, il n’aurait pas été nécessaire de poursuivre l’enquête.

657        À la connaissance de Mme Van Hees, l’employeur a interrogé tout le personnel du club de golf. Les entrevues ont été tenues de juillet à novembre 2016. Le personnel de première ligne et de deuxième ligne de la maison a été interrogé au cours d’une période de deux semaines. Elle ne savait pas si les employés de la boutique de golf avaient été interrogés.

658        Elle était d’avis que d’autres enquêtes à l’égard d’employés qui auraient fait preuve d’une inconduite avaient été achevées beaucoup plus vite.

659        Elle et d’autres employés du club de golf ont reçu un courriel de M. Gawley, le 23 juillet 2016, en vue de les informer de ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] Cette semaine, plusieurs allégations ont été présentées à l’égard du superviseur des aliments et des boissons, Ajay Lala. En raison de la gravité des allégations, Ajay a été ordonné de ne pas se présenter au travail avant que l’enquête concernant les allégations ne soit achevée. Il a reçu l’ordre de ne pas communiquer avec les employés d’EGMGCC. Si Ajay tente de communiquer avec vous de quelque manière que ce soit, veuillez ne pas répondre et le signaler à votre superviseur ou gestionnaire. Si Ajay est aperçu à l’EGMGCC non accompagné d’un gestionnaire ou d’un superviseur, vous devez trouver immédiatement un gestionnaire ou un superviseur. Si un gestionnaire ou un superviseur n’est pas sur place à ce moment-là, vous devez lui demander de partir. S’il ne part pas après avoir été demandé, appelez immédiatement la police militaire, puis moi.

À compter de maintenant, la porte arrière de la cuisine doit être verrouillée EN TOUT TEMPS, et ce, pour assurer la sécurité et le bien-être de tous nos employés.

[…]

660        J’ai entendu de nombreux témoignages voulant que la personne qui a déposé une plainte au sujet des actes de M. Lala croyait qu’elle avait vu M. Lala la suivre en automobile sur la base. Cet événement a donné lieu à une enquête et au courriel indiqué ci-dessus. À mon avis, cette preuve ne m’est d’aucune utilité pour régler l’allégation dont je suis saisie concernant la durée de l’enquête et je ne le cite pas.

b. M. Zima

661        Dans le passé, M. Zima a participé aux enquêtes sur l’inconduite des employés. Il a été interrogé au sujet de l’échéancier de ces cas par rapport à celui de l’enquête menée à l’égard de M. Lala. La durée de cette enquête lui parait excessive. Il a reconnu qu’il n’y avait pas participé.

c. M. Zigart

662        Mme Dauphinee ou M. Scales a informé M. Zigart de la suspension de M. Lala. M. Lala a été suspendu le 22 juillet 2016. L’employeur avait amorcé une enquête. M. Zigart a déclaré qu’au 10 ou 11 août, l’enquête était terminée puisque tous les employés du bar-salon, les serveurs, les barmans et le personnel de la cuisine avaient été interrogés, sauf M. Lala. À son avis, après cette date, l’enquête semblait reposer sur l’horaire de M. Lala.

663        M. Zigart était contrarié par le déroulement de l’enquête. Il souhaitait y participer et assister aux entrevues. Il n’a pas participé aux entrevues. M. Gawley était autorisé à y assister. Selon M. Zigart, M. Gawley avait un intérêt direct dans le résultat de l’enquête. M. Zigart était d’avis que M. Lala avait contribué à la violation de politiques, et que ces violations ne pouvaient avoir eu lieu qu’avec l’autorisation du gestionnaire.

664        M. Zigart a eu des discussions avec M. Scales relativement à sa participation aux entrevues. Il n’a pas été informé de l’horaire des entrevues. Il soutient que l’employeur s’adaptait à l’horaire de M. Lala. À deux reprises, il n’a pas été en mesure d’assister aux entrevues planifiées notamment, dans un cas, en raison de la non-disponibilité de son avocat. Il a assisté à une réunion au cours de laquelle l’employeur a fourni un résumé des accusations portées contre lui.

665        M. Zigart s’est plaint auprès de Mme Dauphinee. Elle a été remplacée en tant que gestionnaire des RH à cette date, ou vers cette date, par Mme Petruk.

666        Mme Petruk a envoyé un courriel à M. Zigart, le 27 septembre 2016, indiquant que tel qu’il a été indiqué à maintes reprises par courriel ou par téléphone, l’employeur s’était engagé à s’assurer que l’enquête soit menée avec intégrité et en respectant tous les employés concernés. Elle l’a informé du déroulement des entrevues à cette date. Les allégations ont été présentées par écrit à M. Lala le 14 septembre 2016. Il a fourni des observations écrites limitées en réponse aux allégations; toutefois, il n’a pas répondu aux allégations pendant l’entrevue en personne. Il a eu une dernière occasion de rencontrer l’employeur en personne avant qu’il ne rende sa décision.

667        Elle a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Si vous nous demandez de ne pas tenir compte de l’équité procédurale ou de refuser celle-ci à l’égard de l’employé visé par l’enquête, nous devons vous informer que nous ne sommes pas disposés à le faire. Si l’employé accusé est congédié et dépose un grief, vous pouvez être sûrs que si nous sommes forcés à défendre notre décision en arbitrage et que nous sommes accusés de ne pas lui avoir accordé son droit à l’équité procédurale, nous informerons l’arbitre de grief que le syndicat intimidait activement l’employeur et exerçait une pression auprès de celui-ci afin qu’il achève rapidement l’enquête et de limiter les possibilités de l’employé de fournir des éléments de preuve.

[…]

668        Elle a conclu le courriel en déclarant que l’employeur avait mené l’enquête et que celle-ci prendrait fin lorsque l’employeur jugerait que l’équité procédurale a été offerte à tous les employés. L’agent négociateur devait être informé des progrès de l’enquête.

669        M. Zigart lui a répondu le même jour en soutenant qu’il n’avait jamais participé à une enquête dans le cadre de laquelle la personne visée pouvait dicter son déroulement et où le gestionnaire du club de golf avait non seulement eu l’autorisation d’y assister, mais également d’y participer, bien qu’il ait un intérêt direct dans le résultat.

670        Il a conclu comme suit :

[Traduction]

[…]

Je ne peux croire qu’un arbitre de grief estimerait que votre enquête était juste ou honnête. Une période de trois mois pour enquêter des plaintes portées contre un superviseur qui refuse de collaborer dans le cadre de l’enquête n’équivaut pas à l’équité procédurale mais permet plutôt à Ajay d’orienter le déroulement de votre enquête. Quand l’employeur estimera-t-il que l’enquête est équitable sur le plan procédural, alors que la plaignante démissionne afin qu’Ajay puisse être rétabli dans ses fonctions?

671        Mme Petruk a ensuite dit à M. Zigart qu’il serait informé une fois que l’employeur aurait rendu une décision dans l’affaire.

672        Le 14 novembre 2016, M. Zigart a envoyé un courriel à Mme Petruk pour lui demander si d’autres progrès avaient été réalisés dans le cadre de l’enquête.

673        Mme Petruk a envoyé un courriel à M. Zigart, le 16 novembre 2016, afin de l’informer que le 1er novembre, le rapport d’enquête définitif avait été acheminé à la personne chargée du PSP, que le décideur était absent du 31 octobre au 10 novembre et que la décision avait été reportée à son retour. Entre-temps, l’employeur a reçu une lettre de démission de M. Lala, le 3 novembre 2016, qui a été accepté et est entrée en vigueur le 8 novembre.

674        M. Zigart a déclaré que l’agent négociateur était préoccupé par la durée de l’enquête parce que son image en était ternie puisque M. Lala dirigeait le scrutin de révocation. Si l’enquête avait été menée en temps opportun, elle aurait été réglée avant la tenue du scrutin de révocation. Il a également déclaré que Mme Arey avait été maintenue en poste afin de s’assurer que la demande de révocation ne soit pas abandonnée. Ils avaient besoin d’une figure de proue. M. Zigart a affirmé que l’employeur avait indiqué qu’il n’y participait pas.

675        En contre-interrogatoire, on lui a laissé entendre que chaque lieu de travail était différent. Il a reconnu que c’était le cas, mais il a déclaré que certaines inconduites étaient traitées de manière plus urgente et se voyaient accorder une plus grande priorité.

676        Il a reconnu qu’il avait été affecté en tant que représentant de l’agent négociateur à la BFC Edmonton en janvier 2015, et qu’il avait peu d’expérience auprès de cet employeur. Toutefois, il a affirmé qu’il était au courant de deux enquêtes récentes qui avaient été achevées rapidement, bien qu’elles visaient des inconduites alléguées moins graves.

677        Même si M. Zigart visait une participation accrue de la part de l’agent négociateur dans l’enquête visant la supposée inconduite de M. Lala, il lui a été suggéré qu’aucun des employés interrogés n’avait été empêché d’apporter un représentant de l’agent négociateur lors de leur entrevue. M. Zigart a déclaré que c’est ce que l’employeur avait dit. Il a reconnu qu’aucune plainte n’avait été déposée.

678        Il a affirmé que l’agent négociateur avait envoyé une lettre à M. Lala afin d’offrir de le représenter. M. Lala a refusé.

679        M. Zigart a reconnu avoir reçu un courriel de M. Scales, le 6 septembre 2016, décrivant les mesures prises par l’employeur dans le cadre de l’enquête et l’encourageant à communiquer avec Mme Petruk pour obtenir des mises à jour sur l’enquête.

680        M. Zigart a reconnu qu’il avait demandé à l’avocat de l’agent négociateur d’écrire à M. Scales, le 17 octobre 2016, en vue de l’informer que l’agent négociateur avait de graves préoccupations quant aux progrès réalisés dans le cadre de l’enquête visant M. Lala.

681        Il a reconnu qu’il croyait que l’avocat avait reçu une réponse de M. Scales, indiquant que l’employeur examinait les éléments de preuve recueillis, y compris les observations de M. Lala, afin de trancher sa culpabilité et déterminer la mesure disciplinaire qui pourrait être imposées. Il a ajouté qu’il s’attendait à ce qu’une décision soit rendue bientôt par le vice-président du PSP.

682        Il a reconnu qu’aucun représentant patronal ne l’avait informé que la demande de révocation avait influencé l’enquête.

2. Résumé de la preuve de l’employeur

a. M. Gawley

683        M. Gawley a envoyé un courriel à tous les membres du personnel après la suspension de M. Lala en vue de les informer que M. Lala avait reçu l’ordre de ne pas se présenter sur la base à moins d’être accompagné d’un gestionnaire ou d’un superviseur.

684        Il était l’enquêteur en chef des allégations. Il a interrogé personnellement tous les membres du personnel de la section des aliments et des boissons. Deux gestionnaires des RH l’ont aidé, soit Mme Dauphine, qui était en voie de prendre sa retraite, et Mme Petruk, sa remplaçante. À la fin de l’enquête, les constatations ont été communiquées à M. Pigden. M. Lala avait été suspendu pour une période indéterminée en attendant l’issue de l’enquête.

685        L’enquête a été amorcée pendant la troisième semaine de juillet 2016 et a été achevée en novembre 2016.

b. M. Martin

686        En tant que gestionnaire régional des RH, M. Martin était au courant des graves allégations d’inconduite concernant M. Lala et du fait qu’il avait été suspendu sans traitement.

687        M. Martin formulait des recommandations à Mme Petruk, qui était la conseillère en RH chargée du dossier. Il comprenait que les enquêteurs avaient discuté avec de nombreux témoins. Il comprenait aussi qu’il était difficile de rencontrer les témoins pendant cette période. En fin de compte, les enquêteurs ont rencontré toutes les personnes qui avaient des renseignements à donner.

688        Les enquêteurs ont tenté de rencontrer M. Lala. Il hésitait à les rencontrer avant de consulter son avocat. Il n’a pas répondu de manière efficace et était d’avis que l’employeur était de connivence avec l’agent négociateur afin de le discréditer.

689        Il a eu une troisième possibilité de rencontrer les enquêteurs. Toutefois, il n’est jamais retourné au travail et a démissionné.

690        M. Martin occupe son poste depuis 2009. Il a déclaré que le processus suivi à l’égard de M. Lala était le même que dans toutes les situations d’allégation d’inconduite.

691        Selon le processus, l’employeur discute avec tous les témoins. Une fois qu’il a obtenu les faits des témoins, il rencontre l’employé afin d’obtenir sa version. Il rend ensuite une décision.

692        Cette enquête a duré plus longtemps que d’habitude en raison du nombre de témoins, de leur non-disponibilité et du manque de collaboration de la part de M. Lala qui a eu deux ou trois occasions de répondre aux allégations. Il était à l’extérieur du site pendant tout le processus.

693        En contre-interrogatoire, il a été informé que, au 10 août 2016, les entrevues étaient terminées. Il n’était pas d’accord et a déclaré que plus de temps avait été nécessaire pour terminer les entrevues. M. Lala avait informé l’employeur qu’il y avait d’autres témoins à interroger, ce que l’employeur a accepté de faire.

694        Il a déclaré que Mme Petruk avait imposé un délai rigoureux à M. Lala pour présenter sa réponse, soit le mercredi 21 septembre 2016. Si, à cette date, l’employeur n’avait rien reçu, il était tenu de rendre sa décision. M. Martin a déclaré qu’aucune décision n’avait été prise relativement à la culpabilité de M. Lala lorsqu’il a démissionné le 3 novembre 2016.

695        En réinterrogatoire, M. Martin a été renvoyé à un courriel de M. Scales, daté du 18 octobre 2016, et adressé à Me Kelly Nychka, l’avocate de la section locale 401 des TUAC, en réponse à sa lettre en date du 17 octobre 2016, dans laquelle elle indiquait que l’agent négociateur était très préoccupé par le processus de l’enquête visant M. Lala. La lettre de M. Scales était rédigée en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

[…] aucune plainte n’a été déposée par [la plaignante] au sujet de la durée de l’enquête.

La durée de cette enquête était inhabituelle pour cet employeur. Comme vous le savez, l’employé accusé de l’inconduite ne s’est pas prévalu d’une représentation syndicale et nous a informés qu’il se fiait à un « conseiller », même si cet avocat ne nous a pas été identifié expressément, et M. Lala n’était pas non plus accompagné d’un représentant lors de nos réunions d’enquête.

Au cours des semaines qui ont suivi la suspension de M. Lala, l’employeur a interrogé de nombreux employés au sujet des allégations et, dans le cadre de ces entrevues, d’autres allégations graves ont été soulevées. Nous avons reporté la réunion avec M. Lala jusqu’à ce que tous les éléments de preuve aient été recueillis et examinés. L’employeur a demandé à M. Lala de le rencontrer le 19 août. M. Lala a indiqué qu’il souhaitait reporter la réunion avec l’employeur jusqu’en septembre. M. Lala a fourni une déclaration écrite le 7 septembre. Après avoir obtenu la déclaration, l’employeur a de nouveau demandé à rencontrer M. Lala en vue de discuter des éléments de preuve recueillis pendant l’enquête.

M. Lala a rencontré l’employeur le 14 septembre 2016 et l’employeur lui a présenté ses éléments de preuve, mais il a refusé de répondre à la preuve. Il a indiqué qu’il répondrait par écrit, ce qu’il a fait le 21 septembre. À la suite de la réception de ces observations, l’employeur a encore une fois rencontré M. Lala le 29 septembre pour discuter du contenu de ses observations. Les observations écrites de M. Lala ne sont pas claires et justifiaient donc une rencontre en personne afin de comprendre les éléments de preuve qu’il souhaitait communiquer à l’employeur. Au début d’octobre, M. Lala a communiqué avec l’employeur afin d’indiquer qu’un employé de la cuisine n’avait pas été interrogé pendant l’enquête et M. Lala souhaitait que l’employeur rencontre cet employé avant de rendre ses décisions. L’entrevue a été tenue le 14 octobre.

L’employeur lui a donné amplement de possibilités de répondre aux allégations afin de se conformer à ses obligations en matière d’équité procédurale. L’employeur examine maintenant les éléments de preuve recueillis, y compris les observations de M. Lala, afin de décider sa culpabilité et la mesure disciplinaire qui peut être imposée si l’autorité déléguée juge que ses actions constituent une inconduite. Nous prévoyons que le vice-président du PSP (l’autorité déléguée en matière de questions liées aux RH de cette nature) rendra bientôt une décision.

[…]

3. Résumé de l’argumentation de l’agent négociateur

696        Le refus de l’employeur de mener une enquête de manière raisonnable à l’égard de M. Lala pour une inconduite grave au travail a facilité la campagne de révocation de l’accréditation continue de M. Lala et a communiqué aux autres employés que ce dernier était privilégié par l’employeur et qu’il pouvait agir en toute impunité. Tel que l’a décrit l’agent négociateur, l’employeur avait déjà démontré une approche non interventionniste relativement aux activités relatives à la révocation de l’accréditation menées par M. Lala au travail, en plus d’accorder un poids considérable à ses points de vue en matière de négociation. L’omission de mener une enquête et de prendre une mesure disciplinaire à son égard de manière raisonnable a renforcé l’association entre lui et l’employeur et a vicié davantage le caractère volontaire des employés qu’il approchait pour appuyer la révocation.

697        M. Lala était accusé de s’être livré à une inconduite grave au travail et a été suspendu en juillet 2016. Les témoins de l’agent négociateur et de l’employeur ont convenu que les entrevues concernant l’inconduite alléguée ont été achevées dans les semaines suivant l’incident allégué, soit août 2016 (voir la preuve de M. Gawley et de Mme Van Hees). L’employeur a reconnu que les accusations contre M. Lala étaient suffisamment graves  et que les membres du personnel devaient se sentir libres d’appeler la police militaire s’ils le voyaient sur la base et s’il refusait de quitter (voir la preuve de Mme Van Hees et de M. Gawley). Néanmoins, M. Lala a été autorisé de retarder continuellement l’enquête sur son inconduite, et ce, jusqu’en novembre 2016 (voir la preuve de M. Zigart). En fait, aucune mesure disciplinaire n’a été imposée à M. Lala pour cette inconduite puisqu’il a démissionné.

698        M. Martin a indiqué qu’une enquête plus approfondie était nécessaire en raison des témoins supplémentaires suggérés par M. Lala. Même s’il en était ainsi, l’employeur a omis d’assurer le respect de ses délais subséquents. Le 8 septembre 2016, Mme Petruk a indiqué qu’elle avait accordé à M. Lala une semaine supplémentaire pour fournir sa réponse. Malgré cet avertissement final, l’employeur n’a pas procédé à l’étape de la prise de décision la semaine suivante. En fait, il n’a jamais rendu une décision puisque M. Lala a démissionné le 2 novembre 2016, plus de six semaines après le délai rigoureux fixé par l’employeur. Le délai de quatre mois entre la date à laquelle les allégations ont été formulées pour la première fois et la date à laquelle la question a été réglée au moyen de la démission de M. Lala était déraisonnable, surtout à la lumière de la gravité des allégations. Les actes de l’employeur illustrent qu’il a accordé à M. Lala une latitude indue puisqu’il refusait de le rencontrer et de fournir des renseignements, de sorte qu’il contrôlait effectivement l’enquête. L’agent négociateur fait valoir que les actes de l’employeur relativement à l’enquête et l’absence de conclusion n’est pas une coïncidence vu le contexte du scrutin de révocation imminent. Peu importe s’il était intentionnel ou non, l’employeur est intervenu relativement au caractère volontaire du scrutin.

699        L’omission de l’employeur d’enquêter et d’imposer une mesure disciplinaire de manière raisonnable constitue un exemple d’omission d’agir que des employés raisonnables percevraient comme étant liée à la demande de révocation; [traduction] « la perception des employés est fondamentale », tiré de Fallico, au paragraphe 8.

700        L’agent négociateur a déposé un élément de preuve selon lequel il n’existait aucun cas d’inconduite d’employés où autant de temps a été nécessaire pour enquêter ou pour imposer une mesure disciplinaire (voir le témoignage de M. Zigart). Par ailleurs, M. Pigden et M. Martin ont confirmé dans leur témoignage respectif que l’enquête avait été très longue. Un employé raisonnable conclurait que, surtout dans le contexte des relations  et de l’influence de M. Lala tel qu’il a été décrit antérieurement, l’omission de l’employeur d’imposer une mesure disciplinaire à M. Lala était lié à sa demande de révocation. Le temps excessif qui a été nécessaire pour compléter l’enquête et le fait que M. Lala ait été autorisé à démissionner des mois après le supposé incident plutôt que de se voir imposer une mesure disciplinaire appuient cette perception raisonnable, particulièrement au vu de la gravité des allégations.

4. Résumé de l’argumentation de l’employeur

701        L’employeur soutient que ses actions et sa conduite pendant l’enquête n’étaient ni influencées ni motivées par le processus de révocation de l’accréditation et qu’il n’a pas dérogé de sa pratique habituelle relativement aux enquêtes disciplinaires.

702        Il ressort de la preuve que l’employeur a immédiatement mené une enquête relative aux allégations, et ce, de manière approfondie. M. Lala a immédiatement été suspendu du lieu de travail et ordonné de ne plus s’y présenter à moins d’être accompagné par un gestionnaire ou autorisé par celui-ci.

703        L’agent négociateur allègue que l’employeur a retardé intentionnellement la conclusion de son enquête afin de garder M. Lala en tant que figure de proue aux fins de la révocation, mais aucun élément de preuve n’a été déposé à l’appui de cette allégation.

704        M. Zigart a supposé que si l’employeur avait conclu son enquête plus rapidement, la révocation aurait été annulée plus tôt, ce qui suggère qu’il implorait à l’employeur de conclure rapidement son enquête en vue d’influencer le résultat de la révocation, une question à l’égard de laquelle il ne pouvait et ne souhaitait pas intervenir.

705        L’agent négociateur n’a déposé aucun élément de preuve qui indique que l’employeur n’a pas suivi le protocole en place pour enquêter l’inconduite ou indiquant que l’employeur a contrevenu à ses politiques ou à ses processus habituels concernant les enquêtes en milieu de travail.

706        M. Martin a présenté des éléments de preuve non contestés au sujet du processus d’enquête de l’employeur et de son respect du processus.

707        L’agent négociateur s’est plaint de ne pas avoir participé à l’enquête et de ne pas avoir été informé des progrès réalisés, même s’il a reconnu que M. Lala avait refusé sa représentation.

708        Une preuve écrite a été présentée selon laquelle l’employeur et l’agent négociateur ont discuté des progrès réalisés dans le cadre de l’enquête.

709        L’agent négociateur n’a déposé aucun élément de preuve démontrant que l’employeur avait abordé cette enquête disciplinaire grave d’une manière qui différait des autres enquêtes disciplinaires.

710        M. Zigart a exprimé son point de vue personnel au sujet de l’enquête, mais il a admis avoir une expérience limitée en matière d’enquêtes disciplinaires auprès de cet employeur, soit le secteur public fédéral, puisqu’il agissait en tant que représentant de l’agent négociateur pour cette unité uniquement depuis 2015 et ne pouvait que la comparer à son expérience auprès du système Safeway, soit un employeur du secteur privé.

5. Conclusions

711        L’agent négociateur soutient que l’omission de l’employeur d’enquêter et de prendre une mesure disciplinaire d’une manière raisonnable constitue un exemple d’une omission d’agir qu’un employé raisonnable percevrait comme étant lié à la demande de révocation.

712        Mme Van Hees est la seule employée de l’unité de négociation qui a présenté un témoignage à ce sujet. Elle a déclaré que pour une raison quelconque, il lui semble que l’enquête a traîné. Selon elle, d’autres enquêtes relatives à des employés qui auraient fait preuve d’une inconduite avaient été achevées plus rapidement. Elle avait l’impression que puisque M. Lala était à la tête de la demande de révocation, le résultat du scrutin de révocation pourrait être affecté s’il n’était plus au service de l’employeur.

713        Tel qu’il a été indiqué antérieurement, le principe selon lequel [traduction] « la perception […] est fondamentale » découle d’une décision de la CRTO, datant d’avant 1995, sous le régime de la LRT de l’Ontario qui imposait à cette commission le mandat de déterminer le caractère volontaire des signatures apposées sur une pétition de révocation. Il n’y a aucune disposition actuelle ou analogue dans la Loi.

714        Aucune preuve factuelle n’a été déposée voulant que l’employeur ait retardé délibérément l’enquête afin de garder M. Lala en tant que figure de proue de la demande de révocation.

715        En fait, l’employeur a interdit à M. Lala de se présenter sur le lieu de travail à compter du 22 janvier 2016, et ce, pendant les trois mois précédents le scrutin, période durant laquelle M. Lala ne pouvait promouvoir sa campagne sur les lieux de l’employeur.

716        Selon le témoignage de Mme Van Hees, ainsi que celui de M. Zigart, j’ai conclu qu’il aurait été dans l’intérêt de l’agent négociateur que l’enquête prenne fin rapidement, s’achevant au moyen du licenciement de M. Lala. Si l’enquête de l’employeur avait été accélérée indûment avec ce résultat, elle aurait certainement influencé la demande de révocation.

717        J’accueille le témoignage de M. Martin selon lequel le processus suivi à l’égard de M. Lala est le même que dans toutes les situations où une allégation d’inconduite grave est soulevée. Son explication de la durée de l’enquête était raisonnable dans toutes les circonstances, en tenant compte du fait qu’il s’agit d’un employeur du secteur public fédéral dont le pouvoir de licenciement n’a pas été délégué à la direction locale.

718        Un examen des décisions de la Commission étaye mon opinion que la durée de cette enquête, compte tenu de la gravité de l’inconduite, du nombre de témoins possibles et de l’exigence relative à l’équité procédurale, ainsi que des pouvoirs pour imposer une mesure disciplinaire, n’était pas inhabituelle.

G. L’allégation de l’agent négociateur voulant que l’employeur ait directement fait des promesses et proféré des menaces aux employés la veille du scrutin de révocation

1. Preuve de l’agent négociateur

a. Mme Fanjoy

719        Le 14 octobre 2016, Mme Fanjoy et d’autres employés de l’unité de négociation ont reçu un courriel rédigé par M. Pigden portant sur le salaire rétroactif, dont il a été question dans la section de la présente décision portant sur le retard de verser le salaire rétroactif. La lettre indiquait en partie ce qui suit :

[Traduction]

J’ai reçu des demandes de renseignements précis au sujet de l’état du « salaire rétroactif » relativement au résultat du scrutin de révocation de l’accréditation.

Cette [révocation de l’accréditation] constitue une question qui sera tranchée par les employés syndiqués et à l’égard de laquelle l’employeur et la direction locale n’assument aucun rôle. L’équipe de gestion à Edmonton a été informée à maintes reprises de sa responsabilité de s’abstenir de formuler des commentaires sur cette question et elle s’est conformée à cette directive.

J’ai consulté notre personnel des relations de travail à l’administration centrale. Tout personnel qui était employé au 30 août 2016 (date de la ratification) recevra un salaire rétroactif proportionnel à son service. Les employés mis à pied ont également droit à un salaire rétroactif conformément à la période qu’ils ont travaillé entre la date d’expiration de l’accord précédent (le 30 juin 2015) et la date de ratification. La convention collective lie l’employeur à compter de la date de ratification. L’employeur exercera ses activités conformément à la convention collective et il n’annulera ni ne révoquera les versements de salaire rétroactif convenus en vertu des modalités de cette convention. La convention collective demeure en vigueur jusqu’à ce que l’accréditation de l’agent négociateur soit révoquée par la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Si un employé a une question précise relative à son salaire rétroactif ou au contenu du présent courriel, il est encouragé à communiquer avec le bureau des RH.

Nous reconnaissons que les employés pourraient avoir des discussions sur la « révocation de l’accréditation » pendant qu’ils sont au travail. Ces discussions peuvent être de nature hostile ou d’une nature qui crée des dissensions et je demande à tout le monde de respecter le fait que les employés auront des points de vue divergents à ce sujet. Je demande que ces discussions soient tenues pendant votre pause-déjeuner ou vos pauses-café afin de s’assurer qu’elles ne portent pas atteinte à votre travail et à l’exercice de nos activités. Veuillez ne pas oublier non plus que tous les employés ont droit à un milieu de travail sécuritaire et exempt de harcèlement.

En conclusion, vous devez toujours être conscient que la seule raison que notre organisation existe est de « Servir ceux qui servent », soit l’objet du financement fourni par les FAC. Lorsque vous travaillez, il doit s’agir de votre objectif principal puisqu’il constitue l’unique raison pour laquelle nous sommes employés.

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

720        Mme Fanjoy était d’avis que ce dernier paragraphe de la lettre, en caractère gras, s’est vu accordé plus de signification et qu’il informait les employés de ne pas mettre l’accent sur les affaires syndicales, qui étaient moins importantes et les empêchaient de se concentrer sur les intérêts des employés à servir les FAC.

2. Preuve de l’employeur

a. M. Pigden

721        M. Pigden a envoyé un courriel au personnel en octobre 2016 à la suite des négociations collectives qui ont donné lieu à une nouvelle convention collective. Il a déclaré qu’il avait reçu un certain nombre de demandes de renseignements écrites provenant d’employés qui s’étaient fait dire que s’ils ne votaient pas contre la révocation, ils ne toucheraient aucun salaire rétroactif. Il leur a recommandé de consulter leur syndicat.

722        Il a décidé d’envoyer un courriel au personnel afin de préciser que le salaire rétroactif n’était pas lié au scrutin de révocation. Il a rédigé la première ébauche du courriel et celle-ci a ensuite été examinée par les RH et les Relations de travail.

723        M. Pigden a expliqué pourquoi il avait inséré le dernier paragraphe dans la lettre. Avant 1997, le travail des employés était effectué par des civils embauchés directement par les forces armées. Le PSP est un fournisseur de services alternatif. Cette prestation est liée au budget du ministère de la Défense nationale. Il a été interrogé au sujet des services offerts aux militaires par l’organisation. Il souhaitait rappeler aux employés que leur emploi consistait à servir ceux qui servent.

724        En contre-interrogatoire, il a expliqué davantage son intention d’ajouter la phrase. Il a déclaré qu’il souhaitait rappeler à tout le monde qu’il existait des pressions sur la base et qu’il était chargé du budget des FNP, soit l’argent des soldats. Il rappelait à tout le monde qu’ils devraient mettre l’accent sur leur emploi et que s’ils ne le faisaient pas, les FAC pourraient décider de ne pas financer les FNP.

725        Il a déclaré que tous les produits tirés des produits du CANEX étaient versés de nouveau dans les fonds de la base. L’année dernière, la base a reçu 170 000 $ des activités du CANEX.

3. L’argumentation de l’agent négociateur

726        Les employés ont reçu un courriel de l’employeur le 14 octobre 2016, trois jours avant le scrutin de révocation. Il serait raisonnable qu’ils concluent qu’il comportait des menaces et des promesses voilées. Rédigé par M. Pigden, le message du courriel promet de manière inappropriée que peu importe le résultat du scrutin, [traduction] l'« […] employeur exercera ses activités conformément à la [convention collective] […] » et il garantit que le salaire rétroactif sera versé. Une promesse de gain financier faite aux employés par un employeur pendant une campagne d’accréditation ou de révocation de l’accréditation constitue une « […] ingérence illégale dans la formation ou l’administration d’un syndicat ou sa représentation des employés » (voir Re Robinson, au paragraphe 40).

727        En outre, M. Pigden a indiqué que l’emploi continu des membres de l’unité de négociation pourrait être à risque s’ils n’avaient pas le rendement attendu. Il a déclaré que [traduction] « […] la seule raison que notre organisation existe est de « Servir ceux qui servent », c’est la raison pour laquelle on reçoit du financement des FAC ». Lors de son témoignage, M. Pigden a affirmé que cette déclaration était liée aux pressions de financement auxquelles faisait face la base à l’époque et qu’il voulait profiter de l’occasion pour rappeler cette réalité aux employés.

728        Lorsque Mme Fanjoy a été interrogée précisément au sujet de la dernière déclaration du courriel de M. Pigden, elle a indiqué que, selon son interprétation, il signifiait que [traduction] « le syndicat ne se préoccupe pas de l’intérêt supérieur des employés sur la base » et que [traduction] « nous sommes ici pour servir ceux qui servent et non pour mettre l’accent sur ce qui se passe avec l’agent négociateur ». L’agent négociateur soutient que le témoignage de Mme Fanjoy à ce sujet était direct et subjectif et que la déclaration était de nature menaçante et suggérait un animus anti-syndical de l’employeur contre l’agent négociateur.

729        Par ailleurs, d’un point de vue objectif, si l’on juxtapose cette déclaration dans un document à une directive de la direction de ne pas discuter de la demande de révocation pendant les heures de travail, des employés raisonnables pourraient se sentir menacés ou forcés de voter contre l’agent négociateur. Ils pourraient croire que leur emploi pourrait être à risque s’ils ne se concentrent pas uniquement sur leur travail et s’ils participent aux activités de l’agent négociateur. Cette déclaration a été particulièrement néfaste étant donné qu’elle a été communiquée aux employés la veille du scrutin.

4. L’argumentation de l’employeur

730        L’agent négociateur donne à entendre que l’employeur a fait des menaces liées à la sécurité d’emploi aux employés syndiqués au moyen d’une lettre provenant du gestionnaire principal du PSP. Dans cette lettre, on demande aux employés de s’abstenir de discuter de la demande de révocation pendant les heures de travail et de limiter les discussions aux pauses et à leur temps libre.

731        L’ensemble des communications de l’employeur à ses employés ne s’apparente pas à de l’intimidation, à de la coercition ou à une influence indue. Rien dans la preuve n’indique un recours à la force, aux menaces ou à une pression indue ou à la contrainte afin de contrôler ou d’influencer la liberté d’association d’un employé; voir FedEx, au paragraphe 81.

732        Selon le seul élément de preuve déposé, l’employeur avait communiqué sa neutralité et avait exhorté les employés de demeurer respectueux et de ne discuter de l’agent négociateur que pendant leurs pauses et leurs temps libres. Aucune menace n’a été faite concernant les heures de travail, la rémunération ou des mises en disponibilité. Aucun des témoins de l’agent négociateur n’a indiqué avoir eu l’impression d’avoir été visé par une telle menace découlant d’une communication de l’employeur.

5. Analyse et conclusion

733        J’ai cité le par. 186(5) de la Loi à maintes reprises dans la présente décision. Il s’applique également pour trancher cette allégation.

734        Un employeur ne se livre pas à une pratique déloyale de travail du seul fait qu’il exprime son point de vue, dans la mesure où il n’ait pas usé de son influence, fait des promesses ou eu recours à la coercition, à l’intimidation ou à la menace.

735        Tel qu’il a été mentionné, un examen de la jurisprudence en vertu de la disposition presque identique prévue à l’alinéa 94(2)c) du Code, cité dans FedEx, au paragraphe 81, énonce ce qui suit :

[81] Le Conseil, à partir de la jurisprudence, tire les principes non exhaustifs qui sont énoncés ci-dessous :

– Un employeur a le droit d’exprimer son point de vue et n’est pas confiné à de simples banalités. Il y a un juste milieu, entre de simples banalités et l’ingérence et l’influence indue, qui permet à l’employeur d’exprimer librement son point de vue.

– En évaluant le comportement de l’employeur, le Conseil devrait chercher à établir si ledit comportement a porté atteinte à la capacité des employés d’exprimer leurs véritables désirs. Autrement dit, le comportement de l’employeur a-t-il privé les employés de la capacité d’exprimer leurs véritables désirs de décider d’adhérer ou non au syndicat?

– La définition de l’intimidation, de la coercition et de l’influence indue dans le contexte des relations de travail renferme l’élément fondamental suivant : le recours à une certaine forme de force ou à la menace, ou le fait d’exercer une pression indue ou une contrainte dans le but de contrôler ou d’influencer la liberté d’association des employés.

[…]

– Le Conseil devrait tenir compte du contexte dans lequel les déclarations sont faites et l’incidence probable sur un employé raisonnable des moyens utilisés. Le mode privilégié est la mise en circulation de documents écrits. Ce mode de communication est moins envahissant que les réunions à auditoire contraint ou des discussions privées avec les employés.

736        L’agent négociateur soutient que le courriel de M. Pigden du 14 octobre 2016, la veille du scrutin de révocation, aurait mené les employés à conclure raisonnablement qu’il comportait des menaces et des promesses voilées. Plus précisément, il fait valoir que la déclaration selon laquelle l’employeur exercerait ses activités conformément aux modalités de la convention collective négociée récemment constituait une promesse de gain financier. Puisque la déclaration a été faite pendant une campagne en révocation, elle constituait une ingérence illégale.

737        La seule employée qui a témoigné au sujet de ce courriel était Mme Fanjoy. Elle n’a formulé aucun commentaire sur la partie du courriel où l’employeur déclare qu’il se conformera à la convention collective. Aucun élément de preuve, subjectif ou direct, provenant des employés n’indique que cet engagement constituait une promesse de gain financier.

738        Je retiens le témoignage de M. Pigden selon lequel cet engagement, qui indiquait que l’employeur respecterait la convention collective, constituait une réponse aux demandes de renseignements écrites provenant des employés qui avaient été informés que s’ils ne votaient pas contre la révocation, ils ne recevraient pas le salaire rétroactif.

739        Je ne suis pas convaincu que cette déclaration contient les éléments fondamentaux nécessaires pour conclure qu’il y a eu intimidation, coercition ou influence indue dans le contexte de relations de travail, notamment le recours à la force, aux menaces, à une pression indue ou à la contrainte.

740        L’agent négociateur soutient également que le courriel de M. Pigden, qui énonce que [traduction] « […] la seule raison que notre organisation existe est de “Servir ceux qui servent”, c’est la raison pour laquelle on reçoit du financement des FAC » est de nature menaçante et suggère un animus anti-syndical de l’employeur contre l’agent négociateur. D’un point de vue objectif, un employé raisonnable pourrait se sentir menacé ou forcé de voter contre l’agent négociateur.

741        La seule employée qui a témoigné à ce sujet était Mme Fanjoy qui était d’avis que le paragraphe informait les employés qu’ils ne devaient pas porter toute leur attention sur les questions syndicales, que l’agent négociateur était moins important et que s’ils le faisaient, ils omettraient de se concentrer sur leurs intérêts en servant les FAC.

742        Le courriel soulignait que les employés pourraient avoir discuté de la révocation de l’accréditation pendant les heures de travail et que ces discussions pourraient les empêcher d’effectuer leur travail et d’exercer les activités. Il demandait aux employés de tenir leurs discussions pendant les pauses-déjeuner ou les pauses-café.

743        Je suis d’avis que le dernier paragraphe doit être interprété dans ce contexte en demandant aux employés de se concentrer sur leur travail et sur l’objectif de l’organisation et de tenir leurs discussions sur la révocation de l’accréditation durant leurs temps libres, comme les pauses-déjeuner et les pauses-café.

744        Je répète que je ne suis pas convaincu que ce paragraphe contient les éléments fondamentaux nécessaires pour conclure à la présence d’intimidation, de coercition ou d’une influence indue, notamment, le recours à une certaine forme de force ou à la menace, ou le fait d’exercer une pression indue ou une contrainte afin de constituer une intimidation, une coercition, ou une influence indue.

H. L’employeur a refusé illégalement de négocier de bonne foi

745        L’agent négociateur a allégué que l’employeur avait omis de négocier de bonne foi en ne retournant pas à la table de négociation au cours de la période pendant laquelle M. Lala menait sa campagne de révocation.

1. Résumé de la preuve de l’agent négociateur

a. M. Zigart

746        M. Zigart a déclaré qu’il avait participé à la dernière ronde de négociation en tant que représentant avec les unités moins importantes qui participent habituellement avec l’équipe de négociation.

747        M. Clarke était le négociateur de l’agent négociateur. Toutes les questions non pécuniaires ont été réglées au cours des trois premiers jours réservés à la négociation en août 2015. Il n’y a eu aucun obstacle important.

748        Les dates de négociation ont été fixées en novembre 2015. M. Lala a déposé sa demande de révocation en octobre 2015. L’employeur a appelé et a indiqué qu’il annulait la négociation jusqu’à ce que la question de la demande de révocation soit réglée. Il ne s’agissait pas d’une conversation agréable.

749        Le 10 novembre 2015, M. Lala a envoyé un courriel aux représentants de l’agent négociateur et à l’employeur en vue de les informer, en partie, de ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Après avoir discuté avec les employés des FNP (BFC d’Edmonton), nous avons choisi d’informer tous les représentants respectifs de cesser toutes négociations relatives à la convention collective jusqu’à ce que la demande de révocation d’accréditation soit réglée. Selon notre compréhension et notre croyance, elles minent l’importance du processus de demande.

Veuillez agréer nos salutations distinguées.

Ajay Lala

CCFCC/ Chef de Cuisine

EGMGCC/ Chef / Food & Beverage Manager (gestionnaire des aliments et des boissons)

AMC / Food & Beverage Consultant (consultant en aliments et en boissons)

[…]

750        M. Scales a accusé réception de la demande de M. Lala par courriel. Il a envoyé une copie conforme du courriel aux représentants de l’agent négociateur.

751        L’agent négociateur a ensuite reçu un appel de l’employeur et celui-ci a appuyé la demande de M. Lala et annulé les négociations. M. Zigart a déclaré qu’il avait été surpris puisque ses collègues l’avaient assuré que M. Lala ne faisait que se péter les bretelles, sans plus.

752        La conversation téléphonique entre les représentants de l’agent négociateur et l’employeur a été tenue le 13 novembre 2015. Mme Stevens et M. Scales représentaient l’employeur. M. Clarke et M. Zigart représentaient l’agent négociateur. Pendant cette discussion, Mme Stevens a indiqué que M. Lala avait l’appuie majoritaire des employés. À la question de savoir comment elle était au courant, elle n’a pas répondu.

753        En s’appuyant sur la discussion, Mme Stevens a acheminé à M. Clarke une lettre rédigée par M. Scales, informant l’agent négociateur qu’il serait inapproprié de poursuivre les négociations pendant que la demande de révocation était en cours.

754        La lettre, datée du 13 novembre 2015, était ainsi rédigée :

[Traduction]

Comme vous le savez, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique a informé l’employeur et l’agent négociateur de la demande de révocation d’accréditation, en date du 19 octobre 2015. En guise de suivi de cette demande, l’employeur a demandé que la Commission lui donne une directive quant à savoir si les parties devraient garder les dates de négociations prévues. La Commission, conformément à la lettre de Mme Lisa Woodstock, en date du 10 novembre 2015, a informé les parties qu’il incombait à l’employeur et à l’agent négociateur de déterminer s’ils devraient suspendre ou poursuivre les négociations. Après la directive de la Commission, le demandeur, M. Ajay Lala, a demandé aux parties de cesser les négociations jusqu’à ce que la question de la demande soit réglée.

Conformément à votre courriel en date du 11 novembre 2015, dans lequel vous demandez que l’employeur indique son acquiescement ou son opposition à conserver les dates de négociation prévues (les 24 et 25 novembre), l’employeur souhaite reporter les dates de négociation fixées jusqu’à la résolution de la demande. En tenant compte de la correspondance de la Commission, de la demande du demandeur, ainsi que des préférences de l’agent négociateur, nous estimons qu’il serait inapproprié de poursuivre alors que les négociations sont en cours. Nous fixerons de nouveau les dates de négociation, tel qu’il est requis, immédiatement après le règlement de la demande.

755        M. Zigart était d’avis que si la demande de révocation de M. Lala était accueillie, il n’y aurait pas lieu de négocier. L’annulation de la négociation a insufflé la vie à la demande de révocation. Même les membres fidèles de l’agent négociateur ont remis en question le pouvoir de l’agent négociateur.

756        À la suite de la téléconférence avec M. Scales et Mme Stevens et de la réponse écrite de l’employeur, l’agent négociateur a décidé de déposer sa plainte de négociation de mauvaise foi le lundi suivant.

757        Même si la direction n’a jamais indiqué qu’elle appuyait M. Lala, M. Zigart était d’avis qu’elle avait enfreint la loi.

a. Mme Stewart

758        Mme Stewart a présenté en preuve un courriel que M. Zigart lui a envoyé au sujet du document qui avait été affiché dans le lieu de travail le 25 novembre 2015 ou vers cette date, que M. Lala avait adressé aux employés de l’unité de négociation. Elle a renvoyé au paragraphe 11 qui indiquait ce qui suit :

[Traduction]

11) La prétention de notre Syndicat selon laquelle les négociations entre le Syndicat et notre employeur ont été annulées par notre employeur est fausse. En réalité, après un examen avec les membres, je, Ajay Lala, ai présenté une lettre à la Commission des relations de travail dans la fonction publique, à Ottawa, en vue de mettre fin à toutes les négociations qui devaient reprendre les 24 et 25 novembre. Ainsi, le dépôt de la demande de révocation de l’accréditation par les employés des FNP de la BFC d’Edmonton doit être tranché au plus tard le 3 décembre, avant la reprise des négociations.

759        Mme Stewart a déclaré qu’elle savait que cela se produirait en raison d’une conversation téléphonique antérieure qu’elle avait eue avec M. Lala. Elle savait que les négociations étaient prévues en novembre. En soutenant que ses actions ont contribué à la fin des négociations, M. Lala a terni l’image de l’agent négociateur. Elle était d’avis que le fait d’être la personne chargée de la demande de révocation lui aurait conféré un pouvoir et une autorité considérables.

c. Mme Gracie

760        Mme Gracie a également été renvoyée au paragraphe figurant dans le document attribué à la publication de M. Lala qui mentionnait les négociations entre l’agent négociateur et l’employeur.

761        Elle a été interrogée quant à sa compréhension des négociations. Elle a répondu qu’elle comprenait que les négociations avaient cessé et qu’elles ne reprendraient pas avant le règlement de la demande de révocation. D’après elle, les négociations avaient cessé en raison de la demande de révocation.

d. Mme Fanjoy

762        Mme Fanjoy a été renvoyée au document préparé par M. Lala et adressé aux employés de l’unité de négociation. Elle l’avait vu collé au comptoir à l’avant de l’Expressmart, derrière le tiroir-caisse et à proximité de la cafetière. Il a été affiché pendant environ une ou deux semaines. Elle a déclaré qu’elle était d’avis que les négociations étaient au point mort et que l’employeur y avait mis fin et qu’il attendait si un événement surviendrait qui lui permettrait de se débarrasser de l’agent négociateur.

763        Elle avait l’impression que M. Lala assumait la commande et qu’il avait le pouvoir ou l’influence de mettre fin aux événements.

e. Mme Van Hees

764        Le 28 novembre 2015, Mme Van Hees a reçu un courriel de M. Lala, que le superviseur du bar lui a fait suivre et auquel était joint un document préparé par M. Lala et adressé à tous les employés de l’unité de négociation, ainsi qu’une lettre d’accompagnement.

765        Dans le paragraphe portant sur les négociations, M. Lala a suggéré qu’il était très puissant et qu’une seule personne, qui est censée être le superviseur de la cuisine, peut éliminer un agent négociateur.

766        Elle avait vu le document affiché sur le babillard des employés ou à l’arrière de la maison (cuisine) du terrain de golf.

767        Lorsque les négociations collectives ont repris en août 2016, Mme Van Hees était membre de l’équipe de négociation de l’agent négociateur. Des augmentations de salaire ont été négociées, ainsi que les salaires rétroactifs.

768        Tous ceux qui se sont présentés aux fins du scrutin de ratification ont voté en faveur de la nouvelle convention collective. En contre-interrogatoire, elle a été interrogée quant à ce taux de participation. Elle a déclaré qu’elle ne se souvenait pas si le nombre de personnes était supérieur ou inférieur à 30.

2. Résumé de la preuve de l’employeur

a. Mme Stevens

769        Mme Stevens a été affectée à la BFC d’Edmonton depuis qu’elle a commencé son emploi; elle est la co-négociatrice avec M. Scales et elle représente l’employeur dans le cadre des négociations avec l’agent négociateur. Elle a été la seule négociatrice pour le compte de l’employeur à maintes reprises avec cet agent négociateur.

770        Elle a envoyé un courriel à M. Clarke le 13 novembre 2015, en vue de l’informer qu’à la suite de son courriel du 11 novembre et de leur conversation le même après-midi, les dates de négociation prévues des 24 et 25 novembre seraient être annulées et fixées de nouveau, tel qu’il est requis, au moment du règlement de la demande de révocation. Elle y a joint la réponse de l’employeur.

771        Le 3 ou le 4 novembre 2015, la gestionnaire des cas de la Commission lui a donné une lettre l’informant qu’une demande de révocation avait été déposée, ainsi qu’un document qui devait être affiché dans le lieu de travail. Elle a échangé des courriels avec la gestionnaire des cas. Elle a demandé une copie de la demande et celle-ci lui a été envoyée le 4 novembre 2015.

772        Elle a examiné la demande, ainsi que la Loi et son Règlement. Elle comprenait qu’il incomberait au demandeur de déposer une preuve selon laquelle au moins 40 p. 100 des employés de l’unité de négociation ne souhaitent plus être représentés par l’agent négociateur.

773        Elle a demandé à la gestionnaire de cas si la Commission avait reçu les éléments de preuve; elle a répondu par l’affirmative. Mme Stevens lui a demandé de le confirmer par écrit, ce qu’elle a fait.

774        L’échange de courriels en date du 4 novembre 2015 est ainsi rédigé:

[de Mme Stevens :]

[Traduction]

[…]

Selon le contenu de cette demande, le demandeur prétend que « l’organisation des employés ne représente plus une majorité des employés de l’unité de négociation ». Cependant, aucun renseignement particulier quant au véritable nombre d’employés qui appuient la demande n’est fourni. Conformément à notre conversation d’hier, je souhaite confirmer que le demandeur a fourni des documents supplémentaires à ce sujet, mais que ces renseignements sont confidentiels et qu’ils n’ont été communiqués ni à l’employeur ni à l’agent négociateur.

[de la Commission :]

Oui, l’article 20 du Règlement interdit la communication de cette partie des documents reçus :

[…]

Lorsqu’elle rend la décision relative à la demande, la Commission indique habituellement les chiffres ou le pourcentage dans ses motifs.

775        Mme Stevens a examiné la situation avec M. Scales. Ils étaient perplexes. Il s’agissait d’une nouvelle situation pour eux. Ils avaient déjà achevé certaines des négociations en septembre et les prochaines séances de négociation étaient prévues les 24 et 25 novembre.

776        Elle a appelé la gestionnaire des cas de la Commission et lui a demandé ce qu’ils devraient faire. Elle a informé Mme Stevens qu’elle n’était pas bien placée pour lui donner des conseils, mais que si l’employeur souhaitait obtenir une directive, M. Scales devrait envoyer une lettre au président de la Commission.

777        M. Scales a envoyé une lettre à la Commission le 4 novembre 2015, lui demandant une directive, étant donné que les négociations devaient reprendre bientôt.

778        Le 10 novembre 2015, la Commission a informé les parties qu’il incombait à l’employeur et à l’agent négociateur de déterminer s’ils devraient suspendre ou poursuivre leurs négociations compte tenu de la demande de révocation.

779        À un moment donné après la réception de la lettre de la Commission, M. Lala a demandé que les parties cessent les négociations jusqu’à ce que la demande soit réglée.

780        Mme Stevens a déclaré qu’après avoir examiné la Loi, le Règlement et la lettre de la Commission, elle et M. Scales ont décidé qu’il serait peut-être mieux de rester neutre. Ils souhaitaient toutefois en discuter d’abord avec M. Clarke.

781        Une téléconférence a été prévue le 13 novembre 2015. Elle a été faite à partir du bureau de M. Scales. Mme Stevens n’avait jamais été confrontée à ce type de question auparavant et ne se souvenait pas exactement ce qu’elle avait dit. Elle s’est rappelé avoir déclaré que M. Lala avait affirmé que la majorité des employés ne souhaitaient plus être représentés par l’agent négociateur et d’avoir dit quelque chose au sujet qu’il pourrait être illogique de poursuivre les négociations si l’agent négociateur n’avait plus l’appui de la majorité de ses membres.

782        Elle s’est rappelé un commentaire de M. Zigart selon lequel il était impossible de savoir si l’agent négociateur avait ou non un soutien majoritaire, à moins qu’elle n’ait participé à la demande de révocation.

783        Elle a répondu que son point de vue était fondé sur l’examen de la demande et de ses affirmations. Elle se rappelait avoir dit que l’employeur, M. Clarke ou M. Zigart ne disposaient d’aucun élément de preuve.

784        Mme Clarke était très déçue de la décision de M. Scales. Il a déclaré que cette décision était très révélatrice quant à l’employeur et qu’il devrait en faire le suivi au moyen d’une plainte de pratique déloyale de travail et d’une allégation selon laquelle l’employeur a manqué à son obligation de négocier de bonne foi.

785        Cela a donné lieu à l’échange de courriels mentionnés plus tôt dans le témoignage de M. Zigart et à la lettre de M. Scales indiquant qu’il serait inapproprié de poursuivre les négociations pendant que la demande de révocation était en cours.

786        En contre-interrogatoire, elle a déclaré qu’avec son aide, M. Scales avait rédigé la lettre du 15 novembre 2015, visant à reporter les négociations. Elle a ensuite été interrogée à savoir si elle se rappelait de la preuve qu’elle avait présentée à la Commission dans le cadre de l’audience relative à la plainte de négociation de mauvaise foi, où elle a déclaré qu’elle avait rédigé la lettre et que M. Scales l’avait signée.

787        Mme Stevens a expliqué que les deux déclarations étaient exactes puisqu’elle rédige habituellement la première ébauche aux fins d’examen, de modification et de signature par M. Scales.

788        Elle a été renvoyée à son témoignage dans lequel elle a déclaré qu’après avoir examiné la Loi et le Règlement, selon l’employeur, la seule façon de demeurer neutre était de reporter les négociations.

789        Elle a été renvoyée au résumé de son témoignage dans le cadre de cette procédure,  soit aux paragraphes 149 et 152 de la décision relative à la négociation de mauvaise foi.

790        Dans cette affaire, en interrogatoire principal, dans son résumé de la preuve, la Commission mentionne que Mme Stevens a déclaré qu’elle et M. Scales ont tenu compte de quatre facteurs lorsqu’ils ont décidé si l’employeur devrait poursuivre les négociations : le 10 novembre 2015, le courriel de M. Lala dans lequel il demande que les parties cessent de négocier en attendant l’issue de la demande de révocation; la position des TUAC, selon laquelle les séances de négociation devraient se poursuivre comme prévu; le règlement rapide de la demande de M. Lala; la lettre de la Commission en date du 10 novembre 2015.

791        À la suite de son contre-interrogatoire dans cette affaire, la Commission a conclu que même si Mme Stevens a affirmé que l’employeur avait tenu compte de nombreux facteurs, à la fin de son témoignage, il ressortait de la preuve dont était saisi la Commission que l’employeur n’avait tenu compte que de deux facteurs : la demande de M. Lala de cesser de négocier et la demande des TUAC de respecter les séances de négociation prévues.

792        Mme Stevens n’était pas d’accord avec la description de la Commission de son témoignage dans cette affaire. Elle a déclaré que sa lettre du 10 novembre constituait quand même un facteur décisionnel. Elle a convenu qu’ils avaient effectivement tenu compte de la lettre de M. Lala et de la préférence de l’agent négociateur.

793        Mme Stevens a été renvoyée à la lettre en date du 13 novembre 2015 de M. Scales à l’intention de M. Clarke qui était rédigée en partie comme suit : [traduction] « En tenant compte de la correspondance de la Commission, de la demande du demandeur, ainsi que des préférences de l’agent négociateur, nous estimons qu’il serait inapproprié de poursuivre les négociations avant le règlement de la demande. » Elle a convenu qu’il s’agissait des trois questions prises en considération dans la décision de reporter les négociations.

794        Elle a déclaré qu’elle et M. Scales avaient pris eux-mêmes la décision de reporter les négociations puisque la directive de la Commission avait indiqué qu’il incombait aux parties de décider. Elle a convenu qu’il avait été conclu que cette décision constituait une pratique déloyale de travail.

795        À la question de savoir si Mme Stevens conviendrait qu’il était raisonnable que les membres de l’agent négociateur aient la perception que l’employeur avait pris parti pour M. Lala, elle a répondu qu’elle était d’avis que la perception d’un membre à cet effet n’était pas raisonnable. Elle a expliqué qu’elle disposait de preuves factuelles que les membres n’avaient pas.

796        Elle a ensuite été interrogée quant à savoir quand elle avait formé l’opinion que l’agent négociateur n’avait plus le soutien de la majorité des employés de l’unité de négociation, afin de confirmer qu’elle ne disposait d’aucun élément de preuve. Elle a répondu qu’elle avait confirmé que la Commission disposait des éléments de preuve. Elle a ensuite déclaré qu’un scrutin devrait être tenu pour décider si la majorité appuyait ou non l’agent négociateur.

797        En réinterrogatoire, elle a été interrogée à savoir si le fait que la demande de révocation pouvait être réglée rapidement constituait un facteur dans la décision de suspendre les négociations.

798        Elle a répondu qu’elle prévoyait qu’après l’expiration de la période d’avis de 30 jours suivant l’affichage du document dans le lieu de travail, un scrutin serait ordonné.

3. Résumé de l’argumentation de l’agent négociateur

799        L’omission illégale de l’employeur de négocier de bonne foi a miné l’agent négociateur et a laissé les employés avec l’impression que l’agent négociateur était inefficace. Les négociations de mauvaise foi peuvent constituer une ingérence de la part de l’employeur lorsqu’elles créent « […] un climat dans le lieu de travail qui serait propice à une demande de révocation » (tiré de Chapman, au paragraphe 58). Lorsque cela survient dans le contexte d’une demande de révocation, il [traduction] « […] s’agit d’une forme d’influence indue qui vicie la validité du scrutin de révocation de l’accréditation » (tiré de Chapman, au paragraphe 58).

800        La Commission avait conclu antérieurement que l’employeur avait négocié de mauvaise foi lorsqu’il a refusé de rencontrer l’agent négociateur, ce qui contrevenait à l’article 106 de la Loi (voir la décision sur la négociation de mauvaise foi). La décision de l’employeur a entravé la perception des employés quant à l’utilité de l’agent négociateur et, par conséquent, des conséquences particulièrement importantes en ont découlé en raison de la campagne de révocation en cours à l’époque. La Commission a résumé avec concision comme suit les conséquences du manquement de l’employeur à son obligation de négocier de bonne foi prévue par la loi (voir la décision sur la négociation de mauvaise foi, au paragraphe 162) :

[162] Il est bien reconnu dans le domaine du droit du travail et des relations de travail que l’objectif des agents négociateurs est de représenter des groupes d’employés dans le cadre d’affaires contre leur employeur. Le domaine prééminent de la relation dans le cadre de laquelle l’agent négociateur représente les employés est la négociation de conventions collectives, qui définit la véritable relation de travail. Il va sans dire que si un agent négociateur n’est pas en mesure de négocier avec un employeur ou qu’il semble ne pas être en mesure de le faire, cela serait considéré comme faible et inefficace parce que le fondement du mouvement syndical (l’établissement des agents négociateurs et de la négociation collective) découle de la force de négociation en tant que groupe (d’employés) uni par opposition à chaque employé individuel qui négocie pour son propre compte contre un employeur. L’employeur, par l’intermédiaire de ses représentants, M. Scales et Mme Stevens, aurait dû le savoir.

[L’agent négociateur met en évidence.]

801        L’agent négociateur a déposé une preuve directe des conséquences de l’omission de l’employeur de négocier sur la perception des employés en ce qui concerne l’efficacité de l’agent négociateur, même si une preuve directe n’est pas nécessaire pour établir qu’un préjudice a été causé à la qualité d’agir de l’agent négociateur (voir la décision sur la négociation de mauvaise foi, au paragraphe 158).

802        Selon le témoignage de Mme Van Hees, de Mme Fanjoy et de Mme Gracie, elles percevaient un lien entre le motif de l’arrêt des négociations par l’employeur et la demande de révocation de l’accréditation de l’agent négociateur. Par ailleurs, pendant l’audience de la décision sur la négociation de mauvaise foi, deux membres de l’agent négociateur ont indiqué que d’autres membres – ceux visés par la campagne de révocation de l’accréditation – avaient l’impression que l’agent négociateur était affaibli en raison du fait que les négociations étaient en perte de vitesse (voir la décision sur la négociation de mauvaise foi, au paragraphe 158).

803        En plus de miner l’agent négociateur en retardant les négociations légalement requises, les gestes de l’employeur ont également porté ses fruits à la campagne de révocation de M. Lala. Comme la Commission l’a conclu dans la décision sur la négociation de mauvaise foi, la demande de M. Lala que l’employeur cesse les négociations collectives, auxquelles il n’était pas une partie et qu’il ne participait d’aucune façon que ce soit, constituait le facteur déterminant du refus de l’employeur de négocier (la décision sur la négociation de mauvaise foi, au paragraphe 157). Lorsqu’une demande lui a été présentée de la part de l’agent négociateur et d’un seul employé qui ne participait aux négociations collectives (M. Lala), l’employé s’en est remis à M. Lala (voir la décision sur la négociation de mauvaise foi, au paragraphe 152).

804        Le message non équivoque communiqué aux membres de l’agent négociateur par l’employeur était que M. Lala était un homme ayant une influence considérable dont l’opinion était prise au sérieux. Il a communiqué ce message expressément au moyen d’un document qu’il a distribué sur les lieux de travail et qu’il a envoyé par courriel aux membres, dans lequel il a indiqué qu’il avait envoyé une lettre à Ottawa et avait demandé à l’employeur et à l’agent négociateur « […] de cesser toutes négociations [relatives à la convention collective] jusqu’à l’issue de la demande de révocation de l’accréditation », supposément au nom des « […] employés des FNP (BFC d’Edmonton) ».

805        Même si l’agent négociateur a renvoyé à plusieurs autres exemples sérieux concernant l’ingérence de l’employeur, tel qu’il sera mentionné plus loin dans la présente décision, il fait valoir que l’omission de l’employeur de négocier de bonne foi, provoquée par l’ingérence de l’organisateur central d’une campagne de révocation, suffit en soi à vicier le caractère volontaire de la pétition en révocation et du scrutin subséquent. Un membre raisonnable de l’unité de négociation croirait que l’employeur a une relation de confiance étroite avec M. Lala et qu’il était disposé à contrevenir aux lois du travail afin d’éviter d’intervenir dans sa campagne de révocation ou de l’appuyer.

4. Résumé de l’argumentation de l’employeur

806        L’agent négociateur allègue que l’employeur a refusé de négocier une nouvelle convention collective en vue d’appuyer les activités liées à la révocation de l’accréditation menées par M. Lala, et ce, malgré le fait que Mme Stevens a déclaré que l’employeur n’avait jamais indiqué qu’il s’agissait de la raison pour laquelle il avait suspendu les négociations ou qu’il ait conclu un accord de renouvellement avec l’agent négociateur.

807        En réalité, beaucoup de temps s’est écoulé entre le dépôt de la demande de révocation et le vote au scrutin secret, ce qui a donné lieu à la demande de modification de ses actes de procédure déposée par le syndicat en vue d’inclure les allégations que la conduite de l’employeur à la suite de la demande de révocation constituait une ingérence à l’authenticité du scrutin de représentation.

808        Vu les allégations modifiées, l’agent négociateur a demandé à la Commission d’examiner la conduite de l’employeur menant au dépôt de la demande de révocation et celle menant au scrutin de représentation. Compte tenu de ces allégations, tel qu’il a été indiqué antérieurement, la conduite après la demande devrait être examinée conformément au critère établi par la jurisprudence pour évaluer la conduite de l’employeur avant la tenue du vote au scrutin secret. Tel qu’il a été mentionné, Kolbina Care, Laidlaw, Re Robinson et Tundra Boiler énoncent qu’un niveau d’ingérence est requis équivalent à [traduction] « […] une preuve des circonstances permettant de conclure raisonnablement qu’il était peu probable que le scrutin fût révélateur de la véritable volonté des employés » (tiré de Kolbina Care).

809        En ce qui concerne les allégations relatives à l’annulation des négociations, l’employeur et l’agent négociateur ont repris les négociations en août 2016. L’accord conclu dans le cadre des négociations a été accepté par les membres au moyen d’un scrutin de ratification tenu le 30 août 2016. Même si l’agent négociateur soutient que l’annulation des négociations aurait dû être interprétée comme une forme d’ingérence justifiant l’annulation du vote, les faits qui sont survenus après la fin des négociations indiquent que les employés qui ont participé au scrutin de ratification ont accepté l’accord proposé par l’agent négociateur. L’agent négociateur soutient qu’un scrutin de ratification réussi devrait être accepté comme un vote de confiance, annulant ainsi la demande et le vote parce qu’il démontrerait que les employés appuient le syndicat.

810        La conclusion logique découlant de l’affirmation que les employés ont démontré leur soutien continu à l’égard de leur agent négociateur au moyen de la ratification de la convention collective est que le vote au scrutin secret (qui a été tenu à la suite du scrutin de ratification) permettrait de confirmer cet appui si aucun élément de preuve découlant de la période entre la ratification et le scrutin de représentation constitue une ingérence.

811        En conséquence, le dénombrement des bulletins de vote pourrait être perçu, au plus, comme redondant puisque si l’affirmation précédente est retenue, ils confirmeraient probablement l’appui des employés à l’égard de leur agent négociateur. En conséquence, l’employeur fait valoir que si l’affirmation de l’agent négociateur relativement à la ratification est retenue, il faut donc conclure que le vote au scrutin secret qui a été tenu par la suite peut être considéré comme un bulletin de vote déposé en l’absence d’une ingérence de la part de l’employeur et comme la confirmation des véritables volontés des employés.

812        Si un scrutin de ratification favorable est considéré comme une expression de la volonté de l’employé, quel élément de preuve, le cas échéant, du 30 août au 17 octobre 2016, équivaudrait à une ingérence assez importante pour modifier la capacité des employés d’exprimer leur véritable volonté? L’employeur est d’avis qu’aucun témoignage entendu n’est assimilable à ce niveau d’ingérence. Pendant cette période, l’agent négociateur a allégué que le retard de l’employeur à verser les salaires rétroactifs et la façon dont il a traité M. Lala pendant l’enquête sur son inconduite équivalait à de l’ingérence.

813        Toutefois, aucun élément de preuve n’a été déposé établissant que le retard du versement des salaires rétroactifs et des modifications salariales étaient liés au scrutin de représentation ou que la conduite de l’employeur vis-à-vis une enquête disciplinaire constituait d’une façon quelconque une forme de traitement préférentiel, indiquant l’appui de l’employeur relativement à la demande.

814        En conséquence, encore une fois, l’employeur soutient qu’aucune conclusion d’ingérence de la part de l’employeur ne peut être tirée en fonction des faits entendus et, par conséquent, les résultats du scrutin ne devraient pas être rejetés. En outre, il est soutenu que même si on constate la présence d’une ingérence dans la décision initiale de l’employeur de suspendre les négociations, celle-ci n’a eu aucune incidence sur le scrutin de révocation de l’accréditation de manière à ce que le scrutin ne soit pas révélateur de la véritable volonté des employés.

5. Analyse et conclusion

815        Les faits sous-jacents concernant cette allégation ne sont pas contestés. Ils sont énoncés succinctement comme suit dans la décision portant sur la négociation de mauvaise foi, aux paragraphes 136 à 142 :

[136]Les parties avaient une relation de longue date et, jusqu’à l’automne 2015, elle semblait bonne en général. La convention collective régissant leur relation est venue à échéance en 2015 et la section locale 401 des TUAC a signifié son avis de négocier le 4 mars 2015. Des séances de négociation ont été prévues par les parties en septembre 2015. Les parties se sont rencontrées aux dates prévues et semblaient être parvenues à une entente relativement à toutes les questions non pécuniaires. Le 18 septembre 2015, le dernier jour de négociation pendant les séances de septembre, la section locale 401 des TUAC a remis à l’employeur sa proposition écrite visant les questions pécuniaires, les parties ont convenu de se rencontrer une autre fois et elles ont fixé la prochaine séance de négociation aux 24 et 25 novembre 2015, à Edmonton. Des salles de réunion à l’hôtel ont été réservées au cours des dernières semaines suivant le dernier jour de la séance de négociation de septembre.

[137]Le 26 octobre 2015, la demande Lala concernant la révocation de l’accréditation de la section locale 401 des TUAC (dossier de la CRTEFP 550-18-10) a été reçue par la Commission.

[138]Le 4 novembre 2015, après avoir reçu la demande, l’employeur a écrit à la Commission et l’a informée que les parties avaient fixé des dates « provisoires » de négociation. Il a également demandé à la présidente de la Commission de lui donner des directives quant à savoir si les parties devraient suspendre temporairement les négociations et annuler les dates « provisoires » de réunion jusqu’à l’issue de la demande. La lettre en date du 4 novembre 2015 de l’employeur a été acheminée à la section locale 401 des TUAC et à M. Lala.

[139]Le 10 novembre 2015, la Commission a envoyé une lettre aux parties et à M. Lala soulignant que la présidente avait décidé qu’il incombait aux parties de déterminer si elles devraient suspendre ou poursuivre leurs négociations à la lumière de la demande de révocation de l’accréditation de la section locale 401 des TUAC. Le même jour, quelques heures après avoir reçu la lettre de la Commission, M. Lala a envoyé une lettre à l’employeur, à la Commission et à la section locale 401 des TUAC, dans laquelle il a indiqué qu’il préférait qu’il soit mis fin à toute négociation collective.

[140]Après avoir reçu la lettre en date du 10 novembre 2015 de la Commission, l’employeur et la section locale 401 des TUAC ont échangé des courriels dans lesquels la section locale 401 des TUAC a déclaré qu’il était d’avis que les négociations collectives devraient se poursuivre comme prévu les 24 et 25 novembre 2015, renvoyant l’employeur aux dispositions applicables de la Loi. Suite à l’échange, l’employeur et la section locale 401 des TUAC ont tenu une téléconférence le 13 novembre pour discuter de la question, au cours de laquelle la section locale 401 des TUAC a réitéré sa position.

[141]L’employeur a décidé qu’il ne participerait pas aux négociations antérieurement convenues qui devaient avoir lieu les 24 et 25 novembre 2015, et il a communiqué sa position par écrit dans un courriel envoyé le 13 novembre 2015. Dans le courriel, auquel était jointe la lettre du même jour, Mme Stevens, qui a également rédigé la lettre, a indiqué ce qui suit : [traduction] « Les dates fixées des 24 et 25 novembre seront annulées, afin d’être fixé de nouveau, au besoin, à l’issue de la demande. » La lettre indiquait ce qui suit :

[…]

[Traduction]

La Commission […] a informé les parties qu’il incombait à l’employeur et à l’agent négociateur de déterminer s’ils devraient suspendre ou poursuivre les négociations. Après la directive de la Commission, le demandeur, M. Ajay Lala, a demandé aux parties de cesser les négociations jusqu’à ce que la question de la demande soit réglée.

Conformément à votre courriel en date du 11 novembre 2015, dans lequel vous demandez que l’employeur indique son acquiescement ou son opposition à conserver les dates de négociation fixées (les 24 et 25 novembre), l’employeur souhaite reporter les dates de négociation fixées jusqu’à la résolution de la demande. En tenant compte de la correspondance de la Commission, de la demande du demandeur, ainsi que des préférences de l’agent négociateur, nous estimons qu’il serait inapproprié de poursuivre les négociations avant le règlement de la demande. Nous fixerons de nouveau les dates de négociation, tel qu’il est requis, immédiatement après l’issue de la demande.

[…]

[142]Aucune négociation n’a été tenue les 24 et 25 novembre 2015 et, à la date de l’audience, l’employeur a maintenu sa position de ne pas retourner à la table de négociation.

816        La Commission a conclu comme suit aux paragraphes 157 et 158 :

[157]Il ressort de la preuve dont je suis saisi que le 10 novembre 2015, uniquement quelques heures après l’envoi de la lettre de la Commission, M. Lala a envoyé une lettre à tout le monde et a demandé qu’il soit mis fin aux négociations. L’employeur a non seulement tenu compte de cette demande, il est également évident que cet élément était déterminant lorsque l’employeur a examiné ses options pour décider s’il continuerait de négocier avec la section locale 401 des TUAC. Il a été mis fin aux négociations parce que l’employeur a décidé de ne pas assister aux séances et de ne pas négocier les 24 et 25 novembre 2015. Mme Stevens a affirmé qu’elle et M. Scales avaient pris la décision d’annuler les négociations.

[158]Deux membres de la section locale 401 des TUAC ont indiqué qu’ils croyaient que les membres percevaient le syndicat comme étant faible en raison du fait qu’il avait été mis fin aux négociations.[…]

817        La Commission a indiqué ce qui suit au paragraphe 162 :

[162]Il est bien reconnu dans le domaine du droit du travail et des relations de travail que l’objectif des agents négociateurs est de représenter des groupes d’employés dans le cadre d’affaires contre leur employeur. Le domaine prééminent de la relation dans le cadre de laquelle l’agent négociateur représente les employés est la négociation de conventions collectives, qui définit la véritable relation de travail. Il va sans dire que si un agent négociateur n’est pas en mesure de négocier avec un employeur ou qu’il semble ne pas être en mesure de le faire, cela serait considéré comme faible et inefficace parce que le fondement du mouvement syndical (l’établissement des agents négociateurs et de la négociation collective) découle de la force de négociation en tant que groupe (d’employés) uni par opposition à chaque employé individuel qui négocie pour son propre compte contre un employeur. L’employeur, par l’intermédiaire de ses représentants, M. Scales et Mme Stevens, aurait dû le savoir.

818        Le 28 juin 2016, la Commission a confirmé la plainte et a déclaré que l’employeur avait manqué à son obligation de négocier de bonne foi. La Commission a ordonné à l’employeur, dans les deux jours ouvrables, de planifier des dates afin de poursuivre la négociation collective, d’afficher bien en vue la décision dans tous les lieux de travail et de distribuer des copies de la décision à tous les membres de l’unité de négociation.

819        En fonction des éléments de preuve, je ne suis pas convaincu qu’en annulant les dates prévues pour la négociation en attendant le règlement de la demande de révocation, l’employeur avait délibérément l’intention d’intervenir dans la campagne de révocation. Toutefois, l’agent négociateur n’avait pas à démontrer l’animus anti-syndical de l’employeur contre l’agent négociateur pour établir l’ingérence de l’employeur. Voir Re Air Canada, au paragraphe 33.

820        La négociation de mauvaise foi peut être considérée comme une ingérence de la part de l’employeur lorsqu’elle créée « […] un climat dans le lieu de travail qui serait propice à une demande de révocation […] » (voir Chapman, au paragraphe 58).

821        L’agent négociateur a déposé une preuve directe des conséquences de l’omission de l’employeur de négocier. Mme Van Hees, Mme Fanjoy et Mme Gracie étaient d’avis qu’il existait un lien entre la raison pour laquelle l’employeur a cessé les négociations et la demande de révoquer la représentation syndicale. Compte tenu des circonstances factuelles objectives concernant l’annulation des négociations collectives à la demande de M. Lala, qui avait amorcé la demande de révocation, je conclus que l’employeur a contrevenu à l’alinéa 186(1)a) de la Loi et qu’il est intervenu de manière inappropriée dans la représentation des employés par une organisation syndicale.

822        Dans Kolbina Care, la commission de la C.-B. a appliqué une analyse en deux étapes pour trancher les allégations en matière d’ingérence de l’employeur dans le cadre d’une demande de révocation de l’accréditation. Le Code de la C.-B. autorise à cette commission d’annuler ou de refuser l’accréditation d’une organisation syndicale dans tout cas où elle estime qu’en raison d’une ingérence inappropriée de la part d’une personne, il est peu probable que le scrutin de représentation soit révélateur de la véritable volonté des employés.

823        La commission de la C.-B. a déclaré ce qui suit aux paragraphes 79 et 80 :

[Traduction]

79 […] Tout d’abord, elle doit conclure qu’il y a eu intervention inappropriée. Dans l’affirmative, à la deuxième étape de l’analyse, la commission doit décider s’il est peu probable que le scrutin de révocation de l’accréditation soit révélateur de la véritable volonté des employés en raison d’une l’ingérence inappropriée […]

80 […] À la deuxième étape de l’analyse, en décidant si la véritable volonté des employés a été influencée, la Commission applique une norme objective […] À cet égard, il doit y avoir une preuve des circonstances permettant de conclure raisonnablement qu’il était peu probable que le scrutin fût révélateur de la véritable volonté des employés. […]

824        Dans Lansdowne, la commission de l’Alberta était saisie d’une situation factuelle dans laquelle l’employeur a refusé de rencontrer et de négocier avec l’agent négociateur, qui a déposé sa plainte le 24 mars 1992. À la suite du refus de l’employeur de négocier, un employé a déposé une demande de révocation des droits de négociation de l’agent négociateur le 1er avril 1992.

825        Le 24 avril 1992, une formation de la commission de l’Alberta a conclu que l’employeur avait omis de négocier de bonne foi et a ordonné aux parties d’amorcer la négociation collective.

826        Le 28 avril 1992, la commission de l’Alberta a tenu un scrutin de représentation relativement à la demande de révocation et a scellé les votes.

827        Une formation combinée de la commission de l’Alberta a entendu les arguments des parties sur la demande de révocation et toute réparation supplémentaire ayant trait aux plaintes de pratique déloyale de travail.

828        La commission de l’Alberta a conclu comme suit à la page 24 :

[Traduction]

[…]

Nous concluons que, lorsque la Commission a tenu son scrutin de représentation dans cette affaire, les employés ont été indûment influencés par l’incapacité du Syndicat à obtenir des résultats dans le cadre de la négociation en leur nom, ce qui est le résultat inévitable de l’omission complète de l’Employeur de participer au processus de négociation requis par la loi. En conséquence, nous ordonnons que le scrutin, tenu le 28 avril 1992, soit annulé et que les votes soient détruits.

[…]

829        Dans cette affaire, la commission de l’Alberta a ordonné que les négociations soient amorcées. En ce qui concerne l’issue de la demande de révocation, la commission a donné comme directive qu’elle tiendrait un scrutin de représentation à ce sujet. Toutefois, ce scrutin n’aurait pas lieu si le syndicat et l’employeur concluaient un protocole d’entente ratifié par les employés de l’unité de négociation, si le syndicat demandait un vote de grève supervisé par la commission qui entraînerait ensuite un vote majoritaire en faveur d’une mesure de grève ou si l’employeur demandait un vote de lock-out.

830        La commission de l’Alberta a déclaré ce qui suit à la page 25 :

[Traduction]

[…]

La Commission considérerait la ratification d’une convention collective ou un scrutin en faveur d’une mesure de grève comme une affirmation du soutien des employés à l’égard du rôle du Syndicat en tant qu’agent négociateur. Si l’une ou l’autre de ces circonstances surviennent, elle rejettera la demande de révocation. Si le Syndicat et l’Employeur concluent une convention collective sans demander sa ratification, le scrutin de représentation sera tenu, même si la convention collective ne sera pas annulée si le scrutin est défavorable à la révocation.

[…]

831        Dans cette affaire, seulement quatre jours se sont écoulés entre la date de la décision de la formation de la commission de l’Alberta, qui avait déterminé que l’employeur avait omis de négocier de bonne foi, et la date où elle a rendu l’ordonnance d’amorcer les négociations collectives et prévu la date du scrutin secret.

XVII. L’annulation des négociations par l’employeur en novembre 2015 a-t-elle fait en sorte qu’il est improbable que le scrutin secret soit révélateur de la véritable volonté des employés?

 

832        En août 2016, à la suite de la décision de la Commission du 28 juin 2016, qui a conclu que l’employeur avait omis de négocier de bonne foi, les parties ont repris les négociations et ont conclu une nouvelle convention collective prévoyant des augmentations de salaire et des salaires rétroactifs. La convention a été ratifiée par les employés de l’unité de négociation le 30 août 2016, et ce, par tous les membres qui ont voté.

833        J’ai déjà conclu que les allégations de l’agent négociateur, soit que l’employeur avait tardé à verser les salaires rétroactifs et à mener une enquête sur la conduite de M. Lala et qu’il aurait fait des menaces et des promesses la veille du scrutin, ne constituaient pas une ingérence au sens de l’article 186 de la Loi.

834        Il doit y avoir une preuve circonstancielle permettant de conclure raisonnablement qu’il était peu probable que le scrutin fût révélateur de la véritable volonté des employés.

XVIII. Conclusion

835        Compte tenu de toutes les circonstances, je conclus qu’il n’existe aucun fondement raisonnable permettant de conclure que le scrutin de représentation ne serait pas révélateur de la véritable volonté des employés. Je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu’il est peu probable que le scrutin tenu du 19 au 25 octobre 2016 ne soit pas révélateur de cette véritable volonté.

836        L’agent négociateur demande que la demande de révocation soit rejetée puisque la ratification de la convention collective a rendu la demande théorique. Il invoque la décision de la commission de l’Alberta dans Lansdowne, à l’appui de la proposition voulant que, dans le contexte d’une demande de révocation, la ratification subséquente d’une convention collective démontre que les employés appuient l’agent négociateur et justifie le rejet de la demande.

837        Dans Lansdowne, la commission de l’Alberta a conclu qu’au moment du scrutin de représentation, les employés auraient été indûment influencés par son incapacité d’obtenir des résultats en leur nom dans le cadre des négociations, puisque cela aurait été le résultat inévitable du défaut de l’employeur de participer au processus de négociation. En conséquence, la commission a ordonné que les bulletins de vote déposés au cours du scrutin de représentation soient rejetés et détruits.

838        Étant donné le contexte, la commission a déclaré qu’elle considérerait la ratification subséquente de la convention collective comme une affirmation du soutien des employés à l’égard du rôle de leur syndicat en tant qu’agent négociateur.

839        Ce même argument a été présenté dans Triac, une décision de la CRTO.

840        Dans cette affaire, l’avocat du syndicat a soutenu qu’un scrutin de ratification l’emporte sur le scrutin de révocation, le rendant ainsi théorique. Il a été suggéré que le scrutin de ratification constituait une meilleure expression de la volonté des employés (parce qu’il était plus récent). Si la CRTO avait un doute quant à la fiabilité du scrutin de ratification, les circonstances étaient telles qu’elles justifiaient un nouveau scrutin de représentation. Dans cette affaire, le scrutin de ratification a été tenu après le scrutin de représentation.

841        La CRTO a rejeté l’argument en déclarant ce qui suit au paragraphe 26 :

[Traduction]

26 L’erreur dans ce raisonnement est l’omission de reconnaître l’importance centrale du régime législatif de la Loi du droit des employés de s’efforcer à mettre fin aux droits de négociation de leur syndicat pendant des périodes ouvertes périodiques. Le droit des employés de demander l’abolition des droits de négociation de leur syndicat n’est pas écarté par la ratification subséquente du renouvellement de la convention collective et de l’existence d’une telle convention. La Loi prévoit que le renouvellement des conventions collectives sera conclu, mais qu’il ne met pas fin aux périodes ouvertes prévues par la Loi. Le paragraphe 63(18) de la Loi l’indique clairement. Les périodes ouvertes sont sacro-saintes; les parties institutionnelles, qui pourraient avoir un intérêt dans la continuité de la relation de négociation collective, ne peuvent empêcher l’exercice des droits des employés d’abolir les droits de négociation d’un syndicat pendant une période ouverte. En conséquence, un scrutin de ratification favorable et la conclusion du renouvellement de la convention collective n’ont pas de conséquences négatives sur la validité et la viabilité d’une demande de révocation. Dans un sens, le renouvellement d’une convention collective (et sa ratification) est assujetti à une demande de révocation opportune. L’existence du renouvellement de la convention collective dépend de l’issue de la demande de révocation.

842        Je trouve convaincant le raisonnement de Triac. Les employés ont un droit prévu par la loi et tiré de la Charte de mettre fin aux droits de négociation de leur agent négociateur pendant des périodes ouvertes; ce droit n’est pas touché par les intérêts de l’agent négociateur et de l’employeur.

843        En conclusion, j’ai déterminé que l’employeur s’était livré à une pratique déloyale de travail lorsqu’il a annulé les négociations en novembre 2015, à la demande du demandeur, et je rendrai un jugement déclaratoire à cet égard.

844        Nonobstant cette décision, j’ai également conclu qu’il n’existe aucun fondement raisonnable pour conclure que le scrutin de représentation ne sera pas révélateur de la véritable volonté des employés vu les événements survenus après la décision de la Commission en juin 2016.

845        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

XIX. Ordonnance

846        Je déclare que l’employeur s’est livré à une pratique déloyale de travail lorsqu’il a annulé les négociations à la demande du demandeur.

847        Je rejette la demande de l’agent négociateur de rejeter la demande de révocation.

848        J’ordonne que l’urne soit descellée et que les bulletins de vote soient comptés.

Le 29 novembre 2017.

Traduction de la CRTESPF

David Olsen,
une formation de la Commission des relations de
travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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