Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé est un professeur d’université et il croyait qu’un protocole d’entente (PE) autorisait l’octroi de certains avantages aux membres de la faculté, dans la mesure où ils présentaient un préavis de départ à la retraite suffisant – les avantages étaient désignés comme un « régime à trois volets » (double augmentation de salaire, congé sabbatique et allègement de la charge d’enseignement) – le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief alléguant des violations du PE et d’une pratique antérieure en vertu de la convention collective, au motif que l’employeur ne lui a pas accordé tous les avantages prévus dans le régime à trois volets – après le renvoi du grief à l’arbitrage, l’employeur s’est engagé à accorder la double augmentation prévue dans le PE, au motif qu’il s’agissait d’une condition d’emploi qui demeurait en vigueur après la présentation d’un avis de négocier – la formation de la Commission a jugé que, sur le fondement du principe établi dans Burchill c. Canada (Procureur général), [1981] 1 C.F. 109 (C.A.), elle n’avait pas compétence pour examiner les questions de l’allègement de la charge d’enseignement et du congé sabbatique, parce qu’elle n’était pas convaincue que ces questions avaient été soulevées à un moment quelconque de la procédure de règlement des griefs – quant à la violation présumée du PE concernant l’octroi de la double augmentation, la formation a tranché que cette question n’était pas théorique, puisque l’employeur avait reconnu qu’il s’agissait d’une condition d’emploi visée par la disposition sur le gel législatif – la formation a conclu que l’agent négociateur s’était acquitté du fardeau de la preuve en vertu de la convention collective, qui consistait à établir que l’octroi de la double augmentation était une pratique antérieure et que, par conséquent, les dispositions du PE avaient été incorporées dans la convention collective – cependant, la formation a conclu que le libellé clair et non ambigu de la convention collective prévoyait une condition préalable à l’octroi de la double augmentation – la formation de la Commission a conclu qu’étant donné que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas signé les formulaires indiquant une date de retraite, il n’avait pas satisfait à la condition préalable.

Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20180426
  • Dossier:  566-02-11580
  • Référence:  2018 CRTESPF 35

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

MICHAEL HURLEY

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Défense nationale)

employeur

Répertorié
Hurley c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
David Olsen, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Christopher Perri, avocat
Pour l'employeur:
Allison Sephton, avocat
Affaire entendue à Kingston (Ontario)
les 13 et 14 décembre 2016, et les 9 et 10 mars 2017.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Demande devant la Commission

1        Depuis 1988, le fonctionnaire s’estimant lésé, M. Michael Hurley, Ph. D. (le « fonctionnaire »), est professeur d’université au Collège militaire royal du Canada (CMR) à Kingston, en Ontario. L’enseignement est l’une de ses passions. À trois reprises, les cadets du CMR ont proposé sa candidature à des prix d’excellence en enseignement./

2        M. Hurley songeait à la retraite depuis quelque temps. Il voulait coordonner son départ à la retraite avec l’achèvement des études de sa fille à l’Université de Toronto. Il avait entendu parler d’un protocole entre l’Association des professeurs(es) des collèges militaires du Canada (APCMC; l’« agent négociateur ») et le CMR, en vertu duquel certains avantages pouvaient être consentis à un enseignant s’il donnait le plus long préavis possible de son intention de prendre sa retraite. Il n’en connaissait pas précisément les détails.

3        M. Hurley a consulté la représentante de son agent négociateur, Mme Helen Luu, Ph. D. Elle l’a renvoyé à M. Jean-Marc Noël, Ph. D., le président de l’APCMC.

4        MM. Hurley et Noël se sont rencontrés le 26 janvier 2015, et ont élaboré plusieurs versions d’un régime de retraite. Selon M. Hurley, le régime comprenait trois volets principaux, à savoir une double augmentation de salaire basée sur le rendement satisfaisant au cours des trois dernières années de son emploi, un congé sabbatique de six mois et une charge d’enseignement allégée pendant six mois après son retour de congé et immédiatement avant son départ à la retraite, afin de boucler ses fonctions académiques (le « régime à trois volets »). Au cours de la période d’allègement de la charge d’enseignement de six mois, il devait être relevé de ses fonctions d’enseignement en classe.

5        Selon le régime, M. Hurley devait prendre son congé sabbatique de six mois à compter de janvier 2017. La période d’allègement de la charge d’enseignement de six mois devait commencer à la fin de juin 2017, jusqu’à son départ à la retraite en janvier 2018.

6        MM. Hurley et Noël ont décidé de rencontrer le directeur du CMR, M. Harry Kowal, Ph. D., pour l’informer du régime de retraite du fonctionnaire.

7        Une réunion a eu lieu le 27 avril 2015 (la « réunion d’avril 2015 »). MM. Noël, Hurley et Kowal, le vice-recteur aux études du CMR, M. Philip Bates, Ph. D., et Kathleen Hope, des ressources humaines, y ont assisté.

8        Il n’y a pas de consensus entre les participants au sujet des questions qui ont été débattues à la réunion, ou de l’issue de celle-ci. Par conséquent, le grief en l’espèce a été renvoyé à l’arbitrage et a été assigné à la présente formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »).

9        MM. Hurley et Noël ont affirmé qu’ils avaient clairement exposé les éléments du régime à trois volets, tandis que MM. Kowal et Bates se sont souvenus que la seule question débattue avait été celle de la retraite et d’un protocole d’entente (PE) en date du 1er juillet 2007, qui portait sur la double augmentation et qui a été signé par un ancien directeur et un ancien président de l’agent négociateur. M. Kowal n’était pas familier avec le PE. Au meilleur de leurs connaissances, les questions du congé sabbatique et de l’allègement de la charge d’enseignement n’avaient pas fait l’objet de discussions.

10        MM. Hurley et Noël ont affirmé que M. Kowal avait déclaré qu’il ne se conformerait pas aux pratiques passées ou au PE, parce qu’il estimait qu’il n’était pas lié au PE étant donné qu’il ne l’avait pas signé. À l’inverse, MM. Kowal et Bates ont dit au sujet de la réunion qu’il s’agissait d’une première discussion quant au régime de retraite de M. Hurley. Ils ont déclaré qu’à la fin de la réunion, aucune décision n’avait été prise.

11        Le 15 juin 2015, M. Hurley a déposé son grief alléguant des violations du PE et d’une pratique passée en vertu de l’article 8 de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’agent négociateur pour le  groupe Enseignement universitaire (UT), qui venait à échéance le 30 juin 2014 (la « convention collective »), de l’article 107 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « LRTFP ») et de tout autre politique, directive, loi, règlement ou disposition connexes.

12        En guise de mesure corrective, le fonctionnaire a demandé que le directeur respecte la convention collective en maintenant la pratique passée et en respectant les conditions d’emploi énoncées dans le PE.

13        Il n’y a pas de consensus quant à la portée du grief. L’agent négociateur a soutenu que le grief vise l’ensemble du régime à trois volets, à savoir la double augmentation, le congé sabbatique et l’allègement de la charge d’enseignement. Le Conseil du Trésor (l’« employeur ») a prétendu que la seule question soulevée dans le grief porte sur l’application du PE en ce qui concerne la double augmentation, et non les congés sabbatiques ou l’allègement de la charge d’enseignement.

14        L’agent négociateur a maintenu que l’ensemble du régime à trois volets avait été débattu aux trois paliers de la procédure de règlement des griefs, tandis que l’employeur a maintenu que seule la partie du PE concernant la double augmentation avait été débattue.

15        À la suite du renvoi du grief à l’arbitrage, M. Kowal s’est engagé à se conformer à l’engagement en ce qui concerne la double augmentation prévue dans le PE, au motif qu’il s’agissait d’une condition d’emploi qui avait été maintenue en vigueur après la présentation de l’avis de négocier, en vertu du gel des négociations prévu à l’article 107 de la LRTFP.

16        Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et les titres dela Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la LRTFPpar, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral(la « Loi »).

A. Aperçu des positions des parties

1. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

17        L’agent négociateur a déclaré que la présente affaire concernait une pratique passée des parties. Selon lui, sur présentation, par un UT, d’un préavis de départ à la retraite de trois ans, les parties ont convenu de mettre en œuvre le régime à trois volets, qui comprend ce qui suit :

  1. une méthode d’évaluation du rendement révisée, liée à la paye, entraînant une double augmentation pendant les trois dernières années d’emploi;
  2. un congé sabbatique;
  3. un allègement de la charge d’enseignement à la suite du congé sabbatique.

18        Les dispositions de l’évaluation du rendement révisée ont été consignées par écrit dans le PE.

19        La convention collective définit l’admissibilité aux congés sabbatiques. Tous les trois ans, les UT ont droit à un congé sabbatique d’un demi-trimestre. S’ils donnent un préavis de départ à la retraite, ils peuvent se prévaloir de ce congé sabbatique.

20        Le troisième élément est l’allègement de la charge d’enseignement à la suite du retour de l’UT du congé sabbatique. Les UT enseignent, mènent des recherches et offrent des services dans la collectivité. L’allègement de la charge d’enseignement suppose de remanier ces éléments de façon à ce qu’un UT se voie attribuer moins de responsabilités d’enseignement afin de pouvoir se concentrer sur l’achèvement de ses projets de recherche et de services avant de partir à la retraite.

21        La question de l’allègement de la charge d’enseignement n’a pas été couchée par écrit. Cependant, la preuve révèle l’existence d’une pratique passée en vertu de laquelle cet allègement de la charge d’enseignement faisait partie d’un régime échelonné sur trois ans à la suite d’un congé sabbatique. La pratique consistant à accorder un allègement de la charge d’enseignement remonte à 2007, à l’époque où l’ancien directeur, M. Cowan, Ph. D., l’avait instaurée. M. Joel Sokolsky, Ph. D., l’a maintenue. Il a été directeur de 2007 à 2013.

22        Les éléments du régime à trois volets constituent une pratique passée au titre de l’article 8 de la convention collective; en vertu des dispositions prévues dans cet article, ces éléments ont été incorporés à la convention collective.

23        Selon les observations, M. Kowal, le directeur actuel, a refusé de respecter le régime à trois volets.

24        La convention collective est venue à échéance en 2014. Cependant, les conditions d’emploi font l’objet d’un gel prévu par la loi, puisque les parties négocient toujours la nouvelle convention collective.

2. Pour l’employeur

25        L’employeur a déclaré que le présent grief posait les deux problèmes suivants :

  1. M. Hurley n’est pas encore lésé parce qu’il n’a rempli aucun formulaire prévoyant une date de retraite. Par conséquent, son grief est prématuré.
  2. Le grief est théorique dans la mesure où il porte sur la double augmentation.

26        Le grief concerne la question de savoir si l’employeur s’est conformé au PE. Le 30 octobre 2015, après le renvoi du grief à l’arbitrage, M. Kowal s’est engagé à respecter le PE et à octroyer la mesure corrective demandée dans le grief, sous réserve que M. Hurley signe les formulaires de retraite, étant donné que l’employeur a reconnu que le PE était visé par le gel prévu à l’article 107 de la Loi.

27        Le PE ne fait pas partie de la convention collective. La Commission n’est pas dûment saisie de la violation alléguée du PE.

28        Il s’agit d’un grief individuel et non d’une plainte déposée en vertu de l’article 190 de la Loi. Aucun arbitre de grief n’a compétence pour déterminer si l’article 107 a été enfreint.

29        Le grief porte sur le régime à trois volets et le PE. Le PE n’aborde pas ni ne mentionne quoi que ce soit au sujet des deux volets soulevés par l’agent négociateur, à savoir les congés sabbatiques et l’allègement de la charge d’enseignement. Il ne traite que des augmentations salariales et du rendement. En dehors des dispositions de la convention collective, il n’y a aucune politique écrite concernant les congés sabbatiques et l’allègement de la charge d’enseignement.

30        L’allègement de la charge d’enseignement et les congés sabbatiques n’ont pas été soulevés pendant la procédure de règlement des griefs. L’employeur s’y est opposé en vertu de Burchill c. Le procureur général du Canada [1981] 1 C.F. 109 (C.A.) (« Burchill »), au motif que la Commission n’est pas véritablement saisie de ces questions.

31        Aucun élément du régime à trois volets n’a été l’objet d’une pratique passée.

3. Pour l’agent négociateur

32        L’agent négociateur a répondu en affirmant qu’il importe peu que le PE ne fasse pas partie de la convention collective, puisqu’il y a été intégré.

33        Au cours de la dernière ronde de négociation, les parties ont convenu que le protocole d’entente existant demeurerait en vigueur jusqu’à la prochaine ronde.

34        Le PE expose la pratique passée par écrit.

35        En réponse à l’observation selon laquelle le grief est prématuré parce que M. Hurley n’a pas rempli le formulaire indiquant une date de retraite, l’agent négociateur a déclaré que la procédure s’appliquait différemment : les parties se rencontrent afin de discuter du régime de retraite proposé et s’entendre sur les conditions; ce n’est qu’à ce moment que l’employé signe le formulaire de retraite étant donné qu’une fois le formulaire signé, celui-ci est irrévocable.

36        Selon un principe reconnu, les conventions collectives devraient être interprétées en fonction de leur sens élargi afin d’aller au cœur d’un problème. Ce principe est soupesé avec un préavis adéquat, afin que toute question puisse être réglée au moyen de la procédure de règlement des griefs.

37        Les questions relatives au congé sabbatique et à l’allègement de la charge d’enseignement ont été soulevées à toutes les étapes de la procédure de règlement des griefs.

38        L’agent négociateur n’a pas contesté que le grief aurait pu être élaboré de façon plus exhaustive.

39        L’employeur a déclaré que l’affaire était théorique, parce qu’il a accepté de se conformer à la disposition sur les évaluations du rendement révisées. M. Hurley n’a qu’à signer le formulaire de retraite. Cependant, l’employeur ne reconnaît pas la pratique passée concernant la double augmentation, les congés sabbatiques et l’allègement de la charge d’enseignement.

II. Questions à trancher

40        Les questions à trancher sont les suivantes : Les congés sabbatiques et l’allègement de la charge d’enseignement ont-ils été soulevés à la réunion d’avril 2015? Est-ce qu’elles ont été soulevées dans le grief? Est-ce qu’elles ont été soulevées et débattues pendant la procédure de règlement des griefs?

41        Si non, m’est-il interdit d’instruire ces questions en vertu du principe énoncé dans Burchill? Cette question donne lieu aux préoccupations suivantes :

  1. Le grief est-il théorique parce que l’employeur a convenu d’accorder la mesure corrective qui y était demandée en ce qui concerne l’évaluation du rendement révisée en lien avec la rémunération, puisqu’il a reconnu que le PE était visé par la période de gel des négociations prévu par la loi?
  2. Si le grief n’est pas théorique, est-ce que j’ai compétence pour l’instruire et accorder la réparation demandée? Il faudrait alors établir si les modalités du PE ont été intégrées à la convention collective au motif qu’elles constituaient une pratique passée en vertu de l’article 8 de la convention collective, ce qui confèrerait à la Commission compétence pour instruire le grief et accorder une réparation dans l’éventualité où le grief était accueilli.
  3. En présumant que les questions du congé sabbatique et de l’allègement de la charge d’enseignement ont été soulevées pendant la procédure de règlement des griefs, ont-elles été intégrées à la convention collective? Il faudrait alors également établir si ces questions constituent une pratique passée en vertu de l’article 8 de la convention collective.
  4. Si le PE concernant la double augmentation ainsi que les pratiques passées alléguées concernant les congés sabbatiques et l’allègement de la charge d’enseignement sont intégrés à la convention collective, et que j’ai compétence pour instruire et trancher le grief, celui-ci est-il prématuré parce que M. Hurley n’a pas signé d’avis officiel de départ à la retraite?

42        Pour les motifs ci-dessous, j’ai conclu que je n’ai pas compétence pour me pencher sur les questions de l’allègement de la charge de travail et des congés sabbatiques. Je ne suis pas convaincu que ces questions ont été soulevées à la réunion d’avril 2015 et envisagées dans le grief, ou qu’elles ont été soulevées et débattues à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs. Il m’est donc interdit d’instruire ces questions, conformément au principe énoncé dans Burchill.

43        En ce qui a trait à la violation alléguée du PE relativement à l’octroi de la double augmentation, je conclus que la question n’est pas théorique, l’employeur ayant reconnu qu’il s’agissait d’une condition d’emploi en vertu de l’article 107 de la Loi, soit la disposition relative au gel des négociations.

44        L’agent négociateur a le droit de savoir si l’octroi de la double augmentation est intégré à la convention collective et, dans l’affirmative, si M. Hurley a droit à une réparation.

45        J’ai conclu que l’agent négociateur s’est acquitté de son fardeau au titre de la clause 8.02 de la convention collective et qu’il a établi que l’octroi de la double augmentation constituait une pratique passée, respectant ainsi les conditions prévues à la clause 8.02. Par conséquent, les dispositions du PE sont intégrées à la convention collective.

46        Le PE qui est maintenant intégré à la convention collective prévoit expressément que [traduction] « les enseignants qui auront déjà signé les formulaires indiquant une date de retraite dans un délai de trois ans avant cette date recevront la cote d’évaluation globale “supérieure”, sous réserve que leur rendement dans les domaines de l’enseignement, de la recherche et des services, évalués séparément, soit au moins satisfaisant » [je souligne].

47        Le libellé clair et sans ambiguïté de la convention collective renferme une condition préalable à l’octroi de l’avantage entraînant la double augmentation. Je conclus que puisque le fonctionnaire n’a pas signé les formulaires de retraite indiquant une date de retraite, il n’a pas rempli la condition préalable et, par conséquent, le grief est rejeté.

III. Résumé de la preuve

48        L’agent négociateur a cité quatre témoins : le fonctionnaire; l’agente principale des griefs, Mme Luu; l’ancien directeur du CMR, M. Sokolsky; M. Noël.

49        L’employeura cité cinq témoins : M. Kowal, directeur actuel du CMR; M. Bates, directeur adjoint à l’enseignement au CMR; Nadia Bing, agente principale des relations de travail et membre civil, ministère de la Défense nationale (MDN) à Ottawa (Ontario); Guylaine Hau, agente des relations de travail à la Direction générale de la gestion du milieu de travail, MDN; Josée Lefebvre, négociatrice principale au Secrétariat du Conseil du Trésor, un poste qu’elle occupe depuis décembre 2006.

A. Contexte factuel non contesté concernant le PE

1. Administration de la paye – augmentations salariales annuelles

50        La clause 40.01 de la convention collective est rédigée en ces termes : « Sous réserve des autres dispositions de la présente convention, les conditions régissant l’application de la rémunération aux UT ne sont pas modifiées par la présente convention. »

51        Le Conseil du Trésor dispose d’un manuel concernant le « régime d’administration des traitements » à l’intention du groupe Enseignement universitaire. L’annexe A de la convention collective établit les taux de rémunération annuels de ce groupe. Les notes de cette annexe traitent de l’administration de la paye et soulignent que le régime de rémunération ne fait pas partie de la convention collective. Quoi qu’il en soit, le régime de rémunération régit l’application de la paye aux UT faisant partie de l’unité de négociation. Les notes indiquent également que, dans la mesure où le régime modifie les conditions existantes qui régissent l’application de la paye, le régime de rémunération doit s’appliquer.

52        Le régime de rémunération énonce les définitions suivantes, qui sont pertinentes à la présente procédure :

  1. « augmentation d’échelon » désigne l’écart entre les échelons d’un niveau de rémunération;
  2. « taux maximal » s’entend du taux de rémunération considéré comme maximal pour le niveau de rémunération;
  3. « augmentation fondée sur le mérite ou l’ancienneté »s’entend d’une augmentation de traitement fondée sur la cote de rendement de l’enseignant ainsi que sur ses années d’expérience, et qui porte le traitement de l’enseignant à un niveau supérieur de l’échelle jusqu’à concurrence du traitement maximal;
  4. « échelon » désigne l’un des taux de rémunération du groupe d’enseignement universitaire.

53        Dans la section sur la mise en œuvre, le régime de rémunération traite d’un rapport d’évaluation des enseignants.

54        M. Kowal a expliqué que la mise en œuvre du régime de rémunération repose sur un processus d’appréciation du rendement et d’évaluation des employés effectuée par l’employeur.

55        Chaque année, avant le début de l’année universitaire, le 1er juillet, le directeur évalue le rendement de chaque UT durant l’année universitaire écoulée. Cet examen tient compte aussi des éléments tels que l’aptitude à enseigner, le statut professionnel et l’activité créative. Les doyens et les directeurs de département formulent des commentaires. Le processus d’évaluation du rendement établit une distinction entre les UT dont le rendement est coté « insatisfaisant », « satisfaisant » et « supérieur ».

56        Tout enseignant dont le rendement est coté « insatisfaisant » est privé de l’augmentation salariale.

57        Tout enseignant dont le rendement est coté « satisfaisant » et dont le traitement n’est pas au taux maximal prévu pour son niveau avancera d’un échelon dans l’échelle applicable à son niveau.

58        Les enseignants recevant la cote « supérieure » et dont le traitement se situe à plus de deux échelons sous le taux maximal prévu pour le niveau, avanceront de deux échelons dans l’échelle salariale, c’est-à-dire, qu’ils recevront une double augmentation. Si leur traitement se trouve au taux maximal du niveau, ils recevront une somme forfaitaire brute équivalente à deux fois la valeur de l’échelon. S’ils se trouvent au taux immédiatement avant le taux maximal du niveau, ils avanceront au taux maximal et recevront une somme forfaitaire brute équivalente à la valeur de l’augmentation d’échelon.

59        Les primes au rendement (les sommes forfaitaires brutes) font partie du traitement. Une prime au rendement versée l’année de la retraite et se rattachant à l’année précédant la retraite est comptée dans le calcul de la moyenne du traitement sur six ans aux fins de la pension.

60        Le régime de rémunération prévoit que jusqu’à 40 p. 100 des employés du groupe UTpeuvent obtenir une cote supérieure à la mention « satisfaisante ».

61        Selon M. Kowal, la qualité du corps professoral du CMR est élevée. Il ne fait pas de doute que le nombre d’enseignants dont le rendement devrait recevoir une cote supérieure excède 40 p. 100.

2. Le PE

62        Mme Lefebvre est la principale porte-parole du Conseil du Trésor lors des négociations collectives.

63        En vertu de la Loi, les parties à une convention collective sont l’employeur et un agent négociateur. Le MDN et le CMR ne sont pas habilités à signer une convention collective au nom du Conseil du Trésor. Ce pouvoir est délégué au sous-ministre adjoint au Conseil du Trésor.

64        Mme Lefebvre a déclaré que les lettres d’entente entre un ministère et un agent négociateur ne font pas partie d’une convention collective, à moins que le ministère n’ait demandé et obtenu l’autorisation du Conseil du Trésor.

65        Le Conseil du Trésor a nommé Mme Lefebvre à titre de négociatrice pour la ronde de négociation de 2007 entre l’agent négociateur et l’employeur. Pendant les négociations, l’agent négociateur a soulevé des questions qui ne relevaient pas de la compétence de Mme Lefebvre. M. Cowan, qui était directeur du CMR à l’époque, faisait partie de l’équipe de négociation de l’employeur. Il a indiqué qu’il cherchait d’autres moyens d’aborder les préoccupations de l’agent négociateur.

66        M. Cowan et M. Graham, Ph. D., qui était alors président de l’agent négociateur, ont rédigé l’ébauche du PE.

67        À la question de savoir qui devait signer le PE, Mme Lefebvre a déclaré qu’il ne faisait pas partie de la convention collective et qu’il ne relevait ni de sa compétence ni de celle du Conseil du Trésor, mais qu’il s’agissait d’une entente locale entre le directeur et l’agent négociateur. MM. Cowan et Graham l’ont signé. Ce PE est rédigé comme suit :

[Traduction]

Notes de service aux doyens et directeurs

Objet : Évaluation annuelle des UT au cours des trois années précédant la date de retraite prévue  

  1. Dans l’ensemble du monde universitaire, il est reconnu que le rendement moyen des enseignants baisse légèrement au cours des trois années qui précèdent la retraite. Bien que cette baisse atteigne rarement un niveau insatisfaisant, et que pour un nombre important d’enseignants il n’y ait aucune baisse de rendement, la tendance commune révèle une baisse d’énergie, un ralentissement des activités volontaires à valeur ajoutée et une réticence naturelle à assumer des tâches nouvelles ou peu familières.
  2. On pourrait donc soutenir qu’il convient d’interpréter les critères usuels d’évaluation du rendement de manière généreuse lorsqu’on les applique aux enseignants qui en sont rendus à leurs trois dernières années précédant la retraite. En effet, un enseignant dont le rendement demeure solide au cours de cette période doit être hautement récompensé.
  3. Dans le contexte du gouvernement fédéral,commeil n’y a pas de retraite obligatoire, il est habituellement difficile de savoir si un enseignant en est rendu à ses trois années précédant la retraite. Cependant, dans certains cas, les enseignants ont planifié suffisamment à l’avance pour être en mesure de déterminer une date de retraite bien à l’avance. Les enseignants qui ont signé les formulaires indiquant une future date de retraite constituent donc un sous-ensemble auquel les concepts énoncés au paragraphe 2 ci-dessus pourraient s’appliquer.
  4. Malgré le fait que le rapport d’évaluation annuel des enseignants prévoit un libellé exhaustif évaluant tous les aspects du rôle des enseignants, notamment l’enseignement, la recherche et les services, en dernier ressort ce rapport prévoit une cote globale servant (entre autres choses) à établir la rémunération, et pour laquelle les catégories disponibles sont « insatisfaisante », « satisfaisante », « supérieure » et « distinguée ». Cependant, la cote globale « satisfaisante » ne veut pas dire nécessairement que le rendement de l’enseignant est satisfaisant pour chacun des trois aspects (enseignement, recherche, services). En effet, les personnes qui reçoivent la cote « satisfaisante » pour deux aspects, et une cote moins satisfaisante sans être inquiétante pour le troisième, obtiendraient habituellement la cote générale « satisfaisante ». En outre, la cote « supérieure » est souvent appliquée à divers enseignants dont le rendement a été jugé supérieur parce que leur rendement a été satisfaisant dans chacun des trois rôles (enseignement, recherche, services) jugés séparément.
  5. Comme on a constaté que le maintien d’un rendement élevé au cours des trois années précédant la retraite exige un effort supplémentaire, les enseignants qui auront déjà signé des formulaires établissant une date de retraite trois ans avant cette date recevront la cote globale « supérieure », sous réserve que leur rendement dans les domaines de l’enseignement, de la recherche et des services, évalués séparément, soit au moins satisfaisant.
  6. Par définition, l’expression officieuse « tout à fait satisfaisante » peut être utilisée pour qualifier une personne dont le rendement est satisfaisant dans les trois domaines. Il ne s’agit pas d’une cote, cette expression sert simplement à communiquer, en plus de la cote, que les trois domaines respectent la norme séparément, et qu’il n’y a pas de compromis.

La présente politique locale permanente sera promulguée à la date de la signature d’une convention collective entre le Conseil du Trésor et l’APCMC pour la période débutant le 1er juillet 2007.

[signé] John Cowan          William Graham

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[Je souligne]

68        Au cours de la ronde de négociation de 2011, et à la 11e heure, M. Noël a soulevé la question de savoir si toutes les lettres d’entente entre le CMR et l’agent négociateur seraient renouvelées. Mme Lefebvre a déclaré que ces lettres ne relevaient pas de sa responsabilité, étant donné que le Conseil du Trésor n’y était pas partie.

69        M. Sokolsky, qui était directeur et membre de l’équipe de négociation de l’employeur à l’époque, s’est engagé à respecter les lettres d’entente. Mme Lefebvre a adopté la position que ces lettres ne faisaient pas partie de la convention collective, parce que le Conseil du Trésor n’y était pas partie.

70        M. Sokolsky ne se souvenait pas si le PE concernant la double augmentation avait fait l’objet d’une discussion. Cependant, il a notamment accepté de le respecter. La question de savoir ce qui serait arrivé s’il était demeuré directeur n’est pas claire. Il ne croyait pas être obligé de reconduire le PE à la ronde de négociation suivante. En 2011, il a accepté de le reconduire pour cette ronde, mais pas indéfiniment.

71        L’article 107 de la Loiprévoit qu’une fois l’avis de négocier donné, les parties sont tenues de respecter chaque condition d’emploi qui peut figurer dans une convention collective et qui est encore en vigueur au moment où l’avis de négocier a été donné, et ce, jusqu’à la conclusion d’une convention collective, ou encore jusqu’à ce que la décision arbitrale soit rendue ou qu’une grève puisse être déclarée.

72        La convention collective a expiré le 30 juin 2014. L’avis de négocier a été donné en février 2014.

73        Mme Lefebvre a reconnu qu’après le renvoi du grief à l’arbitrage, le Conseil du Trésor a estimé que le PE était une condition d’emploi qui demeurait en vigueur en vertu de l’article 107 de la Loi.

74        Par conséquent, M. Kowal a accepté de respecter les modalités du PE, tel qu’il est indiqué dans une lettre adressée à M. Noël, en date du 30 octobre 2015, qui est en partie rédigée ainsi :

[Traduction]

[…]

[…] Je m’engage à respecter les conditions de la convention collective du groupe UT et le Régime d’administration des traitements, ainsi qu’à m’acquitter de mes obligations légales. Par conséquent, j’ai demandé l’aide du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (SCT) et du ministère de la Défense nationale (MDN). Nous avons eu des consultations au sujet de ces documents et je tiens à vous informer de la position de l’employeur à l’égard de chacun.

[Traduction]

1.         Évaluation annuelle des UT au cours des trois années précédant une retraite prévue, le 1er juillet 2007 […]

La présente note de service indique qu’un UT recevra la cote « supérieure » s’il a fixé une date de retraite, dans un délai de trois ans au préalable, et si son rendement dans chacun des domaines de l’enseignement, de la recherche et des services est au moins satisfaisant. Je crois comprendre que cette note de service est réputée être une condition protégée par l’article 107 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) et doit être maintenue en vigueur jusqu’à ce que le gel prévu par la loi prenne fin. L’employeur est disposé à maintenir les conditions de la présente note de service jusqu’à ce qu’une nouvelle convention collective soit signée […|

[…]

75        L’article 8 de la convention collective, qui s’intitule « Pratiques passées », prévoit ce qui suit :

8.01      Lorsque la présente convention ne mentionne pas de conditions d’emploi, les conditions antérieures à la date d’entrée en vigueur de la présente convention continuent de s’appliquer pourvu :

  1. qu’elles n’aillent pas à l’encontre de la convention;
  2. qu’elles soient raisonnables, certaines et connues;
  3. qu’elles puissent être incluses dans la présente convention conformément à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique;
  4. et

  5. qu’elles soient remplies de manière juste et équitable.

8.02      Le fardeau d’établir une pratique passée au sens du paragraphe 8.01 incombe à la partie qui en allègue l’existence.

B. Faits non contestés

1. Congés sabbatiques

76        L’article 18 de la convention collective est une disposition générale sur le congé sabbatique.

77        Les UT ont droit à un congé sabbatique selon les modalités exposées à cet article. Le congé sabbatique est une période de congé d’une durée déterminée de six (6) ou douze (12) moispendant laquelle les employés admissibles sont relevés de leur charge d’enseignement et de leurs obligations administratives habituellesafin de poursuivre des activités de recherche ou autres activités de niveau universitaire.

78        La convention collective énonce les critères d’admissibilité à un congé sabbatique. À titre d’exemple, pour être admissible à un congé sabbatique de six mois, l’UT doit avoir accompli trois (3) années de service, alors qu’un UT qui demande un congé sabbatique de douze (12) mois doit avoir achevé six (6) annéesde service. Les mêmes conditions s’appliquent aux congés sabbatiques subséquents.

79        La convention collective énonce les critères de sélection qu’un comité de sélection examine au moment d’approuver une demande de congé sabbatique. Ces critères sont les suivants : le bien-fondé de l’activité de perfectionnement professionnel envisagée pour répondre aux besoins du Ministère; les avantages prévus du perfectionnement professionnel du demandeur; la valeur du projet de congé sabbatique quant à sa portée, sa planification, ses répercussions sur les ressources et ses possibilités de succès pendant la période visée; la preuve des avantages que le demandeur a tirés de son précédent congé sabbatique (le cas échéant); l’évaluation ou les évaluations du rendement du demandeur et la preuve des possibilités ou des réalisations de ce dernier au cours de la période qui lui donne droit à un congé sabbatique; les priorités en matière de fonctionnement et de gestion des ressources humaines du CMR.

80        L’article 18 prévoit que le congé sabbatique est accordé à la discrétion de l’employeur et qu’il ne doit pas être refusé sans motif raisonnable.

81        Les UT qui reçoivent un congé sabbatique sont tenus de s’engager par écrit à revenir au travailpour une période égale à ce congé. L’UT qui ne respecte pas cet engagement devra rembourser la totalité de l’indemnité versée pendant son congé sabbatique.

82        La convention collective prévoit aussi que l’employeur peut reporter un congé sabbatique demandé lorsqu’il a besoin des services de l’UT pendant la période de congé envisagée, c’est-à-dire, si au moins deux enseignants admissibles possédant les mêmes compétences d’enseignement indispensables au sein d’une même discipline présentent des demandes simultanées. Lorsqu’une demande satisfait aux critères d’approbation, mais que le congé est refusé à cause de contraintes financières, elle doit avoir la priorité absolue l’année suivante.

83        M. Kowal a expliqué que les demandes de congé sabbatique sont distinctes et sans lien avec la retraite. L’admissibilité est régie par la convention collective. La procédure applicable à ces demandes ne correspond pas au préavis de retraite de trois ans. Les appels de demandes sont lancés à l’automne pour l’année universitaire subséquente; chaque année commence le 1er juillet et se termine  le 30 juin de l’année suivante. Le trimestre d’automne se déroule de septembre à décembre, et le trimestre d’hiver, de janvier à avril. Les demandes de congé sabbatique, par exemple, sont présentées à l’automne pour l’été de l’année suivante, soit un an et demi à l’avance. Il s’agit d’un processus indépendant, qui n’est pas lié à la retraite.

84        Lorsqu’un UT prend un congé sabbatique, le Conseil du Trésor finance l’indemnité qui lui est versée. L’UT est tenu de signer une entente de retour au travail qui l’oblige à revenir au travailpour une période égale au congé sabbatique. Si un UT prend un congé sabbatique de six mois, il devra revenir au travailpour une période de six mois.

85        M. Bates a expliqué qu’il connaissait très bien la procédure liée aux congés sabbatiques, puisqu’il a été doyen de la faculté de Génie de 2010 à 2014. Le département doit approuver toute demande de congé sabbatique présentée par un UT. Le directeur du département est la personne la mieux placée pour décider si le département peut se passer des services de l’UT. Le doyen doit approuver la demande de congé sabbatique parce qu’il gère les ressources au niveau de la faculté. La décision est prise au Conseil des doyens. Le directeur et le commandant détiennent l’autorité ultime.

86        Dans son argumentation finale, l’agent négociateur a reconnu que les règles d’admissibilité à un congé sabbatique sont clairement énoncées dans la convention collective. Il a précisé qu’il ne faisait pas valoir que la pratique passée en matière de congés sabbatiques était différente des dispositions de la convention collective.

87        J’ai aussi été informé que, en réalité, M. Hurley avait demandé et obtenu un congé sabbatique de six mois à compter de janvier 2017.

88        À mon avis, et dans les circonstances, il n’est pas nécessaire d’aborder la question de savoir si la pratique des congés sabbatiques est une pratique passée au sens de l’article 8 de la convention collective et si, par conséquent, elle est intégrée à l’entente, puisque l’agent négociateur a convenu que les conditions énoncées à l’article 18 régissent l’octroi des congés sabbatiques. Il n’est pas nécessaire non plus que je détermine si les congés sabbatiques ont été soulevés à la réunion d’avril 2015, visée par le grief de juin 2015, ni si cette question a été soulevée à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs.

2. Allègement de la charge d’enseignement

89        L’article 13 de la convention collective porte sur la répartition de la charge d’enseignement. La clause 13.01 est ainsi rédigée :

13.01    La charge de travail de l’UT doit être compatible avec la charge moyenne normale des tâches d’enseignement des UT de son département ou de l’unité équivalente. Les tâches d’enseignement qui dépassent de façon importante la moyenne normale doivent être considérées comme étant une charge excessive.

90        La clause 13.07 de la convention collective énonce les facteurs dont il faut tenir compte pour déterminer une charge d’enseignement appropriée. Concrètement, la clause 13.08 de la convention collective traite des circonstances dans lesquelles la charge normale d’enseignement peut être modifiée. Cette clause est ainsi libellée :

13.08    Par dérogation au paragraphe 13.01, la charge de travail de l’UT peut être très différente de la charge moyenne normale des tâches d’enseignement des UT de son département ou de l’unité équivalente pour les raisons suivantes :

a)       le nombre d’heures consacrées aux tâches administratives;

et

b)       le niveau d’activité de recherche productive, encore que la participation plus grande qu’à la normale à de tels travaux n’entraînera pas nécessairement une réduction de la charge d’enseignement à moins que les ressources affectées au département le permettent.

91        La clause 13.09 prévoit que les directeurs de département ne sont pas tenus d’assumer une charge d’enseignement supérieure à la charge d’enseignement normale, moins deux (2) cours d’une session ou l’équivalent, et que les fonctions de président d’un programme académique sont dûment prises en compte dans l’attribution de la charge d’enseignement.

92        Ayant rappelé les faits qui ne sont pas contestés, je me pencherai maintenant sur les questions à trancher.

IV. L’objection fondée sur Burchill

93        La question de l’allègement de la charge d’enseignement a-t-elle été soulevée pendant la procédure de règlement des griefs? L’employeur a soulevé son objection alléguant que la Commission n’était pas véritablement saisie de cette question. Il a invoqué l’arrêt Burchill de la Cour d’appel fédérale, qui appuie la proposition qu’un fonctionnaire ne peut pas renvoyer un nouveau grief à l’arbitrage, ou un grief différent, qui n’a pas été tranché dans le cadre de la procédure de règlement des griefs. Selon l’employeur, le grief du fonctionnaire porte essentiellement sur les dispositions du PE, qui ne traite pas de l’allègement de la charge d’enseignement, mais uniquement des augmentations salariales et du rendement.

A. Observations des parties concernant la réunion d’avril 2015

1. Aperçu

94        MM. Hurley et Noël ont prétendu qu’ils avaient clairement défini les éléments d’un régime à trois volets, y compris l’admissibilité du fonctionnaire à la double augmentation, au congé sabbatique de six mois et à l’allègement de la charge d’enseignement.

95        MM. Kowal et Bates ont mentionné que les seules questions débattues concernaient la retraite et le PE, et que M. Kowal ne connaissait pas bien le PE. Au meilleur de leurs souvenirs, les questions du congé sabbatique et de l’allègement de la charge d’enseignement n’avaient pas été débattues.

96        MM. Hurley et Noël ont déclaré que M. Kowal avait affirmé qu’il ne respecterait ni la pratique passée ni le PE, parce qu’il estimait qu’il n’était pas lié au PE puisqu’il ne l’avait pas signé.

97        MM. Kowal et Bates ont dit de la réunion qu’il s’agissait d’une première discussion au sujet du régime de retraite de M. Hurley. Ils ont dit qu’à la fin de la réunion, aucune décision n’avait été prise.

2. M. Hurley

98        M. Hurley a déclaré que M. Noël avait mentionné le PE. Ni l’un ni l’autre n’a remis le document à M. Kowal, quoique M. Hurley a déclaré que M. Noël en avait communiqué le contenu de vive voix à M. Kowal.

99        M. Hurley a cru donner un préavis de trois ans relativement à sa date de retraite, mais il a reconnu n’avoir signé aucun document à cet égard.

3. M. Noël

100        M. Noël a déclaré que M. Hurley et lui souhaitaient discuter d’une stratégie de retraite avec M. Kowal, notamment des dispositions du PE sur la double augmentation, des congés sabbatiques et du [traduction] « tour d’honneur », soit l’expression que le corps professoral utilisait pour faire allusion à l’allègement de la charge d’enseignement.

101        M. Noël a déclaré que la rencontre avec M. Kowal avait duré environ une demi-heure. Essentiellement, ils ont discuté du fait que M. Hurley voulait prendre sa retraite, qu’il avait une date en tête et qu’ils étaient là pour en discuter des avantages. M. Hurley était disposé à donner un préavis de trois ans en contrepartie de l’application du PE prévoyant la double augmentation, le congé sabbatique et le tour d’honneur.

102        M. Kowal a été surpris d’entendre parler du PE. M. Noël ne se souvenait pas s’il l’avait produit à la réunion.

4. M. Kowal

103        M. Kowal se souvenait avoir dit au début de la réunion qu’il s’agirait d’une discussion informelle et qu’aucune décision ne serait prise ce jour-là.

104        Selon M. Kowal, M. Hurley n’a pas parlé beaucoup à la réunion. M. Noël a le plus parlé; il a expliqué l’existence du PE et comment il serait appliqué au cas de M. Hurley. M. Kowal se souvenait que M. Noël avait expliqué que le PE avait été mis en place pour inciter les enseignants à prendre leur retraite. M. Kowal a déclaré qu’il ne voulait pas inciter qui que ce soit à prendre une retraite et qu’un UT devait choisir sa propre date de retraite, conformément à la convention collective.

105        Ni M. Noël ni M. Hurley n’a apporté de documents à la réunion. M. Noël a promis de transmettre les documents à M. Kowal par la suite.

106        M. Noël a décrit le PE à M. Kowal. Au cours des trois ans précédant sa retraite, un enseignant bénéficiait automatiquement d’une double augmentation jusqu’à son départ à la retraite. La plus grande partie de la réunion a été consacrée au PE, à ce qu’il signifiait et aux raisons de sa mise en place. Cette information était nouvelle pour M. Kowal et n’avait pas été abordée avec lui pendant son orientation.

107        M. Kowal ne se souvenait pas d’avoir parlé des congés sabbatiques ou de l’allègement de la charge d’enseignement. Il était certain que l’allègement de la charge d’enseignement n’avait pas été soulevé parce que, par la suite, il a pris connaissance de l’expression [traduction] « tour d’honneur », que le corps professoral utilisait pour désigner l’allègement de la charge d’enseignement. Il était certain qu’il se serait souvenu de ce terme s’il avait été utilisé à la réunion.

108        M. Kowal a mentionné qu’il s’agissait d’une discussion d’introduction au sujet de  la retraite.

109        À la fin de la réunion, M. Kowal n’avait pas encore pris de décision au sujet de la demande de retraite de M. Hurley. Il a appris subséquemment que M. Noël avait tenté de lui faire parvenir le PE. Cependant, même si le PE lui était adressé, il ne l’a pas reçu, parce qu’il ne faisait pas partie de la liste de diffusion.

5. M. Bates

110        M. Bates a déclaré que la réunion avait pour but d’examiner les possibilités qui s’offraient à M. Hurley s’il prenait sa retraite dans un délai de trois ans. M. Kowal a tout d’abord répondu qu’il ne voulait pas inciter un UT à prendre sa retraite.

111        La question de la double augmentation a été soulevée et débattue dans le contexte du PE. L’agent négociateur n’en avait pas de copie. Le directeur en ignorait le contenu.

112        L’agent négociateur a consenti à remettre le PE au directeur. À la fin de la réunion, aucune décision n’avait été prise. Il s’agissait d’une réunion d’échange d’information. M. Bates ne se souvenait d’aucune discussion concernant l’allègement de la charge d’enseignement ou le congé sabbatique.

B. Preuve relative à l’élaboration du grief

113        L’agente principale des griefs, Mme Luu, qui est également UT et employée du CMR, était principalement chargée du libellé du grief. Elle en a approuvé la présentation et l’a signé en qualité de représentante locale de l’agent négociateur.

114        Comme il a été souligné, le 15 juin 2015 l’agent négociateur a présenté le grief de M. Hurley, qui est ainsi rédigé :

[Traduction]

[…]

Le 27 avril 2015, mon représentant de l’Association des professeurs(es), M. Jean-Marc Noël, et moi avons rencontré le directeur, M. Kowal, afin de discuter de mon régime de retraite prévu sur trois ans, qui été expressément exposé dans un protocole d’entente (PE) que le directeur du CMRC, le négociateur en chef de l’APCMC à l’époque, M. John Cowan et M. William Graham, respectivement (Réf. A), ont signé le 1er juillet 2007. Ce PE a été renouvelé lors de la dernière ronde de négociation et est encore en vigueur au titre de l’article 107 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

À la réunion du 27 avril, M. Kowal a affirmé qu’il ne se conformerait pas à la pratique passée et ne prendrait pas en considération le régime de retraite échelonné sur trois ans qui a été avalisé par ses prédécesseurs au CMRC, dérogeant ainsi à la pratique établie et aux conditions d’emploi documentées du Collège, qui sont actuellement en vigueur.

Après la réunion, M. Noël a fait parvenir, par courriel, le PE signé le 1er juillet 2007 à M. Kowal, en soulignant qu’il s’agissait d’une pratique passée, établie en 2007 (Réf. B). Le directeur n’a pas encore répondu au courriel.

Je dépose donc un grief contre la violation des conditions d’emploi par le directeur, y compris, mais non de façon limitative, les dispositions suivantes :

  1. le PE signé le 1er juillet 2007,
  2. la pratique passée en vertu de l’article 8 de la convention collective,
  3. l’article 107 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique,
  4. tout autre politique, directive, loi, règlement ou disposition.

[…]

115        En guise de mesure corrective, M. Hurley a demandé : [traduction] « […] que le directeur respecte la convention collective de l’APCMC et la LRTFP en maintenant la pratique passée et en se conformant aux conditions d’emploi énoncées dans le PE signé le 1er juillet 2007, ainsi qu’aux politiques et documents connexes ».

116        Pour ce qui était des faits précisés aux deux premiers paragraphes du grief, Mme Luu a dû se fonder sur les renseignements qui lui ont été fournis par MM. Hurley et Noël, puisqu’elle n’a pas assisté à la réunion avec M. Kowal. Au quatrième paragraphe, elle a énuméré les diverses violations des conditions d’emploi.

117        Mme Luu croyait que MM. Hurley et Noël avaient discuté avec M. Kowal non seulement du PE, mais aussi du congé sabbatique et de l’allègement de la charge d’enseignement en vertu d’une pratique passée.

118        L’avis de négocier a été donné en février 2014, et l’agent négociateur a déposé une plainte en vertu de l’article 107 de la Loi, qui traite du gel des négociations prévu par la loi, ainsi qu’un grief standard qui faisait renvoi aux autres politiques connexes. La mesure corrective visait le respect de la convention collective, de la pratique passée et du PE.

119        Mme Luu s’est efforcée de donner un aperçu du PE dans le premier paragraphe, et de la pratique passée dans le second. Par « pratique passée », elle entendait le régime à trois volets avalisé par les anciens directeurs, qui comprenait non seulement la double augmentation, mais aussi les congés sabbatiques et l’allègement de la charge d’enseignement. Mme Luu était personnellement au courant du PE, qui était joint au grief comme document de référence A.

120        Mme Luu a reconnu que le congé sabbatique et l’allègement de la charge d’enseignement n’étaient pas expressément mentionnés dans le grief. Elle a expliqué qu’elle venait de suivre un cours de rédaction des griefs, où on l’avait avisée de ne pas trop fournir de détails et de tenter de n’invoquer que la politique ou les dispositions de la convention collective qui étaient enfreintes. Par conséquent, le premier paragraphe ne mentionne que le PE et, le deuxième, la pratique passée. Le premier paragraphe ne fait pas allusion à la double augmentation, seulement au PE.

121        Mme Luu savait que deux membres de l’unité de négociation avaient bénéficié d’un régime à trois volets. Elle a vu les deux lettres de retraite dans lesquelles le régime était exposé. Les deux lettres étaient identiques sauf pour les dates.

122        Le 19 mai 2015, M. Sokolsky, qui était alors directeur, a envoyé à Mme Luu les lettres de retraite (anonymisées), un document provisoire d’examen du rendement et un formulaire d’avis de retraite. Le courriel d’accompagnement était rédigé comme suit : [traduction] « Je joins un document que j’ai rédigé au printemps 2011, qui pourra aider nos discussions ». Ce document est intitulé : [traduction] « ÉTABLISSEMENT DES SALAIRES DES ENSEIGNANTS – OBJET : EXAMEN DU RENDEMENT ET OCTROI D’AUGMENTATIONS salariales ». Au paragraphe 10, M. Sokolsky indique ce qui suit :

[Traduction]

10. En 2007, le directeur de l’époque et l’Association des professeurs(es) ont convenu que les enseignants qui fixaient une date de retraite dans les trois annnées antérieures à cette date » [sic] devront recevoir la cote d’évaluation globale « supérieure », sous réserve que leur rendement dans les domaines de l’enseignement, de la recherche et des services, évalués séparément, soit au moins satisfaisant ».

123        Mme Luu a déclaré avoir récupéré ces documents en vue de l’audience au premier palier. Elle avait présumé que les éléments indiqués dans les lettres constituaient une pratique passée. À part les deux cas mentionnés, elle n’était au courant d’aucun autre cas.

C. La procédure de règlement de griefs

124        L’agent négociateur a maintenu qu’au cours des trois paliers de la procédure de règlement de griefs, tous les éléments du régime à trois volets ont fait l’objet de discussions, tandis que l’employeur a maintenu que seul le PE, plus particulièrement la double augmentation, avait fait l’objet de discussions.

1. L’audience au premier palier

125        L’audience au premier palier a eu lieu le 4 juin 2015. M. Hurley et Mme Luu y ont assisté pour le compte de l’agent négociateur. MM. Bates et Dawn Kennedy, un agent des relations de travail, représentaient l’employeur.

126        Selon Mme Luu, à l’audience, elle a présenté l’argumentation du fonctionnaire selon laquelle l’employeur avait violé le PE et une pratique passée et qu’il avait contrevenu à l’article 107 de la Loi.

127        Une question a été soulevée concernant l’habilitation de M. Bates à trancher le grief et s’il devait s’en remettre à M. Kowal.

128        Mme Luu a confirmé qu’elle avait déclaré à l’audience que M. Hurley avait demandé le régime à trois volets.

129        La plus grande partie de l’audience a été consacrée à un débat sur le PE et à la question de savoir s’il était équitable pour tous les membres de l’unité de négociation, étant donné qu’il y avait une limite à l’attribution des cotes d’évaluation « supérieure ». Si les UT sur le point de partir à la retraite ayant reçu la cote « satisfaisante » recevaient une double augmentation pour leurs trois dernières années d’enseignement, comme s’ils avaient reçu une cote d’évaluation « supérieure » pour ces trois années, on pourrait alors soutenir que d’autres UT méritant une cote d’évaluation « supérieure » pourraient être lésés.

130        L’agent négociateur a souligné que le PE avait été renouvelé pendant les négociations de 2011 et qu’il s’agissait d’une condition d’emploi en vigueur jusqu’à la signature de la prochaine convention collective.

131        Mme Luu a déclaré qu’elle avait présenté les lettres de retraite des deux UT qui avaient donné un préavis de retraite en 2010.

a. M. Bates

132        M. Bates a instruit le grief de M. Hurley au premier palier et a rédigé la réponse à ce grief.

133        M. Bates a examiné le grief avant de l’entendre. Selon sa compréhension, M. Hurley visait un régime échelonné sur trois ans qui lui accorderait une double augmentation. M. Hurley avait l’impression qu’à la réunion d’avril 2015, M. Kowal avait indiqué qu’il n’appuierait pas sa proposition. M. Hurley a déposé un grief contestant une violation du PE et s’attendait à une discussion sur la double augmentation. Sa compréhension de la pratique passée comprenait aussi l’octroi de la double augmentation.

134        La discussion a porté sur le PE, à savoir s’il était valide, s’il avait effectivement été approuvé lors de la dernière ronde de négociation de la convention collective, en 2010, et s’il était équitable. M. Bates a écouté ce que l’agent négociateur avait à dire. Il s’est ensuite attelé à la tâche de répondre.

135        On a demandé à M. Bates dans quelle mesure d’autres questions avaient été soulevées à l’audience. Il a déclaré qu’aucune autre question n’avait été posée. On lui a demandé précisément si la question des congés sabbatiques avait été soulevée. Il était certain que non. Il a examiné les notes de l’agent des relations de travail et elles ne  mentionnaient pas les congés sabbatiques. M. Bates ne se souvenait pas que la question des congés sabbatiques ait été soulevée. Tout le débat avait porté sur la double augmentation, conformément au PE. De plus, si une autre question, comme celle de l’allègement de la charge d’enseignement avait été soulevée, un certain niveau d’analyse aurait alors été nécessaire dans sa réponse au grief.

136        Subséquemment, lorsque la direction a décidé de reconduire le PE signé en 2007, M. Bates se souvenait très clairement avoir parlé au directeur et lui avoir dit que le grief était réglé et que : [traduction] « nous avons satisfait leurs exigences ». Il a déclaré, en toute franchise, qu’il était resté [traduction] « bouche bée » lorsqu’il a appris que le grief était porté au palier suivant.

137        M. Bates a émis la réponse au premier palier le 16 juin 2015 et y a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…]

L’audience au premier palier s’est tenue le 4 juin 2015. Mme Helen Luu et M. Dawn Kennedy, agent des relations de travail aux Ressources humaines civiles (Kingston), ainsi que nous deux, y avons participé. Pendant l’audience, le membre et vous avez expliqué votre grief en détail.

Le grief est fondé sur une déclaration verbale que le directeur aurait faite à l’occasion d’une réunion informelle le 27 avril 2015. Vous alléguez aussi que M. Noël a envoyé une copie de la note de service à M. Kowal le 27 avril 2013 et qu’il a fourni le document de référence B comme preuve. Veuillez noter que l’adresse électronique de M. Kowal ne figure pas sur la liste de diffusion du courriel que vous avez fournie; par conséquent, il n’a pas reçu le message. Cela pourrait expliquer pourquoi il n’a pas répondu.

J’ai examiné la note de service, qui a été signée par le directeur de l’époque, John Cowan, puis par le président de l’APCMC, William Graham, le 1er juillet 2007. Cette note concerne les évaluations des UT au cours des trois années précédant une retraite prévue. À l’annexe A du grief, vous déclarez que cette note de service a été « renouvelée lors de la dernière ronde de négociation et demeure en vigueur en vertu de l’article 107 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ». Je n’ai reçu aucune confirmation écrite à cet égard, ni dans votre grief ni lors de notre réunion du 4 juin. Quoi qu’il en soit, j’ai évalué le bien-fondé de votre grief.

Les conditions d’emploi sont établies dans la Politique sur les conditions d’emploi du Secrétariat du Conseil du Trésor (réf. C). En vertu du paragraphe 3.2 de cette politique, « Les conditions d’emploi visant les personnes nommées à l’administration publique centrale sont énoncées dans les conventions collectives applicables et d’autres lois, et elles sont complétées par d’autres instruments de politique connexes ». En conséquence, l’employeur n’a pas contrevenu à l’article 107 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (réf. D), puisque les dispositions qui font l’objet de ce grief figurent dans une note de service locale plutôt que dans les documents susmentionnés.

Le Régime d’administration des traitements – Groupe d’enseignement universitaire (réf. E) est l’instrument qui précise l’administration de la paye des employés du groupe Enseignement universitaire (UT). Il est régi par le Secrétariat du Conseil du Trésor. Le document de référence E, qui a été mis à jour en 2011, ne fait aucune allusion à la note de service. Les signataires du document de référence A, qui décrit le régime de retraite, n’étaient pas habilités à établir des dispositions supplémentaires concernant le Régime d’administration des traitements – Groupe d’enseignement universitaire (réf. E).

À la clause 40.01, la convention collective des UT (réf. F) indique ce qui suit : « Sous réserve des autres dispositions de la présente convention, les conditions régissant l’application de la rémunération aux UT ne sont pas modifiées par la présente convention ». En outre, les notes concernant l’administration de la paye, à la page 76 du document de référence E, indiquent ce qui suit : « Sous réserve des dispositions de l’article 40 sur la rémunération et de l’appendice A, le régime salarial du groupe Enseignement universitaire, qui ne fait pas partie de la présente convention collective, régit l’application de la rémunération aux UT dans cette unité de négociation ». Par conséquent, le régime de rémunération ne fait pas partie de la convention collective et l’employeur n’a donc pas contrevenu à l’article 8 de la convention collective des UT, puisque l’évaluation des UT décrite dans la note de service n’est pas une condition d’emploi pouvant être intégrée à la convention collective.

[…]

b. Mme Luu

138        Mme Luu a exprimé son désaccord avec cette réponse. En plus de la discussion sur le PE, à son avis, il avait aussi été question de la pratique passée.

2. L’audience au deuxième palier

139        L’audience au deuxième palier a eu lieu le 3 juillet 2015. M. Hurley, Mme Luu, M. Noël, le commandant brigadier-général (Bgén) Friday, et Mme Hau y ont assisté.

a. Mme Luu

140        Mme Luu a déclaré que les questions débattues au deuxième palier étaient les mêmes qu’au premier palier. Le fait que le directeur Kowal n’ait pas reçu le PE de M. Noël a été soulevé.

141        Le 27 avril 2015, M. Noël a adressé à M. Kowal un courriel ainsi rédigé :

[Traduction]

[…]

Voici une copie du document qui explique comment les UT doivent être évalués au cours des trois années précédant leur retraite prévue [sic]. Vous remarquerez que ce document est signé par MM. J. Cowan (directeur) et W. Graham (négociateur en chef pour le syndicat) pendant nos négociations en 2007. Il s’agit de la pratique depuis 2007, et ce, jusqu’à votre nomination comme directeur.

J’attire votre attention sur le point 5 dans le document.

[…]

142        Le nom de M. Kowal ne figurait pas dans la liste des destinataires (À) du courriel.

143        En ce qui concerne la procédure, l’approche antérieure semblait poser un problème, puisque le directeur rédigeait les éléments d’un régime de retraite avant que les formulaires ne soient signés.

144        Mme Luu a déclaré qu’à l’audience, elle avait déposé les lettres de retraite datant de 2010 que M. Sokolsky avait signées.

b. Mme Hau

145        Le groupe client de Mme Hau est le Chef du personnel militaire à Ottawa, qui travaille pour laDirection générale de la gestion du milieu de travail. Le CMR est une sous-unité du groupe Chef du personnel militaire. Antérieurement, Mme Hau a été agente des ressources humaines civiles à Kingston. Auparavant, elle a été coordonnatrice des ressources humaines au CMR.

146        Mme Hau a assisté à l’audience du grief au deuxième palier en qualité d’agente des relations de travail. Elle a pris des notes afin de se souvenir de ce qui était dit, en guise de référence si le CMR était tenu de fournir de plus amples renseignements en cas de renvoi du grief aux paliers suivants.

147        Mme Hau a produit les notes manuscrites qu’elle avait prises lors de l’audience au deuxième palier qui a eu lieu le 3 juillet 2015. À son avis, elle a raté peu de choses dans ses notes. Elle s’est servie de ces notes pour témoigner.

148        Mme Hau a été informée à l’avance par sa collègue, Mme Kennedy, qui avait assisté à l’audience au premier palier et lui avait fait un compte rendu de vive voix. Mme Hau a examiné le contenu de son dossier. Elle a constaté à la lecture de la deuxième page du grief que l’agent négociateur alléguait qu’il y avait eu violation des conditions d’emploi par le directeur, découlant de la violation du PE et d’une pratique passée en vertu de l’article 8 de la convention collective.

149        MM. Hurley et Noël, ainsi que Mme Luu, étaient présents. Mme Hau et le Bgén Friday y ont assisté pour le compte de l’employeur.

150        M. Hurley a exprimé ses impressions et ses sentiments au sujet de la réunion d’avril 2015 avec M. Kowal.

151        Les deux représentants de l’agent négociateur ont abordé respectivement un aspect précis du grief. Mme Luu a expliqué la teneur du PE. M. Noël a expliqué en quoi consistait le PE et ce qui s’était passé pendant les négociations antérieures.

152        Le PE parle de la retraite et de la cote « supérieure » des UT s’ils s’acquittent de leurs tâches de façon satisfaisante. Il aborde les évaluations du rendement. La conclusion de Mme Hau était que l’agent négociateur s’était efforcé d’aider le Bgén Friday à comprendre que le PE s’appliquait encore.

153        Au milieu de l’audience, Mme Luu a présenté une seule lettre, signée par M. Sokolsky. Mme Luu ne se souvenait pas des raisons pour lesquelles cette lettre avait été produite, à ce détail près que l’agent négociateur tentait d’appuyer son argumentation.

154        En renvoyant à la lettre de retraite, l’agent négociateur a affirmé que le directeur n’était pas au courant de ce qui s’était passé autrefois. La lettre indiquait que l’octroi de la double augmentation aux retraités ne poserait pas un gros problème.

155        Les notes de Mme Hau sont ainsi rédigées :

[Traduction]

[…]

Friday – À vous la parole.

Hurley – Résumé – Nous respectons les règles jusqu’à la renégociation de la convention collective (CC).

Depuis 27 ans, on m’a avisé que quand viendrait le temps de prendre ma retraite, je discuterais de mon régime de retraite.

Nous avons rencontré le directeur.

Il (directeur) soutient que les temps ont changé.

Il ne veut pas respecter les pratiques passées

À son avis, c’est adios.

J’ai été surpris qu’on puisse ignorer ou violer une entente du CT [Conseil du Trésor] parce qu’on ne l’aimait pas.

Alors, j’ai déposé un grief.

Au premier palier, avec M. Bates – Lui aussi a décidé d’ignorer le PE, et s’est concentré sur l’équité ou [illisible].

À mon avis ce n’est pas une bonne façon de créer une équipe.

Friday – Je vois très bien ce qui vous préoccupe.

Il faut que je comprenne mieux l’énoncé du grief,

ainsi que votre avis et votre interprétation.

                             Friday – Faites-vous référence à cette entente?

Hurley – Oui.

Friday – un départ à la retraite échelonné sur trois ans?

Hurley – une procédure à l’intention des professeurs qui prennent leur retraite – les augmentations salariales aident pour la pension.

Noël – Ainsi, direction a la possibilité de remplacer un professeur qui part à la retraite.

Cela a été négocié au niveau du CT et ils le savent.

Friday – Le départ à la retraite échelonné sur trois ans fait surtout l’objet du paragraphe 5.

                            Luu – Il s’agit de toute la note de service.

Il est utile d’établir des liens avec les énoncés du grief.

Friday – Trois ans.

Hurley – À la deuxième ligne – trois ans au préalable.

Friday – La présente CC [convention collective] en vigueur en 2011.

Noël – MM. Bill Graham et McDonough étaient négociateurs en 2010; nous avons négocié une CC de manière accélérée.

Friday – Y a-t-il quelque chose quelque part?

Noël – Oui, nos notes et le CT.

Luu – Phil a posé cette question.

Nous n’avons pas de signatures récentes, ce sont les seules lettres que nous avons.

J’ai expliqué la nature de la conversation que Jean-Marc a eue avec Josée.

Phil n’a pas demandé d’autres renseignements.

Le syndicat n’est pas tenu d’effectuer de plus amples recherches.

Je suis déçue que la direction ne se soit pas adressée au CT – un simple appel à Josée.

C’est ce qu’elle nous dit.

Friday – Il y a eu de nombreuses conversations –

Vous ne savez pas

Noël – Je sais que les gens des services juridiques du MDN sont en pourparlers avec ceux du CT.

Nous sommes sur le point d’instaurer une pratique déloyale de travail.

C’est un problème puisque nous sommes en négociations.

Friday – J’ai demandé quel était le motif du grief.

Luu – Le non-respect de la procédure dans ce cas.

Vous avez posé d’entrée de jeu votre question concernant le renouvellement du PE. La réponse présentée d’entrée de jeu me préoccupe – je ne crois pas que la direction ait parlé à Josée.

Luu – Le grief au deuxième palier nous offre la possibilité d’exprimer nos préoccupations concernant la réponse au premier palier.

Friday – Je n’ai pas entendu M. Hurley dire que vous craigniez que la direction n’ait pas communiqué avec le CT.

Hurley – C’est ma faute.

Je vais au deuxième palier parce que je ne suis pas satisfait de la réponse au premier palier.

Friday – En plus de votre préoccupation concernant le non-respect de la note de service de la part du directeur, maintenant vous êtes aussi préoccupé du fait que la direction n’ait pas consulté le CT.

Hurley – C’est juste.

Friday – À votre avis le syndicat n’est pas tenu de montrer des documents valides.

Luu – Il n’incombe pas à l’association de démontrer que la direction a la responsabilité de connaître les conditions de travail.

Friday – Je n’ai aucune preuve concernant cette note de service.

Noël – J’étais négociateur en chef. C’était dans mes notes.

Friday – Y a-t-il eu un compte rendu de décision ou un procès-verbal signé?

Noël – Nous prenons nos notes séparément.

Friday – Le renvoi à ces signatures ne veut rien dire; si le CT n’a pas signé, cela pourrait ne pas être valide.

Mais il s’agit là d’une procédure d’évaluation de professionnels. L’ensemble de la procédure d’évaluation des professeurs se déroule au fil du temps.

Connaissez-vous les règles des procédures d’évaluation?

Noël – Il y a une autre lettre d’entente.

Elle était sur la table en 2007.

Elle précise comment la double augmentation doit être allouée.

La question des retraites est traitée en premier.

Ce sont des lettres d’entente. Signées en 2011 et renouvelées en 2011.

Friday – Y a-t-il un procès-verbal signé?

Noël – Josée n’avait pas d’analyste à la table.

Nous avons réduit la procédure au minimum, parce qu’elle était accélérée.

Friday – Je vois une note de service aux doyens et aux directeurs de département.

Noël – Josée était à la table et en plus elle a confirmé.

Luu – Il a été question d’un document dans lequel M. Sokolsky parle de toute la procédure de retraite.

Luu – Je serais heureuse de vous fournir ce document.

Je demanderai à Joël de vous le faire parvenir.

Friday – Je vérifierai si mon équipe l’a.

Friday – Vous avez mentionné ceci : il n’est disposé qu’à dire adios.

À votre avis, que devrait-il être prêt à faire?

Hurley – Il est d’usage pour les nouveaux venus de se présenter à leurs gens.

Harry ne l’a pas fait.

C’était la première fois que je le voyais.

Je pensais me conformer aux règles.

Si on change les règles du jeu en cours de route…

J’ai pensé que sa décision était unilatérale.

Ce n’était pas une décision du genre, Michael, « il y a une réflexion chaque fois, dans les circonstances, nous ne pouvons pas ».

Friday – Je trouve frustrant que nous n’ayons pas accès à certains mécanismes disponibles à la FP [fonction publique]. – Nous devons nous conformer à la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP).

Hurley – Il lui manquait le côté humain. Il était froid.

Friday – Les attentes doivent être comprises des deux côtés.

À ma connaissance, le gouvernement fédéral n’est pas privé de marge de manœuvre.

Luu – Il y a des attentes que la direction peut combler.

Luu – A fourni une copie de la lettre de retraite.

Michael s’attendait à ce que le directeur dise : Je connais la note de service, c’est ce que nous ferons.

Cette note de service n’est pas contraire à la règle des 40 p. 100 prévue dans le régime d’administration des traitements.

Rien dans cette note de service n’est incompatible avec le régime d’administration des traitements – cette note de service – n’est pas irrégulière.

Elle laisse place à une marge de manœuvre.

Elle est compatible avec la LGFP.

Cela ne coûte rien. Nous avons l’augmentation de 40 p. 100.

Friday – A jeté un coup d’œil à la note de service que lui avait tendue Mme Luu.

Noël – Lorsque nous sommes passés à travers le RE [réaménagement des effectifs], nous avons vu des personnes qui souhaitaient annuler leur retraite, mais qui n’ont pas pu.

Friday – J’ai des préoccupations.

Il était question de congés sabbatiques.

Luu – C’est conforme aux droits aux congés sabbatiques.

Friday – « Exempté de la charge d’enseignement » – Je ne connais aucun mécanisme qui régirait cet aspect particulier.

Noël – Le doyen a la responsabilité d’assigner la charge d’enseignement – les augmentations de salaire triennales.

Luu – Ce n’est pas automatique, la direction a une marge de manœuvre.

Friday – L’APCMC – recherche un traitement équitable pour tous.

Je dois examiner ce qui devient une entente.

C’est tout l’organisme qui doit faire l’objet d’un examen.

Si une partie de ceux qui prennent leur retraite allège sa charge d’enseignement, cela doit être absorbé quelque part –

Vous dites qu’il s’agit de l’allocation des 40 p. 100,

mais en attribuant ainsi ces 40 p. 100, nous sommes moins en mesure de le faire objectivement.

Luu – Question d’équité.

L’allocation de 40 p. 100 n’est pas automatique.

La question des attentes et des normes a été soulevée à l’égard des UT qui prennent leur retraite.

L’UT doit recevoir une cote d’évaluation égale dans les trois catégories.

Une baisse naturelle se produit – mentalement.

La baisse de rendement a un effet combiné.

Le rendement satisfaisant doit être maintenu dans chacune des catégories pour être jugé satisfaisant.

Je pense que cela est plus équitable.

Friday – Je vous entends bien et j’apprécie la réponse.

Qu’est-ce qui définit la retraite? Que se passe-t-il si une personne prend sa retraite à 40 ans?

Luu – J’établis un lien avec l’âge – Nous avons tendance à prendre notre retraite à un âge avancé.

C’est la réalité.

Luu – La période nécessaire à l’obtention d’un poste permanent est plus longue.

Dans cette profession, il est naturel que l’âge de la retraite soit beaucoup repoussé.

Noël – Les circonstances sont différentes si une personne part à la retraite pour aller dans un autre établissement.

Friday – Le grief dit : « Le directeur a violé les conditions d’emploi ».

Y a-t-il eu quelque chose auquel il a dit « non »?

Luu – La réponse au premier palier est un refus.

Friday – J’effectue ma recherche et je découvre que le CT avait raison.

Le directeur a-t-il refusé de donner suite?

Noël – Nous nous sommes consultés – Il a dit à Michael : « Pourquoi, si je ne veux pas que tu prennes ta retraite? »

Je lui ai envoyé la note de service.

Hau – Mais le directeur n’a pas reçu la note de service?

Luu – Mais nous avons discuté.

Friday – Mais le directeur n’a pas dit non.

Noël – En l’absence de oui, c’est implicitement non.

Friday – Peut-être qu’il effectuait un suivi.

Luu – Vous lui (à M. Noël) avez fait savoir que vous aviez parlé à Josée.

Il était en route pour Vancouver. J’ai dit : Nous sommes heureux d’avoir cette discussion avec Phil.

Puis on nous signifie ce refus.

La clause 33.01 a été invoquée.

Il n’est pas nécessaire que ce soit écrit. C’est une question d’interprétation.

Friday – Je ne suis pas sûr à 100 p. 100 que quelqu’un ait dit non.

Noël – Nous pouvons supprimer le mot : violation.

Il veut prendre sa retraite.

Il veut la lettre.

Luu – Nous avons besoin de savoir ce que dit le CT.

Savez-vous quelle est sa position?

Friday – Il s’agit d’une audience.

Vous dites que c’était dans le procès-verbal, c’est nouveau pour moi.

La procédure

J’ai reçu le grief lundi, et voilà où nous en sommes.

Le délai de 10 jours ne donne pas assez de temps.

Noël – Nous avons eu la réunion – le processus d’augmentation est sur le point de commencer.

Le moment est venu de régler cela.

Friday – Le directeur et moi sommes préoccupés par ce se passe.

Friday – Le directeur est honnête.

Je préfèrerais que nous réglions cela par le dialogue.

J’ignore avec quelle rapidité je peux obtenir des réponses d’Ottawa.

Noël – Il doit s’adresser à Don Graham.

Friday – Je peux vous remettre une lettre dans les délais prescrits.

Noël – Le temps presse.

Nous n’avons pas le luxe de pouvoir attendre.

Cela touche la pension.

Luu – Il y a des solutions de rechange.

Il est apparu que le directeur n’a dit ni oui ni non.

Il s’agit d’une solution viable – nous convenons de signer les formulaires de retraite.

Friday – Il pourrait répondre – d’ici à ce que j’obtienne une réponse […]

Hurley – Je n’ai senti aucun encouragement – j’ai eu le sentiment que rien ne bougeait.

Friday – J’ai le sentiment qu’il n’y avait pas de mauvais sentiment de révocation.

Noël – Vous avez dit un préavis de trois ans – afin de pouvoir trouver un remplaçant.

À la fin de la journée, vous devez supprimer un salaire maximal – il s’agit d’une aubaine sur le plan financier.

Friday – Le directeur tâche de s’assurer que les pratiques sont légales. C’est ce qu’il fait.

Friday – Pendant des négociations tout le monde est sur ses gardes.

Noël – C’est un jeu de poker.

Il y a des éléments qui nous sont propres.

Friday – La convention collective fait-elle allusion aux lettres?

Noël – Le problème avec les gens du CT, c’est qu’ils veulent normaliser les libellés de toutes les conventions collectives. Ces lettres d’entente nous sont propres.

Friday – Pourquoi cette note de service n’est-elle pas intitulée PE?

Noël – Il s’agit d’une note de service adressée aux doyens.

Le CT ne veut pas signer ces lettres parce qu’il ne veut pas que les autres syndicats en prennent connaissance.

Luu – La préoccupation était d’abord de savoir s’il pouvait le faire.

Friday – Cela a été remplacé par une autre entente.

Noël – Et renouvelé en 2011.

Luu – Comme Josée, du CT, nous l’a expliqué […]

Friday – Est-ce le cas ou non? Si cela ne fait pas partie de l’entente – Est-ce une procédure équitable pour les enseignants – Cela devrait alors pouvoir se faire.

Luu – Nous sommes certains qu’il s’agit d’une entente.

Nous sommes stupéfaits que cela prenne autant de temps pour obtenir des réponses.

Friday – Le temps presse. Réponse – Rien ne m’indique qu’il s’agisse d’une entente.

Si je dois répondre aujourd’hui, c’est ma réponse.

Luu – Au plus tôt, c’est lundi que nous pouvons présenter le grief au troisième palier.

Nous ne pouvons pas attendre.

Friday – Je vais poursuivre mon enquête.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

156        Le 6 juillet 2015, le lendemain de l’audience du grief au deuxième palier, Mme Luu a écrit ce qui suit à M. Kowal :

[Traduction]

[…]

J’ai appris qu’il pourrait y avoir eu un malentendu dans les consultations avec Michael Hurley au sujet de sa retraite — notamment que vous n’avez peut-être pas réalisé que Michael demandait d’officialiser une entente de retraite avec vous, selon les conditions énoncées dans le PE conclu le 1er juillet 2007 entre le CT et l’APCMC. Je vous écris donc afin de demander officiellement au nom de Michael si vous accepteriez de maintenir les modalités du PE signé le 1er juillet 2007, qui précisent comment les UT doivent être évalués au cours des trois années précédant une retraite prévue, et si vous accepteriez d’officialiser cet engagement dans une lettre telle que celle jointe. Veuillez noter que cette lettre jointe est présentée uniquement à titre de modèle de lettre énonçant les conditions d’une entente de retraite, et non afin de demander ces conditions.

Comme vous le savez, le grief est en cours, mais j’ai pensé qu’il serait utile de dissiper toute confusion possible sur ce point.

[…]

[Je souligne]

157        La lettre jointe était l’une des lettres anonymisées que M. Sokolsky avait rédigées en 2010, puis fournies à Mme Luu.

158        Le 9 juillet, M. Kowal a répondu comme suit à M. Noël :

[Traduction]

[…]

Je vous envoie la présente réponse parce que je sais que Helen est à un congrès, et qu’elle sera ensuite en vacances. Je lui ai envoyé une copie conforme uniquement pour la tenir au courant, puisque c’est elle qui m’a transmis la demande.

Je comprends que Helen s’efforce de dissiper toute confusion, mais la lettre expurgée qu’elle a jointe à son courriel traite non seulement de la question de l’évaluation des enseignants, mais aussi de celles des congés sabbatiques et de l’allègement de la charge d’enseignement. Soyez assuré que je m’engage à respecter la convention collective (les articles 13 [Répartition de la charge d’enseignement] et 18 [Congé sabbatique] s’appliqueraient dans ce cas), ainsi qu’à effectuer les évaluations annuelles du rendement conformément au Régime d’administration des traitements du CT.

Comme je l’ai indiqué dans le courriel que je vous ai envoyé le 28 mai 2015, je discute de la lettre en question avec Josée et la direction des RH. Malheureusement, j’ai été en congé pendant une semaine, et maintenant Josée est en congé et nous n’avons pas eu l’occasion de nous reparler. D’ici à ce que je lui parle et que j’obtienne le point de vue des RH, je ne peux pas répondre à la question de Helen.

Si Michael envisage de prendre sa retraite, il peut le faire et je peux le mettre en contact avec les RH afin d’obtenir des conseils.

[…]

159        La réponse au deuxième palier de l’employeur est datée du 15 juillet 2015. Elle renvoie au grief et à la mesure corrective demandée. Les noms des personnes qui ont assisté à l’audience au deuxième palier y sont indiqués. La réponse est essentiellement rédigée comme suit :

[Traduction]

[…]

5. En ce moment, je ne dispose d’aucun renseignement confirmant la validité du document de référence B [note de service aux doyens et aux directeurs de département] à titre de composante officielle des conditions de votre emploi. Le CMRC a demandé des précisions à cet égard auprès de l’état-major supérieur, mais je n’ai pas encore reçu de réponse définitive. Compte tenu des impératifs du calendrier dictés par la procédure de règlement des griefs qui s’applique à ma réponse à votre grief, et du fait que vous avez exprimé l’intention de renvoyer ce grief au troisième palier dès que possible, comme vous en avez clairement le droit, je dois trancher cette affaire en me fondant sur les renseignements dont je dispose actuellement. Et d’après ces renseignements, il m’est impossible d’appuyer votre grief tel qu’il est présenté. Par conséquent, votre grief est rejeté et les mesures correctives demandées ne seront pas accordées.

[…]

3. L’audience au troisième palier

160        L’audience du grief au dernier palier a eu lieu le 7 août 2015, par téléphone. Mme Luu et MM. Hurley et Noël et M. Sylvain Leblanc, Ph. D., ont participé à la téléconférence pour l’agent négociateur. Mme Bing y a assisté pour l’employeur.

a. Mme Luu

161        Mme Luu a déclaré qu’ils avaient discuté du PE. Le plus gros point de friction était la question de savoir s’il s’agissait d’une condition d’emploi. L’employeur remettait encore en question la mesure dans laquelle le PE était équitable pour tous les membres de l’unité de négociation. Mme Luu a principalement expliqué en quoi il était équitable. Elle a aussi précisé le délai dans lequel l’avis de négocier avait été donné et l’effet du gel prévu par la loi.

162        Les lettres de retraite de M. Sokolsky ont été évoquées à titre de pratique passée englobant les trois volets du régime de retraite.

163        À cette date, Mme Luu avait envoyé des copies des lettres de retraite, ainsi qu’un document préliminaire concernant l’examen du rendement et l’octroi des augmentations salariales que M. Sokolsky avait élaboré au printemps 2011.

b. Mme Bing

164        Mme Bing occupe son poste d’agente principale des relations de travail à Ottawa depuis mai 2015. Elle a principalement pour rôle et responsabilité d’entendre les griefs au dernier palier au nom du directeur général de la gestion du milieu de travail. Elle écoute les argumentations, les étaye, après quoi elle analyse le dossier et formule des recommandations au directeur général. Elle a normalement pour pratique de prendre des notes pendant les audiences. Elle s’y réfère après une audience, puis les transmet au directeur général. Elle possède beaucoup d’expérience en matière de prise de notes. Elle s’efforce de saisir les argumentations qui sont présentées.

165        Le dossier de M. Hurley a été attribué à Mme Bing. Avant l’audience, elle a examiné tous les documents versés au dossier, y compris les réponses aux premier et deuxième paliers. Selon sa compréhension du dossier, la question en litige était celle des augmentations salariales avant le départ à la retraite. Mme Bing se souvenait que l’agent négociateur s’était efforcé d’établir que les modalités du PE étaient gelées à titre de conditions d’emploi en vertu de l’article 107 de la Loi. Selon sa compréhension, M. Hurley voulait que les dispositions du PE soient appliquées. Elle croyait comprendre que l’agent négociateur tentait d’établir que le PE était une pratique passée.

166        Mme Bing ne se souvenait pas beaucoup de l’audience du grief au dernier palier et s’est référée à ses notes, qui avaient été dactylographiées et signées plus tard le jour de l’audience, afin que la personne qui reprendrait le dossier puisse comprendre ce qui s’était passé à l’audience, puisqu’elle-même était sur le point de partir en congé de maternité.

167        Avant l’audience, Mme Luu a envoyé à Mme Bing des documents rédigés par M. Sokolsky, notamment une lettre (l’une des lettres en date de 2010 qui octroyait la double augmentation, un congé sabbatique et un allègement de la charge d’enseignement à un UT qui avait signé un avis de retraite trois ans à l’avance) et un document préliminaire sur l’examen du rendement et l’octroi d’augmentations.

168        Pendant l’audience, il a été question du document préliminaire de M. Sokolsky. L’agent négociateur a tenté d’établir que le PE était une pratique passée. Le document préliminaire mentionnait le PE au point 10.

169        Les notes de Mme Bing étaient rédigées comme suit :

[Traduction]

[Le 7 août 2015, à 10 h; Mme Luu et MM. Hurley, Noël et LeBlanc ont participé par téléphone.]

 […]

– groupe important – représentant désigné/agent des griefs

– JM à l’audience au deuxième palier – a été témoin de la conversation tenue à la table de négociation

– SL – s’est tout récemment ajouté; intéressé à entendre les griefs au troisième palier

– WB – jugé correct

– HL – afin de présenter les faits.

                   – Tout ce qui ne relève pas des renseignements que le fonctionnaire peut préciser.

– calendrier – faits exposés

– note de service aux d [doyens] et aux directeurs (Réf. A) – PE antérieur à la retraite

– négocié pour la 1re fois en juillet 2007 (signé)

    – signé par le directeur et par le négociateur de l’APCMC à l’époque

    – la phrase écrite au-dessus renvoie à l’entente du SCT, même en l’absence de sig. [signataires][SCT]

– Févr. 2011 – dernière ronde de négociation

renouvelée à la table avec Soko [Sokolsky] et JMN

JL était présent aussi.

– signature de CC en mars 2011.

JMN – la dernière ronde de négo a été accélérée. On a conclu un accord selon lequel tous les éléments qui n’auraient pas été présentés à la table pendant cette ronde seraient renouvelés tels qu’ils étaient en 2007. L’APCMC a demandé le renouvellement de tous les PE, y compris toutes les lettres.

– en raison de la procédure accélérée, on n’avait pas la « liste des désidératas » pour chaque point.

HL – Dans toutes ces discussions, on n’a jamais contredit que ces PE n’avaient pas été renouvelés.

Article 107 de la LRTFP – avis de négocier donné; les conditions sont gelées et en vigueur

– sentiment que la lettre a été renouvelée et ratifiée en 2011

– A) les notes correspondent à une « pratique passée », au mieux. Immédiatement après la dernière ronde de négociation.

Document de référence 10 – renvoi à la note de service. JS indique que celle-ci est encore en vigueur.

HL 28 févr. 2014 – NTB : sentiment qu’il s’agit d’une condition en vertu du PE et des notes de JS; les attributions d’augmentations de salaire sont gelées en vertu de la LRTFP et sont encore en vigueur.

HL va maintenant parler du fonctionnaire.

– Son cas illustre les raisons de la création de ce PE

    – offre des services exceptionnels au CMR depuis 27 ans

    – a reçu une fois et a été nominé trois fois pour le prix d’excellence en enseignement

    – a refusé une nomination afin d’en faire profiter d’autres personnes.

Paragraphe 1 – cette entente a été créée afin de reconnaître qu’une fois qu’un « professeur a décidé de prendre sa retraite (deux dernières lignes du paragraphe) [« […] la tendance commune révèle une baisse d’énergie, un ralentissement des activités volontaires à valeur ajoutée et une réticence naturelle à assumer des tâches nouvelles ou peu familières ».]

– Reconnaissance de la baisse naturelle du rendement attribuable à un service de longue date, dans le cadre d’une profession vraiment exigeante. La note de service visait à contrer la baisse attribuable à l’âge et aux années de service. Il était possible de contrer la baisse du rendement en créant une mesure du rendement tenant compte de cette baisse, puis de créer une norme de rendement équitable envers eux.

– Cette question a été soulevée aux premier et deuxième paliers compte tenu des quotas d’augmentations de salaire

– Il est équitable de reconnaître la baisse naturelle attribuable à l’âge et aux années de service.

– Le professeur doit dépenser plus d’énergie pour poursuivre, sans donner un meilleur rendement, plus exigeant.

– Les normes permettant d’obtenir la cote « satisfaisante » sont plus élevées en vertu de la note de service que pour les UT réguliers.

La différence relative à la norme se trouve au paragraphe 4 du document de réf. A pour ceux qui prennent leur retraite, à savoir la norme permettant d’obtenir la cote « satisfaisante » dans chacune des trois catégories évaluées séparément. Il est plus difficile d’obtenir la cote « satisfaisante » pour chacune des catégories que pour l’ensemble.

– Cela permet la réorientation de l’effort dans des circonstances ordinaires.

– Si cette norme était appliquée à tous les UT, ils auraient un rendement satisfaisant.

– Alors cette forme d’évaluation devient

– Dans le cadre du rendement des UT, nous reconnaissons l’étape de la carrière, c’est-à-dire que l’UT 2 peut investir un plus grand effort dans sa profession.

– Pendant les dernières années de la carrière, en qualité d’UT 4 (norme la plus élevée de la profession) la baisse de rendement naturelle est normale et prévue.

– La note de service vise à : a) reconnaître cette réalité; b) être équitable envers le prof et tenir compte de l’étape de sa carrière; c) être équitable en tant que norme de mesure du rendement, parce que l’obtention de la cote « satisfaisante » dans chacune des trois catégories correspondrait normalement à un rendement supérieur.

Sous l’angle d’une bonne gestion et de la planification des RH, d) le contexte du CMR, du ministère et de l’institut dans son ensemble permet un bon rendement, compte tenu du départ à la retraite dans un délai de trois ans. Dans le contexte militaire, gouvernemental et universitaire, il faut beaucoup de temps pour embaucher et/ou remplacer le titulaire de ce poste – bureaucratie.

– L’embauche demande au moins un an;

il faut annoncer à l’échelle nationale et internationale; suivre le rythme de l’année universitaire

– Les annonces paraissent en oct. ou nov. pour l’année suivante.

– Il faut obtenir l’autorisation d’embaucher; comité de dotation; exigences en matière de RH.

– Il n’est pas exagéré de dire qu’il faut au moins trois ans pour embaucher.

e) Il ne s’agit pas d’encourager la retraite, nous souhaitons embaucher en temps opportun. Économie de coûts – remplacer le salaire le plus haut par le salaire le plus bas.

f) Il faut comprendre que son coût est neutre en raison du système de quotas – le nombre d’augmentations de salaire est limité. Il faut reconnaître qu’un UT qui occupe ce poste le mérite.

– Il est déconcertant que la direction ne veuille pas honorer ce PE, alors qu’il n’entraîne aucun coût supplémentaire et [ent]

– Tout à fait mérité, juste et équitable.

– La double augmentation n’est pas octroyée automatiquement.

– Point 5 Étant donné […][que le maintien d’un rendement élevé au cours des trois années précédant la retraite]

« à condition que […][leur rendement dans les domaines de l’enseignement, de la recherche et des services, évalués séparément] soit au moins satisfaisant »

– Si l’UT ne reçoit pas la cote « satisfaisante » dans l’un de ces domaines, il n’en bénéficie pas.

–        Cela s’est produit dans le passé.

–        Cela montre l’opposition de la direction à la note de service, parce qu’elle n’est pas équitable envers les jeunes UT. Cependant, obtenir une cote « satisfaisante » dans les trois domaines équivaut à donner un rendement supérieur régulièrement.

– Mme Luu – concernant les réponses aux premier et deuxième paliers.

Aspects techniques – Réponse au premier palier indiquant qu’il ne s’agit pas d’une condition au paragraphe 2. M. Bates est en désaccord avec les conditions (SCT) : « la note de service n’est pas un instrument de politique ». Point de vue du syndicat : les ententes locales et les PE sont des instruments de politique. Ils constituent (comme l’a souligné M. S) une pratique passée régissant des conditions.

– De plus, JL du SCT l’a reconnu. On lui a posé la question, elle a confirmé que oui, en plus de confirmer qu’il s’agissait d’une condition.

– NB –  À quel moment cela a-t-il eu lieu?

– HL – Obtiendra la date à laquelle la conversation a eu lieu,

– dans le contexte de ce grief en particulier;

– pendant cette ronde de négociation collective

– concernait la réponse de M. B selon laquelle il ne s’agissait pas d’une condition.

– Il s’agit aussi d’une pratique passée. C’est clairement indiqué dans le PE.

– Aux articles 8 et 26 de la CC – Consultation mixte

–        26.03 – modifications envisagées dans les conditions d’emploi ou de travail qui ne relèvent pas de la convention.

–        Cela n’a pas été fait par la direction locale.

– Pendant les négos, cette semaine, la question du PE a été soulevée parce que le directeur a évoqué la reconnaissance. Il a déclaré qu’il ne reconnaissait pas les PE et ne les respecterait pas. On en a fait l’annonce.

– Cela peut ne pas lui plaire et il peut s’y opposer, mais en vertu de l’article 26, il est obligé de consulter l’APCMC.

– C’est pourquoi HL a envoyé à NB l’entente de retraite signée en 2010, ainsi que les notes de JS.

– Documenté, connu et raisonnable. Avant son mandat de directeur, que JS y ait souscrit ou non, il a honoré les ententes. Comme la CC, elles font l’objet de négociations. La position du directeur voulant qu’il ne soit pas lié par l’entente en raison de sa signature montre son inexpérience des RT [relations de travail].

– Il est aussi attesté que l’entente a été invoquée tout récemment (2010). Il n’y a rien eu ensuite en raison du RE. Avons perdu 32 professeurs.

– JS a honoré le PE en 2010. Il n’y a pas eu d’autres occasions de le faire.

– Le PE était en vigueur et sur la table; il était mentionné dans les notes de JS.

– La question se résume à l’article 107 de la LRTFP, aux conditions, un instrument reconnu – pratique passée et notes de service. Assujetti à la clause 26.03 – nécessité de consulter l’APCMC afin de renégocier. Le PE est parfaitement juste et équitable pour tous les UT.

– MH – Souhaite en arriver au fait. Ai le sentiment que HL et JMN ont fait un très bon boulot.

HL – Dans les réponses aux premier et deuxième paliers – la direction a demandé des éclaircissements et des conseils.

NB – Nous attendons encore – des consultations sont en cours à l’égard des aspects juridiques.

JMN – On ne sait pas exactement quel sera le délai.

JL rencontrera les gens des services juridiques le 19 août.

JMN – Ai l’impression que les services juridiques du MDN se sont formés une opinion.

HL – Est-ce quelque chose que nous savons sur lequel on peut fonder une décision?

– La direction a mis beaucoup de temps à trouver des réponses. La vie d’une personne est en veilleuse.

HL – Si vous entendez dire que le MDN s’est formé une opinion, pourrions-nous la partager?

–   Pouvons-nous la partager?

NB – Je peux voir à cela.

HL – Réceptif en s’efforçant d’organiser cela; courriel perdu, reconnaissance qu’il s’agit d’une priorité. S’il y a un moyen d’obtenir uneréponse au plus tôt ce serait apprécié.

NB – Nous devons passer par notre bureaucratie, les étapes de l’approbation, et ainsi de suite. Il faudrait aussi attendre l’issue des discussions juridiques du SCT.

JMN – Vous savez que la direction et les syndicats aiment résoudre les problèmes au palier le plus bas possible. L’affaire pourrait aboutir à un arbitrage, et cela uniquement parce qu’une personne n’aime pas les PE. Cela fait perdre beaucoup de temps aux gens. Déçu que nous en soyons là à ce sujet.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

170        Après avoir revu ses notes, Mme Bing a déclaré que toutes les parties de la conversation avaient été consignées. D’après elle, elle a saisi l’ensemble de ce qui a été dit et des arguments présentés.

171        Les deux lettres expurgées, qui étaient identiques, mentionnaient aussi les congés sabbatiques et l’allègement de la charge d’enseignement. Ces questions n’ont pas été soulevées. Les lettres ont été présentées afin de montrer que l’octroi de la double augmentation était une pratique passée.

172        L’agent négociateur n’a rien fait valoir d’autre à titre de pratique passée. Si une argumentation avait été présentée, Mme Bing l’aurait notée.

173        Après l’audience, Mme Bing a commencé à effectuer des analyses et des recherches sur la question de savoir si le PE était exécutoire. Selon sa compréhension, l’allègement de la charge d’enseignement ou les congés sabbatiques ne faisaient pas partie du grief.

174        En contre-interrogatoire, Mme Bing a été interrogée à savoir s’il était possible que l’agent négociateur ait parlé de l’allègement de la charge d’enseignement et des congés sabbatiques, en lui faisant observer que si ces questions avaient été soulevées et qu’elle ne les avait pas comprises, elles ne les auraient pas consignées dans ses notes. Mme Bing a répondu qu’elle ne prenait pas de notes aux fins de compréhension, mais afin de mettre les mots par écrit afin d’en faire une analyse.

175        Mme Bing a également été interrogée à savoir si les lettres de retraite signées en 2010 avaient été versées au dossier avant l’audience. Elle savait qu’elle en avait eu des copies. Elle ignorait si elles avaient été versées au dossier, mais elle les avait vues auparavant. Il y avait aussi une plainte de pratique déloyale de travail déposée par l’agent négociateur qui aurait pu se trouver dans le dossier. Elle avait vu cette pièce jointe auparavant.  Elle ne pouvait pas confirmer si elle l’avait vue dans le dossier ou ailleurs.

176        Mme Bing a été avisée que Mme Luu avait déclaré que les questions du congé sabbatique et de l’allègement de la charge d’enseignement avaient été débattues à l’audience au troisième palier. Elle a répondu qu’elle avait pris note de l’argumentation.

177        On a fait valoir à Mme Bing qu’étant donné qu’elle avait lu le grief et les réponses avant l’audience, elle avait tiré une conclusion au sujet de la double augmentation avant l’audience.

178        Mme Bing a convenu que c’était ce qu’elle avait compris initialement. Elle a déclaré que rien de ce qu’elle avait entendu ne l’avait fait changer d’idée.

179        Mme Bing a confirmé que les lettres de retraite confirmaient que le PE avait été utilisé dans le passé. Elle a confirmé qu’elle avait consigné les propos de Mme Luu, en précisant qu’il ne s’agissait pas de ses propres conclusions concernant ce que celle-ci avait dit, seulement ses paroles.

180        En contre-interrogatoire, Mme Bing a été interrogée à savoir si elle avait consigné ce qui était pertinent au grief. Elle a répondu qu’elle s’était efforcée de tout écrire. Quelques points qui n’étaient pas pertinents au grief ont été soulevés, mais elle les a notés quand même.

4. Renvoi à l’arbitrage et faits subséquents

181        Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 10 juillet 2015. À ce moment-là, l’employeur n’avait toujours pas répondu au grief au dernier palier.

182        Le 30 octobre 2015, Mme Luu a reçu une lettre de M. Kowal indiquant que l’employeur acceptait d’honorer les modalités du PE en ce qui concerne la double augmentation. Elle a réalisé qu’il s’agissait de la date à laquelle M. Hurley devait présenter une demande de congé sabbatique. M. Hurley avait droit à un congé sabbatique en vertu des dispositions de l’article 18 de la convention collective. Mme Luu l’a aidé à remplir sa demande pour un congé sabbatique de six mois débutant en janvier 2017. M. Kowal a accepté la demande même si elle était tardive.

183        Dans sa lettre du 30 octobre 2015 à l’agent négociateur, M. Kowal a accepté de respecter les conditions du courriel. Par la suite, il s’est rappelé avoir parlé avec M. Bates du fait que le grief de M. Hurley était maintenant réglé. À son avis, il n’y avait pas de questions en suspens découlant du grief et il s’attendait à ce que ce dernier soit retiré. Avec le temps, il est devenu évident pour lui que l’agent négociateur pensait que la portée du grief allait au-delà du PE.

184        M. Bates a déclaré se rappeler clairement avoir parlé au directeur au moment où la direction a décidé de maintenir le PE et avoir déclaré que le grief était réglé et qu’ils s’étaient acquittés du fardeau dont ils souhaitaient s’acquitter. En toute honnêteté, il a déclaré être resté bouche bée lorsqu’il a appris que le grief était toujours en cours.

185        Le 21 avril 2016, Mme Luu a envoyé une lettre à M. Kowal lui demandant si un UT était obligé de reprendre une charge d’enseignement à temps plein à son retour de congé sabbatique. La lettre était rédigée en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Jean-Marc m’a mentionné que vous aviez des questions et des préoccupations au sujet de la demande de Michael concernant un allègement de la charge d’enseignement de six mois à la suite de son prochain congé sabbatique au semestre d’hiver 2017 […]

Selon ma compréhension des choses, votre première préoccupation est que vous croyez que la convention collective exige qu’un UT revienne à l’enseignement à temps plein à son retour d’un congé sabbatique. En réponse, j’aimerais souligner que la clause 18.08 indique seulement qu’on s’attend à ce qu’un UT « reprenne ses fonctions comme membre du groupe UT » (18.08a]) et « [revienne] au Ministère pour une période égale à ce congé » (18.08b]) […]

[…]

[…] cet article ne précise pas de quelle façon la charge d’enseignement d’un UT doit être répartie à son retour d’un congé sabbatique. Au contraire, la souplesse autorisée dans l’attribution de la charge d’enseignement qui s’applique en d’autres occasions s’applique aussi à la période qui suit un congé sabbatique […]

         […]

[…] nous sommes ouverts aux discussions, sous toutes réserves, en vue de régler le grief du fonctionnaire avant son renvoi à l’arbitrage […]

[…]

186        Mme Luu a déclaré n’avoir reçu aucune réponse, même si elle était bien certaine d’avoir envoyé la lettre au directeur par courriel.

187        Le 6 juin 2016, dans le contexte d’un autre grief, M. Kowal a mentionné à Mme Luu que si M. Hurley souhaitait obtenir la double augmentation, le conseil de promotion se réunirait en décembre. Ce conseil décide quels UT reçoivent une augmentation et combien d’entre eux en recevront une.

188        Mme Luu a planifié une réunion avec M. Kowal. En compagnie de M. Noël, ils se sont rencontrés le 6 juin 2016, et M. Kowal aurait dit : [traduction] « Je sais que je vous dois une réponse. Je suis désolé. » Mme Luu avait une copie imprimée de la lettre du 21 avril 2016, dont ils ont discuté.

189        Mme Luu a confirmé la réponse de l’employeur au dernier palier, en date du 25 novembre 2016, qui était adressée à M. Hurley et dont elle avait reçu copie. La lettre était signée par le directeur général de la gestion du milieu de travail au nom du sous-ministre, et était en partie rédigée comme suit :

[Traduction]

[…]

Par suite de mon examen du dossier, j’estime que l’employeur n’a pas violé le protocole d’entente du 1er juillet 2007, puisque vous n’avez pas encore signé les formules indiquant une date de retraite comme il est stipulé dans ledit document. Par conséquent, je conclus que vous n’avez pas été lésé.

Comme aucune mesure n’a été prise, et que vous n’avez pas été lésé, je conclus qu’il n’y a pas eu violation de l’article 107 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ni d’une autre politique, directive, loi ou disposition.

Par conséquent, pour les motifs énoncés ci-dessus et ceux qui l’étaient dans la réponse au grief précédente, votre grief est rejeté et les mesures correctives demandées ne seront pas accordées.

[…]

D. Résumé de l’argumentation fondée sur Burchill

1. Pour l’agent négociateur

190        L’employeur a déclaré que la pratique passée concernant le régime à trois volets ne devrait pas être prise en considération, parce qu’il n’en a pas été question dans le grief ou pendant la procédure de règlement de griefs.

191        La réponse de l’APCMC comportait deux volets :

(1) Le régime à trois volets était mentionné dans le grief, au moins indirectement.

(2) Le régime à trois volets avait fait l’objet d’une discussion lors de la procédure de règlement de griefs.

192        La décision arbitrale rendue dansToronto District School Board v. Canadian Union of Public Employees, Local 4400, [2011] O.L.A.A., no 229 (QL), une affaire tranchée par un arbitrage privé en vertu de la Loi de 1995 sur les relations de travail de l’Ontario (L.O. 1995, ch. 1, annexe A), présente un résumé très utile des décisions faisant autorité en ce qui concerne les objections préliminaires à la portée d’un grief. Le point de départ est la référence fondamentale que constitue Blouin Drywall Contractors Ltd. v. United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America, Local 2486 (1975), 8 O.R. (2d) 103 (« Blouin Drywall »).

193        Blouin Drywallappuie le principe selon lequel les causes ne doivent pas être gagnées ou perdues pour une question de forme, mais en fonction de leur bien-fondé, afin d’assurer la résolution exhaustive, équitable et rapide des différends. Les griefs doivent être interprétés de manière large afin que la plainte véritable soit traitée.

194        Le principe énoncé dans Blouin Drywall a été invoqué de manière favorable et adopté par la Cour suprême du Canada dans Parry Sound (district), Conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, 2003 CSC 42 (« Parry Sound »).La Cour a déclaré que les exigences procédurales, comme celle voulant que les détails d’un grief soient présentés par écrit, ne devraient pas être rigoureusement appliquées à moins que l’employeur ne subisse un préjudice. Autrement, il est plus important de régler le conflit factuel qui a donné lieu au grief.

195        Selon l’un des principes fondamentaux du droit du travail, les différends en milieu de travail doivent être réglés de façon expéditive et avec le moins de détails techniques possible. En plus des considérationsde coûts, il s’agit de la justification globale de l’arbitrage prévu par la loi. Autrement, les employeurs et les syndicats pourraient fort bien aller en cour à chaque différend.

196        Dominion Citrus Ltd. v. Teamsters, Local 419, [2001] O.L.A.A., no 419 (QL)confirme encore une fois le principe voulant que les arbitres de griefs résolvent le véritable différend, à moins qu’il n’y ait une preuve d’un préjudice réel découlant d’une surprise véritable, ce qui en soi ne suffit pas.

197         Electrohome Ltd. v. International Brotherhood of Electrical Workers, Local 2345 (1984), 16 L.A.C. (3rd) 78 résume bien la question. Il y a deux lignes directrices de base : 1) les griefs doivent être interprétés de manière large afin que le véritable différend soit réglé, tout en 2) veillant à ce qu’il n’y ait aucun préjudice. Une partie peut subir un préjudice si elle perd la capacité de traiter la question pendant la procédure de règlement des griefs.

198        Dans McMullen c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 64, au paragraphe 102, l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique a adopté les mêmes principes. Elle a affirmé que Burchill était conforme aux principes des relations de travail. Les griefs et la procédure de règlement de griefs existent dans le but de permettre aux parties d’exprimer leurs griefs et d’exposer tous leurs arguments sur le sujet, afin d’éliminer toute surprise. Conformément auprincipe établi dans Burchill, aucune des parties n’est privée de son droit d’aborder les questions pendant la procédure de règlement de griefs.

199        L’application de ces principes à la formule de grief pourrait être plus claire. Mais il faut se rappeler que cette formule n’a pas été élaborée par des avocats. Mme Luu et M. Hurley peuvent être des universitaires chevronnés, mais ni l’un ni l’autre n’a de formation juridique. Il est maintes fois question d’un régime de retraite. Le grief n’expose pas expressément en quoi consiste le régime. Bien que le grief ne mentionne pas l’allègement de la charge d’enseignement, il n’est pas non plus question de l’augmentation salariale.

200        Le premier paragraphe renvoie au PE, mais pas à une pratique passée. Le deuxième paragraphe renvoie à une pratique passée, mais pas au PE. Mme Luu a déclaré que les libellés de ces deux paragraphes étaient différents parce que l’agent négociateur demandait des choses différentes. Le premier paragraphe renvoie au PE (le système d’évaluation du rendement), qui a été couché par écrit. Le deuxième paragraphe renvoie aux autres éléments du régime à trois volets, qui n’ont pas été couchés par écrit, mais qui constituent une pratique passée bien établie.

201        Les deux derniers paragraphes comprennent des demandes relatives au PE et à la pratique passée, que l’employeur aurait interprétées comme faisant référence à la même chose. Si tel avait été le cas, il n’aurait pas été nécessaire de mentionner les deux.

202        La discussion qui a eu lieu à la réunion d’avril 2015 est contestée. MM. Hurley et Noël ont déclaré que les trois volets avaient fait l’objet d’une discussion. MM. Kowal et Bates ont déclaré que seul le PE avait fait l’objet d’une discussion.

203        MM. Hurley et Noël ont déclaré avoir consacré beaucoup de temps, avant la réunion, à discuter et à examiner de manière exhaustive le régime à trois volets afin de comprendre ce qu’il comprend et l’échelonnement de chaque volet. M. Hurley a déclaré que ce processus avait débuté en janvier et il l’a qualifié de [traduction] « élaboré et laborieux ». M. Noël a déclaré que ce n’est qu’après avoir peaufiné les détails que la réunion avec le directeur a été prévue. Ni l’un ni l’autre n’a été questionné à ce sujet en contre-interrogatoire. Par conséquent, il y a une preuve incontestée.

204        Après avoir pris des mois pour exposer en détail et de manière laborieuse un régime à trois volets, pourquoi MM. Noël et Hurley auraient-ils mentionné un seul volet de ce régime à la réunion?

205        Il est superflu de conclure que MM. Kowal et Bates ont menti sur ce point. C’est possible, mais il est aussi possible que leurs souvenirs se soient estompés ou qu’ils n’aient pas compris ce que MM. Noël et Hurley ont dit.

206        Plusieurs raisons peuvent justifier le manque de fiabilité d’une preuve. La crédibilité des témoins n’est que l’une d’entre elles.

207        Pendant l’interrogatoire principal, M. Kowal a laissé entendre qu’il pouvait avoir un bon souvenir de cette réunion parce que le terme « tour d’honneur », qui a été utilisé pour désigner l’allègement de la charge d’enseignement, aurait été inoubliable pour lui. Il a affirmé que si ce terme avait été utilisé à la réunion d’avril 2015, comme l’a affirmé M. Noël, il s’en serait souvenu.

208        En contre-interrogatoire, il est apparu que ce terme n’était pas aussi inoubliable pour M. Kowal, après tout. Interrogé à ce sujet, il a reconnu qu’il ne se rappelait vraiment pas à quel moment il avait entendu ce terme pour la première fois.

209        En conclusion, la preuve de l’agent négociateur est plus convaincante parce qu’elle est non équivoque et plus compatible avec les faits non contestés. Manifestement, M. Hurley veut l’application du régime à trois volets. S’il n’avait voulu que celle du PE, l’agent négociateur n’aurait pas plaidé la question.

Qu’est-ce qui a fait l’objet d’une discussion à la réunion de l’étape no 1?

210        Mme Luu a déclaré qu’il avait été question des trois volets. M. Bates a déclaré qu’il avait seulement été question du PE. Son témoignage n’est pas compatible avec les faits non contestés. Manifestement, M. Hurley veut l’application du régime à trois volets. C’est ce qu’il voulait avant la réunion d’avril 2015, et il a pris des mesures laborieuses pour créer ce régime en janvier 2015. Comme il s’agit de faits véridiques, pourquoi M. Hurley et Mme Luu n’ont pas soulevé tous les volets du régime à la première étape?

Qu’est-ce qui a fait l’objet d’une discussion à la réunion de l’étape no 2?

211        Mm Luu a déclaré qu’il avait été question des trois volets, ce que confirment les notes de Mme Hau. Il n’est pas contesté que les expressions [traduction] « allègement de la charge d’enseignement » et « congé sabbatique » ont été prononcés à la réunion. L’employeur voudrait faire croire à tout le monde que ces expressions ont été prononcées, mais l’agent négociateur ne portait pas attention à ce genre de choses. L’employeur a invoqué les lettres de M. Sokolsky, mais il ne voulait qu’un seul des trois volets énumérés, ce qui est difficile à croire.

212        À la page 7 des notes, le Bgén Friday a déclaré qu’il était préoccupé par le congé sabbatique, comme il est indiqué dans les lettres de 2010 signées par M. Sokolsky. Mme Luu n’a pas déclaré qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter, ni que le congé sabbatique n’était soumis à aucun examen. Elle a tenté de justifier la demande et a déclaré que celle-ci était conforme au droit à un congé sabbatique (faisant probablement allusion à la convention collective).

213        Le Bgén Friday a exprimé des préoccupations au sujet de l’exemption de la charge d’enseignement mentionnée dans les lettres de 2010 signées par M. Sokolsky, ainsi que par l’absence de mécanisme l’autorisant.

214        M. Noël n’a pas dit que personne ne devrait s’inquiéter parce que ce n’est pas ce qu’il recherchait. Il a déclaré que le doyen était responsable de l’évaluation de la charge d’enseignement. Autrement dit, il a justifié la demande. Il a également dit au Bgén Friday qu’il existait un mécanisme permettant d’exempter les UT de leur charge d’enseignement.

215        M. Noël a dit au Bgén Friday que M. Hurley [traduction] « voulait prendre sa retraite […] voulait la lettre » [je souligne], pas qu’il voulait le PE ou les augmentations salariales. Il voulait la lettre, c’est-à-dire la lettre en trois parties qui renvoyait aux deux lettres signées par M. Sokolsky en 2010.

216        Compte tenu de ces notes, l’agent négociateur a été surpris que l’employeur maintienne sa position.

Qu’est-ce qui a fait l’objet d’une discussion à la réunion de l’étape no 3?

217        Mme Luu a déclaré qu’il avait été question des trois volets du régime. Mme Bing n'était pas d'accord et a déclaré qu’il n’avait été question que du PE. En plus des faits non contestés déjà examinés (à savoir que M. Hurley demandait le régime à trois volets, et ce, avant la réunion d’avril 2015, et qu’il a laborieusement  créé un régime détaillé avant la réunion), il y a maintenant un quatrième et un cinquième fait non contesté, soit que les trois volets du régime ont fait l’objet d’une discussion à l’étape deux, et que l’agent négociateur a fourni une copie de la lettre de M. Sokolsky lors de cette réunion.

218        La preuve est plus compatible avec le témoignage de Mme Luu, selon lequel l’agent négociateur a abordé les trois volets à la réunion de l’étape trois, qu’avec le témoignage de Mme Bing, selon lequel l’agent n’a pas abordé les trois volets.

219        Il ressort clairement des notes de Mme Bing que du point de vue de l’agent négociateur, le PE et les augmentations salariales n’entraînent pas de coûts supplémentaires. Il ressort aussi clairement que l’agent négociateur a soulevé la question du réaménagement des effectifs (RE).

220        Si, comme le croit l’agent négociateur, le PE n’entraîne aucun coût, il n’y a pas de raison d’interrompre son application pendant le RE. Par conséquent, la seule conclusion que je puisse tirer est que l’agent négociateur renvoyait à autre chose que le PE. Il devait renvoyer aux volets du régime qui entraînaient des coûts, à savoir le congé sabbatique et l’allègement de la charge d’enseignement.

221        Le fait que l’employeur ait été accompagné de nouvelles personnes à chaque audience pourrait expliquer le malentendu entre les deux parties.

222        De plus, nous avons appris  qu’avant chaque audience, les participants de l’employeur étaient mis à jour par les personnes qui avaient abordé la situation avant eux. Personne ne possédait une connaissance directe de ce qui s’était passé avant chaque audience. Les participants ont tiré des conclusions en se fondant sur l’information fournie par leurs collègues.

2. Pour l’employeur

223        Le présent grief a toujours porté sur le PE. L’agent négociateur n’a commencé à demander le régime à trois volets qu’une fois que M. Kowal a confirmé qu’il respecterait le PE, soit après le renvoi du grief à l’arbitrage. L’agent négociateur et M. Hurley ont donné suite au présent grief dans le but de recevoir plus qu’ils n’avaient demandé initialement, que ce soit pour M. Hurley ou pour leurs membres.

224        Cependant, il s’agissait d’une utilisation inappropriée de la procédure de règlement de griefs, qui violait le principe énoncé dans Burchill. Bien que l’agent négociateur insiste pour dire qu’il a demandé le régime à trois volets pendant toute la procédure de règlement de griefs, ce n’est tout simplement pas vrai, au vu de la preuve.

Examen de la preuve de la réunion d’avril 2015

225        Il ressort clairement de la preuve et d’une simple lecture du grief, que celui-ci porte sur le PE. L’agent négociateur voulait qu’il soit appliqué à l’égard de M. Hurley. Ni M. Kowal ni M. Bates ne se souvient que M. Hurley ou son représentant (M. Noël) ait soulevé les questions de l’allègement de la charge d’enseignement ou du congé sabbatique à leur réunion informelle d’avril 2015. Selon leur souvenir, la discussion n’a porté que sur le PE. M. Noël a confirmé que ni lui ni M. Hurley n’avait le PE en main à la réunion; celui-ci a été envoyé par la suite. Rien n’indique non plus que d’autres documents aient été présentés à la réunion (par exemple, un régime de retraite proposé, un régime à trois volets ou les modèles de lettre de retraite signés par M. Sokolsky en 2010). Le seul suivi effectué après la réunion concernait le PE.

226        L’agent négociateur a eu l’impression à la suite de cette réunion que M. Kowal n’appliquerait pas le PE. Il a déclaré qu’il avait clairement dit qu’aucune décision n’avait été prise à la réunion et que celle-ci n’avait eu lieu qu’à des fins informatives. Il a ajouté qu’au moment de la réunion, il n’avait même pas eu connaissance du PE. Il a donc demandé de plus amples renseignements à son sujet et une copie du document avant de prendre des décisions.

Le grief

227        Avec l’appui de l’agent négociateur, M. Hurley a ensuite déposé le présent grief qui, d’après une simple lecture, porte essentiellement sur le PE et le refus apparent de M. Kowal de le mettre en œuvre. Il n’y a absolument aucun détail indiquant en quoi consiste la « pratique passée », autre que le PE; d’après ce que l’on peut tirer de la construction des phrases et des paragraphes, la « pratique passée » renvoie clairement au PE. Rien d’autre dans le grief n’incite à conclure que la pratique passée concerne autre chose que le PE.

228        Les témoignages de MM. Kowal et Bates indiquent aussi que, selon eux, aucune décision n’a été prise, encore moins un refus.

229        Après le dépôt du grief, l’administration de l’université a examiné tous les protocoles d’entente (y compris le PE en cause). D’après les commentaires de M. Kowal, l’agent négociateur a eu l’impression que les PE ne seraient pas maintenus. Il a alors déposé une plainte de pratique déloyale de travail invoquant une violation du gel prévu par la loi en vertu de l’article 107 de la Loi.

a. L’audience au premier palier

230        À l’audience au premier palier, M. Bates a déclaré que les commentaires et la présentation de l’agent négociateur portaient tous sur le PE. Il a déclaré qu’un aspect important de son argumentation concernait la question de savoir si le PE pouvait être considéré comme une condition d’emploi et comme faisant partie de la convention collective. Il a ajouté que l’agent négociateur n’avait pas soulevé les questions de l’allègement de la charge d’enseignement ou du congé sabbatique et qu’il n’avait pas présenté de documents. M. Bates se souvenait clairement que ces sujets n’avaient pas été abordés.

231        Par conséquent, au premier palier, M. Bates a répondu de manière détaillée à l’argumentation relative au PE. Il a déclaré que si les questions de l’allègement de la charge d’enseignement ou du congé sabbatique avaient été abordées à l’audience, il en aurait parlé dans sa réponse. Comme ces questions n’ont pas été abordées, il ne l’a pas fait.

b. L’audience au deuxième palier
232        Dans son témoignage, Mme Hau a mentionné qu’à l’audience au deuxième palier, l’accent a de nouveau été mis principalement sur le PE. Selon ses souvenirs, l’agent négociateur a présenté un des modèles de lettres de retraite fournis par M. Sokolsky en 2010; la lettre en question était lourdement expurgée. Elle s’est rappelé que cette lettre avait été présentée pour établir que le PE avait été appliqué dans le passé, afin de renforcer l’argumentation axée sur la pratique passée. Ses notes abondent en ce sens à la page 7. Mme Luu a présenté le document pendant son argumentation au sujet du PE et comment ce dernier ne contrevient pas au quota de 40 p. 100 relatifs aux augmentations au rendement. D’après la page 7 des notes, au moment de présenter la lettre, Mme Luu a déclaré : [traduction] « Michael s’attendait à ce que le directeur dise : J’ai eu connaissance de la note de service, c’est ce que nous ferons. Cette note de service ne contrevient pas à la règle des 40 p. 100 prévue dans le régime d’administration des traitements. Rien dans cette note de service n’est incompatible avec le régime d’administration des traitements […] » [sicpour l’ensemble de la citation]. Ces renvois font directement allusion au PE et ne concernent en rien l’allègement de la charge d’enseignement ou les congés sabbatiques.

233        Les questions du congé sabbatique et de l’allègement de la charge d’enseignement ont été l’objet de discussions uniquement parce que le commandant, le Bgén Friday, avait commencé à lire attentivement le modèle de lettre de retraite. Il a ensuite vu les deux autres volets et il en a été préoccupé. À la page 7, les notes indiquent que l’agent négociateur a simplement dit qu’il y avait compatibilité avec le droit aux congés sabbatiques et que le doyen avait la responsabilité d’assigner la charge d’enseignement. Il est ensuite revenu au PE et a déclaré que ce [traduction] « […] n’est pas automatique – la direction a une marge de manœuvre […] ». L’employeur a fait valoir que ce commentaire renvoyait probablement à l’allègement de la charge d’enseignement, parce que l’agent négociateur tentait de faire valoir que la cote de rendement et la double augmentation devaient dans une certaine mesure être automatiques. La discussion, surtout de la part de l’agent négociateur, est ensuite revenue à la question des augmentations au rendement.

234        Les questions du congé sabbatique et de l’allègement de la charge d’enseignement n’ont pas occupé une grande part de la discussion. Mme Hau est repartie en ayant l’impression que la discussion avait porté essentiellement sur le PE, que le modèle de lettre de retraite montrait simplement que le PE avait été appliqué dans le passé et que l’agent négociateur voulait qu’il soit appliqué à l’égard de M. Hurley. L’agent négociateur n’a pas dit clairement à l’employeur qu’il voulait que le régime à trois volets soit appliqué à M. Hurley, pas plus qu’il n’a présenté d’arguments afin de démontrer que le régime à trois volets, l’allègement de la charge d’enseignement ou les congés sabbatiques constituaient aussi des pratiques passées qui devaient être appliquées à son égard. Par conséquent, la réponse au grief au deuxième palier ne traite que du PE.

235        Le 6 juillet 2015, entre les audiences aux deuxième et troisième paliers, Mme Luu a envoyé un courriel à M. Kowal. Elle a déclaré qu’elle avait eu le sentiment qu’il y avait eu un malentendu pendant sa rencontre avec M. Hurley et qu’il n’avait [traduction] « […] peut-être pas réalisé que Michael demandait d’officialiser une entente de retraite avec [lui], conformément aux modalités énoncées dans le PE conclu le 1er juillet 2007 entre le CT et l’APCMC »[je souligne]. Elle a ensuite présenté la demande officielle suivante :

[Traduction]

[…] vous demandant si vous seriez prêt à maintenir les modalités du PE signé le 1er juillet 2007, qui précisent comment les UT doivent être évalués au cours des trois années précédant une retraite prévue, et si vous accepteriez d’officialiser cet engagement dans une lettre telle que celle jointe. Veuillez noter que cette lettre jointe est présentée uniquement à titre de modèle de lettre énonçant les modalités d’une entente de retraite, et non afin de demander ces mêmes modalités.

[Je souligne.]

236        Encore une fois, il ressort clairement du libellé simple de ce courriel que la lettre n’a été présentée qu’à titre de modèle d’entente de retraite, que l’agent négociateur a demandé uniquement l’application des modalités du PE et qu’il n’a manifestement pas demandé l’application des autres modalités prévues dans le régime à trois volets (c’est-à-dire les congés sabbatiques et l’allègement de la charge d’enseignement).

237        M. Kowal a déclaré qu’à la lecture de ce courriel, il a compris que l’agent négociateur souhaitait que seules les modalités du PE soient offertes à M. Hurley, et qu’il voulait que cetteoffre soit présentée par lettre.

238        M. Kowal a répondu en précisant (comme il l’a déclaré) qu’il était confus parce que les deux autres éléments étaient mentionnés dans la lettre de retraite (les congés sabbatiques et l’allègement de la charge d’enseignement) et que, selon sa compréhension, l’agent négociateur demandait l’application du PE.Cependant, M. Kowal a confirmé qu’il respecterait les modalités de la convention collective en ce qui concerne l’allègement de la charge d’enseignement et les congés sabbatiques, ce qui, si l’objection de l’employeur fondée sur la décision Burchill n’est pas admise, établit qu’il n’a pas refuséde respecter les conditions.

c. L’audience au troisième palier

239        À l’audience au troisième palier, les choses se sont déroulées de la même façon qu’aux deux premières audiences — les commentaires et la présentation de l’agent négociateur portaient essentiellement sur le PE. L’allègement de la charge d’enseignement et le congé sabbatique n’ont pas été abordés du tout. Encore une fois, Mme Bing se souvenait d’avoir eu l’impression que les deux lettres de retraite datées de 2010 déposées par l’agent négociateur avaient été présentées comme preuve d’une pratique passée attestant l’application du PE. Ses notes indiquent que Mme Luu avait parlé du PE en disant qu’il était documenté, connu et raisonnable. Les notes précisent ce qui suit : [traduction] « […] il est aussi attesté que l’entente a été invoquée tout récemment(2010) […] JS a honoré le PE en 2010. Il n’y a pas eu d’autres occasions de le faire. Le PE était en vigueur et sur la table et il était mentionné dans les notes de JS » [Sic pour l’ensemble de la citation].

240        L’agent négociateur n’a fait aucune autre référence aux lettres de retraite dans sa présentation. Comme il est expliqué au dernier paragraphe, l’unique renvoi montre clairement qu’elles ont été utilisées pour démontrer que M. Sokolsky avait invoqué le PE en 2010. À aucun moment l’agent négociateur n’a déclaré que M. Hurley voulait obtenir tout ce qui était mentionné dans les lettres. Il n’a pas non plus mentionné l’allègement de la charge d’enseignement et les congés sabbatiques ni, a fortiori, fait valoir que ces deux éléments constituaient une pratique passée. De plus, aucun argument concernant l’allègement de la charge d’enseignement ou les congés sabbatiques n’a été présenté.À ce titre, Mme Bing a eu l’impression que le grief portait essentiellement sur le PE.

241        La réponse au troisième palier n’a pas été émise dans le délai imparti à cette fin. Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 7 octobre 2015.

d. Après le renvoi à l’arbitrage

242        Le 30 octobre 2015, M. Kowal a écrit une lettre précisant que l’employeur respecterait les modalités du PE jusqu’à la signature de la nouvelle convention collective. MM. Bates et Kowal ont déclaré qu’ils étaient contents parce qu’ils pensaient que cette lettre règlerait la question du grief de M. Hurley, puisque la mesure corrective demandée y était accordée. M. Bates a déclaré qu’il était resté bouche bée lorsque le grief a été poursuivi. M. Kowal se souvenait d’avoir été surpris aussi.

243        M. Kowal a déclaré que ce n’était qu’après avoir écrit la lettre qu’il a commencé à recevoir des demandes de l’agent négociateur visant à obtenir d’autres choses pour M. Hurley, notamment le congé sabbatique suivi d’un allègement de la charge d’enseignement, en plus de la double augmentation.

244        Le 21 avril 2016, Mme Luu a écrit une lettre, soit bien après le renvoi du grief à l’arbitrage et après l’envoi de la lettre du 30 octobre 2015. Il s’agissait du premier document écrit qui demandait expressément un congé sabbatique et un allègement de la charge d’enseignement pour M. Hurley. Selon M. Kowal, c’était la première fois que ces mesures étaient expressément demandées — un point c’est tout.

245        La lettre de Mme Luu renvoie aux conversations qui ont débuté en novembre, encore une fois, après le renvoi du grief à l’arbitrage. D’après son contexte, la lettre semble être une tentative de trancher ou de résoudre le grief. L’employeur a soutenu qu’il s’agissait, de la part de l’agent négociateur, d’une tentative d’obtenir plus pour M. Hurley avant le retrait du grief, puisque l’agent négociateur avait désormais [traduction] « obtenu » [sic] les modalités du PE.

246        La lettre de Mme Luu révèle aussi que la date de retraite de M. Hurley n’était toujours pas fixée. L’agent négociateur a proposé plusieurs dates possibles et déclaré qu’elles étaient souples, selon les circonstances. La lettre confirme le témoignage de M. Hurley à l’audience : sa date de retraite n’était pas encore coulée dans le béton. Je réitère que M. Hurley n’a toujours pas remis le formulaire de retraite, qui est le seul outil officiel permettant de fixer une date de retraite.

247        La preuve révèle qu’il y a eu violation du principe énoncé dans Burchill.

248        Au vu de l’amoncellement de preuves confirmant ce sur quoi porte le présent grief depuis toujours — le PE seulement —, la Commission devrait être estomaquée que l’agent négociateur ait tenté de laisser croire que le grief portait depuis toujours sur un régime à trois volets.

249        Il a tenté de s’appuyer sur ce qu’il a qualifié de libellé flou du grief, ainsi que sur les deux modèles de lettres de retraite qu’il a présentés pendant la procédure de règlement des griefs, pour affirmer que ce qu’il avait toujours désigné de [traduction] « pratique passée » était un régime à trois volets, bien qu’il n’ait jamais présenté un tel argument à quelque moment que ce soit.

250        Essentiellement, l’agent négociateur a déclaré que l’employeur aurait dû lire dans ses pensées depuis le début et comprendre autre chose dans les allusions indirectes aux lettres de retraite et à l’expression « pratique passée ».

251        La procédure de règlement de griefs ne fonctionne pas ainsi et il s’agit d’un exemple classique d’une violation du principe énoncé dans Burchill. L’agent négociateur ne pouvait pas présenter le grief comme portant sur une seule question, et ensuite, bien après le renvoi du grief à l’arbitrage, déclarer qu’en réalité il tentait de faire valoir autre chose, fondée sur des renvois vagues et obscurs, à propos desquels il a demandé à l’employeur et à la Commission de revoir et d’y interpréter des choses qui n’existaient pas au départ. L’agent négociateur a tenté d’appliquer une version révisée de l’histoire.

252        Conformément au principe énoncé dans Burchill, l’agent négociateur devait informer clairement l’employeur de l’objet du grief. L’employeur devait avoir connaissance des arguments qu’il aurait à réfuter. On ne pouvait pas s’attendre à ce que l’employeur devine les pensées de l’agent négociateur et tente de déchiffrer le sens de l’expression « pratique passée ». Il incombait à l’agent négociateur de le préciser. En l’espèce, il a clairement précisé qu’il croyait que le PE était une pratique passée. Il n’a pas signifié clairement à l’employeur qu’il croyait que le régime à trois volets était une pratique passée et qu’il voulait aussi que ce régime soit appliqué à M. Hurley.

253        Il ressort clairement de la preuve et des témoignages d’au moins quatre témoins qui ont déclaré avoir compris que le grief portait essentiellement sur le PE, que l’agent négociateur avait tenté d’établir que le PE était une pratique passée et que les lettres de retraite avaient été présentées afin de démontrer que le PE avait été appliqué dans le passé. Ce n’est qu’après le renvoi à l’arbitrage que l’agent négociateur a commencé à demander un congé sabbatique et un allègement de la charge d’enseignement pour M. Hurley.

254        L’agent négociateur ne pouvait pas appliquer une version révisée de l’histoire, ni déclarer qu’il demandait un régime à trois volets depuis toujours, parce qu’il ressort clairement de la preuve que ce n’était pas le cas.

Jurisprudence : leprincipe énoncé dans Burchill

255        Leprincipe énoncé dans Burchill est clair — ni le fonctionnaire ni l’agent négociateur ne peut modifier la nature d’un grief ou y ajouter des éléments après son renvoi à l’arbitrage. Les décisions suivantes sont pertinentes : Burchill,au paragraphe 5; Boudreau c. Canada (Procureur général), 2011 CF 868,aux paragraphes 17 à 19; Shneidman c. Canada (Procureur général),2007 CAF 192,aux paragraphes 24 et 26 à 29; Canada (Treasury Board) v. Rinaldi,[1997] F.C.J. no 225 (T.D.),aux paragraphes 22 et 28; Boudreau c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2010 CRTFP 100,aux paragraphes 32 à 35, plus particulièrement au paragraphe 35, qui mentionne : « À titre de règle générale de justice naturelle, l’employeur ne devrait pas, au stade de l’arbitrage de grief, être tenu de se défendre contre une qualification des questions nettement différentes de celle à laquelle il a été confronté pendant la procédure de règlement des griefs »; Baranyi c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada),2012 CRTFP 55,aux paragraphes 104 et 120, plus particulièrement au paragraphe 120, à l’appui de la position voulant  qu’un renvoi à un élément quelconque à l’audience au dernier palier ne suffit pas; Robertson c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale),2014 CRTFP 63,aux paragraphes 51 à 53; Babiuk c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration),2007 CRTFP 51,aux paragraphes 48 à 51, plus particulièrement au paragraphe 51, qui est en partie rédigée en ces termes :

[51] […] Pour que les procédures de règlement des griefs fonctionnent et permettent de résoudre rapidement et sans formalités les plaintes en milieu de travail et pour favoriser de solides relations de travail, il est fondamental que la question à l’origine du grief soit exprimée en des termes on ne peut plus clairs. Comment les parties peuvent-elles aller de l’avant si elles présentent un cas à l’employeur et un autre cas, auquel on n’a pas encore répondu, à un arbitre de grief?

256        La Commission pourrait être tentée de dire que l’employeur avait prévu que le congé sabbatique et l’allègement de la charge d’enseignement seraient soulevés à l’audience et qu’il semblait prêt à les aborder et que, par conséquent, il n’a subi aucun préjudice.

257        L’employeur a soutenu que le principe énoncé dans Burchill ne s’applique pas ainsi. Le fait qu’il ait abordé ces questions à l’audience et qu’il n’ait pas demandé de scinder celles-ci afin d’accélérer les procédures ne signifie pas que la formation de la Commission a été adéquatement saisie des questions du congé sabbatique et de l’allègement de la charge d’enseignement. Le principe énoncé dans Burchill est clair; un agent négociateur ne peut modifier la nature d’un grief après son renvoi à l’arbitrage.

258        Le préjudice subi par l’employeur à la suite de ce changement de position signifie qu’il n’a pas eu la possibilité de se pencher sur ces questions et de les résoudre pendant la procédure de règlement de griefs, parce qu’il ignorait l’objet du litige. En l’espèce, l’employeur a dû faire exactement ce que le principe énoncé dans Burchill vise à prévenir. Il a dû changer de tactique à l’audience afin de répondre à un grief modifié et présenter des arguments et une preuve, ce qu’il n’avait jamais fait pendant la procédure de règlement de griefs étant donné que ces deux questions n’étaient pas sur la table. Il s’agit d’un cas Burchill classique. L’employeur n’aurait pas dû avoir à défendre une position différente de celle qu’il a défendue dans le cadre de la procédure de règlement de griefs.

259        Même si l’allègement de la charge d’enseignement et le congé sabbatique étaient mentionnés dans les modèles de lettres de retraite fournis dans le cadre du grief, et même si le Bgén Friday a soulevé des questions à ce sujet lorsqu’il a vu les lettres à l’audience au deuxième palier, ces éléments n’ont pas été clairement présentés à l’employeur à titre de véritables questions en litige. Ils n’ont été mentionnés qu’en passant et n’ont été abordés que de façon périphérique, en raison de l’utilisation des lettres par l’agent négociateur afin de démontrer que le PE était une pratique passée. Ils n’ont jamais été présentés comme une véritable source de conflit, ni comme des avantages que l’agent négociateur demandait pour M. Hurley.

260        En fonction de la preuve claire qui a été présentée en l’espèce, la Commission devrait conclure qu’il y a eu violation du principe énoncé dans Burchill. Elle devrait aussi refuser d’examiner les questions de savoir si le régime à trois volets ou un congé sabbatique suivi d’un allègement de la charge d’enseignement étaient des pratiques passées qui devraient s’appliquer à M. Hurley.

Analyse de l’objection fondée sur Burchill

261        Lors d’un examen de la fiabilité, il est utile de se référer à la déclaration du juge O’Halloran dans Rex v. Pressley, [1948] B.C.J. no 63 (QL), au paragraphe 12 :

[Traduction]

[…] Le juge ne possède pas de pouvoir divin lui permettant de sonder le cœur et l’esprit des témoins qui comparaissent devant lui. La justice ne dépend pas automatiquement du meilleur acteur à la barre des témoins [sic]. Le critère judiciaire le plus satisfaisant pour découvrir la vérité consiste à établir si celle-ci concorde ou non avec la prépondérance des probabilités, comme les faits et les circonstances le révèlent eu égard à la situation en l’espèce.

262        La meilleure interprétation du principe énoncé dans Burchill et de sa compatibilité avec les principes formulés par la Cour suprême du Canada dans Parry Sound se trouve dans l’arrêt Boudreau de la Cour fédérale. Le juge Martineau y a déclaré ce qui suit aux paragraphes 18 et 19 :

18 La Cour souligne que les décisions arbitrales citées par la Cour suprême dans l’arrêt Parry Sound, précité, établissent que « celui-ci [le grief] doit toutefois être interprété libéralement de sorte que le grief véritable puisse être tranché » (Re Blouin Drywall Contractors Ltd. and United Brotherhood of Carpenters and Jeiners of America,Local 2486, (1975) 8 OR (2d) 103 (CA), p. 108) et que, comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Parry Sound, précité, au par. 69, ces décisions arbitrales sont aussi fondées sur l’idée que les exigences procédurales ne devraient pas être rigoureusement appliquées dans les cas où l’employeur ne subit aucun préjudice. La Cour ne voit aucun problème de cohérence avec ces principes et ce que la Cour d’appel fédérale a décidé dans l’affaire Burchill, précitée, dans la mesure où le renvoi à l’arbitrage au titre de l’article 209 de la Loi ne modifie pas la nature du grief initial déposé par un employé ou par l’agent de négociation en vertu de l’article 208 de la Loi ou de la convention collective.

19La Cour est d’avis que les règles en matière d’équité procédurale dictent qu’un employeur ne devrait pas avoir à se défendre en arbitrage sur des questions dont la caractérisation est très différente de celle en litige au cours de la procédure de règlement de grief. Il ne s’agit pas d’une simple formalité, mais d’un aspect fondamental au bon fonctionnement du système de règlement des différends en matière de conflits de travail au sein de l’administration publique fédérale[…]

263        Dans ces affaires, le critère permettant d’établir la capacitéarbitrale consiste à déterminer si, pendant la procédure de règlement de griefs, l’employeur savait quel était l’objet du grief, et s’il a eu la possibilité d’aborder la question. Aucune des parties ne devrait être surprise par l’objet du grief à l’étape de l’arbitrage. L’arbitre de grief doit déterminer si la question du fonctionnaire a été soumise à une détermination pendant la procédure de règlement de griefs.

264        Habituellement, des facteurs tels que le contexte de la situation, le libellé du grief, la preuve de ce qui a été dit pendant les audiences relatives au grief et l’examen des réponses de l’employeur au grief permettent d’établir le caractère arbitrable de pareils griefs.

1. Application de la jurisprudence aux faits

265        J’ai exposé la preuve de manière très détaillée. J’examinerai brièvement les éléments de preuve pertinents relativement à la réunion d’avril 2015 jusqu’au renvoi à l’arbitrage, afin d’établir le caractère arbitrable du grief, dans la mesure où ces éléments se rapportent à l’allègement de la charge d’enseignement.

266        Comme il a été souligné à la réunion, il n’y a pas consensus sur l’objet de la discussion. Cependant, il n’y a aucun litige en ce qui concerne les faits ci-après. La réunion a duré seulement une demi-heure environ. M. Hurley a exprimé le souhait de prendre sa retraite et de donner un préavis de trois ans en contrepartie de certains avantages. Le PE a fait l’objet de discussions. M. Noël n’avait pas de copie du PE en sa possession, mais il en a communiqué le contenu de vive voix à M. Kowal, qui ne le connaissait pas bien. M. Noël s’est engagé à lui en fournir une copie. MM. Hurley et Noël n’ont pas présenté à M. Kowal les documents faisant état du régime de retraite de M. Hurley.

267        Pour ce qui est de la question de savoir si l’allègement de la charge d’enseignement a été mentionné, les souvenirs des témoins diffèrent. M. Noël a déclaré avoir fait allusion au tour d’honneur, selon l’expression que les professeurs utilisaient pour désigner l’allègement de la charge d’enseignement. M. Kowal a déclaré que si cette expression avait été soulevée pendant la réunion, il s’en serait souvenu, parce qu’à cette époque il en ignorait la signification.

268        M. Noël a tenté d’envoyer une copie du PE à M. Kowal. Cependant, M. Kowal ne l’a pas reçu parce que son nom ne figurait pas sur la liste des destinataires du courriel.

269        Le 19 mai 2015, quelques semaines après la réunion d’avril 2015, M. Sokolsky, l’ancien directeur, a envoyé à Mme Luu un document provisoire sur l’examen du rendement qu’il avait élaboré en 2011. Ce document présentait les dispositions du PE, les deux lettres de retraite anonymisées que M. Sokolsky avait signées en 2010, à titre de directeur, ainsi qu’un avis de retraite.

270        À première vue, le grief renvoie au PE, à une pratique passée en vertu de l’article 8 de la convention collective, à l’article 107 de la Loi, ainsi qu’à toute autre politique connexe, etc. Il ne fait allusion ni aux congés sabbatiques ni à l’allègement de la charge d’enseignement.

271        Les témoins ont présenté des observations différentes au sujet de leurs souvenirs de la discussion à l’audience au premier palier. M. Bates a élaboré une réponse détaillée et exhaustive, ainsi qu’une analyse, qui ne mentionnait ni l’allègement de la charge d’enseignement ni les congés sabbatiques.

272        Les témoins ont aussi présenté des observations différentes au sujet de leurs souvenirs de la discussion à l’audience au deuxième palier. Les notes de Mme Hau indiquent que l’une des lettres de retraite de M. Sokolsky a été produite et que l’échange suivant a eu lieu :

[Traduction]

Luu – A fourni une copie de la lettre de retraite.

Michael s’attendait à ce que le directeur dise : J’ai eu connaissance de la note de service, c’est ce que nous ferons.

Cette note de service ne contrevient pas à la règle des 40 p. 100 prévue dans le régime d’administration des traitements.

Rien dans cette note de service n’est incompatible avec le régime d’administration des traitements – cette note de service l’est – elle n’est pas irrégulière.

Elle laisse place à une marge de manœuvre.

Elle est compatible avec la LGFP.

Il n’y a aucun coût. Nous avons l’augmentation de 40 p. 100.

Friday – A jeté un coup d’œil à la note de service que lui a remis Mme Luu.

Noël – Lorsque nous sommes passés à travers le RE [réaménagement des effectifs], nous avons vu des personnes qui souhaitaient annuler leur retraite, mais qui n’ont pas pu.

Friday – J’ai des préoccupations.

Il était question de congés sabbatiques.

Luu – C’est conforme aux droits aux congés sabbatiques.

Friday – « Exempté de la charge d’enseignement » – Je ne connais aucun mécanisme qui administre cet aspect particulier.

Noël – Le doyen a la responsabilité d’assigner la charge d’enseignement – les augmentations de salaire triennales.

Luu – Ce n’est pas automatique, la direction a une marge de manœuvre.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

273        Le lendemain, Mme Luu a écrit à M. Kowal et lui a mentionné en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] Je vous écris donc afin présenter une demande officielle au nom de Michael, à savoir si vous accepteriez de maintenir les modalités du PE du 1er juillet 2007, qui précisent comment les UT doivent être évalués au cours des trois années précédant une retraite prévue, et si vous accepteriez d’officialiser cet engagement dans une lettre telle que celle jointe. Veuillez noter que cette lettre jointe est présentée uniquement à titre de modèle de lettre énonçant les modalités d’une entente de retraite, et non afin de demander ces modalités.

[…]

274        Selon les notes prises par Mme Bing à l’audience au troisième palier, les congés sabbatiques ou l’allègement de la charge d’enseignement n’ont pas fait l’objet d’une discussion.

275        Le 30 octobre 2015, M. Kowal a écrit à Mme Luu afin de l’aviser que l’employeur acceptait d’honorer les modalités du PE en ce qui concerne la double augmentation.

276        Le 21 avril 2016, Mme Luu a écrit à M. Kowal, afin de l’aviser que la clause 18.08 de la convention collective ne décrivait pas comment la charge d’enseignement d’un UT devait être attribuée au retour d’un congé sabbatique. Mme Luu a ajouté que la souplesse allouée dans l’attribution de la charge d’enseignement qui s’appliquait en d’autres occasions s’appliquait aussi à la période qui suivait un congé sabbatique. Elle a aussi souligné que l’agent négociateur étaitouvert aux discussions non préjudiciables en vue de régler le grief de M. Hurley avant son renvoi à l’arbitrage.

277        Dans sa réponse au dernier palier, le 25 novembre 2016, l’employeur a rejeté le grief.

278        À mon avis, selon la prépondérance des probabilités divulguée par les faits, je ne suis pas convaincu que les questions du congé sabbatique et de l’allègement de la charge d’enseignement ont été soulevées à la réunion d’avril 2015, que ce soit dans le cadre du grief ou de la procédure de règlement de griefs.

279        Dans la lettre du 6 juillet 2015, on demandait à M. Kowal de maintenir les modalités du PE et d’officialiser l’engagement dans une lettre telle que celle jointe, c’est-à-dire l’une des lettres de retraite. Il est expressément indiqué dans cette demande que la lettre jointe n’est qu’un exemple et non une demande visant à obtenir les conditions énumérées dans la lettre, soit le PE, un congé sabbatique et un allègement de la charge d’enseignement.

280        Dans la lettre en date du 21 avril 2016, la question de l’allègement de la charge d’enseignement à l’intention de M. Hurley a été soulevée pour la première fois dans le cadre du dossier documentaire. Il s’agit d’un élément fondamental de la conclusion que j’ai tirée. Je suis convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, il est plus probable que le contraire que la question de l’allègement de la charge d’enseignement à l’intention de M. Hurley ait été soulevée pour la première fois après le renvoi du grief à l’arbitrage. Par conséquent, l’employeur s’est vu refuser la possibilité d’aborder la question de l’allègement de la charge d’enseignement pendant la procédure de règlement de griefs.

281        L’employeur a subi un préjudice dans la mesure où il a dû aborder les questions de l’allègement de la charge d’enseignement et du congé sabbatique à l’arbitrage, en rassemblant des preuves et en élaborant des arguments à l’égard de questions qui n’ont pas été soulevées pendant la procédure de règlement de griefs. Sur le fondement du principe énoncé dans Burchill, je conclus que je n’ai pas compétence pour traiter la question de l’allègement de la charge d’enseignement.

282        Quoi qu’il en soit, simplement à titre de remarque incidente (ou en passant) et non contraignante, je présenterai les éléments de preuve pertinents, puis j’examinerai brièvement si l’allègement de la charge d’enseignement est intégré à la convention collective en vertu de l’article 8 de cette même convention.

V. Le grief est-il théorique dans la mesure où il concerne le PE?

283        L’employeur a soutenu que le grief était théorique étant donné qu’il avait accordé l’unique réparation demandée pendant la procédure de règlement de griefs, c’est-à-dire qu’il avait accepté de mettre en œuvre les modalités du PE dans le cas de M. Hurley. Il ne reste aucune question réelle à trancher entre les parties ni aucune réparation à accorder.

284        L’employeur m’a renvoyé à Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, aux paragraphes 15 et 16, dans laquelle la Cour suprême du Canada a défini en ces termes les critères permettant d’établir le caractère théorique :

15La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu’un tribunal peut refuser de juger une affaire qui ne soulève qu’une question hypothétique ou abstraite. Le principe général s’applique quand la décision du tribunal n’aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l’affaire. Cet élément essentiel doit être présent non seulement quand l’action ou les procédures sont engagées, mais aussi au moment où le tribunal doit rendre une décision. En conséquence, si, après l’introduction de l’action ou des procédures, surviennent des événements qui modifient les rapports des parties entre elles de sorte qu’il ne reste plus de litige actuel qui puisse modifier les droits des parties, la cause est considérée comme théorique. Le principe ou la pratique général s’applique aux litiges devenus théoriques à moins que le tribunal n’exerce son pouvoir discrétionnaire de ne pas l’appliquer. J’examinerai plus loin les facteurs dont le tribunal tient compte pour décider d’exercer ou non ce pouvoir discrétionnaire.

16La démarche suivie dans des affaires récentes comporte une analyse en deux temps. En premier, il faut se demander si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue purement théorique. En deuxième lieu, si la réponse à la première question est affirmative, le tribunal décide s’il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l’affaire. La jurisprudence n’indique pas toujours très clairement si le mot « théorique » (moot) s’applique aux affaires qui ne comportent pas de litige concret ou s’il s’applique seulement à celles de ces affaires que le tribunal refuse d’entendre. Pour être précis, je considère qu’une affaire est « théorique » si elle ne répond pas au critère du « litige actuel ». Un tribunal peut de toute façon choisir de juger une question théorique s’il estime que les circonstances le justifient.

285        Dans Mak c. Conseil national de recherches du Canada, 2012 CRTFP 63, au paragraphe 30, le principe du caractère théorique a été appliqué à une affaire dans laquelle un grief avait été accueilli au dernier palier de la procédure de règlement de griefs et la mesure corrective demandée avait été accordée.

286        L’employeur a fait valoir que la présente affaire répondait au critère défini dans Borowski. Il n’y a rien à gagner par suite d’une décision, puisqu’il a déjà accepté d’appliquer le PE à M. Hurley. Le fait que la Commission accorde une réparation analogue à celle qui a déjà été accordée n’aurait aucune valeur. M. Hurley n’a qu’à soumettre son formulaire de retraite et il recevra la double augmentation.

287        L’agent négociateur a soutenu que même si le grief portait uniquement sur le PE, comme l’employeur n’en a pas fait bénéficier M. Hurley, il existe encore entre les parties un litige réel qui se confond avec la question de la prématurité.

288        Cette question est étroitement liée à l’argument voulant qu’un arbitre de grief n’ait pas compétence pour traiter la question du régime à trois volets, ni même celle du PE, parce qu’il ne s’agit pas là de modalités de la convention collective.

Analyse de la question du caractère théorique

289        La présente est un renvoi à l’arbitrage d’un grief déposé en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la Loi, qui allègue une violation du PE, d’une pratique passée en vertu de l’article 8 de la convention collective et de l’article 107 de la Loi.

290        Le présent renvoi à l’arbitrage n’est pas une plainte alléguant que l’employeur a enfreint l’article 107 de la Loi, auquel cas la plainte aurait dû être déposée au titre de l’alinéa 190d) de la Loi et tranchée par la Commission. Je crois comprendre qu’une pareille plainte a été déposée, mais je n’en suis pas saisi.

291        En qualité d’arbitre de grief, je n’ai pas compétence pour octroyer la mesure corrective demandée par M. Hurley dans sa plainte fondée sur une violation de l’article 107 de la Loi, en présumant que sa plainte ne soit pas prématurée. La compétence d’un arbitre de grief se limite aux violations alléguées d’une convention collective.

292        Il y a une différence entre la question de savoir si une condition d’emploi comprise dans une convention collective, et la question de savoir si elle est en vigueur au moment où l’avis de négocier a été donné et si elle est visée par un gel des négociations. Cette dernière situation correspond à un concept plus large.

293        Le libellé de l’article 107 de la Loi stipule ce qui suit : « […] les parties, y compris les fonctionnaires de l’unité de négociation, sont tenues de respecter chaque condition d’emploi qui peut figurer dans une convention collective et qui est encore en vigueur au moment où l’avis de négocier a été donné […] ». Le libellé de cet article prévoit que les modalités d’emploi qui figurent dans la convention collective, et celles qui n’y figurent pas, mais qui sont en vigueur le jour où l’avis de négocier est donné, sont maintenues en vigueur.

294        L’agent négociateur a fait valoir que l’article 8 de la convention collective intègre clairement dans la convention collective les conditions de travail qui existaient avant la date de la convention collective, pourvu que les exigences prévues à l’article 8 soient remplies. L’agent négociateur a fait valoir que cela comprend le PE et l’allègement de la charge d’enseignement.

295        Le fait que l’employeur ait reconnu que le PE était une condition d’emploi en vigueur lorsque l’avis de négocier a été donné ne permet pas de trancher la question de savoir si les modalités du PE sont intégrées à la convention collective. Il ne s’agit pas d’une simple question abstraite ou hypothétique.

296        Par conséquent, je conclus que la question n’est pas théorique et qu’en qualité d’arbitre de grief, j’ai compétence pour déterminer si le PE est intégré à la convention collective en vertu de l’article 8 de cette même convention.

297        Sur la foi du témoignage de Mme Lefebvre voulant que le Conseil du Trésor n’ait pas participé à la création du PE et qu’elle ne l’ait pas signé, et que le PE soit une politique permanente locale signée par l’agent négociateur et le directeur du CMR, il n’est pas contesté qu’à moins que le PE et l’allègement de la charge d’enseignement soient intégrés à la convention collective, un arbitre de grief n’a pas compétence pour instruire le grief de M. Hurley.

298        L’article 209 de la Loi établitla compétence d’un arbitre de grief. L’article 4 définit les parties à une négociation collective comme étant l’employeur et l’agent négociateur. À l’article 2, l’employeur est défini comme étant le Conseil du Trésor.

299        Dans Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN c. Conseil du Trésor,2010 CRTFP 85, aux paragraphes 57 à 59, il a été établi que les documents accessoires locaux ne faisaient pas partie d’une convention collective, puisque les parties à la convention collective n’avaient pas convenu de les y incorporer. À ce titre, la décision de l’employeur d’annuler des ententes locales ne relevait pas de la compétence d’un arbitre de grief.

300        Il faut se rappeler que, contrairement au secteur privé, dans la version originale de 1967 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C. [1985], ch. P-35) et ses versions ultérieures, le Parlement a décidé de limiter les catégories de griefs pouvant être renvoyés à l’arbitrage.

301        Cette distinction a fait l’objet d’un commentaire du premier arbitre de grief en chef de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, Harry Arthurs, dans Segodnia et Kunder c. Le Conseil du Trésor (ministère du Revenu national) (Customs and Excise) dossier de la CRTFP 166-2-23, à la p. 2, comme suit :

Il est évident que le Parlement aurait étendre les attributions des arbitres pour leur permettre d’entendre et de régler toutes les questions qui peuvent faire l’objet de griefs. Mais la loi limite expressément l’arbitrage aux griefs qui ont trait soit à l’application de la convention collective soit à une mesure disciplinaire, bien que l’employé ait le droit de soumettre un grief lorsque ses intérêts sont lésés « par l’interprétation ou l’application […] d’une disposition d’une loi, d’un règlement, d’une instruction ou d’un autre instrument […] concernant des conditions d’emploi […] ».

302        Comme j’ai déterminé que la question n’était ni théorique, ni visée par les limites établies dans Burchill, j’ai compétence pour décider si le PE a été intégré à la convention collective en vertu de l’article 8 de cette même convention.

VI. Le PE et l’allègement de la charge d’enseignement sont-ils intégrés à la convention collective à titre de pratiques passées en vertu des conditions prévues à l’article 8?

303        Pour être considérées comme des pratiques passées en vertu de l’article 8, les conditions de travail en vigueur avant la date de signature de la convention collective continuent de s’appliquer pourvu qu’elles n’aillent pas à l’encontre de la convention collective; être raisonnables, certaines et connues; pouvoir être incluses dans la convention conformément à la Loi; être remplies de manière juste et équitable.

304        Les conditions d’emploi figurant dans le PE ainsi que la pratique relative à l’allègement de la charge d’enseignement étaient-elles en vigueur avant la date de signature de la convention collective, soit le 11 mars 2011? Dans l’affirmative, remplissent-elles les conditions énoncées à l’article 8 de la convention collective?

Preuve d’une pratique passée dans le cas du PE et de l’allègement de la charge d’enseignement

305        MM. Cowan et Graham ont conclu le PE en dehors de la ronde de négociation de 2007.

306        M. Sokolsky, qui a été directeur de l’été 2008 à l’été 2013, avait vu le PE à l’époque où il était doyen de la Faculté des arts. Il ne se souvenait pas de l’avoir examiné pendant son mandat de directeur. Il en connaissait le contenu, puisqu’il se souvenait d’avoir discuté des concepts s’y rattachant au Conseil des doyens pendant son élaboration.

307        M. Sokolsky était d’accord avec la politique à l’époque de son élaboration. Il en connaissait bien les dispositions et estimait que ce PE était dans l’intérêt supérieur du CMR. En qualité de doyen de la Faculté des arts, il estimait à ce moment-là que cette politique était gérable. Elle ne l’empêchait pas d’offrir ses programmes aux étudiants.

308        Pendant son mandat de directeur, M. Sokolsky a appliqué le PE à deux reprises. Il a signé deux lettres concernant les retraites de deux UT, l’une en juin et l’autre en septembre 2010. Le texte de ces lettres de retraite est le même, à l’exception des dates et des adresses, qui ont été anonymisées. Les lettres sont rédigées en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

J’écris la présente lettre afin d’exposer les grandes lignes de notre entente au sujet de vos futures modalités de travail.

Le Collège accepte que vous continuiez à exercer vos fonctions habituelles jusqu’au [date]. À compter du [date], vous prendrez un congé sabbatique de six mois jusqu’au [date]. À votre retour de congé sabbatique en [date], vous serez exempté de votre charge d’enseignement pendant que vous mènerez des activités de recherche. Le Collège accepte aussi d’envisager l’octroi d’une double augmentation de salaire au cours de chacune des trois années précédant la date de votre retraite.

Je reconnais que vous devez partir officiellement à la retraite le [date], et j’ai signé la formule standard à cet égard. Vous devez épuiser tous vos congés avant votre départ à la retraite.

[…]

309        Les deux lettres prévoyaient trois choses : une double augmentation, un congé sabbatique et un allègement de la charge d’enseignement. Le fait que les enseignants l’approchaient individuellement au sujet de la retraite a motivé ces mesures. Chacun d’eux avait demandé les avantages énoncés dans les lettres. En contrepartie, ils avaient signé des lettres de retraite irrévocables, indiquant leurs dates spécifiques de départ à la retraite.

310        M. Sokolsky était au courant de la conjoncture économique qui prévalait à l’époque et il aurait discuté de la situation avec les doyens respectifs des facultés des deux UT, afin de s’assurer que les conditions de la retraite ne nuisent pas à la prestation des programmes, puisque tout devait être soupesé en fonction des besoins des étudiants.

311        Lorsque les deux UT sont venus à son bureau afin de parler de leur retraite, les doyens et les directeurs de département concernés ont souscrit au régime de retraite. Des discussions ont eu lieu, après quoi des formules ont été signées. M. Sokolsky a conservé les deux lettres jusqu’à la réception des avis de retraite.

312        Pour prendre un congé sabbatique, un UT devait y être admissible en vertu des modalités de la convention collective.

313        Un UT qui envisageait de prendre sa retraite dans des circonstances où il souhaitait achever des recherches pouvait demander un congé sabbatique et un allègement de sa charge d’enseignement à son retour de congé sabbatique. M. Sokolsky avait besoin de recevoir à l’avance du doyen concerné la confirmation que l’octroi d’un congé sabbatique et d’un allègement de la charge d’enseignement ne nuirait pas à l’enseignement.

314        Lorsqu’un UT prend un congé sabbatique, il doit revenir au travailpour une période égale à ce congé, ou rembourser à l’État l’indemnité (salaire) versée pendant le congé.

315        Les UT ont trois tâches : l’enseignement, la recherche et la prestation de services. Un UT peut consacrer tout son temps à la recherche ou se voir assigner des fonctions de services à son retour d’un congé sabbatique. Cette politique permettait aux UT de revenir d’un congé sabbatique pour achever leurs recherches. Le PE mentionne uniquement la double augmentation; il ne fait pas allusion à l’allègement de la charge d’enseignement, qui a découlé de la démarche de M. Cowan. La double augmentation était une mesure incitative visant à maintenir les normes d’enseignement.

316        M. Sokolsky a expliqué qu’à l’époque, en 2010, la politique était gérable dans les limites budgétaires du CMR. Si un UT n’enseigne pas, le CMR doit embaucher d’autres UT pour couvrir l’exécution de ses tâches en plus de le payer.

317        M. Sokolsky a signé uniquement ces deux lettres. Il ne se souvenait pas si d’autres UT ont demandé ces avantages après 2010. Il a déclaré que des enseignants avaient pris leur retraite sans se prévaloir de ces arrangements, pour des motifs inconnus. Il a nommé trois personnes qui l’avaient fait. L’entente ne convenait pas à tout le monde.

318        Le 4 mai 2011, alors qu’il était toujours directeur, M. Sokolsky a élaboré un document provisoire intitulé [traduction] « ÉTABLISSEMENT DES SALAIRES DES ENSEIGNANTS – OBJET : EXAMEN DU RENDEMENT ET OCTROI D’AUGMENTATIONS salariales ». Il était indiqué que ce document n’était qu’une ébauche aux fins de discussion. Il s’agissait d’une tentative de cerner la pratique consistant l’octroi d’augmentations salariales aux membres du groupe UT. Le document provisoire indique ce qui suit au paragraphe 10 :

[Traduction]

10. En 2007, le directeur à l’époque et l’Association des professeurs(es) ont convenu que les enseignants qui fixaient une date de retraite trois ans au préalable » [sic] devaient recevoir la cote d’évaluation globale « supérieure », à condition que leur rendement dans les domaines de l’enseignement, de la recherche et des services, évalués séparément, soit au moins satisfaisant ».

319        Il n’est pas question de l’allègement de la charge d’enseignement dans le document.

320        À l’été 2011, le CMR vivait une situation budgétaire difficile. M. Sokolsky a dit aux doyens des facultés qu’il ne pouvait plus accorder ces avantages, parce qu’il ne pouvait pas les justifier en période de difficultés financières ni en défendre la pratique.

321        Il n’y avait pas de budget permettant d’embaucher des enseignants sur une base trimestrielle pour couvrir l’allègement de la charge d’enseignement des UT à leur retour d’un congé sabbatique.

322        Les congés sabbatiques étaient payés à l’aide de fonds distincts. M. Sokolsky a avisé les doyens de ne pas lui présenter de recommandations concernant des retraites prises de cette façon. Il était concentré sur les questions budgétaires et les fonds. L’allègement de la charge d’enseignement est coûteux. Les augmentations de salaire n’avaient pas autant d’incidence sur le budget. M. Sokolsky ne se souvenait pas d’avoir parlé à l’agent négociateur à l’époque.

323        Le RE a débuté après 2011.

324        Au cours de l’été 2012, M. Sokolsky a été convoqué à une réunion où on l’a avisé que l’effectif du CMR devait être réduit de façon permanente, y compris le corps professoral. La plus grande partie de l’année 2012 a été consacrée à la réduction des effectifs. L’un des moyens utilisés pour effectuer ces réductions consistait à présenter des offres de retraite aux UT.

325        Les conditions des offres présentées dans le cadre du programme de RE étaient plus avantageuses que celles offertes dans les deux lettres signées en 2010. Les deux UT qui avaient déposé un avis de retraite ont demandé à le révoquer. Ils n’y ont pas été autorisés parce que ces avis étaient réputés irrévocables.

326        Au cours de la période de RE, aucun UT n’a demandé à M. Kowal de présenter une lettre analogue à celles signées en 2010.

327        Une fois le programme de RE achevé, la plupart des UT admissibles à la retraite avaient quitté le CMR. Il n’était pas nécessaire de faire quoi que ce soit pour inciter les employés à la retraite.

328        M. Sokolsky croyait qu’en qualité de directeur, il avait le pouvoir discrétionnaire de cesser d’octroyer un allègement de la charge d’enseignement, dont la responsabilité financière lui incombait, car il s’agit d’une mesure coûteuse.

329        En ce qui concerne la double augmentation, M. Sokolsky présumait qu’elle serait maintenue. Il s’était engagé à honorer les lettres d’entente à la 11e heure de la ronde de négociation de 2011. Il a accepté de conserver le PE pendant cette ronde, mais pas indéfiniment. Selon lui, il n’était pas obligé de reconduire le PE à la ronde de négociation suivante.

Mme Luu

330        Mme Luu a reconnu qu’à l’époque où elle a commencé à s’occuper du cas de M. Hurley, en 2015, elle ne connaissait pas très bien la pratique passée et elle a décidé de l’étudier. Elle s’est appuyée sur l’expérience indirecte de M. Noël, qui l’a informée que d’autres personnes avaient bénéficié de ces avantages. Mme Luu a déclaré que la preuve directe comprenait les deux lettres signées par M. Sokolsky en 2010. Le 19 mai 2015, M. Sokolsky lui avait envoyé les lettres de retraite par courriel, accompagnées du document provisoire sur l’examen du rendement.

M. Noël

331        M. Noël a déclaré qu’il connaissait bien ces arrangements de retraite. Ils ont été créés pendant que les parties négociaient, en 2007. Le PE a été signé en 2007 et a été intégré à l’offre. Nous pouvons supposer que M. Noël faisait allusion au régime à trois volets. Il présumait que ces arrangements avaient débuté à ce moment-là. Il a expliqué que l’agent négociateur intervenait très rarement dans les arrangements de retraite, parce qu’ils sont habituellement conclus directement par le membre de l’unité de négociation et le directeur. L’agent négociateur n’intervient que si des problèmes surviennent ou si un membre de l’unité de négociation se voit refuser un arrangement. Les interventions de l’agent négociateur visent principalement les plaintes. Dans la présente affaire, M. Hurley a demandé à M. Noël de l’aider.

332        L’agent négociateur n’a pris connaissance des deux lettres signées par M. Kowal qu’en 2010, lorsque les deux UT concernés ont demandé l’aide de M. Noël en raison de leur intention de faire révoquer les lettres de retraite, parce que le programme de soutien à la transition vers le RE offrait des avantages nettement supérieurs à ceux consentis dans les lettres. M. Noël n’a pas participé aux discussions qui ont mené à ces offres.

M. Kowal

333        M. Kowal s’est souvenu que pendant la réunion avec MM. Hurley et Noël, ce dernier lui a expliqué que la raison d’être du PE était d’inciter les enseignants à prendre une retraite. M. Kowal se rappelait d’avoir dit qu’il ne voulait pas inciter qui que ce soit à prendre sa retraite, et que les UT devraient choisir leur propre date de retraite, conformément à la convention collective. Il se souvenait d’avoir dit à M. Hurley qu’il appréciait son apport au CMR, et qu’il n’avait aucune raison de l’inciter à prendre sa retraite plus tôt qu’il ne le souhaitait. M. Kowal n’était pas au courant de l’existence du PE.

334        Selon M. Kowal, il faut appuyer les enseignants qui souhaitent prendre les congés sabbatiques auxquels ils ont droit en vertu des modalités de la convention collective, parce qu’il s’agit d’un investissement dans le CMR et qu’il permet aux enseignants de mener des recherches. Les tâches d’un UT comprennent l’enseignement, la recherche et la prestation de services. Le Conseil du Trésor s’attend à ce qu’un UT reprenne les trois volets de ses fonctions au retour d’un congé sabbatique.

335        L’allègement de la charge d’enseignement comporte une obligation financière pour le CMR, pas pour le Conseil du Trésor.

336        Si un UT n’est pas en classe, le CMR doit embaucher un enseignant trimestriel. Le coût pour le CMR varie entre 7 000 $ et 10 000 $ par cours. Si un UT qui doit enseigner trois cours se voit accorder un allègement de sa charge d’enseignement, l’établissement doit en assumer le coût, qui est d’environ 30 000 $. M. Kowal est d’avis que les citoyens ne devraient pas avoir à payer les frais d’embauche des enseignants trimestriels au motif qu’un UT a décidé qu’il ne voulait pas enseigner au retour d’un congé sabbatique.

337        Le CMR est limité par l’enveloppe salariale, ainsi que par le nombre d’équivalents temps plein au sein du personnel, tout comme d’autres organisations. Une surveillance s’avère nécessaire pour s’assurer que le CMR est financièrement responsable.

338        Le pouvoir d’octroyer un allègement de la charge d’enseignement est conféré aux directeurs de département, aux présidents de programme et aux doyens associés, au cas par cas. L’allègement de la charge d’enseignement a été accordé dans l’intérêt du CMR.

339        M. Kowal n’était pas convaincu que l’octroi de l’allègement de la charge d’enseignement constituait une pratique passée. Il a toutefois nuancé sa réponse en reconnaissant qu’il n’était pas un spécialiste des relations de travail. Il n’a eu connaissance que de deux cas. Depuis qu’il est directeur, il n’a accordé aucun allègement de la charge d’enseignement dans un contexte de départ à la retraite.

M. Bates

340        M. Bates s’est joint au CMR en 1996. Il y a travaillé comme UT. Il a été directeur par intérim du département de génie chimique et doyen de la Faculté de génie de 2010 à 2014. Il a donné son point de vue sur la pratique du CMR en ce qui concerne l’allègement de la charge d’enseignement. Il a déclaré qu’un UT en congé sabbatique bénéficiait d’un allègement complet de sa charge d’enseignement au cours de cette période.

341        En qualité de vice-recteur aux études, M. Bates examine le plan d’enseignement afin de s’assurer que tout le monde donne le bon nombre de cours. Il présente le plan au directeur.

342        L’article 13 de la convention collective prévoit que le directeur d’un département n’est pas tenu d’assumer une charge d’enseignement supérieure à la charge d’enseignement normale des autres UT du département, moins deux (2) cours d’un trimestre ou l’équivalent. Les directeurs détenteurs d’une chaire de recherche du Canada se voient accorder un allègement de leur charge d’enseignement.

343        L’allègement de la charge d’enseignement est octroyé au cas par cas, en fonction du bien-fondé d’un cas et des ressources disponibles. Pour chaque allègement de la charge d’enseignement accordé, le CMR doit embaucher un enseignant pour le trimestre au cours duquel l’UT n’enseignera pas. Le CMR est limité à un certain nombre d’équivalents temps plein. Si l’établissement doit embaucher un enseignant trimestriel, des frais sont encourus et des équivalents temps plein perdus.

344        La clause 13.01 de la convention collective précise que la charge d’enseignement d’un UT doit être compatible avec la charge moyenne normale des tâches d’enseignement des UT de son département. Au département de génie chimique, la charge moyenne normale d’enseignement comprend quatre cours.

345        La clause 13.08 prévoit que, par dérogation à la clause 13.01, la charge d’enseignement peut être très différente de la charge moyenne normale des tâches d’enseignement en raison de deux facteurs : le nombre d’heures consacrées aux tâches administratives et le niveau d’activité de recherche productive. Cette clause prévoit aussi que la participation plus grande qu’à la normale à de tels travaux n’entraînera pas nécessairement une réduction de la charge d’enseignement à moins que les ressources affectées au département le permettent.

346        M. Bates était au courant de deux cas qui se sont produits en 2010, à l’époque où il était doyen de la Faculté de génie. Il avait reçu une copie conforme des deux lettres que M. Sokolsky avait écrites cette année-là. Il a nommé les deux enseignants qui travaillaient dans son département. Il les connaissait assez bien, parce que pendant le RE, ces deux enseignants avaient tenté d’annuler leur lettre de retraite et de bénéficier des avantages découlant du RE.

347        Avant d’être doyen, M. Bates n’avait pas eu connaissance que d’autres enseignants avaient bénéficié des avantages exposés dans les deux lettres. Il a déclaré qu’à sa connaissance, il s’agissait des deux seules personnes qui avaient reçu cette offre. Il ne connaissait personne d’autre qui l’aurait reçue par la suite. En qualité de doyen, s’il y avait eu de pareilles offres il aurait reçu des copies de la correspondance.

348        Peu de temps après la rédaction des lettres, en 2010, le CMR s’est engagé dans le RE.

349        M. Bates ne connaissait personne ayant demandé ces avantages en vertu du PE, ainsi qu’un congé sabbatique et un allègement de la charge de cours. Selon des discussions qu’il a eues avec des collègues de la Faculté des sciences et de génie, à son avis, il n’était pas généralement connu que les UT qui prenaient leur retraite obtenaient un allègement de la charge d’enseignement à la suite d’un congé sabbatique. Il connaissait trois enseignants qui n’avaient bénéficié d’aucun allègement de la charge d’enseignement à la suite d’un congé sabbatique précédant leur retraite. Ces enseignants avaient pris leur retraite avant le RE.

350        Une liste d’environ 49 UT à la retraite a été présentée à M. Bates; de ce nombre, à sa connaissance, seules deux personnes ont bénéficié d’un allègement de la charge d’enseignement à la suite d’un congé sabbatique. À l’exception de cinq UT, dont trois n’ont pas bénéficié d’un allègement de la charge d’enseignement à la suite d’un congé sabbatique et deux qui l’ont obtenu, ceux dont les noms figurent sur la liste ont pris leur retraite dans le cadre du programme de RE. M. Bates n’était au courant d’aucune autre personne ayant pu bénéficier d’un allègement de la charge d’enseignement.

351        À l’exception des deux personnes, M. Bates n’était pas non plus au courant d’un autre UT ayant reçu la double augmentation. Il a reconnu que certains UT pouvaient avoir bénéficié de cet avantage, mais qu’il ignorait si tel était le cas.

352        Pendant le contre-interrogatoire, M. Bates a reconnu qu’il avait pris directement connaissance des modalités de retraite des deux employés qui ont bénéficié des avantages exposés dans les lettres de M. Sokolsky en date de 2010.

353        M. Bates connaissait en partie les modalités de retraite des trois autres employés qui n’ont pas bénéficié d’un allègement de la charge d’enseignement, mais il ignorait s’ils avaient reçu la double augmentation. Deux UT n’ont pas demandé d’allègement de la charge d’enseignement et, selon M. Bates, le troisième ne l’a pas demandé.

354        M. Bates a eu connaissance du cas d’un autre employé qui avait fait partie de son département. Il se souvenait que cet employé avait pris un congé sabbatique avant sa retraite, mais il ne se souvenait pas si celui-ci avait bénéficié de la double augmentation.

355        M. Bates a confirmé que la liste des retraités ne précisait pas l’identité des UT qui étaient partis en raison du programme de RE. Elle ne précisait pas non plus l’identité des UT qui avaient donné un préavis de trois ans ou de ceux qui avaient quitté le CMR pour accepter un autre emploi ou qui avaient été licenciés.

356        M. Bates a été interrogé au sujet de son expérience de l’application de la clause 13.08 de la convention collective. Depuis qu’il est vice-recteur aux études, cette clause a été appliquée à l’égard de cinq UT qui détiennent une chaire de recherche du Canada et qui ont obtenu un allègement de leur charge d’enseignement. Les chaires de recherche du Canada sont subventionnées; un montant de 70 000 $ est alloué au salaire du titulaire d’une chaire.

357        Un autre UT, qui avait assumé la responsabilité d’un énorme projet de recherche, a obtenu un allègement de sa charge d’enseignement. Le financement du projet était d’environ cinq millions de dollars. Une autre personne avait obtenu un allègement de la charge d’enseignement parce qu’elle offrait des services aux militaires.

358        Le financement pose toujours problème lorsqu’il s’agit d’alléger une charge d’enseignement. Les six UT, sauf un, ont obtenu un allègement partiel de leur charge d’enseignement. Même les UT qui s’acquittent de lourdes tâches administratives obtiennent un allègement partiel de leur charge d’enseignement. À titre d’exemple, M. Bates assumait une charge d’enseignement de 25 p. 100 au moment de l’audience et de 50 p. 100 l’année d’avant.

L’argumentation de l’agent négociateur concernant la pratique passée

1. Les facteurs liés à l’« article 8 »

359        La première étape de l’analyse consiste à examiner s’il existait une condition préalable à la double augmentation immédiatement avant la signature de la convention collective.

360        Nous disposons des deux lettres en date de 2010 signées par le directeur de l’époque, M. Sokolsky.

361        M. Sokolsky a déclaré que le régime à trois volets avait été créé sous la direction de M. Cowan. Il souscrivait à cette pratique. Il estimait qu’elle était dans l’intérêt supérieur du CMR. Plus important encore, il l’avait maintenue. Il a expliqué comment elle s’appliquait.

362        Il ressort clairement de l’examen de chacun des facteurs énumérés qu’une pratique ne deviendra pas une pratique passée si elle est incompatible avec une convention collective.

2. Y a-t-il une pratique incompatible avec la convention collective?

a. Le PE

363        Manifestement, le PE n’est pas incompatible avec la convention collective. L’employeur a accepté de l’honorer, comme en témoigne la lettre de M. Kowal à M. Noël en date du 30 octobre 2015, dans laquelle il a reconnu que le PE était réputé être une condition protégée par l’article 107 de la Loi.

b. L’allègement de la charge d’enseignement

364        La pratique consistant à octroyer un allègement de la charge d’enseignement à la suite d’un congé sabbatique au cours des trois années précédant la retraite est-elle incompatible avec la convention collective?

365        La seule disposition pertinente est la clause 13.08b) de la convention collective, qui prévoit qu’un UT peut se voir accorder un allègement de la charge d’enseignement en raison de sonniveau d’activité de recherche productive. M. Sokolsky a déclaré qu’il s’agissait de la justification d’ensemble de l’allègement de la charge d’enseignement dans le cadre du régime à trois volets, permettant ainsi aux UT de terminer leurs recherches avant de prendre leur retraite. Il n’y a aucune incompatibilité avec la convention collective.

366        La clause 13.08b) de la convention collective prévoit que l’allègement de la charge d’enseignement aux fins d’activités de recherche est assujetti aux ressources du département, ce qui est compatible avec la pratique passée décrite par M. Sokolsky. En réalité, M. Sokolsky a déclaré que lorsque le CMR disposait de ressources limitées pendant le RE, il n’accordait aucun régime à trois volets, probablement en raison de la capacité limitée à embaucher des professeurs de remplacement pour compenser les allègements de charges d’enseignement accordés, alors que le mandat visait à supprimer des postes.

367        L’agent négociateur n’adopte pas la position que M. Kowal était obligé d’accorder à M. Hurley une charge d’enseignement allégée en toutes circonstances et à tout prix, indépendamment de l’état des ressources du département.

368        L’agent négociateur a plutôt déclaré que M. Kowal était obligé de faire comme M. Sokolsky, notamment, s’asseoir avec M. Hurley, discuter d’un régime à trois volets et examiner si sa mise en œuvre était possible compte tenu des ressources du département, en consultation avec le directeur de département. Il y avait peut-être lieu d’ajuster le régime ou de reporter sa mise en œuvre. M. Kowal avait aussi l’obligation de conclure une entente verbale, puis la mettre par écrit, afin de fournir à M. Hurley une certaine confirmation de ce qui allait se passer au moment de signer la formule de retraite irrévocable.

369        M. Bates a déclaré qu’en plus des tâches administratives et des activités de recherche, un allègement de la charge d’enseignement pouvait être accordé, au cas par cas, ce qui est également compatible avec la pratique passée de M. Sokolsky.

3. Le PE et le régime à trois volets étaient-ils raisonnables, certains et connus?

370        Il s’agit du facteur clé en l’espèce et, selon l’agent négociateur, le seul facteur en litige.

371        Selon le témoignage de M. Sokolsky, la pratique, soit le régime à trois volets, était raisonnable, certaine et connue. Il a déclaré qu’il croyait que la pratique était raisonnable et dans l’intérêt supérieur du CMR et de la faculté. L’octroi d’un congé sabbatique et d’un allègement de la charge d’enseignement permet à un UT de se concentrer sur l’achèvement de ses recherches, ce qui est avantageux pour le CMR, puisqu’il était associé aux recherches. Si l’UT prend sa retraite sans terminer les recherches, celles-ci sont perdues.

372        La double augmentation est raisonnable parce qu’elle incite les enseignants à maintenir leur rendement.

373        Selon M. Cowan, cette pratique est raisonnable puisqu’il l’a instaurée.

374        Il ne fait aucun doute que l’agent négociateur est d’avis que la pratique est raisonnable. De 2007 jusqu’à la nomination de M. Kowal comme directeur, en 2013, les deux parties menaient leurs activités en présumant qu’elle était raisonnable.

375        Il s’agissait d’une pratique établie au moment de la signature de la convention collective. Elle était en place depuis bon nombre d’années. M. Sokolsky a déclaré qu’un UT pouvait être certain de bénéficier du régime à trois volets, sauf pendant la période du RE. Il a déclaré qu’il n’aurait eu aucune raison de ne pas maintenir la pratique par la suite. Il ne pouvait témoigner d’une seule fois où un UT a demandé le régime à trois volets pour ensuite se le faire refuser.

376        L’employeur a laissé entendre que la pratique n’était peut-être pas aussi bien établie. Il s’est fondé sur la liste des 49 UT qui ont pris leur retraite entre 2007 et 2013. De l’avis de l’agent négociateur, il ne s’agit pas d’un document utile, parce qu’il ne dit rien au sujet des personnes qui ont bénéficié ou non du régime à trois volets, qui ont donné ou non un préavis de trois ans, qui ont demandé ou non le régime à trois volets, ou encore qui ont pris leur retraite légitimement ou qui sont parties pour d’autres motifs, y compris un décès. Ce document n’indique pas non plus qui a participé au programme de RE.

377        Selon la preuve clairement établie, seulement deux personnes ont bénéficié du régime à trois volets pendant les mandats de directeur de MM. Sokolsky et Kowal, mais la preuve indique également qu’il s’agit des deux seuls UT qui l’ont demandé au cours de cette période, à l’exception de M. Hurley. MM. Sokolsky et Bates ont tous deux affirmé qu’ils n’étaient au courant que de ces deux personnes, et qu’aucune autre personne ayant présenté une telle demande n’avait essuyé un refus.

378        En sus des deux lettres signées en 2010, M. Sokolsky a déclaré que d’autres UT avaient bénéficié du régime à trois volets sous la direction de M. Cowan. Il l’avait constaté directement parce qu’il avait été doyen pendant quelques années et que certains de ces UT étaient revenus d’un congé sabbatique à l’époque où il était directeur.

379        M. Sokolsky a déclaré que des UT l’avaient consulté individuellement au sujet du régime à trois volets, ce qui ne pouvait arriver que si la pratique était connue des UT.

380        M. Sokolsky a déclaré qu’il avait dû dire aux doyens qu’il mettait fin au régime à trois volets pendant la durée du programme de RE. Il n’aurait été contraint de le faire que si la pratique était connue des doyens.

381        Nous savons également que l’agent négociateur était au courant de la pratique, puisque M. Noël et Mme Luu ont présenté un témoignage à cet égard.

382        M. Bates a laissé entendre que la pratique n’était pas connue, parce qu’il avait parlé à trois personnes qui lui avaient dit qu’elles n’en savaient rien. En plus de constituer du ouï-dire, cet élément de preuve n’est pas probant. Même si ces personnes n’étaient pas au courant de cette pratique, cela ne nous apprend rien au sujet des personnes qui auraient pu l’être.

4. La pratique aurait-elle pu être intégrée à la convention collective conformément à la Loi?

383        Il n’est pas justifié d’allouer du temps à ce point puisque M. Kowal a déclaré qu’en qualité de directeur, il était habilité à mettre en œuvre chacun des éléments du régime à trois volets, tout comme MM. Sokolsky et Cowan.

5. La pratique a-t-elle été mise en œuvre de manière juste et équitable?  

384        M. Sokolsky a déclaré qu’à son avis, la pratique était juste et équitable. Il a ajouté qu’elle avait pris fin avec la mise en œuvre du programme de RE. Cela ne signifie pas pour autant que la pratique passée bien établie n’existait plus. Il ne s’agissait que d’une réflexion sur le besoin de tenir dûment compte des circonstances exceptionnelles à un moment où les ressources du département étaient insuffisantes, comme le prévoit l’article 13 de la convention collective.

385        En l’absence de circonstances financières exceptionnelles, et si M. Sokolsky avait simplement mis fin à la pratique, alors il n’aurait pas légalement été autorisé à agir comme tel. Il a déclaré qu’il n’avait jamais avisé l’agent négociateur de l’interruption de la pratique. Nous ne pouvons pas dire que l’agent négociateur y ait consenti d’une manière ou d’une autre, ni qu’il ait soulevé une objection.

386        M. Noël a déclaré que l’agent négociateur ignorait que M. Sokolsky avait mis fin à la pratique pendant le RE; les offres de retraite dans le cadre du RE étaient supérieures au régime à trois volets. Dans ces circonstances, pourquoi l’agent négociateur aurait-il soupçonné que le fait qu’aucun UT ne bénéficie des avantages du régime à trois volets posait un problème?

387        L’employeur ne peut pas mettre en place une pratique, y mettre fin secrètement et unilatéralement, puis dire ensuite qu’elle n’existe plus. Agir comme tel irait totalement à l’encontre du concept prévu à l’article 8 de la convention collective.

L’argumentation de l’employeur concernant la pratique passée

1. Ni le PE ni un régime à trois volets ne peuvent être assimilés à une pratique passée

388        Pour décider si l’application du PE peut être assimilée à une pratique passée (et, dans l’éventualité où l’objection fondée sur Burchill n’aboutisse pas, si un régime à trois volets ou un congé sabbatique suivi par un allègement de la charge d’enseignement peuvent aussi être assimilés à des pratiques passées), il faut examiner la preuve à la lumière des conditions énoncées à l’article 8 de la convention collective.

2. La jurisprudence

a. Principes fondamentaux de l’interprétation d’une convention collective

389        Dans Collective Agreement Arbitration in Canada, aux clauses 2.10 à 2.26, Palmer et Snyder affirment que selon les principes fondamentaux de l’interprétation d’une convention collective, on doit donner aux mots leur sens ordinaire, lire une convention collective dans son ensemble, et donner un sens à chaque mot afin d’éviter la redondance; voir Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans),2010 CRTFP 112, aux paragraphes 50 et 51.

b. Pratique passée

390        Dans Canadian Labour Arbitration, Brown et Beatty affirment ce qui suit au paragraphe 2:2221 intitulé [traduction] « Préclusion – Pratique passée : « […] il a été conclu que la doctrine [de la pratique passée] ne s’applique pas si la preuve ne permet pas d’établir la pratique avec précision […] »

391        Au paragraphe 3:4430, intitulé [traduction] « Preuve extrinsèque – Pratique passée », les auteurs examinent à nouveau la question. Une pratique passée ne peut contredire le sens clair de la convention collective. Les exigences relatives à l’établissement d’une pratique passée comprennent ce qui suit. Si une partie n’est pas au courant de la pratique, celle-ci ne peut pas être invoquée. Normalement, un ou deux cas ne constituent pas une pratique suffisante pour en établir la fiabilité. Et lorsque des arbitres de grief se sont fondés sur une pratique passée, il s’agissait habituellement d’une pratique appliquée uniformément pendant quelques années.

392        Voir la jurisprudence qui suit : John Bertram & Sons Co. v. International Association of Machinists, Local 1740 (1967), 18 L.A.C. 362, au paragraphe 13 (un critère — quatre exigences pour établir l’existence d’une pratique passée); Canada (Procureur général) c. Lamothe,2008 CF 411, aux paragraphes 40, 45, et 74 (une simple déclaration d’une seule personne faisant allusion à un seul cas ne suffit pas pour établir l’existence d’une pratique passée); Board of School Trustees of School District No. 36 (Surrey) v. Canadian Union of Public Employees, Local 728,[1982] B.C.C.A.A.A. no 181 (QL), au paragraphe 50 (quelques exemples ne prouvent pas l’existence d’une pratique, qui suppose plus d’une, deux ou trois mises en application).

3. Application relative à l’article 8

393        Selon la jurisprudence qui traite des principes généraux applicables à l’interprétation des conventions collectives, il faut lire la convention collective dans son ensemble et donner un sens à chaque mot, afin d’éviter la redondance.

394        En l’espèce, pour interpréter l’article 8 de la convention collective il faut tenir compte du fait que les congés sabbatiques sont visés à l’article 18 de la convention collective, et que l’allègement de la charge d’enseignement est visé à l’article 13 de cette même convention. La convention collective doit être lue dans son ensemble. La prémisse de l’article 8 repose sur la circonstance suivante : « Lorsque la présente convention ne mentionne pas de conditions d’emploi […] » En l’espèce, la convention collective mentionne des conditions d’emploi.

395        On doit examiner chacune des conditions prévues à l’article 8 de la convention collective. Une pratique passée doit satisfaire tous les volets du critère suivant :

  • les conditions de la pratique ne doivent pas être incompatibles avec la convention;
  • les conditions doivent être raisonnables, certaines et connues;
  • ces conditions peuvent être intégrées à la convention collective conformément à la Loi;
  • ces conditions sont appliquées de manière juste et équitable.
a. Allègement de la charge d’enseignement et congés sabbatiques : les conditions ne doivent pas être incompatibles avec la convention collective

396        Si l’octroi de l’allègement de la charge d’enseignement était automatique à l’égard des UT qui prennent leur retraite, la direction ne jouirait pas du pouvoir discrétionnaire prévu par la convention collective de décider si les ressources permettent d’accorder cet avantage. Non seulement cette mesure violerait la convention collective, mais elle serait aussi inéquitable envers les autres UT (ce qui renvoie au volet « juste et équitable » du critère) et épuiserait les ressources humaines et financières.

397        M. Sokolsky a déclaré que les congés sabbatiques et l’allègement de la charge d’enseignement devaient être appliqués au cas par cas. Il présumait que les départements avaient déjà approuvé et facilité les cas qui lui avaient été présentés. Il a convenu qu’il était possible que certaines demandes ne lui aient jamais été présentées, parce qu’elles ne pouvaient être accommodées.

398        Par conséquent,  si l’allègement de la charge d’enseignement était effectivement compatible avec les autres dispositions de la convention collective, alors il ne s’agit pas d’une pratique passée distincte mais d’une pratique conforme aux autres articles de la convention collective. Si l’agent négociateur faisait valoir que l’allègement de la charge d’enseignement devait être automatique, alors il y aurait clairement une incompatibilité avec la convention collective.

b. Allègement de la charge d’enseignement et congés sabbatiques : Les pratiques étaient-elles raisonnables, certaines, connues et appliquées de manière juste et équitable?

399        La jurisprudence traitant des pratiques passées déjà évoquées est utile pour interpréter le sens des mots « raisonnable, certain et connu ». L’employeur a soutenu que ces mots signifiaient qu’une pratique passée doit être uniforme.(Comment une chose peut-elle être certaine et connue si elle n’est pas mise en pratique uniformément sur une longue période? Comment une chose peut-elle être certaine si elle n’est survenue qu’à deux reprises?) Comme il est souligné dans la jurisprudence, un ou deux exemples ne démontrent pas l’existence d’une pratique passée.

400        Pour ce qui est des mots « certain » et « connu », la même preuve s’applique. Deux cas ne constituent pas une pratique passée. M. Bates a déclaré qu’il connaissait trois UT (qu’il pouvait nommer) qui avaient pris leur retraite à l’époque pertinente, pas au titre du RE, et qui n’avaient bénéficié ni d’un congé sabbatique ni d’un allègement de leur charge d’enseignement, dont deux ne savaient même pas qu’ils auraient pu s’en prévaloir.

401        Seulement deux UT ont demandé à M. Sokolsky d’appliquer le régime à trois volets, et il en connaissait au moins trois autres qui n’en avaient pas fait la demande. Par conséquent, il y a lieu de croire que la pratique n’était pas connue. Autrement, parmi les UT qui prenaient leur retraite au cours de cette période, n’y en aurait-il pas eu beaucoup d’autres qui en auraient fait la demande? Bien que M. Sokolsky ait déclaré que le régime ne convenait peut-être pas à tout le monde, il va sans dire que si la pratique avait été mieux connue, beaucoup d’autres UT en auraient fait la demande, puisque, objectivement, l’offre semble alléchante. Cette pratique n’était même pas visée par un PE, comme les augmentations de salaire, ce qui l’a rendue encore moins certaine et moins connue.

402        En ce qui concerne la certitude, M. Sokolsky a confirmé que le régime à trois volets était approuvé au cas par cas, en fonction de la question de savoir si les ressources disponibles pouvaient appuyer le congé sabbatique suivi d’une charge d’enseignement allégée. M. Sokolsky a affirmé qu’il aurait eu à examiner les ressources du département et les répercussions sur les étudiants. Par conséquent, encore une fois, la pratique n’était pas certaine.

403        Les deux témoins de l’agent négociateur, Mme Luu et M. Noël, ne connaissaient pas non plus de cas où des UT auraient obtenu un congé sabbatique suivi d’une charge d’enseignement allégée, hormis les deux qui en avaient bénéficié sous la direction de M. Sokolsky en 2010. Ils ont déclaré avoir pris connaissance de ces deux cas seulement après coup, lorsqu’ils ont tenté de révoquer leur régime pendant le RE et le « plan d’action pour la réduction du déficit » (PARD), soit aprèsla signature de la convention collective. Mme Luu a affirmé qu’elle avait dû confirmer auprès de M. Noël si le régime à trois volets constituait une pratique passée, puisque même si elle en avait entendu parler (bien que seulement par l’intermédiaire de ces deux cas), elle devait confirmer auprès d’une personne en place depuis plus longtemps afin de savoir s’il s’agissait d’une pratique passée.

404        M. Noël ne connaissait que ces deux cas. Il a déclaré que M. Hurley avait été le premier UT à s’adresser à lui pour obtenir des conseils au sujet d’un régime de retraite. M. Noël a été impliqué auprès de l’agent négociateur pendant plusieurs années, notamment les années antérieures à la signature de la convention collective en 2011.

405        Le témoignage de l’agent négociateur ne confirme pas qu’il s’agissait d’une pratique connue et certaine.

406        Pour ce qui est de savoir si la pratique était raisonnable, MM. Kowal et Bates ont expliqué les raisons pour lesquelles elle ne l’était pas.

407        Il n’est pas équitable de demander au CMR et aux contribuables de payer l’allègement complet de la charge d’enseignement des UT qui prennent leur retraite immédiatement après avoir pris un congé sabbatique. Le but d’un congé sabbatique est de terminer des recherches. S’il faut plus de temps à un UT, il doit prendre un plus long congé sabbatique. Il est coûteux d’embaucher des professeurs sur une base trimestrielle afin de pouvoir donner les cours qui ne peuvent pas être offerts si un UT n’enseigne pas (et, bien entendu, il n’est pas équitable de demander aux autres UT de prendre la relève).

408        Il s’agit d’une pratique inéquitable pour les autres UT qui ne partent pas à la retraite et de qui on s’attend à ce qu’ils enseignent à leur retour d’un congé sabbatique. De façon générale, en vertu de l’article 13 de la convention collective, les UT doivent être en mesure d’assumer une charge d’enseignement tout en menant des recherches. Il n’y a aucune raison d’accorder à un UT un allègement complet de sa charge d’enseignement lorsque ce dernier revient d’un congé sabbatique simplement parce qu’il prendra bientôt sa retraite.

409        M. Bates a aussi déclaré qu’il est très rare qu’une personne obtienne un allègement complet de sa charge d’enseignement. Il a relevé des circonstances vraiment exceptionnelles (qui s’accompagnaient aussi d’un financement important en contrepartie). Dans la plupart des cas, même les UT qui assument de lourdes tâches administratives, comme les vice-présidents, doivent quand même enseigner.

410        M. Bates a aussi expliqué que les connaissances acquises par suite des recherches menées pendant un congé sabbatique ne sont pas transmises en classe si l’UT ne revient pas à l’enseignement. On perd un avantage pour les étudiants.

411        L’employeur a soutenu que l’agent négociateur n’avait pas établi que le PE ou le congé sabbatique suivi d’un allègement de la charge d’enseignement répondaient aux conditions d’une pratique passée au cours de la période ayant précédéimmédiatement la signature de la convention collective, en mars 2011.

c. Le PE était-il raisonnable, certain, connu et appliqué de manière juste et équitable?

412        Pour ce qui est de savoir si l’application du PE était certaine et connue, il est ressorti clairement de la preuve que le PE n’avait été appliqué qu’à deux reprisesau cours de la période ayant précédéimmédiatement la signature de la convention collective (les deux lettres de M. Sokolsky). M. Sokolsky a déclaré que seulement deux UT lui avaient demandé de l’appliquer. Il en connaissait au moins trois autres qui avaient pris leur retraite pendant qu’il était directeur et qui n’en avaient pas fait la demande.

413        Bien que M. Sokolsky ait affirmé avoir connu d’autres personnes qui avaient bénéficié du PE sous la direction de son prédécesseur, M. Cowan, ce témoignage était vague et non détaillé. Nous ne savons rien des circonstances dans lesquelles ces UT ont pu recevoir une double augmentation. Ce témoignage n’est pas fiable.

414        La liste des retraités indique que bien plus que deux UT ont pris leur retraite immédiatement avant la signature de la convention collective, et nous ne savons pas avec certitude si le PE a été appliqué à leur égard (encore là, sous la direction de M. Sokolsky, seulement deux UT en ont fait la demande).

415        Nous pouvons conclure à bon droit de ce témoignage que les UT ne connaissaient pas le PE.

416        M. Sokolsky a déclaré que peu de temps après le « renouvellement » du PE, pendant les négociations, il y a mis fin en raison des contraintes financières (RE et PARD). Il a ajouté qu’il n’était pas certain qu’il l’aurait maintenu en vigueur une fois les contraintes financières résolues. Il est ressorti clairement des témoignages de MM. Bates et Kowal que le PE n’avait pas été maintenu en vigueur, comme en atteste le petit nombre d’UT qui en ont fait la demande ou en ont bénéficié.

417        M. Bates a déclaré qu’il n’avait pris connaissance du PE qu’une fois qu’il était devenu doyen. Il n’en avait pas entendu parler à l’époque où il était simplement UT, et les deux seuls cas qu’il connaissait étaient les mêmes deux cas qui étaient mentionnés dans les lettres de M. Sokolsky. Encore là, il s’agit d’une preuve que le PE n’était ni certain ni connu.

418        En ce qui concerne le caractère raisonnable et la question de savoir si l’application du PE était juste et équitable, M. Kowal a exposé les raisons pour lesquelles elle lui semblait déraisonnable et inéquitable envers les UT qui ne partaient pas à la retraite ou qui prenaient leur retraite dans des conditions ou à un âge différents. L’argumentation fondée sur le déclin des facultés mentales n’est pas logique en ce qui concerne tous les retraités et pourrait même être perçue comme discriminatoire envers les UT d’âge avancé.

419        MM. Kowal et Bates avaient le sentiment que l’application du PE procurait un avantage inéquitable aux UT qui prenaient leur retraite. Ils n’avaient qu’à faire le minimum pour obtenir une cote de rendement plus élevée. M. Kowal a soulevé le point suivant : comment un UT pouvait-il recevoir une cote d’évaluation « supérieure » s’il était en congé sabbatique et qu’il n’enseignait même pas? Compte tenu du quota de 40 p. 100 qui s’applique aux augmentations de salaire, il aurait été inéquitable d’en attribuer automatiquement une part importante à des UT qui partaient à la retraite simplement parce qu’ils prenaient leur retraite. Agir comme tel aurait été inéquitable envers les autres UT, qui auraient été obligés de travailler encore plus fort pour obtenir une cote plus élevée et une part du quota de 40 p. 100 déjà réduit.

420        Sous l’angle de l’équité et de la justice, et compte tenu du fait qu’il n’a été appliqué avec certitude qu’à deux UT qui ont pris leur retraite, le PE n’a de toute évidence pas été appliqué de manière juste et équitable.

421        L’employeur a soutenu que compte tenu de la preuve, l’application du PE n’était pas raisonnable, certaine et connue, ni effectuée de manière juste et équitable. À ce titre, elle ne peut pas être assimilée à une pratique passée en vertu de l’article 8 de la convention collective.

Analyse concernant la question de la pratique passée

422        L’article 8 de la convention collective prévoit ce qui suit :

8.01      Lorsque la présente convention ne mentionne pas de conditions d’emploi, les conditions antérieures à la date d’entrée en vigueur de la présente convention continuent de s’appliquer pourvu :

  1. qu’elles n’aillent pas à l’encontre de la convention;
  2. qu’elles soient raisonnables, certaines et connues;
  3. qu’elles puissent être incluses dans la présente convention conformément à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique;
  4. et

  5. qu’elles soient remplies de manière juste et équitable.

8.02      Le fardeau d’établir une pratique passée au sens du paragraphe 8.01 incombe à la partie qui en allègue l’existence.

A. Allègement de la charge d’enseignement

423        Au début de l’audience, j’ai cru comprendre que l’agent négociateur faisait valoir que M. Hurley était en droit de recevoir, et que le CMR était obligé d’offrir, l’avantage que constituait le régime à trois volets exposé dans les lettres de M. Sokolsky en 2010, soit la double augmentation, les congés sabbatiques et l’allègement de la charge d’enseignement, conformément à l’article 8 de la convention collective.

424        Dans son argumentation finale, l’agent négociateur a fait valoir qu’il ne disait pas que le CMR était obligé d’octroyer un allègement de la charge d’enseignement à M. Hurley en toutes circonstances et quels qu’en soient les coûts, indépendamment de l’état des ressources du département. Selon sa position, M. Kowal était obligé de s’asseoir avec M. Hurley pour discuter d’un régime à trois volets et d’examiner si les ressources du département le permettaient, en consultation avec le directeur du département. M. Kowal était également obligé de conclure une entente verbale avec M. Hurley et de mettre cette entente par écrit, afin de fournir à M. Hurley une certaine confirmation de ce qui allait se passer au moment de signer la formule de retraite irrévocable.

425        L’employeur a soutenu que les questions soulevées dans le grief avaient changé encore une fois, et que la position de l’agent négociateur ne respectait pas le principe énoncé dans Burchill. L’agent négociateur affirmait désormais que la pratique passée concernant l’allègement de la chargement d’enseignement concernait la procédure, et que le directeur était obligé de rencontrer M. Hurley pour discuter de son régime de retraite. Cette question n’a pas été soulevée pendant la procédure de règlement des griefs.

426        En réponse, l’agent négociateur a déclaré qu’il ne tentait pas d’affirmer que l’allègement de la charge d’enseignement n’était qu’une question de procédure. Il existait un droit fondamental à se prévaloir du régime à trois volets. Cependant, il n’était pas illimité. Des circonstances exceptionnelles pouvaient survenir, comme le programme de RE.

427        L’employeur n’a pas eu l’occasion d’examiner la position de l’agent négociateur, selon laquelle l’employeur avait une obligation limitée d’octroyer l’allègement de la charge d’enseignement, y compris une obligation procédurale pour le directeur de rencontrer M. Hurley pour discuter de son régime de retraite pendant la procédure de règlement des griefs, ou encore de présenter une preuve ou de formuler des observations concernant la position de l’agent négociateur au moment de l’arbitrage.

428        Je n’ai manifestement pas compétence pour traiter cette question qui a été soulevée pour la première fois dans l’argumentation finale présentée devant moi, laquelle va clairement à l’encontre du principe énoncé dans Burchill.

429        Je limiterai mon analyse de la question de l’allègement de la charge d’enseignement à la position que l’agent négociateur a exprimée au début de l’affaire, à savoir que l’octroi de cet avantage à la suite d’un congé sabbatique était une obligation absolue pour le directeur et un droit pour les UT qui prenaient leur retraite. Cette question était visée par la preuve.

430        La convention collective mentionne-t-elle l’allègement de la charge d’enseignement?

431        L’article 13 de la convention collective porte sur la  répartition de la charge d’enseignement. La clause 13.01 prévoit que la charge de travail de l’UT doit être compatible avec la charge moyenne normale des tâches d’enseignement des UT de son département et que lestâches d’enseignement qui dépassent la moyenne normale doivent être considérées comme étant une charge excessive. La clause 13.08 porte sur les circonstances dans lesquelles la charge moyenne normale des tâches d’enseignementpeut être différente. La convention collective mentionne l’allègement de la charge d’enseignement. Je pourrais tirer une conclusion sur la question de l’allègement de la charge d’enseignement à ce stade-ci, mais je vais néanmoins poursuivre mon analyse.

432        Le droit à l’allègement de la charge d’enseignement pour un UT qui revient d’un congé sabbatique est-il incompatible avec la convention collective?

433        À mon avis, un pareil droit absolu serait contraire à l’alinéa 13.08b) de la convention collective, qui prévoit que l’allègement de la charge d’enseignement ne doit être octroyé que si la réduction de la charge d’enseignement peut être accommodée au sein des ressources du département.

434        Le droit à l’allègement de la charge d’enseignement d’un UT qui revient d’un congé sabbatique est-il raisonnable?

435        À mon avis, les parties ont déjà abordé cette question dans la convention collective, puisqu’elles ont prévu que l’allègement de la charge d’enseignement ne doit être octroyé que s’il peut être accommodé au sein des ressources du département.

436        Par conséquent, je conclus que l’allègement de la charge d’enseignement n’est pas une pratique passée conformément à l’article 8 de la convention collective et n’est pas intégré à la convention collective.

B. La double augmentation prévue dans le PE

437        Le PE a été conclu à titre d’entente locale entre MM. Cowan et Graham, dans le cadre de la ronde de négociation collective de 2007. Il n’a été ni conclu, ni approuvé par le Conseil du Trésor et l’employeur en droit, conformément aux dispositions de la Loi, et ne fait pas partie de la convention collective.

438        À la fin de la ronde de négociation de 2011, M. Sokolsky, en qualité de directeur, s’est engagé verbalement à honorer les protocoles d’entente qui n’avaient pas été abordés dans le cadre des négociations. Le PE n’a pas fait l’objet d’un examen individuel, mais il était l’une des ententes que M. Sokolsky s’était engagé à honorer. Le Conseil du Trésor n’était pas partie à cet engagement.

439        M. Sokolsky a déclaré qu’il était difficile de savoir ce qui se serait passé s’il était demeuré directeur. À son avis, il n’était pas tenu de reconduire le PE à la prochaine ronde de négociation. Il a accepté de le reconduire pour cette ronde, mais pas indéfiniment.

440        La convention collective a expiré le 30 juin 2014. L’avis de négocier a été donné en février 2014.

441        En octobre 2015, M. Kowal a convenu de respecter les modalités du PE, puisque le Conseil du Trésor avait estimé qu’il s’agissait d’une condition d’emploi qui demeurait en vigueur au titre de l’article 107 de la Loi. Comme il a été souligné, la reconnaissance du Conseil du Trésor ne signifiait pas que le PE faisait partie de la convention collective. Si le PE ne fait pas partie de la convention collective ou n’y est pas intégré, alors un arbitre de grief n’a pas compétence, aux termes de la Loi, pour instruire un grief concernant le PE ou octroyer une mesure corrective.

442        Le PE ou l’avantage prévoyant la double augmentation sont-ils intégrés à la convention collective en vertu des dispositions de l’article 8 de la convention collective? Comme il a été souligné, il incombait à l’agent négociateur de s’acquitter du fardeau d’établir que le PE constituait une pratique passée en vertu de l’article 8.

443        Je le répète : pour être considérées comme une pratique passée, les conditions de travail en vigueur à la date de signature de la convention collective, soit le 11 mars 2011, doivent continuer de s’appliquer, sous réserve que la convention ne précise pas les conditions de travail, que celles-ci ne soient pas incompatibles avec la convention et qu’elles soient raisonnables, certaines, connues et appliquées de manière juste et équitable.

444        Le PE est un document écrit. MM. Cowan et Graham l’ont signé. Il indique qu’il est en vigueur à compter du 1er juillet 2007. Il est adressé aux [traduction] « doyens et directeurs ». Ses termes exécutoires sont ainsi énoncés au paragraphe 5 :

[Traduction]

5. Comme on a constaté que le maintien d’un rendement élevé au cours des trois années précédant la retraite exige un effort supplémentaire, les enseignants qui auront déjà signé des formulaires établissant une date de retraite trois ans avant cette date recevront la cote globale « supérieure », sous réserve que leur rendement dans les domaines de l’enseignement, de la recherche et des services, évalués séparément, soit au moins satisfaisant.

Est-il question de l’évaluation du rendement des UT au cours des trois années précédant leur retraite dans la convention collective? Les conditions de travail prévues dans le PE sont-elles incompatibles avec la convention collective? 

445        Selon ma compréhension, l’employeur n’a pas adopté la position que la convention collective renfermait des dispositions traitant de l’évaluation du rendement des UT au cours des trois années précédant leur retraite, ni que le PE était incompatible avec la convention collective.

446        La clause 40.01 de la convention collective prévoit que les conditions régissant l’application de la rémunération aux UT ne sont pas touchées par la convention collective. Ces conditions sont énoncées dans le manuel du Conseil du Trésor, lequel, selon ce qui a été convenu par les parties, ne fait pas partie de la convention collective. Étant donné que la convention collective ne renferme pas de dispositions traitant de ces conditions, le PE n’est clairement pas incompatible avec la convention collective. En ce sens, la convention collective ne mentionne pas ces conditions.

Le PE était-il certain, connu et raisonnable?

Était-il certain?

447        Contrairement à la question de l’allègement de la charge d’enseignement, le PE se présente sous forme écrite. Ses conditions sont claires.

448        Avant l’été 2008, à l’époque où il était doyen de la Faculté des arts et que M. Cowan était directeur, M. Sokolsky savait que certains UT avaient conclu une entente de cette nature avec M. Cowan.

449        En qualité de directeur du CMR de l’été 2008 à la fin de l’été 2013, M. Sokolsky a accordé une double augmentation à deux occasions, en juin et septembre 2010, à deux UT qui s’étaient adressés à lui individuellement. La convention collective a été signée quelques mois plus tard, en mars 2011.

450        Au moment où les deux UT sont venus à son bureau afin de parler de leur retraite, les doyens et les directeurs de département concernés s’étaient dits d’accord avec les régimes de retraite. M. Sokolsky a déclaré que trois enseignants avaient pris leur retraite sans se prévaloir de ces dispositions, pour des raisons inconnues. L’offre ne convenait pas à tout le monde.

451        En mai 2011, M. Sokolsky a rédigé un document provisoire intitulé [traduction] « Établissement des salaires des enseignants – Objet : Examen du rendement et octroi d’augmentations salariales », qui faisait état de sa tentative, à titre de directeur, de cerner la pratique consistant à accorder des augmentations au groupe UT.

452        Il est expressément mentionné que le PE de 2007 constitue une pratique à la date de rédaction du document, qui est postérieure à la signature de la convention collective, le 11 mars 2011.

453        Je conclus par conséquent que, selon la prépondérance des probabilités, il est plus probable que le contraire qu’avant le 11 mars 2011, ou aux alentours de cette date, si un UT avait demandé les avantages prévus dans le PE à M. Sokolsky, il les aurait obtenus, et qu’à ce moment-là l’avantage était certain si un UT avait demandé cet arrangement.

Faits postérieurs au 11 mars 2011

454        Aux alentours de l’été 2011, le CMR était aux prises avec une situation budgétaire difficile. M. Sokolsky a dit aux doyens des facultés qu’il ne pouvait plus accorder ces avantages (l’allègement de la charge d’enseignement et la double augmentation), parce qu’il ne pouvait pas les justifier en période de difficultés financières ni en défendre la pratique.

455        Lorsque le RE s’est amorcé, en 2012, le CMR a dû réduire son corps professoral de façon permanente. Cet objectif a été atteint en incitant des UT à prendre leur retraite. Les avantages offerts étaient nettement supérieurs à ceux énoncés dans les deux lettres de retraite signées par M. Sokolsky en 2010, de sorte que les deux UT ont demandé la révocation de leur avis de retraite.

456        Pendant la période de RE, aucun UT n’a demandé à M. Sokolsky une lettre similaire à celles qu’il avait signées en 2010. Par la suite, et jusqu’à ce que M. Kowal accepte d’honorer le PE, le Conseil du Trésor l’a informé que le PE était visé par le gel prévu par la loi, aucun UT n’a reçu une double augmentation.

457        À mon avis, les faits évoqués dans la preuve qui sont postérieurs à la signature de la convention collective ne sont d’aucune aide dans l’analyse de la question de savoir si la pratique existait immédiatement avant la date de signature de la convention collective.

2. Était-il connu?

458        Comme il a été mentionné, en juillet 2007 le PE a été signé par M. Graham, qui était alors président de l’agent négociateur, ainsi que par M. Cowan.

459        Le PE a fait l’objet de discussions au Conseil des doyens pendant son élaboration.

460        M. Sokolsky s’est souvenu que le PE avait été appliqué à certains UT à l’époque où M. Cowan était directeur, avant la nomination de M. Sokolsky au poste de directeur au cours de l’été 2008.

461        Comme il a été souligné, M. Sokolsky a appliqué le PE à deux reprises, en juin et septembre 2010. Les doyens et les directeurs de département, notamment M. Bates, avaient examiné et approuvé les régimes de retraite.

462        Les deux UT se sont adressés individuellement à M. Sokolsky afin de donner un avis de retraite et demander les avantages prévus dans le PE.

463        En mai 2011, dans son document intitulé [traduction] « Établissement des salaires des enseignants – Objet : Examen du rendement et octroi d’augmentations salariales », M. Sokolsky a qualifié le PE de pratique existante. On mentionne que le document est une ébauche. Les premières lignes indiquent ce qui suit : [traduction] « N.B. : La présente ébauche est fournie à des fins de discussion seulement. Il s’agit d’une tentative dans le but de cerner une “pratique passée” consistant à accorder des augmentations de salaire au groupe UT. Il ne s’agit pas d’un document de politique. »

464        Même s’il n’y en a aucune preuve directe, il est raisonnable de conclure que le document de M. Sokolsky a fait l’objet de discussions avec les doyens et les directeurs de département.

465        Il est important de mentionner que M. Hurley avait entendu parler du protocole en vertu duquel un UT qui donnait un préavis de retraite le plus tôt possible aurait droit à certains avantages. Par conséquent, il a parlé avec Mme Luu et M. Noël.

466        Avant de devenir doyen de la Faculté de génie en 2010, M. Bates, à titre d’UT, ne connaissait pas d’autres enseignants ayant bénéficié des avantages spécifiés dans les deux lettres. Il était au courant des deux cas qui étaient survenus en 2010, parce qu’il a reçu une copie conforme des lettres après être devenu doyen de la Faculté de génie. Il ne connaissait personne d’autre qui aurait bénéficié de cette offre après cela.

467        M. Bates a présenté une liste de quelque 49 UT qui avaient pris leur retraite, parmi lesquels seuls les deux dont il avait connaissance ont reçu une double augmentation; il a toutefois reconnu que d’autres personnes pourraient l’avoir reçu. À son avis, de façon générale, les enseignants ignoraient que ces avantages étaient offerts aux UT qui prenaient leur retraite.

468         Je crois comprendre que la liste des 49 UT vise la période de mai 2007 à mai 2013. Même si le terme « retraite » est utilisé pour désigner le motif de la cessation d’emploi, je crois comprendre que ce terme était utilisé pour décrire tout UT qui cessait de travailler pour le CMR peu importe la raison, y compris la démission et le licenciement. La liste ne précisait pas si les UT avaient donné un préavis de retraite trois ans au préalable. La liste ne précisait pas si les UT étaient visés par le programme de RE. La liste ne précisait pas si les UT avaient bénéficié du PE, de l’allègement de la charge d’enseignement ou de congés sabbatiques. Lorsqu’il a examiné la liste des retraités, même s’il était certain que trois UT n’avaient pas bénéficié de l’allègement de la charge d’enseignement, M. Bates ne savait pas s’ils avaient reçu une double augmentation.

469        M. Noël, le président de l’agent négociateur depuis juillet 2008, présumait que les arrangements avaient vu le jour après la fin des négociations collectives, en 2007. Il a expliqué que l’agent négociateur intervient très rarement dans les arrangements de retraite, parce qu’ils sont habituellement conclus directement par le membre de l’unité de négociation et le directeur. L’agent négociateur n’intervient que si des problèmes surviennent ou si un membre de l’unité de négociation se voit refuser un arrangement. Ses interventions sont motivées par les plaintes.

470        L’agent négociateur a pris connaissance des deux lettres signées par M. Kowal en 2010, lorsque les deux UT concernés ont rencontré M. Noël, parce qu’ils souhaitaient faire annuler ces lettres. M. Noël n’a pas participé aux discussions qui ont mené à leur obtention du régime à trois volets.

471        Principalement d’après le témoignage de M. Sokolsky, qui était directeur du CMR à l’époque pertinente, je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu’il est plus probable que le contraire qu’on savait que la double augmentation était offerte aux retraités qui donnaient un préavis suffisant. La période pertinente va de juillet 2007, lors de la prise d’effet du PE, à la période antérieure à mars 2011, date de la signature de la convention collective.

472        Même s’il n’y a que deux cas concrets, ceux-ci sont survenus au cours de la période pertinente, immédiatement avant la signature de la convention collective. Manifestement, ces deux enseignants étaient au courant de l’avantage. Leurs doyens et directeurs de département qui ont approuvé les arrangements de retraite étaient au courant de l’avantage. Le directeur de l’établissement qui a accepté d’accorder l’avantage en était manifestement au courant, et il a confirmé peu de temps après le renouvellement de la convention collective qu’il s’agissait d’une pratique existante. L’agent négociateur, qui était l’autre partie au PE même s’il intervenait rarement dans les arrangements de retraite, était au courant de la pratique.

473        Des éléments de preuve ont démontré que M. Cowan avait accordé l’avantage à plusieurs UT entre le 1er juillet 2007 et l’été 2008, lorsque M. Sokolsky est devenu directeur, même si les UT, individuellement, n’ont pas été identifiés. Manifestement, ces UT étaient au courant de l’avantage.

474        M. Hurley connaissait le protocole de façon générale.

Faits postérieurs au 11 mars 2011

475        Peu de temps après le renouvellement de la convention collective, en mars 2011, pour cause de contraintes budgétaires, M. Sokolsky a avisé les doyens et les directeurs de département qu’il n’approuverait plus les offres de retraite prévoyant l’allègement de la charge d’enseignement et la double augmentation.

476        En 2012, dans le cadre du RE, les UT ont été incités à prendre leur retraite au moyen d’avantages nettement supérieurs à ceux offerts dans le PE. La pratique avait manifestement changé.

477        Rien n’indique que la pratique consistant à accorder la double augmentation ait repris après l’achèvement du programme de RE.

478        Les faits qui sont survenus après le 11 mars 2011 ne m’aident pas à déterminer si les arrangements décrits dans le PE étaient connus à l’époque pertinente.

3. Était-il raisonnable?

479        M. Sokolsky a souscrit au PE à l’époque où il a été élaboré en consultation avec le Conseil des doyens. Il était bien au courant de ses dispositions et estimait qu’il était dans l’intérêt supérieur du CMR. En qualité de doyen de la Faculté des arts à l’époque, le PE ne l’empêchait pas d’offrir ses programmes aux étudiants. L’octroi de la double augmentation était une mesure incitative visant à maintenir les normes d’enseignement à l’époque.

480        Le PE a été élaboré en collaboration avec le Conseil des doyens. Il a été conçu en vue de réduire l’effectif. Beaucoup d’établissements ont mis en place des paiements forfaitaires bonifiés ou des mesures incitatives afin d’inciter des employés à prendre leur retraite dans des situations similaires. Compte tenu des faits ultérieurs qui ont exigé la réduction de l’effectif, il me semble qu’il s’agissait d’une mesure raisonnable à l’époque.

481        Selon M. Sokolsky, alors qu’il était directeur, en 2010, le PE s’inscrivait dans les limites budgétaires du CMR immédiatement avant le renouvellement de la convention collective. Il a signé les lettres accordant l’avantage.

482        D’après cette preuve, je conclus que l’avantage composé de la double augmentation était raisonnable à l’époque pertinente, soit immédiatement avant la signature de la convention collective le 11 mars 2011.

Faits postérieurs à mars 2011

483        À l’été 2011, le CMR était aux prises avec une situation budgétaire difficile. M. Sokolsky a informé les doyens des facultés qu’il ne pouvait plus accorder ces avantages, au motif qu’il ne pouvait pas les justifier en période de difficultés financières ni en défendre la pratique.

484         Au cours de l’été 2012, M. Sokolsky a participé à la réduction de l’effectif en présentant des offres aux UT dans le cadre du programme de RE. Les conditions prévues dans le programme de RE étaient meilleures que celles offertes dans le PE. Une fois le programme de RE achevé, la plupart des UT admissibles à la retraite avaient quitté le CMR. Il n’était pas nécessaire de faire quoi que ce soit pour inciter les employés à la retraite.

485        M. Kowal a déclaré que M. Noël l’avait informé à la réunion d’avril 2015 que le PE avait pour but d’inciter les UT à prendre leur retraite. M. Kowal a déclaré qu’à son avis, il ne voulait pas inciter les UT à prendre leur retraite. En réalité, le CMR cherchait à embaucher de nouveaux UT. J’ai entendu la preuve selon laquelle le PE visait à la fois à inciter les UT à prendre leur retraite et à maintenir le rendement dans le domaine de l’enseignement au cours des trois dernières années précédant la retraite. J’ai aussi entendu la preuve selon laquelle en 2012, le CMR devait réduire sensiblement son corps professoral, ce qu’il a fait en offrant de meilleurs arrangements de retraite à ses UT.

486        Cependant, les faits qui ont eu lieu après le 11 mars 2011 ne sont guère utiles pour répondre à la question dont je suis saisi, soit celle de savoir si la pratique en cours immédiatement avant la signature de la convention collective était raisonnable.

4. Le PE peut-il être intégré à la convention collective conformément à la LRTFP

487        L’employeur n’a pas fait valoir que les modalités du PE ne pouvaient pas être intégrées à une convention collective au motif que les modalités du PE n’étaient pas conformes aux dispositions de la Loi.

5. La pratique a-t-elle été appliquée de manière juste et équitable?

488        La dernière condition qui doit être remplie concerne la mise en application juste et équitable de la pratique.

489        M. Sokolsky a déclaré qu’il avait souscrit aux modalités du PE à l’époque de son élaboration, en 2007, et qu’il avait estimé que ce protocole était dans l’intérêt supérieur du CMR. M. Cowan, le directeur, a élaboré le PE conjointement avec les doyens. L’agent négociateur avait recherché cet avantage et y avait manifestement souscrit. M. Sokolsky a déclaré que si l’agent négociateur avait estimé que le PE était inéquitable, il aurait soulevé cette question auprès de lui.

490        Selon M. Kowal, la pratique était inéquitable envers les UT qui ne prenaient pas leur retraite ou la prenaient à un âge différent. MM. Kowal et Bates croyaient que la pratique procurait un avantage inéquitable aux UT qui prenaient leur retraite, puisqu’ils n’avaient qu’à donner un rendement satisfaisant pour recevoir une cote d’évaluation plus élevée, qui comprenait la double augmentation. Cette mesure était inéquitable envers les autres UT, compte tenu du quota de 40 p. 100 en ce qui concerne les cotes d’évaluation « supérieure ».

491        L’agent négociateur a un devoir de représentation équitable envers ses membres et l’obligation de concilier les intérêts opposés entre les membres de l’unité de négociation. Compte tenu du témoignage de M. Sokolsky, je suis convaincu qu’entre le moment où les parties ont conclu le PE et la signature de la convention collective, le 11 mars, la pratique a été appliquée de manière juste et équitable. Je suis convaincu qu’au cours de cette période, il était nécessaire d’inciter les UT qui approchaient de l’âge de la retraite à prendre leur retraite et de les inciter aussi à maintenir leur rendement, ce qui est confirmé par le fait que de nombreux UT approchaient de l’âge de la retraite, comme en témoigne la nécessité de réduire le nombre d’enseignants.

492        En résumé, à titre d’arbitre de grief, je n’ai pas compétence pour instruire et trancher un grief concernant l’allègement de la charge d’enseignement, puisque cette question n’a pas été soulevée dans le grief ni examinée pendant la procédure de règlement des griefs. Cependant, je fais remarquer en passant qu’il est évident qu’un droit absolu à l’allègement de la charge d’enseignement suivi d’un congé sabbatique est incompatible avec les dispositions de l’article 13 de la convention collective.

493        En ce qui concerne le PE, j’ai conclu que l’agent négociateur s’était acquitté de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que toutes les exigences énoncées à l’article 8 de la convention collective afin d’intégrer le PE à la convention collective ont été satisfaites.

494        Compte tenu de cette conclusion, je dois déterminer si le grief de M. Hurley est prématuré.

Le grief est-il prématuré?

495        L’employeur soutient que M. Hurley n’est pas encore lésé parce qu’il n’a pas rempli les formules indiquant une date de retraite. Par conséquent, son grief est prématuré.

496        L’agent négociateur affirme que la procédure s’applique différemment. Les parties se rencontrent et discutent d’un régime de retraite proposé et s’entendent sur les conditions. Ce n’est qu’à ce moment-là que l’employé signe une formule relative à la retraite, parce qu’une fois qu’elle est signée elle est irrévocable.

La preuve

497        M. Sokolsky a décrit la procédure qu’il avait suivie pour les deux cas de 2010. Les enseignants s’étaient adressés à lui individuellement afin de discuter de leur retraite. Ils s’étaient rencontrés. Ces personnes avaient demandé quels seraient les avantages de signer la lettre de retraite irrévocable indiquant une date de retraite fixe.

498        M. Sokolsky a rédigé une lettre exposant leur entente concernant les avantages. Il a confirmé que les UT devaient prendre officiellement leur retraite à une date déterminée, et qu’ils avaient signé la formule normalisée à cet effet. M. Sokolsky a conservé les lettres jusqu’à ce qu’il reçoive les avis de retraite des UT.

499        Dans les circonstances de la présente affaire, la lettre que Mme Luu a envoyée le 21 avril 2016, après le renvoi du grief à l’arbitrage, mentionnait que la date de retraite de M. Hurley n’était toujours pas établie. L’agent négociateur a proposé plusieurs dates de retraite possibles et a déclaré qu’elles étaient flexibles, selon les circonstances.

500        M. Kowal a reconnu une formule intitulée [traduction] « avis de démission/retraite ». Le membre doit remplir la première partie. La formule ne devient officielle qu’au moment où la direction l’accepte, ou encore une personne qui est autorisée à l’accepter. Cette formule était en place en 2015. De plus, le processus de retraite est visé par l’article 38 de la convention collective.

501        M. Kowal a déclaré que le 30 octobre 2015, il a envoyé une lettre à M. Noël afin de confirmer qu’il maintiendrait les modalités du PE jusqu’à la signature d’une nouvelle convention collective.

502        Depuis lors, deux enseignants sont venus le voir avec un avis de démission/retraite faisant renvoi au PE. À la dernière rencontre concernant les augmentations salariales, les deux UT avaient reçu une double augmentation. M. Kowal a accepté leurs lettres de retraite parce que tous deux répondaient aux critères du PE.

503        L’article 38 de la convention collective prévoit ce qui suit :

38.01    Sauf en cas de circonstances atténuantes, l’UT doit donner un préavis d’au moins quatre (4) mois avant son départ à la retraite ou sa démission et choisir une date de départ :

a)          entre la fin des examens de reprise du trimestre d’hiver et le début du trimestre d’automne,

             ou

b)          entre la date de remise des résultats du trimestre d’automne et la fin de la semaine où a lieu le dernier examen de reprise de ce trimestre.

504        M. Kowal a expliqué que l’article 38 de la convention collective prévoit une période minimale de préavis de retraite. Le document doit être signé. Il n’est pas officiel à moins d’être signé, c’est ce qui déclenche le processus de retraite.

505        M. Hurley a déclaré que le jour de son témoignage, sa date de retraite n’était pas coulée dans le béton, et qu’il n’avait pas signé la formule de retraite.

506        M. Kowal a confirmé que le jour de l’audience, M. Hurley n’avait pas encore présenté de formule de retraite ni accepté cette formule.

Argumentation de l’agent négociateur

507        L’employeur affirme que le présent grief est prématuré parce que M. Hurley n’a pas encore signé sa formule de retraite. L’employeur affirme que M. Hurley ne peut pas obtenir les modalités du PE, ni l’une de celles du régime à trois volets avant d’avoir signé sa formule de retraite.

508        En réponse, l’agent négociateur a soutenu que la pratique n’était pas mise en place de cette façon. Selon la pratique, l’UT et le directeur s’entendent verbalement sur les conditions du régime de retraite, après quoi le directeur les met par écrit, puis l’UT signe les documents de retraite irrévocables.

Argumentation de l’employeur

509        M. Hurley n’a pas présenté la formule de retraite après avoir eu la confirmation de  M. Kowal, en octobre 2015, qu’il honorerait les modalités du PE, parce qu’il voulait obtenir plus d’avantages, notamment l’allègement de la charge d’enseignement. Après octobre 2015, il n’était pas nécessaire pour MM. Hurley et Kowal de s’entretenir longuement. M. Hurley n’avait qu’à présenter la formule de retraite, après quoi il aurait eu droit aux avantages prévus dans le PE.

Analyse

510        Comme j’ai conclu que le PE était intégré à la convention collective, il s’ensuit que les règles d’arbitrage concernant l’interprétation des dispositions de la convention collective s’appliquent à l’interprétation du PE.

511        Comme il a été souligné précédemment, la disposition exécutoire du PE est le paragraphe 5, qui est rédigé comme suit :

[Traduction]

Comme on a constaté que le maintien d’un rendement élevé au cours des trois années précédant la retraite exige un effort supplémentaire, les enseignants qui auront déjà signé des formulaires établissant une date de retraite trois ans avant cette date recevront la cote globale « supérieure », sous réserve que leur rendement dans les domaines de l’enseignement, de la recherche et des services, évalués séparément, soit au moins satisfaisant.

[Je souligne.]

512        En l’espèce, l’agent négociateur soutient que la position de l’employeur selon laquelle M. Hurley ne peut obtenir l’avantage de la double augmentation avant d’avoir signé la formule de retraite est une erreur, parce qu’il ne s’agit pas de la pratique passée.

513        Selon la règle fondamentale de l’arbitrage de griefs, les conventions collectives doivent être interprétées sans recourir à des « preuves extrinsèques », à moins que le libellé de la convention ne soit ambigu.

514        Une preuve extrinsèque est une preuve puisée hors du cadre de la convention collective elle-même, par exemple une pratique passée et l’historique des négociations. En règle générale, il n’est pas justifié pour les arbitres de grief de se fonder sur une preuve extrinsèque, à moins que le libellé de la convention collective ne soit ambigu. (Voir Palmer et Snyder, Collective Agreement Arbitration in Canada, cinquième édition, à la clause 2.51.)

515        Personne n’a allégué que le libellé du PE était ambigu et je ne l’ai pas constaté non plus. Le libellé en question est le suivant : [traduction] « les enseignants qui auront déjà signé des formulaires indiquant une date de retraite ». Il est clair et sans ambiguïté. Il s’agit d’une condition préalable dont les parties ont convenu et qui doit être remplie pour avoir droit à l’avantage d’une cote d’évaluation « supérieure », en présumant que les autres critères sont satisfaits.

516        À mon avis, il ne s’agit pas de savoir si le grief est prématuré, mais plutôt de savoir si une condition préalable à l’octroi du droit est remplie.

517        En octobre 2015, M. Kowal a avisé M. Hurley et son agent négociateur qu’il honorerait les modalités du PE jusqu’à la conclusion d’une nouvelle convention collective. Tout ce que M. Hurley avait à faire pour bénéficier de l’avantage était de signer le formulaire de retraite. D’autres employés l’ont fait depuis cette date.

518        Par conséquent, je rejette le grief parce que la condition préalable à l’octroi de la double augmentation n’a pas été remplie.

519        Pour tous les motifs énoncés ci-dessus, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

VII. Ordonnance

520        Le grief concernant l’allègement de la charge d’enseignement est rejeté pour défaut de compétence.

521        Je déclare que le PE en vigueur au 7 juillet 2007 constitue une pratique passée, qui est intégrée à la convention collective de 2011 en vertu de l’article 8 de la convention collective.

522        Le grief concernant le PE est rejeté parce que la condition préalable au droit à la double augmentation, à savoir la signature de la formule de retraite, n’a pas été remplie.

Le 26 avril 2018.

Traduction de la CRTESPF

David Olsen,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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