Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a fait valoir que, au début de son affectation de service extérieur, le défendeur n’a ni établi ni communiqué ses objectifs de travail, contrevenant ainsi à la convention collective – le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que, ultérieurement, lorsque le défendeur a eu des préoccupations à propos de son rendement, ce dernier ne lui en a pas parlé en temps opportun et il n’a pas eu une possibilité raisonnable d’améliorer son rendement pour satisfaire aux normes à cet égard – ultimement, on a mis fin à son affectation – la formation de la Commission a conclu que la convention collective exigeait que les objectifs de rendement soient établis par écrit au début d’une affectation et annuellement par la suite, et qu’aucun objectif n’avait été communiqué au fonctionnaire s’estimant lésé – il ne suffit pas de fournir une description orale des affectations de travail pour satisfaire l’exigence de la convention collective – en outre, la formation a conclu que le défendeur n’avait pas informé le fonctionnaire s’estimant lésé en temps opportun de ses préoccupations à l’égard de son rendement insatisfaisant et qu’il ne lui avait pas donné une possibilité raisonnable d’améliorer son rendement de façon à satisfaire aux normes de rendement établies – même si on lui a fourni une rétroaction continue à propos de son rendement pendant toute la durée de son affectation, la formation a conclu que la rétroaction n’équivaut pas à soulever des « préoccupations » – au moment de mettre en œuvre le programme d’amélioration du rendement, qui vise à aider un employé à améliorer son rendement, le défendeur a donné au fonctionnaire s’estimant lésé six semaines pour améliorer son rendement et a cessé de lui fournir des commentaires ou de la rétroaction sur son travail – la formation a souligné qu’une période de six semaines était un délai bien court pour aider un employé à améliorer son rendement – combiné à l’absence de rétroaction au cours de cette période, la formation a conclu que le défendeur n’avait pas respecté son obligation d’accorder au fonctionnaire s’estimant lésé une possibilité raisonnable d’améliorer son rendement de façon à satisfaire aux normes prévues – on a ordonné au défendeur de supprimer du dossier du fonctionnaire s’estimant lésé la lettre mettant fin à l’affectation et de lui octroyer des dommages majorés de 20 000 $.

Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20180216
  • Dossier:  566-02-12611
  • Référence:  2018 CRTESPF 13

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

KARIM MATTALAH

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement)

employeur

Répertorié
Mattalah c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Nathalie Daigle, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Anne Clark-McMunagle, avocate
Pour l'employeur:
Ketia Calix, avocate
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 19 au 21 juin 2017.
(Observations écrites déposées le 14 juillet et les 4 et 18 août 2017.)
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I.   Introduction

1        Karim Mattalah, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), est un employé du Ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (le « ministère » ou l’« employeur »). Il allègue que l’employeur a contrevenu à la clause 9.03 de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’Association professionnelle des agents du service extérieur (l’« APASE »), qui est arrivée à échéance le 30 juin 2014 (la « convention collective »). Plus particulièrement, il allègue qu’au début d’une affectation à Riyad, en Arabie saoudite, ses objectifs de travail n’ont pas été établis ni partagés avec lui. En outre, il affirme que, pendant son affectation, l’employeur était préoccupé par son rendement et qu’il ne lui en a pas parlé en temps opportun et que, par conséquent, il n’a pas eu une possibilité raisonnable d’améliorer son rendement pour satisfaire aux normes à cet égard. Il allègue avoir subi des dommages considérables en raison de cette contravention.

2        L’employeur soutient qu’au début de l’affectation du fonctionnaire, des objectifs ont été fixés par le gestionnaire du fonctionnaire et que ce dernier a été consulté à cet égard. En outre, il soutient que durant l’affectation du fonctionnaire, des préoccupations relatives à son rendement au travail ont été observées, notées et discutées avec lui, sur une base hebdomadaire, et qu’il a fait l’objet de mentorat et suivi des formations afin d’améliorer son rendement de façon à satisfaire aux normes de rendement établies. Par conséquent, l’employeur soutient qu’il n’a pas contrevenu à la clause 9.03 de la convention collective.

3        L’avis de renvoi à l’arbitrage du grief a été déposé auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique le 26 mai 2016.

4        Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et d'autres lois et comportant d'autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et les titres de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour, respectivement, la  Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, la Loi sur la Commission des relations de travail et de lemploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

5        Comme je l’expliquerai dans la présente décision, je conclus que l’employeur a enfreint la clause 9.03 de la convention collective.

II. Faits

6        Le fonctionnaire travaille comme agent du service extérieur depuis avril 2009. Son poste est classifié au groupe et au niveau FS-03. Son poste d’attache fait partie d’un bassin d’employés permutants.

7        À l’automne 2011, le fonctionnaire a été informé que sa première affectation, d’une durée de trois ans, serait à Riyad, en Arabie saoudite, dans un poste FS-03 au sein du Programme de rapports sur la sécurité mondiale (PRSM). Son affectation a été confirmée en 2012 et devait commencer en 2014.

8        Toutefois, à la fin de 2013, l’agent FS-02, à Riyad, a dû quitter pour des motifs personnels, et la mission de Riyad a décidé de demander au fonctionnaire de pourvoir le poste en tant qu’affectation d’un an au niveau FS-02. Il a accepté.

9        Par conséquent, l’ensemble de l’affectation à Riyad du fonctionnaire était composé d’une affectation d’un an  
à un poste FS-02, suivie d’une affectation de deux ans à un poste FS-03, au sein du PRSM. À l’époque, il s’agissait de la première affectation du fonctionnaire; les fonctionnaires occupent habituellement des postes FS-02 lors de leur première affectation. Le fonctionnaire n’a pas été informé qu’il devait atteindre un certain niveau de rendement dans son poste classifié FS-02 pour poursuivre avec sa deuxième affectation.

10        À l’été de 2014, le fonctionnaire est déménagé à Riyad avec sa famille.

11        Le 18 mai 2015, vers la fin de sa première affectation au poste FS-02, le fonctionnaire a été avisé que son affectation au poste FS-03 au sein du PRSM n’irait pas de l’avant. La lettre informant le fonctionnaire de la fin de son affectation indiquait ce qui suit :

[Traduction]

Comme vous le savez, votre programme d’amélioration du rendement actuel, y compris l’obligation de produire un certain nombre de rapports hebdomadaires pour évaluation par le groupe de la SDI du PRSM et le CG de l’AC, avait pour objectif d’aborder la question du rendement insuffisant au poste FS-02 et d’évaluer votre aptitude à assumer le rôle au sein du PRSM. Malheureusement, à la fois l’évaluation de votre rendement par votre gestionnaire de programme en vertu du PAR et celle de la SDI relativement aux rapports hebdomadaires que vous avez produits dernièrement indique que vous ne satisfaites pas entièrement aux compétences attendues d’un fonctionnaire au niveau FS-02 ni de ce qu’on attendrait au niveau FS-03. Par conséquent, on estime qu’il n’est plus approprié de vous affecter au poste au sein du PRSM étant donné que ce poste exige un titulaire qui est entièrement capable d’exécuter le travail au niveau FS-03 dans des circonstances bien difficiles.

12        Le fonctionnaire a eu le droit d’achever sa première affectation, qui s’est terminée en juillet 2015. Il est ensuite retourné à Ottawa, en Ontario, avec sa famille, et il a terminé une affectation à son niveau (FS-03). Il n’y a pas eu d’incidence sur son poste d’attache.

13        Le 16 juin 2015, le fonctionnaire a déposé un grief alléguant que l’employeur avait contrevenu à la clause 9.03 de la convention collective, qui est libellée comme suit :

a) Au début de l’affectation du fonctionnaire et annuellement par la suite, le gestionnaire établit, de concert avec du [sic] fonctionnaire, les objectifs de l’employé pour l’année.

b) S’il s’inquiète du rendement du fonctionnaire au cours de son affectation, l’Employeur l’en informe rapidement. Sauf dans les cas d'incidence défavorable sur les intérêts canadiens à l’étranger, le fonctionnaire aura une possibilitéraisonnable d'améliorer son rendement pour satisfaire aux normes de rendement.

14        Dans son grief, le fonctionnaire allègue qu’au début de son affectation, sa gestionnaire ne l’a pas consulté et n’a pas établi d’objectifs pour l’année, contrairement à ce que stipule la clause 9.03a) de la convention collective. Il précise également dans son grief qu’il a été visé par un programme d’amélioration du rendement (PAR) pour une période de six semaines à partir de mars 2015, principalement en raison des préoccupations de l’employeur en ce qui concerne sa rédaction de rapports. Le fonctionnaire poursuit en expliquant qu’il a rédigé de nombreux rapports pendant cette période, mais que ce n’est qu’à la fin de la période de six semaines que la qualité des rapports a été discutée avec lui pour déterminer les points à améliorer. Ainsi, selon lui, il n’a pas eu l’occasion de s’améliorer d’une semaine à l’autre, contrairement à ce qui est prévu à la clause 9.03b) de la convention collective.

15        Le fonctionnaire mentionne également dans son grief que le PAR devait s’achever le 14 avril 2015, mais qu’il s’était poursuivi jusqu’à la fin de son affectation et dans le cadre de sa nouvelle affectation au Canada, ce qui, selon l’allégation du fonctionnaire, a porté préjudice à sa carrière et à sa réputation.

16        Le 21 octobre 2015, la réponse au premier niveau de la procédure de règlement du grief était la suivante :

[Traduction]

[…]

Bien qu’aucun objectif officiel de rendement n’ait été établi au début de votre affectation, les attentes vous ont été communiquées par vos gestionnaires et plusieurs discussions sur le rendement ont été tenues entre vous et eux pendant votre affectation. Plusieurs problèmes de rendement importants ont été relevés concernant votre jugement, votre travail d’équipe et vos aptitudes à communiquer, ainsi que votre compréhension de la voie hiérarchique de commandement. À mon avis, la décision de mettre fin à votre affectation était raisonnable.

J’ai également été informé que le plan d’action pour le rendement mené à l’ambassade du Canada en Arabie saoudite (à RIYAD) n’a pas été poursuivi dans le cadre de votre affectation actuelle à la Direction du Maghreb et des relations commerciales régionales (EMC). Selon ma compréhension, votre rendement est actuellement géré en vertu du Programme de gestion du rendement (PGR).

Par conséquent, votre grief et les mesures correctives demandées sont refusés.

[…]

17        Le 18 avril 2016, en réponse finale au grief du fonctionnaire, l’employeur a indiqué ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Lors de l’audience du grief, vous avez indiqué que vous n’aviez reçu aucun commentaire ni rétroaction au cours du programme d’amélioration du rendement (PAR). Selon les renseignements dont je dispose, votre PAR a pris fin le 14 avril 2015, mais vous n’avez reçu des commentaires de M. Ken England, directeur du Programme de rapports sur la sécurité mondiale (PRSM) que le 11 mai 2015. Je suis donc d’accord avec votre affirmation que vous n’avez reçu aucun commentaire ni rétroaction durant le PAR.

Quoi qu’il en soit, la direction a bien abordé ses préoccupations concernant votre rendement pendant votre affectation à RIYAD. Des améliorations relativement à la quantité de rapports produits et à votre adhérence aux échéances des tâches relatives aux pays non déclarants ont été relevées. Toutefois, malgré plusieurs mois de coaching et de rétroaction continus, des lacunes considérables (manque de jugement, de travail d’équipe et de communication et manque de compréhension de la voie hiérarchique de commandement) subsistaient toujours entre votre rendement et la démonstration des compétences exigées d’un employé FS-02, qui ont donné lieu à des préoccupations concernant votre capacité à exécuter les rôles et obligations du poste FS-03. Pour les motifs susmentionnés, la décision de mettre fin à votre affectation était raisonnable.

À la lumière de ce qui précède, votre grief est partiellement accueilli. Le PAR sera supprimé de votre dossier personnel aux Ressources humaines. Toutefois, les autres mesures correctives demandées sont refusées.

[…]

18        Le 26 mai 2016, le fonctionnaire a renvoyé son grief à l’arbitrage.

III. Questions en litige

19        En l’espèce, il faut déterminer si l’employeur a contrevenu à la clause 9.03 de la convention collective.

20        Cette question soulève les deux préoccupations suivantes :

  1. L’employeur s’est-il acquitté de son obligation, au début de l’affectation du fonctionnaire à Riyad, d’établir ses objectifs de travail tout en le consultant et en les lui communiquant?
  2. L’employeur s’est-il acquitté de son obligation d’informer le fonctionnaire de ses préoccupations concernant son rendement en temps opportun? Pendant son affectation, lui a-t-il donné une possibilité raisonnable d’améliorer son rendement pour satisfaire aux normes de rendement?

IV. Résumé de la preuve

21        Le fonctionnaire a témoigné à l’audience à l’appui de sa position.

22        L’employeur a cité les témoins suivants : Mark Fletcher, directeur exécutif de la Direction des affectations et de la gestion des bassins communs; Aliya Mawani qui, à l’époque de l’affectation du fonctionnaire à Riyad, était conseillère des affaires politiques et économiques à l’Ambassade du Canada à Riyad, et Ram Kamineni qui, à l’époque, était un agent du PRSM à l’ambassade du Canada à Riyad.

23        Le fonctionnaire a expliqué qu’en 2011 et 2012, il a été sélectionné pour une affectation de trois ans en Arabie saoudite. L’affectation devait commencer deux ans plus tard. Il a accepté l’affectation et a reçu un [traduction] « Formulaire de confirmation d’attribution » et un [traduction] « Formulaire de confirmation d’affectation ». Ces formulaires ont confirmé 1) une affectation d’un an à un poste FS-02 à Riyad, suivi de 2) une affectation de deux ans à un poste FS-03 au sein du PRSM à Riyad. Il a passé un test de langue arabe et a été exempté de la formation linguistique. Comme il n’avait pas besoin de la formation linguistique linguistique de deux ans qui est habituellement offerte pour ce type d’affectation, il est demeuré à son poste de directeur adjoint à Ottawa jusqu’au moment de son affectation.

24        Le fonctionnaire a commencé sa première affectation en tant qu’agent politique junior (un poste FS-02), le 29 juillet 2014. Comme il s’agissait d’une affectation de trois ans, son épouse et ses trois enfants sont déménagés avec lui en Arabie saoudite. Son épouse, une enseignante qui travaillait à Ottawa, a pris un congé non payé d’un an renouvelable annuellement.

25        Le fonctionnaire a expliqué qu’avant son départ, il a demandé de suivre la formation offerte aux agents du PRSM FS-03, et ce, à trois reprises. Toutefois, comme sa première affectation était à titre d’agent FS-02, la demande de formation a été refusée. Dans son témoignage, il a également dit qu’il avait par la suite demandé la permission de suivre deux autres séances de formation sur des sujets connexes (gestion de crise et médias sociaux), qui ont également été refusées. Mme Mawani, sa gestionnaire de programme, l’a confirmé.

26        Au début de son affectation, on a demandé au fonctionnaire, entre autres choses, de recueillir et d’analyser des renseignements pertinents et de rédiger quelques rapports. Selon la preuve présentée, le 3 septembre 2014, sa gestionnaire, Mme Mawani, lui a fourni une rétroaction relativement à un rapport qu’il avait rédigé.  Elle a écrit : [traduction] « Ceci est un bon début ». Toutefois, elle lui a suggéré de fournir des renseignements supplémentaires aux fins d’amélioration. Ils ont eu plusieurs autres échanges entre septembre et décembre 2014 au sujet des rapports rédigés par le fonctionnaire. Mme Mawani a jugé que les rapports n’étaient pas satisfaisants. Elle a dit qu’elle lui fournissait une rétroaction continue.

27        Mme Mawani a précisé qu’elle avait eu maintes discussions avec le fonctionnaire tout au long de son affectation. Ils discutaient des priorités de l’ambassade, des attributions de travail et des attentes. Elle a indiqué qu’elle lui donnait des objectifs. Elle a souligné que les objectifs établis à son égard étaient, entre autres, les suivants : il devait travailler sur le dossier de la Semaine de la Francophonie, suivre le développement national de l’Arabie saoudite (en particulier dans le domaine des droits de la personne) et travailler sur le dossier du budget. Mme Mawani a dit que les objectifs de travail lui avaient été décrits verbalement dans plusieurs réunions dès son premier jour à la mission, et régulièrement lors de réunions bilatérales. Mme Mawani a souligné que le fonctionnaire avait eu l’occasion de formuler des commentaires sur ces objectifs.

28        Mme Mawani a également indiqué que le rendement du fonctionnaire était géré dans le cadre du Programme de gestion du rendement (PGR). Toutefois, des difficultés ont découlé de la nouvelle version électronique du programme. Elle n’avait pas accès aux formulaires électroniques. Elle a dit que l’évaluation annuelle du fonctionnaire n’avait été effectuée qu’à la fin de son affectation d’un an, en fonction des objectifs généraux énoncés sous les fonctions FS-02.

29        Mme Mawani a admis qu’un formulaire était fourni avec le PGR. Entre autres, ce formulaire sert à déterminer les objectifs annuels d’un employé. Toutefois, elle a reconnu qu’il pouvait y avoir des écarts entre ce qui était censé être fait et ce qui a réellement été fait, étant donné que les objectifs du fonctionnaire n’avaient pas été formulés par écrit. Le directeur de la mission à l’époque, l’ambassadeur, a également avisé le fonctionnaire plus tard, en mars 2015, des difficultés du ministère en ce qui concerne les formulaires dans le système électronique du PGR.

30        Le 24 novembre 2015, un conseiller principal de l’unité des relations de travail du ministère a répondu à une demande de renseignements de Mme Mawani. Dans son courriel, le conseiller a fourni des lignes directrices pour aider Mme Mawani à se préparer à une réunion avec le fonctionnaire afin de discuter d’un plan d’action, qu’elle a également appelé un PAR. L’objectif de ce plan était d’aider le fonctionnaire à améliorer son rendement. Le conseiller a mentionné précisément ce qui suit : [traduction] « Je vous encouragerais également de prévoir des réunions de suivi afin de lui fournir une rétroaction sur les progrès réalisés en ce qui concerne les objectifs énoncés dans le plan d’action. »

31        Je souligne que l’employeur s’est opposé à l’admissibilité de ce document et d’autres documents semblables, alléguant qu’il s’agissait d’une communication protégée entre un conseiller en relations de travail et un client. En droit, certains privilèges sont génériques (par exemple le secret professionnel de l’avocat), tandis que d’autres sont déterminés au cas par cas, suivant ce qui est connu sous le nom du critère de Wigmore (voir Zhang c. Conseil du Trésor (Bureau du Conseil privé), 2010 CRTFP 46). Il n’existe pas de privilège générique pour les communications en matière de relations de travail, au même niveau que les renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat. Toutefois, ces communications peuvent être considérées comme privilégiées si les quatre conditions du critère de Wigmore sont satisfaites.  Deux de ces conditions sont les suivantes : (1) les communications doivent avoir été transmises à titre confidentiel avec l’assurance qu’elles ne seront pas divulguées; et (2) ce caractère confidentiel doit être un élément essentiel au maintien complet et satisfaisant de la relation entre les parties. En ce qui concerne ces conditions, un signe de privilège est que le caractère confidentiel a été conservé. En l’espèce, le fonctionnaire a obtenu les documents en vertu d’une demande d’accès à l’information. Ainsi, le caractère confidentiel n’a pas été maintenu. Par conséquent, j’ai rejeté l’objection et j’ai admis les documents étant donné leur pertinence.

32        Malgré le conseil que Mme Mawani a reçu concernant la mise en œuvre potentielle d’un plan d’action, le fonctionnaire n’a pas été informé à l’époque qu’un tel plan était envisagé pour lui.  Il n’en a été informé que bien plus tard.

33        Le 3 décembre 2014, une personne responsable des affectations à Ottawa a envoyé un courriel à Mme Mawani. Il avait entendu qu’il y avait des problèmes avec le fonctionnaire dans son affectation actuelle. Il a mentionné ce qui suit : [traduction] « Je parlais à […] et il a dit qu’il y avait des problèmes avec Karim dans son affectation actuelle, et des répercussions éventuelles pour sa prochaine affectation. Peut-être pourrions-nous en discuter et voir où en sont les choses en ce moment ».

34        Encore une fois, le fonctionnaire n’a pas été informé à ce moment-là des répercussions possibles pour son affectation subséquente de deux ans à Riyad.

35        Le 4 décembre 2014, le conseiller principal de l’unité des relations de travail du ministère a informé Mme Mawani de ce qui suit :

 [Traduction]

[…]

Nous recommandons généralement de mettre en place le plan d’action pour une période minimale de 6 mois. Je pense que le plus important est d’informer l’employé qu’à défaut d’une amélioration de son rendement au cours des 3 prochains mois, vous pourriez/devriez trouver un autre candidat pour le poste. […]

36        Le 15 décembre 2014, Mme Mawani a pris des notes d’une discussion qu’elle a eue avec le fonctionnaire. Selon ces notes, le 14 décembre 2014, elle lui a communiqué les compétences générales de la classification FS-02, étant donné les difficultés qu’ils avaient rencontrées, et elle lui a signalé les compétences à l’égard desquelles son rendement était insatisfaisant. Elle lui a expliqué qu’il s’agissait des composantes de base du poste FS-03 au sein du PRSM. Elle a indiqué que pendant les vacances, elle travaillerait sur un PGR. Elle a écrit que [traduction] « […] ce serait un « plan de travail » relatif au PGR afin de l’aider à augmenter sa production et à atteindre le niveau où il devrait être, à partir de son niveau actuel […] ».  Elle a prévu utiliser les compétences de la classification FS-02 dans ce plan de travail. Elle a indiqué que quelques domaines nécessitaient des efforts, notamment le jugement et la recherche plus approfondie. À un moment donné, Mme Mawani a également fourni au fonctionnaire une copie de la liste des compétences pour le groupe FS (qui comprenait celles de la classification FS-02).

37        Le fonctionnaire ne savait pas que le plan de travail du PGR serait par la suite transformé en PAR et que sa prochaine affectation dépendait de son rendement dans le cadre de l’affectation au poste FS-02. Comme le démontrent les courriels et les notes qui suivent, il a éventuellement été informé, le 15 février 2015, qu’un PAR avait été mis en œuvre.

38        N’ayant pas connaissance des discussions de Mme Mawani avec l’administration centrale (à Ottawa) au sujet de sa prochaine affectation de deux ans, le fonctionnaire et son épouse ont présumé qu’ils seraient à Riyad avec leurs enfants pour les trois années. Ainsi, au début de février 2015, son épouse a demandé une autre année de congé non payé de son travail, qui a été autorisée.

39        M. Kamineni, l’agent du PRSM qui occupait le poste FS-03 que le fonctionnaire devait occuper à partir de l’été 2015, a mentionné à l’audience que, tout comme Mme Mawani, il révisait habituellement les ébauches des rapports du fonctionnaire et lui fournissait une rétroaction. En outre, selon un courriel, le 9 février 2015, M. Kamineni a laissé un livre sur le bureau du fonctionnaire accompagné d’une suggestion qu’il le lise en détail. M. Kamineni a également demandé que le fonctionnaire le photocopie et le lui rende aussi rapidement que possible, c’est-à-dire dans la journée ou deux qui suivent, ce que le fonctionnaire a fait.

40        Selon la preuve, le fonctionnaire et Mme Mawani ne s’entendaient pas très bien, pour différentes raisons. Chacun avait une opinion négative de l’autre. Par conséquent, ils avaient des difficultés à coopérer dans l’intérêt commun de tous. Mme Mawani a décrit le fonctionnaire comme une personne extrêmement secrète, défensive, arrogante et agressive. Selon elle, il manquait de respect envers ses collègues et envers l’autorité. Elle a maintenu qu’il ne coopérait pas et qu’il n’était pas très communicatif. Elle a mentionné qu’elle n’avait obtenu aucun engagement de sa part et qu’il semblait réticent à partager des renseignements.

41        D’autre part, le fonctionnaire a affirmé que Mme Mawani avait adopté une attitude intransigeante à son égard, ce qui entravait ses efforts. Le ton et le contexte des courriels qu’ils échangeaient montrent qu’elle avait adopté des normes rigoureuses et qu’il faisait de son mieux pour coopérer et préparer des rapports équilibrés. Dans ses courriels, le fonctionnaire demeurait constamment respectueux envers Mme Mawani et ses collègues.

42        La preuve a également établi que Mme Mawani remettait au fonctionnaire tous les rapports qu’il avait rédigés en y insérant plusieurs corrections et commentaires, tels que, selon ses termes : [traduction] « J’ai apporté quelques corrections (en rouge) pour condenser ou réorganiser des points, supprimer certaines questions potentiellement de nature délicate étant donné qu’il s’agit d’un rapport protégé, fournir davantage de description et de relief et corriger quelques formulations quelque peu maladroites dans certaines parties ». Ce commentaire figure dans un courriel datant du 11 février 2015.

43        Je souligne que le fonctionnaire était plus habitué à rédiger en français. Toutefois, par nécessité, il rédigeait ses rapports en anglais pour que ses lecteurs anglophones les comprennent. On lui a précisé, et Mme Mawani l’a confirmé, que lorsqu’il rédigeait en français, les personnes non-francophones ne liraient pas ses notes et qu’il perdrait ce public. À tout le moins, on lui a recommandé de rédiger le résumé de ses rapports en anglais.

44        En réponse au courriel de Mme Mawani en date du 11 février 2015, le fonctionnaire l’a remerciée pour ses commentaires. Elle lui a répondu en lui demandant de les citer tous les deux comme rédacteurs du rapport, étant donné la quantité de corrections qu’elle a apportées.

45        Selon la preuve, à l’époque, le fonctionnaire a dit à Mme Mawani qu’il se sentait marginalisé et qu’il avait peu d’occasions de présenter ses observations et son point de vue. Par exemple, elle a indiqué que, à la suite d’une discussion tenue le 29 janvier 2015, au cours de laquelle elle a notamment remis en question le jugement et les capacités du fonctionnaire, ce dernier a indiqué qu’il se sentait marginalisé au sein de l’équipe. Mme Mawani a souligné qu’elle lui avait alors posé la question de savoir si quelque chose dans son comportement ou son attitude pouvait contribuer à ce sentiment.

46        Mme Mawani a également critiqué le fonctionnaire à la fois parce qu’il prenait l’initiative et parce qu’il n’en prenait pas.

47        Par exemple, Mme Mawani a expliqué que le fonctionnaire n’aurait pas dû prendre l’initiative de rencontrer le grand mufti (la plus haute autorité religieuse d’Arabie saoudite). Elle a précisé que le fonctionnaire avait organisé une rencontre avec le grand mufti sans en informer la direction et que quelqu’un d’autre au niveau de l’ambassadeur aurait dû le rencontrer. Mme Mawani a souligné qu’elle avait eu connaissance de la réunion par hasard. Elle a souligné que, étant donné la décision qu’il n’était pas possible d’annuler l’entretien avec le grand mufti, elle et M. Kamineni ont préparé le fonctionnaire pour cette entrevue.  Elle a dit qu’elle avait discuté de cet incident avec le fonctionnaire, ainsi que de ses répercussions.

48        Mme Mawani a également décrit un autre incident semblable qui a eu lieu quelques mois plus tard, alors que le fonctionnaire a eu une conversation téléphonique avec l’ancien premier ministre du Yémen sans en informer la direction ni M. Kamineni, qui était le principal responsable du dossier du Yémen. Mme Mawani a mentionné qu’elle avait de nouveau eu des discussions avec le fonctionnaire au sujet de cet incident et de ses répercussions. À l’audience, le fonctionnaire a justifié son initiative de discuter avec l’ancien premier ministre en faisant valoir qu’il le connaissait puisqu’il l’avait rencontré plusieurs fois alors qu’il occupait son ancien poste, à Ottawa.

49        Mme Mawani a principalement critiqué le fait que le fonctionnaire ne prenait pas d’initiative. Elle a souligné qu’il ne semblait pas montrer d’intérêt pour le travail, qu’il ne respectait pas les échéances, et qu’il ne fournissait aucune raison ni d’explication vraisemblable pour ses retards. Elle a souligné qu’au moment d’aborder la mauvaise qualité de ses rapports avec le fonctionnaire, ce dernier n’a pas essayé de comprendre. Toutefois, un commentaire positif de sa part se trouve dans un courriel daté du 2 février 2015, dans lequel elle indique que le fonctionnaire l’avait approchée, ainsi que M. Kamineni, avant de rencontrer le chef de la mission d’Égypte pour discuter des questions et des thèmes à aborder.

50        Je souligne que dans ses observations écrites, le fonctionnaire a soutenu qu’en ce qui concerne le grand mufti et le premier ministre du Yémen, l’APASE s’est opposée lors de l’audience à la présentation d’autres témoignages à cet égard étant donné l’absence de pertinence quant aux questions en litige. L’APASE a souligné que l’objection avait été accueillie. Toutefois, je souhaite relever que l’APASE ne s’est pas opposée à la présentation des 29 documents qui se trouvent au dossier de documents de l’employeur à titre de preuve. Les deux sujets en question sont discutés dans 1) le courriel intitulé RYADH [sic]– 121 Rencontre inédite avec le grand mufti du royaume Saoudien – COMMENTAIRE, (pièce jointe E-8; et 2) le courriel intitulé Appel téléphonique avec le PM démissionnaire du Yémen, pièce jointe E-20.

51        L’agent négociateur qui représente le fonctionnaire, l’APASE, a précisé à l’audience qu’elle ne contestait pas le droit de l’employeur d’aborder les lacunes de rendement. Ainsi, elle reconnait que l’employeur pouvait décider d’élaborer un PAR afin d’aider le fonctionnaire à améliorer son rendement. Un courriel en date du 11 février 2015, de l’ambassadeur au fonctionnaire, énonce de façon succincte les préoccupations de l’employeur concernant son rendement, comme suit :

[Traduction]

Merci [pour le rapport]. Je crois qu’il y a eu un grand nombre d’ébauches depuis que je l’ai vu il y a plus d’une semaine.

Cela a pris bien plus longtemps qu’il n’aurait dû, et je sais qu’Aliya [Mme Mawani] a dû refaire une quantité importante d’ébauches. Nous devons avoir une discussion sur la rapidité et la qualité des rapports.

52        Le 12 février 2015, Mme Mawani a informé la division responsable de la gestion du PRSM, à Ottawa, (dans son courriel elle mentionne la section « RSDI ») de l’approche adoptée  par l’ambassade à Riyad à l’égard du fonctionnaire. Le dimanche 15 février, l’ambassadeur et Mme Mawani devaient annoncer au fonctionnaire qu’il y aurait une période d’évaluation de six semaines. Une partie de son courriel à la section RSDI se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

Nous sommes d’avis qu’il est important que le RSDI ait la possibilité d’effectuer une évaluation réfléchie et en temps opportun en ce qui concerne la capacité de Karim d’occuper le poste au sein du PRSM à Riyad comme il est envisagé pour l’automne 2015. Afin que le RSDI puisse tirer une telle conclusion, nous proposons une période d’évaluation de 6 semaines, à partir du 15 février 2015, pendant laquelle Karim sera chargé de produire un rapport par semaine dans le style du PRSM sur un sujet lié aux priorités nationales et régionales de Riyad. Les produits bruts seront envoyés directement par Karim au RSDI et une distribution limitée pour examen (sans commentaires de la mission) afin qu’une décision puisse être prise à savoir si les rapports respectent les normes exigées par le PRSM.

[…]

53        Le même jour, le représentant du RSDI à Ottawa a envoyé un courriel à Mme Mawani afin de l’informer que le RSDI appuyait cette approche.

54        Par conséquent, le RSDI et la mission de Riyad ont préparé une [traduction] « période d’essai » (terme utilisé dans un résumé du 18 juin 2015 préparé par le directeur adjoint de la Direction des affectations et de la gestion des bassins communs, pour le sous-ministre adjoint, Ressources humaines) de six semaines au cours de laquelle le fonctionnaire devait préparer plusieurs rapports dans le style du PRSM au cours de plusieurs semaines. Les rapports du PRSM sont habituellement rédigés par des agents FS-03. Au départ, la période d’essai devait durer huit semaines, mais elle a été modifiée à six semaines.

55        Cette période d’essai de six semaines a été présentée au fonctionnaire en tant que PAR officiel. L’ambassadeur et Mme Mawani étaient responsables d’informer le fonctionnaire de la mise en œuvre du PAR.

56        Ainsi, le 15 février 2015 (ou le 18 février 2015; la preuve indique deux dates), l’ambassadeur et Mme Mawani ont informé le fonctionnaire qu’il devait faire l’objet d’une évaluation quelconque de son rendement. Il a été informé du plan de six semaines.

57        Dans son témoignage, le fonctionnaire a mentionné qu’il était en état de choc vu la détérioration rapide de la situation et lorsqu’il a appris qu’une période d’évaluation de six semaines aurait lieu. Il a ensuite eu connaissance des répercussions éventuelles pour sa prochaine affectation. Dans son témoignage, il a mentionné que sa famille ne l’avait accompagnée qu’en raison de l’affectation de trois ans qu’il avait acceptée. S’il avait su que l’affectation au poste FS-03 n’était pas certaine, son épouse et ses enfants ne l’auraient pas accompagné à Riyad.

58        Le 15 février 2015, Mme Mawani a également indiqué qu’elle avait demandé à un collègue expérimenté du fonctionnaire à Abu Dhabi de formuler des commentaires au sujet du fonctionnaire et son travail. La personne a répondu que, dans l’ensemble, la majorité des points (les petites améliorations qu’il a suggérées) devraient être corrigés par une expérience de travail plus importante.

59        La preuve a démontré que, par la suite, Mme Mawani a continué à surveiller de près le travail du fonctionnaire. Par exemple, dans un courriel qu’elle lui a envoyé le 16 février 2015, elle lui a rappelé ce qui suit : [traduction] « Comme nous en avons discuté, si vous envoyez quelque chose par écrit, veuillez envoyer une ébauche à Jordan, à HOM et à moi ».

60        Le 23 février 2015, Mme Mawani a envoyé un courriel au fonctionnaire. Elle a écrit qu’elle l’avait rencontré avec l’ambassadeur afin de souligner leurs préoccupations concernant son rendement à titre d’agent FS-02. Il a été officiellement informé qu’un PAR était mis en place et il a été avisé de ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Par suite des observations en ce qui concerne votre rendement insuffisant dans le cadre des fonctions du poste FS-02, il existe des préoccupations concernant un écart important entre votre rendement actuel et le niveau attendu d’un agent FS-03 du PRSM. Ceci étant, dans le cadre du PAR, vous devrez produire un rapport par semaine dans le style du PRSM, et ce, durant une période de six semaines à partir du mercredi 25 février 2015, jusqu’au mardi 7 avril […]

Ces rapports vous donneront la possibilité de démontrer vos capacités, et le RSDI aura la possibilité d’évaluer adéquatement vos capacités d’analyse et d’établissement de rapports et de déterminer l’importance de l’écart, le cas échéant, entre votre rendement actuel qui, comme il a été observé, ne satisfait pas encore aux exigences du poste FS-02, et les exigences du poste FS-03 du PRSM.

[…]

61        Le fonctionnaire a rédigé les six rapports supplémentaires entre la fin de février et le 14 avril 2015, en plus de son travail normal. La période d’évaluation a été prolongée du 7 avril au 14 avril, puisqu’il était en congé maladie les premiers jours de la période d’évaluation. Dans son témoignage, il a souligné que, pendant toute cette période, il travaillait de très longues heures et qu’il arrivait chez lui très tard le soir. La situation a eu des répercussions sur sa relation avec son épouse et ses enfants puisqu’il était trop fatigué émotionnellement pour leur donner de l’attention.

62        Le 12 mars 2015, après avoir présenté deux rapports, le fonctionnaire a demandé une rétroaction afin d’améliorer ses capacités d’établir des rapports et d’apporter les ajustements nécessaires lors de la rédaction des prochains rapports. Le même jour, le chef du RSDI l’a informé qu’il recevrait une rétroaction sous peu. Toutefois, le jour suivant, le chef du RSDI l’a contacté de nouveau et lui a dit qu’il était désolé et qu’il aurait dû lui répondre que conformément aux modalités du PAR, il recevrait une rétroaction globale à la fin du processus, donc seulement après le 14 avril.

63        Une copie de la réponse du chef du RSDI à la demande de rétroaction du fonctionnaire a été envoyée à l’ambassadeur. Ce dernier a immédiatement envoyé un courriel au chef du RSDI, comme suit :

[Traduction]

Bonjour, […] Je suppose que vous avez vérifié avec les RH à savoir comment cela pourrait être interprété dans le cas d’un éventuel grief contre le RSDI. Karim semble faire un effort considérable dans son travail en vertu du PAR. Je n’ai pas lu ces 2 rapports qu’il a mentionnés, mais il a rédigé au moins un bon rapport interne avec une échéance serrée et il gère également nos événements de la Semaine de la Francophonie, qui auront lieu en mars, raisonnablement bien selon ce que je peux constater.

Je suis juste un peu inquiet qu’étant donné qu’on lui a imposé un PAR, il pourrait soutenir lors d’un grief que nous aurions dû lui donner des rétroactions et du coaching afin de lui permettre de s’améliorer.

64        Dans son témoignage, le fonctionnaire a souligné qu’il était fatigué par tout le travail qu’il a dû accomplir. Il a sollicité des consultations psychologiques et on lui a prescrit des médicaments pour l’aider à traverser cette période. Il craignait également le fait qu’il était évalué pour deux postes en même temps, le poste FS-02 et le poste FS-03, mais il n’avait reçu aucune formation pour le poste FS-03 au sein du PRSM. Il était d’avis que quelque chose ne tournait pas rond et, le 14 mars 2015, il a communiqué ses préoccupations par courriel à l’ambassadeur.

65        L’ambassadeur a répondu par écrit au fonctionnaire qu’il croyait que son rendement n’était pas évalué pour le poste du PRSM à ce stade, mais uniquement pour le poste FS-02. L’ambassadeur a également écrit que le PAR était un processus continu qui devait être examiné et ajusté régulièrement jusqu’à l’amélioration du rendement du fonctionnaire. Il a ajouté ce qui suit :

[Traduction]

[…] bien que la tâche de rédiger un rapport par semaine mentionnée actuellement dans l’évaluation ne durera que six semaines, il est très probable que le PAR lui-même puisse être prolongé, de façon à continuer de travailler sur le rendement et les compétences au niveau FS-02.

66        En d’autres termes, il était possible que le fonctionnaire ait à rédiger des rapports supplémentaires pour le PRSM pendant qu’il exerçait les fonctions du poste FS-02.

67        À l’audience, Mme Mawani a confirmé que le PAR avait été mis en place pour les raisons suivantes : 1) pour donner au fonctionnaire l’occasion de démontrer ses capacités et ses aptitudes; et 2) pour donner à la division du PRSM et à l’administration centrale la possibilité d’évaluer ses aptitudes. Elle a admis par la suite qu’en raison des circonstances exceptionnelles de l’affaire, c’est-à-dire une affectation de trois ans divisée en deux affectations à deux niveaux différents, le PAR était en réalité un test pour évaluer si le fonctionnaire pouvait continuer au poste FS-03.

68        En même temps, Mme Mawani a organisé un cours de rédaction de rapports d’une durée de trois heures, prévu le 18 mars 2015. Quelques personnes de la mission, y compris le fonctionnaire, ont été invitées à y participer. Le fonctionnaire a confirmé sa participation. À la fin du cours, les participants étaient invités à rédiger un rapport et à l’envoyer à l’instructeur. Le fonctionnaire a souligné qu’il avait reçu des commentaires positifs pour ce rapport.

69        Autour du 24 mars 2015, l’APASE a demandé à l’employeur d’aider le fonctionnaire.  Il se sentait dépassé par les événements étant donné qu’il ne recevait aucune rétroaction sur ses rapports. Le RSDI et Mme Mawani ont discuté des réponses possibles à cette demande d’aide. Elle a précisé ce qui suit aux autres fonctionnaires du ministère :

[Traduction]

[…]

Je pense que la principale chose à clarifier ici est que deux processus parallèles se déroulent ici. Le premier est l’évaluation menée par la SDI et le conseil de gestion afin de déterminer ses qualités pour le poste du PRSM et les préoccupations antérieures et actuelles concernant son rendement, et deuxièmement le coaching, le mentorat et la rétroaction qu’on lui fournit de façon continue à la mission par rapport à son poste FS-02 dans le but d’améliorer son rendement (la note que je lui ai envoyée hier au sujet de la communication, du partage des renseignements et de l’attention au détail en est un exemple). Une autre chose qu’il est important d’indiquer est qu’il n’est pas question uniquement d’établissement de rapports – il s’agit surtout d’évaluer (dans votre cas) et de renforcer (dans le cas de RIYAD) des compétences de base telles que l’initiative, le réseautage, la communication et le jugement – qui semblent tous comporter des lacunes jusqu’ici.

[…]

70        Le RSDI a demandé conseil à une représentante des RH. La représentante des RH a souligné que l’employé devait régulièrement recevoir une rétroaction. Elle a spécifiquement indiqué ce qui suit : [traduction] « Il est important de comprendre que la direction a une responsabilité dans le cadre du processus de la gestion du rendement de fournir une rétroaction régulière, continue et en temps opportun afin d’aider l’employé à améliorer son rendement ». Elle a également ajouté qu’une période de six semaines était une période trop courte pour évaluer les qualités du fonctionnaire pour le poste FS-03.

71        Lors de la discussion de suivi avec la représentante des RH, le RSDI a indiqué que deux processus distincts étaient en jeu : le processus du PAR et le processus d’évaluation de ses qualités pour le poste FS-03. La représentante des RH a ensuite précisé ce qui suit :

[Traduction]

Le premier objectif du PAR doit toujours être d’aider l’employé à améliorer son rendement. Je crois comprendre que le PAR sera utilisé ici pour deux objectifs; aider l’employé à améliorer son rendement dans le cadre de son affectation actuelle et évaluer les qualités de l’employé pour le poste FS-03.

[…]

72        Les commentaires fournis par les évaluateurs sur les six rapports rédigés par le fonctionnaire ont été déposés en preuve. Certains sont positifs, d’autres négatifs. Bien que Mme Mawani ait fait valoir que le fonctionnaire était totalement incompétent en ce qui concerne le poste FS-02, les évaluateurs ont indiqué que les rapports démontraient un niveau d’analyse correspondant à la classification FS-02. Pour le premier rapport, il a été précisément indiqué : [traduction] « Le rapport se rapporte à la classification FS-02, il ne démontre donc pas nécessairement les compétences du niveau FS-03 ». L’évaluation globale se lit comme suit :

[Traduction]

Globalement, les rapports examinés durant la période du PAR reflètent une norme associée habituellement à un agent débutant au niveau FS-02. Bien que la rédaction soit généralement satisfaisante du point de vue du style et de la structure, les rapports eux-mêmes manquaient souvent de profondeur d’analyse et de vision stratégique. On peut soutenir que ces caractéristiques sont possibles à améliorer en faisant participer le fonctionnaire à une formation du PRSM cet été, mais selon notre évaluation collective cela ne permettrait pas d’atteindre les gains requis pour amener sa capacité d’établir des rapports au niveau FS-03 exigé par le poste du PRSM […]. En somme, selon notre évaluation, les rapports produits au cours de la période du PAR sont d’un niveau inférieur à la norme moyenne du PRSM en termes de qualité globale.

73        Un résumé de la situation du fonctionnaire préparé par un directeur adjoint de la Direction des affectations et de la gestion des bassins communs au sous-ministre adjoint, Ressources humaines, contenait également la note suivante : [traduction] « HOM est d’accord avec l’arrêt, mais fait remarquer qu’il croit que Karim respecte généralement les attentes d’un agent FS-02, mais acceptera la recommandation de l’administration centrale et de son gestionnaire de programme ».

74        En avril 2015, Mme Mawani est partie en congé de maternité, et M. Kamimeni est devenu le gestionnaire intérimaire. Il a supervisé le travail du fonctionnaire.

75        Les commentaires fournis par le [traduction] « conseil de gestion » (désigné comme la [traduction] « division d’attache de RIYAD ») et le RSDI sur les six rapports ont été fournis au fonctionnaire le 11 mai 2015.

76        Le 18 mai 2015, il a été avisé que son affectation au poste FS-03 au sein du PRSM en Arabie saoudite n’irait pas de l’avant.

77        Le fonctionnaire en a été stupéfait. Sa famille était déménagée avec lui en Arabie saoudite, ce qui signifiait qu’ils seraient renvoyés chez eux deux ans avant la fin de son affectation de trois ans. En outre, la mission à Riyad est petite, et il sentait qu’il avait été humilié devant son épouse et ses enfants. M. Kamineni a confirmé que la mission était petite et que tout le monde serait au courant que le fonctionnaire devait partir plus tôt.

78        Le fonctionnaire a terminé son affectation à Riyad en juillet 2015. M. Kamineni a souligné que lorsqu’il est devenu gestionnaire intérimaire, il a chargé le fonctionnaire de deux rapports sur les droits de la personne (l’un en Arabie saoudite, l’autre à Bahreïn) et qu’il lui avait laissé presque deux mois pour les rédiger. Ils n’étaient pas achevés au moment où le fonctionnaire est parti à l’été, et M. Kamineni a dû les terminer alors qu’il se préparait à quitter la mission.

79        Le fonctionnaire a expliqué que puisque sa prochaine affectation n’aurait pas lieu, il a dû postuler à une autre affectation à l’administration centrale. Toutefois, le PAR devait être maintenu lors de son affectation suivante, ce qui, selon lui, a porté préjudice à sa [traduction] « réputation de couloir », c’est-à-dire à sa réputation au travail. Par conséquent, il a éprouvé des difficultés à trouver sa prochaine affectation. Selon les documents déposés, les autres gestionnaires n’appuyaient pas les demandes d’affectation du fonctionnaire dans leurs secteurs. Ils accordaient peu de mérite à sa candidature, probablement en raison du PAR.

80        Le fonctionnaire a réussi à obtenir une affectation d’un an à Ottawa, au sein de la seule section où il n’y a eu aucune objection à sa candidature.

81        L’épouse du fonctionnaire n’avait plus la possibilité de commencer à enseigner en septembre 2015. Lorsqu’elle a tenté de modifier son statut de congé, elle a été avisée qu’il était trop tard. Son poste était occupé par quelqu’un d’autre. Par conséquent, elle était sans emploi à Ottawa pour l’année scolaire 2015-16.

82        Au moment de l’audience, le fonctionnaire était affecté à Bamako, au Mali. Son affectation était à la Direction du Maghreb et des relations commerciales régionales (CHD).  M. Fletcher a mentionné que le fonctionnaire y était un employé FS-03 estimé et que ses efforts étaient reconnus et appréciés. Il travaille dans un volet différent à titre de conseiller en gestion. Son rôle est semblable à celui d’un chef du personnel affecté au chef de la mission là-bas. Lors de la procédure du règlement de grief, le fonctionnaire a été informé que le PAR ne serait pas maintenu à son poste à Bamako, au Mali.

83        À l’audience, M. Fletcher a expliqué qu’il était responsable de l’affectation des employés au sein du ministère. Il a précisé que les affectations ne sont pas des mesures de dotation ni des nominations. Les employés sont nommés à leurs postes dans le groupe FS, mais ils ne sont pas nommés à une affectation. Une affectation est un transfert temporaire d’un employé interne pour remplir les fonctions et les responsabilités d’un poste.

84        M. Fletcher a expliqué que les affectations sont des ententes que la direction peut modifier en fonction des exigences opérationnelles et pour différentes raisons. La détermination des affectations demeure la prérogative de l’employeur. Il a souligné que le passage suivant était inclus dans la lettre d’offre d’emploi du fonctionnaire :

[Traduction]

En acceptant cette offre d’emploi, vous acceptez de respecter cette condition d’emploi, qui exige que vous acceptiez des affectations partout au Canada ou à l’étranger. Vous confirmez que vous êtes en mesure et disponible de servir au Canada ou à l’étranger selon le besoin du ministère. Vous comprenez et convenez que vous devez informer votre gestionnaire sous-délégué si vous n’êtes plus en mesure d’accepter une affectation à l’étranger ou de vous conformer au principe de la rotation. En outre, vous comprenez que votre incapacité, refus ou hésitation à accepter une affectation par rotation pourrait entraîner votre licenciement.

85        M. Fletcher a fait valoir que les employés doivent accepter que leurs affectations soient modifiées étant donné qu’il s’agit d’une condition d’emploi. Les employés ne sont pas indemnisés pour ces modifications. Par exemple, si les employés doivent retourner au Canada pour des raisons de sécurité, ils ne reçoivent aucune compensation autre que leurs frais de réinstallation.

86        Enfin, M. Fletcher a reconnu que les réputations de couloir existent au sein du ministère. Il s’agit d’une malheureuse conséquence du système d’affectation par rotation.

V. Analyse

Clause 9.03a) de la convention collective

87        En ce qui concerne la clause 9.03a) de la convention collective, le fonctionnaire soutient qu’au début de sa première affectation à Riyad, sa gestionnaire n’a pas établi ses objectifs pour l’année et ne l’a pas consulté à cet égard. À l’appui de sa position voulant que le processus d’évaluation du rendement de l’employeur exige des objectifs par écrit, le fonctionnaire m’a renvoyé à quatre décisions de la Commission : Bertrand c. Conseil du Trésor, 2011 CRTFP 92, au paragraphe 5; Kubinski c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 87, au paragraphe 13; Dupont c. Administrateur général (Bureau du directeur des poursuites pénales), 2012 CRTFP 82, au paragraphe 2; Kalonji c. Administrateur général (Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada), 2016 CRTFP 31, au paragraphe 33.

88        D’autre part, l’employeur soutient que la gestionnaire du fonctionnaire a établi les objectifs du fonctionnaire au début de son affectation et qu’ils avaient été établis oralement. À cet égard, Mme Mawani a eu maintes discussions liées au travail avec le fonctionnaire au sujet des priorités de l’ambassade, de ses tâches et des attentes à son égard. Elle lui a également mentionné plusieurs fois qu’il devait travailler sur deux des compétences du poste classifié FS-02 soit : [traduction] « l’attention aux détails et à la qualité » et [traduction] « l’initiative ».

89        Selon l’employeur, la clause 9.03a) de la convention collective n’exige pas que les objectifs soient établis par écrit. Il maintient que la clause 9.03a) ne comprend pas les termes « écrit » ou « par écrit ». Selon les observations de l’employeur, l’exigence que les objectifs soient établis par écrit au début de son affectation serait contraire au libellé de la clause 9.03a) et exigerait une modification de la convention collective.

90        En outre, l’employeur est d’avis que Mme Mawani a établi les objectifs du fonctionnaire de concert avec ce dernier. Elle a affirmé qu’elle l’avait consulté au sujet de ses objectifs. Elle lui a demandé s’il avait des questions; il n’en avait aucune.

91        Ainsi, la question soulevée en vertu de la clause 9.03a) de la convention collective en l’espèce consiste à déterminer si l’employeur a satisfait ses obligations en vertu de cette clause en informant un employé des priorités de l’organisation et du travail à accomplir.

92        À mon avis, la réponse est négative. L’article 9 de la convention collective est intitulé « Appréciation du rendement ». La clause 9.01 de la convention collective prévoit qu’une évaluation officielle du rendement de l’employé signifie « toute appréciation et/ou évaluation écrite » et que l’évaluation « […] est consignée sur la formule prescrite par l’Employeur ». Lorsqu’elle est lue conjointement avec la clause 9.01, je conclus que la clause 9.03a) de la convention collective exige que les objectifs de l’employé soient établis par écrit au début de l’affectation et annuellement par la suite.

93        Je conclus qu’une description orale des affectations de travail dans plusieurs réunions, à la fois au début d’une affectation et régulièrement lors de réunions bilatérales, ne suffit pas pour respecter l’exigence de la convention collective. Les objectifs annuels, qui deviendront des critères d’évaluation, doivent être établis avant toute évaluation, et doivent être suffisamment évidents pour que le superviseur et l’employé en aient connaissance. En effet, ces objectifs serviront de guide pour l’employé au cours de l’année. Le processus d’évaluation du rendement décrit à l’article 9 est formel et par écrit; par conséquent, à mon avis, il exige que l’établissement des objectifs dans le cadre de ce processus s’effectue également par écrit.

94        Je souligne que le rendement du fonctionnaire était géré en vertu du PGR, qui est semblable au processus d’évaluation du rendement décrit à l’article 9 de la convention collective. Il s’agit d’un processus formel qui peut avoir des répercussions importantes sur la carrière d’un employé.

95        Toutefois, comme il a été indiqué antérieurement, en raison des difficultés du ministère avec le PGR électronique, aucun objectif de rendement officiel n’a été établi au début de l’affectation du fonctionnaire. En fait, le 21 octobre 2015, la réponse au premier niveau de la procédure de règlement du grief mentionnait explicitement que [traduction] « […] aucun objectif de rendement officiel n’a été établi au début de votre affectation […] » En outre, lorsqu’elle a été interrogée à savoir si, en plus des objectifs, un plan d’apprentissage et de perfectionnement avait également été établi pour le fonctionnaire, Mme Mawani a répondu qu’aucun plan n’avait été établi par écrit. Toutefois, elle a ajouté que, dans un sens, un plan avait été établi étant donné qu’il apprenait à accomplir le travail d’un conseiller politique, et qu’elle l’aidait à cet égard.

96        La Directive sur la gestion du rendement indique à l’article 6.1 que les administrateurs généraux ou leurs délégués sont responsables d’établir un programme de gestion du rendement de l’employé, qui doit répondre au minimum aux conditions suivantes : « des objectifs annuels de rendement conclues [sic] avec tous les employés et incluant des engagements conformes aux priorités du gouvernement du Canada, des objectifs de rendement et les comportements attendus ainsi que les plans d’apprentissage ou de perfectionnement […] ».

97        En outre, à la page 2 du document intitulé [traduction] « Programme de gestion du rendement pour les employés » on peut lire ce qui suit : [traduction] « Au début de l’exercice […] Les objectifs de travail, d’apprentissage et de perfectionnement de l’employé sont établis ou mis à jour pour le prochain exercice, et l’entente de rendement est signée ».

98        L’employeur soutient que la Directive sur la gestion du rendement ne fait pas partie de la convention collective. Par conséquent, elle constitue une preuve extrinsèque. L’employeur soutient en outre que le libellé de la clause 9.03 de la convention collective est clair et sans ambiguïté et que, par conséquent, la directive n’est pas pertinente et inadmissible pour l’interprétation de la clause 9.03 de la convention collective.

99        Je conviens qu’en évaluant le sens du langage de la convention collective, il faut d’abord examiner son libellé.

100        Comme l’a souligné l’employeur, la preuve extrinsèque est pertinente et admissible uniquement lorsque le libellé contesté est manifestement ou subtilement ambigu (voir Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil national de recherches du Canada, 2013 CRTFP 88, au paragraphe 61; Conseil de l’est des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral et al. c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2012 CRTFP 118, au paragraphe 38; Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55, aux paragraphes 25 et 26).

101        Je conclus que le libellé de la clause 9.03 de la convention collective est clair et sans ambiguïté et qu’il n’est pas nécessaire d’utiliser des éléments de preuve extrinsèques pour l’interpréter. Comme il a été expliqué antérieurement, des objectifs annuels clairs devaient être fournis au fonctionnaire par écrit dans le cadre du processus d’évaluation du rendement décrit à l’article 9 de la convention collective. Étant donné que l’employeur n’en a présenté aucun au fonctionnaire, je conclus qu’il a contrevenu à la clause 9.03a) de la convention collective. Son utilisation du PGR ne fait qu’appuyer cette conclusion dans les circonstances de cette affaire.

Clause 9.03b) de la convention collective

102        En ce qui concerne la clause 9.03b) de la convention collective, le fonctionnaire soutient qu’au cours de son affectation, il n’a pas été informé en temps opportun des préoccupations relatives à son rendement. Il allègue également qu’on ne lui a pas donné une possibilité raisonnable d’améliorer son rendement pour satisfaire aux normes de rendement.

103        Il soutient que, d’une part, il n’a jamais reçu la formation que le personnel du PRSM reçoit automatiquement, et d’autre part, qu’il n’a reçu aucune rétroaction lorsque le PAR lui a été imposé parce qu’il ne satisfaisait pas entièrement aux compétences attendues d’un agent FS-02 ou FS-03. L’employeur a spécifiquement refusé de répondre à ses demandes de rétroaction.

104        Le fonctionnaire m’a renvoyé à Raymond c. Conseil du Trésor, 2010 CRTFP 23, et à Plamondon c. Administrateur général (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2011 CRTFP 90, à l’appui de sa position qu’un administrateur général ne peut considérer le rendement d’un employé comme insatisfaisant à moins que l’employé ait reçu les outils, la formation et le mentorat nécessaires pour satisfaire la norme exigée dans un délai raisonnable.

105        L’employeur soutient qu’il a partagé ses préoccupations quant au rendement du fonctionnaire en temps opportun. En particulier, Mme Mawani a fait valoir, et ses courriels le démontrent, que le fonctionnaire a reçu une rétroaction continue sur ses problèmes de rendement, et ce, dès la préparation de son premier rapport. Elle a ajouté que, à son arrivée, il a également reçu les notes préparées par son prédécesseur. L’employeur fait valoir que puisqu’il a fourni une rétroaction continue au fonctionnaire sur son rendement insatisfaisant à la mission, il a respecté sa première obligation en vertu de la clause 9.03b) de la convention collective, qui consistait à l’informer en temps opportun de ses préoccupations.

106        L’employeur soutient également qu’il a laissé au fonctionnaire une possibilité raisonnable d’améliorer son rendement pour satisfaire aux normes de rendement. Il soutient qu’étant donné les préoccupations continues au sujet de son rendement au poste FS-02, il lui a fourni une rétroaction, du coaching et du mentorat continus dans le but de l’aider à améliorer son rendement. Il a également été autorisé à suivre un cours le 18 mars 2015, dans le but d’améliorer sa rédaction des rapports. Par conséquent, il soutient qu’il a respecté son obligation en vertu de la clause 9.03b) de la convention collective.

107        Dans cette optique, deux questions se posent en vertu de la clause 9.03b) de la convention collective : 1) l’employeur a-t-il informé le fonctionnaire en temps opportun de ses préoccupations concernant son rendement? 2) L’employeur lui a-t-il accordé une possibilité raisonnable d’améliorer son rendement pour satisfaire aux normes de rendement?

108        À mon avis, l’employeur n’a pas respecté ces deux obligations. Il n’a pas informé le fonctionnaire de ses préoccupations au sujet de son rendement insatisfaisant en temps opportun. Il ne l’a pas non plus informé qu’il remettait en question ses aptitudes pour le poste du PRSM. En outre, au cours du PAR, il ne lui a donné aucune possibilité raisonnable d’améliorer son rendement afin de satisfaire la norme exigée.

109        Premièrement, l’affectation du fonctionnaire a commencé le 29 juillet 2014. Toutefois, ce n’est qu’au cours de la deuxième moitié de son affectation, soit le 15 février 2015, que l’employeur l’a officiellement avisé de la mise en place du PAR et des répercussions éventuelles pour son affectation future, et ce, malgré le fait que Mme Mawani avait déjà eu des discussions deux mois auparavant, en décembre 2014, avec des personnes à Ottawa au sujet des répercussions éventuelles. À mon avis, dans l’intérêt de la transparence et de l’équité, l’employeur aurait dû informer le fonctionnaire à ce moment-là que sa prochaine affectation était en jeu. Par conséquent, je conclus que l’employeur n’a pas informé le fonctionnaire de ses préoccupations concernant son rendement en temps opportun.

110        Deuxièmement, en ce qui concerne la question de savoir si le fonctionnaire a eu une possibilité raisonnable d’améliorer son rendement de façon à satisfaire aux normes de rendement, je suis d’accord que quelques commentaires lui ont été fournis pour l’aider à améliorer son rendement tout au long de son affectation. Les éléments de preuve indiquent que Mme Mawani lui a constamment fourni une rétroaction au sujet de son rendement. Toutefois, fournir une rétroaction n’est pas la même chose que de soulever des « préoccupations » concernant le rendement de l’employé occupant le poste. Une rétroaction peut être positive ou négative, voire neutre. En revanche, une « préoccupation » a une connotation négative et, dans le contexte de la convention collective, laisse entendre que le rendement doit être amélioré. Par conséquent, une rétroaction continue, à mon avis, n’était pas suffisante pour respecter l’obligation prévue dans la convention collective. En l’espèce, les « préoccupations » relatives au rendement du fonctionnaire dans son poste FS-02 n’ont pas été soulevées avant la mise en œuvre du PAR.

111        Les éléments de preuve indiquent clairement que Mme Mawani a consulté la direction des RH de l’employeur afin de mettre en œuvre le PAR pour le fonctionnaire en raison de ses préoccupations concernant son rendement et parce qu’elle a remis en question ses aptitudes pour le poste au sein du PRSM. En mars 2015, la représentante des RH l’a avisée que le premier objectif d’un PAR devait toujours être d’aider l’employé à améliorer son rendement. Selon la compréhension de la représentante des RH, le PAR dans ce cas serait utilisé pour deux objectifs : aider le fonctionnaire à améliorer son rendement dans son affectation actuelle au poste FS-02 et évaluer ses aptitudes pour l’affectation au poste FS-03.

112        Ainsi, l’employeur a précisément qualifié la période d’essai de six semaines de PAR, ce qui signifie qu’il était élaboré partiellement dans le but de l’aider à améliorer son rendement pendant son affectation actuelle. Toutefois, les faits démontrent que le PAR n’a pas aidé le fonctionnaire à améliorer son rendement. Durant le PAR, il n’a reçu aucun commentaire ni rétroaction sur ses rapports, malgré des demandes répétées. À l’examen global des éléments de preuve, il devient manifeste que le PAR n’a servi qu’un objectif, soit d’évaluer les aptitudes du fonctionnaire pour la prochaine affectation au poste FS-03.

113        Le fait que le fonctionnaire n’ait reçu aucune rétroaction au cours du PAR est confirmé dans plusieurs documents. Dans un courriel datant du 24 mars 2015, un représentant du RSDI a précisément reconnu ce qui suit : [traduction] « Les modalités du PAR indiquent manifestement que la rétroaction viendra à la fin du processus, et non pendant. Le faire en temps réel exigerait une consultation régulière avec le conseil de gestion et un investissement important en temps ».

114        En outre, la réponse finale au grief du fonctionnaire datant du 18 avril 2016 indique ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Lors de l’audience du grief, vous avez indiqué que vous n’aviez reçu aucun commentaire ni rétroaction au cours du programme d’amélioration du rendement (PAR). Selon les renseignements dont je dispose, votre PAR a pris fin le 14 avril 2015, mais vous n’avez reçu des commentaires de M. Ken England, directeur du Programme de rapports sur la sécurité mondiale (PRSM) que le 11 mai 2015. Je suis donc d’accord avec votre affirmation que vous n’avez reçu aucun commentaire ni rétroaction durant le PAR.

 […]

115        À mon avis, l’employeur a trompé le fonctionnaire en suggérant que le PAR avait pour objectif de l’aider à améliorer son rendement. Ce faisant, il n’a pas respecté son obligation d’accorder au fonctionnaire une possibilité raisonnable d’améliorer son rendement de façon à satisfaire aux normes prévues. La seule exception à cette obligation est lorsque les intérêts du Canada à l’étranger sont en danger, ce que l’employeur n’a ni allégué ni soutenu. L’employeur a uniquement soutenu que les déficiences du fonctionnaire avaient entraîné une augmentation de la charge de travail pour les autres. La question importante est celle de savoir que l’employeur a choisi de mettre en œuvre un PAR pour répondre aux préoccupations concernant le rendement du fonctionnaire étant donné que le mentorat quotidien offert n’était pas suffisant.

116        Étant donné que l’employeur a laissé entendre au fonctionnaire que le PAR l’aiderait à améliorer son rendement, l’exigence qu’il rédige six rapports supplémentaires aurait dû être accompagnée d’une rétroaction continue sur ces rapports et d’une orientation sur ce qu’il devait faire pour que son rendement puisse atteindre le niveau attendu. Tandis que la détermination des affectations demeure la prérogative de l’employeur, il n’a pas le droit d’induire un employé en erreur en lui suggérant qu’un PAR servirait à améliorer son rendement si, en réalité, le PAR n’est qu’une évaluation des aptitudes de l’employé aux fins d’une affectation ou d’un poste futur.

117        En outre, je souligne qu’une période de six semaines est un délai bien court pour aider un employé à améliorer son rendement. Tel qu’il a été mentionné, la direction des RH de l’employeur recommandait généralement un minimum de six mois pour un plan d’action.

118        Le fonctionnaire n’a été visé par le PAR que pendant six semaines, ce qui signifie qu’il n’a bénéficié que de six semaines pour démontrer son rendement tout en ne recevant aucune rétroaction durant cette même période. À mon avis, cela ne lui a guère laissé une possibilité raisonnable d’améliorer son rendement de façon à satisfaire aux normes à cet égard. Par conséquent, je conclus que l’employeur a également contrevenu à la clause 9.03b) de la convention collective.

VI. Réparations

119        Le paragraphe 228(2) de la Loi précise qu’après avoir examiné un grief, la Commission doit rendre une décision et émettre l’ordonnance qu’elle juge appropriée dans les circonstances.

120        Les mesures correctives que le fonctionnaire a demandées dans son grief sont les suivantes : 1) que la lettre datée du 18 mai 2015 qui met fin à son affectation soit supprimée de son dossier; 2) le remboursement en vertu de différentes directives sur le service extérieur (DSE); 3) le remboursement pour la perte du revenu de son épouse pour l’année d’enseignement qu’elle a perdue; 4) des dommages-intérêts pour douleur et souffrances pour lui-même d’une somme de 60 000 $ et le même montant pour son épouse et ses enfants.

A. Positions des parties

121        Le fonctionnaire soutient que dans Cleroux c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 242, la Cour d’appel fédérale a accepté qu’un arbitre de grief visé par l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C. 1985, ch. P-35) a compétence pour trancher une demande de dommages-intérêts découlant d’une violation de la convention collective. Le fonctionnaire a ajouté que rien dans la Loi n’a eu un effet sur cette décision.

122        Les DSE s’appliquent aux fonctionnaires fédéraux qui sont affectés à l’étranger. Comme l’a expliqué M. Fletcher lors de son témoignage, les DSE sont prévus pour indemniser les employés à l’étranger, selon les contraintes. Elles sont négociées par l’employeur et l’APASE. Le formulaire de confirmation d’affectation active les dépenses en vertu des DSE.

123        Le fonctionnaire demande les allocations prévues en vertu des DSE auxquelles il aurait eu le droit si on n’avait pas mis fin à sa deuxième affectation à Riyad. Il soutient que ces sommes lui auraient été versées si l’employeur n’avait pas contrevenu à la convention collective.

124        Il m’a renvoyée spécifiquement à la DSE 50 (Aide au déplacement de vacance). La valeur totale de cette allocation pour les cinq personnes faisant partie de la famille du fonctionnaire pour deux ans s’élève approximativement à 41 220 $. Il m’a également renvoyée à la DSE 55 (Indemnité de subsistance de poste), la DES 56 (Indemnités incitatives de service extérieur), et DES 58 (Indemnité différentielle de poste, niveau d’évaluation de la mission 4). La valeur de ces allocations pour deux ans s’élève respectivement à 12 089,98 $, 22 785,86 $ et 31 726 $.

125        En ce qui concerne la demande du fonctionnaire concernant le remboursement du salaire de son épouse pour l’année d’enseignement qu’elle a perdue, il a fait valoir que si on lui avait dit la vérité au sujet de son affectation, son épouse serait demeurée au Canada et n’aurait pas perdu cette année d’enseignement. En outre, si l’employeur avait agi conformément à sa politique sur les évaluations du rendement et à sa directive, le fonctionnaire et son épouse auraient eu l’occasion de se raviser en ce qui concerne son séjour à Riyad, et elle aurait eu la possibilité d’aviser son employeur qu’elle retournerait enseigner pour l’année scolaire 2015-16.

126        Plus précisément, au début du mois de février 2015, son épouse a demandé une année supplémentaire de congé non payé de son travail étant donné que, selon leur compréhension, son affectation à Riyad était pour trois ans, c’est-à-dire jusqu’à l’été de 2017. Par conséquent, elle n’a pas reçu son salaire annuel de 73 000 $ pour l’année scolaire 2015-16. Le fonctionnaire a expliqué qu’après leur retour à Ottawa, elle n’a pas pu remplacer des enseignants absents pendant l’année. Aucune preuve contradictoire n’a été présentée à ce sujet.

127        Le fonctionnaire a également demandé des dommages-intérêts pour douleur et souffrance de 60 000 $ pour lui-même, et un montant équivalent pour son épouse et ses enfants. Il a décrit les répercussions que les actions de l’employeur ont eues sur lui. Il était anéanti. Il a eu recours à des services de psychologie et des médicaments lui ont été prescrits pour l’aider à traverser la période du PAR. Il a fait des cauchemars et a eu de la difficulté à dormir. Sa relation avec son épouse et ses enfants a également été affectée puisqu’il était trop fatigué émotionnellement pour leur donner de l’attention. Sa réputation de couloir en a été affectée négativement; il a eu de la difficulté à trouver un poste à Ottawa et a finalement décidé qu’il devait accepter le poste à Mali pour rétablir sa réputation. Ce poste ne lui permet pas d’amener sa famille étant donné qu’il s’agit d’une affectation du niveau V, soit une affectation avec un niveau de difficulté accru. Surtout, le manque de sincérité concernant ce qui se passait réellement ne lui a jamais été révélé, ce qui l’a amené à prendre des décisions sans connaître tous les faits.

128        À l’appui de sa position, le fonctionnaire m’a renvoyée à Tipple c. Adminstrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2010 CRTFP 83. Il soutient que dans cette affaire, l’arbitre de grief a adjugé à M. Tipple 125 000 $ pour douleur et souffrance, bien qu’il n’ait pas produit de preuve médicale. En résumé, la Commission a accepté le témoignage du fonctionnaire s’estimant lésé sur les effets psychologiques qu’il a subis en raison de son licenciement sans fondement. Bien que la Cour fédérale ait annulé par la suite les dommages-intérêts octroyés pour préjudice psychologique dans Canada (Procureur général) c. Tipple, 2011 CF 762, et qu’elle ait renvoyé cette question à la Commission, elle n’a pas rejeté l’idée que ce type de dommages-intérêts pouvait être octroyé en se fondant sur le seul témoignage de M. Tipple.

129        Le fonctionnaire soutient en outre que l’employeur n’a pas remis en question son témoignage au sujet de l’impact de cette situation sur lui. Bien qu’il n’ait pas été licencié, son rapatriement à Ottawa constituait néanmoins une perte d’emploi pour lui, et impliquait les mêmes sentiments de vulnérabilité, d’humiliation et d’incertitude ainsi que les mêmes conséquences en matière d’emploi que lors d’un licenciement définitif.

130        En outre, le fonctionnaire a décrit ce que son épouse et ses enfants ont subi. Il allègue qu’ils ont souffert de l’incertitude de la situation, en particulier étant donné qu’à Riyad ils faisaient partie d’une toute petite communauté où les nouvelles circulent rapidement et où un rapatriement ne peut avoir lieu sans que tout le monde le sache.

131        Pour sa part, l’employeur soutient qu’aucun dommage-intérêt ne devrait être octroyé, et que la réparation devrait se limiter à une déclaration.

132        L’employeur a souligné que le fonctionnaire avait eu l’autorisation de terminer sa première affectation à Riyad avant d’être rapatrié, avec sa famille, à Ottawa.
Ainsi, il soutient que la question de savoir s’il lui a laissé une possibilité raisonnable d’améliorer son rendement pour satisfaire aux normes de rendement n’est pas pertinente étant donné que, de toute manière, il n’a subi aucune conséquence négative puisqu’il a eu l’autorisation de terminer sa première affectation à Riyad. En ce qui concerne sa prochaine affectation, c’était la prérogative de l’employeur de décider ce qu’elle serait et où elle aurait lieu.

133        L’employeur ajoute que, comme il a été mentionné dans la lettre d’offre du fonctionnaire, le ministère a le pouvoir discrétionnaire d’affecter ou de réaffecter les employés permutants partout au Canada ou à l’étranger, ainsi que de mettre fin à leurs affectations. L’article 131 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (« L.C. 2003, ch. 22, paragraphes 12 et 13), l’article 17 du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique (DORS/2005-334), et les articles 10 et 15 de la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (L.C. 2013, ch. 33, art. 174) confèrent un pouvoir discrétionnaire au ministère à l’égard de son personnel diplomatique.

134        En outre, l’employeur soutient qu’une affectation ne constitue ni un contrat ni une promesse de sa part liant les parties. Il explique qu’une affectation peut être modifiée à sa discrétion. Il s’agit d’un transfert d’un employé interne afin de s’acquitter des fonctions et des responsabilités d’un poste de façon temporaire. Les employés sont nommés à leurs postes dans le groupe FS, mais ils ne sont pas nommés à une affectation. M. Fletcher a expliqué que si l’employeur modifie une affectation, il rembourse les frais de réinstallation. Toutefois, si un employé demande à retourner avant la fin d’une affectation, on s’attend à ce qu’il ou elle paye lui-même ou elle-même les frais de réinstallation.

135        À l’audience, l’employeur a expliqué que le formulaire de confirmation d’affectation, qui confirmait les deux affectations du fonctionnaire à Riyad pour 36 mois, a été modifié par la suite. Un nouveau formulaire confirmant la première affectation du fonctionnaire, au poste FS-02, pour une durée de 12 mois, a été émis. En fonction de ce formulaire, le fonctionnaire a reçu les allocations en vertu des DSE à laquelle il avait le droit. L’employeur a expliqué qu’un employé n’a le droit de recevoir ces allocations que s’il ou elle s’est acquitté acquittée d’une affectation à l’étranger. En l’espèce, le fonctionnaire n’a pas droit à ces allocations étant donné qu’il ne s’est pas acquitté de sa deuxième affectation.

136        Le fonctionnaire a répliqué que même si l’employeur alléguait qu’il s’agissait d’un changement d’affectation et non d’une modification dans le cadre d’une affectation, il s’agit d’une question de sémantique. Il soutient qu’une telle défense ne peut s’appliquer étant donné que l’employeur seul contrôle ses affectations. L’employeur ne devrait pas avoir le droit de se servir de la possibilité de rappeler des employés à domicile et ensuite tirer profit de ce pouvoir pour refuser à un employé des droits qu’il ou elle aurait obtenus n’eût été les actions inappropriées de l’employeur.

137        En ce qui concerne la demande du fonctionnaire de se faire rembourser le salaire de son épouse, l’employeur soutient qu’il n’y a pas de lien suffisant entre la contravention à la convention collective et la perte de revenu qu’il revendique.

138        En ce qui concerne la demande de dommages-intérêts pour douleur et souffrance du fonctionnaire, l’employeur soutient que les dommages-intérêts ne sont pas justifiés étant donné que sa décision de modifier la deuxième affectation afin de répondre à des nécessités opérationnelles ne correspondait pas aux situations où de tels dommages-intérêts ont été octroyés. À l’appui de sa position, il m’a renvoyée à Canada (Procureur général) c. Gatien, 2016 CAF 3, aux paragraphes 11 à 22, 43, et 46 à 48. Il ajoute que le fonctionnaire n’a produit aucune preuve médicale et qu’il n’a démontré aucun trouble psychiatrique reconnu (voir Gatien, aux paragraphes 47 et 48).

139        L’employeur allègue également que la décision du fonctionnaire d’avoir son épouse et ses enfants avec lui en Arabie saoudite était une décision personnelle. L’employeur n’est pas responsable des décisions familiales personnelles du fonctionnaire ni des conséquences qui en découlent.

B. Conclusion sur les réparations

140        Premièrement, en ce qui concerne la lettre du 18 mai 2015, qui met fin à l’affectation du fonctionnaire pour rendement insuffisant, je suis d’accord qu’elle devrait être supprimée de son dossier étant donné qu’elle pourrait avoir d’autres incidences sur sa réputation de couloir.

141        Deuxièmement, en ce qui concerne les DSE, j’ai gardé à l’esprit que l’objectif principal d’une ordonnance de réparation est de remettre la partie lésée dans la position dans laquelle elle serait s’il n’y avait pas eu d’infraction à la convention collective. Si l’employeur n’avait pas contrevenu à la convention collective, le fonctionnaire aurait eu des objectifs de rendement par écrit. Toute préoccupation concernant son rendement aurait été soulevée en temps opportun et il aurait eu une possibilité raisonnable d’améliorer son rendement.

142        Une période de six mois constitue une possibilité raisonnable pour un employé d’améliorer son rendement. Les RH ont recommandé cette même période de six mois.

143        En l’espèce, si l’affectation du fonctionnaire s’était poursuivie au groupe et au niveau FS-02, il est très probable que s’il avait eu une possibilité raisonnable d’améliorer son rendement, il l’aurait améliorée suffisamment pour poursuivre cette affectation au niveau FS-02.

144        Toutefois, compte tenu des faits en l’espèce, il faut se poser la question suivante : Si le fonctionnaire avait eu une possibilité raisonnable d’améliorer son rendement dans le poste FS-02, quelle est la probabilité qu’il l’aurait suffisamment amélioré pour que son affectation en tant qu’agent du PRSM au niveau FS-03 soit maintenue?

145        L’employeur a conclu que puisque le fonctionnaire avait des difficultés au poste FS-02, il n’était pas la bonne personne pour le poste FS-03 au sein du PRSM. Mme Mawani et M. Kamineni, un agent du PRSM, ont expliqué que le rôle d’un agent du PRSM est de produire des rapports détaillés sur des questions de sécurité dans des endroits difficiles et de nature délicate. Ces agents recueillent des renseignements liés aux questions de stabilité et de sécurité stratégiques. M. Fletcher a également expliqué que pour ce poste du PRSM, qui est un poste clé à l’ambassade, l’employeur a besoin d’un employé possédant d’importantes capacités et aptitudes à produire des rapports détaillés sur des questions de sécurité, par exemple le terrorisme. Par conséquent, son objectif était de placer une personne possédant ces capacités accrues au poste du PRSM, et de placer le fonctionnaire, dont les capacités et les points forts sont différents, à un autre poste. Au moment de l’audience, M. Fletcher a affirmé que le fonctionnaire possédait des capacités bien développées dans le domaine de la consultation en administration.

146        À mon avis, étant donné que le poste FS-03 nécessitait des capacités très développées en ce qui concerne la collecte, l’établissement de rapports et l’analyse de renseignements liés à des questions de stabilité et de sécurité stratégiques et qu’il s’agissait d’un poste plus difficile à pourvoir que le poste FS-02, il est peu probable que l’affectation suivante du fonctionnaire en tant qu’agent du PRSM de niveau FS-03 se soit concrétisée. Simplement dit, même s’il n’y avait pas eu infraction à la convention collective, – si le fonctionnaire avait été informé des préoccupations plus tôt au cours de son affectation, par exemple en décembre 2014, et qu’il avait eu une possibilité raisonnable d’améliorer son rendement au poste de niveau FS-02 – l’employeur aurait tout de même décidé qu’il avait besoin de quelqu’un d’autre pour s’acquitter des tâches du poste FS-03.

147        À cet égard, j’ai gardé à l’esprit que le système de rotation a été créé pour soutenir le mandat complexe du ministère au niveau national et international. Il offre à la direction la souplesse d’affecter des employés à des postes pour une période précisée. L’objectif est de nommer efficacement les employés aux postes pour lesquels ils conviennent le mieux. Les transferts des employés sont effectués en été.

148        Ainsi, tandis que l’un des objectifs de l’employeur aurait dû être d’accorder au fonctionnaire une possibilité raisonnable d’améliorer son rendement, je reconnais qu’il devait également s’assurer que la personne qui convenait le mieux pour s’acquitter des tâches du poste FS-03 au sein du PRSM soit prête à commencer à l’été 2015.

149        Par conséquent, je conclus que même si le fonctionnaire avait eu une possibilité raisonnable d’améliorer son rendement au poste FS-02, il ne l’aurait pas amélioré de façon à ce que son affectation au niveau FS-03 soit maintenue. Par conséquent, je refuse sa demande de remboursement en vertu des DSE.

150        Je dois maintenant me pencher sur la demande du fonctionnaire concernant le remboursement du salaire de son épouse au motif que si on lui avait dit la vérité au sujet de son affectation, son épouse serait demeurée au Canada et n’aurait pas perdu la possibilité d’enseigner pendant l’année scolaire 2015-2016. Je conclus que le problème avec cet argument est qu’il ignore le fait que le ministère a toujours le pouvoir discrétionnaire de réaffecter ses employés. Selon les éléments de preuve présentés, les employés doivent accepter que leurs affectations soient modifiées puisqu’il s’agit d’une des conditions d’emploi. C’était indiqué, dans une certaine mesure, dans la lettre d’offre du fonctionnaire.

151        En outre, les observations du fonctionnaire comprennent l’allégation suivante : [traduction] « En outre, si l’employeur avait agi conformément à sa propre politique sur l’évaluation du rendement et à sa Directive [sur la gestion du rendement], le fonctionnaire et son épouse auraient eu la possibilité de se raviser en ce qui concerne son séjour à Riyad […] » [je souligne]. À mon avis, cette affirmation indique que la demande est spéculative et qu’il n’y a pas de lien suffisant entre la contravention à la convention collective et la perte du revenu qui est revendiquée. Je n’ai pas de preuve concrète que l’épouse du fonctionnaire serait retournée au Canada, ou qu’elle y aurait songé, si le fonctionnaire avait été informé plus tôt que sa deuxième affectation risquait de ne pas se concrétiser. Par conséquent, je refuse sa demande de remboursement du salaire de son épouse.

152        En revanche, je conclus qu’il est justifié d’octroyer au fonctionnaire des dommages-intérêts compensatoires compte tenu de ma conclusion que l’employeur a enfreint la clause 9.03 de la convention collective. Il ressort clairement de la preuve présentée par les deux parties que l’affectation subséquente du fonctionnaire à Riyad n’a pas eu lieu en raison de problèmes de rendement. Cependant, le rendement des employés est régi par la clause 9.03, que l’employeur a violée.

153        À l’audience, le fonctionnaire a fourni une explication détaillée des problèmes auxquels il a fait face avec sa famille en raison des actions de l’employeur. Elles ont eu des répercussions sur sa santé et sa vie quotidienne. Sa vie a été bouleversée, ce qui a eu des répercussions sur sa famille également.

154        J’ai conclu que le fonctionnaire est un témoin crédible. À l’audience, il a expliqué que pendant sa carrière de 17 ans, il n’avait jamais été visé par un plan d’action, et qu’il avait été humilié par les pratiques de l’employeur à cet égard. Malgré tout, il a coopéré et répondu à ses strictes exigences. Il a préparé tous les rapports supplémentaires qui lui ont été demandés, en sus de son travail quotidien. Ses très longues heures de travail et le stress découlant de ses efforts pour satisfaire aux exigences du PAR l’ont épuisé, physiquement et psychologiquement.

155        Il a expliqué comment son état de santé s’était détérioré au cours de l’année. Mme Mawani ne lui a pas ouvertement dit que son avenir à l’ambassade était incertain, et elle le critiquait constamment. Selon le fonctionnaire, le comportement de Mme Mawani  à son égard était dur et humiliant, et elle rabaissait systématiquement son travail. Il a également eu l’impression que Mme Mawani et à M. Kamineni, avec qui il devait traiter, s’étaient ligués contre lui. Il était stressé émotionnellement et son moral était bas; sa santé s’est détériorée. Il a eu recours à de l’aide psychologique parce qu’il était stressé, angoissé et déprimé. Des médicaments lui ont été prescrits pour l’aider à traverser cette période. Dans son témoignage, il a dit qu’il portait toujours les séquelles de son épuisement physique et mental.

156        Le fonctionnaire, qui est au début de la cinquantaine, a expliqué que sa réputation de couloir est désormais entachée et qu’il y a eu des répercussions sur sa carrière. Son objectif était d’atteindre un poste EX-01 au cours de sa carrière. Toutefois, il estime que ce n’est plus possible étant donné que sa réputation de couloir est entachée. En particulier, il a eu beaucoup de difficultés à décrocher une affectation à Ottawa à son retour de Riyad. Lorsqu’il a terminé son affectation à Ottawa, il a accepté un poste au Mali sans sa famille. C’est au prix d’énormes sacrifices en raison du niveau de contrainte du poste qu’il a accepté ce poste pour améliorer sa réputation professionnelle. M. Fletcher a reconnu que le poste à Mali était difficile à pourvoir.

157        En ce qui concerne son épouse et ses enfants, le fonctionnaire a expliqué qu’ils avaient été exposés à la crise qu’il avait subie au travail, et qu’ils avaient été fortement touchés par leur retour soudain à Ottawa. Le fonctionnaire a souligné que son épouse, en particulier, avait été touchée par ses problèmes et qu’elle avait subi des douleurs et des souffrances également.

158        Je conclus que le témoignage du fonctionnaire a établi qu’il avait subi des préjudices moraux en raison de la contravention de la convention collective par l’employeur.

159        Ainsi, je suis convaincue que le fonctionnaire a droit à une réparation compensatoire à cet égard. Je suis d’avis qu’il existe au moins quatre éléments en l’espèce qui militent en faveur de l’octroi des dommages-intérêts majorés.

160        Premièrement, contrairement à la clause 9.03a) de la convention collective, l’employeur n’a pas fourni au fonctionnaire des objectifs par écrit au début de son affectation. Je suis d’accord avec le fonctionnaire qu’il aurait été difficile pour lui d’être évalué négativement en fonction de critères qui n’ont pas été clairement soulignés au début de son affectation.

161        Deuxièmement, contrairement à la clause 9.03b) de la convention collective, l’employeur n’a pas été franc au sujet du fait que la deuxième affectation du fonctionnaire était remise en question en décembre 2014 en raison du rendement insuffisant du fonctionnaire. Comme il a été décrit par le fonctionnaire, ces événements ont eu un effet direct sur sa vie et son bien-être.

162        Troisièmement, contrairement à la clause 9.03b) de la convention collective, l’employeur a caché au fonctionnaire la vérité en ce qui concerne le PAR, ce qui n’a pas aidé le fonctionnaire à améliorer son rendement. Le PAR n’était qu’une évaluation du potentiel du fonctionnaire à occuper le poste FS-03. Tout le processus du PAR a été très difficile pour le fonctionnaire. En raison du comportement de l’employeur, ces difficultés ont outrepassé les difficultés habituelles qu’un employé  peut rencontrer lorsque soumis à un PAR. Il a demandé de la rétroaction relativement à sa rédaction de rapports, mais n’en a pas reçue. Il a travaillé fort pour satisfaire aux exigences supplémentaires de l’employeur en vertu du PAR, en plus de son travail régulier. Par conséquent, son état de santé s’est détérioré.

163        Quatrièmement, le manque de franchise et de clarté de l’employeur a eu des répercussions négatives sur la réputation de couloir du fonctionnaire.

164        En somme, pendant cette période, en raison de la contravention de la convention collective par l’employeur, le fonctionnaire a ressenti un manque de confiance, des sentiments blessés, une faible estime de soi, de l’humiliation, du stress, de l’angoisse et un sentiment de trahison. Par conséquent, il a sollicité un traitement médical. Selon les éléments de preuve présentés, je conclus que sa douleur et sa souffrance étaient significatives et de longue durée, et persistent encore.

165        Dans Robitaille c. Administrateur général (ministère des Transports), 2010 CRTFP 70, l’arbitre de grief a conclu que le fonctionnaire avait été discipliné de manière inappropriée, étant donné qu’il avait été rétrogradé, et que l’administrateur général avait manqué à son devoir de transparence, de diligence, de prudence et d’impartialité. L’arbitre de grief a réintégré le fonctionnaire dans son poste de gestion et lui a octroyé des dommages-intérêts compensatoires et punitifs. En ce qui concerne les actes fautifs de la part de l’administrateur général, notamment la conduite malveillante, répréhensible et nocive envers le fonctionnaire, l’arbitre de grief a ordonné à l’administrateur général de verser au fonctionnaire la somme de 50 000 $ à titre de dommages punitifs.

166        Dans ce cas, l’arbitre de grief a maintenu compétence pour traiter tout différend au sujet de la compensation du fonctionnaire relativement à sa perte d’occasions d’avancement professionnel et la perte des biens personnels (y compris la vente de sa maison) qu’il a subies pour payer les frais et honoraires de son avocat. Une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale a été autorisée. La Cour fédérale a renvoyé l’affaire au même arbitre de grief aux deux fins suivantes : 1) pour qu’elle reconnaisse son absence de compétence pour trancher le grief du défendeur portant sur la réprimande écrite, et 2) pour qu’elle n’accorde pas au défendeur, directement ou indirectement, une compensation pour ses honoraires d’avocat et ses frais judiciaires (voir Canada (Procureur général) c. Robitaille, 2011 CF 1218).

167        L’affaire a donc été renvoyée à l’arbitre de grief. Ensuite, dans Robitaille c. Administrateur général (ministère des Transports), 2011 CRTFP 28, l’arbitre de grief a noté que les parties ont convenu du montant de 40 000 $ en guise de compensation pour la perte de la perspective d’avancement professionnel du fonctionnaire.

168        Je relève également que la Cour suprême du Honda Canada Inc. c. Keays, 2008 CSC 39, aux paragraphes 56 à 59, se penche sur des situations où les dommages majorés sont justifiés dans des cas de congédiement injustifié. La Cour souligne que, généralement, les dommages ne sont pas accordés pour la perte d’un emploi ou pour des souffrances morales découlant du congédiement. Cependant, les dommages découlant des circonstances du congédiement seront accordés lorsque, lors du congédiement, l’employeur a agi « de façon inéquitable ou [fait] preuve de mauvaise foi en étant, par exemple, menteu[r], trompeu[r] ou trop implacabl[e] ».

169        Bien que le cas en l’espèce ne porte pas sur un congédiement mais une violation d’une entente collective, les principes énoncés dans Keays sont utiles. Des dommages ne sont pas accordés au fonctionnaire en raison des souffrances morales ordinaires découlant du PAR ou d’une réaffectation. Plutôt, lors de l’octroi de dommages-intérêts majorés, il faut prendre en considération toute conduite injuste, de mauvaise foi, menteuse, trompeuse ou trop implacable de la part de l’employeur lors de la mise en œuvre du PAR ou de la réaffectation de l’employé, allant à l’encontre de la convention collective.

170        Les dommages collatéraux intangibles relatifs à la douleur et à la souffrance ainsi qu’à  la perte de réputation et du moral sont difficiles à quantifier en l’espèce. Toutefois, à mon avis, il convient que le défendeur verse au fonctionnaire un montant raisonnable en guise de dommages-intérêts pour des questions qui ne peuvent être évaluées objectivement – la douleur et la souffrance, la perte de la réputation et du moral, et d’autres questions semblables (y compris la douleur du plaignant de voir sa famille souffrir psychologiquement). Compte tenu des éléments de preuve et des arguments susmentionnés, je conclus que le versement de 20 000 $ constitue une compensation raisonnable.

171        En ce qui concerne la demande du fonctionnaire relativement au versement de dommages-intérêts pour douleur et souffrance à l’égard de son épouse et de ses enfants, j’ai déjà reconnu que sa relation avec sa famille avait été touchée par tous les hauts et les bas qui ont découlé de l’infraction à la convention collective. Toutefois, dans la mesure où il demande que j’octroie des dommages-intérêts distincts pour toute peine et souffrance endurée par son épouse et ses enfants, je ne suis pas prête à le faire. Il y a lieu de s’interroger à savoir si j’ai compétence en vertu de la Loi pour rendre ce type d’ordonnance (voir par exemple les paragraphes 208(1) et 236(1)). À cet égard, je souligne que je n’ai été saisie d’aucune compétence pour un tel octroi, que ce soit en vertu de la Loi ou autrement. Quoi qu’il en soit, je considère que le fondement factuel n’est pas suffisant  pour appuyer l’octroi de tels dommages-intérêts dans les circonstances en l’espèce. Ni l’épouse ni les enfants du fonctionnaire n’ont présenté de témoignages. Le fonctionnaire n’a pas non plus présenté de preuve concernant un préjudice réel qu’ils ont subi justifiant tout octroi de dommages-intérêts supplémentaire.

172        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

VII. Ordonnance

173        Le grief est accueilli. Je déclare que le défendeur a contrevenu à la clause 9.03 de la convention collective. J’ordonne que la lettre du 18 mai 2015, qui met fin à l’affectation du fonctionnaire, soit supprimée de son dossier. J’ordonne également à l’employeur de verser au fonctionnaire des dommages-intérêts majorés de 20 000 $.

Le 16 février 2018.

Traduction de la CRTESPF

Nathalie Daigle,
une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans le secteur public fédéral

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