Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La demanderesse a présenté une demande en vertu de l’article 43 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »), demandant que la Commission réexamine trois décisions que son prédécesseur, la Commission des relations de travail dans la fonction publique, a rendues en 2011, à savoir, Lampron c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2011 CRTFP 29, Johnson c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2011 CRTFP 85, et Johnson c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2011 CRTFP 86 – la Commission a rejeté les plaintes au motif qu’elles avaient été déposées en dehors du délai obligatoire de 90 jours établi au paragraphe 190(2) de la Loi – la demanderesse a fait valoir que le délai de 90 jours n’était plus obligatoire étant donné que la Commission avait suspendu et prolongé tous les délais réglementaires en ce qui concerne les plaintes, les griefs et les affaires de la Commission entre le 23 décembre 2017 et le 2 janvier 2018 en raison de la période des Fêtes – la Commission a conclu que la demanderesse n’avait pas qualité pour demander ce réexamen étant donné que son seul lien avec les plaignants de ces décisions était leur appartenance à la même unité de négociation, comme des dizaines de milliers d’autres employés – en outre, la demanderesse n’était même pas membre du syndicat dont elle souhaitait contester la décision relative à l’adhésion – la Commission a expliqué que les personnes qui avaient un intérêt dans ces décisions de la Commission étaient les trois plaignants qui ont perdu leur adhésion au syndicat et qui ont vu leurs plaintes être rejetées – cependant, ces plaignants n’ont pas demandé le réexamen des décisions – par conséquent, ce ne serait pas faire un bon usage des ressources judiciaires que d’autoriser un justiciable ayant dans une affaire un intérêt tout au plus jurisprudentiel à contester une décision qui n’est principalement pertinente que pour les parties privées concernées.

Demande rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20180522
  • Dossier:  525-34-67, 68 et 69
  • Référence:  2018 CRTESPF 47

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

ELIZABETH BERNARD

demanderesse

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

Répertorié
Bernard c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada


Affaire concernant une demande d’exercice par la Commission de l’un ou l’autre des pouvoirs prévus à l’article 43 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.


Devant:
David Olsen, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour la demanderesse:
Elle-même
Décision rendue sur la base d’arguments écrits,
déposés le 16 janvier 2018.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. La demande

1        La demanderesse, Elizabeth Bernard, a présenté une demande à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral en vertu de l’article 43 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi ») demandant le réexamen de trois décisions que son prédécesseur, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP), a rendues en 2011, à savoir, Lampron c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2011 CRTFP 29, Johnson c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2011 CRTFP 85, et Johnson c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2011 CRTFP 86 (les « décisions »). Il convient de noter que dans la présente décision, la « Commission » renvoie également à l’ancienne Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et à l’ancienne CRTFP.

2        Dans ces décisions, la Commission a rejeté les plaintes alléguant que l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) avait contrevenu à l’article 190 de la Loi en mettant fin à l’adhésion des plaignants au syndicat en raison de leur participation à une autre organisation syndicale. Les plaintes ont été rejetées au motif qu’elles avaient été déposées en dehors du délai obligatoire de 90 jours établi au paragraphe 190(2) de la Loi.

3        Mme Bernard fait valoir qu’entre le 23 décembre 2017 et le 2 janvier 2018, en raison de la période des fêtes, la Commission a suspendu et prolongé tous les délais réglementaires en ce qui concerne les plaintes, les griefs et les affaires de la Commission. Pour cette raison, elle fait valoir que le délai de 90 jours n’est plus obligatoire. Pour ce motif, elle demande à la Commission d’examiner de nouveau le bien-fondé des décisions, plus de six ans après qu’elles aient été rendues.

4        Mme Bernard soutient également que la Commission a omis d’aviser les autres membres de l’unité de négociation des décisions, les privant ainsi de la possibilité d’être entendus.

5        Enfin, Mme Bernard soutient qu’étant donné la décision de 2015 de la Cour suprême du Canada selon laquelle le choix de l’employé est une exigence constitutionnelle pour toute négociation collective significative, la Commission doit trancher la question de savoir si les agents négociateurs peuvent imposer des interdictions à vie aux membres qui exercent leur liberté d’association.

II. Qualité pour agir

6        Mme Bernard n’était partie à aucune des décisions. Elle n’est qu’une employée qui fait partie de la même importante unité de négociation que les trois plaignants dont il est question dans les décisions. Ses observations, en date du 16 janvier 2018, indiquent ce qui suit : [traduction] « Je suis une employée de l’Agence du revenu du Canada (ARC) et membre de la même unité de négociation que les trois employés qui ont fait l’objet d’une mesure disciplinaire de l’IPFPC ».

7        Ce n’est pas la première fois que la demanderesse s’adresse à la Commission pour obtenir le réexamen d’une décision à laquelle elle n’est pas partie.

A. Bernard c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2015 CRTEFP 59

8        Cette affaire portait sur une demande de réexamen en vertu de l’article 43 de la Loi présentée par Mme Bernard visant la décision Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor et Agence du revenu du Canada,2008 CRTFP 13 (« IPFPC 1 »). Elle a fait valoir que les employés qui étaient directement touchés par la décision de la Commission (selon laquelle l’employeur devait communiquer les coordonnées des employés à l’IPFPC) n’ont pas été avisés de l’audience ou de la possibilité de formuler des observations.

9        La Commission a conclu que Mme Bernard n’avait pas qualité pour demander ce réexamen.

10        Pour en venir à cette conclusion, la Commission a tenu compte d’une décision antérieure de la Cour d’appel fédérale qui avait déterminé que Mme Bernard avait qualité pour agir. Elle avait obtenu partiellement gain de cause dans le cadre de son contrôle judiciaire de la décision de la Commission dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada,2008 CRTFP 58 (« IPFPC 2 »). Par conséquent, la Cour d’appel fédérale lui a accordé qualité pour agir dans Bernard c. Canada (Procureur général),2010 CAF 40, afin qu’elle soit entendue dans le cadre du réexamen de cette décision de la Commission, maintenant connue comme « IPFPC 3 ». Dans ces affaires, Mme Bernard contestait le fait que l’employeur ait reçu la directive de communiquer ses coordonnées à domicile à l’IPFPC.

11        La Commission a mentionné que bien que la Cour d’appel fédérale ait accordé à Mme Bernard le droit de participer à IPFPC 3, il s’agissait d’un droit limité accordé en conséquence directe de son contrôle judiciaire d’IPFPC 2 et non en raison d’un droit inhérent.

12        Je souscris à cette analyse et je mentionne également que le contexte de cette affaire était également très différent de celui de l’affaire en l’espèce. Dans cette affaire, Mme Bernard avait obtenu gain de cause dans le cadre d’un contrôle judiciaire d’une décision qui, selon elle, violait son droit à la vie privée. Il s’agissait d’une situation différente de celle dont je suis saisie, dans laquelle Mme Bernard demande à la Commission de réexaminer une décision à l’égard de laquelle elle n’a aucun droit légitime.

13        En ce qui concerne la demande de réexamen en vertu de l’article 43, la Commission a noté ainsi l’importance du caractère définitif au paragraphe 69 :

[69] À mon avis, accorder à la demanderesse un droit de réexamen d’une décision à laquelle elle n’était pas partie serait effectivement un contournement des exigences de l’article 14 du Règlement. Cela constituerait une menace au caractère irrévocable de la décision de la Commission, puisque cela permettrait à toute personne qui n’est pas partie à une décision d’en demander le réexamen. Il s’agit d’un motif fondamental pour conclure que seules les parties à une décision peuvent en demander le réexamen.

14        Une demande de contrôle judiciaire de cette décision a été rejetée (voir Bernard c. Canada (Revenu national), 2017 CAF 40). Une demande d’autorisation d’appel devant la Cour suprême du Canada a également été rejetée (voir Bernard c. ARC, 2017 CarswellNat 3982).

B. Bernard c. Close,2017 CAF 52

15        Mme Bernard a demandé le contrôle judiciaire de la décision de la Commission dans Close c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2016 CRTEFP 18. Dans cette affaire, la Commission devait trancher la question de savoir s’il était raisonnable de refuser un congé payé à deux employés dont le retour au travail après des vacances avait été retardé par une tempête de neige.

16        Dans Bernard c. Close, 2017 CAF 52, la Cour d’appel fédérale a conclu que Mme Bernard n’avait aucun lien avec l’affaire. Rien dans la preuve n’indiquait qu’elle avait été directement touchée par la procédure devant la Commission. La Cour a formulé les commentaires suivants :

[…]

[2] La demanderesse n’était pas partie à l’instance devant la Commission. Elle n’est ni membre du syndicat en cause dans cette instance, ni son employée, et n’a aucun lien avec les défendeurs auteurs des griefs portés devant la Commission. La demanderesse n’a produit aucune preuve tendant à indiquer que la décision de la Commission a porté atteinte à ses droits, lui a imposé des obligations juridiques ou lui a, de quelque manière que ce soit, causé préjudice : Ligue des droits de la personne de B’Nai Brith Canada c. Odynsky, 2010 CAF 307, [2012] 2 R.C.F. 312; La compagnie Rothmans of Pall Mall Canada Ltée c. Canada (M.R.N.), [1976] 2 C.F. 500 (C.A.); Irving Shipbuilding Inc. c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 116, [2010] 2 R.C.F. 488. Partant, la demanderesse n’est pas, au sens du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, « directement touchée » par la procédure engagée devant la Commission.

[3] La demanderesse n’a pas non plus qualité pour agir dans l’intérêt public. Pour se prononcer sur cette question, la Cour doit, à la fois, se demander si une question sérieuse relevant de la compétence des tribunaux est soulevée, si la demanderesse a un « intérêt réel ou véritable » dans l’issue de cette question et si, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’affaire, la poursuite proposée constitue une manière raisonnable et efficace de soumettre la question aux tribunaux : Canada (Procureur général) c. Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society, 2012 CSC 45, [2012] 2 R.C.S. 524, par. 37.

[4] Il convient, en appliquant ces facteurs à la situation en cause, de garder à l’esprit leur justification sous-jacente : « l’affectation appropriée des ressources judiciaires limitées et la nécessité d’écarter les trouble-fête; l’assurance que les tribunaux entendront les principaux intéressés faire valoir contradictoirement leurs points de vue; et la sauvegarde du rôle propre aux tribunaux et de leur relation constitutionnelle avec les autres branches du gouvernement » : Downtown Eastside, par. 25.

[…]

[7] En l’espèce, les parties mécontentes de la décision rendue par la Commission étaient représentées, et rien ne les empêchait de solliciter le contrôle judiciaire de la décision en cause. Or, ces parties n’ont présenté aucune demande en ce sens. Il est possible que leur syndicat, songeant aux intérêts de l’ensemble de ses membres, ait été satisfait des conclusions de la Commission. On peut penser que les parties, ou leur syndicat, ont décidé, sciemment, d’accepter la décision de la Commission ou, à tout le moins, de refuser de la contester. Reconnaître à la demanderesse la qualité pour agir viendrait modifier ce choix […].

[8] Compte tenu de ces circonstances, il faudrait que la Cour, pour permettre à la demanderesse de lui soumettre l’affaire, dispose d’un minimum d’éléments expliquant l’intérêt de la demanderesse dans cette affaire. La demanderesse n’a pas, à cet égard, produit la moindre preuve, faisant uniquement valoir que sa convention collective contient une clause analogue à celle en cause en l’espèce. Or, à supposer que la clause figurant dans sa convention collective donne lieu à un différend, la question pourra être portée devant les tribunaux par les personnes directement touchées.

[9] Selon nous, dans un cas comme celui de l’espèce, ce ne serait pas faire un bon usage des ressources judiciaires que d’autoriser un justiciable ayant dans une affaire un intérêt tout au plus jurisprudentiel, à obtenir le contrôle judiciaire d’une décision qui intéresse surtout les parties privées concernées, alors que ces personnes n’entendent pas elles-mêmes porter l’affaire plus avant. Des dizaines de milliers de personnes se trouvant dans une situation analogue à celle de la demanderesse pourraient, elles aussi, avoir qualité pour agir si nous accordons en l’espèce cette qualité à la demanderesse : voir les préoccupations dont fait état la Cour suprême dans Downtown Eastside, précité, au paragraphe 26 et dans Conseil canadien des églises c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 236, à la page 252. Les questions dont se préoccupe en l’espèce la demanderesse pourraient être soulevées à nouveau à un autre moment et n’échappent aucunement à l’examen judiciaire.

[…]

17        La demande d’autorisation d’interjeter appel de cette décision devant la Cour suprême du Canada été rejetée dans Elizabeth Bernard c. Cecilia Close, CanLII 2017 54653 (CSC).

III. Motifs

18        Le raisonnement de la Commission dans 2015 CRTEFP 59 et celui de la Cour d’appel fédérale dans 2017 CAF 52 s’appliquent de la même façon en l’espèce.

19        Mme Bernard demande à la Commission de réexaminer trois décisions auxquelles elle n’était pas partie et à l’égard desquelles elle n’a aucun droit. Son seul lien avec les plaignants dans les décisions est leur appartenance à la même unité de négociation, comme des dizaines de milliers d’autres employés de l’Agence du revenu du Canada. Mme Bernard n’est même pas membre du syndicat dont elle souhaite contester la décision relative à l’adhésion.

20        Les personnes qui avaient un intérêt dans la décision de la Commission sont les trois plaignants qui ont perdu leur adhésion au syndicat et qui ont vu leurs plaintes devant la Commission être rejetées parce qu’elles ont été déposées en dehors des délais prescrits. Ces plaignants n’ont pas demandé le réexamen des décisions. Comme la Cour l’a dit dans 2017 CAF 52, ce n’est pas faire « un bon usage des ressources judiciaires que d’autoriser un justiciable ayant dans une affaire un intérêt tout au plus jurisprudentiel » à contester une décision qui n’est principalement pertinente que pour les parties privées concernées, qui ne souhaitent pas elles-mêmes porter l’affaire plus avant.

21        Mme Bernard a déjà été avisée plusieurs fois au moyen des décisions de la Commission et de la Cour d’appel fédérale qu’elle n’avait pas qualité pour contester les décisions qui ne la visent pas directement.

22        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

23        La demanderesse n’a pas qualité pour présenter cette demande de réexamen à la Commission. Par conséquent, la demande est rejetée.

Le 22 mai 2018.

Traduction de la CRTESPF

David Olsen,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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