Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a été éliminé du processus de nomination à l’étape de l’examen écrit – il a soutenu qu’il a été illégitimement éliminé parce qu’il était un sonneur d’alarmes – il a aussi soutenu que l’intimé s’était servi d’outils d’évaluation erronés et qu’il avait subi de la discrimination en raison de son âge – l’arbitre de grief a conclu que le plaignant n’avait pas démontré que l’intimé avait abusé de son pouvoir– rien dans la preuve n’indiquait que les membres du comité d’évaluation savaient qu’il était un sonneur d’alarmes – il a été éliminé du processus de nomination parce que ses réponses à l’examen écrit étaient incorrectes ou incomplètes – l’examen, le guide de correction et l’évaluation des réponses du plaignant n’étaient pas déficients ou erronés – ils étaient fondés sur la description de travail et portaient sur les qualifications requises pour l’emploi, essentielles ou autres – le plaignant n’a présenté aucune preuve à l’appui de son énoncé voulant que sa candidature ait été rejetée à cause de son âge.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20180514
  • Dossier:  EMP-2014-9419
  • Référence:  2018 CRTESPF 41

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

JEAN BEAUDOIN

plaignant

et

LE SOUS-MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié
Beaudoin c. Sous-ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien


Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir aux termes de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique


Devant:
Nathalie Daigle, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le plaignant:
Alain Tremblay, avocat
Pour l'intimé:
Andréanne Laurin, avocate
Pour la Commission de la fonction publique:
Claude Zaor (observations écrites)
Affaire entendue à Québec (Québec)
les 12-13 décembre 2017

MOTIFS DE DÉCISION

Introduction

1        Jean Beaudoin (le « plaignant »), a posé sa candidature à un poste de conseiller en gouvernance, classifié au groupe et au niveau PM-05, au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (AINC) (au moment de l’annonce de poste, le ministère était nommé « Affaires autochtones et Développement du Nord Canada »), à Québec (Québec). Sa candidature a été rejetée à l’étape de l’examen écrit. Le plaignant soutient que le sous-ministre d’AINC (l’ « intimé »), a abusé de son pouvoir discrétionnaire en rejetant sa candidature de façon illégitime pour un motif non relié au processus de dotation. Le plaignant s’est défini comme un sonneur d’alarmes et, selon lui, c’est pourquoi l’intimé a rejeté sa candidature. Il soutient aussi que l’intimé s’est fondé sur des éléments insuffisants, soit des outils d’évaluation erronés, pour rejeter sa candidature. Enfin, il allègue que l’intimé a fait preuve de discrimination à son endroit en raison de son âge.

2        L’intimé nie avoir abusé de son pouvoir dans le cadre du processus de nomination et dans l’évaluation des qualifications du plaignant. Il maintient que les outils d’évaluation étaient adéquats et que le plaignant n’a pas été victime de discrimination.

3        La Commission de la fonction publique (CFP) n’était pas présente lors de l’audience, mais elle a présenté des observations écrites concernant ses politiques et ses lignes directrices applicables. Elle n’a pas pris position sur le bien-fondé de la plainte.

4        Pour les motifs énoncés ci-après, la plainte est rejetée. Le plaignant n’a pas démontré que l’intimé a abusé de son pouvoir dans le cadre de ce processus de nomination.

Contexte

5        Le 31 mars 2014, l’intimé a lancé un processus de nomination interne annoncé pour doter cinq postes semblables, classifiés au groupe et au niveau PM-05, à Québec (Québec). Ces postes étaient ouverts aux fonctionnaires occupant un poste dans la région de Québec, incluant la région de la capitale nationale. Le plaignant a posé sa candidature à ce processus.

6        Dans le cadre de ce processus, un examen du curriculum vitae a tout d’abord été effectué pour évaluer les études et les qualifications essentielles relatives à l’expérience. Un examen de communication écrite du Centre de psychologie du personnel de la CFP a ensuite été effectué, suivi d’un examen écrit pour évaluer plusieurs qualifications essentielles relatives aux capacités. La candidature du plaignant a initialement été rejetée à l’étape de la présélection au motif qu’il ne possédait pas la qualification relative aux études. Toutefois, à la suite d’un échange entre les parties sur cette question, l’intimé a décidé de réintégrer le plaignant dans le processus.

7        À l’examen écrit, le plaignant a échoué à la question liée à la qualification essentielle relative à la capacité à gérer des ressources financières. Après cet examen, le comité d’évaluation a conclu que le plaignant ne possédait pas cette qualification essentielle et sa candidature a été éliminée.

8        Les candidats qualifiés à l’issue du processus de sélection ont été ajoutés à des bassins de candidats utilisés pour diverses nominations.

9        Une Notification de nomination ou de proposition de nomination a été publiée le 10 novembre 2014, annonçant la nomination de Catherine Langlais (la « personne nommée »). Le 25 novembre 2014, le plaignant a déposé une plainte d’abus de pouvoir à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique en vertu de l’art. 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13) (la « LEFP »).

10        Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») et la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral.

Questions en litige

11        La Commission doit trancher les cinq questions suivantes afin de déterminer s’il y a eu abus de pouvoir:

  1. L’intimé a-t-il illégitimement rejeté la candidature du plaignant pour un motif non lié au processus de dotation?
  2. L’intimé a-t-il illégitimement rejeté la candidature du plaignant au moment de la présélection avant de le réintégrer dans le processus?
  3. L’intimé a-t-il utilisé des outils d’évaluation déficients ou erronés?
  4. L’intimé a-t-il incorrectement évalué une réponse du plaignant?
  5. L’intimé a-t-il rejeté la candidature du plaignant de façon discriminatoire?

Analyse

12        Le paragraphe 77(1) de la LEFP prévoit que la personne qui est dans la zone de recours peut présenter à la Commission une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir. Comme il est indiqué dans Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, au paragraphe 66, « […] l’abus de pouvoir comprendra toujours une conduite irrégulière, mais la mesure dans laquelle la conduite est irrégulière peut déterminer si elle constitue un abus de pouvoir ou non ». Le plaignant doit s’acquitter du fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu abus de pouvoir.

Question 1 : L’intimé a-t-il illégitimement rejeté la candidature du plaignant pour un motif non lié au processus de dotation?

13        Le plaignant a présenté un témoignage à l’audience. Il a également cité les membres du comité d’évaluation du processus de dotation à témoigner, soit Anick Giguère, gestionnaire, Emploi, jeunesse et éducation, Marie-Claude Leclerc, maintenant à la retraite, préalablement gestionnaire, Gouvernance et développement des capacités, Pierrette Gourde, gestionnaire, Ententes de financement, et Marc Langlois, maintenant à la retraite, préalablement gestionnaire, Direction des services de financement. Camil Simard, directeur, Négociation, gouvernance et affaires individuelles, a également été cité à témoigner au nom de l’intimé.

14        Le plaignant a expliqué qu’il a commencé sa carrière dans la fonction publique fédérale en 1988. Il a occupé divers postes au fil des années. De 2008 à 2015, il a occupé un poste de gestionnaire, classifié PM-05, auprès de la section des fraudes majeures de la direction de l’intégrité, région du Québec, à Emploi et Développement social Canada (« EDSC »). Il a pris sa retraite de la fonction publique fédérale le 1er juin 2015, parce qu’il était victime de harcèlement psychologique au travail.

15        Dans son témoignage, le plaignant a raconté de manière détaillée ce qui s’est passé avant son départ à la retraite. Selon lui, il a été victime de représailles parce qu’il était un fonctionnaire divulgateur d’actes répréhensibles ou, dans ses mots à lui, un sonneur d’alarmes. Il a tenu à expliquer pourquoi, selon lui, l’intimé a rejeté sa candidature en raison de son rôle de sonneur d’alarmes.

16        Il a expliqué que le harcèlement psychologique dont il était victime au moment de prendre sa retraite avait débuté en 2009. À cette époque, il avait été impliqué dans un conflit avec un collègue et il s’en était plaint à sa directrice. Sa directrice s’était alors déplacée d’Ottawa à Québec pour s’occuper du problème. Finalement, selon le plaignant, elle l’avait tenu responsable du conflit; il était en pleurs lorsque sa rencontre avec elle s’est achevée. Ses problèmes avec sa supérieure ont ensuite empiré et il a eu besoin de counseling.

17        À sa demande, un processus de gestion de conflit a été amorcé. Le processus s’est poursuivi pendant un an. Deux accompagnatrices ont guidé le plaignant et sa directrice afin de les aider à résoudre leur conflit, en vain. Le plaignant a affirmé que sa directrice avait écouté une de ses conversations téléphoniques à son insu alors qu’il s’adressait, en tant que gestionnaire, à son équipe. Par la suite, elle l’aurait dénigré. Lorsqu’il en a eu connaissance, le plaignant a avisé les deux accompagnatrices, qui lui ont dit que ce n’était pas correct et qui lui ont recommandé d’en aviser la direction de l’intégrité de EDSC. C’est ce qu’il a fait. Il a précisé que la haute direction a par la suite avisé tous les gestionnaires de son ministère qu’il n’était pas approprié d’écouter les conversations téléphoniques d’autrui à leur insu.

18        À la lumière de ce qui précède, le 8 novembre 2011, le plaignant a déposé une plainte officielle de harcèlement contre sa directrice. Il a expliqué que son état de santé se détériorait. Il a été suivi par un psychologue et sa dépression a été soignée avec de la médication. Selon lui, toutefois, sa plainte de harcèlement a été gérée de façon douteuse. Il a trouvé suspect que sa directrice fasse l’objet d’une promotion à un autre poste. Il a expliqué qu’il avait également remarqué de plus en plus d’indices d’activités suspectes dans son ministère.

19        Par exemple, il s’est rendu compte qu’un haut fonctionnaire de son ministère n’appliquait pas un programme initié par Service Canada, soit le Programme d’amélioration continue, qui avait été instauré par la directrice principale de Service Canada. Le plaignant a donc jugé qu’il était opportun d’en informer la directrice principale de Service Canada. Le plaignant a expliqué que l’amélioration continue relevait aussi de sa responsabilité. Il a souligné que la directrice principale l’avait remercié d’avoir porté cette question à son attention.

20        Le plaignant a souligné avoir été par la suite victime de représailles de la part de représentants de son ministère, soit EDSC. À l’appui de cette allégation, il a souligné que son poste avait été touché lors du réaménagement des effectifs, en 2012.

21        Le plaignant a de plus fait valoir qu’à l’été 2012, son employeur a refusé de lui accorder les vacances demandées. Sa famille et lui avaient fait l’acquisition d’un forfait de vacances pour se rendre à Disney World, en Floride, et il n’a donc pas pu accompagner sa famille lors de ce voyage.

22        Le plaignant a précisé qu’il n’était pas représenté par un agent négociateur car il occupait un poste de direction. Or, en raison des problèmes qu’il rencontrait au travail, il a fait appel à un ancien représentant syndical d’AINC que lui et son épouse, qui travaille à AINC, connaissaient. Cet ancien représentant syndical a accepté de l’aider et de l’orienter dans le cadre de sa démarche contre EDSC. Selon le plaignant, il est possible que son nouvel allié ait discuté de sa situation épineuse avec ses propres collègues à AINC et que des employés de cette organisation aient entendu parler de lui avant qu’il ne pose sa candidature au poste classifié PM-05, à AINC.

23        Le plaignant a expliqué avoir par la suite présenté une plainte au Commissaire à l’intégrité du secteur public du Canada au sujet d’une présumée utilisation illégitime de fonds publics par EDSC pendant la période de réaménagement des effectifs. Le Commissaire a décidé de ne pas enquêter sur cette plainte.

24        Par la suite, le plaignant a pris l’initiative de rédiger un rapport pour souligner, entre autres, l’insatisfaction des employés de son ministère, soit EDSC, à la suite du sondage de 2011 de Statistique Canada sur la satisfaction des employés de la fonction publique fédérale. Le rapport du plaignant soulignait, entre autres, l’insatisfaction des employés de sa direction, soit la direction de l’intégrité. Il a expliqué que ce travail était en lien avec ses fonctions de gestionnaire des services au sein de cette direction.

25        Le 4 avril 2013, une mesure disciplinaire a été imposée au plaignant au motif qu’il avait outrepassé son mandat en rédigeant ce rapport. Selon le plaignant, il est possible que des personnes à AINC, où il a posé sa candidature, aient entendu parler de ce rapport critique.

26        Le 8 avril 2013, le plaignant a présenté un grief au sujet de la mesure disciplinaire qui lui a été imposée. Il a aussi présenté un grief au sujet de la décision de son employeur, EDSC, de refuser ses vacances à l’été 2012, et au sujet d’une note datée du 7 mars 2013.

27        Dans la même veine, le plaignant a demandé au Vérificateur général du Canada de mener une enquête au sujet d’une déclaration d’un haut représentant de EDSC
à la Chambre des Communes. Le plaignant croyait que la déclaration était erronée et il voulait que le Vérificateur général fasse le point sur cette question.

28        Le plaignant a affirmé qu’à partir de 2013, sa situation au travail est devenue de plus en plus difficile et que, par conséquent, il a pris un congé de maladie.

29        Il a expliqué qu’étant donné le désarroi qu’il vivait au travail, il a tenté de trouver un autre emploi, en vain. Il ne souhaitait pas prendre une retraite hâtive. Il a souligné avoir fait de nombreux efforts afin de se trouver un nouvel emploi au sein de son ministère et dans d’autres ministères de la fonction publique, toujours sans succès. De septembre à la fin décembre 2013, il a dit avoir postulé à une centaine de postes dans la fonction publique. Malgré tous ses efforts, sa recherche d’emploi n’a pas porté fruit. De plus, au cours de la période de réaménagement des effectifs,
il a tenté d’échanger son poste avec quelqu’un d’autre, mais il n’a pas réussi.

30        Le 19 avril 2014, il a posé sa candidature au poste classifié PM-05, à AINC. Avant de poser sa candidature, il a contacté Mme Gourde, gestionnaire et membre du comité d’évaluation, pour lui demander si AINC pouvait lui offrir une mutation dans l’un des postes PM-05 annoncés. Mme Gourde lui a répondu par la négative, car l’objectif d’AINC était de permettre au plus grand nombre de candidats possible de soumettre leur candidature et de créer un bassin pour combler les divers postes classifiés PM-05.

31        Au début de 2014, le plaignant a obtenu de son médecin un certificat médical qui précisait qu’il était apte à retourner au travail conditionnellement à un changement de lieu de travail. Par la suite, Santé Canada a aussi évalué son état de santé et a conclu qu’il ne pouvait plus travailler avec deux personnes de son milieu de travail.

32        Au printemps 2014, le plaignant est retourné au travail. Les deux personnes mentionnées par Santé Canada n’y étaient plus. Toutefois, le plaignant n’a pas été en mesure d’y rester plus d’une journée et il a opté pour un congé sans solde.

33        Le 29 juillet 2014, le plaignant a écrit l’examen dans le cadre du processus de dotation en litige.

34        Le 5 septembre 2014, l’intimé a informé le plaignant que sa candidature serait rejetée étant donné que, à l’examen écrit, il n’a pas satisfait au critère relatif à la capacité à gérer des ressources financières.

35        Durant la même période, le plaignant craignait que son employeur n’accumule les mesures disciplinaires à son égard dans le but de le licencier. Il s’est confié à son médecin puisqu’il estimait qu’il n’était plus capable de travailler dans son milieu de travail. Ce dernier lui a manifesté son soutien. Avant de prendre une retraite anticipée, le plaignant a toutefois demandé au sous-ministre de son ministère et au greffier du Conseil privé de l’aider à trouver un nouvel emploi. Aucune aide ne lui a été offerte.

36        Le 1er juin 2015, le plaignant a pris une retraite anticipée.

37        Le plaignant croit fermement que des médisances à son égard ont influencé la décision de l’intimé de rejeter sa candidature dans ce processus de dotation.

38        Les quatre membres du comité d’évaluation et le gestionnaire délégué responsable du processus ont témoigné à l’audience. Ils ont affirmé que les dénonciations du plaignant n’avaient rien à voir avec le rejet de sa candidature. Ils ont d’ailleurs précisé qu’ils n’avaient pas entendu parler des dénonciations du plaignant.

39        En ce qui concerne Mme Gourde, gestionnaire et membre du comité d’évaluation, elle a confirmé que le plaignant l’avait contacté en 2014, lorsqu’il a pris connaissance de l’annonce de possibilité d’emploi. Il lui avait alors demandé si AINC pouvait lui offrir une mutation de son poste à l’un des postes annoncés. Mme Gourde lui a répondu par la négative, car l’objectif du ministère était de permettre au plus grand nombre de candidats possible de soumettre leur candidature et de créer un bassin de candidats pour pourvoir les différents postes.

40        Mme Giguère, quant à elle, était la présidente du comité d’évaluation dans le cadre du processus de nomination en litige. Elle a expliqué que le processus avait été lancé pour pourvoir cinq postes semblables, classifiés au groupe et au niveau PM-05, à Québec. Les postes à combler étaient les suivants : (i) Agent principal, Ententes de financement; (ii) Conseiller en gouvernance; (iii) Conseiller principal, Éducation; (iv) Conseiller principal, Développement social; (v) Conseiller, Vérification et plans de mesures correctives. Un bassin de candidats devait aussi être établi pour doter des postes similaires.

41        Au début du processus, Mme Giguère et les trois autres gestionnaires membres du comité, Mme Gourde, Mme Leclerc et M. Langlois, ont conçu ensemble l’examen visant à évaluer les capacités. Les membres du comité ont aussi conçu le guide de correction et choisi la pondération à attribuer à chaque question avant l’administration de l’examen. Mme Giguère a précisé qu’un représentant des ressources humaines avait révisé tous les outils conçus et utilisés dans le processus, y compris l’examen et le guide de correction.

42        Le 29 juillet 2014, le plaignant a fait l’examen écrit qui servait à évaluer les qualifications suivantes : analyse de situation complexe et recommandation à la gestion, et capacité à gérer des ressources financières.

43        La première question de l’examen, qui servait à évaluer les qualifications relatives à la capacité à analyser des situations complexes et à la capacité à élaborer des recommandations à l’intention de la gestion, comprenait une mise en situation. Cette qualification était évaluée en deux parties, tout d’abord au moyen d’un examen écrit et, dans le cas des candidats ayant réussi l’examen, au moyen d’une entrevue. Le plaignant a obtenu un résultat de 2 pour sa réponse à cette question. Dans l’éventualité où il aurait été invité en entrevue, ce résultat aurait été additionné au résultat de l’entrevue.

44        Les questions 2 et 3 de l’examen évaluaient la qualification relative à la capacité à gérer des ressources financières. La réponse à la question 2 représentait 30 % de la note totale pour cette qualification et la réponse à la question 3 représentait 70 % de la note totale pour cette qualification. Il était prévu que les candidats qui n’obtenaient pas la note de passage pour cette qualification essentielle ne seraient pas invités à l’entrevue.

45        Le plaignant a obtenu un résultat de 4 sur 7 à la question 2, et de 2 sur 7 à la question 3. Comme il n’a pas obtenu la note de passage pour cette qualification (capacité à gérer des ressources financières),  il n’a pas été invité à l’entrevue.

46        En ce qui concerne la question 2, qui portait sur un calcul, le résultat du plaignant était proche de celui recherché par l’intimé, mais il n’était pas exact.
En ce qui concerne la question 3, Mme Leclerc a expliqué que le guide de correction comprenait 10 facteurs que les candidats pouvaient aborder dans leur réponse, le dixième étant toute autre réponse pertinente. Le plaignant n’a soulevé que 3 facteurs pertinents dans sa réponse. Plus précisément, le comité a noté que les facteurs 1, 4 et 7 du guide de correction avaient été abordés, mais pas les autres. M. Langlois a ajouté à l’audience que la réponse du plaignant à cette question était médiocre et comportait peu d’éléments recherchés.

47        N’ayant pas obtenu la note de passage pour cette qualification, le plaignant a été éliminé du processus. Après avoir été informé qu’il n’avait pas rencontré une des qualifications essentielles évaluées à l’examen, le plaignant a demandé à voir certains documents. Le 15 octobre 2014, M. Langlois a informé le plaignant de ce qui suit :

[]

En réponse à votre courriel ci-dessous, je vous informe que nous ne pouvons mettre en circulation une copie des questions d’examen et de son corrigé et non plus de votre examen, car le processus n’est pas terminé et que cet examen sera utilisé dans d’autres processus de dotation.

Cependant, nous pouvons avoir une discussion informelle avec vous au sujet de vos réponses écrites aux questions 2 et 3 mesurant la « Capacité à gérer des ressources financières ». Ces deux questions étaient complémentaires pour l’obtention d’une note finale et éliminatoires [sic] dans ce concours. La question 2 comptait pour 30% et la question 3 pour 70%. À la question 2, votre résultat a été de 4/7 et de 2/7 à la question 3 et votre note finale combinée pour ces deux questions a été de 2,8/7.

[…]

Laissez-moi savoir si vous désirez une discussion informelle concernant les résultats de votre examen écrit.

[…]

48        D’après le calcul fondé sur les pourcentages, la note finale du plaignant aurait dû être de 2,6 sur 7 et non de 2,8 sur 7, étant donné que 30 % de 4 équivaut à 1,2 et que 70 % de 2 équivaut à 1,4 (pour un total de 2,6). Il s’agit toutefois d’une erreur non significative. La note de passage pour cette qualification était de 4 sur 7.

49        Mme Giguère a expliqué que la pondération ne changeait pas en fonction des postes à combler. L’examen servait à évaluer un tronc commun de connaissances requises par tous les candidats pour occuper un poste classifié PM-05. Un candidat répondait aux critères du mérite s’il ou elle possédait à la fois les qualifications essentielles nécessaires pour accomplir le travail ainsi que toute autre qualification constituant un atout par rapport au travail à faire ou pour l’organisation.

50        Mme Giguère a aussi expliqué que parmi les membres du comité de sélection, trois d’entre eux ne connaissaient pas le plaignant. Toutefois, lorsque le comité a reçu la demande du plaignant visant sa réintégration au processus, Mme Leclerc a mentionné aux autres membres qu’elle avait déjà suivi 2 ou 3 cours à l’École nationale d’administration publique (ENAP) avec le plaignant en 2001 ou 2002, soit une douzaine d’années auparavant. À l’audience, Mme Leclerc ne se souvenait plus précisément d’avoir partagé cette information avec ses collègues en 2014. Toutefois, Mmes Giguère et Gourde ont confirmé avoir entendu Mme Leclerc dire qu’elle avait suivi des cours avec le plaignant au début des années 2000.

51        Enfin, Mme Leclerc a précisé à l’audience qu’elle ne connaissait pas bien le plaignant et qu’elle ne savait pas que, au cours de sa carrière, il avait sonné des alarmes au sujet d’actes qu’il jugeait répréhensibles dans la fonction publique.

52        M. Simard, quant à lui, a expliqué que l’intimé lui avait délégué le pouvoir de nomination de la personne nommée faisant l’objet de la plainte. À la conclusion du processus, le comité d’évaluation lui a recommandé la nomination de la personne. Après s’être assuré que cette personne possédait tous les critères de mérite, M. Simard a approuvé la nomination.

53        Selon le plaignant, il a été exclu du processus de dotation à cause de sa réputation et, par conséquent, une autre personne a été nommée au poste qu’il convoitait.

54        Il a fait valoir que le Tribunal de la dotation de la fonction publique (TDFP) avait énuméré cinq catégories d’abus de pouvoir dans Tibbs (supra), dont la suivante : « Lorsqu’un délégué exerce son pouvoir discrétionnaire dans une intention illégitime (incluant dans un but non autorisé, de mauvaise foi ou en tenant compte de considérations non pertinentes) ».

55        Selon le plaignant, l’intimé avait l’intention illégitime de l’exclure du processus de dotation puisqu’il est un sonneur d’alarmes. Selon lui, il a fait l’objet de représailles parce qu’il a signalé des problèmes d’abus et d’irrégularité dans le passé. Dans son témoignage, il a décrit en détail les plaintes, les dénonciations et les allégations d’irrégularités qu’il a présentées.

56        Le plaignant a de plus fait valoir qu’étant donné que l’ancien représentant syndical d’AINC avait accepté de lui fournir de l’aide dans ses démarches contre EDSC, un lien a été établi entre AINC, où il a posé sa candidature, et lui. Il a allégué que les employés d’AINC avaient probablement entendu parler de lui, car le représentant syndical était bien connu dans le milieu de travail. Selon lui, ce lien entre l’intimé et lui est la preuve d’une contamination du comité d’évaluation.

57        Le plaignant a également fait valoir qu’il existait un lien entre l’irrégularité qu’il a dénoncée à la directrice principale de Service Canada et AINC, étant donné que Service Canada dessert tous les ministères et que le programme de la directrice principale de Service Canada s’appliquait à AINC. Par conséquent, les employés d’AINC ont probablement entendu dire qu’il avait prévenu la directrice principale que certaines personnes n’appliquaient pas son programme.

58        Le plaignant a soutenu que l’intimé a agi de façon illégitime et irrégulière en l’excluant indûment du processus et que, par conséquent, il s’agit d’un abus de pouvoir, tel que défini par le juge de Montigny de la Cour fédérale dans Procureur général du Canada c. Lahlali, 2012 CF 601, aux paragraphes 37 à 40. Le plaignant m’a aussi renvoyée à Marcil c. le sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, 2011 TDFP 31, au paragraphe 30, où le TDFP souligne que l’abus de pouvoir peut être causé par certains cas d’erreurs, d’omission et de conduite irrégulière.

59        Selon le plaignant, comme dans Marcil, il a dénoncé des irrégularités. Selon lui, un observateur raisonnable et informé qui examinerait l’ensemble du processus, en particulier le rôle des membres du comité d’évaluation, conclurait qu’il y a eu abus de pouvoir. Plus précisément, dans Marcil, le plaignant a allégué que les membres du comité d’évaluation le voyaient comme un fauteur de troubles et qu’ils l’avaient puni pour une dénonciation. Dans cette affaire, le TDFP a conclu qu’un observateur raisonnable et informé n’aurait pas conclu qu’il y avait une crainte raisonnable de partialité de la part des membres du comité d’évaluation; le plaignant en l’espèce soutient que son cas est distinct et qu’il y a eu abus de pouvoir.

60        Enfin, le plaignant a fait valoir que sa liberté d’expression protégée par la Charte canadienne des droits et libertés a été brimée au motif que, dans sa réponse
à la question 3 de l’examen, il a énoncé des jugements personnels qui ont été jugés par le comité d’évaluation comme étant inappropriés. Ainsi, selon lui, des dommages en vertu de la Charte devraient lui être accordés si sa plainte est accueillie. Il a précisé qu’étant donné qu’il est à la retraite, il ne souhaite pas être réévalué et ne demande pas que le processus soit refait. Toutefois, il est temps, selon lui, de protéger
et de dédommager les fonctionnaires sonneurs d’alarmes qui essaient de dénoncer l’utilisation inappropriée de fonds publics.

61        En premier lieu, l’intimé a fait valoir que bien que le plaignant se caractérise comme un sonneur d’alarmes, cette caractéristique n’était pas connue du comité d’évaluation. Trois des membres du comité d’évaluation ont confirmé qu’ils ne connaissaient pas le plaignant au moment du processus. Mme Leclerc, quant à elle, a confirmé qu’elle avait suivi 2 ou 3 cours avec lui une douzaine d’années auparavant, mais qu’elle ne le connaissait pas davantage. Le comité a évalué tous les candidats de la même façon, en fonction de critères de sélection définis et d’un cadre de référence commun. Il a souligné que le plaignant n’a simplement pas répondu correctement aux questions d’examen. Bien que le plaignant soit en désaccord avec les indicateurs établis et les résultats, la méthode utilisée n’en est pas inéquitable pour autant.

62        En deuxième lieu, l’intimé a fait valoir qu’il n’existe aucune preuve que l’ancien représentant syndical d’AINC ou d’autres personnes le connaissant ont communiqué avec les membres du comité d’évaluation pour parler du plaignant. L’ancien représentant syndical n’a pas participé au processus de sélection.  De même, il n’existe aucune preuve que les membres du comité d’évaluation ont eu vent des échanges entre la directrice principale de Service Canada et le plaignant.

63        En troisième lieu, l’intimé a fait valoir qu’il est trop tard, à l’étape de l’audience, pour intenter une procédure de contestation en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés étant donné que ni la plainte ni les allégations du plaignant n’en faisaient mention. De toute façon, la réponse du plaignant à la question 3 de l’examen a été évaluée en fonction d’un guide de correction préétabli et personne n’a empêché le plaignant de dénoncer tout dysfonctionnement perçu.

64        En réplique, le plaignant a fait valoir que je devrais douter de la crédibilité des membres du comité d’évaluation et ne pas accorder de poids à leur témoignage étant donné qu’ils ont peut-être simplement nié à l’audience avoir entendu parler de lui avant de rejeter sa candidature.

65        Au regard de la preuve et du droit, je conclus que le plaignant n’a pas démontré que l’intimé a illégitimement rejeté sa candidature pour un motif non relié au processus de dotation. La preuve démontre plutôt que le plaignant a été évalué en fonction des critères de mérite établis pour les postes à pourvoir. À l’examen,
il n’a pas rencontré la qualification relative à la capacité à gérer des ressources financières et c’est pour cette raison qu’il a été exclu du processus.

66        Plus précisément, l’examen et le guide de correction ont permis d’évaluer de quelle façon les candidats répondaient aux critères de mérite spécifiés dans l’énoncé à cet égard. Le guide de correction définissait clairement les indicateurs de succès ou d’échec des réponses. Les réponses fournies par le plaignant aux questions 2 et 3 étaient incorrectes ou incomplètes. En définitive, le plaignant a obtenu une note de 2,6 sur 7 pour la qualification relative à la capacité à gérer des ressources financières. Ce résultat est inférieur à la note de passage requise pour la qualification évaluée et, par conséquent, le plaignant a été exclu du processus.
Il n’a pas été exclu au motif qu’il était un sonneur d’alarmes.

67        D’ailleurs, selon moi, il n’existe pas de raison de douter de la crédibilité des membres du comité d’évaluation. Je suis rassurée par le témoignage manifestement sincère et direct que ces personnes ont présenté. Elles ont décrit de manière détaillée le déroulement du processus décisionnel et, selon moi, elles étaient des témoins crédibles.

68        Enfin, au sujet de l’allégation du plaignant basé sur la Charte canadienne des droits et libertés, cette allégation n’a pas été soulevée dans les procédures écrites et a été présentée pour la première fois le jour de l’audience. Selon la règle générale, il est interdit de soulever de nouvelles allégations à l’audience, sauf dans des circonstances exceptionnelles. Somme toute, avant d’accepter ou non cette nouvelle allégation, il faut tenir compte du préjudice qui pourrait être causé à l’autre partie qui n’a pu présenter d’éléments de preuve en réponse à cette nouvelle allégation.

69        Les modalités relatives à la modification ou à la présentation d’une nouvelle allégation sont prévues à l’article 23 du Règlement concernant les plaintes relatives à la dotation dans la fonction publique, DORS/2006-6. Le paragraphe 23(1) spécifie que la modification ou l’ajout doit résulter d’une information qui n’aurait pas pu être raisonnablement obtenue avant que le plaignant ne présente ses allégations initiales.

70        En l’espèce, le plaignant n’a pas démontré que sa nouvelle allégation découle d’une information qui n’aurait pas pu être raisonnablement obtenue avant que le plaignant ne présente ses allégations initiales. Pour ces motifs, je ne tiendrai pas compte de la nouvelle allégation fondée sur la Charte.

71        De toute façon, rien au dossier ne révèle comment les commentaires inscrits par un membre du comité d’évaluation sur la copie de l’examen corrigé du plaignant ont touché ou restreint sa liberté d’expression. Or, sans cela, il ne peut y avoir de violation de la Charte.

72        Je conclus donc que le plaignant n’a pas démontré que l’intimé a illégitimement rejeté sa candidature pour un motif non lié au processus de dotation.

Question 2 : L’intimé a-t-il illégitimement rejeté la candidature du plaignant au moment de la présélection avant de le réintégrer dans le processus?

73        À l’audience, le plaignant a fait valoir que l’intimé avait également agi de façon illégitime en rejetant sa candidature au moment de la présélection avant de le réintégrer dans le processus.

74        Il a été démontré au moyen de la preuve que la candidature du plaignant a été éliminée du processus au moment de la présélection au motif qu’il n’avait pas démontré qu’il était titulaire d’un baccalauréat d’une université reconnue.
Il est néanmoins titulaire d’une maîtrise. Selon le plaignant, l’intimé a négligé d’apprécier ce diplôme et n’a pas examiné sérieusement les critères de mérite.

75        Mme Giguère a expliqué que la candidature du plaignant a d’abord été rejetée à l’étape de la présélection puisqu’il n’était pas clair qu’il rencontrait le critère relatif aux études, soit être titulaire d’un baccalauréat d’une université reconnue. Le plaignant mentionnait dans son curriculum vitae qu’il était titulaire d’une maitrise, mais non d’un baccalauréat. Le plaignant a toutefois demandé à être réintégré dans le processus de sélection au motif que sa maitrise équivaut ou est supérieure à un baccalauréat.

76        Une conseillère en ressources humaines de l’intimé a par la suite effectué des démarches afin de vérifier si l’intimé pouvait établir une équivalence et elle a communiqué avec le service des études supérieures du ministère de l’Éducation. Finalement, une conseillère stratégique de la CFP a informé la conseillère en ressources humaines qu’une équivalence n’était pas automatiquement accordée, mais que le gestionnaire devait déterminer si le niveau plus élevé d’études répondait aux exigences du poste à pourvoir.

77        Le comité de sélection a effectué cette analyse et a décidé de réintégrer le plaignant dans le processus. Le 10 juillet 2014, le plaignant a donc été invité à participer à l’examen de communication écrite (ECE-355) de la fonction publique.
Il a réussi cette étape.

78        L’intimé soutient qu’il a agi correctement en décidant, après la discussion informelle, de réintégrer le plaignant dans le processus.

79        L’article 47 de la LEFP prévoit qu’un candidat peut demander une discussion informelle lorsque sa candidature n’a pas été retenue dans un processus de nomination interne :

À toute étape du processus de nomination interne, la Commission peut, sur demande, discuter de façon informelle de sa décision avec les personnes qui sont informées que leur candidature n’a pas été retenue.

80        Dans Rozka c. Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2007 TDFP 46, au paragraphe 76, le TDFP a décrit en quoi consiste une discussion informelle :

La discussion informelle est un moyen de communication qui vise principalement à permettre à un candidat de discuter des raisons du rejet de sa candidature dans le cadre d’un processus. Si l’on découvre qu’une erreur a été faite, par exemple si le comité d’évaluation a omis de tenir compte de certains renseignements figurant dans la demande d’emploi du candidat, la discussion informelle donne l’occasion au gestionnaire de corriger son erreur. Toutefois, la discussion informelle ne doit pas constituer un mécanisme permettant de demander que le comité d’évaluation réévalue les qualifications d’un candidat.

81        En l’espèce, je note que l’intimé a respecté l’esprit de l’article 47 de la LEFP et qu’il n’a pas agi illégitimement comme le prétend le plaignant. L’intimé a accepté de réintégrer le plaignant dans le processus après avoir évalué le domaine dans lequel il avait obtenu sa maitrise. Le fait que le plaignant soit d’avis qu’il n’aurait pas dû au départ être exclu du processus à l’étape de la présélection ne veut pas dire qu’il y a eu abus de pouvoir.

82        Je conclus donc que le plaignant n’a pas démontré que l’intimé a illégitimement rejeté sa candidature au moment de la présélection avant de le réintégrer dans le processus.

Question 3 :           L’intimé a-t-il utilisé des outils d’évaluation déficients ou erronés?

(i) L’adoption d’une description de travail générique a-t-elle rendu les outils d’évaluation déficients ou erronés?

83        Le plaignant m’a renvoyé à Tibbs et a souligné qu’une autre catégorie d’abus de pouvoir y était mentionnée, soit : « Lorsqu’un délégué se fonde sur des éléments insuffisants (incluant lorsqu'il ne dispose d'aucun élément de preuve ou qu'il ne tient pas compte d'éléments pertinents) ».

84        Selon le plaignant, les outils destinés à évaluer les candidats, c’est-à-dire l’énoncé des critères de mérite, l’examen et le guide de correction, étaient déficients ou erronés étant donné que la description de travail des postes classifiés PM-05 a été modifiée au cours du processus de dotation. Ainsi, selon lui, la décision de l’intimé de rejeter sa candidature n’est pas fondée sur des éléments pertinents.

85        Au cours du processus de dotation qui a débuté en avril 2014 et qui s’est échelonné sur plusieurs mois, une description de travail générique pour les postes classifiés PM-05 a été finalisée. Cette nouvelle description de travail a remplacé, entre autres, l’ancienne description de travail du poste de conseiller, Gouvernance (volet stratégique). Un document déposé en preuve démontre que la nouvelle version de la description de travail d’un conseiller régional en développement des programmes, Gouvernance et développement des capacités, a été autorisée par Mme Leclerc le 28 juillet 2014.

86        Le plaignant, quant à lui, a fait son examen le lendemain, le 29 juillet 2014.

87        Le plaignant a soutenu que l’intimé ne pouvait pas évaluer les candidats en tenant compte des énoncés de critères de mérite établis au début du processus de dotation puisque ces critères reflétaient l’ancienne description de travail. Selon lui, tous les outils auraient dû être modifiés pour refléter la nouvelle description de travail générique.

88        Le plaignant a soutenu que dans Jolin c. Administrateur général de Service Canada, 2007 TDFP 11, au paragraphe 37, le TDFP confirme qu’il y a abus de pouvoir lorsqu’une méthode déficiente d’évaluation est choisie même si l’évaluation subséquente au moyen de la méthode déficiente peut paraitre tout à fait impartiale:

Exclure du recours de l’alinéa 77(1)a) le choix et l’utilisation de la méthode d’évaluation de la personne à nommer conduirait à une situation illogique qui va à l’encontre de l’esprit de la loi. Par exemple, un abus de pouvoir pourrait être commis dans le choix d’une méthode d’évaluation qui aurait pour effet de favoriser indûment un individu, ou de chercher à nuire à certains candidats ou de discriminer contre des personnes sur la base de leur sexe, âge et autres motifs illicites. L’évaluation qui suivrait en se servant d’une méthode déficiente pourrait paraître tout à fait impartiale mais l’abus de pouvoir aurait été commis dans le choix de la méthode pour évaluer la personne à nommer. Comme le Tribunal l’a indiqué dans la décision Tibbs, supra, le législateur n’aurait pu avoir l’intention de déléguer le pouvoir d’agir d’une façon si outrageuse, déraisonnable ou inacceptable.

89        Le plaignant a aussi fait valoir qu’il est possible que certains candidats aient utilisé l’ancienne description de travail pour se préparer à l’examen, alors que d’autres candidats pourraient avoir utilisé la nouvelle description de travail, et ce, malgré le fait que les outils d’évaluation ont été développés à partir de l’ancienne description de travail. Selon le plaignant, puisqu’une méthode déficiente d’évaluation a été choisie, le processus manque de crédibilité.

90        L’intimé a fait valoir que même si une description de travail générique a été adoptée le 28 juillet, soit un jour avant l’administration de l’examen, les tâches des postes classifiés PM-05 demeuraient les mêmes. L’objectif était simplement de favoriser une approche plus cohérente à la grandeur du pays. Ainsi, l’adoption d’une description de travail générique n’a pas causé de tort ou nui au processus de dotation. Tous les candidats ont été évalués de façon juste, équitable et transparente et les outils d’évaluation utilisés étaient fiables.

91        Il est à noter que l’article 36 de la LEFP confère à l’administrateur général le pouvoir de choisir les outils d’évaluation. Toutefois, les outils choisis peuvent donner lieu à une plainte d’abus de pouvoir. Par exemple, dans Jolin, au paragraphe 37, le TDFP a énoncé certains types d’outils déficients : soit des outils qui favorisent indûment certains candidats, qui visent à nuire à un candidat ou qui entraînent une discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite.

92        Dans le présent cas, il n’y a aucun élément de preuve qui me permet de conclure que l’énoncé de critère de mérite, l’examen ou le guide de correction, qui sont tous des outils utilisés dans ce processus, étaient déficients ou erronés parce qu’une description de travail générique a été adoptée par le ministère au cours de l’été.

93        Bien que le plaignant remette en question les outils utilisés étant donné la nouvelle description de travail générique, la preuve démontre que les tâches des postes classifiés PM-05 sont demeurées les mêmes. L’intimé a simplement adopté une description de travail générique pour les postes classifiés PM-05 afin de favoriser une approche plus cohérente à la grandeur du pays.

94        Les outils d’évaluation utilisés évaluaient donc des qualifications essentielles nécessaires ainsi que toute autre qualification constituant un atout par rapport au travail à faire qui, lui, n’avait pas changé. Je ne peux donc conclure que les outils d’évaluation étaient déficients ou erronés étant donné l’adoption de cette description de travail générique. Ensuite, il n’y a tout simplement pas de preuve qui m’amène à conclure que les outils d’évaluation ne pouvaient pas servir à évaluer correctement les critères de mérite.

95        Dans les circonstances, je conclus que le plaignant n’a pas démontré que l’intimé a utilisé des outils d’évaluation erronés pour rejeter sa candidature, au motif qu’une description de travail générique a été adoptée.

(ii) Une question de l’examen est-elle déficiente ou inadéquate parce qu’elle évalue une tâche non mentionnée dans la nouvelle description de travail générique?

96        Le plaignant a fait valoir un autre argument qui est semblable au précédent mais qu’il a évoqué de manière plus spécifique. Il a fait valoir que l’ancienne description de travail énonçait précisément la responsabilité de gérer une enveloppe budgétaire et que cette responsabilité n’est pas énoncée clairement dans la nouvelle description de travail.

97        Plus précisément, le plaignant a remis en question l’établissement de la qualification relative à la capacité à gérer des ressources financières car, selon lui, cette qualification ne figure pas dans la nouvelle description de travail. Il a fait valoir qu’une question de l’examen écrit était donc inadéquate puisqu’elle mesurait une qualification essentielle en fonction d’un poste à combler qui ne nécessite plus de connaissances en gestion des ressources financières.

98        L’intimé a souligné que le but du processus était de doter les cinq postes semblables classifiés au groupe et au niveau PM-05 qui figuraient sur l’annonce d’emploi. Selon lui, toutes les descriptions de travail de ces postes contiennent des éléments liés à la gestion des ressources financières. À partir de la description de travail signée le 28 juillet 2014, Mme Leclerc a identifié au moins trois responsabilités qui comportent l’obligation de gérer des sommes d’argent.

99        L’intimé a ajouté que, conformément à Visca c. Sous-ministre de la Justice, 2007 TDFP 24, au paragraphe 43, les gestionnaires ont toute la marge de manœuvre nécessaire pour décider quels critères sont les plus importants pour un poste donné, au moment du processus de sélection. On énonce aussi ce qui suit au paragraphe 42 de cette même décision:

Aux termes du paragraphe 30(2) de la LEFP, les gestionnaires disposent d’un pouvoir discrétionnaire considérable pour établir les qualifications liées au poste qu’ils souhaitent doter et pour choisir la personne qui non seulement satisfait aux qualifications essentielles mais représente la bonne personne pour occuper le poste visé. []

100         Ainsi, l’article 30(2) de la LEFP confère à l’intimé un vaste pouvoir en ce qui concerne l’établissement des qualifications exigées pour le travail à accomplir. L’énoncé des Lignes directrices en matière d’évaluation de la CFP exige que l’évaluation des candidats soit élaborée et mise en application de façon impartiale, exempte d’influence politique ou de favoritisme personnel et qu’elle n’entraîne pas d’obstacles systémiques, et que les méthodes d’évaluation utilisées permettent d’évaluer efficacement les qualifications essentielles et autres critères du mérite qui sont déterminés et qu’elles soient administrées de façon juste.

101         En l’espèce, en considérant les faits et le droit, je conclus que des responsabilités qui incluent l’obligation de gérer des sommes d’argent font partie
de la nouvelle description de travail, de même que de telles responsabilités faisaient partie de l’ancienne description de travail. Je conclus également que la décision de l’intimé d’exiger des candidats qu’ils possèdent cette qualification respectait l’article 30(2) de la LEFP et les Lignes directrices en matière d’évaluation de la CFP.

102         Dans les circonstances, je conclus que le plaignant n’a pas démontré que l’intimé a utilisé des outils d’évaluation déficients ou erronés pour rejeter sa candidature, au motif qu’une question de l’examen est déficiente ou inadéquate.

Question 4 : L’intimé a-t-il incorrectement évalué une réponse du plaignant?

103         Le plaignant a affirmé que l’intimé avait exercé son pouvoir discrétionnaire de mauvaise foi en lui accordant une note très sévère à la question 2 de l’examen.
Il a ajouté que sa réponse à la question 2 de l’examen, une question mathématique, était presque parfaite, mais qu’il n’a obtenu que 4 sur 7 pour son calcul honnête. Plus précisément, à la suite de son calcul, il a répondu que la réduction recherchée était de 822 696 $, alors que la réponse exacte était 822 344 $.

104         Le plaignant a soutenu qu’une personne raisonnable conclurait que la correction excessivement sévère de sa réponse ne repose sur aucun fondement rationnel.

105         À l’audience, Mme Leclerc a d’abord confirmé avoir regardé les réponses du plaignant à l’examen en préparation de son témoignage. Par la suite, elle a mentionné qu’à première vue, la réponse mathématique du plaignant lui semblait correcte et que la note de 4 accordée au plaignant pour cette réponse devait avoir été de 4 sur 4 à l’époque. À ce moment, trois années s’étaient écoulées depuis la correction des examens par le comité. Sur le corrigé de l’examen du plaignant, seul un 4 apparaît à côté de sa réponse à la question 2; la valeur de cette question n’est pas précisée. En réalité, le comité avait décerné une note de 4 sur 7 au plaignant pour cette question.

106         M. Langlois, pour sa part, a affirmé à l’audience que la réponse du plaignant n’était pas correcte et que le comité d’évaluation lui avait accordé une note de 4 sur 7. Il a expliqué qu’à l’époque, le comité avait accordé cette note parce que, selon le barème de correction, la méthode de calcul n’était pas juste et n’avait pas permis au plaignant d’atteindre la réponse exacte. Il a ajouté que, nonobstant ce fait, le plaignant a obtenu la note de passage pour cette question, soit 4 sur 7.

107         Comme je l’ai expliqué à l’audience, le rôle de la Commission n’est pas de reprendre ce processus, de réévaluer les notes attribuées à un plaignant par le comité ou de réviser la correction. Le rôle de la Commission est plutôt d’examiner le processus utilisé par l’administrateur général afin de déterminer s’il y a eu abus de pouvoir.

108         M. Langlois a expliqué pourquoi le comité avait conclu, il y a plus de trois ans, que la réponse du plaignant à la question 2 n’était pas entièrement satisfaisante. Il ressort de son témoignage non réfuté que la note obtenue par le plaignant est attribuable à son calcul déficient et à sa réponse imparfaite. Bien que la note de 4 sur 7 soit peut-être le résultat d’une correction sévère, l’abus de pouvoir constitue davantage que de simples erreurs ou omissions (voir Tibbs, au paragraphe 65).

109         Ainsi, j’estime que le comité d’évaluation n’a commis aucune erreur qui constituerait un abus de pouvoir en accordant la note de 4 sur 7 pour cette réponse. Enfin, une note plus élevée que 4 sur 7 n’aurait eu aucun impact significatif sur le fait que le plaignant a été exclu du processus. Même s’il avait obtenu 7 sur 7 pour cette question, sa note finale aurait été de 3,5 sur 7 (étant donné que 30 % de 7 équivaut à 2, 1 et que 70 % de 2 équivaut à 1,4). Somme toute, la note de passage pour cette qualification était de 4 sur 7.

110         À la lumière de tous ces faits, je conclus que le plaignant n’a pas établi que l’intimé a commis une erreur en lui accordant une note de 4 sur 7 pour la question 2.

Question 5 : L’intimé a-t-il rejeté la candidature du plaignant de façon discriminatoire?

111         Le 10 octobre 2014, le plaignant a écrit ce qui suit au comité d’évaluation après avoir été informé qu’il n’avait pas rencontré une qualification essentielle évaluée à l’examen :

[…]

Dans un contexte où l’âgisme est omniprésent, autant au public qu’au privé, je veux vérifier par moi-même s’il ne s’agirait [sic] pas de ce type de ségrégation dans ce cas-ci, ou d’autre chose qui n’aurait rien à voir avec mes compétences pour les postes que vous offrez, qui sont de même niveau que celui que j’occupe.

Merci de me fournir ce que je demande pour que je me fasse une idée claire de ce qui arrive dans ce processus.

112         Selon la preuve déposée par le plaignant, 79 personnes ont posé leur candidature à ce processus de dotation. Au bout du compte, 32 candidats ont été retenus à l’étape de la présélection, 26 candidats ont fait l’examen de la CFP et 24 ont fait l’examen évaluant les capacités. Quatre candidats ont réussi le deuxième examen.

113         Dans ses allégations, le plaignant a fait valoir ce qui suit :

[]

Deuxièmement, comme cela se fait ailleurs, on évite d’embaucher des personnes de mon âge autant au public qu’au privé, dont la représentation est d’environ 3 % dans la FP. Évidemment, ce n’est pas une chose facile à démontrer, à moins d’utiliser un sérum de vérité et de questionner les jurés de sélection individuellement.

114         Aux termes de l’article 80 de la LEFP, la Commission peut interpréter et appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) afin de déterminer si la plainte est fondée en vertu de l’article 77 de la LEFP.

115         En l’espèce, le plaignant affirme avoir été victime de discrimination fondée sur l’âge.

116         L’article 7 de la LCDP stipule que le fait de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu ou de le défavoriser en cours d’emploi par des moyens directs ou indirects constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite. L’article 3 de la LCDP énumère les motifs de distinction illicite, lesquels comprennent l’âge.

117         Lorsqu’il est question des droits de la personne, il incombe au plaignant d’établir une preuve prima facie de discrimination. Dans Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears,  [1985] 2 R.C.S. 536 (connue sous le nom de O’Malley), la Cour suprême du Canada a énoncé le critère permettant d’établir une preuve prima facie de discrimination à la page 558:

[…] Dans les instances devant un tribunal des droits de la personne, le plaignant doit faire une preuve suffisante jusqu’à preuve contraire qu’il y a discrimination. Dans ce contexte, la preuve suffisante jusqu’à preuve contraire est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l’absence de réplique de l’employeur intimé. […]

118         Pour établir une preuve prima facie de discrimination, le plaignant n’a qu’à démontrer que la discrimination faisait partie des facteurs qui ont poussé l’intimé à éliminer sa candidature du processus de nomination, peu importe s’il s’agissait d’un facteur unique ou d’un facteur principal (voir Holden c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (1990), 14 C.H.R.R. D/12 (C.A.F.), au paragraphe 7).

119         La Commission doit déterminer si l’allégation de discrimination formulée par le plaignant, dans la mesure où elle s’avère fondée, justifie une conclusion en faveur de ce dernier, en l’absence de réponse de l’intimé. À cette étape de l’analyse, la Commission doit donc déterminer si une preuve prima facie de discrimination a été établie, sans prendre en compte les explications de l’intimé (voir Lincoln c. Bay Ferries Ltd., 2004 CAF 204, au paragraphe 22).

120         Si le plaignant réussit à établir une preuve prima facie de discrimination, il revient alors à l’intimé de démontrer que sa décision n’était pas discriminatoire. Il peut soit fournir une explication raisonnable de sa décision d’éliminer la candidature du plaignant du processus de nomination ou invoquer une exception prévue par la LCDP.

121         En l’espèce, le plaignant est âgé dans la cinquantaine. Il affirme avoir été victime de discrimination en raison de son âge, car l’intimé évite d’embaucher des personnes de son âge. Or, il n’a présenté aucune preuve à l’appui de son énoncé voulant que sa candidature ait été rejetée à cause de son âge.

122         Dans Filgueira c. Garfield Container Transport Inc., 2005 TCDP 32, le Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP) a conclu qu’il doit y avoir quelque chose dans la preuve, indépendamment de ce que le plaignant croit, qui confirme ses soupçons. Le TCDP a exprimé cet énoncé de la façon qui suit dans un contexte différent:

[41] La question qui demeure est la suivante : Le fait qu’un employé croit qu’une personne d’un groupe ethnique différent fait le même travail et reçoit un salaire plus élevé est-il suffisant pour établir une preuve prima facie de discrimination? Je pense qu'il doit y avoir quelque chose de plus. Il doit y avoir quelque chose dans la preuve, indépendamment de ce que le plaignant croit, qui confirme ses soupçons. Je ne dis pas que ce que croit un plaignant n’a aucune force probante. Cela dépend des circonstances. Toutefois, le fait de croire abstraitement qu’une personne fait l’objet de discrimination, sans qu’il existe un certain fait qui le confirme, n’est pas suffisant.

123         Quand elle a rejeté la demande en contrôle judiciaire, la Cour fédérale a conclu que la conclusion du TCDP, selon laquelle la preuve était si minimale qu’elle n’avait aucun effet juridique, était appropriée au regard du critère de la preuve prima facie (voir 2006 CF 785).

124         En l’espèce, l’allégation du plaignant selon laquelle il a été victime de discrimination en raison de son âge n’est pas suffisante pour en arriver à une conclusion en sa faveur. Le plaignant n’a fourni aucun élément de preuve pour étayer ses propos. Outre l’opinion personnelle du plaignant, il n’y a aucune preuve démontrant que l’âge a constitué un facteur dans la décision de l’intimé d’éliminer la candidature du plaignant à la présélection.

125         Je conclus donc que le plaignant n’a pas établi une preuve prima facie de discrimination fondée sur l’âge.

126         Enfin, bien que la conclusion ci-dessus soit suffisante pour rejeter l’allégation de discrimination du plaignant, j’estime que l’intimé a néanmoins présenté une explication raisonnable de sa décision d’éliminer la candidature du plaignant du processus de nomination qui réfuterait l’allégation du plaignant si elle était acceptée.

127         Comme il a été établi ci-dessus, le plaignant n’a pas rencontré la qualification relative à la capacité à gérer des ressources financières et c’est pour cette raison qu’il a été exclu du processus. En octobre 2014, M. Langlois avait aussi répondu ce qui suit au plaignant en réponse à son allégation que son âge avait peut-être été un facteur dans la décision du comité d’évaluation de rejeter sa candidature: « Nous pouvons vous assurer que le comité de correction a agit [sic] avec honnêteté et impartialité dans la correction de tous les écrits, incluant le vôtre. »

128         De plus, les membres du comité d’évaluation ont tous affirmé que l’âge des candidats n’avait pas influencé les résultats des évaluations. Plus précisément, ils ont affirmé que l’âge n'était pas un facteur dans le processus de sélection. D’ailleurs,
ont-ils précisé, les outils d’évaluation ont été développés dans le but que tous les candidats soient placés sur le même pied d’égalité.

129         De même, les membres du comité d’évaluation ont ajouté que le plaignant a été éliminé à l’étape de l’examen écrit et qu’ils n’ont pas vu le plaignant lors de son examen.

130         En somme, la prépondérance de la preuve n’appuie pas l’allégation que l’âge du plaignant faisait partie des facteurs qui ont poussé l’intimé à rejeter sa candidature.

131         Je conclus donc que le plaignant n’a pas démontré que l’intimé a rejeté sa candidature de façon discriminatoire.

132         Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

133         La plainte est rejetée.

Le 14 mai, 2018.

Nathalie Daigle,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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