Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’employeur a empêché la fonctionnaire s’estimant lésée de participer à des activités politiques pendant les élections fédérales de 2015 – les parties ont présenté ensemble un exposé conjoint des faits et une demande d’ordonnance – l’ordonnance proposée par les parties prévoit un règlement clair et final au grief et est dans l’intérêt supérieur des relations de travail – le fait d’empêcher la fonctionnaire s’estimant lésée de solliciter des votes pour le compte d’un parti politique contrevenait à la convention collective.

Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20180518
  • Dossier:  566-02-12604
  • Référence:  2018 CRTESPF 45

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

KRISTEN MOHR

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Bureau du directeur des poursuites pénales)

employeur

Répertorié
Mohr c. Conseil du Trésor (Bureau du directeur des poursuites pénales)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Christopher C. Rootham, avocat
Pour l'employeur:
Joshua Alcock, avocat
Décision rendue sur la base d’arguments écrits,
déposés le 4 décembre 2017.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1        La fonctionnaire s’estimant lésée, Kristen Mohr, (la « fonctionnaire »), travaille pour le Service des poursuites pénales du Canada (« SPPC ») comme avocate. Elle est classifiée au groupe et au niveau LP-02. Le 2 novembre 2015, elle a présenté un grief contre la décision de son employeur de l’empêcher de participer à des activités politiques pendant les élections fédérales de 2015. Le 25 mai 2016, le grief a été renvoyé à l’arbitrage auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique.

2        Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9), a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’il devienne, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral.

3        L’audience de l’affaire devait avoir lieu les 27 et 28 décembre 2017, à Ottawa, en Ontario. Le 4 décembre 2017, les parties ont adopté un [traduction] « procès-verbal de règlement » (« PVR »), après quoi elles ont demandé au commissaire chargé d’entendre et de trancher la question de rendre une ordonnance sur consentement des parties.

4        Au moment des questions en litige dans le grief, les conditions d’emploi de la fonctionnaire étaient régies en partie par la convention collective négociée entre l’employeur et l’Association des juristes de justice (l’« agent négociateur ») pour le groupe Droit (tous les juristes), qui a été signée le 12 mars 2013 et qui venait à échéance le 9 mai 2014 (la « convention collective »).

5        L’article 5 de la convention collective prévoit ce qui suit :

ARTICLE 5

DROITS DE LA DIRECTION

5.01   L’Association reconnaît que l’Employeur retient toutes les fonctions, les droits, les pouvoirs et l’autorité que ce dernier n’a pas, d’une façon précise, fait diminuer, déléguer ou modifier par la présente convention.

5.02   L’Employeur agit raisonnablement, équitablement et de bonne foi dans l’administration de la présente convention collective.

[…]

6        L’article 6 de la convention collective prévoit ce qui suit :

ARTICLE 6

DROITS DES JURISTES

6.01   Rien dans la présente convention ne peut être interprété comme une diminution ou une restriction des droits constitutionnels ou de tous autres droits d’un juriste qui sont accordés explicitement par une loi du Parlement du Canada.

II. Exposé conjoint des faits et de l’ordonnance demandée de la Commission

7        Dans le cadre du PVR, les parties ont présenté ensemble un exposé conjoint des faits et une demande d’ordonnance, qui indique ce qui suit :

[Traduction]

[…]

  1. La fonctionnaire s’estimant lésée, Kristen Mohr, est une avocate classifiée au groupe et au niveau LP-02 qui travaille pour le Service des poursuites pénales du Canada (« SPPC »).
  2. La fonctionnaire  s’estimant lésée fait partie de l’« équipe des voyages » du SPPC. Par conséquent, la majeure partie de la charge de travail de la fonctionnaire s’estimant lésée comprend la tenue de procès à l’extérieur de la région de la capitale nationale. La fonctionnaire s’estimant lésée a certains dossiers dans la région de la capitale nationale.
  3. La fonctionnaire s’estimant lésée souhaitait faire de la sollicitation pour le compte d’un candidat lors des élections fédérales de 2015 dans une circonscription de la région de la capitale nationale. En tant que solliciteuse, la fonctionnaire s’estimant lésée ferait du porte-à-porte dans son voisinage pour demander aux résidents de voter pour son candidat. Elle ne s’identifierait que par son prénom et indiquerait qu’elle fait du bénévolat pour le candidat et son parti politique. La fonctionnaire s’estimant lésée ne communiquerait pas sa profession ou son nom de famille. La fonctionnaire s’estimant lésée installerait également des panneaux publicitaires dans le voisinage et distribuerait des brochures et d’autres documents au sujet de son candidat.
  4. Le 26 août 2015, l’avocat ministériel du SPPC a envoyé un courriel à tous les employés du SPPC pour leur rappeler leurs responsabilités en ce qui concerne les activités politiques. Le courriel contenait un lien vers un « Outil d’autoévaluation des activités politiques » en ligne à l’intention des employés qui pourraient envisager de mener des activités politiques autres qu’une candidature.
  5. Le même jour, la fonctionnaire s’estimant lésée a utilisé l’outil en ligne. Les résultats n’ont pas été concluants. Par conséquent, elle a écrit à l’avocat ministériel du SPPC le 27 août 2015, pour lui demander conseil. L’avocat ministériel du SPPC a répondu le 15 septembre 2015 pour demander plus de renseignements. La fonctionnaire s’estimant lésée a fourni ces renseignements le 16 septembre 2015, et a expliqué qu’elle souhaitait être une solliciteuse (selon la description qui précède) ainsi que la nature de ses fonctions de procureure (également décrites ci-dessus).
  6. Le 18 septembre 2015, la fonctionnaire s’estimant lésée a confirmé, en réponse aux questions de l’avocat ministériel, que la sollicitation aurait lieu en dehors de ses heures de travail.
  7. Le 1er octobre 2015, le directeur des poursuites pénales a conclu que la sollicitation de la fonctionnaire s’estimant lésée représentait un « conflit d’intérêts apparent ou éventuel ».
  8. La fonctionnaire s’estimant lésée s’est conformée à la décision du directeur du Service des poursuites pénales.
  9. Le 2 octobre 2015, la fonctionnaire s’estimant lésée a contesté cette décision. Dans son formulaire de présentation du grief, elle a déclaré ce qui suit :

Par la présente, je conteste la décision de l’employeur de m’interdire de participer à des activités politiques tout au long de la période électorale fédérale.

Le 6 janvier 2017, la Cour d’appel fédérale a rendu sa décision dans Taman c. Procureur général du Canada, 2017 CAF 1. Dans cette décision, la Cour d’appel fédérale a annulé la décision de la Commission de la fonction publique du Canada refusant à un autre procureur du SPPC d’être candidat pour les élections fédérales de 2015, au motif que la Commission n’avait pas justifié sa conclusion ni élaboré suffisamment son raisonnement.

ET ATTENDU que les parties sollicitent une décision de la Commission pour rendre l’ordonnance indiquée ci-dessous;

LA COMMISSION REND L’ORDONNANCE QUI SUIT :

  1. Le grief est accueilli.
  2. Sur consentement des parties, je déclare que la décision du directeur des poursuites pénales en date du 1er octobre 2015, empêchant la fonctionnaire s’estimant lésée de solliciter des votes pour le compte d’un parti politique de la façon indiquée au paragraphe 3 de l’exposé conjoint des faits, contrevenait à l’article 5.02 de la convention collective négociée entre l’employer et l’agent négociateur puisque cette décision n’était pas raisonnable.
  3. Sur consentement des parties, j’ordonne également que la lettre du directeur des poursuites pénales en date du 1er octobre 2015 soit retirée du dossier de l’avocat ministériel du SPPC.

8        L’exposé conjoint des faits indique la mauvaise date en ce qui concerne le grief, qui a été présenté le 2 novembre 2015, et non le 2 octobre 2015.

9        Sur consentement, les parties ont conjointement demandé que les faits et l’ordonnance figurant dans le PVR soient émis à titre d’ordonnance de la Commission.

III. Motifs

10        J’ai examiné et analysé le contenu de l’ordonnance sur consentement et les documents au dossier. Je conclus que l’ordonnance sur consentement proposé par les parties à la convention collective prévoit un règlement clair et final au grief et, à ce titre, elle est dans l’intérêt supérieur des relations de travail. Je n’ai donc aucune raison de ne pas consentir à la demande des parties.

11        Pour les motifs énoncés ci-dessus, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

12        Le grief est accueilli.

13        Sur consentement des parties, je déclare que la décision du directeur des poursuites pénales en date du 1er octobre 2015, empêchant la fonctionnaire de solliciter des votes pour le compte d’un parti politique de la façon indiquée au paragraphe 3 de l’exposé conjoint des faits, contrevenait à l’article 5.02 de la convention collective négociée entre l’employer et l’agent négociateur puisque cette décision n’était pas raisonnable.

14        Sur consentement des parties, j’ordonne également que la lettre du directeur des poursuites pénales en date du 1er octobre 2015 soit retirée du dossier de l’avocat ministériel du SPPC.

Le 18 mai 2018.

Traduction de la CRTESPF

John G. Jaworski,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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