Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La gestionnaire du fonctionnaire s’estimant lésé lui a envoyé un avis l’informant de la rencontrer pour discuter de son utilisation des congés, conformément au programme de gestion des présences de l’employeur – la gestionnaire a trouvé que le ton employé par le fonctionnaire s’estimant lésé dans son courriel en réponse à l’avis, ainsi que pendant et après leur rencontre, était irrespectueux, intimidateur et manquait d’éthique, ce qui contrevenait au Code de valeurs et d’éthique du secteur public ainsi qu’à ses conditions d’emploi – une audience disciplinaire a été tenue, après laquelle un cadre supérieur l’a informé qu’il sera réprimandé au moyen d’une sanction pécuniaire d’une journée – la Commission a conclu que la preuve des deux gestionnaires manquait de crédibilité – la Commission n’a pas trouvé que les courriels du fonctionnaire s’estimant lésé étaient irrespectueux ou abusifs – elle a conclu que le compte rendu de la réunion que son représentant syndical et lui avaient présenté dressait plus vraisemblablement une image fidèle des événements – la Commission a conclu que sa conduite n’était pas abusive et qu’elle ne justifiait pas une mesure disciplinaire – il s’agissait davantage d’une question liée au rendement – la Commission a ajouté que, même si sa conclusion était erronée, toute mesure disciplinaire imposée aurait dû être au niveau le plus bas et n’aurait pas dû comprendre une sanction pécuniaire. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20180129
  • Dossier:  566-02-13841
  • Référence:  2018 CRTESPF 5

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

COLIN STANN

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
Stann c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Corinne Blanchette, Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada Confédération des Syndicats Nationaux
Pour le défendeur:
Joel Stepstra, avocat
Affaire entendue à Victoria (Colombie-Britannique),
les 15 et 16 novembre 2017.
(Traduction de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1        Le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), Colin Stann, a allégué que son employeur, le Service correctionnel du Canada, a pris des mesures disciplinaires injustifiées à son égard le 12 décembre 2016, en le suspendant une journée sans traitement. L’employeur a par la suite annulé la suspension et imposé plutôt une sanction pécuniaire d’une journée. Ces mesures étaient contraires aux dispositions de l’article 17 de la convention collective entre le Conseil du Trésor et le Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN, dont la date d’expiration est le 31 mai 2014 (la « convention collective »).

2        Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de lemploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.

II. Résumé de la preuve

3        Le fonctionnaire est un agent correctionnel (CX) classifié au groupe et au niveau CX- 02, à l’Établissement William Head à Victoria, en Colombie-Britannique
(l’« établissement »). Il a fait l’objet de mesures disciplinaires à la suite d’une correspondance par courriel avec sa gestionnaire correctionnelle (GC) Kate McLean, qui était réputée avoir manqué de respect à l’égard d’autres personnes dans le lieu de travail, comme l’exigent le Code de valeurs et d’éthique du secteur public (le « Code ») et les règles de conduite professionnelle de l’employeur. Le fonctionnaire aurait aussi manqué de respect dans sa réponse à un avis que sa GC lui avait envoyé afin de l’informer qu’il devait la rencontrer pour discuter de son utilisation de congés de maladie et de congés familiaux conformément au Programme national de gestion des présences (PNGP) de l’employeur. L’employeur a allégué que le ton, les gestes et les commentaires du fonctionnaire pendant une réunion avec la GC et tout au long du processus disciplinaire avec la gestionnaire des Opérations (GO), Brenda Kanzig, étaient irrespectueux, intimidants et contraires à l’éthique, sans compter qu’ils contrevenaient au Code et aux conditions d’emploi du fonctionnaire.

Le fonctionnaire a quant à lui indiqué qu’il avait fait part de son désaccord avec ce que sa GC lui disait. Il a le droit d’être en désaccord avec la direction; il ne s’agit pas d’insubordination. L’employeur n’avait pas de preuve claire, solide et convaincante à l’appui des gestes qu’il a posés à son égard. Qui plus est, la GO a fait preuve de partialité à son égard tout au long du processus.

4        Dans son témoignage, Mme McLean a indiqué qu’elle est GC à l’établissement depuis le mois d’avril 2016. Elle occupait avant le poste de GC à l’Établissement de la vallée du Fraser pour femmes. Elle supervise le personnel correctionnel, y compris le fonctionnaire. Elle donne des directives chaque jour sur les activités de l’établissement et gère les congés, le rendement et d’autres questions touchant les employés de niveau CX. Après avoir examiné les rapports de présence trimestriels, comme l’exige le directeur adjoint des Opérations en vertu du PNGP, elle a invité le fonctionnaire à une réunion afin de discuter de son utilisation des congés. Elle a indiqué dans son témoignage qu’elle avait l’intention de discuter avec lui afin de déterminer s’il devait faire l’objet de certaines mesures d’adaptation. Elle a lancé la réunion en lui envoyant une demande de réunion électronique, dans laquelle elle l’informait qu’il avait le droit d’être accompagné d’un représentant syndical (voir le courriel à la pièce 8, onglet 5, daté du 25 octobre 2016). Même s’il est possible qu’elle ait utilisé le mot « inviter » ou « invité » pour la réunion, selon elle, elle lui a clairement indiqué qu’il devait la rencontrer afin de discuter de son utilisation de congés de maladie. Il ne s’agissait pas d’une réunion facultative; elle avait utilisé le mot « inviter » par souci de politesse et de courtoisie.

5        Selon son témoignage, le fonctionnaire citait dans sa réponse la politique et la convention collective (voir le courriel à la pièce 8, onglet 5, daté du 30 octobre 2016). Il a affirmé qu’il ne serait pas victime de harcèlement étant donné qu’il respectait les droits qui lui sont conférés en vertu de la convention collective et qu’il n’assisterait pas à la réunion sans son représentant syndical. Mme McLean a déduit qu’on lui disait qu’elle ignorait les politiques de l’employeur. Elle a aussi déduit le « ton » dans la formulation de sa réponse. Elle croyait qu’on lui disait qu’elle ignorait la politique et la façon dont elle s’appliquait aux CX.

6        Après avoir reçu les courriels du fonctionnaire, Mme McLean a consulté Mme Kanzig afin de connaître la marche à suivre (voir le courriel à la pièce 9). La GO a donné des directives sur ce qu’il fallait dire en réponse. Dans sa réponse (voir la pièce 8, onglet 5, pour le courriel daté du 10 novembre 2016), Mme McLean a précisé le but de la réunion et la définition du terme « harcèlement ». Le fonctionnaire a répondu ainsi : (traduction) « Comme bon vous semble » et la réunion a été planifiée (voir le courriel à la pièce 8, onglet 5, en date du 10 novembre 2016).

7        La réunion en question a eu lieu le 19 novembre 2016, de 19 h à 19 h 15. Le fonctionnaire y a assisté avec Jason Stewart, son représentant syndical. Selon la description faite par Mme McLean, la réunion très courte était pesante. M. Stewart a renvoyé à une décision d’une commission des relations de travail sur l’utilisation de congés par les CX, ce à quoi Mme McLean a répondu, selon son témoignage, qu’elle n’avait aucune incidence sur la raison de la réunion. Le fonctionnaire a répondu en indiquant qu’elle n’écoutait pas et que le commentaire de M. Stewart était pertinent à leur discussion.

8        Selon Mme McLean, la réunion s’est détériorée à partir de ce moment. Quand elle a demandé au fonctionnaire s’il avait besoin de mesures d’adaptation, il lui a répondu que cela ne la regardait pas. Quand elle lui a dit qu’elle ne voulait pas connaître sa vie personnelle, mais qu’elle tentait plutôt de l’aider, il a répondu : [traduction] « Vous dites tous cela. »

9        Selon sa preuve, dès le début de la réunion, Mme McLean avait déterminé que le fonctionnaire était irrespectueux. Les commentaires qu’il a formulés étaient empreints d’un tel dédain qu’ils devenaient irrespectueux et insubordonnés. Il ne s’agissait pas de ce qu’il lui a dit, mais plutôt de la façon dont il s’est exprimé. Elle a indiqué dans son témoignage qu’il était un homme imposant, qui la regardait de haut pendant qu’il s’adressait à elle. Selon la preuve qu’elle a présentée, elle croyait qu’il la traitait comme si elle était une [traduction] « entité quelconque sans importance avec laquelle il devait traiter », ce qui l’a fait se sentir [traduction] « encore moins importante qu’une fourmi ». Elle s’attendait à ce que M. Stewart intervienne afin d’empêcher que la discussion ne s’anime. Il a plutôt soutenu ce que le fonctionnaire affirmait.

10        Étant donné que le fonctionnaire lui manquait de respect, Mme McLean lui a demandé s’il éprouvait du respect à son égard. Il a répondu ce qui suit : [traduction] « Vous croyez que l’on vous manque de respect – on vous manque de respect. Personne [à l’établissement] ne vous respecte. Vous êtes arrivée ici sur vos grands chevaux […] ». Sur ce, elle a mis fin à la réunion et lui a dit que la réunion suivante se déroulerait avec un représentant de la haute direction. Elle a immédiatement appelé la GO et lui a laissé un message afin qu’elle la rappelle. Elle a ensuite envoyé un courriel détaillé (pièce 8, onglet 5, daté du 19 novembre 2016 à 19 h 48) où elle exposait sa version des faits survenus pendant la réunion.

11        Après avoir appelé la GO et envoyé son courriel, Mme McLean a rédigé un rapport d’observation ou déclaration d’un agent (RODA) (pièce 8, onglet 6) afin de présenter les événements survenus pendant la réunion. Elle a rédigé un deuxième RODA le même jour afin de décrire les événements survenus au cours du quart de travail suivant. Pendant son contre-interrogatoire, elle a avoué avoir rédigé les deux RODA plusieurs jour plus tard, après que la GO ait amorcé le processus disciplinaire à l’égard du fonctionnaire, afin de l’aider dans ce processus.

12        Après avoir reçu le message vocal de Mme McLean, la GO a communiqué avec elle et lui a dit qu’elle revenait à l’établissement pour amorcer des mesures disciplinaires à l’égard du fonctionnaire. Elle est arrivée à 23 h environ et est partie à 1 h 30 le lendemain. Pendant que Mme McLean attendait qu’elle arrive, elle a terminé le téléchargement du lecteur Deister, ce qui lui exigeait d’entrer dans le bureau de la GC. Mme McLean a décrit le personnel qu’elle a rencontré ce soir-là comme sec à son égard; il ne répondait qu’aux questions qu’on lui posait directement. Dans son témoignage, Mme McLean a indiqué qu’elle supposait que le fonctionnaire et M. Stewart avaient raconté aux employés ce qui était survenu pendant la réunion plus tôt ce soir-là et qu’ils affichaient leur soutien à l’égard du fonctionnaire. Dans le bureau de la GC, Mme McLean a trouvé un DVD sur le bureau, dont le titre avait une importance selon elle. Elle a conclu que le fonctionnaire l’avait laissé à cet endroit pour l’intimider, puisque seuls lui et M. Stewart avaient eu accès au bureau à ce moment.

13        Dans son témoignage, Mme McLean a indiqué qu’elle a passé le restant de son quart de travail dans son bureau. À environ 5 h, le 20 novembre 2016, le fonctionnaire est entré dans son bureau afin de rendre son lecteur Deister. Selon elle, il l’a jeté sur le bureau, lui a lancé un regard noir et est parti. Après cette rencontre, elle a rédigé le deuxième RODA, qu’elle a en fait rédigé quand la GO lui a demandé, soit 10 jours plus tard environ, contrairement à ce qu’elle l’avait indiqué précédemment.

14        Mme McLean s’est sentie intimidée par le fonctionnaire pendant le quart de travail du soir du 19 novembre 2016, quoiqu’après leurs deux rencontres, ils ne se sont pas croisés de nouveau pendant le restant du quart de travail. C’était un homme grand à la voix puissante, dont l’expression faciale et la taille lui conféraient un pouvoir. Elle le croyait dangereux, même si elle avait aussi indiqué qu’il était amical. Elle n’aimait pas les interactions qu’elle avait avec lui ou avec M. Stewart. Le fonctionnaire l’a intimidée, ce que son syndicat appuyait, comme en témoignent les gestes posés par M. Stewart.

15        Mme Kanzig a indiqué dans son témoignage que dans le cadre de son examen trimestriel de l’utilisation des congés, Mme McLean lui avait fait part de certaines utilisations qu’il fallait gérer, selon elle, y compris celle que faisait le fonctionnaire. Mme Kanzig ne lui a pas ordonné de régler l’utilisation des congés par le fonctionnaire, mais elle la soutenait dans son rôle de GC qui communiquait avec un employé de niveau CX.

16        Après avoir lui les courriels que Mme McLean lui avait acheminés, Mme Kanzig lui a dit d’organiser une réunion officielle avec le fonctionnaire. Mme Kanzig a appris que la réunion avait été organisée uniquement au moment où elle a entendu le message vocal de Mme McLean, pendant qu’elle assistait à une partie de hockey. Après la fin de la partie, elle a téléphoné à Mme McLean, qui semblait troublée. Mme Kanzig a lu le courriel après l’appel. Mme McLean l’informait que la réunion avait été très émotive et qu’on lui avait manqué de respect. Mme Kanzig s’inquiétait de l’état émotionnel dans lequel Mme McLean se trouvait.

17        Pendant l’appel, Mme Kanzig a décidé de se rendre à l’établissement et d’amorcer une mesure disciplinaire à l’égard du fonctionnaire pour les gestes qu’il avait posés ce soir-là. Une fois rendue, elle a discuté de ce qui s’était passé pendant la réunion avec Mme McLean pendant 60 à 80 minutes; par la suite, elle a émis l’avis d’audience disciplinaire (pièce 8, onglet 8). Selon ce qui était indiqué dans l’appel, Mme Kanzig croyait qu’elle disposait de suffisamment d’information pour prendre une mesure disciplinaire à l’égard du fonctionnaire, ce que ses discussions avec Mme McLean avaient confirmé.

18        En contre-interrogatoire, Mme Kanzig a nié s’être décidée à prendre une mesure disciplinaire à l’égard du fonctionnaire avant de lui avoir parlé. Elle a indiqué dans son témoignage qu’elle préférait la version des événements survenus pendant la réunion qu’avait faite Mme McLean, même si la version de M. Stewart corroborait celle du fonctionnaire. Mme Kanzig a préféré la version présentée par Mme McLean parce qu’elle s’était aussi sentie intimidée au cours de sa carrière. Quand elle a comparu, Mme Kanzig a nié être partiale à l’égard du fonctionnaire, même quand on l’a confrontée à l’enregistrement audio de l’audience disciplinaire qu’il a présenté (pièce 11), dans lequel elle affirme clairement être partiale. Elle a indiqué dans son témoignage que sa partialité ne s’était pas immiscée dans sa décision parce qu’elle est professionnelle.

19        Mme Kanzig a indiqué dans son témoignage qu’elle avait décidé d’organiser une audience disciplinaire uniquement après avoir parlé à Mme McLean après la partie de hockey. Dans le courriel qu’elle a envoyé à Mme McLean pendant la partie de hockey, Mme Kanzig a toutefois écrit qu’elle [traduction] « rédigerai[t] une lettre d’audience disciplinaire » à son arrivée au bureau, ce qui indique qu’elle avait déjà décidé de lancer un processus disciplinaire à l’égard du fonctionnaire.

20        L’audience disciplinaire a eu lieu le 6 décembre 2016. Le fonctionnaire et ses représentants syndicaux, M. Stewart et Warren Campbell, y assistaient. Le directeur adjoint de l’établissement était aussi présent. Le fonctionnaire a indiqué qu’il ne croyait pas que son courriel était irrespectueux, tout comme M. Stewart. Les deux s’entendaient sur le fait qu’aucun ton ne se dégageait de ce qui était écrit ou de la façon dont c’était écrit. Le fonctionnaire n’a pratiquement rien dit pendant l’audience disciplinaire. Selon Mme Kanzig, ce comportement en soi était irrespectueux. Il a avoué aux personnes présentes qu’il avait dit à Mme McLean qu’elle n’était pas respectée dans l’établissement, mais il a déclaré qu’il s’agissait d’un exposé des faits et non pas d’un manque de respect. Mme Kanzig a enregistré la réunion (pièce 12) et a préparé une transcription de ce qui en est ressorti (pièce 8, onglet 9).

21        La mesure disciplinaire ne se fondait pas uniquement sur les événements survenus pendant la réunion; elle se fondait aussi sur les échanges de courriels entre le fonctionnaire et Mme McLean et sur le DVD qu’il avait laissé sur son bureau, qu’il avait laissé à cet endroit, selon ce que Mme Kanzig avait indiqué croire dans son témoignage, sans pouvoir le prouver. L’audience disciplinaire était complète et équitable, et tous les facteurs, y compris les RODA, ont été pris en considération au moment d’imposer la mesure disciplinaire. Mme Kanzig n’a pas présenté les RODA au fonctionnaire ou à ses représentants syndicaux, même si, de son propre aveu, elle savait qu’elle était tenue de présenter les documents qui seraient utilisés dans le processus disciplinaire au fonctionnaire, conformément à la convention collective. Elle a indiqué dans son témoignage qu’il ne s’agissait que d’une erreur.

22        Pendant l’audience disciplinaire, Mme Kanzig a témoigné qu’elle était très émotive et frustrée. Elle a senti que les représentants syndicaux manquaient de respect à son égard et qu’ils la discréditaient. Elle a avoué avoir formulé des commentaires sarcastiques, mais elle a témoigné qu’elle n’avait pas l’intention de leur manquer de respect, ni à eux ni au fonctionnaire.

23        Quand on lui a demandé si un CX avait le droit de citer la politique à un GC, Mme Kanzig a témoigné qu’il le pouvait, à condition de le faire avec respect et de manière à ne pas ignorer l’autorité du GC.

24        Pour arriver à sa conclusion quant à savoir si une mesure disciplinaire s’imposait, Mme Kanzig a tenu compte de la détérioration évidente des communications et du manque de responsabilisation du fonctionnaire ou de la compréhension de sa responsabilité dans l’interaction négative avec Mme McLean. Elle s’est demandé quel niveau de mesure disciplinaire elle devait imposer pour garantir que la mesure était corrective. Elle a conclu qu’une réprimande verbale ou écrite ne suffisait pas à transmettre le message selon lequel il devait mettre fin à son manque de civisme et à sa « micro-agression ». Mme Kanzig a pris en considération les renseignements indiqués dans les RODA rédigés par Mme McLean et les commentaires du fonctionnaire, qu’il a justifiés en affirmant qu’elle avait formulé des commentaires semblables. Le fait qu’il tente de justifier ses commentaires en les comparant à ceux formulés par Mme McLean a eu une incidence considérable sur la mesure disciplinaire imposée.

25        Dans sa lettre d’offre (pièce 8, onglet 1), il est indiqué que le fonctionnaire doit se conformer au Code de discipline de l’employeur (DC-060) (pièce 8, onglet 4), aux Règles de conduite professionnelle de l’employeur (pièce 8, onglet 2) et au Code (pièce 8, onglet 3). Dans tous ces documents, il est tenu de faire preuve de respect à l’égard des personnes dans le milieu de travail. Mme Kanzig a aussi tenu compte de l’incidence sur Mme McLean à un niveau personnel du fait qu’on lui avait dit qu’elle n’était pas respectée. Mme Kanzig a indiqué dans son témoignage qu’en tant que femme, elle comprenait le sentiment de Mme McLean quant au fait de rencontrer un groupe d’hommes forts.

26        Mme Kanzig a organisé une réunion avec le fonctionnaire et ses représentants syndicaux afin de leur présenter sa décision sur la mesure disciplinaire imposée. Quand il a reçu la lettre de réprimande, le fonctionnaire a souri d’un air satisfait, s’est levé et est parti. Même à ce moment, il n’a aucunement montré qu’il était responsable de ses actes, selon Mme Kanzig. La suspension d’une journée sans traitement imposée au départ a par la suite été remplacée par une sanction pécuniaire d’une journée.

27        Le fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’il n’avait pas l’intention de manquer de respect dans sa correspondance avec Mme McLean. Il tentait de transmettre de l’information dont il n’était pas certain qu’elle était au courant puisqu’elle était une nouvelle employée à l’établissement. Le langage qu’il a utilisé dans les courriels (pièce 8, onglet 5) était clair et à propos. Les courriels ne visaient qu’à transmettre de l’information, et non pas à manquer de respect. Son invitation à la réunion semblait ouverte et il croyait avoir le droit de refuser d’y participer. Le fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’il avait refusé d’y participer au départ parce que Mme McLean ne lui disait pas pourquoi il était invité. Elle n’avait pas relevé un schéma discutable dans l’utilisation de ses congés de maladie. En renvoyant au PNGP dans le titre de son courriel, Mme McLean était agressive; l’invitation semblait de nature disciplinaire, vu le ton qu’elle utilisait. Le fonctionnaire s’est donc placé en mode de conservation de soi, selon sa preuve.

28        Le fonctionnaire a rencontré M. Stewart avant la réunion. Ils se sont mis d’accord sur le fait que M. Stewart parlerait au nom du fonctionnaire. Pendant la réunion, le fonctionnaire a témoigné s’être assis, les mains croisées et le regard fixé vers l’avant.

29        Mme McLean a indiqué dans son témoignage qu’au début de la réunion, elle a tenté de faire une blague, qui n’a pas été bien reçue. Selon elle, M. Stewart a par la suite pris le contrôle de la réunion et a demandé pourquoi le fonctionnaire était traité différemment des autres à l’établissement, particulièrement les GC, qui utilisent tous leurs congés de maladie avant de prendre leur retraite. Mme McLean a commencé à se disputer avec M. Stewart et à lui couper la parole, ce qui l’empêchait de parler. Le fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’il l’a interrompue calmement afin de lui dire qu’elle ne le laissait pas parler. En réponse, Mme McLean lui a jeté un [traduction] « regard sévère », selon sa preuve.

30        Selon le fonctionnaire, Mme McLean et M. Stewart ont continué à se « quereller ». Elle a ensuite demandé au fonctionnaire pourquoi il ne parlait pas en indiquant ce qui suit : [traduction] « Vous ne me respectez pas au point de ne pas me parler? » Le fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’il avait répondu qu’il ne la respectait pas. Il avait l’intention d’être honnête. Selon lui, chacune des interactions qu’elle avait eues avec lui était négative; elle était condescendante. Quand ils avaient des réunions sur la charge de travail, elle écrivait dans tous ses dossiers au stylo rouge. Selon le fonctionnaire, elle était toujours sur la défensive et elle avait une dent contre lui.

31        À la fin de la réunion, Mme McLean a dit au fonctionnaire qu’une autre réunion aurait lieu et que cette fois, la GO y participerait. Selon sa preuve, il s’est levé à ce moment, lui a dit qu’il ne la rencontrerait pas sans la présence de son représentant syndical et que toutes les demandes de réunion devraient lui être présentées par écrit sur papier et il est parti. Il a indiqué dans son témoignage avoir fait ces demandes parce qu’il s’agissait de la façon la plus sécuritaire d’interagir avec Mme McLean.

32        Aucune enquête disciplinaire n’a eu lieu, comme c’est le cas dans le processus habituel de l’employeur, selon le fonctionnaire. Mme Kanzig est directement passée à l’audience disciplinaire, même si elle lui avait dit qu’une enquête disciplinaire aurait lieu. Personne ne lui a parlé des événements survenus ce jour-là avant l’audience disciplinaire, le 6 décembre 2016. On ne lui a remis aucun des documents que Mme Kanzig a pris en considération dans ses délibérations, ce qui allait à l’encontre de la convention collective.

33        Le fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’il ne croyait pas que ses courriels étaient abusifs ou irrespectueux. Il ne peut pas contrôler la réaction émotive de personne à des courriels. Il est allé droit au but à la réunion. Il n’a pas utilisé un ton abusif ou fort; il n’a pas juré ou fait des grimaces à Mme McLean. Il ne lui a pas fait des sourires suffisants. Il ne peut rien contre sa taille et le son de sa voix. Par contre, à l’instar de Mme Kanzig, Mme McLean est souvent sarcastique et condescendante, selon le fonctionnaire. Il ne sentait pas qu’il pouvait faire confiance à l’une ou l’autre. L’aveu de Mme Kanzig à l’audience disciplinaire selon lequel elle était partiale ne l’a pas surpris.

34        M. Stewart, le représentant du fonctionnaire à la réunion et à l’audience disciplinaire, a indiqué dans son témoignage que le fonctionnaire et lui s’étaient entendus sur le fait que c’est lui qui prendrait la parole pendant la réunion avec Mme McLean. Au début, Mme McLean a indiqué le rôle que M. Stewart jouait dans la réunion selon elle. Il l’a informée qu’il était ici pour représenter le fonctionnaire. M. Stewart avait l’intention d’établir que les règles régissant l’utilisation des congés de maladie étaient appliquées différemment à différentes personnes à l’établissement. Ceux qui se trouvaient dans une situation semblable à celle du fonctionnaire n’ont pas été invités à rencontrer la GC. Mme McLean lui a expliqué que Mme Kanzig avait cerné le schéma et qu’elle lui avait ordonné de rencontrer le fonctionnaire, ce qui ne correspondait pas à ce que l’on avait dit au fonctionnaire au départ.

35        Pendant cette discussion, le fonctionnaire est demeuré silencieux; il n’a fait que s’asseoir et écouter. Il avait un comportement normal et détendu, selon M. Stewart. Après cinq ou six minutes environ, Mme McLean s’est adressée directement au fonctionnaire. Elle lui a demandé s’il la respectait. Selon M. Stewart, le fonctionnaire a répondu directement qu’elle avait raison; il ne la respectait pas. Cette déclaration n’avait pas été faite sur un ton particulier ou agité, selon M. Stewart.

36        À l’audience disciplinaire du 6 décembre 2016, M. Stewart a tenté de présenter la véritable version des faits survenus entre le fonctionnaire et Mme McLean le 19 novembre 2016. Selon sa description, la réunion était cordiale, collégiale et respectueuse, mais Mme Kanzig ne souhaitait pas l’entendre. Elle a avoué être partiale à l’égard du fonctionnaire et rien ne la ferait changer d’idée.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

37        Ce cas porte sur la signification du respect au travail. Le fonctionnaire a été appelé à participer à une réunion afin de discuter de tendances dans son utilisation de congés et il a répondu de façon irrespectueuse. Il a aussi manqué de respect dans le cadre d’une réunion où il a répondu qu’il ne respectait pas sa GC quand on lui a demandé si tel était le cas. Un employé n’a pas le droit de dire des choses méchantes et blessantes, même si elles sont vraies. Le fonctionnaire n’a pas à aimer sa gestionnaire, mais il doit néanmoins la respecter. Il n’était pas approprié pour lui de dire à d’autres ce qu’il pensait de sa gestionnaire, s’il savait ou avait dû savoir qu’il disait des choses blessantes.

38        Le fonctionnaire a enfreint le Code et les politiques de l’employeur. Les faits ne sont pas contestés; ses courriels parlent d’eux-mêmes. Il ne s’agit pas du fait qu’il a cité la politique dans ces courriels, mais plutôt que cet agissement était offensant. Qui plus est, la sémantique visant à savoir si on l’obligeait à participer à une réunion ou si on l’invitait à le faire n’est pas pertinente. Il a refusé d’assister à une réunion avec sa gestionnaire, ce qui était irrespectueux.

39        Les questions soulevées par le représentant du fonctionnaire sur le PNGP et la crédibilité des témoins de l’employeur sont des faux-fuyants. Ce qu’il faut retenir, c’est que Mme McLean agissait en sa qualité de GC afin de parler avec le fonctionnaire de ses congés et il croyait que les gestes qu’il posait étaient justifiés parce qu’il éprouvait des problèmes avec la direction de l’établissement. Il affichait un manque d’appréciation complet à l’égard des répercussions de ses gestes. Il a soulevé en tant qu’autre faux-fuyant la question de savoir si Mme Kanzig était partiale. Aucune preuve ne soutient cette allégation, qui se veut une tentative pour lui de prendre la parole et de mettre l’accent sur elle plutôt que sur ses actes répréhensibles.

40        Le fonctionnaire n’a subi aucun préjudice; Mme Kanzig n’avait pas de préjugés à son égard. Il a eu l’occasion de raconter entièrement sa version de l’histoire. Même si elle a tiré des conclusions sur l’identité de la personne qui a laissé le DVD sur le bureau de Mme McLean, puisqu’elles ne font pas partie de ses considérations, cela ne signifiait pas qu’elle était incapable d’évaluer objectivement une mesure disciplinaire. Mme Kanzig voulait envoyer un message au fonctionnaire voulant que sa conduite fût inacceptable.

41        L’employeur est moins tolérant à l’égard d’une attaque commise par un employé quand elle vise un gestionnaire. De telles attaques nuisent à la capacité de l’employeur de gérer le milieu de travail. Il ne s’agit pas de savoir si le geste était répréhensible, mais plutôt de déterminer la sanction appropriée pour le punir. Selon l’ouvrage de Palmer et Snyder, Collective Agreement Arbitration in Canada, 5e édition, au paragraphe 11:53, le langage abusif à l’égard d’un superviseur constitue une insubordination. Le fonctionnaire dans ce cas n’a pas utilisé un langage vulgaire ou offensant, mais il a défié l’autorité et a affiché du mépris à l’égard de sa gestionnaire. Dans une organisation paramilitaire comme celle de l’employeur, le respect de la hiérarchie est primordial.

42        Dans Nowoselsky c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada), dossier de la CRTFP 166-02-14291 (19840724), [1984] C.R.T.F.P.C. no 120 (QL), l’arbitre de grief a établi le critère d’insubordination aux pages 8 et 9. En essence, l’employeur doit établir qu’une directive a été donnée, que cette directive a été communiquée clairement à l’employé, que la personne ayant donné la directive avait l’autorité requise pour le faire et que l’employé ne s’y est pas conformé. Dans Canadian Forest Products Limited, Chetwynd Sawmill Division v. IWA-Canada, Local 1-424 (1993), 36 L.A.C. (4e) 400, au paragraphe 11 (« Canadian Forest Products »), on indique que les propos injurieux à l’endroit d’un superviseur constituent une insubordination.

43        Quand un employé a contesté l’autorité de la direction à contrôler ses congés en affirmant que son superviseur n’avait aucune autorité pour vérifier ses congés, l’arbitre de différend dans Squamish Terminals Ltd. v. International Longshoremen Workers’ Union, Local 514 (1998), 72 L.A.C. (4e), aux paragraphes 5 à 8, a affirmé que l’insolence de l’employé contestait l’autorité de la direction.

44        Quand il n’y a aucun litige, comme c’est le cas en l’espèce, quant au fait de savoir si le fonctionnaire a mal traité une autre personne ou si son comportement est répréhensible, la seule question à trancher porte sur le caractère approprié de la sanction, selon l’ouvrage de Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition, au paragraphe 7:3430. Ce principe a été adopté en tant qu’approche dominante au Canada, selon Northwest Waste System Inc. v. Transport, Construction and General Employees’ Association, Local No. 66 (2007), 164 L.A.C. (4e) 311. En supposant que l’on puisse qualifier le langage ou le comportement de perturbateur ou que l’on puisse le définir comme insultant, insolant ou méprisant à l’égard de la direction, il serait justifié d’imposer une mesure disciplinaire mineure quelconque.

45        L’employeur a soutenu que la Commission a déterminé qu’une sanction pécuniaire d’une journée est mineure. Comme dans Lortie c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada),2016 CRTEFP 108, ce ne sont pas les mots utilisés par le fonctionnaire qui suscitent cette préoccupation particulière; ce sont plutôt le ton et l’intention derrière eux qui le sont. Le fonctionnaire en l’espèce a montré une série d’actes, par l’intermédiaire de ses courriels, où il contestait l’autorité de la GC et où il exprimait son opinion alors qu’il aurait dû être mieux avisé. Il a continuellement fait preuve de défiance à l’égard de l’autorité de la direction. Peu importe si ses croyances sont exactes; son comportement n’est pas justifié. (Voir Ferguson c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-02-26970 (19961028), [1996] C.R.T.F.P. 79 (QL).)

46        La déclaration que le fonctionnaire a faite pendant la réunion avec Mme McLean était pire qu’un refus d’assister à la réunion. Quand on lui a posé la question sur le respect, il aurait dû s’excuser et « faire le pied de grue ». S’il était préoccupé par le traitement à son égard, d’autres recours s’offraient à lui. Sa réponse était manifestement dommageable pour sa gestionnaire.

47        Si la Commission détermine qu’il était justifié de prendre une mesure disciplinaire, elle ne devrait pas tenter de la mettre au point. La Commission ne devrait pas intervenir, à moins que la mesure disciplinaire ne soit manifestement excessive. Il faut donc déterminer si la mesure disciplinaire était raisonnable.
(Voir Northwest Waste System Inc.) Il n’est pas nécessaire de déterminer si Mme Kanzig était prédisposée ou pas à rendre un verdict de culpabilité dans cette affaire, puisqu’il s’agissait d’une audience de novo. Il n’y a aucune preuve de partialité dans la détermination de la sanction.

48        La prise de mesures disciplinaires vise à établir un équilibre entre la correction d’un comportement et le maintien d’un semblant d’autorité avec les droits de l’employé. La question consiste à savoir si le fonctionnaire a eu droit à un processus équitable et s’il a pu expliquer sa version de l’histoire. Il n’y a aucune preuve selon laquelle il devait faire l’objet de mesures disciplinaires avant la fin de l’audience disciplinaire.

49        Au moment de se pencher sur le caractère approprié de la sanction, la Commission devrait tenir compte de l’absence complète de remords du fonctionnaire. En renversant la sanction qui lui a été imposée, la Commission cautionnerait son comportement.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

50        Il incombait à l’employeur d’établir, en présentant une preuve claire, solide et convaincante que les mesures disciplinaires étaient justifiées et qu’elles étaient raisonnables, le cas échéant. Les motifs à la mesure disciplinaire énoncés dans les lettres de discipline (pièce 8, onglets 10 et 11) portent sur la relation du fonctionnaire avec d’autres employés ainsi que sa conduite et son apparence. Aucune preuve de quelque sorte au sujet de son apparence n’a été présentée pour établir ce deuxième motif. Ce motif a été soulevé pour la première fois dans la lettre de discipline; il n’est pas indiqué dans l’avis d’audience disciplinaire.

51        Le seul motif qu’il reste à examiner est le manque de respect affiché par le fonctionnaire. Un arbitre de grief peut rejeter une sanction disciplinaire sans tirer de conclusions sur l’ensemble des allégations faites à l’égard du fonctionnaire (Lloyd c. Canada (procureur général), 2016 CAF 115, au paragraphe 23). Il faut examiner le caractère raisonnable de la sanction en fonction de l’ensemble des allégations, et non pas une seule à peine.

52        L’employeur a allégué que le fonctionnaire avait été injurieux à l’égard de Mme McLean. Elle a indiqué dans son témoignage qu’elle le percevait comme injurieux. Après avoir reçu le courriel où la politique était citée, ce qui, selon ce qu’elle a indiqué dans son témoignage, était injurieux, elle a consulté Mme Kanzig, qui lui a dit de répondre de la même façon en lui citant la politique. Mme Kanzig a indiqué dans son témoignage que le courriel du fonctionnaire dans lequel il citait la convention collective et la politique à un GC était irrespectueux. Selon la preuve présentée par Mme McLean et Mme Kanzig, il a cité correctement la convention collective et la politique de l’employeur dans le courriel en question. Seule Mme Kanzig a mentionné la politique sur le harcèlement.

53        Le fonctionnaire n’a jamais refusé d’assister à la réunion avec Mme McLean. Il y a une différence entre une invitation à une réunion et une convocation à une réunion. La preuve présentée par toutes les personnes présentes à l’audience était claire : c’est surtout M. Stewart qui a parlé. On ne peut tenir le fonctionnaire responsable de sa taille ou de la profondeur de sa voix. Il a permis à M. Stewart de le représenter à la réunion et il a parlé une seule fois, quand Mme McLean lui a demandé directement s’il la respectait. En vérité, elle était contrariée par le fait que M. Stewart ne soit pas intervenu entre elle et le fonctionnaire, qui étaient « dans le moment présent ». M. Stewart a permis à la situation de dégénérer jusqu’au point où les choses sont devenues personnelles entre le fonctionnaire et Mme McLean. La réunion n’a eu aucune répercussion professionnelle sur elle par la suite.

54        Il faut se pencher sur la crédibilité de Mme McLean et de Mme Kanzig. Mme McLean a répondu au courriel du fonctionnaire avec son propre courriel, qui correspondait en fait à une version copiée-collée de celui qu’elle avait reçu de Mme Kanzig. Mme Kanzig n’est pas demeurée objective tout au long du processus disciplinaire et elle a menti à deux reprises dans son témoignage. Lorsqu’on lui a demandé à quel moment elle avait décidé de tenir une audience disciplinaire, elle a affirmé qu’elle avait pris la décision après avoir rencontré Mme McLean. En vérité, toutefois, elle avait envoyé un courriel pendant la partie de hockey dans lequel elle indiquait qu’elle se rendrait au bureau pour lancer le processus de mesure disciplinaire. Elle a donc pris cette décision bien avant de rencontrer Mme McLean. Quand on lui a demandé si elle avait avoué être partiale pendant l’audience disciplinaire, elle a répondu par la négative. Toutefois, quand l’enregistrement de l’audience (pièce 11) a été diffusé, la preuve indiquait le contraire. Elle a tenté d’expliquer ce commentaire en indiquant qu’elle était partiale quant à l’identité de la personne qui avait placé le DVD sur le bureau de Mme McLean. En vérité, elle était partiale à l’égard du fonctionnaire et elle n’aurait pas dû participer à la décision sur la prise de mesures disciplinaires.

55        Comme dans Comeau c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTEFP 50, Mme Kanzig n’aurait pas dû avoir le droit de prendre des mesures disciplinaires à l’égard du fonctionnaire. Elle et la GC agissaient comme une seule et même personne. Elles éprouvaient la même crainte à l’égard des hommes imposants à la voix profonde de niveau CX et entretenaient un préjugé à l’égard du fonctionnaire. Mme Kanzig n’arrivait pas à expliquer pourquoi la version des événements survenus le 19 novembre 2016 présentée par Mme McLean était plus crédible que celles de M. Stewart et du fonctionnaire. La preuve soumise par M. Stewart corroborait la description de son attitude pendant la réunion et des événements survenus. Le fonctionnaire était coupable depuis le début aux yeux de Mme Kanzig. Dans l’avis d’audience rédigé le 19 novembre 2016, elle a indiqué que les gestes qu’il avait posés étaient « réputés » enfreindre le Code de discipline.

56        Il s’est avéré que Mme Kanzig n’était pas honnête. Dans la transcription qu’elle a préparée sur l’enregistrement de l’audience disciplinaire (pièce 8, onglet 9), on ne mentionne aucunement son aveu de partialité, comme il l’est dit dans l’enregistrement. L’honnêteté est au cœur du Code et des Règles de conduite professionnelle de l’employeur; Mme Kanzig n’a pas respecté ces normes. Le fonctionnaire a tenté de soulever des questions sur la gestion de Mme McLean, que Mme Kanzig a refusé de reconnaître. Elle a avoué avoir fait preuve de sarcasme à son égard pendant l’audience disciplinaire, mais, plus que cela, elle avait un ton condescendant.

57        Les RODA rédigés par Mme McLean sont suspects. Ils ont été soumis en retard, ce qui contrevient à la politique de l’employeur sur les RODA et aucune question n’a été posée. Contrairement à ce qu’il y est indiqué, le fonctionnaire n’a pas eu un comportement perturbateur pendant la réunion, ce que M. Stewart a corroboré. Il est possible que le commentaire formulé par le fonctionnaire n’était pas empreint de tact, mais il tentait de transmettre de l’information à Mme McLean que celle-ci ne voulait pas entendre. Les disparités dans les courriels soumis en tant que pièces et le témoignage de Mme McLean et les RODA devraient être interprétées en faveur du fonctionnaire.

58        La seule inconduite sur laquelle la Commission doit trancher est de savoir si le fonctionnaire a eu des propos ou des gestes injurieux. Le harcèlement est une allégation distincte en vertu du Code de conduite. Aucune allégation d’insubordination n’a été présentée à la Commission et, même s’il y en avait, le fonctionnaire n’a jamais eu l’intention de manquer de respect. Il voulait être honnête. S’il n’avait pas répondu à une question directe, il aurait eu des problèmes. Il s’agissait d’une situation sans issue pour lui. Le comportement qu’il avait sur la bande et pendant l’audience est le même que celui qu’il a eu pendant la réunion. Il est possible qu’il n’ait pas répondu avec diplomatie, mais le fait d’être désagréable et peu diplomate ne signifie pas la même chose qu’être injurieux, que le Oxford English Dictionary définit comme étant extrêmement offensant et insultant.

C. Réponse de l’employeur

59        Il faut lire la lettre disciplinaire dans son ensemble. Il n’y a aucune preuve directe que le discrédit a été jeté sur le service correctionnel, mais les gestes posés par le fonctionnaire en général l’ont discrédité. Ce cas porte sur le manque de respect à l’égard de l’autorité de la gestionnaire. Le fait de balancer la politique à la GC ne constituait qu’une partie du caractère offensant de ses courriels; le langage qu’il utilisait était aussi offensant. L’employeur a le droit de rencontrer ses employés et une telle demande ne constitue pas du harcèlement.

60        Les questions sur la crédibilité soulevées par le représentant du fonctionnaire ont été exagérées. Toute communication non-verbale entre les témoins de l’employeur pendant le témoignage de Mme Kanzig n’était que des gestes d’empathie.

61        La Commission doit déterminer si ce que le fonctionnaire a dit témoignait du respect à l’égard de sa gestionnaire. Dans la négative, il était justifié de prendre une mesure disciplinaire et la sanction imposée était raisonnable.

IV. Motifs

62        Le représentant du fonctionnaire a vu juste quand il a affirmé qu’il incombait à l’employeur de prouver, selon une preuve prépondérante claire, solide et convaincante, que le fonctionnaire avait commis les infractions alléguées et qu’en conséquence, la mesure disciplinaire imposée était justifiée et appropriée. Le représentant de l’employeur avait raison quand il a soutenu que la présente affaire constituait une audience de novo; selon moi, toutefois, il avait tort quand il a affirmé que toute partialité de la part de Mme Kanzig ou toute question sur la crédibilité de ses témoins n’avaient aucune conséquence sur mon examen. Contrairement à ce que l’avocat de l’employeur a fait valoir, les parties ne s’entendent pas sur le fait de savoir si le fonctionnaire a maltraité une autre personne ou sur le caractère répréhensible de son comportement. Il s’agit en fait du fond de la question.

63        Bon nombre des éléments présentés me font douter de la crédibilité de Mme Kanzig et de Mme McLean. La communication non-verbale entre elles était évidente pendant le témoignage de Mme Kanzig, y compris les hochements de tête et le contact visuel, auxquels le représentant du fonctionnaire s’est opposé en plus de la soumettre à un contre-interrogatoire. Cette observation, conjuguée à d’autres disparités dans sa preuve, me porte à conclure qu’elle n’était pas un témoin crédible. Parmi les disparités, notons des écarts entre son témoignage, où elle indique avoir décidé de tenir une audience disciplinaire uniquement à son retour au travail et après avoir parlé à Mme McLean, et la preuve documentaire dans son courriel envoyé de la partie de hockey, où elle a clairement indiqué qu’elle lancerait le processus de mesure disciplinaire. Son témoignage où elle affirme être impartiale à l’égard du fonctionnaire a également été contredit par l’enregistrement de l’audience, où elle avouait être partiale à l’égard du fonctionnaire.

64        Je rejette aussi la preuve présentée par Mme McLean, particulièrement les motifs qu’elle a invoqués pour justifier son retard à rédiger les RODA sur les événements survenus pendant le quart de travail de soir le 19 novembre 2016. Contrairement à la preuve qu’elle a présentée en contre-interrogatoire, les RODA ont été rédigés à la demande de Mme Kanzig, dix jours après les incidents en question et tout juste avant les réunions disciplinaires. Je crois que ces documents (pièce 8, onglets 6 et 7) ont été rédigés et présentés à la seule fin de soutenir les allégations d’inconduite à l’égard du fonctionnaire. Ils ne visaient pas véritablement à documenter un incident survenu au cours du quart de travail de soir le 19 novembre 2016; ils servaient plutôt à établir la version des faits de Mme McLean à utiliser dans le processus disciplinaire. Cela ne signifie pas pour autant que j’accepte la preuve présentée par le fonctionnaire sans hésiter. Je suis convaincue qu’il entendait contester son autorité dans ses courriels. Il est toutefois plus probable que sa version des événements survenus pendant la réunion avec Mme McLean et sa description de son attitude lors de cette réunion, que M. Stewart a corroborée, reflète véritablement les événements survenus ce soir-là.

65        L’arbitre de grief dans Robitaille c. Administrateur général (ministère des Transports), 2010 CRTFP 70, au paragraphe 287, a indiqué ce qui suit :

287 L’appréciation de la crédibilité d’un témoin ne relève pas d’une science exacte. L’enchevêtrement complexe des impressions qui se dégagent de l’observation et de l’audition des témoins amène nécessairement la conciliation des différentes versions des faits. Donner foi à un témoignage par rapport à un autre est une question de jugement […]

66        Et, comme il est indiqué au paragraphe 233 de Robitaille (en faisait référence à Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354) :

233 Pour évaluer la crédibilité d’un témoin, la personne qui entend la preuve ne doit pas se fier uniquement à l’impression laissée par le témoin, mais doit fonder son jugement sur un examen de la manière dont le témoignage donné s’inscrit dans l’ensemble de la preuve, compte tenu des autres témoignages, des faits établis, d’une probabilité raisonnable des événements et de son expérience des affaires humaines […]

67        En se penchant sur la preuve dans son ensemble, y compris les pièces et les enregistrements, la version de l’histoire du fonctionnaire semble plus vraie en raison de la probabilité des événements. Comme je l’ai mentionné précédemment, je suis convaincue qu’il entendait contester l’autorité de Mme McLean, qui voulait le rencontrer afin de discuter de son utilisation de congés à un moment où le PNGP faisait l’objet d’un litige dans le milieu de travail dans son ensemble (voir Bodnar c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 71). Je suis d’avis que le langage qu’il a utilisé dans son courriel n’était pas irrespectueux et certes pas injurieux. Il n’a pas monté d’un cran la guerre de mots; c’est plutôt Mme Kanzig, par l’intermédiaire de Mme McLean, qui l’a fait.

68        Qui plus est, Mme McLean a demandé directement au fonctionnaire s’il la respectait ou pas. Il ne fait aucun doute qu’il aurait dû refuser de répondre à la question, avec respect; de la même manière, toutefois, elle n’aurait pas dû poser une telle question si elle ne voulait pas entendre la réponse. Elle ne pouvait pas s’attendre à ce qu’il réponde de façon malhonnête et pas sincère, pour flatter son égo. La réponse n’avait une conséquence que sur leur relation de travail, qui a depuis été rompue puisqu’il ne relève plus d’elle.

69        Je ne suis pas d’accord avec l’avocat de l’employeur quand il a soutenu que le fonctionnaire devait faire preuve de respect à l’égard de Mme McLean. Sur le plan personnel, le respect se gagne; le fonctionnaire devait la respecter dans son poste de GC. Même s’il n’avait pas à lui témoigner du respect à l’échelle personnelle, il n’avait pas pour autant le pouvoir absolu de se comporter de manière délibérément impolie, offensante ou blessante. Il devait respecter son autorité en tant que GC. Quand il a reçu l’ordre d’assister à une réunion avec elle, il devait être présent et il s’y est présenté.

70        Pendant la réunion avec Mme McLean, le fonctionnaire était tenu de se comporter avec professionnalisme et quand elle lui a posé une question directe dans une réunion privée, il devait y répondre. Nous pouvons tous émettre des hypothèses sur les meilleures façons de répondre à cette question; toutefois, le fait de refuser d’y répondre aurait probablement été perçu comme de l’insubordination, vu la relation décrite dans la preuve. Comme M. Stewart l’a corroboré, la réponse présentée était factuelle et elle a été donnée avec une attitude calme et professionnelle. Il est possible que cette réponse ait été désagréable à entendre pour Mme McLean; je suis toutefois d’avis, vu l’ensemble des circonstances, qu’elle n’était pas injurieuse et qu’elle ne justifiait certainement pas la prise d’une mesure disciplinaire. Cela ne signifie pas pour autant qu’elle n’aurait pas justifié la prise de mesures disciplinaires dans une situation différente. Il faut trancher chaque affaire selon sa propre situation de fait.

71        L’avocat de l’employeur a consacré beaucoup de temps à soutenir que le fonctionnaire avait fait l’objet de mesures disciplinaires pour son insubordination. L’employeur est lié par les allégations présentées quand il lance le processus disciplinaire, selon le principe de justice naturelle. Il ne peut prendre de mesures disciplinaires à l’égard d’un employé pour une allégation à laquelle ce dernier n’a pas eu l’occasion de répondre, peu importe si l’on pouvait remédier à une telle violation en tenant une audience de novo devant la Commission.

72        Qui plus est, l’invitation à la réunion ne constituait pas une directive claire d’être présent et ne satisfaisait pas au critère établi dans Nowoselsky. Il n’y a pas eu de propos injurieux formulés à l’égard d’un gestionnaire, comme dans Canadian Forest Products. Le fait de citer la politique et de demander si un nouveau gestionnaire est au courant de la jurisprudence récente de la Commission sur l’utilisation des congés diffère des circonstances entourant Squamish Terminals Ltd., où l’employé avait pris durement position sur le fait que l’employeur n’avait aucun droit de remettre en doute ses congés. Même s’il avait pris une telle position, je ne conclurais pas que le fonctionnaire avait fait preuve d’insubordination vu ces circonstances dans leur ensemble. En ce qui concerne le sens manifeste de la lettre de discipline, il est évident que Mme Kanzig ne considérait l’insubordination que comme un facteur aggravant et non pas comme une allégation d’inconduite à l’égard du fonctionnaire.

73        Le fonctionnaire avait aussi une partie du blâme pour sa situation difficile, mais les gestes qu’il a posés se rapprochaient plus d’une question liée au rendement plutôt qu’à la discipline. Si j’ai tort, toute mesure disciplinaire imposée aurait dû l’être au niveau le plus bas selon moi et n’aurait pas dû comprendre une sanction pécuniaire ou une suspension d’une journée. Le comportement de Mme McLean et de Mme Kanzig, qui a contribué à aggraver la situation plutôt qu’à saisir l’occasion pour la désamorcer, les manquements au principe de justice naturelle par Mme Kanzig et sa partialité injustifiée, ainsi que celle de Mme McLean à l’égard du fonctionnaire en raison de sa taille et du timbre de sa voix me présentent une situation qu’une audience de novo, qui se penche uniquement sur la pénalité imposée, ne peut régler. Le processus disciplinaire dans son ensemble était vicié. En conséquence, la mesure disciplinaire doit être annulée.

74        Dans son grief, le fonctionnaire a demandé l’annulation de la mesure disciplinaire et un remboursement, ainsi que les rajustements à sa pension et au Régime de pensions du Canada (RPC). Il a aussi demandé à ce que toute mention de la mesure disciplinaire soit éliminée de ses dossiers et il a réclamé des dommages moraux et punitifs, à appliquer avec les intérêts juridiques. Aucune preuve n’a été produite cependant à l’appui de la réclamation en dommages.

75        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

76        Le grief est accueilli.

77        Le fonctionnaire recevra un montant qui correspond à la somme retenue en tant que sanction pécuniaire d’une journée et tous les rajustements connexes à sa pension et au RPC seront effectués.

78        L’employeur retirera tous les documents liés à la mesure disciplinaire du dossier du fonctionnaire.

79        La réclamation en dommages du fonctionnaire est rejetée.

80        Je demeurerai saisie des affaires découlant de la présente ordonnance pour une période de 120 jours à compter de la date de la présente décision.

Le 29 janvier 2018.

Traduction de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Margaret T.A. Shannon,
une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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