Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a contesté la décision de son employeur de lui offrir un poste de niveau inférieur dans le cadre d’un réaménagement des effectifs – la convention collective prévoyait que « […] [l]es ministères ou les organisations évitent de nommer les employés excédentaires à un niveau inférieur, sauf s’ils ont épuisé toutes les autres possibilités […] » – l’employeur s’est opposé à la compétence de la Commission pour entendre le grief – la Commission a conclu qu’elle avait compétence pour décider si l’employeur avait violé la convention collective – la Commission a conclu que l’employeur avait violé la convention collective en omettant d’évaluer si une période de recyclage aurait permis à la fonctionnaire s’estimant lésée d’acquérir les compétences nécessaires pour occuper un poste de niveau comparable à celui qu’elle occupait avant le réaménagement des effectifs – de plus, la Commission a conclu que l’employeur avait agi de façon arbitraire, puisqu’il a contrevenu à ses propres politiques en n’offrant pas le recyclage à la fonctionnaire s’estimant lésée – la Commission a ordonné à l’employeur d’offrir une période de recyclage à la fonctionnaire s’estimant lésée.

Objection rejetée.
Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20180426
  • Dossier:  566-02-9234
  • Référence:  2018 CRTESPF 36

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

LINE CHOINIÈRE

fonctionnaire s’estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Pêches et des Océans)

employeur

Répertorié
Choinière c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Steven B. Katkin, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour la fonctionnaire s’estimant lésée :
Marie-Hélène Tougas, Institut professionnel de la fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Geneviève Ruel, avocate
Affaire entendue à Rimouski (Québec),
les 17 et 18 septembre 2015 et le 16 février 2016.

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1        La fonctionnaire s’estimant lésée, Line Choinière (la « fonctionnaire »), occupait un poste de Chargée d’équipe, Conservation de l’habitat du poisson, Gestion de l’habitat du poisson, Direction régionale de la Gestion des écosystèmes du ministère des Pêches et des Océans (l’« employeur ») à Mont-Joli (Québec). Ce poste (le « poste BI-04 (Conservation de l’habitat du poisson)») était classifié au groupe et au niveau BI-04.

2        Le 27 juin 2012, l’employeur a informé la fonctionnaire qu’il l’avait identifiée comme employée touchée en vertu de l’Appendice « G » sur le réaménagement des effectifs (l’« ARE »), qui fait partie de la convention collective conclue le 9 juillet 2009 entre le Conseil du Trésor et l’agent négociateur de la fonctionnaire, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, pour l’unité de négociation du groupe Sciences appliquées et examen des brevets (la « convention collective »), et qui a expiré le 30 septembre 2011. L’ARE définit l’expression « employé touché » comme suit :

Employé touché (affected employee) – Employé nommé pour une période indéterminée qui a été avisé par écrit que ses services pourraient ne plus être requis en raison d’une situation de réaménagement des effectifs.

3        Le 27 juin 2012, l’employeur a aussi informé Guy Michaud qu’il l’avait identifié comme employé touché en vertu de l’ARE.

4        Le 14 février 2013, l’employeur a offert à M. Michaud une mutation au poste de Chargé d’équipe, Unité de protection des pêches, Triage et planification, à Mont-Joli. Ce poste (le « poste BI-04 (Triage et planification) ») est classifié au groupe et au niveau BI-04.

5        Le 28 février 2013, M. Michaud a refusé l’offre de mutation au poste BI-04 (Triage et planification).

6        Le 25 mars 2013, l’employeur a informé la fonctionnaire qu’il la déclarait employée excédentaire en vertu de l’ARE. L’ARE définit l’expression « employé excédentaire » comme suit :

Employé excédentaire (surplus employee) – Employé nommé pour une période indéterminée déclaré officiellement excédentaire par écrit par l’administrateur général dont il relève.

7        Le 2 avril 2013, l’employeur a informé M. Michaud qu’il le déclarait employé excédentaire en vertu de l’ARE.

8        Le 3 mai 2013, l’employeur a offert à M. Michaud le poste BI-04 (Triage et planification).

9        Le 6 mai 2013, M. Michaud a accepté l’offre d’emploi pour le poste BI-04 (Triage et planification), avec prise d’effet le 27 mai 2013.

10        Le 31 mai 2013, l’employeur a offert à la fonctionnaire le poste de Coordonnatrice, Liaison avec les clients et partenariats, à Mont-Joli. Ce poste (le « poste PM-05 (Liaison avec les clients et partenariats)») est classifié au groupe et au niveau PM-05.

11        Le 6 juin 2013, la fonctionnaire a accepté l’offre d’emploi pour le poste PM-05 (Liaison avec les clients et partenariats), avec prise d’effet le 10 juin 2013.

12        Le 21 juin 2013, la fonctionnaire a déposé un grief alléguant que l’employeur avait violé la clause 1.1.16 de l’ARE. Le grief se lit comme suit :

Je conteste la décision de l’employeur de me nommer excédentaire dans un niveau inférieur, BI-04 à PM-05, avant d’avoir épuisé toutes les autres possibilités, en contravention avec l’article 1.1.16 de la Directive sur le réaménagement des effectifs. L’employeur n’a pas procédé à l’évaluation de mes compétences de façon appropriée pour ainsi éviter de me nommer à un niveau inférieur. J’occupe le poste de BI-04 depuis 11 ans et j’ai toujours obtenu des évaluations de rendement positives.

13        La clause 1.1.16 de l’ARE se lit comme suit :

1.1.16 La nomination d’employés excédentaires à d’autres postes, avec ou sans recyclage, se fait normalement à un niveau équivalant à celui qu’ils occupaient au moment où ils ont été déclarés excédentaires, mais elle peut aussi se faire à un niveau moins élevé. Les ministères ou les organisations évitent de nommer les employés excédentaires à un niveau inférieur, sauf s’ils ont épuisé toutes les autres possibilités.

14        Comme mesure corrective, la fonctionnaire demande que l’employeur procède à l’évaluation de ses compétences pour un poste au groupe et au niveau BI-04.

15        Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 15 novembre 2013 en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP), soit pour un grief portant sur l’interprétation ou l’application d’une disposition d’une convention collective.

16        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la LRTFP avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la LRTFP, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

17        Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral.

II. Objections préliminaires

18        L’employeur a soulevé une objection à la compétence de la Commission d’entendre le grief de la fonctionnaire et de le trancher. L’employeur a plaidé que l’essence du grief visait une question de dotation, et non pas l’interprétation ou l’application de la convention collective.

19        La deuxième objection de l’employeur visait le fait que la partie du grief alléguant que l’employeur n’avait pas procédé à l’évaluation des compétences de la fonctionnaire de façon appropriée était hors délais.

20        J’ai avisé les parties que je prenais les objections sous réserve, que j’entendrais la preuve sur le bien-fondé du grief et que leurs arguments sur les objections pourraient être présentés lors de leurs plaidoiries. Les parties ont procédé ainsi. Je vais donc décider des objections préliminaires avant de traiter du bien-fondé du grief, s’il y a lieu.

A. Objection à la compétence de la Commission pour entendre le grief

1. Résumé de l’argumentation

a. Pour l’employeur

21        L’employeur a fait valoir que la fonctionnaire avait renvoyé son grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la LRTFP, soit pour un grief portant sur l’interprétation ou l’application d’une disposition d’une convention collective.

22        L’employeur a plaidé que, puisque l’article 209 de la LRTFP est la seule disposition de cette loi attributive de compétence (voir Chamberlain c. Canada (Procureur général), 2015 CF 50, au par. 41), la compétence de la Commission en l’espèce se limite à une question de l’application ou de l’interprétation de la convention collective.

23        L’employeur ne conteste pas la compétence de la Commission en ce qui a trait à l’ARE, mais il a fait valoir que, pour que la Commission puisse exercer sa compétence, le caractère véritable du grief doit porter sur l’application ou l’interprétation de la convention collective. À l’appui de cet argument, l’employeur a cité les décisions suivantes : Swan et McDowell c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 73, aux par. 58 et 59; Pelletier et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 117, au par. 44;  Charrette et al. c. Agence Parcs Canada, 2015 CRTEFP 43, au par. 59.

24        L’employeur a soutenu que, dans son grief, la fonctionnaire conteste l’évaluation de ses compétences, ce qui représente une question de dotation. Selon l’employeur, même si l’ARE fait partie de la convention collective, cela n’élargit pas la compétence de la Commission concernant la dotation dans le cadre d’un grief individuel. Cela serait contraire au principe de deux régimes distincts dans la fonction publique fédérale, soit celui des relations de travail et celui des questions de dotation (voir Pelletier et al., aux par. 41 et suivants). Selon l’employeur, une grande partie du grief de la fonctionnaire porte sur l’évaluation de ses compétences et le déroulement du processus de dotation, ce qui sort du régime des relations de travail.

25        L’employeur a fait valoir que la fonctionnaire cherche une assise pour son grief dans l’ARE, mais que le texte de l’ARE ne traite pas des questions qui ont été soulevées par le grief.

26        L’employeur a souligné qu’en plus du libellé du grief, plusieurs éléments de la preuve portent à la conclusion qu’il s’agit d’une question de dotation. À cet égard, l’employeur a fait référence aux pièces suivantes : le message aux employés concernant une nouvelle structure organisationnelle du Programme de gestion de l’habitat (pièce S-2); la stratégie de dotation du Programme de gestion de l’habitat (pièces S-2-A et E-5); le processus national de dotation (pièce S-5); les processus de sélection auxquels la fonctionnaire a participé (pièces S-10 et S-11); l’évaluation de la fonctionnaire pour le poste PM-05 (Liaison avec les clients et partenariats) (pièce S-19).

27        J’ouvre une parenthèse pour décrire, d’une part, les pièces S-2-A et E-5, et d’autre part, la pièce S-5. La pièce S-2-A est intitulée « Stratégie de dotation du Programme de gestion de l’habitat » qui décrit le processus de dotation en 4 pages suivi de 4 pages comprenant 15 « Questions courantes ». La pièce E-5 consiste  en un courriel en date du 24 octobre 2012 adressé à plusieurs personnes, dont M. Walsh, et qui transmet un communiqué concernant le Programme de protection des pêches destiné aux employés et signé par le sous-ministre adjoint principal, Gestion des écosystèmes et des pêches, ainsi que par le sous-ministre adjoint, Transformation. Ce message est suivi d’un organigramme de la nouvelle structure et la même stratégie de dotation qui se trouve à la pièce S-2-A. La pièce S-5 consiste en un courriel de la directrice générale, Gestion des écosystèmes, en date du 22 novembre 2012 et adressé à M. Walsh entre autres. Ce courriel transmettait un communiqué concernant les prochaines étapes du processus national de dotation, qui informait les employés de la procédure à suivre pour qu’ils soumettent leur candidature aux postes qui pouvaient les intéresser.

28        L’employeur a soutenu que les questions soulevées par le grief de la fonctionnaire, ainsi que les mesures correctives demandées, devraient être traitées par voie d’une plainte de dotation en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP), qui prévoit une procédure de recours complète pour les mesures de dotation au sein de la fonction publique fédérale. Selon l’employeur, le grief de la fonctionnaire n’est pas arbitrable.

29        L’employeur a fait valoir que si la Commission conclue que le grief porte sur une disposition de l’ARE, sa compétence est restreinte à l’interprétation et à l’application de l’ARE (voir Hureau c. Conseil du Trésor (ministère de l’Environnement), 2008 CRTFP 47, au par. 27).

b. Pour la fonctionnaire

30        La fonctionnaire a indiqué que, selon l’intention des parties, l’ARE fait partie de la convention collective (voir Chênevert c. Conseil du Trésor (ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, 2015 CRTEFP 52, au par. 144; Alliance de la Fonction publique du Canada et Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor du Canada, 2013 CRTFP 37, au par. 19; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2015 CRTEFP 10, au par. 67). Elle a ajouté que le libellé du grief allègue une contravention de l’ARE. Par conséquent, la Commission a compétence pour entendre le grief de la fonctionnaire en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la LRTFP.

31        La fonctionnaire a fait valoir que son grief soulève la question suivante : est-ce que l’employeur a enfreint la clause 1.1.16 de l’ARE? Elle a soutenu que la question de l’évaluation de ses compétences était un accessoire du grief. La fonctionnaire a indiqué que la Partie IV de l’ARE traite de qualifications, ce qu’il faut prendre en considération, afin de déterminer s’il y a eu violation de la clause 1.1.16 de l’ARE.

32        La fonctionnaire a souligné que la Commission a compétence pour déterminer si le pouvoir discrétionnaire de l’employeur concernant l’évaluation des compétences de la fonctionnaire a été exercé raisonnablement ou équitablement. À l’appui de cet argument, la fonctionnaire a cité Brown & Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition, au par. 4:2326 (Brown & Beatty).

33        La fonctionnaire a soumis que, puisque l’ARE prévoit la façon dont les postes sont dotés, on ne peut pas dire, qu’en l’espèce, l’évaluation des compétences n’est qu’une question de dotation. Elle a ajouté qu’on ne peut faire abstraction de l’évaluation des compétences en appliquant l’ARE, puisqu’il s’agit de l’exercice qui doit être fait afin d’atteindre les objectifs de l’ARE. Autrement, l’ARE serait vidé de sens. À cet égard, la fonctionnaire a fait référence aux clauses suivantes de l’ARE :

[…]

Partie I

Rôles et responsabilités

1.1 Ministères et organisations

1.1.1 Étant donné que les employés nommés pour une période indéterminée qui sont touchés par un réaménagement des effectifs ne sont pas eux-mêmes responsables de cette situation, il incombe aux ministères ou aux organisations de veiller à ce qu’ils soient traités équitablement et à ce qu’on leur offre toutes les possibilités raisonnables de poursuivre leur carrière dans la fonction publique.

1.1.2 Les ministères ou les organisations réalisent une planification efficace des ressources humaines afin de réduire au minimum les répercussions d'un réaménagement des effectifs sur les employés nommés pour une période indéterminée, sur le ministère ou l’organisation et sur la fonction publique.

[…]

[Les passages en caractères gras le sont dans l’original]

34        Selon la fonctionnaire, lorsque l’employeur établit un processus pour effectuer le réaménagement des effectifs, il se doit de le suivre. Elle a déposé son grief parce qu’elle allègue que l’employeur n’a pas suivi son processus.

2. Motifs

35        À l’époque pertinente en l’espèce, l’alinéa 209(1)a) de la LRTFP se lisait comme suit :

209 (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur:

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

36        Dans la section intitulée « Généralités » de l’ARE, on prévoit ce qui suit sous le titre « Convention collective » : « À l’exception des dispositions dont la Commission de la fonction publique (CFP) est chargée, le présent appendice fait partie de la présente convention collective. »

37        Puisque l’ARE fait partie de la convention collective, la Commission a pleine compétence quant à son interprétation ou à son application en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la LRTFP.

38        L’employeur a fait valoir que l’essence du grief de la fonctionnaire vise le processus de dotation. Je ne puis me rallier à cet argument.

39        Bien que l’employeur ait utilisé un processus de dotation dans le cadre de la restructuration du Programme de gestion de l’habitat sous le nouveau nom de « Programme de protection des pêches », ses obligations envers la fonctionnaire découlent clairement de l’ARE. Plusieurs éléments de la preuve de l’employeur font référence à l’ARE. À titre d’exemple, dans une lettre de l’employeur du 27 juin 2012 adressée à la fonctionnaire (pièce S-3), la fonctionnaire a été identifiée comme « employée touchée » par le réaménagement des effectifs.

40        La lettre du 27 juin 2012, à laquelle était jointe une copie de l’ARE, contient aussi la phrase suivante : « Je vous encourage à consulter votre Entente sur le réaménagement des effectifs ci-jointe. »

41        Comme deuxième exemple, une lettre de l’employeur adressée à la fonctionnaire le 25 mars 2013 (pièce S-16) contient la phrase suivante : « En vertu de l’Entente sur le réaménagement des effectifs vous êtes déclarée une employée excédentaire. » Des références à l’ARE se trouvent aussi dans la section intitulée « Questions courantes » de la stratégie de dotation du Programme de gestion de l’habitat (pièce S-2-A).

42        Qui plus est, la décision de procéder à un réaménagement des effectifs revient à l’employeur. La définition de « réaménagement des effectifs » dans l’ARE se lit comme suit :

Réaménagement des effectifs (workforce adjustment) – Situation qui se produit lorsqu’un administrateur général décide que les services d’un ou de plusieurs employés nommés pour une période indéterminée ne seront plus requis au-delà d’une certaine date en raison d’un manque de travail, de la suppression d’une fonction, de la réinstallation d’une unité de travail à un endroit où l’employé ne veut pas être réinstallé ou du recours à un autre mode d’exécution.

[Je souligne]

43        De plus, la Partie I de l’ARE prévoit les rôles et responsabilités des ministères ou organisations lors d’un réaménagement des effectifs. La clause 1.1.1 de l’ARE prévoit, qu’en situation de réaménagement des effectifs, l’employeur a l’obligation de traiter les employés touchés équitablement. Il s’ensuit que puisque l’ARE confère un pouvoir discrétionnaire à l’employeur, la Commission a la compétence pour déterminer si tel pouvoir a été exercé de manière juste et raisonnable (voir Chênevert, au par. 149 et Brown & Beatty, au par. 4:2326).

44        L’employeur a utilisé un « processus national de dotation » afin de mettre en application les dispositions de l’ARE. La fonctionnaire a souligné que l’employeur a mis en place un processus national de dotation (pièce S-5) afin d’atteindre les objectifs de l’ARE. J’estime, qu’en l’espèce, on ne peut isoler la méthode utilisée par l’employeur pour atteindre les objectifs de l’ARE de l’ARE lui-même, qui fait partie de la convention collective.

45        Je conclus, qu’en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la LRTFP, la Commission a pleine compétence pour déterminer si l’employeur a contrevenu à la clause 1.1.16 de l’ARE à l’égard de la fonctionnaire. L’objection de l’employeur quant à la compétence de la Commission pour entendre le grief est rejetée.

B. Objection au délai de présentation d’une partie du grief

1. Résumé de l’argumentation

a. Pour l’employeur

46        Le 19 décembre 2013, l’employeur a soulevé une objection voulant que la partie du grief de la fonctionnaire concernant l’évaluation de ses compétences ait été soumise hors délais.

47        L’employeur a fait référence à la clause 35.12 de la convention collective, qui se lit en partie comme suit :

35.12 L’auteur du grief peut présenter un grief au premier (1er) palier de la procédure de la manière prescrite au paragraphe 35.06, au plus tard le vingt-cinquième (25e) jour qui suit la date à laquelle l’auteur du grief est informé ou devient conscient de l’action ou des circonstances donnant lieu au grief.[…]

48        La clause 35.17 de la convention collective prévoit le calcul des délais comme suit :

35.17 Lorsqu’il s’agit de calculer le délai au cours duquel une mesure quelconque doit être prise dans le cadre de la présente procédure, les samedis, les dimanches et les jours fériés désignés sont exclus.

49        L’employeur a fait valoir que le grief a été présenté au premier palier le 21 juin 2013. Toutefois, la partie du grief portant sur l’évaluation des compétences de la fonctionnaire ferait référence à des événements survenus en février 2013, ce qui serait donc hors délais.

b. Pour la fonctionnaire

50        La fonctionnaire a répondu à l’objection de l’employeur le 8 janvier 2014. La fonctionnaire a précisé que la nature du grief porte sur le non-respect de la clause 1.1.16 de l’ARE, et que la question de l’évaluation de ses compétences ne constituerait qu’une question accessoire au processus de réaménagement des effectifs dont elle a fait l’objet.

2. Motifs

51        Il est vrai, comme l’a souligné l’employeur, que certains événements concernant la situation de la fonctionnaire ont eu lieu en février 2013. Cependant, afin de dresser un portrait complet, il faut examiner la chronologie de ces événements en fonction de la preuve.

52        Jean-Yves Savaria était gestionnaire régional de la Gestion de l’habitat du poisson pour la Région du Québec; poste classifié BI-05. Il était le superviseur de la fonctionnaire. Dans un courriel du 19 février 2013 adressé à M. Savaria (pièce S-12), la fonctionnaire résumait sa compréhension de leur rencontre du 14 février 2013, et elle lui demandait de confirmer si sa compréhension était exacte.

53        Le courriel de la fonctionnaire indique, entre autres, que M. Savaria l’avait informée que les postes de Chargé d’équipe, Protection des pêches, Liaison avec les clients et partenaires, Normes et lignes directrices, classifié au groupe et au niveau BI-04, à Mont-Joli (le « poste BI-04 (Normes et lignes directrices) ») et BI-04 (Triage et planification) avaient été offerts à d’autres employés, et que l’employeur avait l’intention de lui offrir le poste PM-05 (Liaison avec les clients et partenariats). La fonctionnaire précise qu’elle a questionné M. Savaria sur la procédure concernant l’offre de ce poste, et que celui-ci lui aurait répondu que le processus au niveau des ressources humaines était complexe, et qu’il n’était pas clair selon lui comment l’employeur procéderait. M. Savaria lui a suggéré de consulter au besoin Dan Dupuis, un conseiller en ressources humaines.

54        M. Savaria a répondu à la fonctionnaire par courriel le 27 février 2013 (pièce     E-2). Celui-ci se lit en partie comme suit :

[…]

[…] D’emblée, je tiens à préciser que l’objectif premier de la rencontre était de t’aviser de façon informelle que tes collègues se verraient remettre une lettre d’offre pour les deux postes de bi-04 prévus dans le nouvel organigramme. […]

Bien que certains éléments dans le compte-rendu que tu proposes gagneraient à être précisés, je ne crois pas qu’il soit pertinent pour moi de commenter plus à fond à ce stade-ci. Je comprends que la plupart de ces éléments ont été discutés dans un cadre de rencontres plus formel avec la gestion, rencontres auxquelles participaient tes représentants syndicaux.

[…]

[Je souligne]

55        Ces documents démontrent que la situation de la fonctionnaire n’avait pas encore été formalisée en date du 14 février 2013.

56        La fonctionnaire a été informée par lettre du 25 mars 2013 (pièce S-16) que l’employeur l’avait déclarée employée excédentaire.

57        Dans une lettre du 31 mai 2013, l’employeur a officiellement présenté à la fonctionnaire une offre d’emploi au poste PM-05 (Liaison avec les clients et partenariats) (pièce S-17), dont le titre était Coordonnatrice, Liaison avec les clients et partenariats. Je considère que c’est à cette date que la fonctionnaire a été en mesure de s’estimer lésée par l’interprétation ou l’application à son égard de la clause 1.1.6. de l’ARE; pour emprunter les termes de la clause 35.12 de la convention collective, ce n’est qu’à cette date que la fonctionnaire a ‘été informée ou est devenue consciente de l’action ou des circonstances donnant lieu au grief.’ La fonctionnaire a accepté l’offre d’emploi le 6 juin 2013 (pièce S-17). Elle a déposé son grief le 21 juin 2013, soit à l’intérieur du délai prévu à la clause 35.12 de la convention collective.

58        Par conséquent, je rejette l’objection de l’employeur quant au délai de présentation du grief en ce qui concerne l’évaluation des compétences de la fonctionnaire.

III. Résumé de la preuve

59        La fonctionnaire a témoigné pour elle-même. Elle a également cité à témoigner M. Michaud, titulaire du poste BI-04 (Triage et planification). L’employeur a cité un témoin, Gordon Walsh, qui était le directeur régional, Gestion des écosystèmes, au moment des événements donnant lieu au grief.

60        La fonctionnaire, qui détient une maîtrise en biologie, a commencé son emploi avec l’employeur en 1997 à Mont-Joli dans un poste au groupe et au niveau BI-02. En 2001, elle a été nommée au poste BI-04 (Conservation de l’habitat du poisson), poste qu’elle a occupé jusqu’en 2013.

61        Elle a déclaré, lors de son témoignage que, pendant cette période, elle était chargée de cinq programmes de l’employeur et que son équipe comptait entre 11 et 17 employés. Elle a dû développer un nouveau secteur d’activités pour l’application des stratégies de la mise en œuvre de la politique de gestion de l’habitat du poisson. La fonctionnaire cite les programmes dont elle était responsable et ses réalisations dans son curriculum vitæ (pièce S-9).

62        Le grief de la fonctionnaire résulte du Plan d’action économique 2012 annoncé par le gouvernement fédéral dans la présentation de son budget de 2012. En vertu de ce plan, l’ensemble de la fonction publique devait trouver un moyen de réduire les effectifs afin de diminuer les dépenses gouvernementales.

63        Dans un message à tous ses employés en juin 2012 (pièce E-4), l’employeur a annoncé qu’afin de réaliser des économies, il transformerait « […] la façon dont il assure la protection des pêches et dont il exécute le programme de gestion de l’habitat au pays. […] »

64        Tel qu’il est mentionné précédemment, pour arriver à ses fins, l’employeur devait appliquer l’ARE, dont les objectifs se lisent comme suit :

Généralités

[…]

Objectifs

Le Conseil du Trésor a pour politique d’optimiser les possibilités d’emploi pour les employés nommés pour une période indéterminée en situation de réaménagement des effectifs, en s’assurant que, dans toute la mesure du possible, on offre à ces employés d’autres possibilités d’emploi. On ne doit toutefois pas considérer que le présent appendice assure le maintien dans un poste en particulier, mais plutôt le maintien d’emploi.

À cette fin, les employés nommés pour une période indéterminée et dont les services ne seront plus requis en raison d’un réaménagement des effectifs et pour lesquels l’administrateur général sait ou peut prévoir la disponibilité d’emploi se verront garantir qu’une offre d’emploi raisonnable dans l’administration publique centrale leur sera faite. Les employés pour lesquels l’administrateur général ne peut faire de garantie pourront bénéficier des arrangements d’emploi, ou formules de transition (parties VI et VII).

[…]

65        Le 24 octobre 2012, l’employeur informait la haute gestion qu’il avait finalisé sa stratégie pour mettre en vigueur, à compter du 2 janvier 2013, une nouvelle structure organisationnelle au niveau national appelée « Programme de protection des pêches » (pièce E-5). Ce même courriel expliquait qu’un processus national de dotation serait établi et consisterait en trois étapes. Au cours de la première étape, les employés touchés du Programme de la gestion de l’habitat devraient déclarer leur intérêt pour les postes pour lesquels ils étaient qualifiés. Dans la deuxième étape, les employés ayant des statuts prioritaires seraient pris en considération, d’abord chez l’employeur et ensuite au sein de la Commission de la fonction publique. Si des postes demeuraient vacants après ces deux étapes, alors un processus officiel annoncé serait amorcé à la troisième étape. La même annonce indiquait que les occasions d’échanges de postes adéquats seraient aussi saisies.

66        M. Walsh a fait part du contenu du courriel du 24 octobre 2012 aux employés lors d’une rencontre tenue ce jour-là. La fonctionnaire a assisté à cette rencontre et elle a pris des notes (pièce S-4). Selon le témoignage de la fonctionnaire en contre-interrogatoire, M. Walsh a dit que les employés qui désiraient un poste devaient soumettre leur candidature. Selon les notes de la fonctionnaire ainsi que son témoignage, M. Walsh a dit que les employés qui ne manifestaient pas d’intérêt pour un poste recevraient des lettres d’employés optant (selon l’échange de postes) vers le mois de décembre 2012. Je note que l’expression « employé optant » est une des expressions définie dans l’ARE; l’ARE la définit comme suit :

Employé optant(opting employee) – Employé nommé pour une période indéterminée dont les services ne seront plus requis en raison d’une situation de réaménagement des effectifs et qui n’a pas reçu de l’administrateur général de garantie d’une offre d’emploi raisonnable. L’employé a cent vingt (120) jours pour envisager les options offertes à la section 6.3 du présent appendice.

67        Le témoignage de la fonctionnaire à cet égard a été corroboré par M. Michaud, qui a assisté à la même rencontre du 24 octobre 2012. Dans une lettre du 28 février 2013 adressée à M. Walsh (pièce S-24), M. Michaud a écrit ce qui suit :

[…]

[…] Ainsi, le 24 octobre 2012, lors d’une rencontre que vous avez convoquée pour expliquer la nouvelle structure du PPP, vous avez mentionné ce qui suit : « L’employé qui ne manifeste pas d’intérêt (pour un poste) recevra une lettre d’optant ». […]

[…]

68        M. Michaud n’a pas été contre-interrogé.

69        En contre-interrogatoire, M. Walsh a nié avoir dit que les employés qui ne suivaient pas le processus de la mise en candidature seraient disqualifiés. Il a dit qu’il se pouvait qu’il ait mentionné ce qui était écrit dans les notes de la fonctionnaire, mais qu’il parlait au conditionnel. De plus, il a nié avoir affirmé que les employés qui ne posaient pas leur candidature recevraient automatiquement une lettre d’optant.

70        M. Walsh a indiqué que l’employeur offrait aux employés de la formation pour des entrevues et pour la préparation de leur dossier. M. Walsh a aussi dit que les employés qui voulaient quitter de façon volontaire devaient faire une réflexion et que des services de conseillers financiers avaient été mis à leur disposition.

71        Dans le processus national de dotation (pièce S-5), l’employeur informait les employés de la procédure à suivre pour qu’ils soumettent leurs candidatures aux postes qui pouvaient les intéresser au sein de la nouvelle organisation. Afin de participer au processus, les employés devaient indiquer les postes pour lesquels ils voulaient être considérés, qu’ils s’agissaient de postes d’un niveau équivalent, supérieur ou inférieur à ceux de leur poste d’attache.

72        Les formulaires que les employés devaient remplir pour soumettre leurs intérêts pour les postes à doter (pièces S-5-A et S-5-B) mentionnaient ce qui suit :

[…]

À défaut de communiquer vos choix d’ici le vendredi 14 décembre 2012, nous estimerons que vous avez choisi de ne pas prendre part à l’exercice. Dans un tel cas, le ministère devra déterminer les prochaines étapes en tenant compte de la politique sur le réaménagement des effectifs.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

73        Avant la restructuration, il y avait trois postes BI-04 à Mont-Joli, dont celui alors occupé par la fonctionnaire. Dans la nouvelle organisation, un de ces postes a été supprimé et les deux autres postes BI-04 ont été modifiés et sont devenus les postes BI-04 (Normes et lignes directrices) et BI-04 (Triage et planification).

74        La fonctionnaire a posé sa candidature pour chacun de ces postes le 14 décembre 2012 (pièces S-10 et S-11). Il n’est pas contesté que la fonctionnaire a posé sa candidature pour ces postes selon les règles applicables.

75        Le poste BI-04 (Normes et lignes directrices) a été offert à Alain Guitard. Le poste BI-04 (Triage et planification) a été offert à M. Michaud.

76        M. Michaud n’a soumis sa candidature pour aucun poste. Il a reçu une lettre du 27 juin 2012 l’avisant qu’il était un employé touché (pièce S-20). Dans un courriel à M. Walsh le 20 décembre 2012, M. Michaud l’avisait qu’il n’avait pas soumis sa candidature et que, puisque son intention était de quitter la fonction publique, il désirait obtenir le statut d’employé optant (pièce S-21).

77        Dans une lettre du 14 février 2013, l’employeur a offert à M. Michaud une mutation au poste BI-04 (Triage et planification) (pièce S-22). La lettre indiquait, qu’en acceptant la mutation, le statut de M. Michaud à titre d’employé touché serait « annulé ».

78        Dans un courriel à M. Walsh le 18 février 2013 (pièce S-23), M. Michaud a réitéré le fait qu’il n’avait soumis sa candidature pour aucun poste du nouvel organigramme du Programme de protection des pêches et qu’il s’était porté volontaire parmi les titulaires des postes BI-04 touchés par les compressions pour obtenir un statut d’optant vu son intention de quitter la fonction publique.

79        Dans sa lettre du 28 février 2013 adressée à M. Walsh (pièce S-24), M. Michaud a expliqué son refus de l’offre de mutation. Il a mentionné qu’à plusieurs reprises il avait fait savoir à la direction qu’il se portait volontaire pour être un employé optant. En se référant aux règles qui avaient été établies pour la dotation des postes, M. Michaud a écrit ce qui suit :

[…]

[] contrairement aux procédures établies et malgré que je n’aie pas soumis d’intérêt pour aucun poste, on a intégré ma candidature à l’exercice de dotation, procédé à mon évaluation sur la seule base des références et on m’a offert un poste pour lequel je n’ai pas exprimé d’intérêt. Tout cela sans m’aviser ou me consulter et en écartant un autre candidat BI-04 qui avait participé au processus selon les règles établies.

[…]

80         Dans une lettre du 3 mai 2013 et signée par M. Walsh (pièce S-25), l’employeur a fait à M. Michaud une offre d’emploi pour le poste BI-04 (Triage et planification). La lettre l’avisait que, s’il refusait l’offre et qu’aucun autre emploi ne pouvait lui être trouvé, il serait mis en disponibilité. M. Michaud a témoigné qu’il avait accepté l’offre le 6 mai 2013, car il ne voulait pas risquer d’être mis en disponibilité et possiblement être obligé de déménager.

81        M. Michaud a occupé ce poste du 27 mai 2013 au 15 janvier 2015, date de sa retraite. Il a dit que pendant cette période, il avait été absent pendant 58 semaines sur les 101 semaines et qu’un biologiste BI-02 de Québec l’avait remplacé de façon intérimaire. Le poste est demeuré vacant de la retraite de M. Michaud jusqu’à une nomination faite en septembre 2015.

82        M. Michaud a témoigné que ce nouveau poste comportait moins de responsabilités que les postes qu’il avait déjà occupés au sein de l’employeur. Il devait surveiller deux employés et n’avait aucun budget. Selon lui, il s’agissait plus d’un rôle de conseiller que de gestionnaire.

83        Il avait questionné la gestion sur les exigences linguistiques du nouveau poste, soit unilingue français. Selon lui, les postes BI-04 étaient toujours bilingues car il fallait possiblement travailler avec des agents des pêches en anglais, et que lors de consultations avec les agents des bureaux à Ottawa concernant l’élaboration de nouvelles politiques et procédures, cela se faisait en anglais. M. Michaud a dit que lors de sa nomination au nouveau poste, les résultats de ses évaluations de langue seconde n’étaient plus valides. La gestion lui a dit que l’aspect bilingue du poste sera couvert par l’employé occupant le poste BI-05.

84        M. Michaud a témoigné que sur ses 26 années en tant que fonctionnaire fédéral, il avait été un employé de l’employeur pendant 24 années, dont environ 15 années à la Gestion de l’habitat du poisson. Pendant cette période, il a occupé un poste BI-03 dans l’équipe de la fonctionnaire et il a agi dans le poste BI-04 (Conservation de l’habitat du poisson) de façon intérimaire pendant 2 ans et demi, pendant le congé de cette dernière. Il a affirmé qu’après avoir occupé tous les postes de gestion, il estimait que le poste BI-04 (Conservation de l’habitat du poisson) occupé par la fonctionnaire était infiniment plus exigeant et plus complexe que le poste BI-04 (Triage et planification).

85        M. Walsh a déclaré, lors de son témoignage, que la stratégie de dotation du Programme de gestion de l’habitat (pièces S-2-A et E-5) a été suivie selon les normes de la dotation à laquelle a été ajouté le critère de sélection de la « bonne personne ». Selon lui, lorsqu’un employé soumettait sa candidature pour un poste équivalent, on l’évaluait seulement selon ce critère. Si sa candidature était soumise pour un poste à un niveau supérieur, on l’évaluait sur l’ensemble des critères de mérite.

86        M. Walsh a dit qu’au niveau national, il avait été décidé de ne pas demander les évaluations de rendement, car elles ne sont pas faites de façon cohérente à travers le pays et que ce ne sont pas tous les employés qui ont des évaluations annuelles.

87        Le comité d’évaluation qui a évalué la fonctionnaire était formé de MM. Walsh, Savaria et Dupuis. M. Walsh a dit que puisque M. Dupuis ne connaissait pas les compétences de la fonctionnaire, M. Savaria et lui ont procédé à son évaluation et que c’est M. Walsh qui prenait la décision finale. M. Walsh a déclaré que M. Savaria faisait partie du comité car il connaissait les employés touchés, et que les membres du comité pouvaient utiliser leurs connaissances des employés pour l’évaluation. À cet égard, le processus national de dotation (pièce S-5) contentait la phrase suivante dans la section intitulée « Autres instructions » : « Les gestionnaires pourront se référer à leur connaissance personnelle des candidats dans le cadre du processus d’évaluation afin de valider les renseignements fournis. » M. Walsh a dit que, dans le processus d’évaluation pour la dotation des postes, le comité commençait avec les postes de niveau plus élevé pour passer à ceux de niveau plus bas par la suite.

88        M. Walsh a fait référence à un guide d’équivalence de postes pour le Programme de protection des pêches (pièce E-6), et il a déclaré que les équivalences avaient été calculées à partir des salaires en vigueur à l’époque, avec un écart de 4 %. Je note que ce guide indique qu’un poste au groupe et au niveau BI-04 n’équivaut qu’à un autre poste au groupe et au niveau BI-04.

89        En ce qui a trait aux employés qui se portaient volontaires pour être des employés optants, M. Walsh a fait référence à un courriel du 4 janvier 2013 envoyé à la haute gestion par Francine Séguin, Coordonnatrice nationale du réaménagement des effectifs, Direction des ressources humaines de l’employeur (pièce E-7). Selon ce courriel et le témoignage de M. Walsh, le statut d’employé optant était accordé en priorité aux employés des bureaux de l’employeur qui devaient fermer, car l’objectif était de doter les postes dans la nouvelle structure et de maintenir l’emploi des employés. M. Walsh a dit qu’il fallait remplir l’organigramme et doter les postes. Dans la région du Québec, les bureaux visés étaient ceux de Montréal, Gaspé et Sept-Îles. Pour ce qui était des employés qui n’avaient pas soumis leur candidature pour un poste dans un endroit qui demeurait ouvert, le courriel prévoyait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Les employés qui n’ont pas présenté leur déclaration d’intérêt concernant un endroit qui doit demeurer ouvert devront attendre pour voir s’il demeure des postes vacants une fois l’évaluation terminée. S’il existe des postes vacants au PPP [programme de protection des pêches] ou dans un autre secteur du MPO/GCC [ministère des Pêches et des Océans/Garde côtière canadienne], ils peuvent se voir offrir une GOER [garantie d’une offre d’emploi raisonnable]. Il ne s’agit pas d’un choix automatique.

[…]

90        M. Walsh a dit que 50 employés dans son organisation étaient des employés touchés et que 40 postes avaient été comblés dans la nouvelle structure organisationnelle.

91        En ce qui a trait à l’évaluation de la fonctionnaire pour les postes BI-04 (Normes et lignes directrices) et BI-04 (Triage et planification) (pièce S-18), M. Walsh a dit que le comité d’évaluation avait examiné les deux manifestations d’intérêt de la fonctionnaire et il avait conclu qu’elle ne satisfaisait pas à certains critères de mérite. Selon lui, si une des compétences n’était pas satisfaite, le comité considérait que la fonctionnaire n’avait pas la compétence pour le poste. Partout au Canada, la cote de passage de chacun des critères de sélection a été établie à trois points sur une échelle de cinq.

92        M. Walsh a mentionné que le comité d’évaluation avait arrêté l’évaluation de la fonctionnaire après un ou deux critères. Il a reconnu le fait que s’il avait continué l’évaluation, le résultat aurait pu être différent. Comme un employé touché devait satisfaire à tous les critères, dès qu’il ne satisfaisait pas à la note de passage pour un critère, l’évaluation était arrêtée.

93        Dans le cas de la fonctionnaire, le comité d’évaluation a jugé qu’elle ne satisfaisait pas à deux critères de mérite, soit le critère AB10 (capacité de prendre des décisions dans le cadre de la gestion d’équipes et d’autres spécialistes); et le critère AB12 (capacité d’assurer du leadership et la supervision opérationnelle (capacité de prendre des décisions dans le cadre de la gestion d’équipes et d’autres spécialistes)). Les observations du comité pour ces deux critères étaient les mêmes.

94        Dans son témoignage en chef, la fonctionnaire a affirmé que ses supérieurs ne lui avaient jamais fait part du fait que le leadership était une lacune au cours de ses 11 années en tant que Chargée d’équipe, Conservation de l’habitat du poisson. L’employeur n’a présenté aucune preuve pour contredire ce témoignage. La fonctionnaire a reconnu qu’on lui avait fait quelques remarques sur des échéances, mais celles-ci n’avaient pas d’impact opérationnel.

95        Selon la fonctionnaire, son évaluation par le comité d’évaluation était fondée sur des anecdotes, et non pas sur l’ensemble de ses réalisations.

96        En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a reconnu avoir dit à ses supérieurs qu’elle éprouvait des difficultés de gestion, car elle avait une lourde charge de travail, et qu’elle en avait de plus en plus.

97        Lorsque confrontée à un courriel qu’elle avait fait parvenir à M. Savaria le 1er mars 2012 dans lequel elle avait exprimé son intérêt à changer de poste pour un poste BI-03 (pièce E-1) ou à obtenir une affectation si possible à court terme, la fonctionnaire a dit qu’il s’agissait d’une réflexion. À la question de savoir si cette demande n’était pas en contradiction avec sa position concernant le poste PM-05 (Liaison avec les clients et partenariats) qu’on lui a offert, la fonctionnaire a répondu qu’il y avait une énorme différence entre les deux approches et qu’elle avait dit à ses supérieurs que si des postes qui l’intéressaient devenaient disponibles, elle voudrait en discuter.

98        M. Walsh a dit que la fonctionnaire ne pouvait pas se voir offrir un poste à son niveau. Il a cherché des options dans la région mais il y avait peu de postes
BI-04 disponibles. Les seuls postes disponibles étaient BI-02 et PM-05 (Liaison avec les clients et partenariats). M. Walsh a dit que l’employeur et lui préféraient offrir à la fonctionnaire le poste PM-05 (Liaison avec les clients et partenariats), car le salaire et les responsabilités étaient plus près du poste BI-04 (Conservation de l’habitat du poisson) que la fonctionnaire avait occupé et que la fonctionnaire était bonne pour développer des partenariats. Un des objectifs de la nouvelle structure était d’augmenter les partenariats,  avec entre autres les Autochtones. Ce poste n’existait pas dans l’ancienne organisation. La fonctionnaire a témoigné qu’elle n’avait aucune expérience avec les Autochtones.

99        En contre-interrogatoire, M. Walsh a convenu que toutes les étapes décrites dans la stratégie de dotation du Programme de gestion de l’habitat (pièces S-2-A et E-5) communiquée aux employés le 24 octobre 2012, ainsi que les dispositions de la convention collective, devaient être suivies.

100        L’étape 1 de la stratégie de dotation du Programme de gestion de l’habitat (pièces S-2-A et E-5), intitulée « Processus de mutation » et visant les employés présentant des déclarations d’intérêt pour des postes au groupe et au niveau identiques ou équivalents, stipule ce qui suit : « Les candidats aux postes de direction, par exemple BI-4 et BI-5, devront passer une entrevue visant à évaluer leurs compétences de leadership. » M. Walsh a dit qu’il n’y a pas eu d’entrevues et que cette phrase visait les employés touchés qui posaient leur candidature à des postes BI-04 ou BI-05, mais qui n’étaient pas de ces niveaux, et non les employés touchés qui posaient leur candidature à un poste de niveau équivalent.

101        Toutefois, à la question de savoir pourquoi la fonctionnaire n’avait pas été convoquée en entrevue pour valider le critère de leadership pour lequel elle n’avait pas atteint la note de passage, M. Walsh a répondu qu’il ne savait pas pourquoi le document stipulait qu’une entrevue devait être tenue, la gestion avait plutôt décidé de ne pas tenir d’entrevues pour les employés touchés qui posaient leur candidature à des postes de niveau équivalent. Il a par la suite reconnu qu’il ne pouvait pas dire que les entrevues étaient seulement pour les employés touchés qui posaient leur candidature à des postes de niveau supérieur.

102        On a renvoyé M. Walsh au document contenant la stratégie de dotation du Programme de gestion de l’habitat (pièces S-2-A et E-5) dans lequel, dans une section sous l’étape 1 intitulée « Remarque », il est écrit ce qui suit :

Si on estime qu’un individu n’a pas satisfait aux qualifications essentielles de l’énoncé des critères de mérite, on doit considérer une période de recyclage de deux ans conformément à la Directive sur le réaménagement des effectifs et le prendre en compte dans le processus de décision finale.

[…]

103        De même, le courriel du 4 janvier 2013 envoyé à la haute gestion par Mme Séguin (pièce E-7) contient ce qui suit :

[Traduction]

[…]

L’employé qui échoue (ou qui ne répond pas) au critère de la bonne personne et qui échoue dans le cadre du processus alors que des postes vacants sont disponibles, sera évalué afin de déterminer si un plan de recyclage avec deux ans de formation de recyclage est réalisable. Ces situations seront traitées au cas par cas.[…]

[…]

104        On a mentionné à M. Walsh la rencontre du 14 février 2013 entre M. Savaria et la fonctionnaire, au cours de laquelle cette dernière a été informée de façon informelle que M. Guitard aurait le poste BI-04 (Normes et lignes directrices) et que M. Michaud aurait le poste BI-04 (Triage et planification). M. Walsh a dit qu’en date du 14 février, l’employeur avait offert un poste à M. Michaud (pièce S-22), sans savoir s’il l’accepterait.

105        M. Walsh ne se souvenait pas dans quel ordre les employés touchés avaient été évalués ni si le comité d’évaluation avait évalué la fonctionnaire ou M. Guitard en premier.

106        M. Walsh a reconnu qu’en ce qui concerne l’évaluation de la fonctionnaire, le comité d’évaluation n’a pas évalué les critères AB13 (capacité d’établir des relations et de travailler avec d’autres personnes pour trouver des solutions collaboratives à des problèmes complexes) et P11 (innovation). Lorsque le comité décidait qu’une compétence était insuffisante, il n’évaluait pas les autres compétences.

107        À la question de savoir pourquoi la fonctionnaire n’avait pas été évaluée sur le premier critère, AB9 (capacité de fournir des conseils stratégiques concernant des approches et des méthodes permettant de résoudre des problèmes et des questions en matière réglementaire), pour le poste BI-04 (Triage et planification), M. Walsh a répondu que le comité d’évaluation avait évalué le critère AB12 (capacité d’assurer du leadership et la supervision opérationnelle (capacité de prendre des décisions dans le cadre de la gestion d’équipes et d’autres spécialistes)) et que la fonctionnaire n’avait pas obtenu la note de passage.

108        Puisque M. Michaud avait refusé la mutation au poste BI-04 (Triage et planification) le 28 février 2013 (pièce S-24), M. Walsh a reconnu qu’à cette date, ce poste était toujours vacant. Ce poste n’a pas été offert à la fonctionnaire et on n’a pas offert un recyclage à la fonctionnaire afin qu’elle puisse satisfaire aux qualifications du poste, même si elle avait été déclarée employée excédentaire le 25 mars 2013 (pièce S-16), soit avant M. Michaud, qui a été déclaré excédentaire le 2 avril 2013 (pièce S-28).

109        À la question de savoir pourquoi il n’avait pas suivi les directives à l’étape 2 intitulée « Considération des employés prioritaires » de la stratégie de dotation du Programme de gestion de l’habitat (pièces S-2-A et E-5), M. Walsh a répondu qu’il avait choisi d’offrir un autre poste à la fonctionnaire, car il estimait qu’elle n’était pas qualifiée pour les postes BI-04 (Normes et lignes directrices) et BI-04 (Triage et planification). M. Walsh a dit qu’il n’avait pas offert le poste PM-05 (Liaison avec les clients et partenariats) à M. Michaud et qu’il n’avait pas évalué ce dernier pour le poste BI-04 (Normes et lignes directrices), car M. Guitard pouvait combler ce poste.

110        M. Walsh a dit que M. Savaria et lui connaissaient très bien M. Michaud, car ils l’avaient supervisé pendant plusieurs années, et que son évaluation correspondait à leurs connaissances. Ils ont déterminé qu’il avait les compétences pour combler le poste de BI-04 (Triage et planification).

111        En ré-interrogatoire, M. Walsh a dit que la différence entre les critères AB10 (capacité de prendre des décisions dans le cadre de la gestion d’équipes et d’autres spécialistes) et AB12 (capacité d’assurer du leadership et la supervision opérationnelle (capacité de prendre des décisions dans le cadre de la gestion d’équipes et d’autres spécialistes)) était que le premier critère était pour le poste BI-04 (Triage et planification) seulement, alors que le deuxième critère était commun aux postes BI-04 (Normes et lignes directrices) et BI-04 (Triage et planification). Si un employé touché posait sa candidature aux deux postes, le comité d’évaluation évaluait les compétences communes aux deux postes.

112        En ce qui a trait au recyclage, M. Walsh a dit qu’on ne l’avait pas offert à la fonctionnaire car il estimait qu’elle n’avait pas les compétences pour les postes BI-04 (Normes et lignes directrices) et BI-04 (Triage et planification). Toutefois, il a reconnu que le comité d’évaluation n’avait pas fait l’analyse à savoir si la fonctionnaire pouvait acquérir les connaissances à l’aide du recyclage.

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire

113        La fonctionnaire ne conteste pas que l’employeur avait le choix d’établir la procédure à suivre dans le cadre de la dotation des postes de la nouvelle structure. Elle ne conteste pas également avoir postulé aux deux postes BI-04 (Normes et lignes directrices) et BI-04 (Triage et planification) et avoir été évaluée.

114        La fonctionnaire souligne qu’elle n’a pas été convoquée en entrevue ni n’a reçu d’offre de recyclage. Elle a ajouté que M. Michaud n’a pas posé sa candidature selon la procédure communiquée aux employés, qu’il n’a pas fait de déclaration d’intérêt ni de lettre de présentation. M. Michaud n’a pas été évalué pour le poste BI-04 (Normes et lignes directrices) et il n’a pas passé d’entrevue, et le seul poste qui lui a été offert était celui de BI-04 (Triage et planification).

115        La fonctionnaire soumet qu’elle a été déclarée employée excédentaire, et donc prioritaire, le 25 mars 2013, alors que M. Michaud n’a été déclaré employé excédentaire que le 2 avril 2013. La fonctionnaire souligne qu’elle avait un statut prioritaire en vertu des articles 40 et 41 de la LEFP,ainsi que de l’article 5 du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, DORS/2005-334.

116        L’offre de mutation au poste BI-04 (Triage et planification) a été faite à M. Michaud le 14 février 2013; il l’a refusée le 28 février 2013.  Le 3 mai 2013, l’employeur lui a fait une offre d’emploi pour le même poste; il l’a acceptée le 6 mai 2013. Le poste BI-04 (Triage et planification) était donc vacant jusqu’au 6 mai 2013.

117        Le 31 mai 2013, l’employeur a fait une offre d’emploi à la fonctionnaire pour le poste PM-05 (Liaison avec les clients et partenariats) avec protection salariale selon l’échelle salariale de groupe et niveau BI-04 tant qu’elle occuperait ce poste ou jusqu’à ce que le  taux de rémunération maximal du poste PM-05 devienne supérieur à celui qui s’applique au groupe et niveau BI-04; elle l’a acceptée le 10 juin 2013. La fonctionnaire n’avait pas posé sa candidature pour ce poste.

118        La fonctionnaire a fait valoir que la question en litige consiste à déterminer si l’employeur a violé la clause 1.1.16 de l’ARE. Selon elle, la preuve démontre que l’employeur n’a pas « épuisé toutes les autres possibilités » avant de la nommer à un poste inférieur.

119        Selon la fonctionnaire, la deuxième phrase de la clause 1.1.16 de l’ARE n’est pas discrétionnaire, vu l’utilisation du mot « shall » dans la version anglaise de l’article, qui se lit comme suit :

1.1.16 Appointment of surplus employees to alternative positions, whether with or without retraining, shall normally be at a level equivalent to that previously held by the employee, but this does not preclude appointment to a lower level. Departments or organizations shall avoid appointment to a lower level except where all other avenues have been exhausted.

120        La fonctionnaire m’a invité à interpréter la clause 1.1.16 selon les règles d’interprétation de conventions collectives (voir Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2015 CRTEFP 10).

121        Selon la fonctionnaire, l’employeur aurait dû respecter son processus national de dotation (pièce S-5) et n’évaluer que les employés qui avaient soumis leur candidature. Tel qu’indiqué dans le courriel du 4 janvier 2013 envoyé à la haute gestion par Mme Séguin (pièce E-7), les employés qui n’avaient pas soumis leur candidature pour des postes dans des bureaux qui demeuraient ouverts devaient attendre la fin des évaluations pour connaître les postes qui demeuraient vacants.

122        De plus, l’employeur aurait dû passer les employés en entrevue et offrir le recyclage. La clause 1.1.16 de l’ARE prévoit que la nomination d’employés excédentaires à d’autres postes peut être faite avec ou sans recyclage, ce qui est prévu à la Partie IV de l’ARE. L’employeur n’a même pas évalué la possibilité d’offrir le recyclage à la fonctionnaire.

123        En ce qui a trait à l’évaluation de ses qualifications, la fonctionnaire a fait valoir que la preuve démontre un manque de transparence et le caractère arbitraire de l’exercice.

124        La preuve n’indique pas dans quel ordre la fonctionnaire a été évaluée. Dans sa candidature pour le poste BI-04 (Triage et planification), elle a suivi les critères de la bonne personne. Cependant, bien que le premier critère de la bonne personne fût le critère AB9 (capacité de fournir des conseils stratégiques concernant des approches et des méthodes permettant de résoudre des problèmes et des questions en matière réglementaire), le comité d’évaluation l’a ignoré (pièce S-18). De plus il y avait une minceur d’observations dans l’évaluation écrite de M. Michaud (pièce S-26).

125        En ce qui a trait à la crédibilité des témoins, la fonctionnaire a fait valoir que son témoignage et celui de M. Michaud étaient cohérents, crédibles, et concordaient. Puisque M. Michaud était à la retraite, il n’avait pas de raison de ne pas dire la vérité, car le résultat ne l’affecterait pas. À l’appui de cet argument, la fonctionnaire a cité la décision très connue de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, Faryna c. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354.

126         La fonctionnaire a fait référence au témoignage de M. Michaud voulant que le poste BI-04 (Triage et planification) soit moins demandant pour ce qui est des responsabilités et de la prise de décisions comparé au poste BI-04 (Conservation de l’habitat du poisson), qu’elle avait occupé pendant 11 ans. Elle a fait valoir que, si le critère de leadership pour le poste BI-04 (Triage et planification) était si important pour l’employeur, pourquoi ce poste est-il demeuré vacant entre la retraite de M. Michaud le 15 janvier 2015 et septembre 2015, tel que M. Michaud l’a déclaré?

127        En plus de sa demande que l’employeur procède à l’évaluation de ses compétences pour un poste BI-04, la fonctionnaire a avancé qu’elle avait perdu des occasions d’emplois futurs car elle n’était plus BI-04. Elle réclame donc une indemnisation en vertu du par. 228(2) de la LRTFP.

128        La fonctionnaire a aussi cité les décisions suivantes pour appuyer ses arguments : Chafe et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112; Stevens c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 34; Chênevert.

B. Pour l’employeur

129        L’employeur a fait valoir que le grief de la fonctionnaire soulève une seule question : est-ce que l’employeur a violé la clause 1.1.16 de l’ARE?

130        L’employeur soutient que la preuve démontre la mise en place d’une nouvelle structure organisationnelle et de nouveaux postes selon un processus national de dotation (pièce S-5).

131        La fonctionnaire a fait l’objet d’une évaluation sur la base de critères qui s’appliquaient à tous les employés et elle n’a pas satisfait aux critères des nouveaux postes BI-04 (Normes et lignes directrices) et BI-04 (Triage et planification). Selon le témoignage de M. Walsh, aucun autre poste BI-04 n’était disponible dans la région et aucun autre poste n’était considéré équivalent selon le tableau d’équivalence des postes. Toutes les possibilités ont été considérées avant d’offrir un poste de niveau inférieur à la fonctionnaire.

132        L’employeur a soutenu que l’objectif de l’ARE était de maintenir l’emploi pour le plus grand nombre d’employés ayant un statut d’employé nommé pour une période indéterminée qui étaient touchés par le réaménagement des effectifs. À titre d’exemple, l’employeur a fait référence aux clauses 1.1.14, 1.1.17 et 6.1.1 à 6.3.1 de l’ARE, qui se lisent comme suit :

[…]

Partie I

Rôles et responsabilités

1.1 Ministères ou organisations

[…]

1.1.14 Les administrateurs généraux appliquent du présent appendice de façon à ce que le nombre de mises en disponibilité involontaires soit le moins élevé possible. Les mises en disponibilité ne doivent normalement se produire que lorsqu’un employé a refusé une offre d’emploi raisonnable, qu’il n’est pas mobile, qu’il ne peut pas être recyclé en moins de deux (2) ans ou qu’il demande à être mis en disponibilité.

[…]

1.1.17 Les ministères ou les organisations d’attache nomment le plus grand nombre de leurs employés excédentaires ou de leurs personnes mises en disponibilité ou trouvent d’autres postes (vacants ou devant le devenir) pour lesquels les intéressés peuvent être recyclés.

[…]

Partie VI

Options offertes aux employés

6.1 Généralités

6.1.1 Normalement, les administrateurs généraux garantiront une offre d’emploi raisonnable à un employé touché pour lequel ils savent qu’il existe ou ils peuvent prévoir une disponibilité d’emploi. L’administrateur général qui ne peut pas donner cette garantie indiquera ses raisons par écrit, à la demande de l’employé. L’employé qui reçoit une telle garantie ne se verra pas offrir le choix des options ci-dessous.

6.1.2 L’employé qui ne reçoit pas de garantie d’offre d’emploi raisonnable de l’administrateur général aura cent vingt (120) jours pour envisager les trois (3) options mentionnées plus bas avant de devoir prendre une décision.

6.1.3 L’employé optant doit présenter par écrit son choix de l’une des options énumérées au paragraphe 6.3 du présent appendice pendant la période de cent vingt (120) jours de réflexion. Il ne peut changer d’option lorsqu’il a fait son choix par écrit.

6.1.4 Si l’employé n’a pas fait de choix à la fin de la période de réflexion de cent vingt (120) jours, il sera réputé avoir choisi l’option a), priorité d’employé excédentaire d’une durée de douze (12) mois pour trouver une offre d’emploi raisonnable.

6.1.5 Si une offre d’emploi raisonnable qui ne requiert pas de réinstallation est faite au cours de la période de cent vingt (120) jours de réflexion et avant l’acceptation par écrit de la mesure de soutien à la transition ou de l’indemnité d’études, l’employé est inadmissible à ces options.

6.2 Échange de postes

6.2.1 Tous les ministères ou les organisations participeront au processus d’échanges de postes.

6.2.2 Un échange a lieu lorsqu’un employé optant qui préférerait rester dans l’administration publique centrale échange son poste avec un employé non touché (le remplaçant) qui désire quitter l’administration publique centrale, conformément aux dispositions de la partie VI du présent appendice.

6.2.3 Seul l’employé optant, et non celui dont le poste a été déclaré excédentaire, peut être affecté à un poste non touché d’une durée indéterminée au sein de l’administration publique centrale.

6.2.4 Un employé nommé pour une période indéterminée qui souhaite quitter l’administration publique centrale peut manifester l’intérêt d’échanger son poste avec celui d’un employé optant. Il incombe cependant à la direction de décider si l’employé optant répond aux exigences du poste du remplaçant et aux besoins de l’administration publique centrale.

6.2.5 Tout échange de postes doit se traduire par l’élimination d’une fonction ou d’un poste de façon permanente.

6.2.6 L’employé optant qui prend la place d’un employé non touché doit, dans la mesure déterminée par l’Employeur, répondre aux exigences du poste de ce dernier, y compris les exigences linguistiques. L’employé (le remplaçant) qui prend la place d’un employé optant doit répondre aux exigences du poste de ce dernier, sauf s’il n’effectue pas les fonctions de ce poste. L’employé remplaçant sera rayé de l’effectif dans les cinq (5) jours suivant l’échange de postes.

6.2.7 Un échange de postes doit habituellement avoir lieu entre des employés de mêmes groupe et niveau. Deux (2) employés qui ne sont pas des même groupes et niveaux peuvent échanger leurs postes à condition que leurs groupes et niveaux soient considérés comme équivalents. C’est le cas lorsque l’écart entre le taux de rémunération maximal du poste assorti d’un traitement plus élevé et le taux de rémunération maximal du poste assorti d’un traitement moins élevé ne dépasse pas six pour cent (6 %).

6.2.8 L’échange a lieu à une date donnée, c’est-à-dire que les deux (2) employés concernés échangent directement leurs postes le même jour. L’échange ne doit pas donner lieu à une « réaction en chaîne », à savoir une série d’échanges entre plus de deux postes ou à un « examen ultérieur », à savoir un échange à une date ultérieure.

6.3 Options

6.3.1 Seul l’employé optant qui ne reçoit pas une garantie d’offre d’emploi raisonnable de son administrateur général aura le choix entre les options suivantes :

a)

(i)  une priorité d’employé excédentaire d’une durée de douze (12) mois pour trouver une offre d’emploi raisonnable. Si une offre d’emploi raisonnable n’est pas faite au cours de ces douze (12) mois, l’employé sera mis en disponibilité conformément à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. L’employé qui exerce cette option ou qui est présumé l’exercer est excédentaire.

(ii)  À la demande de l’employé, ladite période de priorité d’excédentaire d’une durée de douze (12) mois sera prolongée à l’aide de la partie inutilisée de la période de cent vingt (120) jours mentionnée au paragraphe 6.1.2 qui reste valide dès que l’employé a choisi par écrit l’option a).

(iii) Lorsqu’un employé excédentaire qui a choisi, ou est réputé avoir choisi, l’option a) propose de démissionner avant la fin de sa période de priorité d’excédentaire de douze (12) mois, l’administrateur général peut autoriser le versement d’un montant forfaitaire égal à sa rémunération à son poste d’attache pour le reste de la période de priorité d’excédentaire jusqu’à un maximum de six (6) mois. Le montant forfaitaire de rémunération en remplacement de la période excédentaire ne peut pas dépasser le maximum que l’employé aurait touché s’il avait choisi l’option b), la mesure de soutien à la transition.

**

(iv) Les ministères ou les organisations feront tout effort raisonnable pour placer un employé excédentaire au cours de sa période de priorité d’excédentaire dans son secteur préféré de mobilité.

ou

b)       une mesure de soutien à la transition (MST), à savoir un montant forfaitaire versé à l’employé optant. Le montant est calculé selon le nombre d’années de service au sein de la fonction publique (voir l’annexe B). L’employé qui choisit cette option doit démissionner mais il aura droit à une indemnité de départ au taux de mise en disponibilité;

ou

**

c)       une indemnité d’études, qui correspond à la MST (voir option b) ci-dessus) plus un montant n’excédant pas dix mille dollars (10 000 $) pour le remboursement des frais de scolarité d’un établissement d’enseignement et les frais de livres et d’équipement requis, appuyés par un reçu.

L’employé choisissant l’option c) peut :

(i) démissionner de l’administration publique centrale et recevoir une indemnité de départ au taux de mise en disponibilité le jour de sa cessation d’emploi;

ou

(ii) reporter sa mise en disponibilité et prendre un congé sans solde pour une période maximale de deux (2) ans pour effectuer sa formation. La MST est versée en un (1) ou deux (2) paiements forfaitaires sur une période maximale de deux (2) ans. Au cours de cette période l’employé peut continuer à bénéficier des régimes offerts et contribuer sa part et celle de l’employeur aux régimes d’avantages sociaux et du régime de retraite, conformément au Régime de pensions de retraite de la fonction publique. À la fin de la période de deux (2) ans de congé non payé, l’employé est mis en disponibilité conformément à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, sauf s’il a trouvé un autre emploi au sein de l’administration publique centrale.

[…]

133        L’employeur a souligné qu’une lettre d’optant était la dernière option lorsqu’un poste vacant devait être comblé.

134        L’employeur était d’accord que tel qu’il est stipulé dans la clause 1.1.16 de l’ARE, il devait épuiser toutes les autres possibilités avant de nommer des employés excédentaires à des postes de niveau inférieur. Selon lui, en l’espèce, la clause 1.1.16 de l’ARE soulève les deux questions suivantes : Quelles étaient les autres possibilités? Ont-elles été épuisées?

135        L’employeur a fait valoir que le processus national de dotation (pièce S-5) ne mentionnait pas ce qui allait se passer avec les employés qui ne démontraient pas d’intérêt pour des postes, et que cela demeurait une question qui devait être déterminée par l’employeur.

136        L’employeur a soutenu que, selon le processus national de dotation (pièce S-5), le comité d’évaluation pouvait prendre en considération sa connaissance personnelle des candidats. L’employeur a fait valoir, qu’en matière de dotation, cela ne constituait pas un abus de pouvoir (voir Visca c. Sous-ministre de la Justice et al., 2007 TDFP 0024).

137        En ce qui a trait à l’évaluation de la fonctionnaire, la fonctionnaire ne satisfaisait pas aux critères établis pour les nouveaux postes BI-04 (Normes et lignes directrices) et BI-04 (Triage et planification) concernant les pouvoirs décisionnels et les responsabilités. Le comité d’évaluation n’a pas évalué tous les critères car la fonctionnaire n’avait pas obtenu la note de passage pour les critères AB10 (capacité de prendre des décisions dans le cadre de la gestion d’équipes et d’autres spécialistes) et AB12 (capacité d’assurer du leadership et la supervision opérationnelle (capacité de prendre des décisions dans le cadre de la gestion d’équipes et d’autres spécialistes)). Selon M. Walsh, dès qu’un critère n’est pas satisfait, le comité cesse l’évaluation, car tous les critères doivent être satisfaits pour obtenir un poste.

138        L’employeur a fait valoir que ni la méthode de l’évaluation des candidats ni son déroulement ne sont compris dans l’ARE.

139        Concernant le témoignage de M. Michaud, l’employeur a plaidé que ses dires ne devront pas servir à déterminer les possibilités de combler les postes car il s’agit d’une preuve d’événements subséquents à la décision de l’employeur (voir Cie minière Québec Cartier c. Québec (arbitre des griefs), [1995] 2 R.C.S. 1095). L’employeur a fait référence à l’absence de M. Michaud de son nouveau poste BI-04 (Triage et planification) de 58 semaines sur 101 semaines. Selon l’employeur, M. Michaud était contrarié par la décision de lui refuser une lettre d’optant, car il désirait prendre sa retraite.

140        Pour ce qui est des autres possibilités pour la fonctionnaire, l’employeur a souligné le témoignage de M. Walsh voulant qu’il ait fait des vérifications et qu’aucun autre poste BI-04 n’était disponible dans la région.

141        Concernant le recyclage de la fonctionnaire, M. Walsh a dit que cela voulait dire que le comité d’évaluation passait à une évaluation formelle. Selon M. Walsh, le comité a discuté du recyclage, mais il a estimé que la fonctionnaire ne pouvait pas acquérir les connaissances du poste en fonction de ses connaissances de son travail au fil des années. M. Walsh a témoigné que le comité avait déterminé que M. Michaud avait les compétences pour combler le poste de BI-04 (Triage et planification).  Toutefois, M. Walsh a reconnu que le comité n’avait pas évalué la fonctionnaire pour un recyclage.

142        Selon l’employeur, puisque toutes les possibilités avaient été prises en considération, on a donc considéré offrir à la fonctionnaire un poste inférieur, soit    BI-02 ou PM-05 (Liaison avec les clients et partenariats). M. Walsh a déclaré lors de son témoignage que l’employeur et lui préféraient que la fonctionnaire comble le poste PM-05 (Liaison avec les clients et partenariats). L’employeur a fait valoir que même si la fonctionnaire avait préféré un poste de biologiste, il n’était pas obligé de respecter les préférences des candidats.

143        En évaluant M. Michaud sur la base des connaissances personnelles, le comité d’évaluation a agi en conformité avec les directives de l’administration centrale. La remise d’une lettre d’optant devait être la dernière option de l’employeur.

144        L’employeur a soumis que la preuve ne démontrait pas de mauvaise foi ni de traitement défavorable de sa part envers la fonctionnaire.

145        Pour ce qui est des mesures correctives possibles, l’employeur a avancé que la Commission ne pouvait nommer la fonctionnaire à un poste ni ordonner une reprise du processus de dotation.

146        Concernant la demande d’indemnisation, l’employeur a soumis qu’il n’y avait aucune preuve de dommages réels (voir Canada (Procureur général) c. Tipple, 2011 CF 762, au par. 58). La fonctionnaire n’a pas témoigné concernant un préjudice qu’elle avait subi, il n’y avait pas de preuve documentaire à cet égard et il n’y avait aucune perte salariale. L’employeur souligne, qu’en mars 2012, la fonctionnaire avait demandé un poste BI-03.

147        Selon l’employeur, la seule mesure corrective possible est une déclaration que l’employeur a mal agi, et il demande le rejet du grief car il n’y a eu aucune violation de la convention collective.

C. Réplique de la fonctionnaire

148        La fonctionnaire a fait valoir que, puisque l’employeur avait établi le processus national de dotation (pièce S-5), il se devait de le suivre. Il s’agit d’un exercice qui doit être fait pour atteindre les objectifs de l’ARE, autrement l’ARE serait vidé de sens.

149        En ce qui concerne le témoignage de M. Michaud, ce dernier n’était pas intéressé par le poste BI-04 (Triage et planification) et il n’a pas nié qu’il désirait obtenir une lettre d’optant.

150        Concernant le recyclage de la fonctionnaire, l’employeur a reconnu que cette possibilité n’avait pas été évaluée.

151        Pour ce qui est de l’importance des relations avec les Autochtones attribuée par l’employeur au poste PM-05 (Liaison avec les clients et partenariats), la fonctionnaire a témoigné qu’elle n’avait aucune expérience dans ce domaine.

152        La fonctionnaire a soumis qu’elle n’avait pas été prise en considération pour un poste BI-02 ni n’avait été évaluée pour un tel poste.

V. Motifs

153        Dans le contexte d’un réaménagement des effectifs, l’un des principes directeurs est le maintien d’emploi des employés nommés pour une période indéterminée. À cet égard, la section intitulée « Objectifs » de l’ARE contient la phrase suivante : « On ne doit toutefois pas considérer que le présent appendice assure le maintien dans un poste en particulier, mais plutôt le maintien d’emploi. »

154        En nommant la fonctionnaire au poste PM-05 (Liaison avec les clients et partenariats), pour lequel elle n’avait pas posé sa candidature, l’employeur a fait en sorte que l’emploi de la fonctionnaire au sein de la fonction publique fédérale soit maintenu.

155        Toutefois, dans l’affaire devant moi, il s’agit de déterminer si l’employeur a violé la convention collective, soit la clause 1.1.16 de l’ARE, citée précédemment et reproduite ci-dessous pour en faciliter la consultation :

1.1.16 La nomination d’employés excédentaires à d’autres postes, avec ou sans recyclage, se fait normalement à un niveau équivalant à celui qu’ils occupaient au moment où ils ont été déclarés excédentaires, mais elle peut aussi se faire à un niveau moins élevé. Les ministères ou les organisations évitent de nommer les employés excédentaires à un niveau inférieur, sauf s’ils ont épuisé toutes les autres possibilités.

156        Le grief de la fonctionnaire, qui occupait le poste BI-04 (Conservation de l’habitat du poisson), allègue que l’employeur n’a pas « épuisé toutes les autres possibilités » avant de nommer la fonctionnaire à un poste à un niveau inférieur, soit le poste PM-05 (Liaison avec les clients et partenariats), et que l’employeur n’a pas évalué les compétences de la fonctionnaire de façon appropriée.

157        Avant d’entamer cette question, vu les commentaires de l’employeur, il convient d’apporter une précision à l’égard de la contradiction entre, d’une part, les témoignages de la fonctionnaire et de M. Michaud, et, d’autre part, celui de M. Walsh, concernant les dires de ce dernier lors de la réunion des employés du 24 octobre 2012, à savoir si les employés touchés n’ayant pas exprimé d’intérêt pour un poste auraient droit à une lettre d’optant. Comme je ne suis pas saisi d’un grief déposé par M. Michaud réclamant que l’employeur aurait dû donner suite à sa demande pour une lettre d’optant, je n’ai pas à trancher cette question et je n’ai pas à résoudre la contradiction entre les témoignages à ce sujet.

158        Cependant, j’estime que le témoignage de M. Michaud et la preuve documentaire concernant, entre autres, le fait qu’il n’ait pas exprimé son intérêt pour un poste BI-04 et qu’il ait refusé un mutation au poste BI-04 (Triage et planification) avant d’accepter l’offre d’emploi de l’employeur, donnent un contexte à la façon dont l’employeur a procédé au réaménagement des effectifs dans la région du Québec, plus particulièrement à Mont-Joli. De plus, je trouve utile la description que M. Michaud a faite des fonctions qu’il devait accomplir dans le poste BI-04 (Triage et planification) par rapport aux postes qu’il avait occupés tout au long de sa carrière au sein de l’employeur.

159        Le réaménagement des effectifs peut avoir des répercussions sérieuses sur des employés touchés nommés pour une période indéterminée. Cela ressort clairement de la lecture des objectifs de l’ARE et de ses clauses 1.1.1 et 1.1.2. C’est pourquoi il est important que les règles et directives mises en place par l’employeur soient conformes à l’ARE et soient suivies dans le cadre d’un tel exercice. M. Walsh a convenu que toutes les étapes décrites dans la stratégie de dotation du Programme de gestion de l’habitat (pièces S-2-A et E-5) qu’il a communiquée aux employés le 24 octobre 2012, ainsi que dans les dispositions de la convention collective, devaient être suivies.

160        Le réaménagement des effectifs, qui a eu lieu lors de la restructuration de la Gestion de l’habitat du poisson, était un exercice sérieux. Selon la preuve, l’employeur a offert aux employés touchés de la formation pour des entrevues et pour la préparation de leurs dossiers. Les employés qui désiraient quitter la fonction publique de façon volontaire ont reçu des services de la part de conseillers financiers.

161        J’estime cependant que l’employeur n’a pas suivi toutes les directives et règles qu’il a mises en place pour donner effet aux dispositions de l’ARE, ce qui a donné comme conséquence qu’il n’a pas épuisé toutes les autres possibilités avant de nommer la fonctionnaire à un poste de niveau inférieur.

162        Je traiterai d’abord de l’évaluation de la fonctionnaire par le comité d’évaluation.

163        M. Walsh a déclaré qu’il avait été décidé, à l’échelle nationale de l’employeur, de ne pas demander les évaluations du rendement des employés touchés car elles ne sont pas faites de façon cohérente partout au pays et que ce ne sont pas tous les employés qui ont des évaluations annuelles.

164        La fonctionnaire a posé sa candidature aux deux postes BI-04 (Normes et lignes directrices) et BI-04 (Triage et planification). Elle n’a pas réussi pour la raison principale que, selon le comité d’évaluation, elle ne satisfaisait pas au critère de leadership. Selon la preuve, M. Dupuis ne connaissait pas les candidats. C’est MM. Walsh et Savaria qui les connaissaient, et la décision finale était prise par M. Walsh. Ce dernier a déclaré que M. Savaria et lui s’étaient servis de leurs connaissances de la fonctionnaire pour arriver à leur décision, tel qu’il est permis dans le processus national de dotation (pièce S-5), comme suit : « Les gestionnaires pourront se référer à leur connaissance personnelle des candidats dans le cadre du processus d’évaluation afin de valider les renseignements fournis [je souligne]. » Il est clair que ce texte ne permette pas au comité de sélection de se servir uniquement de ses impressions personnelles d’un candidat afin de l’évaluer, bien qu’il puisse se servir de ces mêmes impressions pour valider les renseignements fournis par le candidat.

165        Le fait que le comité d’évaluation ait pris sa décision concernant la fonctionnaire en fonction d’un manque de leadership me laisse songeur. La fonctionnaire a témoigné que, pendant les 11 années qu’elle avait occupé le poste BI-04 (Conservation de l’habitat du poisson), l’employeur n’avait jamais porté à son attention qu’elle manquait de leadership. Son témoignage à cet égard n’a pas été contredit par l’employeur. M. Savaria, le superviseur de la fonctionnaire, n’a pas témoigné. Que MM. Walsh et Savaria aient utilisé leurs impressions personnelles de la fonctionnaire pour former l’impression qu’elle manquait de leadership cadre mal avec le fait qu’elle a occupé le poste BI-04 (Conservation de l’habitat du poisson) pendant 11 années.

166        Une des directives que j’estime qui n’a pas été suivie par l’employeur concerne la manifestation d’intérêt par les employés touchés pour un poste.

167        Les formulaires que les employés touchés devaient remplir pour manifester leur intérêt pour les postes à doter exigeaient qu’ils soumettent leur choix au plus tard le 14 décembre 2012, à défaut de quoi l’employeur estimerait que l’employé avait choisi de ne pas participer à l’exercice.

168        De plus, le courriel du 4 janvier 2013 envoyé à la haute gestion par Mme Séguin (pièce E-7) indiquait que les employés touchés qui n’avaient pas soumis leur candidature pour des postes qui demeuraient ouverts devaient attendre la fin des évaluations afin de connaître les postes qui demeuraient vacants. Malgré que M. Michaud n’ait pas manifesté son intérêt pour un poste et qu’il ait communiqué cela à l’employeur à plusieurs reprises, il a reçu de l’employeur une offre de mutation et une offre d’emploi pour le poste BI-04 (Triage et planification). Ces offres étaient basées uniquement sur des impressions personnelles, sans avoir avisé ou consulté M. Michaud.

169        En plus d’être contraire à la stratégie de dotation du Programme de gestion de l’habitat (pièces S-2-A et E-5) concernant la manifestation d’intérêt, l’offre de mutation et l’offre d’emploi faites à M. Michaud contredisent aussi la règle de l’employeur voulant que l’utilisation des impressions personnelles qu’un comité d’évaluation a des candidats se fasse pour valider les renseignements fournis. Or, M. Michaud n’a fourni aucun renseignement à l’employeur à l’égard du poste BI-04 (Triage et planification).

170        Le 14 février 2013, l’employeur a offert à M. Michaud une mutation au poste BI-04 (Triage et planification), qu’il a refusée le 28 février 2013. Selon la preuve, ce poste est demeuré vacant jusqu’au 6 mai 2013, date à laquelle M. Michaud a accepté une offre d’emploi dans ce poste.

171        La fonctionnaire a été déclarée employée excédentaire le 25 mars 2013, soit avant M. Michaud, qui a été déclaré employé excédentaire le 2 avril 2013.

172        Néanmoins, entre le 28 février et le 6 mai 2013, l’employeur n’a pas offert à la fonctionnaire une entrevue ou envisagé la possibilité d’offrir du recyclage pour acquérir les connaissances du poste BI-04 (Triage et planification) vacant, et ce, en contradiction avec l’ARE et ses propres directives.

173        Dans la stratégie de dotation du Programme de gestion de l’habitat (pièces S-2-A et E-5), l’étape 1 visait les employés touchés présentant des déclarations d’intérêt pour des postes au groupe et au niveau identiques ou équivalents. La stratégie stipule ce qui suit : « Les candidats aux postes de direction, par exemple BI-4 et BI-5, devront passer une entrevue visant à évaluer leurs compétences de leadership. »

174        M. Walsh a d’abord déclaré qu’il n’y avait pas d’entrevues des candidats, et que, selon lui, l’étape 1 de la stratégie de dotation du Programme de gestion de l’habitat (pièces S-2-A et E-5) ne visait pas les employés touchés qui posaient leur candidature pour un poste équivalent, mais visait seulement les employés de niveau inférieur qui manifestaient leur intérêt pour un poste BI-04 ou BI-05. Cependant, il a ensuite reconnu qu’il ne pouvait pas affirmer que les entrevues n’étaient que pour les employés qui posaient leur candidature à des postes de niveau supérieur.

175        En n’accordant pas une entrevue à la fonctionnaire pour évaluer ses compétences de leadership, l’employeur n’a pas sérieusement considéré la possibilité de lui offrir l’un ou l’autre des postes BI-04 (Normes et lignes directrices) et BI-04 (Triage et planification). Qui plus est, comme le témoignage non-contredit de la fonctionnaire était que l’employeur ne lui avait jamais reproché un manque de leadership, une entrevue à cette fin aurait permis à l’employeur de tenir compte de faits pertinents qui auraient été mis au jour et d’avoir une assise légitime pour sa décision.

176        En ce qui concerne le recyclage, l’étape 1 de la stratégie de dotation du Programme de gestion de l’habitat (pièces S-2-A et E-5), ainsi que le courriel du 4 janvier 2013 envoyé à la haute gestion par Mme Séguin (pièce E-7) stipule qu’un employé touché qui n’a pas satisfait au critère de  « la bonne personne » (« right fit ») du poste doit être considéré pour une période de recyclage de deux ans conformément à l’ARE avant qu’une décision finale soit prise à l’égard d’une mutation.

177        En ré-interrogatoire, M. Walsh a déclaré que le recyclage n’avait pas été offert à la fonctionnaire parce qu’il estimait qu’elle n’avait pas les compétences pour les postes BI-04 (Normes et lignes directrices) et BI-04 (Triage et planification) pour lesquels elle avait manifesté son intérêt. Par ailleurs, il a reconnu que le comité d’évaluation n’avait pas fait l’analyse à savoir si la fonctionnaire pouvait acquérir les connaissances à l’aide du recyclage. La position prise par M. Walsh lors de son témoignage contredit la lettre et l’esprit de l’ARE. J’ai déjà conclu que la méthode utilisée par l’employeur pour atteindre les objectifs de l’ARE, soit sa stratégie nationale de dotation, ne peut être isolé de l’ARE lui-même. La clause 1.1.1 de l’ARE prévoit qu’en situation de réaménagement des effectifs, l’employeur a l’obligation de traiter les employés touchés équitablement. Tel que je l’ai déjà mentionné, la stratégie de dotation du Programme de gestion de l’habitat (pièces S-2_A et E-5) ainsi que le courriel du 4 janvier 2013 de Mme Séguin (pièce E-7) prévoient que si un individu n’a pas satisfait aux qualifications essentielles de l’énoncé des critères de mérite, on doit considérer une période de recyclage de deux ans.

178        D’abord, je trouve le témoignage de M. Walsh quelque peu exagéré car, selon la preuve, la fonctionnaire a occupé pendant 11 années le poste BI-04 (Conservation de l’habitat du poisson) qui comportait des responsabilités complexes. De plus, selon le témoignage de M. Michaud, les responsabilités du poste BI-04 (Triage et planification) étaient moins exigeantes et moins complexes que celles du poste BI-04 (Conservation de l’habitat du poisson). Il semble donc que, si la fonctionnaire avait effectivement des carences en leadership, une période de recyclage aurait permis à la fonctionnaire de combler ces carences. Il faut se rappeler que M. Michaud avait antérieurement travaillé dans l’équipe de la fonctionnaire à un poste BI-03 et avait agi dans le poste BI-04 (Conservation de l’habitat du poisson) de façon intérimaire pendant deux ans et demi, pendant le congé de la fonctionnaire.

179        Qui plus est, M. Walsh a admis que l’employeur n’avait pas fait une analyse à savoir si la fonctionnaire pouvait acquérir les qualifications nécessaires à l’aide d’un recyclage. J’estime qu’en n’offrant pas le recyclage à la fonctionnaire, l’employeur a agi de façon  arbitraire, car il n’a pas suivi sa propre procédure. En refusant une entrevue à la fonctionnaire, l’employeur a décidé d’ignorer des faits pertinents qui auraient pu être mis au jour.

180        Je conclus, qu’en ne suivant pas ses propres directives, l’employeur a agi de façon arbitraire dans son traitement de la fonctionnaire, qu’il n’a pas épuisé toutes les autres possibilités avant de nommer la fonctionnaire à un poste de niveau inférieur à un poste BI-04 et qu’il a contrevenu à la clause 1.1.16 de l’ARE.

181        Comme mesure corrective, la fonctionnaire demande que l’employeur procède à l’évaluation de ses compétences pour un poste BI-04. Lors de sa plaidoirie, elle a également demandé une indemnisation en vertu du par. 228(2) de la LRTFP pour perte d’emplois futurs, car elle n’a plus de poste BI-04.

182        En ce qui a trait à la demande d’une évaluation, je remarque que la lettre du 25 mars 2013 qui informait la fonctionnaire qu’elle avait été déclarée employée excédentaire (pièce S-16) contient une garantie de priorité de réintégration à un poste de groupe et niveau BI-04 ou à un poste de niveau équivalent ou inférieur. Je remarque également que la lettre du 31 mai 2013  qui offrait à la fonctionnaire un emploi au poste PM-05 (Liaison avec les clients et partenariats) (pièce S-17) contient la même garantie de priorité de réintégration. Cette garantie est conforme à la version anglaise du par. 5 de l’annexe C de l’ARE et conforme aux dispositions de l’article 10 du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, DORS/2005-334. Dans les circonstances de la présente affaire, la fonctionnaire pouvait donc se prévaloir d’une priorité de réintégration à un poste de groupe et niveau BI-04 ou à un poste équivalent ou inférieur à compter du 10 juin 2013 et ce, pendant une période d’un an. J’estime que, dans les circonstances, cette garantie de priorité de réintégration constitue une mesure corrective appropriée pour remédier à la contravention de la clause 1.1.16 de l’ARE par l’employeur. Toutefois, j’estime approprié d’offrir à la fonctionnaire une période de recyclage afin de perfectionner ses habilités de leadership.

183        En ce qui a trait à la demande d’indemnisation, il faut se rappeler que la fonctionnaire a été nommée au poste PM-05 (Liaison avec les clients et partenariats) avec protection salariale selon l’échelle salariale de groupe et niveau BI-04. Par ailleurs, la fonctionnaire n’a présenté aucune preuve de perte d’emploi futur, de dommage ou de préjudice subi. Je rejette donc cette demande.

184         Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

185        L’objection à la compétence de la Commission pour entendre le grief est rejetée.

186        L’objection au délai de présentation d’une partie du grief est rejetée.

187        Je déclare que l’employeur a agi de façon arbitraire à l’égard de la fonctionnaire dans le cadre du réaménagement de ses effectifs.

188        Je déclare que l’employeur a violé la clause 1.1.16 de l’Appendice G sur le réaménagement des effectifs de la convention collective en nommant la fonctionnaire à un poste de niveau inférieur.

189        J’ordonne à l’employeur d’offrir à la fonctionnaire une période de recyclage, jusqu’à concurrence de deux ans de la date de cette décision, afin  de perfectionner ses habilités de leadership.

Le 26 avril 2018.

Steven B. Katkin,
une formation de la Commission
des relations de travail et de l'emploi
dans le secteur public fédéral

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