Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a allégué que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans l’application du critère de mérite et dans l’évaluation de sa candidature ainsi que de celle de la personne nommée – la plaignante a allégué que l’intimé avait fait preuve de favoritisme personnel et de traitement préférentiel à l’égard de la personne nommée en lui offrant des occasions de nominations intérimaires – la formation de la Commission a conclu que des éléments de preuve relatifs au favoritisme personnel avaient été présentés, mais qu’aucune preuve ne démontrait que la personne nommée avait fait l’objet de favoritisme personnel ou de traitement préférentiel – la plaignante a aussi allégué que le président du comité d’évaluation avait fait preuve de partialité à son égard en raison des griefs qu’elle avait déposés antérieurement contre la direction – la formation de la Commission a déterminé que la plaignante n’avait démontré aucune preuve de partialité ou de crainte raisonnable de partialité en ce qui concerne son évaluation, ou de traitement préférentiel lors de la notation de l’examen de la personne nommée – la plaignante a également allégué que l’intimé avait fait preuve de discrimination à son égard lors du processus de nomination sur la base des motifs de distinction illicites suivants : l’invalidité et la situation familiale – la formation de la Commission a déterminé qu’aucun fait ne confirmait la croyance de la plaignante voulant que son invalidité ou sa situation familiale aient constitué des facteurs dans la décision de l’intimé de l’éliminer du processus de nomination – par conséquent, la formation de la Commission a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir une preuve prima facie de discrimination.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur l’emploi dans la fonction publique

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  • Date:  20180216
  • Dossier:  EMP-2014-9444
  • Référence:  2018 CRTESPF 14

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

SHELLEY WEPRUK

plaignante

et

LE SOUS-MINISTRE DE LA SANTÉ

intimé

Répertorié
Wepruk c. Sous-ministre de la Santé


Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir présentée en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique


Devant:
Chantal Homier-Nehmé, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour la plaignante :
Elle-même
Pour l’intimé :
Richard Fader, avocat principal
Pour la Commission de la fonction publique :
Louise Bard, analyste principale (au moyen d’observations écrites)
Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique)
le 31 mai et le 1er juin 2016
et par téléconférence le 29 juin 2016.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Plainte devant la Commission

1        Shelley Wepruk (la « plaignante ») était candidate à un processus de nomination interne annoncé afin de pourvoir un poste de gestionnaire régional pour une période indéterminée, classifié SG-SER-6 (le « poste SG-06 »), au sein du Programme de surveillance de la conformité des pesticides de la Direction de la surveillance de la  conformité et l’application de la loi du ministère de la Santé (la « direction »), à Burnaby, en Colombie-Britannique. La plaignante a été présélectionnée, mais elle a ensuite été éliminée du processus puisqu’elle a échoué aux questions 3 et 4 de l’examen écrit. Elle a déposé une plainte auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; la « LEFP »), afin de contester la nomination de Kelly Walker (la « personne nommée »).

2        La plaignante a allégué que le sous-ministre de la Santé (l’« intimé ») a abusé de son pouvoir dans l’application du critère de mérite, tant dans l’évaluation de sa candidature que dans celle de la personne nommée. Elle a fait valoir que l’intimé avait fait preuve de favoritisme à l’égard de la personne nommée et qu’il avait accordé un traitement préférentiel à cette dernière. Selon la plaignante, la composition du comité d’évaluation ne pouvait pas mener à une évaluation juste et impartiale étant donné le harcèlement et la discrimination dont elle a fait l’objet au travail. La présidente du comité d’évaluation était partiale à son égard en raison de ses activités syndicales et a fait preuve de discrimination à son égard en raison de sa situation familiale et de son incapacité mentale, contrevenant ainsi à la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C., 1985, ch. H-6; la « LCDP »).

3        L’intimé a maintenu que le choix de la personne nommée était transparent et équitable. Tous les candidats ont été évalués de façon indépendante, conformément au même énoncé des critères de mérite et au moyen du même outil d’évaluation. Le comité d’évaluation en est arrivé au consensus que la personne nommée était la bonne candidate. L’intimé a nié les allégations de partialité et de discrimination et a fait valoir qu’elles n’étaient aucunement liées à la plainte de dotation dont je suis saisie.

4        La Commission de la fonction publique (CFP) a participé au moyen d’observations écrites sur ses politiques et lignes directrices pertinentes. Elle ne s’est pas prononcée sur le bien-fondé de la plainte.

5        Pour les motifs suivants, je conclus que la plainte n’est pas fondée. La plaignante n’a pas démontré que l’intimé a abusé de son pouvoir dans le cadre de son évaluation ou de celle de la personne nommée. Elle n’a pas établi que l’intimé était partial ou qu’il avait fait preuve de discrimination à son égard en fonction d’un motif illicite.

6        Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique par, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.

II. Contexte

7        Dans son témoignage, la plaignante a souligné qu’elle s’était jointe à la fonction publique fédérale en 2002. Elle a travaillé à l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire du ministère de la Santé (le « ministère »), à Ottawa, jusqu’en 2005. Par la suite, elle a décidé de poursuivre un cheminement de perfectionnement professionnel, qui consistait en une affectation d’un an en politique et en planification au bureau du directeur régional à Vancouver, sans possibilité de prolongation. Pendant son affectation, elle a participé à un concours pour un poste SG-05 pour une période indéterminée et elle a été nommée; c’est alors que ses problèmes ont commencé. Elle a eu l’impression d’avoir été mise à l’écart et d’avoir été étiquetée de fautrice de trouble parce qu’elle avait déposé des griefs relativement à ses frais de réinstallation et à de nombreuses nominations intérimaires.

8        Elle s’est souvenue à quel point elle était fière, en 2002, de se joindre à la fonction publique et de travailler pour le gouvernement fédéral à Ottawa. Elle avait accepté une affectation d’un an dans le but d’acquérir une expérience pertinente. À cette époque, le bureau régional était un excellent milieu de travail.

9        En 2011, le Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux a révélé que la région de la Colombie-Britannique du ministère avait obtenu les résultats les plus faibles de tout le pays. La direction a tenté de régler le problème avant le prochain sondage auprès des fonctionnaires fédéraux, sans succès. En 2014, le ministère a fusionné les divisions de la conformité et de l’application de la loi avec la direction régionale.

III. Motifs

10        L’article 77 de la LEFP prévoit qu’une candidate ou un candidat non retenu dans la zone de sélection d’un processus de nomination interne annoncé peut présenter une plainte auprès de la Commission selon laquelle il ou elle n’a pas été nommé ou proposé en vue d’une nomination en raison d’un abus de pouvoir. Le paragraphe 2(4) énonce qu’« [i]l est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par abus de pouvoir la mauvaise foi et le favoritisme personnel » [en caractère gras dans l’original].

11        Il est bien établi que dans le cas d’une plainte d’abus de pouvoir, il incombe au plaignant de s’acquitter du fardeau de la preuve (voir Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, aux paragraphes 49, 50 et 55). Afin de s’acquitter de ce fardeau, la plaignante devait présenter suffisamment de preuves pour permettre à la Commission de conclure, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y avait abus de pouvoir.

A. Question I – L’intimé a-t-il fait preuve de favoritisme personnel ou de traitement préférentiel dans son évaluation de la personne nommée?

12        Selon l’allégation de la plaignante, l’intimé a fait preuve de favoritisme personnel à l’égard de la personne nommée. En outre, la personne nommée a eu des occasions de nominations intérimaires qui étaient refusées à la plaignante, ce qui, selon cette dernière, constitue un traitement préférentiel. N’eût été ces possibilités, la personne nommée n’aurait pas été retenue. J’aborderai plus loin dans les présents motifs l’allégation de la plaignante en ce qui concerne le traitement préférentiel accordé à la personne nommée dans le cadre de la notation de son examen.

13        L’intimé a nié tout favoritisme personnel ou traitement préférentiel dans le processus de nomination. Les possibilités de nomination intérimaire n’ont eu aucun poids dans le processus de nomination. Il a fait valoir que tous les candidats avaient été évalués de manière indépendante et cohérente.

14        Dans Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 0007, au paragraphe 39, l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique (TDFP) a conclu ce qui suit : « En effet, le législateur fait précisément référence à la mauvaise foi et au favoritisme personnel pour s’assurer que nul ne conteste le fait que ces formes d’inconduite constituent un abus de pouvoir. »Il a ajouté qu’il convenait de noter que « le mot “favoritisme” est qualifié par l’adjectif “personnel”, ce qui met en évidence l’intention du législateur de faire en sorte que les deux mots soient lus ensemble, et que c’est le favoritisme personnel, non pas tout autre type de favoritisme, qui constitue un abus de pouvoir » [en caractère gras dans l’original].

15        Le TDFP a conclu que la mauvaise foi et le favoritisme personnel comptent parmi les formes les plus graves d’abus de pouvoir et que la fonction publique dans son ensemble doit s’efforcer de les prévenir promptement. Lorsqu’il y a abus de pouvoir, il faut prendre toutes les mesures nécessaires pour y remédier. Manifestement, le paragraphe 2(4) de la LEFP vise à ce qu’il ne fasse aucun doute que ces formes d’inconduite constituent un abus de pouvoir.

16        La plaignante a téléphoné à l’agente principale de la conformité, Mandy Deol, qui occupe un poste classifié SG-SER-4. Au moment de l’audience, Mme Deol était au service du ministère depuis environ 14 ans. Elle n’avait pas parlé à la plaignante depuis le licenciement de cette dernière. Mme Deol relevait de Denis Shelley, son gestionnaire, qui relevait du directeur régional, Brian Mori. Pendant ses 14 ans dans ce poste, elle n’a postulé qu’à un processus de nomination pour un poste d’agent de l’intégrité de la sécurité frontalière, classifié SG-SRE-5. Dans ce processus, la plaignante avait été la candidate retenue, suivie de Mme Deol.

17        Selon Mme Deol, dans la région de la Colombie-Britannique du ministère, si la direction souhaitait qu’une personne en particulier occupe un poste, cette personne était affectée au poste. Plusieurs nominations intérimaires ont été effectuées, principalement d’une durée de quatre mois moins un jour; ces nominations étaient souvent prolongées sans que le poste soit affiché. Lorsqu’une personne était nommée à un poste à titre intérimaire, cette nomination était souvent prolongée à plus d’un an. En contre-interrogatoire, Mme Deol a affirmé qu’elle était au courant d’une plainte concernant les nominations intérimaires, mais qu’elle n’avait jamais participé à une telle plainte.

18        Mme Deol n’a jamais postulé à des nominations intérimaires et, par conséquent, elle ne pouvait pas se prononcer sur la question du traitement différentiel à l’égard de la plaignante. Elle s’est souvenue d’une occasion intérimaire de six mois pour un poste classifié SG-06. En 2012 ou en 2013, Kim Sealling, sa superviseure immédiate, lui avait envoyé un courriel pour savoir si elle pouvait la remplacer pendant un congé au cours de l’été. La nomination intérimaire n’avait pas été annoncée et n’avait pas fait l’objet d’une déclaration d’intérêt.

19        En contre-interrogatoire, Mme Deol s’est souvenue que, à la demande de son gestionnaire, M. Shelley, elle avait occupé par intérim le poste de la plaignante, soit de 2005 à 2008, pendant le congé de maladie de la plaignante. Comme il a été mentionné, elle s’était classée deuxième dans le processus de nomination pour le poste classifié SG-05 de la plaignante. Au cours de ces trois années, la plaignante est revenue de son congé de maladie, puis elle est repartie. Mme Deol a de nouveau été invitée à la remplacer. Elle s’est souvenue que sa nomination intérimaire avait été contestée par voie de plainte, mais elle n’était pas certaine si cette plainte provenait de l’agent négociateur. Elle en avait parlé avec la personne qui avait déposé la plainte. Plusieurs plaintes avaient été déposées relativement aux nominations intérimaires. En règle générale, les employés n’hésitaient pas à déposer des plaintes.

20        Mme Deol a expliqué qu’un poste de gestionnaire, classifié de SG-06, à l’unité des inspecteurs de la conformité des drogues, est devenu vacant et n’a jamais été comblé. Certains employés ont eu l’occasion d’occuper ce poste à titre intérimaire, dont la plaignante, selon ses souvenirs. Les pratiques d’embauche du ministère n’étaient pas toujours ouvertes et transparentes. Elle n’a pas déposé de plaintes ou de griefs, parce qu’elle ne voulait pas être celle qui se plaint du superviseur. Elle s’est souvenue avoir eu les mêmes préoccupations que la plaignante concernant le fait que Mme Sealling obtenait toujours les nominations intérimaires, ce qu’elle a exprimé à M. Mori. Elle était au courant de la rumeur que l’agent négociateur n’était pas très utile.

21        La plaignante a cité son ancien collègue, Sammy Lee, à témoigner. Il a mentionné qu’il était agent principal de la conformité, classifié SG-04, depuis 2008. Il a postulé à plusieurs postes dans le passé, y compris le poste en question, sans succès. Lorsqu’une personne postule à un poste à la fonction publique fédérale, il y a toujours un long délai avant de recevoir une réponse.

22        M. Lee ne se souvenait pas avoir fait l’objet de discrimination dans le cadre d’un processus de dotation que ce soit. Il n’a jamais cherché à savoir pourquoi il n’avait pas été retenu dans un processus de dotation donné. Il trouvait plus facile de simplement postuler à d’autres postes. Il n’a jamais déposé de grief par crainte d’être étiqueté comme fauteur de trouble. Peu après s’être joint à la direction, il a appris qu’un poste de supervision classifié SG-06 était vacant. Bien qu’il ne se souvienne pas avoir remarqué de cas particuliers de favoritisme, il croit qu’il y en a dans tous les ministères. Il ne croyait pas être un favori, et il n’a jamais déposé de plaintes de favoritisme auprès de son agent négociateur. Lorsque les employés déposent des griefs, les gestionnaires les étiquettent comme fauteurs de trouble.

23        M. Lee s’est souvenu avoir postulé au poste SG-06 en litige. À son avis, le processus de nomination manquait de transparence puisqu’aucune rétroaction n’a été donnée. De plus, les candidats n’ont pas reçu de copies notées de leur examen. Il n’était au courant d’aucune rumeur que la personne nommée était la personne préférée pour le poste. Il ne savait pas non plus qu’elle avait occupé le poste à titre intérimaire avant le lancement du processus de nomination.

24        En contre-interrogatoire, M. Lee a admis que le travail effectué dans les domaines de la pharmaceutique et des pesticides est complètement différent. La fabrication de produits pharmaceutiques n’a presque rien à voir avec la conformité des pesticides. Le secteur des produits pharmaceutiques du ministère comptait deux unités : l’Unité A pour les produits pharmaceutiques et les pratiques de fabrication appropriées, et l’Unité B pour la conformité des produits pharmaceutiques et les drogues. Le poste SG-06 pour les produits pharmaceutiques à l’Unité A a été pourvu. À l’Unité B, le poste SG-06 est toujours pourvu au moyen de nominations intérimaires, et il ne figure pas dans l’organigramme. À l’occasion, une possibilité intérimaire survient relativement au poste de supervision SG-06 à l’Unité B. M. Lee a reconnu que la personne qui occupe le poste SG-06 à l’unité B à titre intérimaire bénéficie d’un avantage à l’examen écrit.

25        La plaignante a cité Damian Kakwaya, un ancien collègue, à témoigner. Il travaille pour la direction depuis environ 20 ans. Il s’identifie comme faisant partie d’un groupe de minorité visible. Il n’a pas réussi à progresser au-delà du poste d’agent principal de la conformité classifié SG-04. Il s’est souvenu que le poste SG-06 a été vacant pendant environ 14 ans et qu’il demeure vacant.

26        M. Kakwaya a postulé au poste classifié SG-06, mais il n’a pas réussi l’examen. Selon son interprétation de ce qui était indiqué, il croyait que l’examen visait à évaluer les connaissances des candidats sur la législation et les politiques canadiennes en matière de conformité des pesticides et sur l’application de la loi et du cadre réglementaire visant les pesticides en Colombie-Britannique. Il évaluait également la capacité des candidats à développer une approche réglementaire efficace en lien avec la conformité des pesticides. Il ne s’est pas informé de la raison de son échec, et personne ne lui a expliqué. Il ne s’est pas donné la peine de solliciter une discussion informelle avec M. Mori. À son avis, il en avait assez vu au cours de ses 20 années d’expérience pour savoir que cela n’en valait pas la peine.

27        En contre-interrogatoire. M. Kakwaya a indiqué que, à son avis, il avait suffisamment de connaissances et d’expérience en recherche pour écrire l’examen. Une personne qui travaille dans un secteur de la conformité peut travailler dans un autre secteur, la seule différence étant la réglementation. La Loi sur les aliments et drogues (L.R.C. (1985), ch. F-27) couvre plusieurs règlements; les articles visant la conformité sont très semblables. Le fait de travailler quotidiennement dans le domaine des pesticides donne à un candidat du processus de sélection un avantage pour écrire l’examen en raison de sa connaissance de tout changement aux pratiques et aux politiques. Le contraire serait également vrai pour une personne qui travaille dans le domaine des produits pharmaceutiques.

28        Lorsqu’il a été interrogé au sujet des examens, M. Kakwaya a indiqué que l’évaluation lui semblait incohérente puisque certains examens n’avaient pas été notés. Selon lui, l’évaluation n’était pas un processus contrôlé car le guide de notation indiquait que [traduction] « toute autre réponse que le comité juge acceptable » serait considérée. Il n’était donc pas convaincu que son examen avait été noté de façon équitable. Les examens d’autres candidats n’avaient pas été notés. Quoi qu’il en soit, ils ont tous été éliminés du processus pour avoir échoué à l’examen.

29        M. Kakwaya a reconnu qu’il y avait du favoritisme au sein de la direction et qu’une préférence était accordée à certains employés. Les gestionnaires et les superviseurs allaient dîner ensemble et s’achetaient des cadeaux. Un groupe d’employés, M. Kakwaya y compris, ont déposé une plainte devant l’ombudsman de la résolution des conflits pour signaler des problèmes au bureau. Une réunion formelle d’une journée a eu lieu avec tous les employés sur la façon de se comporter au travail. Au bout du compte, elle n’a rien donné puisque rien n’a changé.

30        En contre-interrogatoire, M. Kakwaya a expliqué que le poste classifié SG-06 était vacant depuis près de 14 ans, qu’une personne favorisée l’avait occupé très longtemps et que d’autres y avaient été nommés à titre intérimaire, mais pas pour une aussi longue période. Mme Sealling et Leslie Beaton étaient toujours sélectionnées. L’une d’elles avait occupé le poste à titre intérimaire pendant plus d’un an et demi. Le poste n’était initialement pas annoncé, mais à la fin d’un mandat, le poste était annoncé et le mandat était renouvelé. Le processus de nomination n’était pas transparent. Il était impossible de savoir qui était visé par une affectation intérimaire et pour quel poste.

31        M. Kakwaya n’a pas pris la peine de déposer une plainte. Il a choisi d’ignorer qu’un groupe d’employés buvait du vin au bureau après le travail, que des gestionnaires et des employés se payaient mutuellement des repas du midi, et qu’un employé apportait quotidiennement du café à un gestionnaire. Il n’a pas identifié la personne nommée comme étant une personne favorisée ou comme faisant partie de ce groupe. Lorsqu’il a tenté de soulever ces problèmes avec eux pour les informer que ce genre de chose rendait les autres employés mal à l’aise, l’employé en question a dit que le groupe avait le droit d’acheter du café à qui il voulait. Il a reconnu qu’il aurait pu aller voir M. Mori, mais qu’il ne l’avait pas fait. Il avait déjà traversé un processus de grief sans succès. M. Mori avait ordonné aux gestionnaires d’améliorer les choses dans le milieu de travail, mais rien n’a été réglé.

32        En contre-interrogatoire, M. Kakwaya a confirmé que le même groupe de gens s’achetait toujours mutuellement du café et buvait du vin au bureau après les heures de travail. L’invitation n’était pas ouverte à tous. M. Mori n’y prenait pas part. Il estimait que M. Mori avait confiance en lui et qu’il l’appuyait, mais que le milieu de travail était pourri. Les possibilités n’étaient offertes qu’aux membres de ce groupe. Au moment où la présente plainte a été déposée, l’environnement de travail ne s’était pas amélioré.

33        Il a confirmé que la question de la résolution de conflit était survenue lorsqu’un groupe de quatre ou cinq employés a déposé une plainte de dotation, en 2006, auprès de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Le milieu de travail était toxique; il a participé à l’exercice de médiation à titre de partenaire parce que le groupe d’employés avait un travail à faire. Un grief a également été déposé pour contester le fait que certaines personnes s’étaient vues refuser des possibilités de nominations intérimaires. Les personnes favorisées étaient toujours sélectionnées pour les nominations intérimaires au poste SG-06. Seule une personne occupant un poste classifié SG-05 pouvait être nommée à titre intérimaire à un poste SG-06. Dans d’autres régions, les possibilités intérimaires étaient offertes à l’ensemble des employés. Au bout du compte, le groupe n’a pas poursuivi le grief en raison de l’épuisement collectif relativement au processus.

34        L’intimé a cité M. Mori à témoigner. Il est devenu le directeur régional de la direction de l’application de la loi en 2010. Il existe une division nette entre la conformité des pesticides et des produits pharmaceutiques et l’application de la loi pour les substances contrôlées, qui comprennent le tabac et la base de données en ligne des effets indésirables de Canada Vigilance. Il était chargé de cinq secteurs d’activités, et la plaignante était sa subalterne d’au moins deux niveaux. Il interagissait peu avec elle. Il a entendu ses griefs au deuxième niveau de la procédure de règlement des griefs et il en a été informé par les gestionnaires. Il n’a pas consacré beaucoup de temps à ses griefs puisqu’il était le chef exécutif national pour le programme des substances contrôlées. Il n’était impliqué que dans les questions [traduction] « critiques », dont aucune ne concernait la plaignante.

35        Les nominations intérimaires étaient offertes uniquement aux employés de l’unité des pesticides, et ce, pour une durée limitée de quatre mois moins un jour. La direction générale des ressources humaines du ministère lui avait dit que cette pratique était appropriée puisqu’il s’agissait d’un processus normalisé. Il n’était pas d’accord avec l’affirmation de la plaignante qu’elle avait échoué à l’examen parce qu’elle n’avait pas obtenu la possibilité d’être nommée à titre intérimaire au poste. Les connaissances requises pour répondre aux questions de l’examen pouvaient être acquises en consultant le site Web du ministère. Quant aux détails sur la question concernant les capacités, la personne nommée n’avait jamais eu la possibilité d’occuper un poste SG-06 à titre intérimaire. Elle ne provenait pas du groupe des pesticides et n’était pas une inspectrice. La réponse à la question concernant les capacités se trouvait dans la Directive d’homologation DIR 2007-02, disponible publiquement. Les questions 3 et 4 exigeaient la capacité et les connaissances requises pour appliquer cette directive et ses politiques pertinentes.

36        M. Mori a reconnu que dans l’ensemble, il y avait des problèmes en milieu de travail et qu’il n’y avait pas suffisamment de possibilités d’avancement. Il y a toujours eu des problèmes dans le milieu de travail. Il y a plusieurs années, la direction a mis en œuvre un certain nombre de mesures, y compris un programme à volets multiples pour régler les problèmes de transparence en matière de dotation. Il a convenu qu’il y avait des favoris et du favoritisme, mais qu’il serait inexact d’affirmer que des personnes étaient nommées en fonction du favoritisme. Il s’est opposé à l’idée que la plaignante avait été mise sur la liste noire. M. Mori a nommé une des personnes favorites pour explorer des solutions dans le but d’aborder la perception de favoritisme au travail, et ce, pour veiller à ce que les processus de nomination soient menés équitablement. Cet exercice n’a rien donné.

37        Il a convenu qu’il y avait des incohérences en ce qui concerne les personnes qui pouvaient occuper le poste SG-06 à titre intérimaire dans la région de la Colombie-Britannique du ministère. À un moment donné, seul un SG-05 pouvait être nommé à titre intérimaire. La possibilité est maintenant offerte aux SG-04. Il ne savait pas si la personne nommée avait occupé le poste SG-06 à titre intérimaire ou si elle était une personne favorisée. Les titulaires de postes classifiés SG-05 sont des inspecteurs spécialisés de la direction; ils s’acquittent de nombreuses tâches, y compris des inspections complexes. Les SG-06 peuvent également être un superviseur ou un gestionnaire, selon l’unité. L’expérience et les capacités d’un SG-05 se rapprochent davantage de celles d’un SG-06 que d’un SG-04.

38        Lorsqu’il existe un choix entre des candidats qualifiés, l’alinéa 30(2)b) de la LEFP prévoit que la sélection peut s’appuyer sur des qualifications supplémentaires considérées comme un atout, sur des exigences opérationnelles et sur les nécessités du service. La sélection ne doit jamais être fondée sur le favoritisme personnel. Les intérêts personnels indus, comme une relation personnelle entre la personne qui fait la sélection et la personne nommée, ne devraient jamais être le motif de la nomination d’une personne. De même, la sélection d’une personne en guise de faveur personnelle ou pour obtenir une faveur personnelle auprès d’une autre personne constitue un autre exemple de favoritisme personnel.

39        La preuve de favoritisme personnel peut être directe, comme les faits qui établissent clairement une relation personnelle étroite entre la personne qui fait la nomination et la personne nommée. Cependant, la preuve sera souvent circonstancielle, et il faudra alors examiner les gestes, commentaires ou événements survenus avant et pendant le processus de nomination. La plaignante n’a présenté aucune preuve pouvant mener à la conclusion d’une telle conduite entre les membres du comité d’évaluation et la personne nommée.

40        La preuve présentée a établi que la direction était empreinte de favoritisme à l’égard des superviseurs immédiats et d’un groupe d’employés particuliers. Elle établit également que le milieu de travail était toxique. Toutefois, elle n’appuie pas la conclusion que la personne nommée au poste l’ait été en raison de favoritisme personnel ou à cause d’un traitement préférentiel quelconque relativement aux possibilités d’affectations intérimaires. Aucune preuve n’a été présentée démontrant que la personne nommée faisait partie du groupe d’employés favorisés ou qu’elle avait été retenue en raison de possibilités d’affectations intérimaires qui avaient été refusées à la plaignante. Pour ces motifs, je conclus que cette allégation de traitement préférentiel relativement aux possibilités d’affectations intérimaires n’est pas fondée.

41        Par conséquent, je conclus que la plaignante n’a pas réussi à démontrer que la personne nommée a été l’objet de favoritisme personnel ou que cette dernière a bénéficié d’un traitement préférentiel au moyen des possibilités d’affectations intérimaires qui lui ont été accordées, ce qui constituerait un abus de pouvoir dans l’évaluation de la personne nommée par l’intimé.

B. Question II – La plaignante a-t-elle établi la partialité à son égard dans l’évaluation de son examen?

42        La plaignante a soutenu que M. Mori aurait fait plusieurs déclarations avant et pendant le processus de nomination qui indiqueraient une inclination défavorable à son égard. La partialité et la participation de ce dernier dans l’évaluation de son examen auraient eu une incidence indue sur ses notes.

43        Elle a soutenu que Mme Shelley l’avait réprimandée pour avoir déposé un grief relativement à son déménagement d’Ottawa, en Ontario, à Vancouver, en Colombie-Britannique. Tous ses griefs ont été refusés. Elle a demandé l’aide de M. Mori relativement à son introduction au ministère. Elle ne s’est pas sentie appuyée et son introduction a été affreuse.

44        Dans son témoignage, M. Lee a dit qu’il n’était au courant d’aucune mesure de représailles contre des personnes exerçant leurs droits en vertu de la convention collective pertinente. Il a indiqué que cela aurait pu être le cas pour la plaignante, mais qu’il n’était pas au courant. Les employés semblaient avoir peur d’avoir recours à la procédure de règlement de griefs et à l’agent négociateur pour obtenir de l’aide. La plaignante a dit qu’en raison de l’escalade de l’abus au bureau, elle avait dû prendre un congé lié au stress. Elle a été mise sur la liste noire pour avoir déposé des griefs. Elle voulait une possibilité d’affectation intérimaire SG-06, mais aucune ne lui a été offerte.

45        Chaque fois qu’elle prenait un congé de maladie, son gestionnaire la questionnait à ce sujet; elle était continuellement harcelée. Elle a fait l’objet d’une mesure disciplinaire de deux jours, puis elle a présenté une demande de recours à M. Mori. Il ne lui a offert aucune aide, et a laissé à M. Shelley le soin de s’occuper de la situation. Lorsqu’elle s’est vu refuser une possibilité d’affectation intérimaire SG-06, elle a déposé un grief.

46        Ce grief a irrité davantage la direction. La région de la Colombie-Britannique du ministère est petite et il y a beaucoup de commérage. Lorsqu’une personne est mise sur la liste noire et étiquetée comme fautrice de trouble, il est impossible de retourner en arrière. L’intimé a allégué qu’il y avait des préoccupations en matière de sécurité en ce qui concerne la plaignante. La plaignante estimait qu’elle avait fait l’objet de représailles et qu’elle n’avait jamais été visée par des questions de sécurité. Elle a été licenciée et n’a même pas eu le droit de rassembler ses effets personnels.

47        En contre-interrogatoire, la plaignante a confirmé qu’elle avait déposé un grief sur sa réinstallation et cinq autres griefs portant sur le salaire, la responsabilité personnelle et des jours de congé pour bénévolat, et un grief sur la perte de salaire et des représailles parce que M. Mori ne l’autorisait pas à retourner au travail avant qu’elle accepte de se soumettre à une évaluation indépendante de Santé Canada par un psychologue. Elle a déposé des allégations de harcèlement systémique. Elle a affirmé qu’elle avait fait l’objet de représailles à cause des préoccupations de sécurité de la direction. Elle n’a jamais été accusée d’une infraction et elle a été licenciée en octobre 2014.

48        M. Mori ne se souvenait pas si la plaignante avait déjà été identifiée comme représentante de l’agent négociateur. Il en aurait été informé si tel avait été le cas. Il se souvenait qu’elle avait déposé des griefs mais, à son avis, ce n’est pas la raison pour laquelle elle a échoué à son examen. Ses griefs n’ont eu aucune influence sur son évaluation.

49        De plus, la plaignante a allégué que la composition du comité d’évaluation n’aurait pas pu mener à une évaluation juste et impartiale étant donné le harcèlement en milieu de travail qu’elle a subi.

50        L’intimé a maintenu que l’allégation de harcèlement en milieu de travail de la plaignante se rapportait à son grief de licenciement et qu’elle n’avait aucun lien avec sa plainte d’abus de pouvoir dans le cadre de ce processus de nomination.

51        La plaignante ne comprenait pas comment M. Mori pouvait ignorer qu’il y avait un problème dans le milieu de travail ni son refus de prendre des mesures et de s’en occuper. Le poste de direction de M. Mori ou les styles de gestion de M. Shelley n’ont jamais fait l’objet d’un contrôle de la part des ressources humaines. Elle espérait toujours une amélioration, en vain. Elle a été mise sur la liste noire, et il n’y avait aucun moyen qu’elle soit nommée au poste SG-06.

52        M. Kakwaya a souligné que la plaignante pleurait toujours à son bureau. Il n’avait aucune connaissance de première main des causes de sa détresse, et il l’a encouragé à s’adresser au Programme d’aide aux employés. Il s’est souvenu d’une conversation avec la plaignante au sujet du recours aux services d’un avocat, mais il a refusé de s’en mêler parce qu’il avait participé à un processus semblable cinq ans plus tôt. Il ne voulait pas faire de vagues. Les années de 2006 à 2013 ont été très tumultueuses au bureau. Il a reconnu que l’environnement était toxique et que les répercussions sur les employés étaient variables.

53        Dans sa discussion informelle avec M. Mori, la plaignante a appris qu’elle avait réussi les questions 1 et 2. Elle a demandé une copie du barème de notation, mais il ne lui a pas remis. Son examen indiquait qu’elle avait reçu une note de 6 sur 10; toutefois, le rapport du comité d’évaluation indiquait qu’elle avait obtenu 8.5. L’examen ne précisait pas ce qui était requis pour réussir. Même si elle avait une copie de l’énoncé des critères de mérite et qu’elle savait qu’elle devait démontrer ses connaissances de la législation et des politiques canadiennes sur la conformité des pesticides et l’application de la loi et du cadre réglementaire, il n’y avait pas de directives sur ce qui serait évalué spécifiquement pour chaque question. Le processus de nomination n’était pas transparent parce qu’aucune note de passage n’était précisée dans l’examen. Elle trouvait que les questions 3 et 4 étaient de nature spéculative et elle les trouvait étranges étant donné que ce type de questions étaient habituellement traitées par un inspecteur plutôt que par un gestionnaire régional.

54        En contre-interrogatoire, la plaignante a indiqué qu’elle estimait que l’examen était équitable, mais que les questions 3 et 4 étaient de nature spéculative. Elle ne pouvait pas déchiffrer les réponses attendues. Elle ne pouvait pas établir de lien entre le barème de notation et les exigences en matière de connaissances et de capacités parce qu’il ne lui avait pas été remis. Si elle avait connu la note de passage, elle aurait fait les choses différemment. Les deux dernières questions portaient sur des tâches qu’elle aurait effectuées en tant que spécialiste de l’intégrité des frontières. Elle a été particulièrement étonnée d’avoir échoué aux questions 3 et 4.

55        En janvier 2013, elle a voulu parler avec M. Mori. Quatre courriels ont été nécessaires avant de réussir à le rencontrer. Il lui a dit de rencontrer M. Shelley, son gestionnaire, et Mme Sealling, sa superviseure immédiate. Ce n’est qu’après qu’elle l’ait avisé que ces derniers faisaient l’objet de sa plainte qu’il a accepté de la rencontrer. Chaque fois qu’elle voulait le rencontrer, elle devait lui envoyer plusieurs courriels ou prendre rendez-vous avec son adjointe.

56        L’intimidation et le harcèlement augmentaient et elle n’a reçu aucune aide de son agent négociateur. M. Mori lui a dit qu’il ne valait pas la peine de porter plainte et qu’il ne servirait à rien de déposer une plainte de harcèlement parce que les membres de la direction s’appuieraient et offriraient leur soutien à M. Shelley.

57        Elle a consulté un avocat, qui lui a conseillé de quitter le ministère dès que possible, à cause de l’impact sur sa santé. Par conséquent, elle a postulé à un poste intérimaire ailleurs dans le ministère. Elle a expliqué qu’elle n’était pas en mesure de retourner à Ottawa et qu’elle était obligée de rester à Vancouver et d’endurer la situation le mieux possible. Elle a postulé à d’autres postes à l’égard desquelles soit elle n’était pas présélectionnée soit elle échouait à l’examen. Elle s’est souvenue avoir postulé à un autre poste SG-05 dans un autre secteur, mais elle a échoué à l’examen. Elle ne comprenait pas comment elle pouvait échouer à un examen pour un poste qu’elle occupait déjà. Elle a postulé au poste SG-06 et, à son grand étonnement, elle a été présélectionnée. Au bout du compte, elle a échoué à l’examen parce que le gestionnaire ne voulait tout simplement pas d’elle dans la section.

58        M. Mori a expliqué que la plaignante a ultimement été licenciée, mais que son rôle dans cette situation était limité. Il n’a joué aucun rôle dans l’enquête à son égard ou dans toute mesure subséquente. Il n’interagissait avec elle que parce qu’ils travaillaient sur le même étage du même immeuble. Elle était au départ une agente de la protection civile classifiée SG-05, puis une spécialiste frontalière classifiée SG-05. Dans les deux postes, il n’a eu aucune interaction importante avec elle.

59        Il a expliqué qu’en 2014, le titulaire du poste SG-06 avait pris sa retraite. M. Mori a lancé deux processus de nomination, un pour une période indéterminée, l’autre pour permettre à des gens de l’occuper à titre intérimaire. Un courriel a été envoyé à l’unité des pesticides demandant des déclarations d’intérêt. Il a reçu des réponses par courriel de quatre employés. Il les a rencontrés, et leur superviseur l’a informé qu’ils étaient tous qualifiés pour occuper le poste à titre intérimaire. Il n’a posé aucune autre question. Il les a rencontrés et leur a demandé de quelle façon ils voulaient définir l’attribution du temps pour la nomination intérimaire.

60        Pour le processus de nomination pour une durée indéterminée, M. Mori a écrit au directeur général de l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire pour lui demander de nommer un autre membre au comité d’évaluation. Il a proposé Shawn Fancy, qui travaillait à cette agence. Finalement, le comité d’évaluation comptait trois membres. M. Mori a rédigé l’énoncé des critères de mérite, les documents de notation et l’examen et les réponses, qui ont ensuite été acheminés aux autres membres aux fins de suggestions et de commentaires. M. Fancy a proposé des commentaires approfondis, lesquels ont été intégrés aux documents.

61        Le processus a été lancé en février 2014. La première étape était l’annonce de possibilité d’emploi (l’« annonce »). Des demandes ont été reçues, que M. Mori a sélectionnées de manière indépendante, ainsi que M. Fancy. Ils se sont parlé au téléphone et une personne n’a pas été présélectionnée. Environ 20 personnes ont présenté une demande, et tous les curriculum vitae et lettres de présentation ont été évalués.

62        Son adjointe exécutive a organisé l’examen écrit, qui a été administré partout au Canada. Quelques candidats ne se sont pas présentés, et quelques-uns se sont retirés. L’examen ciblait les deux critères de connaissance et la capacité d’élaborer un cadre de réglementation. Après avoir reçu les examens terminés, trois copies ont été faites : une copie pour M. Mori aux fins de notation, une pour M. Fancy, et une copie propre. La notation a été effectuée de manière indépendante. En juin, M. Fancy a envoyé à M. Mori ses copies notées. Ils ont résumé leurs décisions de notation au téléphone et ont déterminé qui passerait à la prochaine étape du processus de nomination.

63        Conformément à la pratique normale, la direction générale des ressources humaines du ministère élaborait l’annonce selon les fonctions de la description du poste. Le poste SG-06 supervise les inspecteurs SG-05 et SG-04. Le titulaire est responsable de la gestion du budget et du personnel relativement à la prestation du programme de conformité des pesticides, y compris la prestation de conseils et d’orientation au personnel quant à l’application de la Loi sur les produits antiparasitaires (L.C. (2002), ch. 28) et la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (L.C. (1995) ch. 40,) ainsi que la collaboration avec d’autres ministères et niveaux de gouvernement. La capacité d’élaborer une approche réglementaire efficace pour la conformité des pesticides est essentielle au poste.

64        Le guide de notation pour le poste SG-06 a été examiné par la direction générale des ressources humaines du ministère et élaboré avant l’administration de l’examen. Toutes les exigences en matière d’études y étaient prévues. La note de passage pour toutes les autres qualifications a été fixée à 60 %. Les candidats devaient obtenir 6 sur 10 pour les questions 3 et 4, respectivement, afin de réussir la première exigence relative à la capacité. La plaignante a bien réussi les exigences relatives aux connaissances, mais elle n’a pas réussi la première exigence relative à la capacité.

65        Les candidats qui n’ont pas obtenu une note de passage pour toutes les exigences relatives aux connaissances et aux capacités ont été éliminés du processus. La plaignante était préoccupée par le fait que la réponse attendue et les critères d’évaluation considéraient [traduction] « [t]oute autre réponse que le comité juge acceptable ». M. Mori a expliqué que cet élément permettait au comité d’évaluation de prendre en considération d’autres réponses valides, puisqu’il est impossible de prévoir toutes les réponses acceptables. Le comité d’évaluation ne voulait pas exclure une personne qui donnait une réponse potentiellement exacte.

66        M. Mori a expliqué que la question 3 exigeait des candidats qu’ils répondent à une question d’un distributeur relativement à une question de conformité. Pour répondre à la question, ils devaient élaborer un plan de conformité, ce qui inclut la collecte d’information et l’organisation d’une visite d’un inspecteur pour s’assurer que les mesures appropriées soient prises puisqu’il est illégal d’importer un produit qui n’est pas enregistré.

67        La question 4 relevait des points 2 et 6 de l’annonce. Les candidats devaient démontrer leur connaissance des autres paliers de gouvernement impliqués dans le scénario décrit, ainsi que des autres ministères et organismes de réglementation. En règle générale, d’autres organismes de réglementation ne sont pas mis à contribution à moins qu’un problème grave ne survienne. Il était attendu des candidats qu’ils démontrent l’importance du maintien des relations avec les organisations partenaires. Ils devaient démontrer qu’ils reconnaissaient la gravité de la situation et qu’ils prendraient des mesures directes. Lorsqu’une plainte est reçue, il y a toujours la possibilité qu’elle attire l’attention des médias. En revanche, il est important de ne pas abuser des partenaires d’une manière qui nuirait à ces relations. Les candidats devaient démontrer cette connaissance et qu’ils étaient en mesure de percevoir le besoin de maintenir cet équilibre délicat. Le guide de notation indiquait ce qu’il fallait rechercher.

68        M. Mori a corrigé l’examen de la plaignante, qui a été versé à titre de pièce C-22. Les crochets et les notes sont les siennes. Trois copies de tous les examens ont été faites : une copie propre, une copie pour M. Fancy et une pour M. Mori. Seulement deux personnes ont noté les examens. Mme Peggy Farnsworth n’a pas participé à la notation. C’est la pratique normale que deux personnes siègent au comité d’évaluation. Mme Farnsworth n’a participé qu’à l’exercice d’évaluation de la bonne personne et à l’examen des documents utilisés pour évaluer les candidats. Ses commentaires sur les outils utilisés pour évaluer les candidats n’étaient pas importants.

69        La plaignante a obtenu 4 points sur 10 pour la question 3. Bien qu’elle ait abordé la collecte de renseignements et qu’elle ait posé les bonnes questions, elle a fait référence à des cultures alors que la question portait sur les punaises des lits. Aucune des mesures prises n’a été abordée, que ce soit en ce qui concerne la communication avec l’inspecteur avant d’organiser une visite ou l’approche à prendre relativement à la directive et à la politique. Selon M. Mori, la réponse de la plaignante satisfaisait au critère [traduction] « saisit certains points, mais des faiblesses étaient évidentes ».

70        La note de 5 sur 10  a été accordée à la plaignante pour la question 4, et ce, parce qu’elle a identifié le fait que l’appauvrissement décrit dans la question pouvait ne pas être entièrement attribuable aux pesticides et qu’elle trouverait d’autres partenaires pour lui venir en aide. Cependant, elle n’a pas mentionné les rôles régionaux ou nationaux. Elle a saisi certains des points, mais il y avait des faiblesses évidentes. Il est attendu que le titulaire de ce poste reconnaisse l’approche et approfondisse la question. Il est également attendu qu’il mène des consultations avec le partenaire national et qu’il soit en mesure d’identifier la nécessité de mener des enquêtes et des inspections conjointes, et ainsi de suite.

71        M. Fancy a noté l’examen de la plaignante de manière indépendante et il lui a  accordé la note de 5 sur 10 pour la question 3, et de 4 sur 10 pour la question 4. M. Mori et lui ont discuté de leurs notes. Le résultat figure dans le rapport du comité d’évaluation. Selon M. Mori, M. Fancy était l’expert dans le domaine. Ils n’étaient pas d’accord sur les notes relatives aux questions 1 et 2. Pour la question 1, M. Mori a accordé une note de 6 sur 10, mais M. Fancy lui a donné 10 sur 10. M. Mori estimait que la réponse était incomplète. Toutefois, étant donné l’expérience accrue de M. Fancy dans ce domaine, il a accepté l’évaluation de M. Fancy, comme il l’a fait pour les réponses de tous les candidats à toutes les questions.

72        Pour les questions 3 et 4, leurs évaluations des réponses de la plaignante ne différaient pas beaucoup. Ils étaient d’accord que la question 3 méritait 4 sur 10 et que la question 4 méritait 5 sur 10. La réponse de la plaignante à la question 4 était meilleure que celle de la question 3 en ce qui concerne la satisfaction des exigences. Seulement 3 candidats sur 18 ont réussi l’examen.

73        Une discussion téléphonique informelle a eu lieu entre M. Mori et la plaignante. M. Mori lui a dit à quelles questions d’examen elle avait échoué. Il a passé en revue les questions 1 et 2 et lui a donné ses notes. Il a fait la même chose pour les questions 3 et 4, et lui a expliqué pourquoi elle avait obtenu ces notes. Elle s’est informée de la personne nommée, et il a confirmé qu’elle avait réussi l’examen. Elle n’a posé aucune question sur la composition du comité d’évaluation. Ce comité a évalué Mme Walker complètement en utilisant le même barème de notation, et il a conclu qu’elle était entièrement qualifiée.

74        L’intimé a cité M. Fancy, le chef de section des Opérations des programmes de conformité du ministère, à témoigner. Son poste est classifié SG-07. Il a expliqué que son directeur général avait donné son nom à titre de volontaire pour évaluer le processus de nomination en cause. Il n’avait jamais rencontré M. Mori et n’avait aucune connaissance préalable de la plaignante. Lui et Mme Farnsworth ont participé à l’examen de l’énoncé des critères de mérite et du barème de notation. Leurs commentaires respectifs n’étaient pas majeurs ni importants. Son adjointe et Marla Kirk, l’adjointe administrative exécutive de M. Mori, ont administré l’examen. Une fois tous les examens numérisés en documents PDF, Mme Kirk les lui a acheminés.

75        M. Fancy a envoyé à M. Mori les résultats de ses évaluations et ils en ont discuté par téléconférence. Ils ont repassé chacune des questions pour s’assurer que leur évaluation correspondait au barème de notation et qu’elle était conforme à chacune de leurs approches. Ils ont essayé d’en venir à un consensus sur toutes les notes. Quant à la plaignante, M. Fancy lui avait accordé des notes légèrement plus élevées que M. Mori pour les questions 1 et 2, mais pour les deux autres questions, leurs notes étaient proches, soit 4 et 5 sur 10 respectivement.

76        L’énoncé des critères de mérite exigeait une capacité manifeste à élaborer une approche réglementaire, ce qui était vérifié aux questions 3 et 4. Il s’agissait de questions opérationnelles, que l’on rencontre habituellement dans le secteur de la lutte antiparasitaire. Elles exigeaient la démonstration d’une connaissance législative et de la façon de composer avec les exigences provinciales. La réponse de la plaignante à la question 3 ne portait pas sur le produit dont il était question. La question mentionnait que des décès étaient survenus en lien avec la consommation de certains produits et, par conséquent, les candidats devaient faire une évaluation des risques pour assurer la sécurité. La question portait sur l’utilisation des produits contre les punaises de lits à l’intérieur du domicile; cependant, la plaignante a discuté des produits utilisés sur des cultures, ce qui ne correspondait pas au scénario présenté. Elle a donné peu de détails en ce qui concerne les étapes à suivre, comme la consultation préalable et les coûts.

77        La question 4 concernait un pêcheur qui se plaignait de l’utilisation de pesticides sur une ferme adjacente. Un bon nombre d’organisations étaient identifiées. Lors du traitement d’une plainte, la préoccupation la plus importante consiste à éviter d’impliquer un trop grand nombre d’organisations. Le ministère a un rôle à jouer pour déterminer les cas de non-conformité et s’il est nécessaire d’impliquer d’autres paliers de gouvernement. Les candidats devaient expliquer pourquoi ils impliqueraient ces autres paliers. La personne nommée a satisfait aux critères de présélection et a obtenu de bonnes notes sur les trois premières questions. Cependant, comme certains autres, elle a eu de la difficulté avec la dernière question. Les deux dernières questions portaient sur les capacités et les candidats devaient obtenir une note de passage de 6 sur 10 pour chacune des deux questions.

78        En contre-interrogatoire, M. Fancy a affirmé que l’examen était conçu pour évaluer la capacité d’aborder une situation de non-conformité, et ce, dans le but de s’assurer que le candidat comprenait les risques associés et que ces risques étaient évalués et traités de façon appropriée. L’examen était conçu pour identifier les meilleurs candidats.

79        Au départ, 19 candidats participaient au processus de nomination. Trois ou quatre d’entre eux se sont retirés ou n’ont pas écrit l’examen. Trois candidats ont été retenus et ont été ajoutés au bassin de candidats qualifiés. Les critères de présélection étaient peu rigoureux, mais la notation de l’examen était stricte. M. Fancy n’a pas envisagé la possibilité que les questions étaient trop difficiles puisque trois candidats avaient réussi l’examen, ce qui justifiait la poursuite du processus de nomination. Bien que la plaignante ait soutenu que le comité d’évaluation avait accordé des notes trop généreuses à l’examen de la personne nommée, à l’audience, elle n’a posé aucune question, ni à M. Mori ni à M. Fancy, au sujet de l’examen de la personne nommée. Je ne suis saisie d’aucune preuve voulant que l’examen de la personne nommée ait été noté de façon inéquitable; je n’ai que la simple affirmation de la plaignante.

80        Le TDFP a examiné de nombreux cas où un plaignant conteste l’évaluation de sa candidature par un comité d’évaluation. La LEFP n’autorise pas la Commission à évaluer les candidats en vue de la nomination. Ce pouvoir est accordé à la CFP en vertu de l’alinéa 30(2)a), et peut être délégué aux administrateurs généraux conformément au paragraphe 15(1). L’article 36 accorde une grande marge de manœuvre pour déterminer les méthodes d’évaluation à utiliser dans un processus de nomination (voir, par exemple, Visca c. Sous-ministre de la Justice, 2007 TDFP 24, aux paragraphes 51 à 53). Toutefois, il n’est pas sans entrave. Comme il est noté dans Tibbs, le pouvoir discrétionnaire dans le cadre d’un processus de dotation doit s’exercer conformément à la nature et à l’esprit de la LEFP. Il est contrôlé par les principes directeurs de la LEFP, qui reconnaît que le gouvernement du Canada s’est engagé à des pratiques d’emploi équitables et transparentes.

81        La Commission doit plutôt tenter de déterminer si la preuve démontre, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu abus de pouvoir dans le cadre de l’évaluation (voir, par exemple, Canada (Procureur général) c. Lahlali, 2012 CF 601, aux paragraphes 42 à 46). Bien qu’une allégation de harcèlement commis par un des évaluateurs puisse être un facteur pour déterminer s’il y a eu abus de pouvoir, ce harcèlement de la part de l’évaluateur doit être prouvé.

82        Pour établir la partialité, il n’est pas nécessaire de constater une partialité réelle. Une crainte raisonnable de partialité peut constituer un abus de pouvoir. La TDFP et la Commission ont appliqué le critère de crainte raisonnable de partialité dans bien des cas de dotation comportant des allégations de partialité. (Voir, par exemple, Gignac c. le sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux, 2010 TDFP 10, qui a adapté le critère établi dans Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394, et Baker c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux, 2015 CRTEFP 19.) Dans Gignac, le TDFP a affirmé ce qui suit, au paragraphe 74 : « Si un observateur relativement bien renseigné peut raisonnablement percevoir de la partialité de la part d’une ou plusieurs personnes chargées de l’évaluation, le Tribunal pourra conclure qu’il y a abus de pouvoir ». La personne qui fait une allégation de partialité doit s’acquitter du fardeau de démontrer l’existence de partialité ou d’une crainte raisonnable de partialité. Une probabilité réelle de partialité doit être démontrée. Le simple fait de le soupçonner ne suffit pas; voir R. c. S. (R.D.), [1997] 3 RCS 484, au paragraphe 112, et Arthur c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 223, au paragraphe 8.

83        Par conséquent, je dois déterminer si un observateur relativement bien renseigné pouvait raisonnablement percevoir la partialité de la part de M. Mori dans l’évaluation de l’examen de la plaignante. Même s’il était au courant des griefs de la plaignante et de ses allégations de harcèlement, ceux-ci ne le visaient pas directement. Le fait de présenter un grief ou une plainte ne suffit pas en soi pour donner lieu à une crainte raisonnable de partialité. (Voir Saunders c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2014 TDFP 13, au paragraphe 39.) De plus, le comité d’évaluation était composé de trois personnes, dont deux ne connaissaient pas la plaignante.

84        La plaignante n’a pas établi que M. Mori avait exercé son pouvoir d’une manière partiale ou biaisée. Au contraire, la preuve a établi que tous les candidats ont été évalués de manière uniforme et équitable, et que lorsqu’il y avait une différence entre les évaluations des membres du jury, M. Mori s’en remettait à M. Fancy, qui était l’expert en la matière et qui n’avait aucune impression préconçue à l’égard de la plaignante. Les explications de M. Fancy sur les notes d’échec de la plaignante pour chacune des questions 3 et 4 sont tout à fait raisonnables. Selon les faits dont je suis saisie, je conclus que la plaignante n’a pas démontré qu’un observateur relativement bien renseigné aurait raisonnablement perçu la partialité de la part du jury d’évaluation dans l’évaluation de son examen.

85        Par conséquent, je conclus que la plaignante ne s’est pas acquittée de son fardeau d’établir qu’il y avait crainte de partialité ou partialité de la part de l’intimé dans son évaluation de l’examen de la plaignante.

C. Question III – Dans son évaluation de la plaignante, l’intimé a-t-il fait preuve de discrimination à son égard fondée sur un motif de distinction illicite, en violation de la LCDP?

86        La plaignante a allégué que la véritable raison de son échec aux questions 3 et 4 de l’examen écrit était qu’elle souffrait d’anxiété, de crises de panique et de maladies liées au stress découlant du harcèlement et de la discrimination qu’elle subissait au travail. Elle était aussi une mère monoparentale qui s’occupait d’un jeune enfant et d’un parent âgé.

87        Sa santé a été changée pour toujours. Elle est blessée et se sent comme un échec. Par conséquent, elle se sent comme une moins que rien. La direction l’a accusé de faire semblant d’être malade et croyait qu’elle était folle, névrosée, et  qu’elle inventait tous ses problèmes.

88        En contre-interrogatoire, la plaignante a affirmé que la direction lui avait refusé sa demande de mesures d’adaptation pour allaiter son enfant, qu’elle avait décidé d’allaiter jusqu’à l’âge de trois ans, et pour s’occuper d’un parent âgé. La direction n’aimait pas les parents seuls. Elle désignait certains postes comme [traduction] « féminins ». Les femmes et les personnes faisant partie de minorités visibles en raison de la race étaient traitées différemment. Son gestionnaire et sa superviseure n’avaient pas d’enfants. Elle n’a pas réussi pour tous ces motifs.

89        Mme Deol ne savait pas si certaines personnes avaient été délibérément exclues des occasions de nominations intérimaires. Elle ne savait pas si des personnes handicapées avaient déjà été promues. Elle ne savait pas comment M. Mori traitait la plaignante. Elle a affirmé qu’il était amical envers le personnel, mais qu’il était réservé et tranquille. Elle s’est souvenue avoir pu utiliser un congé pour obligations familiales sans se faire questionner à ce sujet. Auparavant, elle avait le droit de travailler occasionnellement de la maison, mais Mme Sealling y a mis fin. Elle n’a pas déposé de plainte officielle.

90        M. Lee était reconnaissant du fait qu’il pouvait travailler selon un horaire de travail comprimé. M. Shelley, en tant que gestionnaire, tranchait les demandes de télétravail. M. Lee doute que le télétravail soit approuvé régulièrement. Il a eu très peu de contact direct avec M. Mori, puisqu’il n’a aucune responsabilité directe en lien avec le niveau de travail qu’il effectue. Il n’a aucun souvenir d’une formation sur le harcèlement ou la discrimination offerte par l’intimé. Il n’y a eu aucune formation sur le harcèlement au ministère depuis 2008.

91        Selon M. Mori, toutes les évaluations des candidats, y compris celle de la plaignante, étaient fondées sur le mérite et sur la question de trouver la bonne personne pour le poste. Il n’était pas au courant des allégations de discrimination de la plaignante et d’un traitement distinct au travail après avoir eu un enfant. Il n’était au courant d’aucune incapacité qu’elle pouvait avoir. Elle n’a jamais demandé de mesures d’adaptation pour une incapacité.

92        En contre-interrogatoire, M. Mori a affirmé qu’il n’était au courant d’aucun grief ou plainte en harcèlement. Cependant, il s’est souvenu d’une rencontre avec la plaignante où elle a demandé de discuter de questions de santé et de sécurité au travail. Il l’a informée qu’elle pouvait aborder la question avec M. Shelley, son gestionnaire hiérarchique. Il s’est souvenu qu’elle s’était plainte que Mme Sealling avait demandé à des étudiants de lui appliquer du vernis sur les ongles d’orteils au bureau, mais il ne souvient pas que cela ait été caractérisé de harcèlement.

93        Toujours en contre-interrogatoire, M. Mori s’est souvenu d’un échange par courriel avec la plaignante concernant M. Shelley et son refus de la rencontrer. Il s’est souvenu qu’elle s’était effondrée ou avait eu une crise d’anxiété dans le bureau de M. Shelley, et qu’elle avait dû être accompagnée chez elle par un autre membre du personnel avant de prendre un congé de maladie pendant plusieurs années. Il s’est vaguement souvenu d’un grief qu’elle avait déposé en 2006 concernant du harcèlement impliquant M. Shelley et de sa demande d’obtenir un certificat médical de son psychologue attestant qu’elle ne pouvait pas avoir de contact direct avec lui et qu’il s’agissait d’une mesure d’adaptation de bonne foi.

94        L’article 80 de la LEFP prévoit que pour déterminer si une plainte est justifiée en vertu de l’article 77, la Commission peut interpréter et appliquer la LCDP.

95        Puisque la plaignante a soutenu qu’elle avait fait l’objet de discrimination au sens de la LCDP, elle était tenue d’aviser la Commission canadienne des droits de la personne de sa plainte, conformément à l’article 78 de la LEFP. Le 24 février 2014, la Commission canadienne des droits de la personne a signalé qu’elle n’avait pas l’intention de présenter d’observations à ce sujet.

96        L’article 7 de la LCDP souligne que le refus direct ou indirect d’employer ou de continuer d’employer un individu ou de le défavoriser en cours d’emploi constitue un acte discriminatoire s’il est fondé sur un motif de distinction illicite. L’article 3 énumère les motifs de distinction illicite, qui incluent l’incapacité et la situation familiale.

97        Dans le contexte des droits de la personne, la plaignante a le fardeau d’établir une preuve suffisante jusqu’à preuve du contraire qu’il y a discrimination. Dans Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536 (mieux connu comme l’arrêt O’Malley), la Cour suprême du Canada a établi le critère pour établir une preuve suffisante jusqu’à preuve du contraire (au paragraphe 28) :

[…] Dans les instances devant un tribunal des droits de la personne, le plaignant doit faire une preuve suffisante jusqu’à preuve contraire qu’il y a discrimination. Dans ce contexte, la preuve suffisante jusqu’à preuve contraire est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l’absence de réplique de l’employeur intimé […]

98        Il suffit pour la plaignante de démontrer que la présumée discrimination était un des facteurs, non le seul facteur ni même le facteur principal, dans la décision de l’intimé de ne pas la sélectionner dans ce processus de nomination pour satisfaire au critère de la preuve suffisante jusqu’à preuve du contraire. (Voir Holden c. Cie des chemins de fer nationaux du Canada (1991), 14 C.H.R.R. D/12, au paragraphe 7 (F.C.A.).)

99        Si la plaignante établit une preuve suffisante de discrimination jusqu’à preuve du contraire, il incombe alors à l’intimé de donner une explication raisonnable non discriminatoire de ses actes.

100        Les arguments de la plaignante à l’appui de ses allégations de discrimination fondée sur l’incapacité et la situation familiale sont fondés sur son affirmation qu’elle souffrait d’anxiété, de crises de panique et de maladies liées au stress en raison du harcèlement qu’elle subissait au travail et au fait qu’elle était une mère monoparentale qui s’occupait d’un jeune enfant et d’un parent âgé.

101        Bien que la Commission puisse accorder un poids à la croyance de la plaignante, comme l’a affirmé le Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP), « le fait de croire abstraitement qu’une personne fait l’objet de discrimination, sans qu’il existe un certain fait qui le confirme, n’est pas suffisant ». (Voir Filgueira c. Garfield Container Transport Inc., 2005 TCDP 32, au paragraphe 41; demande de contrôle judiciaire refusée : 2006 CF 785.)

102        Dans l’affaire dont je suis saisie, aucune preuve factuelle ne confirme la croyance de la plaignante que son incapacité ou sa situation familiale ont constitué un facteur dans la décision de l’intimé de l’éliminer du processus de nomination. Il n’y a pas suffisamment de preuve pour établir qu’il s’agit d’un cas de discrimination prima facie. Par conséquent, je conclus que la plaignante n’a pas démontré que l’intimé a fait preuve de discrimination à son égard dans ce processus de nomination.

103        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance suivante :

III. Ordonnance

104        La plainte est rejetée.

Le 16 février 2018.

Traduction de la CRTESPF

Chantal Homier-Nehmé,
une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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