Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a allégué que l’employeur avait fait preuve de discrimination à son égard au motif de son incapacité en omettant de prendre des mesures d’adaptation à son endroit dans le lieu de travail et en l’obligeant à présenter des certificats médicaux, à prendre un congé non payé et à réduire ses heures pour travailler à temps partiel – la fonctionnaire s’estimant lésée a établi qu’elle avait une incapacité et que, au sein de l’environnement de travail qui lui a été fourni par l’employeur, soit un centre d’appels, son incapacité l’empêchait d’exécuter ses fonctions de manière appropriée – par conséquent, la formation de la Commission a conclu qu’elle avait établi une preuve prima facie au motif qu’elle avait été défavorisée en cours d’emploi en raison de son incapacité – toutefois, la formation de la Commission a conclu qu’une fois que l’employeur a reçu les documents médicaux à l’appui des restrictions et des limitations de la fonctionnaire s’estimant lésée, ce dernier a immédiatement entrepris une série de mesures, qui ont culminé avec l’offre d’un autre ministère que la fonctionnaire s’estimant lésée a accepté – la formation de la Commission a également conclu que tout retard qui a pu avoir lieu dans le cadre de la mise en œuvre de la mesure d’adaptation était imputable à la fonctionnaire s’estimant lésée – la formation de la Commission a conclu que l’employeur s’était acquitté de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation raisonnable dans les circonstances en accommodant de manière raisonnable la fonctionnaire s’estimant lésée – elle a conclu que l’employeur avait établi son moyen de défense légal fondé sur une EPJ et que, par conséquent, il n’avait commis aucun acte discriminatoire à son égard – la formation de la Commission estimait aussi qu’il était tout à fait approprié d’attirer l’attention de l’employeur sur la nécessité d’offrir une formation aux chefs d’équipe et aux gestionnaires sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation et de mettre en évidence le fait qu’il s’agit d’une obligation permanente.

Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20180515
  • Dossier:  566-02-8678
  • Référence:  2018 CRTESPF 42

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

KORINA GURALUK

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

employeur

Répertorié
Guraluk c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Amy Kishek, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Caroline Engmann, avocate
Affaire entendue à Regina (Saskatchewan),
les 25 et 26 avril et du 26 au 28 septembre 2017.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1                  Korina Guraluk, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), était employée au moment du présent grief à titre d’agente de service aux citoyens (poste classifié PM-01) auprès de l’employeur, Ressources humaines et Développement des compétences Canada (tel était alors son nom). Elle a présenté son grief le 30 janvier 2012. Dans celui-ci (pièce 2, onglet 1), elle a allégué que l’employeur avait fait preuve de discrimination à son égard au motif de son incapacité en omettant de prendre des mesures d’adaptation à son endroit dans le lieu de travail, en l’obligeant à présenter des certificats médicaux pour justifier ses absences du lieu de travail, en l’obligeant à prendre un congé non payé en raison de son défaut de prendre des mesures d’adaptation à son endroit, en omettant de rétablir le congé qu’elle a utilisé pendant qu’elle attendait de faire l’objet de mesures d’adaptation ainsi qu’en l’obligeant à réduire ses heures pour travailler à temps partiel, en contravention à l’article 19 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour le groupe Services des programmes et de l’administration, expirant le 20 juin 2014 (la « convention collective »; pièce 1).

2                  Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84), et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « CRTEFP »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la LRTFP, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

3                  Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la LRTFP pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

II. Résumé de la preuve

4                  La fonctionnaire a commencé à travailler à temps plein au centre d’appels de Regina, en Saskatchewan, en 2008. Après huit mois, elle a commencé à éprouver des problèmes médicaux liés à sa santé mentale, qui comprenaient des symptômes physiques et psychologiques. En 2010, on lui a diagnostiqué des problèmes de santé importants liés à un diagnostic d’anxiété et elle a été obligée de prendre des congés de maladie prolongés. Elle a effectué un retour au travail progressif à deux reprises en 2010. En janvier 2011, lorsque ses prestations d’invalidité de longue durée ont pris fin, elle a une fois de plus effectué un retour au travail et a réussi à revenir à un horaire à temps plein en mars 2011.

5                  Elle a continué à travailler à temps plein pendant environ trois mois, jusqu’à ce qu’elle ait une rechute. Selon son témoignage, la rechute était directement liée à la nature de son travail. Son médecin a indiqué des restrictions dans ses fonctions d’emploi liées à l’interaction avec les clients, que l’employeur n’a pas respectées. Il en était conscient et n’a pas nié l’existence de son incapacité et de son lien avec son travail. L’employeur a modifié ses heures de travail et son heure de début, mais n’a pas traité la question relative à l’interaction avec les clients. Selon la fonctionnaire, l’employeur savait également que son problème de présence au travail était lié à son incapacité.

6                  Toujours selon la fonctionnaire, sa chef d’équipe et sa gestionnaire étaient informées de son état de santé et savaient qu’il était directement lié à ses fonctions. En omettant d’envisager de prendre des mesures d’adaptation au sujet de son incapacité, l’employeur n’a pas respecté son obligation de prendre des mesures d’adaptation. L’employeur savait qu’elle tentait de trouver un autre emploi et il n’a rien fait pour l’aider à trouver un emploi qui constituerait une mesure d’adaptation. Il aurait dû envisager de prendre des mesures d’adaptation à un autre endroit, compte tenu de son dossier de présence au travail. Ce n’est que lorsque son syndicat est intervenu, en novembre 2011, qu’il a commencé à envisager la possibilité de prendre des mesures d’adaptation à son endroit.

7                  D’autre part, l’employeur a déclaré qu’au début de sa carrière au centre d’appels, la fonctionnaire avait indiqué qu’elle souhaitait trouver un emploi ailleurs. Cela n’était pas inhabituel, car le poste PM-01 est au niveau d’entrée; il s’agissait d’une possibilité pour les personnes ne travaillant pas pour le gouvernement fédéral d’obtenir un emploi dans la fonction publique. Cet emploi présente un taux de roulement élevé, car ses titulaires passent à d’autres postes de la fonction publique. La fonctionnaire n’avait pas caché qu’elle cherchait activement un autre poste. L’employeur a reconnu qu’en 2010, elle était en congé de maladie, en congé de maladie non payé et en congé d’invalidité de longue durée.

8                  En décembre 2010, l’employeur a été informé que la fonctionnaire avait été autorisée à retourner à son poste d’attache en janvier 2011. Conformément aux pratiques de l’employeur, on a demandé au médecin de la fonctionnaire de décrire les restrictions de cette dernière et d’indiquer toutes les mesures d’adaptation dont elle avait besoin. Son médecin a indiqué seulement un retour au travail progressif, sans restrictions quant à ses fonctions d’emploi. L’employeur s’y est conformé et elle a réussi son retour au travail progressif entre janvier et avril 2011.

9                  D’après l’employeur, en juin ou en juillet 2011, la chef d’équipe de la fonctionnaire a commencé à remarquer qu’elle avait de nouveau des problèmes de présence au travail. En juillet, la fonctionnaire a pris des vacances. Entre juin et août, elle a également épuisé ses congés pour obligations familiales ainsi que ses crédits uniques de congé spécial. Lorsque la chef d’équipe lui a demandé si un problème de santé l’empêchait de se présenter au travail selon ce qui était prévu, la fonctionnaire a répondu par la négative. On lui a rappelé plusieurs fois qu’elle devait fournir une note du médecin pour justifier ses absences et il s’est écoulé des mois avant qu’elle présente une note du médecin indiquant ses restrictions.

10        L’employeur a immédiatement donné suite à la note du médecin et a commencé à chercher un emploi pour la fonctionnaire ailleurs. En décembre 2011, une possibilité de détachement s’est présentée, dans le cadre de laquelle elle devait être mutée au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (AINC) pendant un an. L’employeur a fait valoir qu’elle avait fait l’objet d’une mesure d’adaptation complète une fois qu’elle a fourni les renseignements médicaux requis.

11        Selon le témoignage de la fonctionnaire, lorsqu’elle se trouvait au travail, elle devait composer avec des appels entrants et des demandes de renseignements générales de clients de l’assurance-emploi. Elle les aidait à produire leurs demandes, les aidait à éclaircir leurs rapports et elle les renvoyait à d’autres programmes pour obtenir de l’aide. Selon elle, le rythme de l’environnement de travail était extrêmement rapide et elle devait interagir avec des appelants stressés, en détresse et, souvent, en colère. Dans le cadre de sa formation, elle a appris comment composer avec les clients qui menaçaient de se suicider.

12        La fonctionnaire a témoigné en disant que, pendant la période où elle a travaillé au centre d’appels, il y manquait souvent de personnel, ce qui accroissait son stress. Les travailleurs de première ligne, comme la fonctionnaire, faisaient les frais de la frustration des appelants. À une occasion, un appelant a menacé de se présenter au centre d’appels armé d’un pistolet. Selon la description de la fonctionnaire, son rendement au travail était extrêmement bon; la rétroaction qu’elle recevait de ses chefs d’équipe était toujours positive. (Les témoins de l’employeur en ont convenu.) Elle n’a jamais reçu de rétroaction sur la façon d’améliorer son rendement par rapport aux appels. Elle faisait tout adéquatement. Son rendement n’était pas souvent surveillé, car la direction du centre d’appels savait qu’elle faisait du bon travail.

13        La fonctionnait rendait compte principalement aux chefs d’équipe, Tricia Williams et Jackie Burkowsky. Leur gestionnaire était Marlene Bennett. Dès le moment où elle a commencé son emploi au centre d’appels, la fonctionnaire prenait fréquemment des congés de maladie et a pris un congé d’invalidité de longue durée, selon ses mots [traduction] « à quelques reprises », à la suite de quoi elle est retournée au travail dans le cadre d’un plan de retour au travail progressif (pièce 2, onglet 10). Elle a déclaré que les deux chefs d’équipe savaient pourquoi elle utilisait fréquemment des congés de maladie et des congés d’invalidité de longue durée, puis effectuait ce retour progressif, qui nécessitait seulement que l’on modifie ses heures de travail. D’après son témoignage, elle ne se sentait pas obligée de leur indiquer pour quelle raison elle s’absentait du travail, mais elle croyait leur avoir dit que c’était à cause de son anxiété.

14        Le motif de ses absences était une anxiété et une dépression continues et graves. Certains jours, elle était tellement accablée qu’elle n’arrivait pas à sortir du lit. Parallèlement, il se passait des choses dans sa vie personnelle qui, jumelées au rythme rapide de son travail, faisaient en sorte qu’elle avait peur de se rendre au travail. Elle a indiqué dans son témoignage qu’elle craignait de recevoir un appel hostile et de ne pas savoir ce qu’apporterait le prochain appel. Elle a déclaré que la crainte que le prochain appel soit un appel de suicide ou comporte une menace de violence et qu’elle ne soit pas en mesure de le gérer de façon appropriée l’accablait.

15        En 2010 et en 2011, la fonctionnaire a consulté un certain nombre de médecins de famille. Elle a également consulté un psychiatre, un psychologue et un conseiller du Programme d’aide aux employés pour l’aider à composer avec son anxiété. Le psychiatre a établi un diagnostic d’anxiété et de dépression graves, et lui a prescrit des médicaments. La fonctionnaire a subi un traitement [traduction] « pendant quelques années », selon son témoignage. Son psychiatre lui a conseillé d’éviter les situations très stressantes, dans la mesure du possible. Elle a appris à reconnaître les symptômes et les déclencheurs d’une attaque d’anxiété, et la façon de gérer les déclencheurs. Son psychiatre lui a suggéré des méthodes d’adaptation, comme le yoga, la lecture et la méditation. En outre, il a prescrit des médicaments, qu’il surveillait et modifiait au besoin.

16        Lorsque la fonctionnaire a commencé son retour au travail progressif en janvier 2011, le but était de revenir progressivement à des heures à temps plein. Sa chef d’équipe à l’époque, Mme Williams, avait été témoin de la dépression de la fonctionnaire qui a entraîné son congé d’invalidité de longue durée. Selon le témoignage de la fonctionnaire, elles ont parlé le 3 janvier 2011, à son retour, à propos de ses préoccupations d’être en mesure d’atteindre les heures à temps plein et du stress que l’emploi lui causait. Elle se souvenait d’avoir demandé à Mme Williams ce qui se passerait si elle n’était pas en mesure [traduction] « de répondre aux appels téléphoniques »; se retrouverait-elle sans emploi? Elle se souvenait également que Mme Williams avait répondu par l’affirmative, puisque sa seule fonction d’emploi consistait à répondre aux appels entrants; si elle n’était pas en mesure de le faire, elle se trouverait sans emploi, ce qui faisait peur à la fonctionnaire. Elle n’a pas confirmé cette conversation par écrit ou par courriel; elle n’a pas non plus vérifié à ce moment-là auprès d’un représentant syndical la véracité de ce qu’on lui avait dit.

17        Le retour au travail progressif commencé en janvier 2011 s’est plutôt bien déroulé, selon la fonctionnaire. Elle a atteint les heures à temps plein en mars ou en avril. Elle a déclaré qu’elle se sentait bien à propos d’elle-même et de sa vie. Le plan de retour progressif initial n’a nécessité aucun changement. En mai ou en juin 2011, elle a commencé à chanceler; elle éprouvait du stress et se sentait dépassée, elle craignait de se rendre au travail et elle avait d’autres symptômes d’anxiété.

18        Certains jours, elle n’arrivait pas à sortir du lit pour faire quoi que ce soit; elle était complètement immobilisée. Elle prenait alors un congé de maladie payé ou non payé. D’autres fois, elle se présentait au travail, mais partait tôt en raison de ses symptômes. Après avoir épuisé ses crédits de congé de maladie, l’employeur a exigé qu’elle produise une note du médecin pour chaque demande de congé de maladie non payé, ce qu’elle a fait. Les notes qu’elle a présentées indiquaient simplement qu’elle s’était absentée en raison d’une maladie ou d’une blessure, rien de plus. Personne ne lui a parlé de son utilisation de congés de maladie non payés ou de sa présence au travail en général.

19        En août 2011, la fonctionnaire a envoyé un courriel à la coordonnatrice de la gestion de dossiers d’invalidité de l’employeur, Heather Reynolds, qui travaillait à la section Rémunération et avantages sociaux des Ressources humaines (pièce 2, onglet 13). La fonctionnaire a indiqué qu’elle a envoyé le courriel, car elle savait qu’elle était une fois de plus sur le point de s’absenter en raison de son incapacité. Elle l’a envoyé après avoir parlé à Wendy Bot, qui remplaçait Mme Burkowsky pendant qu’elle était en congé en juillet 2011, et elle n’a reçu aucune réponse à ses questions.

20        Selon la fonctionnaire, elle avait demandé à Mme Bot de prendre des mesures pour qu’elle puisse parler avec Mme Bennett pour discuter des mesures d’adaptation possibles. Selon la fonctionnaire, Mme Bot ne l’a jamais fait. Elle savait que Mme Bennet était en congé annuel à ce moment-là, mais elle n’a jamais effectué de suivi auprès de Mme Bot ou de Mme Bennett pour confirmer qu’une réunion avait été prévue. La fonctionnaire n’a pas non plus suivi les directives que Mme Reynolds lui avait données en réponse à ses demandes de renseignements à propos d’une liste prioritaire et des mesures d’adaptation.

21        Lorsque Mme Burkowsky est revenue, la fonctionnaire lui a parlé de son inscription sur une liste prioritaire pour des raisons médicales, car elle s’était qualifiée dans plusieurs répertoires, mais qu’on ne lui avait offert aucun emploi. Mme Burkowsky l’a informée qu’une telle liste prioritaire n’existait pas, sauf dans les cas de mise à pied ou de réinstallation du conjoint.

22        Mme Reynolds a répondu au courriel de la fonctionnaire, lui conseillant de parler avec ses chefs d’équipe (ce qu’elle avait déjà fait) ainsi qu’avec sa gestionnaire (ce qu’elle avait tenté de faire) et de les informer qu’elle devait faire l’objet de mesures d’adaptation. On l’a également informée que, pour faire l’objet de mesures d’adaptation, elle aurait besoin d’un certificat médical indiquant ses restrictions. La fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’elle craignait de perdre son emploi si elle présentait une telle note, elle n’en a donc jamais présentée. Elle n’a effectué aucun suivi auprès de Mme Reynolds et n’a jamais demandé à Mme Burkowsky de faire l’objet de mesures d’adaptation.

23        Au fil du temps, la présence au travail de la fonctionnaire s’est progressivement détériorée et, selon elle, plus elle s’absentait, plus elle devenait troublée, et plus elle devenait troublée, plus elle s’absentait. Elle était activement à la recherche d’un autre emploi, car elle savait qu’elle devait s’éloigner des téléphones du centre d’appels. Elle a posé sa candidature pour des emplois au centre d’appels (mais pas pour répondre aux téléphones), à Santé Canada et à AINC. Sa candidature a été retenue dans les répertoires des deux ministères.

24        La fonctionnaire a déclaré qu’elle n’avait parlé à Mme Bennett qu’après avoir communiqué avec sa représentante syndicale, Kelly Drennar, comme dernier recours pour obtenir de l’aide (voir le courriel à la pièce 2, onglet 14). En octobre 2011, son père lui a suggéré de demander l’intervention de son syndicat pour obtenir de l’aide. Après avoir parlé à Mme Drennar, la fonctionnaire savait qu’elle avait besoin d’une note détaillée du médecin décrivant ce qui était nécessaire pour s’adapter à son état de santé, qu’elle a présentée en novembre 2011.

25        Mme Drennar a communiqué avec Mme Bennett et a demandé qu’une réunion ait lieu. Cette réunion a eu lieu peu de temps après et les choses ont commencé à bouger. Lors de la réunion, Mme Drennar a été la seule à parler. Selon la fonctionnaire, Mme Bennett était ouverte à l’idée de prendre des mesures d’adaptation à l’endroit de la fonctionnaire et a communiqué avec AINC pour étudier la possibilité de la détacher à un poste au sein de ce ministère. Jusqu’à ce que le détachement puisse se concrétiser, Mme Bennett a donné à la fonctionnaire un projet sur lequel elle pouvait travailler, ce qui faisait qu’elle n’avait pas à répondre aux téléphones. La fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’après la rencontre avec Mme Bennett, elle se sentait mal à l’aise avec Mme Burkowsky et Mme Bot. Elle craignait qu’elles pensent qu’elle était une fautrice de troubles.

26        Pendant qu’elle travaillait sur le projet et pendant le détachement, la fonctionnaire ne s’est pas absentée. Si elle prenait des pauses supplémentaires au cours de la journée, elle reprenait le temps à la fin de la journée.

27        La fonctionnaire a déposé le présent grief en janvier 2012, car, lorsqu’elle s’est adressée à l’employeur pour obtenir de l’aide, on lui a donné les mauvais renseignements. Elle croyait qu’il tentait de la maintenir dans un poste qui était préjudiciable pour sa santé, même s’il savait que cela avait des effets néfastes pour elle. Mme Bennett n’a jamais remis en question son utilisation des congés de maladie et était pleinement informée de son dossier de présence au travail. Elle croyait que, si on l’avait aidée en janvier 2011 lorsqu’elle a présenté sa première demande, elle aurait évité les problèmes de santé, familiaux et financiers qui s’en sont suivis. Ce qui lui est arrivé aurait pu être évité.

28        La fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’elle est retournée à son poste d’attache aux environs de mai 2016 et qu’elle a été en congé de maladie jusqu’en mai 2018.

29        Le médecin de famille de la fonctionnaire, la Dre Tomi Mitchell, a témoigné pour son compte. Une grande partie du témoignage du médecin concernait les particularités de l’état de santé de la fonctionnaire et le traitement qu’elle suivait. Je ne peux divulguer dans les moindres détails le témoignage du médecin, car cela porterait atteinte à la vie privée de la fonctionnaire, je ne soulignerai donc que les renseignements pertinents. La Dre Mitchell a déclaré que la fonctionnaire avait été diagnostiquée pour un trouble d’anxiété généralisé, un moral bas et un trouble de la personnalité en 2011 pour lequel elle était traitée par un psychiatre. Elle souffrait de stress à la maison comme au travail.

30        Pendant ses visites auprès de la fonctionnaire en 2011, la Dre Mitchell discutait de son travail et du type de travail qu’elle accomplissait. La fonctionnaire a informé son médecin que la pression qu’elle ressentait concernant son rendement au travail s’accentuait et qu’elle avait obtenu de mauvais résultats dans le cadre des examens de son rendement, ce qui accroissait son anxiété. En outre, elle a déclaré qu’elle ressentait une pression accrue à la maison. Le médecin l’a décrite comme étant dans un état constant d’anxiété et de stress élevé. De l’avis du médecin, la fonctionnaire ne fonctionnait ni au travail ni à la maison à l’époque, et elle s’isolait.

31        L’état de la fonctionnaire s’est aggravé en 2011, selon la Dre Mitchell. Le 25 août, elle a signalé des douleurs thoraciques, qui étaient son anxiété se manifestant comme un épisode cardiaque. La Dre Mitchell a déclaré qu’elle a encouragé la fonctionnaire à trouver un autre poste. Elle a également suggéré un poste modifié, tout cela dans l’espoir de tenter de trouver une solution qui respecterait les limites de la fonctionnaire. Le 21 octobre 2011, une amie de la fille de la fonctionnaire s’est suicidée, ce qui a déclenché les symptômes de la fonctionnaire; son état s’est aggravé considérablement.

32        Pendant les mois d’octobre et de novembre 2011, le fait de travailler au téléphone a aggravé l’état de la fonctionnaire. Les appels ajoutaient à son stress, car les interactions n’étaient pas prévisibles et elle sentait qu’elle n’avait pas les ressources pour appuyer les appelants. Il était manifeste que le travail au centre d’appels ne favorisait pas sa santé. Une personne qui souffre d’un trouble d’anxiété éprouve de la difficulté à réagir à l’incertitude.

33        Le 17 novembre 2011, la Dre Mitchell a indiqué à la fonctionnaire et à son employeur qu’elle devait éviter les contacts prolongés et continus avec les clients et qu’un horaire de travail souple était nécessaire. Selon le témoignage du médecin, si ces conditions avaient été satisfaites, la fonctionnaire aurait pu travailler à temps plein. Ultérieurement, elle a indiqué à l’employeur que l’environnement du centre d’appels ne convenait pas à la fonctionnaire et que cette dernière devrait être employée autre part.

34        Mme Bot, l’une des chefs d’équipe de la fonctionnaire, a déclaré que son rôle consistait à veiller au rendement des agents employés au centre d’appels, y compris à assurer leur présence au travail. On attribue des groupes d’employés aux chefs d’équipe et on s’attend à qu’ils se remplacent l’un l’autre lorsqu’un chef d’équipe est absent. À l’été 2011, elle a remplacé Mme Burkowsky, la chef d’équipe de la fonctionnaire. Mme Burkowsky ne lui a communiqué aucun renseignement particulier à propos de la fonctionnaire. Mme Bot et Mme Burkowsky relevaient toutes deux de Mme Bennett.

35        Mme Bot a indiqué dans son témoignage qu’elle ne se souvenait d’aucune conversation avec la fonctionnaire à propos de son état de santé lorsqu’elle a remplacé Mme Burkowsky à l’été 2011. La fonctionnaire et Mme Bot communiquaient principalement par courriel (pièces 7 et 8). Mme Bot ne se souvenait d’aucune conversation avec la fonctionnaire concernant son besoin de faire l’objet de mesures d’adaptation.

36        Selon Mme Bot, la fonctionnaire devait tenir compte de chaque minute de son temps, car les centres d’appels étaient financés selon un modèle de coût par appel. C’est la raison pour laquelle même une absence de 10 minutes exigeait un certificat de congé. En vertu de la politique, toutes les absences devaient être consignées (pièce 8, page 1218). L’objet des conversations de Mme Bot avec la fonctionnaire était de s’assurer que toutes ses absences étaient consignées.

37        Mme Bot ne se souvenait pas d’avoir parlé à la fonctionnaire le 19 août 2011 à propos de son besoin de mesures d’adaptation; elle ne se souvenait pas non plus que la fonctionnaire ait demandé à parler à Mme Bennett. Les demandes de congé étaient approuvées si la fonctionnaire avait accumulé des congés, selon la nature des demandes, qui étaient pris tels quels. Toutes les notes de congé de maladie déposées à l’appui des demandes de congé étaient également acceptées telles quelles par Mme Bot. Elle ne les a pas remises en question, elle n’a eu aucune conversation avec la fonctionnaire à propos de son utilisation des congés de maladie ou elle n’a pas discuté de la question de savoir si elle avait une incapacité ou d’autres problèmes qui l’empêchaient de se présenter au travail.

38        Mme Bot a déclaré qu’elle ne se souvenait pas d’avoir aidé la fonctionnaire à traiter des appels difficiles ou violents. Si un tel appel avait eu lieu, elle en aurait été informée par le système d’appel et un rapport d’incident de sécurité aurait été rempli, et un compte rendu aurait eu lieu après cela. Si un appelant violent raccroche, cet appel doit tout de même être documenté.

39        Mme Bennett était la gestionnaire du centre d’appels pour la période d’avril 2006 jusqu’à son départ à la retraite en octobre 2012. Dans le cadre de son rôle, elle aidait ses chefs d’équipe à gérer le processus lorsqu’un employé avait besoin d’une mesure d’adaptation dans le lieu de travail. La fonctionnaire avait fait l’objet de mesures d’adaptation à deux reprises pendant la période au cours de laquelle Mme Bennett était la gestionnaire sous la forme d’un retour au travail progressif. Le deuxième retour progressif a commencé le 3 janvier 2011 et s’est poursuivi jusqu’au 1er mars 2011, au moment où la fonctionnaire a atteint les heures à temps plein. Aucun problème n’a été signalé à Mme Bennett dans le cadre de ce retour au travail progressif, par conséquent, une fois que la fonctionnaire a atteint les heures à temps plein, elle considérait qu’il s’agissait d’un retour réussi.

40        Mme Bennett pouvait compter, en guise de ressource dans le cadre du processus de retour au travail, sur Mme Reynolds, la conseillère régionale en gestion de dossiers d’invalidité, qui l’aidait à composer avec les employés qui étaient en état d’invalidité ou qui nécessitaient des mesures d’adaptation dans le lieu de travail. Mme Reynolds était aussi une source d’information pour les employés qui s’adressaient à elle pour obtenir des conseils et des directives sur ce sujet. Si la fonctionnaire avait consulté Mme Reynolds, Mme Bennett n’en a pas été informée. Mme Reynolds n’a pas communiqué cette information à Mme Bennett.

41        Mme Reynolds pourrait avoir conseillé à la fonctionnaire de parler à sa chef d’équipe et à sa gestionnaire (voir le courriel à la pièce 3, page 2), pour leur faire savoir qu’elle avait besoin d’une mesure d’adaptation. Cependant, Mme Reynolds n’a jamais dit à Mme Bennett que la fonctionnaire avait besoin d’une mesure d’adaptation; Mme Bennett n’était pas non plus au courant du courriel en question.

42        En date d’août 2011, Mme Bennett n’avait eu aucune discussion concernant la capacité de la fonctionnaire à continuer à répondre aux téléphones. Elle a été surprise lorsqu’elle a découvert que la fonctionnaire n’était plus en mesure d’accomplir ce travail. Mme Bennett était consciente du fait que, comme bon nombre de ses collègues, la fonctionnaire cherchait des possibilités autre part. Le poste de service à la clientèle aux téléphones était au niveau d’entrée. Des personnes provenant de l’extérieur du gouvernement fédéral y étaient embauchées en guise de moyen pour entrer dans la fonction publique. Elles commençaient ensuite à chercher des postes autre part.

43        La première fois que Mme Bennet a entendu parler du besoin de la fonctionnaire concernant une mesure d’adaptation était à la fin d’octobre 2011, lorsque le syndicat est intervenu. Mme Drennar, la représentante nationale de l’élément du Syndicat canadien de l’assurance-emploi de l’agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada, a rencontré la fonctionnaire. Mme Bennett s’est portée volontaire pour les rencontrer, mais a été informée que sa présence n’était pas requise.

44        Le 4 novembre 2011, Mme Drennar a envoyé un courriel à Mme Bennett (pièce 10) pour demander une réunion afin de discuter des besoins de la fonctionnaire en matière de mesures d’adaptation. La note du médecin du 17 novembre 2011 (pièce 3, page 14) correspondait à la première fois où Mme Bennett avait vu un énoncé clair des limites de la fonctionnaire. Une note antérieure datée du 21 octobre 2011 (pièce 3, page 7) n’indiquait aucune limite particulière, uniquement qu’un changement à l’horaire était requis. La modification des heures de travail au téléphone et des horaires constitue une forme de mesure d’adaptation que les chefs d’équipe sont autorisés à prendre sans la participation de Mme Bennett.

45        Le 22 novembre 2011, Mme Bennett a eu une discussion imprévue avec la fonctionnaire à propos de ses besoins en matière de mesures d’adaptation (pièce 3, page 15). Elle cherchait le certificat du médecin de la fonctionnaire pour pouvoir être en mesure de commencer à travailler sur le processus de mesures d’adaptation. La fonctionnaire ne l’a pas fourni, mais a dit à Mme Bennett qu’elle devait limiter ses contacts avec les clients à quatre heures par jour, ce qui a été mis en œuvre, même si Mme Bennett ne pouvait pas se souvenir du moment où cela s’était produit. La fonctionnaire a également indiqué à Mme Bennet qu’elle s’était qualifiée pour environ cinq répertoires de concours. Une fois que l’on a communiqué à Mme Bennett les numéros d’identification des répertoires, elle a commencé immédiatement à chercher des postes au même niveau autre part (voir le courriel à la pièce 3, page 21).

46        Mme Bennett a acheminé le curriculum vitæ de la fonctionnaire à ses contacts pour que sa candidature soit prise en considération dans les processus de dotation à l’intérieur et à l’extérieur du centre d’appels. Elle se concentrait sur le fait de trouver un poste pour la fonctionnaire qui ne comprenait aucun contact direct avec la clientèle, même si, à ce stade, elle n’avait toujours pas reçu la note du médecin et s’appuyait uniquement directement sur sa discussion informelle avec la fonctionnaire.

47        Le 22 novembre 2011, après sa rencontre informelle avec Mme Bennett, la fonctionnaire lui a envoyé un courriel pour lui demander une réunion afin de discuter des possibilités de mesures d’adaptation dès que possible, même si Mme Drennar n’était pas disponible avant le 7 décembre (pièce 3, page 16).

48        Mme Bennett a rencontré la fonctionnaire le 25 novembre (voir les notes, pièce 3, pages 18 et 19). Elles ont examiné la note du médecin du 17 novembre, qui précisait dès le début ce qui suit : [traduction] « Je recommande fortement que Mme Guraluk ne continue pas à travailler dans un environnement de centre d’appels, car cela ne favorise pas son état de santé ». Elles ont discuté de postes possibles, y compris des postes d’agent au service à la clientèle de niveau II, qui exigeait toujours un contact avec la clientèle, mais d’une nature différente. On a précisé que le médecin avait désigné l’environnement du centre d’appels comme un problème, on a donc mis l’accent sur la recherche de possibilités à l’extérieur de ce lieu de travail. Aucun travail n’était disponible dans le centre d’appels qui ne comportait aucun contact téléphonique avec les clients, par conséquent, Mme Bennett a convenu que les heures consacrées par la fonctionnaire à répondre au téléphone seraient limitées à trois à quatre heures, et que le reste de sa journée de travail serait imputable à des crédits de congé de maladie pendant une période d’un mois, conformément à la note du médecin. Entre-temps, Mme Bennett continuerait de chercher des possibilités autre part.

49        Étant donné que la fonctionnaire avait épuisé ses crédits de congé de maladie accumulés, elle a été obligée d’utiliser un congé de maladie non payé pour l’essentiel de cette période. Le travail du centre d’appels est très précis et une mesure d’adaptation au même niveau comportait un contact téléphonique avec la clientèle de cet environnement. Tous les autres postes étaient à un niveau de classification supérieur, par conséquent, si la fonctionnaire ne répondait pas aux téléphones, il n’y avait pas de travail pour elle dans le centre d’appels; s’il n’y avait pas de travail et qu’elle n’avait plus de crédits de congé, elle n’avait aucun salaire. Mme Bennett a fini par lui trouver un projet pour une période de deux semaines en décembre.

50        La fonctionnaire a soulevé la possibilité de subir une évaluation de son aptitude au travail après avoir reçu le résumé de la rencontre du 25 novembre de Mme Bennett (pièce 3, pages 35 à 37). Mme Bennett a déclaré qu’elle n’avait aucunement l’intention de procéder à une telle évaluation à ce stade. La fonctionnaire a également soulevé la possibilité de réduire ses heures à temps partiel ou de travailler selon un horaire flexible. Mme Bennett a accepté de mettre en œuvre l’horaire flexible.

51        Selon Mme Bennett, à ce stade, la fonctionnaire n’était plus tenue de présenter des notes du médecin pour chaque absence, puisque l’employeur était en train de prendre des mesures d’adaptation à son endroit. Mme Bennett a suggéré à la fonctionnaire de rétablir son dossier d’assurance-invalidité auprès de Sun Life comme moyen de compléter son revenu pendant les périodes au cours desquelles elle était en congé de maladie non payé.

52        Le 19 décembre 2011, la fonctionnaire devait commencer à occuper le poste à AINC (pièce 3, pages 38 et 39) auquel elle avait été détachée grâce aux efforts de Mme Bennett, et ce, pendant un an, initialement. Il s’agissait d’un environnement de bureau convenable, avec peu, voire aucun contact avec la clientèle. La fonctionnaire a occupé ce poste au moins jusqu’en décembre 2014. Entre décembre 2012 et décembre 2014, elle occupait de façon intérimaire un poste PM-03. Il s’agissait d’un poste éliminé progressivement; c’est-à-dire qu’il n’y avait aucune possibilité que ce poste devienne permanent. La fonctionnaire en était informée lorsqu’elle l’a accepté.

53        Avant que la fonctionnaire puisse commencer à occuper le poste à AINC, Mme Drennar a demandé à rencontrer Mme Bennett. Mme Drennar n’était pas en faveur du fait que la fonctionnaire accepte ce poste. Elle était préoccupée par le fait que la fonctionnaire ne faisait pas l’objet d’une mesure d’adaptation au centre d’appels. Mme Bennett a expliqué à Mme Drennar que cela n’était pas possible, car il n’y avait aucun poste au même niveau qui ne comportait aucun contact téléphonique avec des clients et qui ne comportait aucune exposition à l’environnement du centre d’appels. Mme Drennar a exigé que la direction du centre d’appels suive une formation sur le processus des mesures d’adaptation, ce qu’a accepté Mme Bennett. Mme Drennar souhaitait également examiner la période entre juin et novembre 2011, au cours de laquelle la fonctionnaire a pris un congé de maladie non payé, ce que Mme Bennett a également convenu de faire (voir le procès-verbal de la rencontre à la pièce 3, page 43). Lorsque Mme Bennett a passé en revue les dossiers de congé de la fonctionnaire, seul le congé du mois de novembre la préoccupait. La fonctionnaire avait utilisé 91,75 heures de congé de maladie non payé, car tous les autres congés payés avaient été épuisés pendant son retour au travail. Ce montant a été annulé et le congé payé a été remplacé (pièce 3, page 48).

54        Après que la fonctionnaire est allée à AINC, Mme Bennett n’a pas eu d’autres contacts avec elle. On lui avait dit de communiquer avec l’employeur si elle éprouvait des difficultés, ce qu’elle n’a jamais fait. Aucune autre précision du médecin n’était requise; la fonctionnaire était apte à travailler à temps plein.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

55        Le nœud du présent grief concerne le caractère raisonnable et l’opportunité de la mesure d’adaptation dans le lieu de travail relativement à l’incapacité de la fonctionnaire. La question est la suivante : l’employeur s’est-il acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation? Aux fins d’analyse, cette question peut être divisée comme suit :

  1. La fonctionnaire souffrait-elle d’une incapacité qui limitait sa capacité à accomplir ses fonctions?
  2. L’employeur a-t-il fourni et mis en œuvre un plan de mesures d’adaptation, comme on l’attend d’un employeur, en consultation avec le syndicat?
  3. Ce plan était-il approprié, raisonnable et opportun?
  4. L’employeur s’est-il acquitté de son obligation de demander des renseignements?
  5. L’employeur a-t-il fait preuve de discrimination à l’égard de la fonctionnaire, en contravention de l’article 19 de la convention collective et des articles 3, 7 et 15 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6; LCDP)?

56        Très peu de temps après que la fonctionnaire a commencé à travailler au centre d’appels en 2008, elle a éprouvé des problèmes de présence au travail liés à son incapacité. Ils ont réapparu en 2011 après qu’elle a réussi à accomplir son retour au travail progressif. Elle souffrait d’anxiété généralisée, qui se manifestait sous forme de symptômes mentaux et physiques. Elle a pris un congé de maladie prolongé à deux reprises depuis 2010; le deuxième a donné lieu au retour au travail progressif qui a commencé en janvier 2011. En mars 2011, la fonctionnaire avait réussi son retour au travail et accomplissait des heures à temps plein à ce stade. Dans les deux à trois mois qui ont suivi, elle a souffert d’une rechute, ce qui a fait en sorte qu’elle s’absentait régulièrement du lieu de travail.

57        La fonctionnaire souffrait effectivement d’une invalidité qui limitait sa capacité à se présenter au travail. Il lui incombait d’établir une preuve prima facie qu’elle souffre d’une incapacité qui constituait un facteur dans les répercussions négatives qu’elle subissait. Le lien entre ses problèmes de présence au travail et son incapacité a été prouvé par le témoignage de la Dre Mitchell. Le médecin précédent de la fonctionnaire avait établi un diagnostic d’anxiété et de dépression (pièce 2, onglet 6), qui a été confirmé par son psychiatre (pièce 2, onglet 7). Compte tenu de son état fragile, elle avait de la difficulté à composer avec les situations de stress et souffrait d’une dépression généralisée.

58        Lorsque la fonctionnaire se trouvait au travail, elle était dans un état constant d’anxiété et de stress élevé. Elle s’est isolée. La Dre Mitchell a déclaré qu’en août 2011, elle a dit à la fonctionnaire de trouver un autre emploi ou d’apporter des changements à son emploi. Elle lui a dit que l’environnement du centre d’appels ne convenait pas à son état de santé; le fait de ne pas savoir ce qu’apporterait le prochain appel lui causait une anxiété accrue. Malgré son incapacité, la fonctionnaire était une employée dont le rendement était élevé lorsqu’elle se trouvait au travail; son incapacité portait atteinte uniquement à sa capacité de se présenter au travail et elle se manifestait par son absence du travail.

59        L’employeur savait que la fonctionnaire était déjà partie en congé d’assurance-invalidité en 2011. La note du médecin daté du 17 novembre 2011 (pièce 2, onglet 8) constitue une preuve de son incapacité et la preuve prima facie d’incapacité a été établie. Il est clair que l’employeur savait que la fonctionnaire souffrait d’une incapacité; la question porte sur le moment où il a été informé.

60        Les répercussions négatives qu’a subies la fonctionnaire ont pris la forme d’une forte dépendance à l’égard des congés payés et non payés. Elle a subi une perte de revenu importante alors qu’elle occupait un emploi qui ne convenait pas à ses limites. La question de savoir si l’emploi ne lui convenait pas ou si elle ne convenait pas pour cet emploi est la même chose aux fins des présentes. Elle pouvait accomplir le travail, dans la mesure où ce n’était pas à temps plein. Elle aurait pu faire d’autres choses pour compléter les heures pendant lesquelles elle répondait au téléphone. Si l’employeur avait trouvé d’autres façons de tenir la fonctionnaire occupée pendant qu’elle répondait au téléphone, elle n’aurait pas été absente du travail.

61        L’employeur a fini par faire des efforts sincères pour prendre des mesures d’adaptation à l’endroit de la fonctionnaire, mais, dans les circonstances, l’opportunité de ses efforts et l’exercice de son obligation de demander des renseignements n’étaient pas raisonnables. L’employeur a une obligation continue de prendre des mesures d’adaptation à l’endroit d’un employé, y compris en ce qui concerne les aspects de procédure, comme demander de quelle façon l’employé peut faire l’objet d’une mesure d’adaptation. Les employés ne devraient pas perdre de revenus parce qu’ils ne sont pas en mesure de participer au travail en raison de leurs incapacités. Les problèmes importants de présence au travail auraient dû amener l’employeur à réfléchir, à la lumière de ses maladies précédentes. Lorsque l’employeur sait qu’un employé a un historique de congés de maladie et qu’il reçoit des prestations d’assurance-invalidité de longue durée, il a une obligation de surveiller étroitement sa participation et d’effectuer un suivi auprès de l’employé. Étant donné que l’incapacité de la fonctionnaire faisait partie de la mémoire récente de l’employeur, il avait cette obligation.

62        Les oublis de l’employeur n’ont pas été faits par malice. Les chefs d’équipe et Mme Bennett n’ont pas commis intentionnellement un acte discriminatoire. La Commission doit tenir compte de ce que l’employeur savait à propos de l’incapacité de la fonctionnaire et de ce qu’il a fait pour l’aider. Ce qui a été fait témoigne d’un manque d’initiative, compte tenu de ce que l’employeur savait ou aurait dû savoir à propos de la fonctionnaire. Il est manifeste que les chefs d’équipe savaient qu’elle éprouvait des difficultés à répondre aux téléphones (voir le plan de mesures d’adaptation en milieu de travail, à la pièce 2, onglet 10). Il est également manifeste que l’employeur savait qu’elle avait un problème de présence au travail.

63        Le fait de prendre des mesures d’adaptation à l’endroit d’un employé dans le lieu de travail comporte des aspects procéduraux et des éléments de fonds, qui exigent qu’un employeur étudie sérieusement la façon dont il peut prendre des mesures d’adaptation à l’égard de cet employé, voir (Panacci c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2011 CRTFP 2, au paragraphe 85). Dans un premier temps, il doit obtenir tous les renseignements pertinents sur l’incapacité de l’employé, puis travailler avec cette personne pour déterminer la façon dont il peut prendre des mesures d’adaptation. Ne pas réfléchir à la question de l’adaptation ou ne pas prendre cette question en considération revient à manquer à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation (voir Panacci, au paragraphe 86; et Cyr c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 35, aux paragraphes 46 et 71). Les mesures de l’employeur en l’espèce équivalaient à un retard, à fermer les yeux et à fournir des renseignements erronés et trompeurs à la fonctionnaire.

64        Mme Bennett a déclaré que la fonctionnaire n’a jamais demandé à faire l’objet d’une mesure d’adaptation. La fonctionnaire n’était pas obligée de demander une mesure d’adaptation. Elle a demandé de quelle façon son emploi pouvait être modifié pour répondre à ses limites. Les représentants de l’employeur auraient dû lui demander si elle avait besoin de mesures d’adaptation.

65        Dans Mackenzie v. Jace Holdings Ltd., 2012 BCHRT 376, le British Columbia Human Rights Tribunal a conclu que le principe selon lequel le défaut d’un employeur de demander des renseignements à propos de la santé d’un employé avant de prendre des mesures qui ont une incidence négative sur la situation d’emploi de cet employé, si l’employeur a un motif de soupçonner qu’un état de santé pourrait avoir une incidence sur la capacité de l’employé à travailler, contrevient à l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation est généralement reconnu. Même si dans cette affaire l’employée n’a pas discuté de la nature de son incapacité ou n’a pas demandé une mesure d’adaptation, le tribunal a conclu que l’employeur avait en main suffisamment de renseignements pour poser des questions relatives à des mesures d’adaptation. De l’avis de ce tribunal, le défaut de demander des renseignements constituait un acte discriminatoire.

66        Lorsque l’employeur en l’espèce a approuvé plus de 91 heures de congés de maladie non payés pour la fonctionnaire, les chefs d’équipe et Mme Bennett auraient dû demander des renseignements pour savoir si elle avait une incapacité. Dès juin 2011, la fonctionnaire et sa chef d’équipe ont eu des conversations dans lesquelles la fonctionnaire a indiqué qu’elle ne pouvait pas passer plus de temps au téléphone. On lui a dit qu’il n’y avait aucune liste prioritaire et que, si elle souhaitait obtenir un emploi différent, elle devait continuer à présenter sa candidature en vue d’en obtenir un. On ne lui a jamais demandé si elle tentait d’être mutée à un autre poste en raison de sa maladie antérieure. L’employeur est obligé d’être attentif à l’égard de ses employés et d’établir des liens entre leurs absences et leurs problèmes continus liés au travail.

67        Ce que l’employeur a fait aurait pu suffire pour une personne éprouvant un problème de présence au travail, mais sans incapacité. Cependant, en l’espèce, l’employeur savait que la fonctionnaire souffrait d’une incapacité. Les renseignements qu’elle a reçus des chefs d’équipe ont refroidi son souhait d’obtenir une mesure d’adaptation. Lorsqu’elle a éventuellement communiqué avec la coordonnatrice de dossiers d’invalidité, on lui a dit qu’elle devait parler à sa gestionnaire à propos de ses besoins. Elle a tout fait pour défendre sa cause et elle a reçu des réponses insatisfaisantes et dissuasives.

68        Tout au long de l’été 2011, la fonctionnaire a fourni des notes du médecin pour justifier ses absences. Le médecin a signalé l’incapacité et le besoin de mesures d’adaptation. La fonctionnaire n’a pas fait valoir ses droits de bénéficier de mesures d’adaptation en raison des réponses qu’elle a reçues des représentants de l’employeur. L’employeur est passé à côté de l’occasion de demander des renseignements lorsqu’elle a communiqué avec la coordonnatrice de dossiers d’invalidité.

69        L’obligation de demander des renseignements ne permet pas à l’employeur de s’intéresser à la vie personnelle d’un employé. L’employeur était obligé de poser des questions sur les absences de la fonctionnaire et d’établir ses droits. En juin, Mme Burkowsky soupçonnait que quelque chose n’allait pas chez elle. En août, Mme Burkowsky a examiné le rapport regroupé sur les congés de la fonctionnaire et s’est demandé si le congé pour obligation familiale qu’elle avait utilisé correspondait en fait à un congé de maladie déguisé. La conversation aurait dû avoir lieu à ce moment-là, car les deux types de congés soulèvent des questions en matière de mesures d’adaptation.

70        Cela est conforme aux conclusions du Tribunal canadien des droits de la personne dans Mellon c. Développement des Ressources humaines Canada, 2006 TCDP 3. Aux paragraphes 97 à 100, le tribunal a conclu que l’intimé, un employeur qui composait avec une employée qui éprouvait des attaques d’anxiété dans le milieu de travail, savait ou aurait dû savoir qu’elles étaient occasionnées par du stress au travail. Le fait que l’employée n’avait pas dit expressément à son employeur quelle était la source de son anxiété ne lui fait pas perdre la protection de la LCDP. Le tribunal a conclu qu’il ne suffisait pas pour l’employeur d’affirmer qu’il n’avait pas été informé ou qu’il n’était pas au courant de sa condition. Sachant ce qu’il savait, il appartenait à l’employeur d’établir si son état de santé avait une incidence sur son rendement.

71        La politique publique exige de l’employeur qu’il demande à la fonctionnaire si elle avait besoin de mesures d’adaptation. Compte tenu de la preuve dont la Commission était saisie, il est logique de conclure que c’était le cas; l’employeur a modifié son horaire conformément à son plan de retour au travail progressif antérieur.

72        On ne sait pas exactement quel niveau de connaissance déclenche l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Tant Mme Burkowsky que Mme Bennett ont indiqué dans leur témoignage que l’utilisation des congés de maladie de la fonctionnaire n’était pas particulièrement élevée comparativement à d’autres employés dans l’environnement du centre d’appels, notamment pour une personne revenant d’un congé prolongé. On l’a autorisée à travailler selon un horaire flexible et ses postes ont été modifiés. Les heures qu’elle passait à répondre aux téléphones ont été réduites à compter du début novembre, ce qui était conforme à ses notes du médecin et aux discussions avec ses chefs d’équipe (pièce 2, onglet 17).

73        Malgré tout cela, la fonctionnaire ne s’est pas sentie appuyée par la direction dans ses efforts de recherche d’emploi. Le fait que, à la suite d’une demande de fournir une référence, Mme Burkowsky a dit à la fonctionnaire qu’elle ne pouvait pas parler de sa fiabilité, est une preuve qu’elle s’était penchée sur la présence au travail de la fonctionnaire. Le témoignage de la fonctionnaire était cohérent et il était appuyé par des courriels et des résumés. Elle n’était pas comme d’autres employés qui tentaient de quitter le centre d’appels; elle a une incapacité et avait un dossier comportant de nombreuses absences et de nombreuses notes du médecin. L’employeur était informé à un certain degré du lien entre les absences et son incapacité, mais n’a posé aucune question à propos du lien entre celles-ci.

74        L’employeur n’a pas expliqué la raison pour laquelle il a dit à la fonctionnaire qu’il n’y avait aucune liste prioritaire pour les personnes handicapées. En outre, il ne lui a donné aucune explication de la raison pour laquelle elle n’était pas apte pour certains postes ou de la raison pour laquelle la formation pour le poste d’agent des services à la clientèle de niveau II dans le centre d’appels ne lui a pas été offerte. Les mesures de l’employeur étaient insuffisantes et inopportunes. La fonctionnaire a subi des répercussions négatives qui ont pris la forme de pertes économiques. L’employeur a manifestement commis un acte discriminatoire à son égard dans le contexte du critère énoncé dans Lloyd c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 15, aux paragraphes 43 à 49.

75        La fonctionnaire demande une déclaration selon laquelle l’employeur a fait preuve de discrimination à son égard en omettant de respecter son obligation de prendre des mesures d’adaptation en ce qui concerne son incapacité. Elle demande à être indemnisée pour le congé de maladie non payé qu’elle a pris entre octobre et novembre 2011. Elle demande 10 000 $ en dommages pour les préjudices moraux découlant du préjudice psychologique et physique imposé par l’employeur. Elle demande une somme supplémentaire de 10 000 $ au titre des dommages pour le mépris délibéré et inconsidéré avec lequel l’employeur l’a traitée. Elle demande une ordonnance selon laquelle l’employeur doit offrir une formation à tous les chefs d’équipe dans les centres d’appels portant sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Enfin, elle demande à faire l’objet d’une mesure d’adaptation d’une façon qui est conforme à son incapacité et à ses limites, et ce, de façon permanente.

B. Pour l’employeur

76        Dans son grief, la fonctionnaire a allégué que l’employeur ne s’est pas acquitté de sa responsabilité de prendre des mesures d’adaptation à son endroit d’un certain nombre de façons, dont une en l’obligeant à présenter des certificats médicaux inutiles pour justifier ses absences, pour lesquelles elle alléguait que l’employeur avait pleinement connaissance de la cause. Elle n’a présenté aucun argument sur cette allégation et n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui.

77        Une autre allégation est que la fonctionnaire a été obligée de prendre un congé non payé en raison du défaut de l’employeur de fournir des mesures d’adaptation ou de traiter ses besoins en matière de mesures d’adaptation liés à son incapacité. La preuve montrait que, selon le certificat médical du 25 novembre 2011 remis à l’employeur, la fonctionnaire était limitée à un maximum de quatre heures par jour à répondre aux téléphones. La preuve indique également que, le 8 décembre 2011, elle a commencé à travailler sur un projet ailleurs au centre d’appels et que, après cela, elle a quitté son poste pour occuper celui à AINC. Selon le témoignage du témoin de l’employeur, la fonctionnaire a reçu un remboursement pour l’intégralité du congé de maladie non payé qu’elle a pris au cours de cette période. Une preuve de cet élément figurait dans ses dossiers de congé (pièce 2, onglet 4).

78        La fonctionnaire a allégué qu’elle a été obligée de réduire ses heures à temps partiel, ce qui ne correspondait pas à la mesure d’adaptation dont elle avait besoin. Le reste de ses heures était couvert par un congé de maladie, payé ou non payé. Le fait de demander à un employé d’accomplir de nouveau des heures à temps partiel pour une brève période ne constitue pas un acte discriminatoire. On a procédé ainsi lorsqu’un congé de maladie était utilisé pour compléter le revenu de la fonctionnaire et remplacer ses heures manquantes.

79        En ce qui concerne l’allégation selon laquelle la gestionnaire de la fonctionnaire a personnellement reconnu que l’employeur était informé de ses besoins en matière de mesures d’adaptation et qu’elle n’a rien fait pour entreprendre des discussions ou pour prendre des mesures correctives pour y répondre, la question à laquelle il faut répondre consiste à savoir si l’employeur a omis de prendre des mesures d’adaptation à son endroit entre août 2011 et le 19 décembre 2011. Avant que l’on puisse y répondre, il faut déterminer si elle était invalide à l’époque. L’employeur n’était pas d’accord pour dire qu’elle souffrait d’une incapacité pendant la période visée par le grief. Même si c’était le cas, elle a de facto fait l’objet d’une mesure d’adaptation. L’employeur n’a pas manqué ou contrevenu à son obligation de prendre des mesures d’adaptation.

80        En août 2011, la chef d’équipe remplaçante, Mme Bot, remplaçait Mme Burkowsky pendant qu’elle était en congé annuel. Mme Bot a géré les absences de la fonctionnaire du milieu de travail pendant cette période. La fonctionnaire a communiqué, le 18 août 2011, avec la conseillère en gestion de dossiers d’invalidité de l’employeur et lui a posé des questions précises, auxquelles elle a reçu des réponses, des directives et des conseils très clairs (pièce 3, pages 1 et 2). On lui a répondu de s’adresser à sa chef d’équipe si elle avait besoin d’une mesure d’adaptation. Il n’y avait rien d’ambigu, de vague ou de flou en ce qui concerne ce qu’elle devait faire.

81        Au cours de la même période, la fonctionnaire a parlé à son médecin (pièce 2, onglet 9, page 3). Elle a signalé qu’elle éprouvait un malaise à la gorge et qu’elle avait réfléchi à l’idée de changer d’emploi les 5 et 18 août 2011 (le même jour où elle a communiqué avec la conseillère en gestion de dossiers d’invalidité). Le 25 août, elle s’est plainte de douleurs thoraciques auprès de son médecin, mais les dossiers n’indiquent aucune discussion concernant la nécessité de changer d’emploi. La docteure Mitchell a déclaré qu’elle ne met pas les personnes en arrêt de travail; elle trouve quelque chose qui fonctionne pour elles et les maintient dans le lieu de travail. Malgré tout cela, aucun document n’a été envoyé à l’employeur en ce qui concerne une pause des téléphones en raison de problèmes à la gorge ou de problèmes d’anxiété.

82        En août 2011, les renseignements médicaux indiquaient que des problèmes à la gorge empêchaient la fonctionnaire de faire son travail, pas une anxiété généralisée. Même si l’employeur savait qu’elle avait souffert d’anxiété dans le passé, qui l’avait obligée à s’absenter du lieu de travail, ces connaissances générales ne déclenchaient pas l’obligation de demander des renseignements. La fonctionnaire fait valoir que ces connaissances générales relatives à son état de santé, combinées à sa tendance à prendre des congés en août 2011, suffisaient à déclencher l’obligation de demander des renseignements. Cependant, les témoins de l’employeur ont déclaré que sa tendance à prendre des congés n’était ni excessive ni inhabituelle. Elle a pris 2,56 jours de congé en août, soit une combinaison de congés de sélection de personnel, de congés pour obligations familiales, de congés annuels, de congés compensatoires, de congés de maladie et de congés pour un rendez-vous médical. Le simple fait qu’elle a déjà été en congé d’invalidité n’imposait aucune obligation à l’employeur de demander des renseignements chaque fois qu’elle prenait un congé. Manifestement, à ce stade, il n’y avait aucune obligation de demander des renseignements.

83        En septembre 2011, la fonctionnaire a pris 1,25 jour de congé, utilisant le même éventail de congés pour assurer les heures. L’employeur a le droit d’avoir confiance dans le fait que ses employés énoncent les vrais motifs qui sous-tendent une demande de congé. Il ne peut pas supposer qu’un congé qui n’est pas lié à une maladie a été pris pour des fins autres que celle qui a été déclarée. Ce n’est qu’en novembre 2011, lorsque la fonctionnaire a commencé à demander un congé de maladie non payé, qu’un signal d’alarme a été lancé. En octobre 2011, la docteure a recommandé un changement aux heures de la fonctionnaire, ce à l’égard de quoi l’employeur a pris une mesure d’adaptation; au cours de ce mois, elle a pris seulement 12,6 heures de congé de maladie non payé, ce qui, une fois de plus, n’était pas inhabituel dans l’environnement du centre d’appels.

84        Ce n’est qu’à la fin de novembre 2011 que l’employeur a été informé des besoins complets de la fonctionnaire en matière de mesures d’adaptation, comme il est indiqué dans la note du médecin du 25 novembre 2011 (dont le contenu a été porté à la connaissance de Mme Bennett le 21 novembre 2011). En s’appuyant sur ce que la fonctionnaire lui a dit le 21 novembre, Mme Bennett a pris des mesures immédiates et a entrepris toutes les étapes pour accommoder la fonctionnaire.

85        Il n’y avait aucune raison de supposer en août 2011 que la fonctionnaire devait être employée à l’extérieur du centre d’appels. Même en octobre 2011, lorsque l’employeur a reçu la première note du médecin, aucune restriction n’était indiquée en ce qui concerne le fait de répondre aux téléphones.

86        Même si la Commission accepte le témoignage de la fonctionnaire selon lequel Mme Williams lui a dit en janvier 2011 que, si elle ne répondait pas aux téléphones, elle n’aurait aucun emploi, les actes de la fonctionnaire n’étaient pas cohérents avec ses activités de recherche d’emploi ailleurs, comme tant d’autres l’ont fait.

87        L’employeur avait pris des mesures d’adaptation à l’endroit de la fonctionnaire dans le passé, il n’y avait donc aucune raison qu’elle craigne, si elle demandait une autre mesure d’adaptation, de se retrouver sans emploi. Il n’y avait aucune raison pour qu’elle omette de dire à l’employeur en août qu’elle ne pouvait pas répondre aux téléphones, car, ce faisant, cela avait des répercussions sur sa gorge. Cependant, elle ne l’a pas fait.

88        On n’a pas demandé à Mme Burkowsky de prendre des dispositions pour organiser une réunion avec Mme Bennett en août, comme l’a indiqué la fonctionnaire dans son témoignage; c’est à sa remplaçante qu’on a demandé de le faire. Le rôle de la chef d’équipe remplaçante n’était pas de participer à des demandes de mesures d’adaptation pour les membres d’une autre équipe, mais plutôt d’assurer une surveillance pendant que la chef d’équipe désignée, Mme Bot, était en congé annuel.

89        Dans l’intégralité de la correspondance par courriel entre Mme Drennar et la fonctionnaire en août 2011 (pièce 8), on ne fait aucune mention d’une rencontre avec Mme Bennett. La seule rencontre mentionnée concernait la saisie des congés, qui n’a jamais eu lieu en fin de compte. Si la demande avait été présentée, la fonctionnaire ou la chef d’équipe l’aurait consignée.

90        Une fois de plus, les 15 et 29 septembre 2011, la fonctionnaire a consulté son médecin, cependant elle n’a présenté aucun billet indiquant des restrictions quelconques. Le billet de médecin daté du 21 octobre 2011 (pièce 3, page 7) recommande simplement qu’elle travaille de 8 h 30 à 16 h 30. On ne fait aucune mention du fait de ne pas répondre aux téléphones ou de ne pas travailler au centre d’appels. La fonctionnaire voulait un quart plus tard et a fait l’objet d’une mesure d’adaptation en ce sens.

91        Le 31 octobre 2011, le médecin a inscrit dans le dossier de la fonctionnaire qu’elle avait discuté de mesures d’adaptation dans le lieu de travail avec son syndicat (pièce 2, onglet 9). C’était deux mois après que la coordonnatrice de la gestion de dossiers d’invalidité lui a dit ce qu’elle devait faire pour demander une mesure d’adaptation en milieu de travail. Le 7 novembre 2011, elle a rendu visite à son médecin et lui a demandé un plan à présenter à son employeur.

92        Ce n’est que le 8 novembre 2011 que la fonctionnaire a mentionné qu’elle ne pouvait pas répondre aux téléphones dans son courriel adressé à Mme Burkowsky pour demander un allègement et l’autorisation à partir tôt (pièce 3, pages 8 à 11). Même dans ce courriel, rien n’indique que le problème était autre chose qu’un événement unique.

93        Le 17 novembre 2011, la Dre Mitchell a présenté à la fonctionnaire une lettre dans laquelle elle indiquait que l’environnement de travail du centre d’appels n’était pas propice à son état de santé et qu’un autre poste était nécessaire. Entre-temps, la fonctionnaire devait travailler un maximum de trois à quatre heures aux téléphones pendant une période d’au plus un mois (pièce 3, page 14). Une fois que l’employeur a reçu ces renseignements, les choses se sont déroulées rapidement, et la mesure d’adaptation recommandée a été mise en œuvre sans tarder.

94        La fonctionnaire a déposé le présent grief, car son agent négociateur n’estimait pas qu’elle aurait dû être transférée à AINC en guise de mesure d’adaptation à son égard. Il croyait qu’elle aurait dû faire l’objet d’une mesure d’adaptation à l’intérieur du centre d’appels en regroupant des fonctions pour créer un poste pour elle ou en lui offrant une promotion au niveau II. Même si l’une ou l’autre de ces mesures avait été possible, il était manifeste d’après la note du médecin qu’elle ne devait pas se trouver au centre d’appels. Pour cette raison, les possibilités évoquées par l’agent négociateur n’auraient pas été convenables.

95        L’employeur n’a commis aucune erreur en prenant des mesures d’adaptation à l’endroit de la fonctionnaire. Il a agi immédiatement une fois qu’il a été informé des restrictions. Avant qu’on lui propose le projet de l’AINC, toutes les possibilités ont été étudiées, y compris réactiver sa demande d’assurance-invalidité antérieure. Il n’y a pas d’obligation de fournir des adaptations parfaites et instantanées, seulement des adaptations (voir Zaytoun c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2010 CRTFP 35).

96        En résumé, il n’est pas certain qu’en août la fonctionnaire avait une incapacité. Elle éprouvait un problème à la gorge, mais il n’est pas clair que cela constituait une incapacité. Même si c’était le cas, l’employeur s’est conformé à toutes les recommandations du médecin. Si elle avait une incapacité, il n’y avait aucune preuve que cela l’empêchait de se présenter au travail. Selon le témoignage des témoins de l’employeur, ses dossiers de présence au travail étaient conformes à ceux d’autres employés au centre d’appels. En conséquence, il n’y a eu aucune répercussion négative.

97        Le fait de demander des renseignements à la coordonnatrice de la gestion de dossiers d’invalidité en août n’a pas déclenché une exigence de mettre un œuvre un plan de mesures d’adaptation lorsque la fonctionnaire a reçu des directives sur la façon d’obtenir une mesure d’adaptation si une telle mesure était requise, et elle devait fournir des renseignements médicaux à l’appui. Elle n’a fourni les renseignements requis à l’employeur que le 21 novembre 2011 et, à partir de ce moment-là, les choses se sont déroulées rapidement. D’autres demandes, comme des postes plus tard dans la journée, lui ont été proposées lorsqu’elle a fourni ses certificats médicaux. Les mesures prises étaient appropriées, raisonnables et opportunes. Elles répondaient aux limites et aux exigences désignées par le médecin traitant.L’obligation de demander des renseignements, si elle a effectivement été déclenchée, ce qui n’a pas été le cas selon l’employeur, a été respectée lorsqu’il a demandé des renseignements médicaux.

98        Il n’y a eu aucun acte discriminatoire en l’espèce. La présence habituelle au travail est une exigence professionnelle justifiée. La fonctionnaire devait établir que sa présence au travail ne constituait pas une telle exigence et elle n’a présenté aucun argument en ce sens. En conséquence, toutes les mesures prises par l’employeur dans lesquelles il insistait sur le fait que, pour être rémunérée, la fonctionnaire devait se présenter au travail et accomplir son travail, n’étaient pas discriminatoires.

99        L’argument de la fonctionnaire était que l’employeur a utilisé le plan de retour au travail progressif en août pour modifier son horaire laisse entendre que Mme Burkowsky savait pour quelle raison la fonctionnaire s’était absentée en 2010. Selon le témoignage de Mme Burkowsky, elle n’avait pas rencontré la fonctionnaire avant juin 2011. Même si elle avait pu réfléchir aux problèmes de la fonctionnaire, cela n’aurait pas informé l’employeur de l’état de santé de la fonctionnaire en août 2011. Toute conversation qu’a eue la fonctionnaire lorsqu’elle a commencé son retour au travail progressif en janvier 2011 à propos de ce qui se passerait si elle n’était pas en mesure d’accomplir le travail aurait été conjecturale. Selon le témoignage de l’ensemble des témoins, elle a réussi son retour au travail à temps plein.

100        La représentante de la fonctionnaire a demandé des dommages punitifs dans ses conclusions finales; cependant, dans son témoignage, la fonctionnaire a déclaré que l’employeur n’avait pas agi de mauvaise foi. Comment alors cette demande peut-elle être justifiée? Il n’y a aucune preuve de préjudice moral. La maladie est désagréable et stressante, mais cela ne veut pas dire que l’employeur est fautif. Ses mesures n’ont pas causé la maladie de la fonctionnaire. Il aurait participé plus tôt, en octobre, mais le syndicat a indiqué à Mme Bennett que sa participation n’était pas nécessaire. Lorsque le syndicat a accepté de rencontrer Mme Bennett, la rencontre a eu lieu; à ce moment-là, la mesure d’adaptation était en place.

101        En ce qui concerne la demande de remboursement des congés de maladie utilisés au cours de la période de juin à novembre 2011, une telle ordonnance devrait être rendue uniquement en cas de manquement. Le fait d’indemniser la fonctionnaire au même titre que les autres employés ou de lui accorder les avantages sociaux auxquels elle a droit en vertu du nombre d’heures travaillées ne constituait pas un acte discriminatoire. La différence de son statut, qu’elle soit une employée à temps partiel ou à temps plein, n’était pas une distinction qui découlait de son incapacité, mais plutôt du nombre d’heures qu’elle travaillait (voir Crossroads Regional Health Authority v. Alberta Union of Provincial Employees (2002), 105 L.A.C. (4e) 78, au paragraphe 62).

102        Il n’y avait aucun acte discriminatoire découlant du fait de rémunérer la fonctionnaire conformément à sa convention collective et il n’y a eu aucun manquement à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation en ne lui offrant pas des avantages sociaux accrus sous la forme de congés de maladie payés alors qu’elle avait épuisé ces crédits (voir Canada Safeway Ltd. v. Retail, Wholesale and Department Store Union, Local 454, 2004 SKQB 102, aux paragraphes 24 et 26; Ontario Public Service Employees Union v. Ontario (Liquor Control Board of Ontario) (2009), 182 L.A.C. (4e) 116; SaskPower v. UniFor, Local 649, [2015] S.L.A.A. No. 21 (QL); Nadeau c. Agence du revenu du Canada, 2017 CRTESPF 27).

103        Une demande explicite de mesures d’adaptation n’est pas toujours nécessaire, notamment lorsqu’il est ou semble évident pour un employeur qu’une certaine forme de mesures d’adaptation est requise pour permettre à un employé d’accomplir ses fonctions (voir Timmons c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CRTEFP 50). En temps normal, l’employé a l’obligation de communiquer à l’employeur la nature de l’incapacité (voir Mackenzie, au paragraphe 31).

104        Pour que l’obligation de demander des renseignements soit déclenchée, l’employeur doit avoir su ou aurait raisonnablement dû savoir que l’employé souffrait d’une incapacité nécessitant une mesure d’adaptation. Il incombait à la fonctionnaire de dire qu’elle avait besoin de mesures d’adaptation. Elle a communiqué son besoin à l’employeur en novembre seulement. Au moment où son utilisation du congé de maladie non payé a été mentionnée au cours de ce mois, il n’y avait aucune nécessité de demander des renseignements, puisque l’employeur était informé de ses besoins en matière de mesures d’adaptation à ce moment-là. Cela distingue la présente espèce de la situation de fait dans Mellon.

105        Selon la décision rendue dans Emond c. Conseil du Trésor (Commission nationale des libérations conditionnelles), au paragraphe 132, l’employeur est en droit de savoir de la façon la plus précise possible quelles sont les restrictions imposées à un employé. Il serait déraisonnable d’obliger l’employeur à déterminer unilatéralement la nature de la déficience de l’employé et à déterminer, tout aussi unilatéralement, la nature de l’accommodement à prévoir sans un apport de l’employé (voir Gibson c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2008 CRTFP 68, au paragraphe 36).

106        L’employeur est tenu de prendre des mesures raisonnables, à moins que cela ne cause une contrainte excessive, pour que des mesures d’adaptation soient prises à l’égard d’un employé. La recherche d’un compromis fait intervenir plusieurs parties. Pour faciliter le processus des mesures d’adaptation, l’employé doit fait sa part, y compris chercher un compromis raisonnable. Il faut examiner la conduite de l’employé pour déterminer si l’employeur a rempli son obligation d’accommodement (voir l’arrêt Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970).

107        La représentante de la fonctionnaire a fait valoir que l’employeur a manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de la fonctionnaire en omettant de lui trouver un autre emploi dans le centre d’appels. Les renseignements médicaux qu’elle a fournis indiquaient clairement qu’elle devait faire l’objet d’une mesure d’adaptation à l’extérieur de l’environnement du centre d’appels. D’autres possibilités ont été examinées, mais aucune ne satisfaisait aux limites soulevées par son médecin. L’employeur n’a commis aucune erreur en prenant des mesures d’adaptation à l’égard de la fonctionnaire; il n’a pas non plus tardé à prendre de telles mesures.

108        La portée d’une recherche d’une mesure d’adaptation adéquate peut exiger une recherche à l’extérieur du ministère d’attache (voir Singh c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2000 CRTFP 39; et Zhang c. Conseil du Trésor (Bureau du Conseil privé), 2005 CRTFP 173). L’employeur a agi immédiatement lorsque les limites de la fonctionnaire ont été identifiées et il a trouvé un emploi qui y répondait. Un délai de deux semaines pour lui trouver un nouveau poste n’était pas déraisonnable (voir Zaytoun).

IV. Motifs

109        La fonctionnaire a allégué que l’employeur a fait preuve de discrimination à son égard en ce qui concerne son incapacité, en contravention avec la LCDP et l’article 19 de la convention collective. Cet article dispose qu’il n’y aura aucune discrimination exercée ou appliquée à l’égard d’un employé du fait de son incapacité mentale ou physique, entre autres motifs.

110        Selon l’alinéa 226(2)a) de la Loi, l’arbitre de grief et la Commission peuvent, pour instruire toute affaire dont ils sont saisis, interpréter et appliquer la LCDP, sauf les dispositions de cette loi sur le droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes, relative à l’emploi, même si la LCDP entre en conflit avec une convention collective.

111        Selon l’article 7 de la LCDP, constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait de défavoriser l’employé en cours d’emploi. La déficience est un motif de distinction illicite (paragraphe 3(1)). Selon l’article 25 de la LCDP, une « déficience » est physique ou mentale, qu’elle soit présente ou passée, y compris le défigurement ainsi que la dépendance, présente ou passée, envers l’alcool ou la drogue.

112        Pour établir qu’un employeur a eu une pratique discriminatoire, un fonctionnaire doit d’abord établir une preuve suffisante jusqu’à preuve contraire de discrimination, soit celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier une conclusion en faveur de la fonctionnaire, en l’absence de réplique du défendeur (voir Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536, au paragraphe 28 (O’Malley)). La Commission ne peut pas examiner la réponse de l’employeur avant de déterminer si une preuve prima facie de discrimination a été démontrée (voir Lincoln c. Bay Ferries Ltd., 2004 CAF 204, au paragraphe 22).

113        Un employeur qui doit répondre à une preuve prima facie peut éviter une conclusion défavorable en présentant des éléments de preuve permettant de fournir une explication raisonnable qui démontre que ses agissements n’étaient pas, en fait, discriminatoires, ou en invoquant un moyen de défense prévu par la loi qui justifie la discrimination (A.B. c. Eazy Express Inc., 2014 TCDP 35, au paragraphe 13). Si une explication raisonnable est fournie, il appartient à la fonctionnaire de démontrer que l’explication constitue un simple prétexte pour exercer de la discrimination.

114        Il n’est pas nécessaire que les considérations en matière de discrimination constituent l’unique raison des actions en litige pour prouver l’allégation de discrimination. La fonctionnaire n’a qu’à démontrer que la discrimination constituait un des facteurs de la décision de l’employeur (voir Holden v. Canadian National Railway Company (1990), 14 C.H.R.R. D/12 (F.C.A.) au paragraphe 7). Le fardeau de la preuve dans les affaires concernant la discrimination est la norme civile de la prépondérance des probabilités (voir Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (ministère de la Défense nationale), [1996] 3 CF 789).

115        Il n’est pas contesté que la fonctionnaire a une incapacité ou que son incapacité exigeait une mesure d’adaptation dans le lieu de travail. La question en litige est celle de savoir à quel moment ses besoins en matière de mesures d’adaptation ont été communiqués à l’employeur et si les mesures prises par l’employeur répondaient à son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’endroit de la fonctionnaire.

116        Une mesure d’adaptation n’est pas un processus unilatéral dirigé par l’employeur; l’employé y joue un rôle important. Comme l’a tranché la Cour suprême dans l’arrêt Renaud, la recherche d’un compromis « fait intervenir plusieurs parties » et le fonctionnaire s’estimant lésé a également l’obligation « d’aider à en arriver à un compromis convenable » (aux paragraphes 43 et 44). Les actions de la fonctionnaire ont eu une incidence directe sur le moment où l’employeur a été informé du besoin de mesures d’adaptation relativement à son incapacité.

117        La fonctionnaire a commencé un retour au travail progressif en janvier 2011 après une période d’invalidité de longue durée. Lors d’une première rencontre avec sa chef d’équipe, Mme Williams, elle a demandé ce qui se passerait si elle n’était pas en mesure de répondre aux téléphones. Sa représentante m’a demandé que je désigne cet événement comme la première fois où elle a prévenu l’employeur qu’elle avait besoin d’une mesure d’adaptation. En toute déférence, je ne suis pas d’accord. Après avoir écouté longuement son témoignage, qui était très honnête et transparent, bien que pas toujours précis en ce qui concerne les dates et les événements, à ce stade, elle ne demandait aucune autre mesure d’adaptation. Il s’est avéré que le retour au travail a été réussi dans un premier temps et qu’il n’a été nécessaire de répondre à cette question qu’à un moment ultérieur.

118        Elle a continué à travailler à temps plein pendant environ trois mois, jusqu’à ce qu’elle commence à éprouver des symptômes, y compris des douleurs thoraciques et à la gorge. L’employeur l’a autorisée à modifier ses heures de travail en changeant ses heures de début et de fin.

119        Au cours de cette période, elle a activement recherché un autre emploi et on lui a accordé les congés demandés pour les processus de sélection.

120        En juin ou en juillet 2011, sa chef d’équipe a commencé à remarquer que la fonctionnaire éprouvait une fois de plus des problèmes de présence au travail, même si, selon le témoignage des témoins de l’employeur, sa présence au travail n’était pas pire que celle de nombreux autres employés du centre d’appels. Tous les problèmes de présence au travail ne constituent pas une preuve d’incapacité ou d’un besoin en matière de mesures d’adaptation.

121        En juillet, la fonctionnaire a pris un mois de vacances. Entre juin et août, elle a également épuisé ses crédits de congé pour obligations familiales ainsi que ses crédits uniques de congé spécial. Lorsque la chef d’équipe lui a demandé si un problème de santé l’empêchait de se présenter au travail selon ce qui était prévu, la fonctionnaire a répondu par la négative. On lui a rappelé plusieurs fois qu’elle devait fournir une note du médecin pour justifier ses absences pour lesquelles elle demandait un congé de maladie non payé.

122        Le 19 août 2011, la fonctionnaire a communiqué avec la conseillère en gestion de dossiers d’invalidité de l’employeur. À mon avis, la communication par courriel datée du 19 août 2011 constitue l’élément de preuve le plus convaincant que la fonctionnaire n’avait pas demandé une mesure d’adaptation, de son retour au travail en janvier 2011 jusqu’à ce moment, inclusivement. La fonctionnaire a dit ce qui suit à Mme Reynolds : [traduction] « […] J’ai commencé un retour au travail progressif en janvier 2011. Je suis heureuse de dire que j’ai réussi à revenir à des heures à temps plein et que je n’ai eu besoin d’aucun congé important depuis. » Compte tenu de cette confirmation de la fonctionnaire, il m’est difficile de retenir la thèse de sa représentante selon laquelle elle a demandé une mesure d’adaptation autre qu’une modification de ses heures et qu’un congé pour participer à des processus de nomination avant ce moment, ce qu’a autorisé l’employeur. 

123         Dans cette même correspondance par courriel, la fonctionnaire a ensuite posé des questions précises, auxquelles elle a reçu des réponses, des directives et des conseils clairs sur ce qu’il convenait de faire si elle avait besoin de mesures d’adaptation, qu’elle n’a pas suivis. Au lieu de cela, elle signalé à son médecin qu’elle éprouvait un malaise à la gorge et qu’elle avait réfléchi à l’idée de changer d’emploi les 5 et 18 août 2011. Les renseignements médicaux qu’elle a fournis à l’employeur étaient que les problèmes qu’elle éprouvait à la gorge l’empêchaient de faire son travail et qu’elle devait passer moins de temps à répondre aux téléphones, et non qu’elle souffrait d’anxiété généralisée. Une fois de plus, cette demande de mesures d’adaptation a été accordée.

124        En septembre 2011, la fonctionnaire a pris 1,25 jour de congé, utilisant un éventail de congés pour couvrir les heures. Les 15 et 29 septembre 2011, elle a consulté son médecin, cependant elle n’a présenté aucune note indiquant des restrictions quelconques. La note du médecin daté du 21 octobre 2011 (pièce 3, page 7) recommandait simplement qu’elle travaille de 8 h 30 à 16 h 30. On ne faisait aucune mention du fait de ne pas répondre aux téléphones ou de ne pas travailler au centre d’appels.

125        La fonctionnaire voulait un poste plus tard et a fait l’objet d’une mesure d’adaptation en ce sens. Le 31 octobre 2011, son médecin a inscrit dans le dossier de la fonctionnaire que celle-ci avait discuté de mesures d’adaptation dans le lieu de travail avec son syndicat (pièce 2, onglet 9). C’était deux mois après que la coordonnatrice de la gestion de dossiers d’invalidité lui a dit ce qu’elle devait faire pour demander une mesure d’adaptation dans le lieu de travail. Le 7 novembre 2011, la fonctionnaire a vu son médecin et a demandé un plan de mesures d’adaptation à présenter à l’employeur.

126        Ce n’est que le 8 novembre 2011 qu’on a fait mention que la fonctionnaire ne pouvait pas du tout répondre aux téléphones. Cet avis a été communiqué dans un courriel adressé à Mme Burkowsky dans lequel elle demandait l’autorisation de partir plus tôt (pièce 3, pages 8 à 11). Cependant, même dans le courriel, rien n’indiquait qu’il s’agissait d’autre chose qu’un événement unique.

127        Le 17 novembre 2011, la Dre Mitchell a remis à la fonctionnaire une lettre dans laquelle elle indiquait que l’environnement de travail du centre d’appels n’était pas propice à l’état de santé de la fonctionnaire et qu’un autre poste à l’extérieur du centre d’appels était nécessaire. Entre-temps, la fonctionnaire devait travailler un maximum de trois à quatre heures aux téléphones pendant une période d’au plus d’un mois.

128        L’état de la fonctionnaire s’est aggravé en 2011, selon la Dre Mitchell. Le 25 août, elle a signalé des douleurs thoraciques, qui étaient son anxiété se manifestant comme un épisode cardiaque. La Dre Mitchell a déclaré qu’elle a encouragé la fonctionnaire à trouver un autre poste. Elle a également suggéré un poste modifié, le tout dans l’espoir de tenter de trouver une solution qui répondrait aux limites de la fonctionnaire. Comme il est indiqué, l’employeur a accepté le poste modifié demandé.

129        Le 21 octobre 2011, une amie de la fille de la fonctionnaire s’est suicidée, ce qui a déclenché les symptômes de la fonctionnaire; son état s’est aggravé considérablement. Malgré cela, il s’est écoulé des mois avant qu’elle présente une note du médecin indiquant ses restrictions, car la philosophie de son médecin consistait à traiter la patiente dans le lieu de travail.

130        Pendant octobre et novembre 2011, le fait de travailler en répondant aux téléphones a aggravé l’état de la fonctionnaire. Les appels ajoutaient à son stress, car les interactions n’étaient pas prévisibles et la fonctionnaire sentait qu’elle n’avait pas les ressources pour appuyer les appelants. Le 17 novembre 2011, la Dre Mitchell lui a indiqué ainsi qu’à son employeur qu’elle devait éviter les contacts prolongés et continus avec les clients, et qu’un horaire de travail souple était nécessaire. Selon le témoignage du médecin, si ces conditions avaient été satisfaites, elle aurait pu travailler à temps plein.

131        La note du médecin reçue le 25 novembre 2011 indiquait que l’environnement du centre d’appels n’était pas propice au bon état de santé de la fonctionnaire et qu’elle devrait chercher un emploi à un autre endroit. Elle pouvait demeurer au centre d’appels pendant un mois entre-temps, dans la mesure où elle ne travaillait pas plus de quatre heures aux téléphones. Après avoir reçu cette note, Mme Bennett a pris des mesures immédiates et a trouvé le poste à AINC pour la fonctionnaire.

132        D’après le résumé des événements et la preuve présentés, il me semble manifeste que l’employeur a répondu aux besoins de la fonctionnaire conformément à sa compréhension au cours de l’été 2011. Elle a été autorisée à modifier son horaire et à chercher des possibilités de carrière en dehors du centre d’appels, tout cela sans le bénéfice de renseignements de sa part indiquant ses limites et la façon de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de celles-ci. La raison pour laquelle l’employeur a agi ainsi n’a pas été expliquée, mais il est évident que, lorsque la mesure a été autorisée, la fonctionnaire utilisait non seulement un congé de maladie, mais aussi un congé annuel et un congé pour obligations familiales pour justifier ses absences.

133        Comme l’a fait valoir la représentante de l’employeur, l’employeur a le droit d’avoir confiance dans le fait que ses employés énoncent les vrais motifs qui sous-tendent une demande de congé. L’employeur ne peut pas supposer qu’un congé qui n’est pas lié à une maladie est pris pour des fins autres que celle qui a été déclarée. Compte tenu des dénégations de la fonctionnaire selon laquelle elle avait besoin d’aide et l’absence de renseignements médicaux pour justifier le besoin en matière de mesures d’adaptation, l’employeur avait raison d’accepter les motifs déclarés pour le congé et de ne pas demander d’autres renseignements quant à savoir s’il y avait un motif sous-jacent dont il n’était pas au fait.

134        La fonctionnaire n’a présenté aucune demande explicite de mesures d’adaptation avant le 25 novembre 2011, même si une telle demande n’est pas toujours nécessaire lorsqu’il est ou semble évident pour un employeur qu’une certaine forme de mesures d’adaptation est requise pour permettre à un employé d’accomplir ses fonctions (voir Timmons, au paragraphe 74). En temps normal, l’employé a l’obligation de communiquer à l’employeur la nature de l’incapacité (voir Mackenzie, au paragraphe 30). Pour qu’une obligation de demander des renseignements soit déclenchée en l’espèce, l’employeur doit avoir su ou avoir raisonnablement dû savoir que l’employée avait besoin d’autres mesures d’adaptation que celles qu’elle avait demandées et dont elle avait fait l’objet jusqu’à ce stade. La représentante de la fonctionnaire invoque sur Mackenzie pour faire valoir que le défaut de l’employeur de demander des renseignements sur la santé de la fonctionnaire contrevenait à l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation. Dans Mackenzie, le commissaire a insisté sur le fait qu’un défaut de demander des renseignements [traduction] « a été jugé discriminatoire dans certains cas » (au paragraphe 31). La majorité des décisions citées dans Mackenzie, y compris Mackenzie elle-même, portait sur des affaires de licenciement. Ce n’est certainement pas le cas en l’espèce. De toute façon, même si les circonstances de la présente affaire déclenchaient une obligation de demander des renseignements, je ne suis pas convaincue que l’employeur a omis de demander des renseignements. Il incombait à la fonctionnaire de communiquer le besoin de mesures d’adaptation. Comme je l’ai déjà indiqué, le courriel du 19 août 2011 de la fonctionnaire à Mme Reynolds est une preuve convaincante de la fonctionnaire elle-même quant à son besoin de mesures d’adaptation avant cette date. Elle a communiqué son besoin à l’employeur en novembre uniquement, malgré le fait que la conseillère en gestion de dossiers d’invalidité lui a conseillé de le faire près de deux mois plus tôt.

135        Selon le témoignage du médecin de la fonctionnaire, sa condition était aggravée par des facteurs externes au lieu de travail, comme le suicide d’une amie de sa fille. Le médecin a également dit qu’elle préférait maintenir ses patients dans le lieu de travail. Sachant cela, elle n’a rien suggéré qui aurait exigé de l’employeur qu’il examine la possibilité de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de la fonctionnaire à l’extérieur du centre d’appels avant le 25 novembre 2011.

136        La fonctionnaire a effectivement eu recours à une quantité considérable de congés, mais cela n’était pas incompatible avec le nombre de congés que d’autres employés du centre d’appels utilisaient. En outre, cela n’a soulevé aucune préoccupation avant l’automne 2011, au moment où la fonctionnaire a commencé à présenter des notes du médecin qui indiquaient qu’elle avait besoin d’une mesure d’adaptation dans le lieu de travail. L’employeur y a donné suite rapidement.

137        En appliquant le critère établi dans O’Malley, je conclus que le témoignage de la fonctionnaire, si on lui fait foi, serait complet et suffisant pour justifier une conclusion de discrimination en sa faveur en l’absence d’une réponse de l’employeur. Il montre qu’elle a une incapacité et qu’elle constituait un obstacle à l’exécution appropriée de son travail dans le lieu fourni par l’employeur. Par conséquent, la fonctionnaire a établi une preuve prima facie au motif qu’elle a été défavorisée en cours d’emploi en raison de son incapacité.

138        Le paragraphe 15(2) de la LCDP établit une défense prévue par la loi qui serait par ailleurs une pratique discriminatoire. Les parties applicables de l’article 15 de la LCDP sont ainsi rédigées :

Exceptions

15. (1) Ne constituent pas des actes discriminatoires :

a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l’employeur qui démontre qu’ils découlent d’exigences professionnelles justifiées; […]

Besoins des individus

15. (2) Les faits prévus à l’alinéa (1)a) sont des exigences professionnelles justifiées ou un motif justifiable […] s’il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d’une personne ou d’une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

139        Pour les motifs décrits ci-dessous, j’ai conclu que l’employeur a établi son moyen de défense légal fondé sur une EPJ à la discrimination prima facie. Les tribunaux judiciaires et administratifs ont affirmé à maintes reprises que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation exige qu’un employeur offre une mesure d’adaptation raisonnable; elle n’exige pas une mesure d’adaptation parfaite ou la mesure d’adaptation privilégiée par la fonctionnaire.

140        D’après la preuve dont je suis saisie, j’ai conclu que l’employeur s’est acquitté de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation dans les circonstances. Malgré le fait que la fonctionnaire a omis de produire des renseignements médicaux à l’appui pour établir ses restrictions ou limites, l’employeur a pris des mesures d’adaptation en ce qui concerne ses besoins après son retour au travail en janvier 2011, comme il lui était demandé jusqu’à ce que son médecin indique qu’elle ne pouvait plus travailler dans l’environnement du centre d’appels, après quoi l’employeur lui a trouvé une autre affectation à AINC, avec son consentement. Ce n’est que lorsque la fonctionnaire a correspondu avec Mme Reynolds, le 19 août 2011, qu’elle a indiqué qu’elle pourrait avoir besoin d’une mesure d’adaptation, car elle [traduction] « pouvait ne pas être en mesure de répondre autant aux téléphones ». Lorsque Mme Bennett a reçu la lettre du 17 novembre 2011 du médecin de la fonctionnaire, il me semble clair, d’après le témoignage de Mme Bennett et les éléments de preuve documentaire à l’appui, qu’elle a immédiatement entrepris une série de mesures, qui ont culminé avec l’offre à AINC. Tout retard qui pourrait avoir eu lieu dans le cadre de la mise en œuvre de la mesure d’adaptation est imputable à la fonctionnaire, y compris le retard dans la prestation de renseignements médicaux à l’employeur (voir Emond).

141        En ce qui concerne l’argument de la fonctionnaire selon lequel le poste à AINC ne constituait pas une mesure d’adaptation convenable et que l’employeur aurait dû la promouvoir au niveau II ou regrouper des tâches et créer un poste pour elle au centre d’appels, à mon avis, il est sans fondement. D’abord et avant tout, ces suggestions n’auraient pas répondu à la principale restriction relevée par le médecin de la fonctionnaire, à savoir qu’elle ne pouvait pas travailler dans l’environnement du centre d’appels. Deuxièmement, l’employeur est tenu de prendre une mesure d’adaptation à l’endroit d’un employé sans qu’il en résulte une contrainte excessive, mais il n’est pas tenu de promouvoir un employé ou de créer un poste lorsque d’autres possibilités qui répondent aux restrictions de l’employé sont disponibles. Il n’existe aucune obligation de prendre une mesure d’adaptation immédiate ou parfaite (Zaytoun). Je suis convaincue que, dans les circonstances, le fait que l’employeur a facilité la possibilité à AINC pour la fonctionnaire constituait une mesure d’adaptation raisonnable.

142        Pour conclure, le poste à AINC constituait une mesure d’adaptation raisonnable dans toutes les circonstances; l’employeur s’est acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation à son égard. En conséquence, puisque l’employeur a pris une mesure d’adaptation en ce qui concerne l’incapacité de la fonctionnaire, il n’a commis aucun acte discriminatoire à son égard.

143        Je précise que, dans le cadre de la réparation qu’elle demande, la fonctionnaire a demandé à être indemnisée pour le congé de maladie non payé qu’elle a pris entre octobre et novembre 2011. Cette question a été tranchée au moyen de la procédure de règlement des griefs une fois qu’il a été établi que la fonctionnaire avait besoin d’une mesure d’adaptation. Toute autre utilisation d’un congé de maladie n’est pas visée par le présent grief, compte tenu de ma conclusion selon laquelle l’employeur n’a pas manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation en tout temps avant qu’elle lui présente les recommandations de son médecin et lui communique ses limites et ses besoins connus à la fin novembre 2011. 

144        Bien que j’aie déjà décidé que l’employeur s’est acquitté de ses obligations de prendre des mesures d’adaptation à l’endroit de la fonctionnaire, les commentaires de la représentante de cette dernière concernant le manque apparent de formation que reçoivent les gestionnaires du centre d’appels dans ce domaine sont fondés. J’estime qu’il est tout à fait approprié d’attirer l’attention de l’employeur sur la nécessité d’offrir une formation aux chefs d’équipe et aux gestionnaires sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Cela s’avère particulièrement pertinent, puisque l’on prévoyait que la fonctionnaire serait en congé de maladie jusqu’en mai 2018 et que l’on ignore encore quels sont ou seront ses besoins à son retour. L’obligation de prendre des mesures d’adaptation est une obligation permanente. Le fait que la fonctionnaire a bénéficié d’une mesure d’adaptation en 2011 n’exempte pas l’employeur de ses obligations dans l’éventualité où la fonctionnaire serait désormais apte à retourner dans le lieu de travail.

145        Compte tenu des renseignements médicaux sensibles contenus dans les pièces, il est dans l’intérêt supérieur de la protection de la vie privée de la fonctionnaire que les rapports médicaux soient scellés. Cependant, étant donné que bon nombre de ces renseignements sont contenus dans des volumes reliés de pièces et qu’ils sont mentionnés dans d’autres documents contenus dans ces volumes et dans les pièces mobiles produites séparément, j’estime qu’il est préférable de pécher par excès de prudence et de sceller le dossier des pièces dans son intégralité, à l’exception de la pièce 1.

146        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

147        Le grief est rejeté.

148        Les pièces 2 à 11, inclusivement, sont scellées sur ordonnance.

Le 15 mai 2018.

Traduction de la CRTESPF

Margaret T.A. Shannon,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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