Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a déposé une plainte en vertu de l’article 187 et de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi ») contre la défenderesse, alléguant que cette dernière l’avait représentée de manière inéquitable en omettant de traiter son grief et de la représenter de manière appropriée lors du renvoi du grief à l’arbitrage et son rejet subséquent – la défenderesse s’est opposée à la plainte en faisant valoir que celle-ci n’a pas été déposée dans les 90 jours suivant les mesures ou les circonstances qui ont donné lieu à la plainte, comme l’exige le paragraphe 190(2) de la Loi – la Commission a conclu que les mesures ou les circonstances ont toutes eu lieu entre un an et plus de cinq ans avant la période de dépôt et que la plaignante en avait parfaitement eu connaissance à l’époque pertinente – si elle était convaincue que la défenderesse commettait un acte répréhensible lorsque les événements se sont produits, elle aurait dû déposer une plainte dans les 90 jours, soit un délai ferme qui ne peut être prolongé – quoi qu’il en soit, la Commission a conclu que les allégations de la plaignante auraient été insuffisantes pour établir que la défenderesse a violé l’article 187 de la Loi – le simple fait que la Commission rejette un grief ne constitue pas une preuve en soi qu’un représentant de l’agent négociateur a représenté injustement un fonctionnaire au sens de l’article 187 de la Loi – la plaignante semblait également prétendre que la défenderesse l’avait représentée de manière inéquitable en décidant de ne pas déposer une demande de contrôle judiciaire après le rejet de son grief – la correspondance entre les parties n’appuie pas une telle conclusion – la conseillère juridique de la défenderesse a dit à la plaignante qu’elle ne recommandait pas la présentation d’une demande de contrôle judiciaire, mais que la plaignante pouvait le faire par elle-même si elle le voulait – la plaignante ne s’est pas opposée à la décision de la défenderesse et n’a pas demandé à ce que cette décision fasse l’objet d’un nouvel examen.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20180320
  • Dossier:  561-02-796
  • Référence:  2018 CRTESPF 20

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

CHANTAL PAQUETTE

plaignante

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défenderesse

Répertorié
Paquette c. Alliance de la Fonction publique du Canada


Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique


Devant:
Nathalie Daigle, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour la plaignante :
Elle-même
Pour la défenderesse :
Kim Patenaude
Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 20 octobre et le 1er et le 10 novembre 2017.

MOTIFS DE DÉCISION

Introduction

1        Chantal Paquette (la « plaignante ») a déposé une plainte contre l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’ « AFPC » ou la « défenderesse »). La Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « Commission ») a reçu et estampillé la plainte le 12 mai 2016.

2        Le 25 mai 2016, la Commission a conclu que la plainte ne contenait pas suffisamment d’information pour lui permettre d’en établir la nature, et elle a demandé à la plaignante de lui fournir des renseignements supplémentaires, ce qu’elle a fait le 30 juin 2016.

3        Le 20 juillet 2016, la défenderesse a soulevé une objection quant à la compétence de la Commission d’entendre cette plainte. La défenderesse soutient que la plainte n’a pas été déposée dans le délai de quatre-vingt-dix jours prévu au paragraphe 190(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2).

4        La plaignante précise dans sa plainte qu’elle reproche à la défenderesse de ne pas s’être occupé de son cas entre octobre 2010 et juin 2012, et lors de l’audience devant la Commission, du 9 au 11 mars 2015. Elle fait ces reproches à la défenderesse suite au rejet de son grief le 22 mars 2016 par la Commission.

5        Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission pour qu’il devienne la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral. Le titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique est aussi devenu la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

6        La présente décision est fondée sur les arguments écrits des parties ainsi que sur la plainte initiale et la réponse y afférente. Les dates où les faits se sont produits ne sont pas contestées par les parties et la série de courriels que la plaignante a échangés avec l’agent négociateur à la suite de la décision de la Commission rejetant son grief en mars 2016 est au dossier. Dans les circonstances, les affirmations des parties et leurs documents écrits suffisent pour me permettre de trancher la question.

7        En l’espèce, il s’agit de déterminer si la Commission peut examiner les événements survenus entre octobre 2010 et juin 2012, en mars 2015 et à la suite de la décision de la Commission de rejeter le grief de la plaignante afin d’entendre la prétention de la plaignante que la défenderesse a agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi en la représentant.

8        Pour les raisons qui suivent, je conclus qu’en ce qui concerne les événements qui se sont produits entre octobre 2010 et juin 2012, et en mars 2015, la plainte n’a pas été déposée dans le délai de quatre-vingt-dix jours prescrit par la Loi. Je conclus également que le courriel du 14 avril 2016, que l’organisation syndicale a envoyé à la plaignante dans les quatre-vingt-dix jours précédant sa plainte, n’étaye pas un cas de représentation inéquitable.

Contexte

9        La plainte a été déposée le 12 mai 2016 en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi, qui se lit comme suit :

190 (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

10        L’article 185 de la Loi définit une pratique déloyale de travail comme étant tout ce qui est interdit par le paragraphe 186(1) ou (2), l’article 187 ou 188, ou le paragraphe 189(1) de la Loi. La plaignante allègue qu’il y a eu violation de l’article 187. Cet article prévoit ce qui suit :

187. Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

11        Dans une lettre du 20 juillet 2016, ainsi que lors de la conférence préparatoire à l’audience, la défenderesse a soulevé une objection préliminaire. Elle a affirmé que la plainte était irrecevable et qu’elle devait être rejetée de façon sommaire puisqu’elle n’avait pas été déposée dans le délai prévu au paragraphe 190(2) de la Loi, qui se lit comme suit :

190 (2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

12        Lors de la conférence préparatoire tenue le 13 octobre 2017, j’ai demandé aux parties de me soumettre des arguments écrits afin de préciser, premièrement, quels sont les faits reprochés à l’employeur et, deuxièmement, s’ils se sont produits dans le délai prescrit de quatre-vingt-dix jours. La Commission a reçu les arguments écrits des parties le 20 octobre et le 1er et le 10 novembre 2017. Les parties ont joint à leurs arguments la documentation échangée entre elles au fil des années.

Question en litige

13        Les gestes reprochés à la défenderesse se sont-ils produits dans le délai prévu au paragraphe 190(2) de la Loi et, si oui, étayent-ils un cas de représentation inéquitable?

Résumé des faits

14        La plaignante était une employée de la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Elle était agente de suspension du casier. Elle était aussi membre du Syndicat des employés du Solliciteur général, un élément de l’AFPC.

15        La plaignante allègue avoir subi du harcèlement au travail entre octobre 2010 et juin 2012.

16        Le 31 juillet 2012, la plaignante a présenté deux griefs individuels avec l’approbation de l’AFPC. Le premier grief contenait une allégation d’abus de pouvoir, et le deuxième grief contenait une allégation de violation de la convention collective en raison de harcèlement. L’employeur de la plaignante a rejeté les griefs.

17        Le 17 mai 2013, l’AFPC a renvoyé le grief concernant le harcèlement et portant sur la violation de la convention collective à l’arbitrage devant la Commission. La plaignante était représentée par un agent de l’AFPC dans le cadre du grief et lors de l’arbitrage.

18        La Commission a rendu sa décision le 22 mars 2016 (voir Paquette c. Conseil du Trésor (Commission des libérations conditionnelles du Canada, 2016 CRTEFP 25). Les principaux faits qui se dégagent de la décision sont que la plaignante était revenue en 2006 au travail à la suite d’un congé de maladie. Il ressort également de la décision que son horaire de travail avait été réduit et que sa charge de travail avait été allégée. Toutefois, la plaignante n’avait pas réussi à satisfaire aux exigences de travail. L’employeur avait alors demandé qu’elle se soumette à une évaluation médicale et à une évaluation ergonomique. La plaignante avait contesté la demande de l’employeur et elle avait allégué, dans le grief, que l’employeur avait contrevenu à la convention collective qui prévoit qu’il ne peut y avoir harcèlement à l’égard d’un employé du fait de son incapacité physique.

19        Dans sa décision du 22 mars 2016, la Commission a conclu que les gestes de l’employeur n’avaient pas créé un climat hostile qui portait atteinte à la dignité de la plaignante. La Commission a aussi conclu que l’employeur avait des motifs raisonnables et légitimes de demander une évaluation médicale de la plaignante. De plus, la Commission a conclu que l’objectif légitime de l’employeur était de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de la plaignante. Finalement, la Commission a noté qu’aucun élément de preuve ne suggérait un comportement malséant ou blessant de la part de l’employeur envers la plaignante.

20        Le 25 mars 2016, la plaignante a demandé de l’information à l’AFPC, afin de « porter appel » de la décision de la Commission. Le courriel de la plaignante à l’agent négociateur se lisait comme suit : « Suite à la décisions du 22 mars 2016 de mon dossier, je voudrais de l’information le plus rapidement possible, afin d’apporter appel sur cette décision » [Sic pour l’ensemble de la citation].

21        Le 14 avril 2016, une conseillère juridique de la Direction de la négociation collective de l’AFPC a fourni un avis juridique à la plaignante au sujet de sa demande. Dans son courriel, la conseillère juridique avisait la plaignante que la défenderesse ne recommandait pas de poursuivre une demande de contrôle judiciaire, mais que la plaignante pouvait choisir de procéder par elle-même si elle le souhaitait.

22        Il semble que la plaignante n’a pas déposé de demande de contrôle judiciaire. Plutôt, elle a déposé sa plainte contre l’AFPC pour le motif que cette dernière avait agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en la représentant, tel qu’énoncé à l’article 187 de la Loi.

Analyse

23        La défenderesse a soumis que la plainte devait être rejetée puisqu’elle n’avait pas été déposée dans le délai prévu au paragraphe 190(2) de la Loi. Elle a noté que la Loi stipule que les plaintes prévues au paragraphe 190(1) doivent être présentées dans le délai de quatre-vingt-dix jours suivant la date à laquelle le plaignant avait, ou aurait dû avoir, connaissance des faits y ayant donné lieu.

24        La défenderesse a ajouté que la Commission avait affirmé à maintes reprises le caractère obligatoire du paragraphe 190(2) de la Loi. II s’ensuit que la Commission n’a pas le pouvoir discrétionnaire de proroger ce délai. Elle a ajouté que la Commission avait seulement la compétence de déterminer la date à laquelle le délai de quatre-vingt-dix jours commençait, « […] ou en d’autres mots, la date à laquelle la plaignante a eu, ou aurait dû avoir connaissance des mesures ou des circonstances ayant donnant lieu à la plainte, ce qui est purement une question de faits » (Mohid c. Brossard, 2012 CRTFP 36, au par. 36).

25        La défenderesse a fait valoir que la Commission avait reçu la plainte le 12 mai 2016. D’après le paragraphe 190(2) de la Loi, cela signifie que la plainte doit porter sur des mesures ou des circonstances dont la plaignante a eu ou aurait dû avoir connaissance dans les quatre-vingt-dix jours précédents ou, dans ce cas-ci, à partir du 12 février 2016. Les mesures ou circonstances attribuables à la défenderesse qui se sont produites avant cette date, et dont la plaignante avait connaissance, ne peuvent faire l’objet de la présente plainte, car elles sont hors délai (voir Ennis c. Meunier-McKay et Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada, 2012 CRTFP 30, aux par. 29 et 30, et Perron c. Syndicat des douanes et de l’immigration, 2013 CRTFP 13, au par. 23).

26        La défenderesse a finalement fait valoir que les reproches de la plaignante contre l’AFPC concernent des événements qui se sont produits entre 2010 et 2012 et en mars 2015. Ils se sont donc produits avant la date du 12 février 2016.

27        La plaignante, quant à elle, a fait valoir le bien-fondé de sa plainte et de ses anciens griefs déposés avec l’approbation de la défenderesse. Elle est d’avis que la défenderesse ne l’a pas bien appuyée dans ses démarches qui l’opposaient à son employeur au sujet du harcèlement subi en milieu de travail entre octobre 2010 et juin 2012. Elle est également d’avis que la défenderesse a manqué à son obligation de l’aider à bien préparer son dossier de grief lors de l’audience devant la Commission, qui s’est tenue du 9 au 11 mars 2015, à Ottawa. Elle a ainsi fait valoir que la défenderesse avait omis de bien s’occuper de son cas et que le rejet de son grief par la Commission en est la preuve.

28        Elle a ajouté les précisions suivantes dans ses arguments écrits :

[…]

2. Dans ladite plainte, moi, plaignante, suggère qu’il y a eu un manquement au niveau de la façon dont la défenderesse a géré la situation. Je déclare que la défenderesse a omis de m’accompagner lors des démarches qui m’opposait à mon employeur au sujet du harcèlement subit sur mon lieu de travail entre octobre 2010 et juin 2012. J’allègue également que la dé enderesse a manqué à son obligation de m’aider à bien préparer mon dossier de grief lors de l’audience devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, qui s’est tenue du 9 au 11 mars 2015, à Ottawa.

3. Plus particulièrement, je confirme avoir communiqué plusieurs fois avec la défenderesse soit par appels téléphonique, des rencontres ainsi que par courriels entre les périodes de harcèlement mentionnées dans le point précédent, soit entre octobre 2010 et juin 2012. En revanche, le grief de mon syndicat a seulement été déposé le 31 juillet 2012. S’en est suivi mon arrêt de travail pour cause de maladie, au désespoir de ne plus pouvoir me présenter au bureau faute de mon syndicat, donc je payais les services.

4. Bien que la défenderesse soutienne que la plainte reçue par la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique le 12 mai 2016 n’ai pas été remis dans les délais prescrit par la Loi au paragraphe 190(2), je déclare que je ne pouvais savoir les mesures et les obligations reliés à la plainte avant le 12 février 2016, puisque aucun soutient ne m’a été offert et qu’on m’a laisser gérer seule la situation malgré les demandes qui ont été formulés pour faire appel à la décision de Maître Bertrand. À noter que tous m’ont ignoré, mais je payais pour les services du syndicat depuis 1989. J’ai toujours en ma possession toutes les preuves écrites, soit tous les courriels dans lesquels j’ai demandé de l’aide pour faire appel. Par conséquent, je soutiens que ma plainte a été ignoré, d’où la raison pour laquelle la plainte n’a pas été déposé dans le délais prescrit de 90 jours.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

29        Le paragraphe 190(2) de la Loi stipule que les plaintes prévues au paragraphe 190(1) doivent être présentées dans un délai de quatre-vingt-dix jours suivant la date à laquelle le plaignant avait, ou aurait dû avoir, connaissance des faits y ayant donné lieu.

30        Aucune disposition de la Loi n’autorise la Commission à proroger ce délai de quatre-vingt-dix jours. Ceci a été précisé au paragraphe 55 de Castonguay c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 78, qui se lit en partie comme suit :

[55] Le libellé de cette disposition revêt manifestement un caractère obligatoire en raison des mots « […] doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours […] ». Aucune autre disposition de la [Loi] n’habilite la Commission à proroger le délai prescrit par le paragraphe 190(2). […]

31        Il y a donc lieu, d’abord, de déterminer le moment où la plaignante a eu, ou aurait dû avoir, connaissance des circonstances qui ont donné lieu à sa plainte. Ensuite, il faut déterminer si elle a déposé sa plainte dans les quatre-vingt-dix jours suivant cette date. Il s’agit de questions factuelles.

32        La plaignante a déposé sa plainte le 12 mai 2016. Sa plainte doit donc découler de mesures ou de circonstances dont elle avait, ou aurait dû avoir connaissance à partir du 12 février 2016.

33        En premier lieu, en examinant les allégations de la plaignante, je constate que celles-ci portent essentiellement sur des faits ou omissions qui se sont produits bien avant le 12 février 2016. En effet, la plaignante reproche à la défenderesse de ne pas s’être bien occupée de son dossier entre octobre 2010 et juin 2012, et elle reproche à la défenderesse de ne pas l’avoir bien représentée lors de l’arbitrage de son grief en mars 2015.

34        De plus, il appert de la correspondance échangée entre les parties que la plaignante reprochait déjà à la défenderesse de ne pas lui offrir suffisamment de support dans son dossier en février 2012. La plaignante a également ajouté dans ses arguments écrits qu’elle soupçonnait fortement, à l’audience en mars 2015, que son grief serait rejeté à l’arbitrage. Elle était donc pleinement au courant des événements qui avaient donné lieu à sa plainte au moment où ces événements se sont produits entre 2012 à 2015.

35        Si la plaignante avait la certitude qu’un acte répréhensible contraire à l’article 187 était commis (un acte commis de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi), sa plainte devait être déposée dans les quatre-vingt-dix jours du moment où elle prenait connaissance de ces actes.

36        Le délai de quatre-vingt-dix jours est de rigueur et ne peut être prolongé par la Commission. Je comprends que la plaignante requérait l’approbation de son agent négociateur, en vertu du paragraphe 209(2) de la Loi, pour renvoyer son grief à l’arbitrage devant la Commission. Je comprends aussi qu’il peut être délicat, pour un plaignant, de se plaindre au sujet de sa représentation au même moment où il nécessite l’appui de son agent négociateur pour se faire entendre. Mais la Loi est claire et seul le législateur aurait le pouvoir de la modifier pour permettre à la Commission de proroger le délai.

37        De toute façon, j’estime que les allégations présentées par la plaignante n’auraient pas suffi à établir que la défenderesse a contrevenu à l’article 187 de la Loi. Dans ses arguments écrits, la plaignante a inscrit qu’elle « […] suggère qu’il y a eu un manquement au niveau de la façon dont la défenderesse a géré la situation […] » entre octobre 2010 et juin 2012, et en mars 2015. Selon elle, l’AFPC ne l’a pas bien accompagnée et adéquatement aidée dans ses démarches contre son employeur. C’est la raison pour laquelle la Commission aurait rejeté son grief.

38        L’article 187 ne vise pas nécessairement les déceptions, les désaccords et les attentes non satisfaites d’une personne. En l’espèce, la plaignante suggère que le syndicat a manqué à son devoir de juste représentation puisqu’elle n’est pas satisfaite de la représentation qu’elle a reçue. Cette représentation ne satisfaisait pas à ses attentes. Toutefois, l’objet de l’article 187 n’est pas de servir de redressement aux plaignants qui invoquent le manquement au devoir de représentation dès qu’ils ne sont pas satisfaits d’une décision ou d’un geste de l’organisation syndicale. Il vise la dénonciation de gestes répréhensibles sérieux. Or, la plaignante ne dénonce pas de gestes répréhensibles sérieux dans sa plainte. Le simple fait qu’un grief soit rejeté par la Commission ne constitue pas une preuve en soiqu’un représentant syndical a agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en représentant un fonctionnaire.

39        En deuxième lieu, je note que la plaignante semble aussi alléguer que la défenderesse a manqué à son devoir de représentation équitable étant donné sa décision datée du 14 avril 2016 de ne pas présenter une demande de contrôle judiciaire du jugement de la Commission daté du 22 mars 2016. Puisque la plainte a été déposée le 12 mai 2016, cette décision de la défenderesse datée du 14 avril 2016 constitue une mesure prise dans les quatre-vingt-dix jours précédant la plainte. Il est donc opportun de voir si cette décision étaye un cas de représentation inéquitable.

40        Dans le courriel daté du 14 avril 2016, la conseillère juridique de la défenderesse avisait la plaignante que la défenderesse ne recommandait pas de poursuivre une demande de contrôle judiciaire, mais que la plaignante pouvait choisir de procéder par elle-même si elle le souhaitait. La correspondance indiquait également que la question de présenter ou non une demande de contrôle judiciaire avait fait l’objet d’un examen sérieux et de bonne foi. Une analyse juridique approfondie était au même moment transmise à la plaignante.

41        Je conclus que la communication du 14 avril 2016 n’étaye pas un cas de représentation inéquitable. Il est clairement établi qu’une grande latitude est accordée aux agents négociateurs en matière de représentation. Tel que noté dans Nkwazi c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2015 CRTEFP 93 au paragraphe 34 :

Depuis Gagnon [Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, [1984] 1 R.C.S. 509, à la page 527], la CRTEFP et les autres commissions de travail ont rendu de nombreuses décisions relativement au devoir de représentation équitable. Le seuil pour établir un manquement à ce devoir est élevé et il est rare que le bien-fondé de telles plaintes soit démontré. Tel qu’il est énoncé dans Manella c. Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 128, au paragr. 38 :

[38] Les cas cités s’accordent avec le principe général qui se dégage de la jurisprudence sur le devoir de représentation équitable, à savoir qu’il faut accorder une très grande latitude aux agents négociateurs en matière de représentation. La barre pour faire la preuve d’une conduite arbitraire – ou discriminatoire ou de mauvaise foi – est placée très haut à dessein.

42        La décision de la défenderesse de ne pas présenter une demande de contrôle judiciaire n’illustre donc pas une conduite arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi. En plus, la plaignante ne s’est pas opposée à cette décision et n’a pas demandé à la défenderesse de reconsidérer sa décision.

43        Dans les circonstances, l’allégation de la plaignante n’étaye pas un cas de représentation inéquitable.

44        Par conséquent, je conclus qu’en ce qui concerne les événements qui se sont produits entre octobre 2010 et juin 2012, et en mars 2015, la plainte n’a pas été déposée dans le délai de quatre-vingt-dix jours prescrit par la Loi. Je conclus également que le courriel du 14 avril 2016, que l’organisation syndicale a envoyé à la plaignante dans les quatre-vingt-dix jours précédant sa plainte, n’étaye pas un cas de représentation inéquitable.

45        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

46        La plainte est rejetée.

Le 20 mars 2018.

Nathalie Daigle,
une formation de la Commission
des relations de travail et de l’emploi
dans le secteur public fédéral

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