Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a présenté une plainte d’abus de pouvoir concernant le choix d’un processus de nomination non annoncé – la plainte a été entendue par téléconférence et le plaignant n’y a pas participé – le plaignant n’a pas communiqué avec le greffe de la Commission pour l’informer d’un problème quant à sa participation ou pour demander l’ajournement de l’audience – le défendeur a déposé une requête demandant le rejet de la plainte – il a soutenu que la plainte devait être rejetée pour abandon et, subsidiairement, il a soutenu que le plaignant n’avait pas présenté de preuve à l’appui de ses allégations – la Commission a accueilli la demande du défendeur et a rejeté la plainte pour les motifs d’abandon et d’absence d’éléments de preuve – la Commission a indiqué que le plaignant n’avait pas pris de mesures raisonnables pour se renseigner sur l’état d’avancement de la plainte qu’il avait présentée et ne l’avait pas informée de tout changement à ses coordonnées – il n’a pas communiqué avec la Commission depuis août 2017 – il a fait preuve d’un manque d’intérêt quant à la poursuite de sa plainte – la Commission a fait suffisamment de tentatives pour communiquer avec lui, mais il n’a pas répondu ou accusé réception des communications – la Commission est d’avis que le comportement du plaignant reflète le comportement de quelqu’un qui a abandonné sa plainte – la Commission a également conclu qu’il n’a pas présenté d’éléments de preuve à l’appui de ses allégations.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20180427
  • Dossier:  EMP-2015-9871
  • Référence:  2018 CRTESPF 37

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

TIM PATWELL

plaignant

et

SOUS-MINISTRE DE L’EMPLOI ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL

défendeur

et

AUTRES PARTIES

Répertorié
Patwell c. sous-ministre de l’Emploi et du Développement social


Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir aux termes de l’alinéa 77(1)b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique


Devant:
Nathalie Daigle, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le plaignant:
Lui-même
Pour le défendeur:
Lisa Bambrick, parajuriste, Services juridiques du Conseil du Trésor
Pour la commission de la fonction publique:
Louise Bard, analyste principale (au moyen d’observations écrites)
Affaire entendue à Ottawa, (Ontario)
le 19 janvier 2018 (par téléconférence).
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Introduction

1        Tim Patwell, le plaignant, a déposé une plainte d’abus de pouvoir contre le défendeur, le sous-ministre de l’Emploi et du Développement social. La plainte porte sur le choix d’un processus de nomination non annoncé pour un poste d’agent des prestations, classifié au groupe et au niveau PM-02. Dans ses allégations, le plaignant a exprimé des préoccupations en ce qui concerne l’équité, l’accessibilité et la transparence.

2        Le défendeur a nié la présence d’abus de pouvoir. Il a affirmé que la personne nommée avait été pleinement évaluée, qu’elle possédait les qualifications du poste et qu’elle répondait au critère de la bonne personne. Il a également fait valoir que la nomination respectait les politiques et la législation applicables.

3        La Commission de la fonction publique n’était pas présente à l’audience. Elle a toutefois soumis des observations écrites sur ses politiques et lignes directrices pertinentes. Elle n’a pas pris position sur le bien-fondé de la plainte.

4        La plainte a été entendue par téléconférence le 19 janvier 2018, à 9 h 30. Seul le défendeur y a participé. Dès le départ, le défendeur a soutenu que la plainte devait être rejetée pour abandon. Subsidiairement, il a demandé que la plainte soit rejetée au motif que le plaignant ne s’est pas acquitté du fardeau de démontrer la présence d’abus de pouvoir dans le choix du processus.

5        Lors de la téléconférence, la Commission a accueilli la demande du défendeur et a rejeté la plainte pour les motifs mentionnés ci-dessous. La présente constitue les motifs de cette décision.

6        Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique pour qu’il devienne, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») et Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral.

II. Contexte

A. Événements antérieurs à l’audience

7        Un « avis d’audience » a été envoyé aux parties le 9 août 2017. L’audience était prévue les 4 et 5 octobre 2017.

8        Un avis de conférence préparatoire à l’audience a été envoyé par courriel aux parties le 11 août 2017. La conférence était prévue le 16 août 2017. Lorsque le greffe de la Commission a reçu une réponse du service d’hébergement de courriel du plaignant indiquant que le message ne pouvait être rendu à son destinataire, il a envoyé une version papier de l’avis à l’adresse professionnelle indiquée sur le formulaire de plainte en utilisant le service de poste prioritaire. La confirmation de livraison indique que le colis a été livré le 14 août 2017; toutefois, le plaignant n’était pas le signataire.

9        La conférence préparatoire à l’audience a été reportée, car le plaignant ne s’y est pas présenté et n’a pas informé la Commission et les autres parties de son absence et de la nécessité d’obtenir un ajournement.

10        Le 18 août 2017, la Commission a envoyé un avis aux parties indiquant que la conférence préparatoire à l’audience était reportée au 13 septembre 2017. La Commission a également envoyé une lettre au plaignant lui demandant de mettre à jour ses coordonnées le plus rapidement possible. Dans la lettre, la Commission demandait également au plaignant de confirmer sa participation à la conférence préparatoire à l’audience, au plus tard le 1er septembre 2017. Le plaignant a été avisé qu’en l’absence de réponse de sa part, la conférence préparatoire à l’audience serait annulée et que l’audience se poursuivrait comme prévu. L’avis a été envoyé à l’adresse courriel professionnelle du plaignant ainsi qu’à son adresse courriel personnelle, qu’il avait utilisée dans plusieurs communications antérieures au cours du processus d’audience.

11        Le plaignant n’a jamais répondu. La conférence préparatoire à l’audience a été annulée.

12        Le défendeur a déposé une requête le 18 septembre 2017 demandant le rejet de la plainte pour abandon ou, subsidiairement, la tenue de l’audience par téléconférence.

13        Le 26 septembre 2017, la Commission a reporté l’audience. Elle a aussi constaté que le plaignant avait utilisé une adresse courriel différente dans d’autres dossiers de celles indiquées dans la présente plainte. Par conséquent, la Commission a envoyé la requête du défendeur et la correspondance qui été ajoutée au dossier depuis le 9 août 2017 à cette autre adresse courriel. La Commission a demandé au plaignant de répondre à la requête du défendeur et d’indiquer, au plus tard le 17 octobre 2017, s’il voulait donner suite à sa plainte et, le cas échéant, comment il souhaitait procéder. La Commission lui a aussi demandé quelle adresse courriel devait être utilisée pour communiquer avec lui.

14        Le plaignant n’a jamais répondu à la Commission.

15        Le 16 novembre 2017, la Commission a émis une lettre de décision indiquant que l’audience était reportée et qu’elle aurait lieu par téléconférence le 19 janvier 2018. La Commission a réitéré que l’audience pourrait avoir lieu malgré l’absence de toute partie et qu’une partie devait aviser la Commission en temps opportun si elle ne pouvait être présente à l’audience.

16        La Commission a envoyé un avis d’audience modifié le 21 novembre 2017, indiquant que l’audience débuterait le 19 janvier 2018, à 9 h 30, par téléconférence. La Commission a de nouveau informé les parties que l’audience pourrait avoir lieu malgré l’absence d’une partie. La Commission a émis un avis de lieu d’audience le 19 décembre 2017, confirmant la date et l’heure de l’audience.

17        Ni la Commission ni le greffe n’a reçu de correspondance de la part du plaignant depuis le 9 août 2017. Le greffe a communiqué avec lui au moyen des adresses courriel connues, sans succès. Le plaignant n’a informé la Commission d’aucun changement à ses coordonnées.

18        Enfin, la Commission souligne que le défendeur a tenté de communiquer avec le plaignant à de nombreuses reprises, en utilisant les deux adresses courriel connues et le numéro de téléphone indiqué dans sa plainte, sans succès.

B. L’audience

19        Le 19 janvier 2018, l’audience a débuté à l’heure prévue, soit à 9 h 30, par téléconférence. Seul le défendeur était présent, bien que le plaignant ait été avisé de manière appropriée de la tenue de l’audience. Le greffe n’a reçu aucune correspondance du plaignant l’informant d’un problème quant à sa participation ou demandant l’ajournement de l’audience.

20        Comme elle était convaincue que l’avis d’audience avait bien été envoyé au plaignant, la Commission a décidé de tenir l’audience conformément à l’article 29 du Règlement concernant les plaintes relatives à la dotation dans la fonction publique, DORS/2006-6 (le « Règlement »).

21        Au début de l’audience, le défendeur a présenté une requête demandant le rejet de la plainte. Il a fait valoir que la Commission devait considérer la plainte comme ayant été abandonnée étant donné l’absence de communication du plaignant avec le greffe, la Commission et le défendeur, et étant donné qu’il n’avait pas informé la Commission de tout changement à ses coordonnées, comme les événements antérieurs à l’audience l’ont démontré.

22        Subsidiairement, le défendeur a soutenu que le fardeau de démontrer la présence d’abus de pouvoir incombait au plaignant. En ne participant pas à l’audience, le plaignant n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de ses allégations et, par conséquent, il n’a pas été en mesure de s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombait.

23        Lors de l’audience, la Commission a accueilli la requête du défendeur et a rejeté la plainte du plaignant.

III. Motifs

24        L’article 29 du Règlement prévoit que, si une partie omet de comparaître à l’audience la Commission peut, si elle est convaincue que l’avis d’audience a bien été donné, tenir l’audience et statuer sur la plainte sans autre avis.

25        En l’espèce, il ne fait aucun doute que le plaignant a été avisé de la date, de l’heure et de l’endroit de l’audience de manière appropriée et qu’il ne s’est pas présenté. Il a également été informé des conséquences de son absence. À la lumière de ce qui précède, la Commission a décidé de tenir l’audience et d’entendre la requête du défendeur visant le rejet de la demande pour abandon ou au motif que le plaignant ne s’était pas acquitté du fardeau de démontrer la présence d’un abus de pouvoir.

26        À l’appui de sa requête visant le rejet de la demande pour abandon, le défendeur a renvoyé à deux décisions de la Commission des relations de travail dans la fonction publique dans un contexte de relations de travail. Bien qu’elles tirent leur origine d’un contexte de relations de travail, la Commission est d’avis qu’elles sont également applicables et pertinentes à l’affaire en l’espèce.

27        Dans Tshibangu c. Administrateur général (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2011 CRTFP 143, l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») a indiqué qu’une partie qui omet de communiquer avec la Commission dans le cadre d’une affaire démontre un manque d’intérêt dans la poursuite de son cas. De même, dans Smid c. Administrateur général (Service administratif des tribunaux judiciaires), 2014 CRTFP 24, la Commission a conclu qu’une partie doit prendre des mesures raisonnables pour se renseigner sur l’état d’avancement du grief qu’elle a présenté et informer la Commission de tout changement à ses coordonnées.

28        En l’espèce, le plaignant n’a pas pris de mesures raisonnables pour se renseigner sur l’état d’avancement de la plainte qu’il a présenté et n’a pas informé la Commission de tout changement à ses coordonnées. Le plaignant n’a pas communiqué avec la Commission, son greffe ou le défendeur depuis le 9 août 2017.

29        De plus, le plaignant a fait preuve d’un manque d’intérêt quant à la poursuite de sa plainte. La Commission souligne avoir fait suffisamment de tentatives pour communiquer avec lui, mais le plaignant n’a pas répondu ou accusé réception des communications. Par ailleurs, il ne s’est présenté ni aux conférences préparatoires ni à l’audience.

30        Il est nécessaire de souligner que la Commission peut seulement agir sur la foi des renseignements que les plaignants lui fournissent. En l’espèce, la Commission et son greffe ont envoyé au plaignant de nombreuses communications par voie électronique. Ils ont également envoyé une copie papier de l’avis de conférence préparatoire par poste prioritaire à l’adresse professionnelle du plaignant. Le défendeur a également tenté de communiquer avec le plaignant par téléphone. Malgré tout, le plaignant n’a pas répondu et n’a pris aucune mesure raisonnable pour se renseigner sur l’état du processus de plainte, pas plus qu’il n’a informé la Commission de ses nouvelles coordonnées. Toutefois, il connaissait l’adresse postale, le numéro de téléphone et l’adresse courriel de la Commission et avait précédemment communiqué avec cette dernière par courriel.

31        Par conséquent, la Commission est d’avis que le comportement du plaignant reflète le comportement de quelqu’un qui a abandonné sa plainte. L’absence de communication avec le greffe, la Commission et le défendeur et l’omission d’informer la Commission de tout changement à ses coordonnées, comme en font foi les événements précédant l’audience, combiné à son défaut de comparaître, sont suffisants pour constituer un abandon de sa plainte. L’intérêt public et une administration de la justice efficace privilégient la conclusion que la plainte soit traitée comme ayant été abandonnée.

32        Pour ces motifs, la Commission est d’avis que le plaignant a abandonné sa plainte.

33        Qui plus est, la Commission invoque une autre raison justifiant le rejet de la demande.

34        Dans une plainte liée à la dotation, le plaignant a le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, le bien-fondé des allégations d’abus de pouvoir qu’il invoque (voir Tibbs c. Canada (Défense nationale), 2006 TDFP 8, aux paragraphes 49 et 50). En l’espèce, le plaignant a soulevé des allégations sans toutefois présenter des éléments de preuve les étayant.

35        Un plaignant ne peut simplement s’appuyer sur des déclarations contenues dans une plainte ou sur des allégations pour établir la présence d’abus de pouvoir. Ces affirmations doivent être étayées par des éléments de preuve, sous la forme de témoignages, de faits ou de documents (voir Broughton c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux et al., 2007 TDFP 20, au paragraphe 50). Le défaut de présenter des éléments de preuve à l’appui d’allégations peut donner lieu au rejet de la plainte (voir Kerr c. Statisticien en chef du Canada de Statistique Canada, 2012 TDFP 1, et Sharma c. Administrateur en chef de la santé publique de l’Agence de la santé publique du Canada, 2011 TDFP 27).

36        Puisque le plaignant n’a pas présenté d’éléments de preuve à l’appui de ses allégations, sa plainte doit être rejetée. L’abus de pouvoir n’a pas été établi.

37        Pour terminer, les parties impliquées dans cette affaire ont dû y consacrer du temps et des ressources. Le plaignant aurait dû aviser la Commission en temps opportun s’il n’avait pas l’intention de poursuivre sa plainte. Ses agissements démontrent un manque de considération à l’égard de la Commission et des parties impliquées.

38        Sur la base de ce qui précède, la Commission accueille la requête du défendeur et rejette la plainte pour abandon et absence d’éléments de preuve.

39        Pour tous ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

40        La plainte est rejetée.

Le 27 avril 2018.

Traduction de la CRTESPF

Nathalie Daigle,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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